Le rapport à l’espace et au temps du consommateur connecté en mobilité
p. 325-343
Texte intégral
Introduction
1La vitesse croissante des déplacements s’associe à la décompression spatiale des modes de vie dont la conséquence sur l’existence est complexe et parfois contradictoire. Le chaînage des déplacements traditionnels se complexifie ; leur linéarité historique laissant place à des transits polymorphes. L’étude présentée en juin 2016 au Forum des Vies mobiles par l’Observatoire Société et Consommation (L’ObSoCo) montrent que la population française aspire à plus de proximité et de ralentissement. 74 % des personnes interrogées trouvent que le rythme de vie dans la société actuelle est trop rapide, 90 % d’entre elles souhaitent avoir plus de temps pour leurs proches, plus de la moitié rejette la dispersion spatiale des activités du quotidien (travail, loisirs, vie sociale et familiale) et 75 % revendiquent une baisse des déplacements au profit de la proximité. Cette volonté d’un changement de paradigme spatio-temporel est contradictoire avec les modes de vie actuels spatialisés, associés à une mobilité de plus en plus ajustée aux pérégrinations du quotidien qui sont accompagnées massivement par le progrès scientifique et numérique.
2C’est dans ce contexte qu’il nous a semblé intéressant d’aborder la question du rapport de l’homme à l’espace et au temps sous l’angle des nouvelles formes de mobilité des consommateurs grâce à une compréhension plus fine des usages des objets connectés. En effet, la question des relations entre utilisation des technologies d’information et de communication (TIC) et comportement spatial du consommateur est peu abordée par les travaux en marketing (Cliquet & Dion 2002). Les TIC émettent des signaux précurseurs accélérant les transformations spatio-temporelles. Notre problématique est d’analyser quelle de ces deux dimensions, spatiale ou temporelle, est la plus influente dans ce nouveau paradigme et de quelle manière les TIC modifient le rapport du consommateur au temps et à l’espace. Pour répondre à cette question, les auteurs se sont basés sur les verbatim collectés dans le cadre d’entretiens qualitatifs dans le cadre de leurs travaux de thèse respectifs.
3Notre propos se scindera en deux parties. Tout d’abord, nous allons parler de la manière dont la connectivité modifie le rapport à l’espace et discuter des différentes formes de mobilité de l’homme connecté. En deuxième partie, nous aborderons le sujet de la temporalité de l’homme connecté en analysant son rapport au temps en tant que dimension et en tant que ressource investie dans l’activité d’achat.
Le nouveau rapport à l’espace de l’homme connecté
4L’espace est un spectre très large qui suscite l’intérêt d’un grand nombre de disciplines telles que la géographie, l’économie spatiale et le marketing spatial et qui peine à trouver sa place. Depuis près de dix ans, l’essor continu des technologies numériques s’insère dans notre vie de tous les jours jusqu’à modifier durablement nos déplacements. Quelles conséquences cela provoque-t-il sur notre façon d’appréhender l’espace ? Quelles en sont les conséquences réelles sur nos modes de déplacement ?
5L’espace se définit comme « un lieu, un repère, plus ou moins délimité où peut se situer quelque chose, où peut se produire un événement et où peut se dérouler une activité » (Fischer 1981 : 22). Cette définition n’est pas suffisante car l’espace n’existe que par ce qui le remplit, il est vu comme un construit façonné par l’homme au travers de ses pratiques spatiales. L’homme est donc intimement lié à l’espace : un espace inconnu devient peu à peu un lieu pratiqué et un lieu familier. Ce processus d’appropriation se fait à partir des pratiques et des besoins de chacun. Il y a autant de façons de faire que de pratiques individuelles. Force est de reconnaître que l’espace et le temps sont des dimensions très liées puisque tout être humain se trouve dans un cadre spatio-temporel. Sous l’influence des nouvelles formes de mobilité accompagnées d’un usage parfois intensif des technologies numériques, les comportements spatiaux changent et le nouveau paradigme de l’homme spatial demande à être étudié.
