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    Plan détaillé Texte intégral Introduction Le cadre de la recherche Les JO de Vancouver 2010 : les principaux fournisseurs-commanditaires Analyse et discussion Conclusion

    Stratégies d’achat

    Ce livre est recensé par

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    Table des matières

    La relation client-fournisseur dans le contexte des grands événements sportifs

    Le cas des Jeux Olympiques

    p. 113-128

    Note de l’éditeur

    Le chapitre a précédemment été publié sous la forme d’un article co-rédigé par André Tchokogué, Marie-Pier Hébert, Jean Nollet et Laurence Beaulieu dans Logistique & Management, vol. 21, n° 1, 2013, p. 63-76. Il est reproduit avec l’aimable autorisation de la revue. © Taylor Francis Group. Tous droits réservés.

    Texte intégral Introduction Le cadre de la recherche Recension des écrits Méthodologie Les JO de Vancouver 2010 : les principaux fournisseurs-commanditaires Analyse et discussion Degré de dépendance caractérisant la relation client-fournisseur lors des GÉS Mécanismes de coordination Conclusion Tenir compte du degré de dépendance dans la relation client-fournisseur Considérer à la fois les avantages de la formalisation et la nécessité d’avoir des structures et des processus flexibles Limites de l’étude et recherches futures

    Texte intégral

    Introduction

    1En s’appuyant sur le cas des Jeux Olympiques de Vancouver en 2010, cette étude apporte un éclairage sur la nature des liens de dépendance entre un comité organisateur d’un grand événement sportif (GÉS) et ses fournisseurs. Plus spécifiquement, elle montre que le comité organisateur de chaque GÉS se retrouve généralement au centre d’un réseau de relations important (de par le nombre des fournisseurs-commanditaires et la nature des liens de dépendance de la relation client-fournisseur) et que pour pouvoir les gérer de manière efficace, les gestionnaires doivent mettre en œuvre les mécanismes de coordination appropriés. L’engouement des populations pour les grands événements sportifs (GÉS) est bien connu, entre autres si l’on se fie aux auditoires qui dépassent parfois les centaines de millions de personnes. C’est le cas par exemple pour la Coupe du monde de la FIFA, la Coupe d’Europe de Football et les Jeux Olympiques. En raison de l’attrait qu’ils exercent à l’échelle mondiale, ces GÉS sont considérés par de nombreuses entreprises comme une excellente vitrine pour faire la promotion de leurs marques, de leurs produits et/ou de leurs services.

    2Jusque dans les années 1970, les entreprises décidaient de commanditer des événements sportifs pour des motifs essentiellement philanthropiques (Copeland et al., 1996 ; Chappelet, 2002 ; Farrelly, 2010). Depuis lors, cette approche s’est modifiée, car la plupart des entreprises qui choisissent d’être commanditaires pour de tels événements visent notamment l’atteinte d’un certain niveau de rendement sur leur investissement (Miyazaki et Morgan, 2001 ; Söderman et Dolles, 2010). Farrelly (2010) souligne à ce sujet : « les commanditaires ont développé une expertise en planification, en formulation de stratégie et en établissement d’objectifs. Cette réalité se combine au fait qu’ils considèrent [de telles relations] comme d’importantes opportunités de collaboration, ce qui explique en partie pour quoi ils en ont de plus grandes attentes. » Par ailleurs, la nature et le degré d’implication des commanditaires dans l’organisation des GÉS semblent avoir évolué au fil du temps. Quelques études montrent que la plupart des entreprises qui s’impliquent maintenant dans ces GÉS sont à la fois fournisseurs et commanditaires (Chappelet, 2002 ; Farrelly, 2010 ; Tsiotsou, 2011).

    3Pour les comités organisateurs des GÉS, les enjeux sont dorénavant considérables. D’une part, les commandites ne sont plus offertes uniquement sous forme d’argent, mais en fait davantage sous forme de produits et/ou de services. Dans ce cas, les comités organisateurs sont tenus de ne pas s’approvisionner auprès d’un fournisseur autre que le commanditaire, et ce, pour les produits et/ou services offerts par le fournisseur-commanditaire. D’autre part, plusieurs fournisseurs-commanditaires sont souvent impliqués de manière quasi irréversible dans l’organisation des GÉS, et ce, dès la phase de mise en place des éléments structurels et infrastructurels. Autrement dit, les comités organisateurs de tels événements confient généralement à certains fournisseurs-commanditaires tant la mise en place que la mise en œuvre de certains processus-clés des GÉS. À titre d’exemple, on peut citer la conception, la mise en place et le pilotage des systèmes d’information et de communication, le transport et le logement, ainsi que le système de sécurité. Dès lors, on comprend la nécessité pour les comités organisateurs des GÉS de mettre en place des mécanismes de coordination pouvant leur permettre de s’assurer que les fournisseurs-commanditaires agissent conformément à leurs attentes.

    4Jusqu’à présent, des auteurs se sont intéressés soit à l’évolution des pratiques de commandites (Harris et Jenkins, 2001 ; Miyazaki et Morgan, 2001 ; Tsiotsou, 2011), soit à l’impact économique et touristique des GÉS sur les villes hôtes (Jago et al., 2010 ; Chengli et al., 2011). Par ailleurs, bien que la gouvernance des GÉS ait été un sujet relativement populaire dans la littérature managériale de la dernière décennie (Forster, 2006 ; Xing et Chalip, 2009), il apparaît que la thématique de la relation client-fournisseur dans le contexte des GÉS n’a pas encore été explorée. C’est ce qui justifie cette étude, qui vise à apporter des éléments de réponse à la question suivante : quels sont les mécanismes de coordination qui sont mis en œuvre entre les comités organisateurs des grands événements sportifs et les fournisseurs-commanditaires, compte tenu de leur situation de dépendance ?

    5Nous avons opté pour une approche méthodologique centrée sur une étude de cas. Plus spécifiquement, notre étude est basée sur le cas des JO d’hiver de Vancouver de 2010. Ce choix se justifie notamment par le fait que les JO sont considérés comme des parfaits exemples de ce que représentent les GÉS (Gratton et al., 2000 ; Emery, 2002 ; Scott, 2004).

    6Le chapitre est structuré en trois sections. La première précise le cadre théorique (recension des écrits) et empirique de l’étude (méthodologie), alors que la deuxième présente le cas des JO d’hiver de Vancouver de 2010, notamment du point de vue de la structure organisationnelle du comité organisateur mis en place et de ses relations avec les principaux fournisseurs-commanditaires. La troisième section porte sur l’analyse et la discussion du cas. La conclusion met en évidence les implications de cette étude pour les gestionnaires et suggère des pistes de recherches futures.

    Le cadre de la recherche

    7Les études montrent que chaque GÉS est orchestré par un comité organisateur qui, généralement, est une organisation à but non lucratif ayant une durée de vie limitée (Parent et Foreman, 2007 ; Xing et Chalip, 2009). Puisqu’il s’agit d’un contexte particulier où le cycle de vie de la relation client-fournisseur peut être très court, il est nécessaire de s’appuyer sur des écrits qui puissent permettre à la fois de caractériser les relations de partenariat qui y sont développées et d’analyser les mécanismes de coordination qui sont mis en œuvre. Pour ce faire, une recension des écrits portant sur les liens de dépendance et les mécanismes de coordination entre client et fournisseur en contexte d’échange inter-organisationnel (Grandori et Soda, 1995 ; Mohr et Spekman, 1994 ; Poppo et Zenger, 2002 ; Tinlot et Mothe, 2005), nous a permis de proposer un cadre d’analyse pour notre étude. Celui-ci est présenté dans la sous-section ci-après.

    Recension des écrits

    8Il est largement établi que le comité organisateur de tout GÉS est généralement constitué d’une multiplicité de services (logistique, marketing, sécurité, comptabilité, finances, ressources humaines, etc.). L’envergure de la structure organisationnelle mise en place en est souvent le reflet. Celle-ci traduit aussi la nécessité de la part de chaque comité organisateur de disposer des ressources devant lui permettre de négocier et de gérer différents types de relations de partenariat tant avec les fédérations sportives et les agences gouvernementales, qu’avec les collectivités locales, les entreprises locales, nationales et internationales (Jago et al., 2010 ; Emery, 2002). Un des principaux défis pour le comité organisateur est souvent lié à la nécessité de bien considérer les périodes pré et post-événement entre autres pour deux des décisions stratégiques, soit l’estimation des besoins et le choix des fournisseurs (Solberg et Preuss, 2007), ainsi que d’établir des plans de contingence aussi bien pour la période de déroulement des Jeux que de l’après Jeux (Ratnatunga et Muthaly, 2000).

    9Comme l’ont déjà souligné quelques auteurs, le contexte des GÉS est particulier, entre autres vu la grande implication des fournisseurs-commanditaires (Samitas et al., 2008). S’il est vrai que la commandite constitue une des principales sources de revenus pour de tels événements (Brown, 2000 ; Glynn, 2008 ; Soderman et Dolles, 2010), il est aussi à noter que l’implication des commanditaires ne se limite plus à une simple participation financière (Samitas et al., 2008 ; Glynn, 2008). Une étude réalisée par Copeland et al. (1996) montre qu’il existe trois principales formes de commandites pour un GÉS : le soutien financier classique, le soutien opérationnel, mais aussi la fourniture par le commanditaire des biens et services (qui, dans certains cas, ne relèvent pas nécessairement des sphères d’affaires habituelles du commanditaire).

    10Le comité organisateur de tout GÉS doit en conséquence savoir gérer ses liens de dépendance avec les différents types de partenaires. Ceci représente en soi un important défi pour le comité organisateur, puisque la durée d’existence et de fonctionnement de la relation entre le comité organiseur et ses différents partenaires est généralement courte. Il s’agit donc pour le comité organisateur de concevoir et de faire fonctionner des relations de partenariat durant l’organisation et le déroulement de l’événement. Le bon déroulement d’un GÉS dépend donc grandement de la capacité du comité organisateur à élaborer une stratégie d’approvisionnement appropriée et à veiller à mettre en place des mécanismes de coordination et de contrôle des relations avec les fournisseurs-commanditaires. En fait, ces mécanismes de coordination des flux entre partenaires correspondent à toute approche mise en place afin de favoriser une meilleure circulation des flux de biens, de ressources, d’informations et de connaissances entre les partenaires en présence, et ce, de manière à atteindre les objectifs visés (Lehoux et al., 2008).

    11Dans la littérature managériale, plusieurs travaux suggèrent de s’appuyer sur des modes de coordination pour aborder le fonctionnement des relations inter-organisationnelles, et plus spécifiquement des relations de partenariat (Grandori et Soda, 1995 ; Gardet et Mothe, 2010) ; la formalisation de l’échange, les garanties et la confiance sont quelques-uns des principaux modes de coordination (Brulhart et Favoreu, 2003 ; Gardet et Mothe, 2010). D’ailleurs, tout en reconnaissant que le choix des modes de coordination n’est pas dichotomique, différentes typologies distinguent les modes formels des modes informels, tandis que d’autres s’appuient surtout sur les différences entre modes transactionnels et modes relationnels. Autrement dit, pour assurer la cohérence de leurs actions, les partenaires de relations inter-organisationnelles peuvent recourir à la fois à des modes formels et informels, et combiner les modes transactionnels avec les modes relationnels (Poppo et Zenger, 2002 ; Gardet et Mothe, 2010).