Les nouvelles formes de mobilité
6Le terme mobilité est devenu omniprésent dans le vocabulaire caractérisant la société actuelle. La mobilité comprend un spectre large d’activités physiques, s’exprimant à travers des temporalités diverses (Urry 2005). Ce terme se veut large et aux contours multidimensionnels ; il combine à la fois l’espace (sous peine d’immobilité) et le temps (sous peine d’ubiquité) (Montulet 2004) : la mobilité est spatiale car elle implique un déplacement dans l’espace et la mobilité est temporelle car elle commence à un point précis du temps, elle dispose d’une durée et d’une fréquence identifiable. La mobilité est de plus en plus valorisée tant elle est concomitante avec le développement d’une vie urbaine basée sur de multiples activités dans des lieux différents tout au long de la journée. La distance moyenne parcourue par jour et par individu en témoigne puisqu’elle est à présent 9 fois plus importante qu’en 1950, soit 45 kilomètres ; c’est la distance moyenne parcourue par un individu par jour en France, soit 25 kilomètres pour la mobilité quotidienne, le restant correspondant à la mobilité des longues distances de plus de 80 kilomètres (Tregouët 2010). Parallèlement, le temps consacré à se déplacer n’augmente plus (56 minutes par jour en moyenne). Si la vitesse réduit les distances, elle ne fait pas gagner plus de temps puisque l’étirement des déplacements, toujours plus loin, permet aux individus d’atteindre de nouveaux horizons.
7En marketing, dès 2004, Dion et Michaud-Trevinal (2004) ont souligné le besoin de passer d’une conception statistique du marketing spatial à une dimension plus dynamique. À l’heure où les mobilités deviennent plurielles, où la connectivité induit de nouvelles formes de spatialisation, il convient de redéfinir les trois formes d’expression de la mobilité actuelle : la mobilité physique, la mobilité virtuelle et la mobilité ubiquitaire.
8Le sens premier du mot mobilité au niveau sémantique renvoie aux déplacements et interroge leurs motivations, leurs causalités et leurs conséquences. La mobilité physique est plurielle car elle concerne aussi bien les hommes, les objets et les informations. La mobilité physique est aujourd’hui partout et devient un continuum du quotidien, liant l’éphémère et le définitif, le local et le mondial, le physique et le virtuel. En moins de trois décennies, sous l’influence des technologies numériques, la mobilité virtuelle s’est installée et a instauré un nouveau rapport de l’homme à l’espace. Cette mobilité virtuelle se définit comme la circulation des flux d’information à travers un système informatique et analyse les usages faits par les utilisateurs. L’espace virtuel est un espace sans distance physique où les lieux se croisent et se télescopent ; on assiste à une re-spatialisation, voire à de nouvelles formes de sédentarisation : « être mobile sans se déplacer » (Kaufmann 2004). Certains chercheurs n’hésitent pas à qualifier notre ère de modernité liquide et fluide (Bardhi et al. 2012), où chaque individu choisit implicitement un parcours de mobilité à la carte. Le choix spatial de l’individu renvoie alors à un système complexe d’arbitrages, de préférences et de normes socialement construites appartenant à chacun : « Le sédentaire est partout chez lui grâce aux technologies… et nomade qui n’est nulle part chez lui » (Virilio 2008 : 98).
9Le qualificatif ubiquitaire confère au terme auquel il est associé une dimension de flexibilité spatiale et temporelle. Appliquée à la mobilité, l’ubiquité donne à l’homme des façons inédites de s’inscrire et se déplacer dans l’espace. L’homme devient mobile tant dans les territoires réels que dans l’espace virtuel. Ces nouvelles façons de faire renouvellent les questionnements du temps et de l’espace. L’espace devient un continuum de lieux d’interactions imbriquées physiques et virtuelles. Sous l’égide des technologies numériques, l’espace perd sa caractéristique majeure de discontinuité pour devenir un continuum spatio-temporel mais il est pour l’instant improbable de savoir quels déplacements physiques sont remplacés par des solutions virtuelles. La mobilité devient assistée. Les solutions proposées par les objets connectés tels que les outils pour se géolocaliser et se repérer dans l’espace fournissent des informations numérisées avec suffisamment de précision permettant à chacun de gérer son espace-temps avec une grande minutie. Force est de constater que l’ubiquité appliquée aux déplacements physiques transforme la mobilité spatiale des individus en les rendant plus responsables de leurs propres mobilités car ils peuvent choisir la solution la plus appropriée pour optimiser leurs déplacements.
L’espace maîtrisé
10La société en mouvement est soumise à une accélération d’hypermodernité (Lipovetski 2004), faisant suite à la postmodernité. L’hypermodernité apparaît comme une modernité radicale soumise à l’intensification incessante de la logique moderne. La mobilité n’est pas exempte de cette accélération et l’individu hyperconnecté croise les diverses formes de mobilités au gré de ses déplacements. D’un côté on entrevoit de nouvelles formes de mobilités émergentes plutôt individualisées et synchronisées et de l’autre, une hypermobilité qui ne s’essouffle pas et reste bien un signe de reconnaissance sociale.
11Alors que par le passé les déplacements se voulaient plutôt pendulaires (Desse 2001), avec comme point d’ancrage le lieu d’habitation, les habitudes changent et la notion de parcours prend le pas sur l’objet ou le mode de déplacement. La pérégrination devient un mode de fonctionnement dominant, les individus cherchent à limiter leurs temps de déplacement en respectant la chronologie de leurs activités quotidiennes. Ces mobilités sont de plus en plus individualisées et renouvelées ; les dimensions spatiales et temporelles se veulent synchronisées l’une à l’autre, chaque individu choisissant selon la situation rencontrée, l’option adéquate pour s’épargner physiquement. Cette quête de commodité spatiale vise à baisser les efforts physiques tout en cherchant le « tempo » le plus juste. Ces critères subjectifs doivent interroger les spécialistes de la fréquentation des points de vente qui utilisent le temps de trajet pour définir l’attractivité d’un point de vente (Croizean & Vyt 2015).
12La mobilité est progressivement devenue un nouvel attribut de puissance individuelle. Dans notre société de consommation hypermobile, la mobilité devenue une notion très significative socialement à travers le passage d’une société marquée par sa sédentarité à une société dominée par l’hypermobilité de ses acteurs. Valorisée socialement, la mobilité laisse place à une culture de la mobilité et apparaît comme une valeur positive, incarnant une certaine forme de liberté. Cette exigence de devoir bouger s’associe à une vie urbaine basée sur de multiples activités dans des lieux différents ; elle devient un signe d’émancipation et un mode de vie statutaire, identitaire, reconnaissable en tout lieu (Bardhi & Eckhardt 2012). Être mobile est devenu un style de vie valorisant, le sédentaire est délaissé au profit du nomade, symbole de l’homme contemporain. Petit à petit la mobilité laisse place à une mobilité généralisée qui ne valorise plus un déplacement mais un mouvement pour lui-même, entretenant la culture du lien et cherchant à préserver une certaine forme de sédentarité. En effet, la mobilité ubiquitaire élargit le champ des possibles, en permettant d’« être ubiquiste tout en étant immobile physiquement… ». Cela introduit une mobilité protéiforme, à la carte, fonction des situations. À titre d’exemple, la proximité peut être physique ou virtuelle : « ceux qui sont proches de nous socialement n’ont pas besoin d’être proches de nous physiquement » (Rosa 2012 : 115). L’éloignement n’est donc plus synonyme d’absence de distance. La permanence du lien entre le réel et le virtuel devient la norme et « la rupture de ce lien s’inscrit en opposition avec la normalité attendue » (Jauréguiberry & Lachance 2016).
Le smartphone, objet mobiquitaire
13Le smartphone accompagne la mutation technologique disruptive. Cet objet connecté a été imaginé par ses concepteurs comme un assistant numérique personnel muni d’un écran tactile intégrant les fonctions d’un petit ordinateur. Il est l’appendice du téléphone dont la fonction unique était la communication. En France, le taux d’équipement en téléphone mobile est de 93 % de la population française, dont 65 % qui possèdent un smartphone (Croutte et al. 2016). Cette étude réalisée en juin 2016 révèle que les pratiques digitales s’installent d’une façon significative dans les gestes du quotidien et changent durablement les pratiques des individus. Comment et pourquoi cet objet s’est-il installé aussi rapidement dans les pratiques spatiales des individus ?