    12Si on s’intéresse plus spécifiquement à la littérature portant sur la gestion intégrée mise en œuvre par des partenaires dans une chaîne logistique, deux principales typologies des mécanismes de coordination apparaissent particulièrement intéressantes pour notre étude et nous en discutons ci-après. À partir d’une recension des écrits exhaustive, Lehoux et al. (2008) ont identifié quatre mécanismes de coordination auxquels les partenaires en relation peuvent recourir : le partage de l’information, le recours à des approches collaboratives (par exemple la gestion partagée des achats), l’utilisation d’incitatifs (par exemple, le prix partenaire pour influencer l’acheteur, la politique de retour de marchandises pour coordonner les activités, ou encore la flexibilité de commande pour mieux utiliser l’information) et la négociation (par exemple, pour permettre la synchronisation des opérations).

    13Il semble que la formalisation constitue le principal mécanisme de coordination des flux de biens entre deux ou plusieurs entités liées par des relations d’interdépendance. Ce type de flux peut être géré de façon efficace à un niveau décentralisé au sein de l’organisation, à condition que des procédures et des systèmes solides soient clairement établis (Bartlett et Ghoshal, 1991). Par ailleurs, la coordination des flux d’informations et de connaissances peut être assurée par le développement de processus relationnels (Brulhart et Favoreu, 2003). Dans ce cas en particulier, il s’agit de coordonner des flux volumineux d’informations stratégiques et de connaissances détenus par chaque partenaire et qui sont nécessaires au bon fonctionnement de la relation client-fournisseur. Selon certains auteurs (Edström et Galbraith, 1977), la circulation des flux d’informations et de connaissances peut aussi être facilitée par un mécanisme qui est généralement désigné par l’expression « socialisation du personnel ». Celle-ci consiste à mettre en place un cadre relationnel visant à faciliter l’émergence d’une culture et d’une vision communes.

    14Autant la typologie présentée par Lehoux et al. (2008) donne-t-elle un portrait de ce qui est présenté dans la littérature comme « … le bon moyen de coordonner les décisions » des partenaires, de façon à générer le maximum de profit pour chacun d’eux, autant est-il important de différencier la façon dont les partenaires coordonnent les flux. Évidemment, il est nécessaire de tenir compte du degré de dépendance des partenaires pour comprendre la pertinence des mécanismes de coordination mis en œuvre. En effet, quelques études ont déjà établi que la situation de dépendance entre le client et le fournisseur est déterminée par de nombreux facteurs (Tinlot et Mothe, 2005 ; Gardet et Mothe, 2010). Au nombre de ceux-ci, trois nous apparaissent d’importance pour notre étude : la taille des partenaires ; les ressources et compétences ; et l’importance stratégique de la collaboration pour l’un et l’autre des partenaires en présence. Par exemple, un partenaire de plus grande taille dispose généralement d’un pouvoir supérieur dans la relation inter-organisationnelle (Olivier, 1990 ; Gardet et Mothe, 2010).

    15Autrement dit, un partenariat entre une entreprise de petite taille et un comité organisateur d’un GÉS peut mettre l’entreprise de petite taille dans une situation de dépendance, son implication dans le GÉS revêtant alors pour elle un caractère stratégique, d’où un déséquilibre des forces en sa défaveur. De plus, un comité organisateur d’un GÉS peut aussi être en situation de dépendance par rapport aux fournisseurs-commanditaires. Cette dépendance peut n’être que faible si le partenaire en question est assez facilement substituable, mais ce sera la situation contraire s’il n’y a pas d’autres entreprises susceptibles de proposer des offres intéressantes ou encore si le fournisseur-commanditaire a déjà effectué le type de travail requis pour des éditions antérieures de ce GÉS.

    16Le pouvoir de chacun des partenaires dans une relation client-fournisseur peut aussi dépendre des ressources qu’il apporte : financières, physiques, compétences, savoir-faire ou intangibles (réputation d’un partenaire, réseau de relations, etc.). Dans le contexte des GÉS en particulier, il semble qu’au moins deux éléments peuvent renforcer le pouvoir d’un fournisseur-commanditaire vis-à-vis du comité organisateur : le niveau de spécificité des actifs engagés et la valeur intrinsèque des ressources devant être mobilisées.

    17Ainsi, la relation client-fournisseur liant le comité organisateur d’un GÉS et chacune des différentes catégories de fournisseur-commanditaire peut être classée en fonction de deux axes : l’interdépendance forte (ou faible) entre client et fournisseur ; la dépendance asymétrique favorable au client (ou au fournisseur). Gardet et Mothe (2010) ont souligné que les mécanismes de coordination sont choisis en fonction du degré de dépendance des parties ; nous pensons qu’il en est de même pour le choix effectué par le comité organisateur et chacune des catégories de fournisseur-commanditaire. La Figure 1 propose donc un cadre d’analyse en mettant notamment en évidence les liens entre les principales considérations au centre de notre étude, soit les variables de dépendance, le degré de dépendance et les mécanismes de coordination.

    Figure 1. Notre cadre d’analyse

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    Méthodologie

    18Dans la mesure où notre recherche est de type exploratoire, l’étude de cas nous est apparue comme l’approche méthodologique pouvant nous permettre de recueillir de l’information approfondie sur le phénomène à l’étude (Fortin, 2006 ; Yin, 2009). Il convient d’ailleurs de souligner que la relation entre le comité organisateur des GÉS et les fournisseurs-commanditaires est un phénomène complexe au sens de Parent et Foreman (2007). En conséquence, une méthodologie basée sur l’étude de cas semble tout à fait appropriée.

    19Nous avons retenu un seul cas, soit celui des JO d’hiver de Vancouver de 2010. Bien qu’il existe une grande diversité de types de GÉS (Gratton, et al. 2000 ; Emery, 2002 ; Scott, 2004), plusieurs auteurs sont d’avis que les JO incarnent le mieux les grands événements sportifs (Andranovich et al., 2001 ; Masterman, 2004 ; Shilbury et Moore, 2006 ; Xing et Chalip, 2009 ; Tien et al., 2011). Comme plusieurs auteurs avant nous, notamment Gratton et al. (2000), Milton-Smith (2002) et Scott (2004), nous estimons que même si chaque JO représente des circonstances rares et uniques, les JO peuvent être considérés comme très représentatifs des GÉS amateurs. Nous avons donc opté pour les JO de Vancouver.

    20Lors des 21e Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de Vancouver de 2010, l’un des co-auteurs de cette étude avait pu obtenir des principaux responsables de l’organisation de ces Jeux, un accord qui lui donnait l’accès à la documentation et le droit de recueillir des informations auprès des personnes impliquées dans la gestion des relations avec les fournisseurs-commanditaires, et ce, pour fins d’étude et de publication. Outre le Comité Organisateur des Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver de 2010 à Vancouver (COVAN), nous avions retenu une unité d’analyse du côté fournisseur, soit la compagnie Bell Canada. Cette entreprise était le partenaire exclusif du COVAN en matière de services de télécommunication pour les Jeux Olympiques et Paralympiques.

    21En plus de la consultation de la documentation du COVAN, nous avons recueilli, à l’aide d’entrevues semi-structurées, des informations auprès de 7 personnes, dont 4 travaillant pour le compte du COVAN et 3 chez Bell Canada (voir Tableau 1). Nous avons interviewé les deux directeurs qui s’étaient succédé à la tête du service des achats pour des raisons évidentes : le premier avait participé à la mise en place du service, tandis que le second avait une meilleure connaissance des enjeux associés à la gestion des relations avec les fournisseurs-commanditaires. Aussi, afin de recueillir un point de vue plus opérationnel de la gestion des achats, un gestionnaire agissant sous la responsabilité du directeur du service des achats avait également été interviewé. Ces trois gestionnaires avaient de nombreuses années d’expérience en gestion des achats soit dans les entreprises publiques, soit dans les entreprises privées. Par ailleurs, le directeur d’un des services de logistique avait été interviewé. Celui-ci travaillait très étroitement avec le service des achats et avait de nombreuses années d’expérience dans le monde sportif, ayant entre autres participé à l’organisation des JO de Salt Lake City.

    Tableau 1. Échantillon des personnes interviewées

    Image

    Note : * Terme générique utilisé afin de respecter le désir des interviewés de ne pas divulguer leur titre

    22Du côté fournisseur, nous avons interviewé un directeur des achats chez Bell Canada et deux membres de la haute direction de cette entreprise. Ces derniers avaient été directement impliqués dans la mise en place et la gestion des relations de partenariat entre Bell Canada et le COVAN. L’un des deux, soit le responsable de la technologie, avait été un des gestionnaires clés de Bell Canada lors de l’élaboration de la soumission faite au COVAN ; l’autre, responsable du marketing, de la communication et des commandites, était un de ceux qui avaient préparé le dossier de commandite de Bell Canada. Ces deux membres de la haute direction de Bell Canada étaient à la tête d’un important service comptant quelques centaines d’employés, tous impliqués dans la gestion de la commandite olympique.

    23Chaque personne interviewée avait été sélectionnée sur la base des deux principaux critères suivants : occuper une position clé dans son organisation et être l’un des principaux acteurs dans la gestion de la relation client-fournisseur liant son entreprise et le COVAN. La diversité des fonctions qu’assumaient les personnes que nous avions ainsi interviewées permettait de saisir l’ensemble des éléments importants de la gestion des relations entre le COVAN et les fournisseurs-commanditaires lors de JO de Vancouver de 2010.

    Les JO de Vancouver 2010 : les principaux fournisseurs-commanditaires

    24Mis en place le 30 septembre 2003, soit 6,5 ans avant la tenue des jeux, le Comité Organisateur des 21es Jeux Olympiques d’hiver qui ont eu lieu à Vancouver (COVAN) du 12 au 28 février 2010, avait pour mandat d’organiser, de planifier, et de veiller au bon déroulement des Jeux. Le COVAN était constitué de six départements :

    • Revenus, marketing et communications (onze services) ;
    • Sports, Jeux paralympiques et gestion des sites (sept services) ;
    • Opérations cérémonies (quatorze services) ;
    • Technologies et systèmes (six services) ;
    • Ressources humaines, durabilité et clientèle internationale (quatre services) ;
    • Finance, juridique et bureau du président (neuf services).

    25Les six départements se subdivisaient donc en 51 services. Par exemple, le service des achats était l’un des neuf services du département Finance, juridique et bureau du président, alors que le service Gouvernance & Relations avec les Partenaires relevait du département Revenus, marketing et communications. Le service Gouvernance & Relations avec les Partenaires avait entre autres la responsabilité de négocier et de conclure des contrats de partenariat. Par le biais de ce service, le COVAN avait conclu des ententes avec quatre grandes catégories de commanditaires :

    • Les partenaires olympiques mondiaux (11), soit des entreprises multinationales qui ont des ententes avec le Comité olympique international, lesquelles définissent la nature et les conditions de leur implication dans l’organisation des JO sur plusieurs années.
    • Les partenaires nationaux (6) – soit des entreprises canadiennes qui ont habituellement d’importants contrats de commandites avec le Comité olympique canadien, mais s’étendant sur plusieurs années.
    • Les supporteurs officiels (10) – soit des entreprises qui ont d’importants contrats de commandites avec le Comité olympique canadien pour la période des JO.
    • Les fournisseurs officiels (40) – soit des entreprises qui ont des ententes avec le Comité olympique pour l’approvisionnement d’une catégorie donnée de produits ou de services durant un ou plusieurs JO.