14Le smartphone est avant tout un objet très personnel, « une technologie du soi » (Allard 2009) faisant partie intégrante de la vie moderne et qui ne se partage pas. Certains sociologues le considèrent comme un outil de construction identitaire. Certains usagers l’assimilent à un compagnon d’existence. Le smartphone redessine les frontières du temps et de l’espace. La dimension spatiale (« le n’importe où ») vient s’ajouter à la dimension temporelle rendue possible avec l’ordinateur permettant « le n’importe quand ». Le smartphone est un outil ubiquitaire idéal puisqu’il offre la possibilité à son utilisateur de recevoir une information omniprésente, à portée d’un clic et d’effectuer des tâches pratiquement dans n’importe quel endroit. La caractéristique nouvelle de cet objet connecté est son caractère nomade affirmé par sa portabilité et sa mobilité ; il est donc embarqué avec l’individu d’où son usage « au bout du doigt » parfois omniprésent et récurrent. La porosité entre la sphère spatiale et temporelle n’est plus à démontrer ; sous l’influence de l’ubiquité, les contraintes spatio-temporelles s’effacent. La ressource espace devient plus flexible grâce à la dimension ATAWADAC (Any Time, Any Where, Any Device, Any Content) qui signifie : n’importe où, n’importe quand, n’importe quel contenu et par n’importe quelle interface physique ou numérique (Badot & Lemoine 2013). La ressource temps est contingente au contexte de vie de l’individu et de ses choix (encadré 1). Le plus souvent, cette temporalité est marquée par le sceau de l’immédiateté. L’usage du smartphone en mobilité réinterroge la dimension temporelle dans les pratiques de mobilités au même titre que le cadre contextuel.
Encadré 1. – Extrait d’entretien consommateur (Camilla1, 45 ans).
Ça commence le matin mais pour moi il y a une règle la nuit il est éteint et il est loin de moi sauf si les enfants sortent ou s’ils sont en voyage ; je le garde alors près de moi pendant la nuit mais sinon la nuit il est loin de moi. Ce n’est pas mon réveil ; le matin ce n’est pas mon premier réflexe, oui je l’allume une fois que j’ai pris mon petit déjeuner, après je regarde si j’ai reçu des messages SMS, WhatsApp, Messenger ; j’utilise ses réseaux ; je ne suis pas sur Twitter, Instagram, très peu sur Facebook. Ce n’est pas ma priorité. En revanche, je trouve que pour les mails c’est un vrai gain de temps pour moi car le soir je n’ai pas franchement le temps de me remettre sur l’ordinateur et du coup je gère en direct dans la journée. Après je ne l’ai pas avec moi dans la journée en cours ; entre les moments où je suis en pause ou au moment de la pause déjeuner je vais consulter, voilà je vais essayer de répondre si j’ai besoin de répondre à un mail et l’après-midi voilà en fin d’après-midi je ne l’utilise pas systématiquement et le soir cela dépend. Plutôt que de téléphoner, je préfère alors communiquer avec WhatsApp ou je discute un peu et il y a des soirs où je n’y touche pas du tout. Je n’ai pas de tablette mais l’ergonomie du smartphone ne me gêne pas trop. Pour la consultation notamment si je cherche une date, l’ergonomie du smartphone n’est pas agréable mais comme je n’ai pas de tablette je m’accommode du smartphone tout le temps même à la maison. Voilà moi je ne suis pas addicte de mon téléphone.
Le smartphone, assistant du quotidien
15La fonction première du smartphone est sa fonction informationnelle permettant d’accéder à l’information (Gonzalez, Huré & Picot-Coupey 2012). Dans un monde connecté, l’accès à l’information est immédiat et cette information s’accumule de manière exponentielle. L’intention d’utiliser les services mobiles dépend alors de la valeur utilitaire puisque l’usage d’une application mobile est souvent valorisé par sa capacité à satisfaire un besoin précis de connaissance ; elle limite alors l’effort cognitif et physique nécessaire pour accéder à la connaissance et rend son utilisateur plus autonome. Plus encore, l’individu devient lui-même producteur et diffuseur de contenus. Les bénéfices personnels retirés de cette recherche d’informations influencent favorablement l’usage en flux continu de cette communication qui permet à chacun d’être informé en temps réel où qu’il soit. Cette pratique est à présent un quasi-devoir (Jauréguiberry 2014).