    26Les ententes de commandite avec ces différents partenaires impliquaient soit une contribution financière, soit la fourniture de produits ou de services, des prêts d’employés, ou même encore une combinaison des quatre types de contribution. Les « partenaires olympiques mondiaux » (soit par exemple : Coca-Cola, Panasonic, General Electric, VISA, Samsung, et McDonalds) étaient notamment les principaux pourvoyeurs de fonds pour le COVAN, et ce, largement devant les « partenaires nationaux ». La contribution de ces derniers s’était matérialisée en termes d’apports financiers, de ressources humaines, d’équipements, des produits et services. Les « partenaires nationaux » se démarquaient entre autres par leur engagement et leur appui financier apportés au Comité olympique canadien au cours des années qui avaient précédé les Jeux d’hiver de 2010. On retrouvait dans cette catégorie des entreprises canadiennes de renommée internationale comme Bell Canada, la Banque Royale du Canada et la Compagnie de la Baie d’Hudson. Pour leur part, les « supporteurs officiels » ainsi que les « fournisseurs officiels » étaient liés au COVAN par des ententes de partenariat concernant l’approvisionnement en produits et/ou services requis pendant la phase de préparation et lors du déroulement des Jeux.

    27Pour planifier les besoins en équipements, matériels et services des différents départements, le COVAN avait mis en place, au début de l’année 2008, des équipes multidisciplinaires assignées par catégories de produits et/ou services. Celles-ci étaient composées du personnel des services des achats, de logistique, des commandites, de durabilité et du service juridique. Dès la fin de juin 2009, ces équipes avaient pu confirmer 100 % des besoins des différents sites : mobiliers et gros matériels, outils et équipements, fournitures de bureau et produits consommables.

    28De par la politique du COVAN, le service des achats était tenu d’acquérir des biens prioritairement auprès des fournisseurs-commanditaires. Cependant, lorsque le service des achats et un client interne jugeaient nécessaire de s’approvisionner auprès d’une source autre que celle des fournisseurs-commanditaires, une entente pouvait être conclue avec un fournisseur sélectionné via un appel d’offres. Mais dès lors que le service Gouvernance & Relations avec les Partenaires avait identifié un commanditaire proposant des produits et/ou services de nature équivalente à ceux d’un fournisseur sélectionné par le service d’approvisionnement, le contrat signé par ce dernier devenait caduc.

    29En réalité, par rapport aux commanditaires-fournisseurs, le service des achats était essentiellement responsable du processus d’approbation des bons de commande et du suivi de leur exécution ; en revanche, avec les autres fournisseurs, ce service était le maître d’œuvre de la préparation des appels d’offres, de la conduite des négociations et de la conclusion des ententes. Les interactions entre le service des achats et le service de logistique étaient tant de nature stratégique qu’opérationnelle. En effet, un des sous-services de logistique assumait la responsabilité de la planification des besoins des différents services, tandis que l’autre supervisait les opérations douanières, le transport du matériel et d’entreposage. L’acquisition des matériels et/ou d’équipements était basée non seulement sur l’utilisation qui en serait faite avant et/ou pendant les Jeux, mais aussi sur leur valeur économique à l’issue des JO, et donc sur l’usage potentiel que l’on pouvait en faire après les JO (soit par exemple : revente, don aux communautés, retour du matériel au fournisseur).

    30Les fournisseurs-commanditaires voyaient les JO comme une occasion unique dont ils voulaient tirer de meilleurs avantages. De par leur implication dans les JO de Vancouver de 2010, certains de ces fournisseurs comme Bell Canada avaient entre autres soit expérimenté de nouveaux modèles de partenariat, soit innové dans leurs pratiques d’affaires. Il faut dire que tout comme la plupart des partenaires du COVAN, Bell Canada s’implique depuis des années dans le milieu sportif. L’entreprise était commanditaire de l’équipe olympique canadienne depuis 1997. Dès 2003, Bell s’était impliquée dans le projet des JO comme un joueur clé lors du processus de soumission au COVAN. C’est grâce au système d’information et de communication conçu et mis en place par Bell Canada que s’effectueraient la retransmission des images télévisuelles, des reportages diffusés partout dans le monde, la transmission simultanée des résultats, etc. L’infrastructure de Bell soutenait aussi le chronométrage et le pointage de chaque compétition.

    Analyse et discussion

    31Les JO de Vancouver de 2010 offrent un cadre particulièrement intéressant pour analyser les mécanismes de coordination auxquels le comité organisateur d’un GÉS comme les JO recourt afin d’exercer un contrôle sur ses fournisseurs-commanditaires, tout en collaborant avec eux. Comme le suggère notre cadre d’analyse présenté à la Figure 1, la compréhension du degré de dépendance entre le comité organisateur des GÉS et les fournisseurs-commanditaires semble être un préalable à l’analyse des mécanismes de coordination que les partenaires mettent en œuvre afin d’assurer le succès de leur relation. Aussi, avons-nous fait le choix d’examiner, dans un premier temps, le degré de dépendance du COVAN par rapport à chaque catégorie de fournisseurs-commanditaires, et ensuite, d’analyser les mécanismes de coordination mis en œuvre entre le COVAN et les principaux fournisseurs-commanditaires, tel que Bell Canada, la relation entre le COVAN et ce fournisseur-commanditaire nous étant apparue comme très représentative de la situation d’interdépendance ou de dépendance mutuelle entre les partenaires en présence.

    Degré de dépendance caractérisant la relation client-fournisseur lors des GÉS

    32Il est facile d’affirmer que tout fournisseur-commanditaire d’un GÉS entretient avec le comité organisateur une relation de partenariat ; encore faut-il caractériser le type de partenariat en présence. L’analyse du cas des JO de Vancouver de 2010 permet de constater que le type de partenariat peut différer selon la catégorie de fournisseur considérée. Si on s’en tient par exemple aux entreprises constituant les catégories « partenaires olympiques mondiaux » et « partenaires nationaux », on s’aperçoit que la plupart d’entre elles avaient déjà une grande expérience comme fournisseurs-commanditaires des GÉS au niveau international. C’est le cas notamment des entreprises comme Coca-Cola, Panasonic, ou General Electric. On peut en déduire que le partenariat avec de telles entreprises permettait au COVAN de juguler les risques associés à l’envergure de l’événement et à son échéancier serré. Ces entreprises avaient une grande réputation et un savoir-faire déjà établis dans le domaine des GÉS comme les JO.