16La fonction divertissement permet à l’usager de lire, jouer, écouter de la musique… Les valeurs hédoniques et récréatives nourrissent le plaisir et l’amusement retirés de ces usages. L’utilisateur peut y vivre un nombre infini d’expériences qui peuvent le plonger dans un état d’immersion totale.
17Une autre fonction propre au smartphone s’exprime dans sa fonction relationnelle. En effet, au fil des ans, cette fonction génératrice de lien social avec le réseau personnel de chaque individu via les réseaux sociaux s’est immiscée dans les usages basiques. Internet facilite les communications interpersonnelles dynamiques et le partage d’interactions autour d’intérêts communs. Le smartphone permet ainsi de rester connecté au reste du monde en tout lieu et à tout moment.
18Globalement, toutes ces pratiques se banalisent de manières automatisées et influencées par le cadre situationnel vécu au quotidien par l’usager ; des exemples tels que l’urgence de réalisation d’une tâche, l’optimisation des temps morts, la gestion des situations imprévues… seront autant de situations différentes qui entraîneront un usage bien spécifique du smartphone (encadré 2). L’usage des technologies numériques est encouragé pour d’autres raisons que la simple communication. Sous couvert d’une multifonctionnalité, un engrenage de la connexion apparaît et tend à rendre les individus de plus en plus polychromes, l’usage des technologies devenant de plus en plus systématique et se conjuguant toujours plus avec d’autres tâches domestiques.
La nouvelle temporalité de l’homme connecté
19Comment définir le temps ? La transparence intuitive de cette notion, d’un côté, et la diversité des perspectives possibles nourrit une quête qui semble toujours inachevée, depuis Augustin d’Hippone (Augustin 1954) qui aurait regretté : « Qu’est-ce donc que le temps ? Quand personne ne me le demande, je le sais ; dès qu’il s’agit de l’expliquer, je ne le sais plus. » Selon le dictionnaire Larousse, le temps est une « notion fondamentale conçue comme un milieu infini dans lequel se succèdent les événements ». Le temps est une représentation humaine, une notion fondamentale de la nature qui permet à l’esprit humain d’appréhender la possibilité de changement.
Encadré 2. – Extrait d’entretien consommateur (Nicolas, 32 ans).
Mon téléphone sonne pour me réveiller, je l’arrête, je regarde l’heure, je paramètre l’horloge à plus tard si je peux et si je veux dormir plus longtemps. Je ne porte pas de montre tous les jours, c’est mon téléphone qui me donne l’heure toute la journée. J’ouvre l’appli News-Republic que j’ai paramétrée avec les sources de news qui m’intéressent. Cela me permet de rester au courant de l’actualité sur les sujets qui m’intéressent uniquement et avec les sources qui m’intéressent uniquement. Je regarde cette appli plusieurs fois par jour, le matin puis le soir. Je gère mon agenda sur mon téléphone et Gmail est relié à mon agenda et inscrit tout seul mes rendez-vous dans mon agenda (ex. : réservation chambre d’hôtel, etc.) et sonne un quart d’heure avant chaque rendez-vous. Je consulte mon compte bancaire avec l’application ING Direct. J’utilise l’application Google Maps pour mes trajets (je possède l’info trafic en direct qui donne le trajet le plus court, le temps de parcours et j’utilise le GPS). Je recharge mon téléphone dans la voiture avec un chargeur USB et pendant la nuit sur ma table de nuit. Je prends des photos personnelles ou professionnelles avec mon téléphone. J’envoie des SMS, des photos par MMS et/ou par mail. J’envoie des mails. Je regarde régulièrement le Play Store pour voir les nouvelles applis gratuites et les nouveaux jeux gratuits. Si ça me plaît, je les télécharge. Je désinstalle les applis qui ne me plaisent pas ou que je n’utilise qu’une fois. Je regarde des vidéos sur l’application YouTube. Je cherche des infos sur l’application Google chrome (météo, articles Wikipédia…). Quand c’est nécessaire, j’effectue des formalités grâce à l’application Ameli (appli sécurité sociale). Pour mes vacances je réserve des chambres d’hôtel sur l’application Booking.com Hôtels. Tous les jours je regarde le programme télé du soir et les news télé sur l’application Télé Loisirs. Pour les restaurants j’utilise l’application TripAdvisor liée à l’application La Fourchette pour les trouver, les trier par note et distance et réserver une table. Je consulte mes mails lorsqu’une alerte survient, sur l’application Gmail ou Outlook suivant l’adresse e-mail. Quand j’ai besoin, je consulte le programme ciné sur l’appli UGC direct et je réserve des places avec. Quand mon compte Facebook est actif, je reçois et réponds aux messages avec l’application Messenger. J’utilise l’application Keep pour prendre des notes importantes comme un digicode, une adresse, une liste d’achat… Je joue aussi à des jeux gratuits ou payants téléchargés sur le PlayStore. Je consulte mes anciennes photos grâce à l’application Dropbox (cloud). J’utilise l’application Calculatrice pour certains calculs simples. Et accessoirement, mais rarement, je passe des coups de téléphone ou j’y réponds. Je regarde aussi mes photos sur le téléphone grâce à l’application Galerie. Je suis tout le temps connecté. C’est aussi important pour moi d’être connecté pour le boulot que pour la vie personnelle, je ne fais pas de différence… après le soir rebelote je reprends mon smartphone, je le consulte même si la télévision est allumée ; j’ai mon smartphone près de moi ; je pense que je l’utilise plus de 15 heures par jour.
20Dans la mythologie grecque, trois divinités représentent le temps : le Chronos, le Kaïros et l’Aiôn. Le premier, Chronos, est la personnification du temps physique, linéaire, quantifiable grâce aux unités de mesure (la seconde, la minute, l’heure, la journée…). Le deuxième, Kaïros, est la divinité du temps métaphysique, qualitatif, qui se ressent mais ne se mesure pas et qui est lié aux notions d’« avant » et d’« après ». Le troisième, Aiôn, est la représentation du temps circulaire, de l’éternité, du perpétuel recommencement du temps marqué par les saisons et le zodiac.
21En physique, le temps est actuellement envisagé en tant qu’une composante du continuum espace-temps. La modélisation d’un espace-temps avec les trois dimensions spatiales (longueur, largeur et profondeur) et la quatrième dimension temporelle, indissociables et mutuellement dépendantes, a été l’un des grands bouleversements en physique en début du xxe siècle, avec l’apparition de la théorie de relativité restreinte élaborée par Albert Einstein. L’interdépendance et l’indissociabilité des quatre dimensions ont été davantage renforcées dans la théorie de relativité générale. L’espace et le temps apparaissent élastiques, relatifs, dépendants de la position de l’observateur.
22Si la physique contemporaine considère le temps en tant qu’une des dimensions d’un continuum spatio-temporel, la différence fondamentale de la dimension temporelle par rapport aux trois dimensions spatiales consiste dans le fait que l’esprit humain avance progressivement le long de la « flèche du temps » dans le sens d’une entropie grandissante (Spiro & Klein 1994). Pour l’esprit humain, le temps s’écoule toujours dans la même direction, qui a pour son début la naissance et pour sa fin la mort. La finalité d’une vie humaine pose l’enjeu d’une gestion raisonnée du temps en tant que ressource et lui confère une valeur, similaire dans certaines circonstances à la valeur monétaire : « Le temps, c’est de l’argent », comme le dit un proverbe cher aux économistes.
23En ce qui concerne les sciences de l’homme et de la société, l’indissociabilité de l’espace et du temps a également été un sujet d’actualité dans le xxe siècle, quoique avec un certain retard par rapport aux sciences dites « dures ». En économie, le temps est principalement étudié sous deux qualités : la dimension, d’un côté, et l’une des ressources premières, d’un autre côté (Vuaridel 1959). Premièrement, le temps structure le cadre dans lequel s’inscrit le comportement de l’individu. Deuxièmement, le temps est une ressource intangible et intrinsèquement rare. Cette rareté du temps définit sa valeur en tant que ressource, tant pour la firme, que pour l’individu.