    33Plus spécifiquement, les « partenaires olympiques mondiaux » étaient tous des entreprises multinationales qui, pour la plupart, étaient commanditaires depuis de longues années des JO, mais aussi, d’autres GÉS d’envergure internationale tels que les tournois internationaux de tennis, la coupe du monde de football, la coupe du monde de rugby, etc. Au fil du temps, elles avaient ainsi conforté leur implication dans différents GÉS, et étaient devenus des spécialistes pour certains équipements sportifs ou certains matériels spécialisés. Pour ces entreprises, les GÉS ont une valeur hautement stratégique. En conséquence, elles sont prêtes à y consacrer d’importantes ressources humaines, financières et matérielles.

    34D’un côté, le COVAN était très dépendant de ces entreprises pour leur expertise et leurs capacités financières ; mais de l’autre côté, ces entreprises étaient aussi dépendantes du COVAN de par le potentiel de notoriété que représentent les JO pour leurs marques, leurs produits et/ou services. Somme toute, parce qu’elles sont détentrices d’une expertise organisationnelle dans le contexte des GÉS, ces fournisseurs se voient davantage comme les véritables « gardiens » de l’expertise olympique d’un jeu à l’autre au fil du temps.

    35À la différence des « partenaires olympiques mondiaux », les « partenaires nationaux » étaient pour la plupart des entreprises qui avaient au fil des années développé des liens très étroits avec les fédérations sportives canadiennes et le comité olympique canadien. Avant les JO de Vancouver de 2010, elles étaient des fournisseurs-commanditaires des GÉS au niveau national. C’est le cas notamment des entreprises comme Bell Canada, Petro Canada ou RONA. Leur réputation et leur expertise étaient dont largement établies au niveau des GÉS (comme le marathon de Montréal, ou le Grand Prix de Formule 1 du Canada), mais moins au niveau des méga événements sportifs comme les JO. La connaissance détaillée qu’avaient les « partenaires nationaux » de la culture et des exigences de gestion des événements sportifs, combinée à leur petit nombre, les plaçaient dans une situation de forte interdépendance avec le COVAN.

    36Les « supporteurs officiels » étaient dans une situation assez similaire. Ils représentaient un petit nombre d’entreprises dont le partenariat avec les JO leur garantissait une visibilité internationale pour leur nom ou la marque de leurs produits. En contrepartie, elles s’étaient engagées à mettre à la disposition du COVAN des ressources financières, et surtout des services ou des expertises de leur domaine de compétences. Toutes étaient des entreprises de très grande taille ayant pour la plupart leur siège social au Canada. C’est notamment le cas de Bombardier (concepteur et fabricant de la flamme olympique) et de Air Canada (transporteur officiel des JO). La nature spécifique des actifs mis à la disposition des JO par la plupart des « supporteurs officiels » met en évidence soit une forte interdépendance entre ceux-ci et le COVAN, soit une situation de dépendance défavorable au COVAN.

    37Constitués d’un plus grand nombre d’entreprises comparativement aux trois autres catégories de partenaires, plusieurs « fournisseurs officiels » étaient davantage en situation de dépendance asymétrique défavorable. En effet, pour une même catégorie de produits ou de services, le COVAN avait un grand pouvoir de négociation vu le bassin de fournisseurs potentiels. Aussi, la plupart des fournisseurs officiels voyaient dans leur implication aux JO, une occasion unique de « faire briller » leurs marques de produits ou de services et, ce faisant, espéraient pouvoir éventuellement développer de nouveaux marchés. D’ailleurs, le standard olympique représentait pour de tels fournisseurs un argument de vente qui pouvait leur profiter même plusieurs années après les Jeux. Il convient sans doute de rappeler que les consommateurs tendent à penser que les commanditaires des JO sont les meilleures entreprises de leur industrie (Miyazaki et Morgan, 2001).

    38En plus de ces quatre catégories de partenaires, il y avait aussi une myriade de PME locales avec lesquelles le COVAN avait établi des contrats pour la fourniture ou la livraison de certains produits de moindre importance stratégique tels que les fleurs, les produits d’entretien, etc. De tels contrats permettaient à ces PME d’accroître leur volume d’activité et donc leur chiffre d’affaires pendant les JO. Le caractère non stratégique de la relation client-fournisseur se reflétait assez bien dans le faible degré de dépendance entre le COVAN et ces PME.

    39À partir de l’analyse qui précède, la relation client-fournisseur liant le COVAN à chacune des différentes catégories de ses fournisseurs est représentée par la matrice de dépendance présentée à la Figure 2. Il apparaît ainsi que la relation client-fournisseurs développée entre le COVAN et les entreprises constituant les catégories « partenaires olympiques mondiaux », « partenaires nationaux » et « supporteurs officiels », se caractérise davantage soit par une forte dépendance mutuelle, soit par une dépendance asymétrique. Un tel constat n’est pas surprenant puisque ces catégories constituaient les fournisseurs-commanditaires les plus importants du point de vue stratégique pour le comité organisateur des JO. Elles étaient logiquement impliquées dans plusieurs phases de l’organisation des JO et, parfois même, dès les phases de conception et de mise en place de certains processus clés tels que le design de la flamme olympique et des sites de compétition, la conception et la mise en place des systèmes d’information et de communication, etc.

    40On constate ainsi, comme c’est souvent le cas dans d’autres types de secteurs, que le COVAN avait fait le choix de développer des relations stratégiques avec un faible nombre de fournisseurs (27 fournisseurs-commanditaires, soit la somme des partenaires olympiques mondiaux, partenaires nationaux et supporteurs officiels). En effet, c’est avec ces derniers que le COVAN avait déployé des dispositifs de contrôle et de coordination les plus raffinés.