24La diversité des connotations associées à la notion du temps se reflète dans le langage. Ainsi, le temps en tant que dimension est bien présent dans la langue française : le temps « court », « file » ou « passe » (Chronos) ; il « arrive » pour quelque chose (Kaïros), il peut « s’arrêter » dans un moment émotionnellement impliquant. Le temps est aussi présent dans la langue en tant que ressource rare : on peut « avoir du temps » ou « manquer de temps », on peut encore « prendre le temps » pour quelque chose, au risque de « perdre du temps », ou encore « gagner du temps » si l’on sait bien le ménager ou l’employer.
Le temps – dimension pour le consommateur connecté
25Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’Internet mobile brouille les limites entre le monde réel et le monde virtuel, en favorisant l’hybridation de l’espace et de nouveaux types de mobilité pour l’individu. L’analyse de la nouvelle mobilité du consommateur connecté n’est pas possible sans aborder les changements dans son rapport au temps et ses nouvelles façons de gérer le temps en tant que dimension.
26Si la mobilité du consommateur est étudiée en marketing sous l’angle du comportement spatial (Cliquet 2003), la dimension temporelle a pendant longtemps été ignorée ou questionnée d’une manière implicite. Les dimensions espace-temps étant indissociables, la mobilité spatiale ne peut être appréhendée sans introduire la notion du temps. C’est la raison pour laquelle nous allons étudier en quoi la connectivité modifie la temporalité du consommateur connecté.
27La connectivité permet à l’utilisateur une flexibilité dans le temps et dans l’espace. Balasubramanian et al. (2002) montrent un changement induit par les technologies mobiles dans la flexibilité des activités quotidiennes. Les auteurs donnent des exemples d’une meilleure flexibilité des activités quotidiennes sur ces deux dimensions facilitée par les technologies mobiles qui changent la nature de l’espace et du temps dans le comportement du consommateur. Dans un monde sans technologies mobiles, la distribution des activités sur ce schéma se présente en forme de L : la majorité des activités quotidiennes sont contraintes simultanément dans le temps et dans l’espace ou ne sont flexibles que sur l’un des deux axes (figure 1).
Figure 1. – Schéma de la flexibilité des activités dans la matrice spatio-temporelle dans un monde sans technologies mobiles.

(Source : adapté d’après Balasubramanian et al. 2002)
28Dans un monde doté de technologies mobiles, le schéma en L est remplacé par un schéma en carré (figure 2), car beaucoup d’activités, liées notamment à la communication ou à l’accès à l’information, échappent à la contrainte spatiale et/ou temporelle. Ainsi, la recherche des informations, les transactions marchandes ou encore le suivi de la commande deviennent des activités qu’un consommateur peut, en théorie, effectuer en tout lieu et à tout moment, à condition d’être équipé d’un poste d’accès à Internet nomade connecté. L’instantanéité d’accès aux informations et la flexibilité temporelle et spatiale offerte par les nouvelles technologies modifient profondément les comportements quotidiens et créent de nouveaux phénomènes comportementaux, sociaux et économiques. Quelles seraient les incidences pour les parcours d’achat ?
Figure 2. – Évolution de la flexibilité des activités dans la matrice spatio-temporelle suite à l’émergence des technologies mobiles.

(Source : adapté d’après Balasubramanian et al. 2002)
29Premièrement, l’abolition des contraintes spatiales et temporelles transforme l’achat (au moins en ce qui concerne la recherche de l’information) en une activité potentiellement ubiquitaire. Ainsi, dans un monde sans Internet mobile, l’achat en ligne est une activité sans contrainte spatiale mais limitée aux endroits équipés d’un poste d’accès à Internet. La contrainte spatiale d’accès à Internet abolie, cette activité devient également beaucoup plus flexible dans le temps.
30Deuxièmement, tout comme d’autres activités (telles que les communications, la consommation média…), l’achat devient fragmenté dans le temps. La technologie permet au consommateur connecté de mieux maîtriser sa mobilité dans l’espace-temps et de gérer son acte d’achat d’une manière flexible, dans la recherche de la meilleure efficacité et efficience d’achat. La généralisation des objets connectés élargit le champ des possibles de moments et de façons d’interaction entre le consommateur et le vendeur.