    Mécanismes de coordination

    41Si, de manière générale, les mécanismes de coordination apparaissent comme essentiels dans la gestion de la relation client-fournisseur (Dwyer et al., 1987 ; Jap et Ganesan, 2000), on peut admettre qu’ils le sont encore davantage dans le contexte des GÉS . Au moins deux éléments permettent de le réaliser : d’une part, les GÉS se caractérisent notamment par leur cycle de vie qui est très court et des changements souvent rapides auxquels sont confrontés les gestionnaires ; d’autre part, la qualité de la prestation des athlètes dépend largement du niveau de synchronisation des actions de différents intervenants et donc de la disponibilité des ressources et des produits (aucun retard n’est toléré).

    42L’analyse du cas des JO de Vancouver montre que les fournisseurs des GÉS sont choisis sur la base de leur réputation, de leur qualification, ou des expériences antérieures dans lesquelles ils se sont révélés dignes de confiance. Pour assurer la cohérence des actions des partenaires en présence, les différents mécanismes de coordination mis en place rappellent ceux retenus dans notre cadre d’analyse.

    43On constate également que dans le contexte d’un GÉS, les partenaires en présence s’emploient à mettre en place des structures formelles ayant à charge le pilotage de leur relation. En l’occurrence, l’accent semble être porté particulièrement sur l’allocation d’importantes ressources à la gestion des interfaces fonctionnelles tant dans la période de préparation de l’événement que pendant les Jeux.

    Figure 2. Matrice de dépendance du comité organisateur des JO vis-à-vis des fournisseurs

    Image

    Légende :
    P-O-M = Partenaires Olympiques Mondiaux
    P-N = Partenaires Nationaux
    S-O = Supporteurs Officiels
    F-O = Fournisseurs Officiels
    PME-L = Petites et Moyennes Entreprises Locales

    44Le partenariat entre Bell Canada et le COVAN en est une bonne illustration. En effet, comme c’est probablement le cas de la plupart des fournisseurs-commanditaires des GÉS, Bell Canada avait alloué à sa relation client-fournisseur certains de ses meilleurs employés, d’importantes ressources financières et mis en place des processus spéciaux, ce afin de répondre du mieux possible aux attentes du COVAN. Un groupe d’employés de Bell Canada avaient été libérés de leurs tâches habituelles et avaient emménagé dans les locaux du COVAN. Ils constituaient en quelque sorte le service des communications du COVAN et participaient, comme s’ils étaient des responsables du COVAN, à des réunions hebdomadaires d’évaluation opérationnelle et de suivi des réalisations. Réciproquement, un responsable du COVAN participait aux « rencontres au sommet » internes mensuelles chez Bell Canada ; ces rencontres ne comprenaient que des dirigeants de chez Bell et ce responsable du COVAN.

    45Par cet exemple, on voit qu’il y a chez les partenaires en présence, la volonté de s’appuyer sur une structure organisationnelle permettant une meilleure adaptation au fil du temps. Mais, par-dessus tout, cet exemple révèle l’importance de la formalisation de l’échange et des comportements dans un contexte où la transparence entre les partenaires est plus qu’essentielle au succès de la relation client-fournisseur. On peut ici reprendre à notre compte le propos de Klotz et al. (2008) qui rappelle : « … en fournissant aux gens des explications claires sur les différents aspects du système d’évaluation et où ils en sont, de même qu’une rétroaction sur les activités qu’ils ont réalisées, en les aidant à prendre des décisions et à reconnaître les interdépendances, ceci a pour résultat des améliorations encore plus substantielles ».

    46Au niveau opérationnel, il semble qu’il y a une forte propension à mettre en place des règles et des procédures qui soient les plus claires possibles. C’est sans doute ce qui permet la décentralisation des décisions d’ordre opérationnel et la centralisation du contrôle et des décisions stratégiques. Il s’avère ainsi que dans le contexte des GÉS, la formalisation constitue un mécanisme de coordination des flux de biens qui présente également l’avantage de réduire les coûts. Il faut dire aussi que la gestion des GÉS se caractérise souvent par la centralisation de la prise des décisions stratégiques, soit celles relatives à l’allocation des ressources critiques (humaines, matérielles et financières). Par exemple, pour les JO de Vancouver, la décision concernant le degré d’uniformisation des sites de compétition (ce, afin de maintenir l’image de marque des JO), de même que le contrôle du volume maximum d’achats de chacune des catégories de produits et/ou de services auprès de chacun des fournisseurs-commanditaires, relevaient d’un processus centralisé.

    47Les JO de Vancouver montrent par ailleurs que dans le contexte des GÉS, des dispositifs formels de contrôle qui sont mis en œuvre impliquent une multiplication des interactions, et un renforcement de la coopération entre client et fournisseur (Poppo et Zenger, 2002). En fait, le contrôle opérationnel semble être très bien structuré chez les partenaires en présence. Ils portent sur les résultats en termes de coûts, de qualité, et de délais. Il s’appuie notamment sur des systèmes formels d’information (reporting, audits, etc.) et s’organise autour des revues périodiques de performance. Il s’appuie également sur des sources plus informelles (indiscrétions, confidences, visites de sites). Somme toute, pour l’ensemble des relations entre le Comité Organisateur et les commanditaires, on peut parler d’une performance digne des meilleurs athlètes, ne serait-ce que par le fait que les JO aient pu avoir lieu sans problème majeur.

    Conclusion

    48En étant centrée sur la relation client-fournisseur dans le domaine de la gestion des GÉS, cette étude constitue une première en son genre. À ce titre, elle apporte un premier éclairage sur la nature des liens de dépendance entre les partenaires en présence et les mécanismes de coordination qu’ils mobilisent afin d’assurer la cohérence de leurs actions. De l’analyse du cas des JO de Vancouver de 2010 retenu dans cette étude, découlent deux principales implications pour les gestionnaires. En effet, il ressort de cette étude que dans le contexte des GÉS, les gestionnaires devraient : (1) davantage tenir compte du degré de dépendance dans la relation client-fournisseur pour mieux définir les pratiques à mettre en place ; et (2) mieux considérer à la fois les avantages de la formalisation et la nécessité d’avoir des structures flexibles. Nous explicitons ces implications ci-après, précisons par la suite les limites de notre étude et les pistes pour des recherches futures.

    Tenir compte du degré de dépendance dans la relation client-fournisseur

    49Une des deux principales contributions de cette étude est reliée au fait qu’elle montre que l’utilisation de la matrice de dépendance (voir Figure 2) est un bon outil permettant la compréhension des liens de dépendance entre le comité organisateur d’un GÉS et les fournisseurs-commanditaires. Quand on sait que pour chaque GÉS, il existe une multitude de liens entre le comité organisateur et les fournisseurs, on mesure l’apport d’un tel outil pour la gestion des relations de partenariat dans un tel contexte.

    50En permettant une caractérisation du lien de dépendance de chaque relation client-fournisseur, il devient en effet possible pour le gestionnaire d’identifier et de mettre en œuvre les pratiques de gestion les plus appropriées. On peut souligner de ce point de vue que toute situation d’interdépendance ou de dépendance mutuelle des partenaires entraîne la manifestation de relations de pouvoir entre les partenaires en présence (Mohr et Spekman, 1994). Autrement dit, une bonne compréhension de cette relation de pouvoir devrait permettre aux gestionnaires de bien cerner les mécanismes de coordination à mettre en place et la façon la mieux indiquée qui permet leur mise en œuvre efficace.

    Considérer à la fois les avantages de la formalisation et la nécessité d’avoir des structures et des processus flexibles

    51Dans le contexte des GÉS, les gestionnaires peuvent être tentés de pousser aussi loin que possible la formalisation des processus, et ce, afin de faciliter la coordination des décisions et actions entre le comité organisateur et les fournisseurs. L’analyse du cas des JO de Vancouver de 2010 montre qu’il faut savoir concilier le niveau de formalisation avec les exigences de flexibilité de la structure et des processus mis en place. Il convient sans doute de rappeler que le contexte des GÉS réfère davantage au contexte des services et, à ce titre, la flexibilité joue un rôle important. En effet, un niveau de formalisation très élevé pourrait créer des rigidités et limiter la capacité d’adaptation de la structure organisationnelle.

    52De plus, dans ce contexte, certains freins à la mise en œuvre de la formalisation doivent être considérés. Par exemple, l’incertitude quant au moment précis où la demande d’un produit donné serait à satisfaire lors du déroulement d’un GÉS limite le degré de formalisation des contrats. Parfois, aussi, la faible répétitivité des transactions entre le comité organisateur des GÉS et certains fournisseurs peut laisser très peu de marge à la formalisation des procédures.

    53En somme, cette étude montre que le comité organisateur de chaque GÉS se retrouve généralement au centre d’un réseau de relations important (de par le nombre des fournisseurs-commanditaires et la nature des liens de dépendance de la relation client-fournisseur) et que pour pouvoir les gérer de manière efficace, les gestionnaires doivent mettre en œuvre les mécanismes de coordination appropriés. C’est là la deuxième contribution de cette étude.

    Limites de l’étude et recherches futures

    54Certes, il aurait été intéressant de faire un « post mortem » après les JO de Vancouver, en interviewant les mêmes personnes que celles pour cette recherche, mais la nature temporaire de la structure organisationnelle du COVAN ne rend pas ceci possible. Par ailleurs, cette étude comporte deux principales limites qui tiennent à son caractère exploratoire. D’une part, le fait d’avoir basé cette étude sur un seul cas limite la généralisation des résultats de nos analyses aux GÉS, plus spécifiquement aux GÉS amateurs (même s’il est probable que certains de nos résultats pourraient également être utilisés à d’autres types de GÉS). D’autre part, nous avons porté notre intérêt essentiellement sur la relation client-fournisseurs de type stratégique, comme la relation liant le COVAN à Bell Canada. Ceci représente la deuxième limite de cette étude. Ces deux limites laissent entrevoir plusieurs thèmes de recherches futures sur la relation client-fournisseur dans le contexte des GÉS. Au nombre de ceux-ci, deux nous paraissent être d’un grand intérêt.

    55Tout d’abord, comme le suggère notre cadre d’analyse présenté à la Figure 1, il serait intéressant de cibler plusieurs partenaires d’un GÉS comme les JO et d’effectuer des études de cas sur chacun d’eux, de manière à pouvoir en faire une analyse comparative. À n’en pas douter, une telle étude permettrait d’approfondir les analyses faites dans cette recherche. Par ailleurs, on pourrait aussi envisager de réaliser une étude similaire à celle-ci en s’appuyant sur le cas d’autres méga événements sportifs amateurs, tels la Coupe du monde de football ou la Coupe du monde de rugby qui, bien qu’ayant une durée assez similaire à celle des JO, n’ont pas le même niveau de notoriété. Ce sont là deux perspectives de recherche qui permettraient d’enrichir le corpus de connaissances en gestion des GÉS et, plus largement, en logistique événementielle.

    56Entre temps, on peut d’ores et déjà affirmer que pour pouvoir satisfaire les attentes des partenaires en relation dans le contexte des GÉS – tout comme celui de toute organisation –, les gestionnaires doivent mettre en place des processus permettant une approche proactive. Plusieurs études en logistique ont déjà montré que celle-ci procède de la mise en place et de la mise en œuvre des mécanismes de coordination (Lehoux et al., 2008). L’analyse du cas des JO de Vancouver de 2010 démontre qu’il en est de même dans le contexte de gestion des GÉS. C’est en appuyant leurs pratiques de gestion sur les mécanismes les plus appropriés compte tenu de leur lien de dépendance que les partenaires en présence dans le contexte des GÉS peuvent atteindre leurs objectifs conjointement. N’est-ce pas là le but ultime de la relation client-fournisseur dans ce contexte, aussi spécifique que ce dernier ne semble l’être à première vue…?

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