31Ce découpage des temps de parcours client et, par conséquent, de temps de la prise de décision a un impact ambivalent pour le distributeur. D’un côté, cela représente autant d’occasions de capter l’attention du consommateur tout au long de son parcours d’achat hybride (Collin-Lachaud & Vanheems 2016), voire avant l’achat. Ainsi, en 2010, Google a publié le livre blanc Zero Moment of Truth (Lecinski 2011), « Moment de Vérité Zéro » en français, démontrant l’impact de l’utilisation massive d’Internet sur la logique conventionnelle des « moments de vérité » du parcours client. L’étude de Google met en avant l’importance de ce nouveau moment où le consommateur rentre en contact avec le produit et qui vient se placer entre le stimulus (impulsion de départ) et le Premier Moment de Vérité (prise de décision d’achat dans un magasin physique ou en ligne). D’un autre côté, la facilité d’accéder et de naviguer entre les différents canaux permet au consommateur d’interrompre son achat. Si dans le cas du commerce traditionnel, la contrainte de déplacement incite le consommateur à achever un processus d’achat initié en minimisant le nombre de points de vente visités, lorsque les offres et les boutiques se trouvent au bout de ses doigts, il peut facilement reporter ou changer sa décision. Cette facilité de report de décision, ainsi que la nécessité d’aller jusqu’au paiement pour évaluer l’ensemble des coûts associés à l’achat, couplées à des facteurs situationnels, expliquent les taux d’abandon extrêmement élevés en commerce électronique.
32Si, pour le consommateur, la navigation entre les canaux représente une expérience « sans couture » du shopping hybride, la dimension situationnelle prend de l’importance. Les différentes étapes d’un parcours omni-canal s’inscrivent dans le quotidien du consommateur à différents moments de sa journée. Le smartphone permet au consommateur de « jongler » avec son temps en fonction du rythme de sa journée, notamment, en « valorisant » les « moments de creux ». Bien souvent, les articles repérés lors de ces interstices sur le smartphone se retrouvent dans le panier auquel le consommateur reviendra plus tard dans la journée ou quelques jours après, sur un écran plus grand et plus ergonomique d’un ordinateur, pour remettre en question la pertinence de l’achat. Le temps consacré à l’achat est ainsi divisé en plusieurs « sessions » plus ou moins courtes, et si le temps total consacré à l’achat s’en retrouve rallongé, la commodité temporelle offerte par le smartphone est valorisée par le consommateur. Ce phénomène rejoint les résultats de l’étude de fréquentation des enseignes de proximité de libre-service alimentaire faite par Gahinet (2015) qui a démontré que la commodité temporelle avait un impact plus important que la proximité matérielle sur la fréquentation de ces enseignes et que la possibilité de faire les courses au moment opportun était un enjeu plus important que le gain de temps absolu consacré aux courses. Le temps-Kaïros prend le pas sur le Chronos dans les comportements d’achat, quel que soit le canal.
33L’aide à la mémorisation et le caractère personnel du smartphone permettent au consommateur de s’engager différemment dans des parcours d’achat : en fonction de la nature du produit et de l’urgence du besoin, la technologie mobile permet au consommateur soit de préparer son achat beaucoup plus en amont, ou bien de beaucoup moins le préparer et prendre la décision très vite, même pour un achat important. Enfin, plus qu’une possibilité offerte par la connectivité, l’instantanéité devient pour l’individu connecté un véritable mode de fonctionnement. Habitué à la commodité spatiale et à la flexibilité offerte par son smartphone, le consommateur semble préférer traiter les tâches dans l’urgence, sans chercher à savoir si la contrainte temporelle existe véritablement, dans une recherche d’efficacité. L’urgence peut provenir non seulement d’une situation objective, mais aussi d’une appréciation personnelle. La recherche de rapidité se traduit également dans l’acte d’achat, soutenue, entre autres, par des « offres groupées », « offres spéciales », « ventes privées », « ventes flash », etc., consultées tout au long de la journée sur le smartphone.
34Les nouvelles technologies permettent de surmonter la distance spatiale et temporelle et de mieux gérer des dimensions, tout en mettant l’individu dans la nécessité d’être lui-même flexible et efficace dans ses actes de vie quotidienne (Rosa 2010). Cette observation rejoint les propos d’Aubert (2003 : 21), selon qui la société « est en train de vivre une mutation radicale dans son rapport au temps ». Cette mutation consiste, pour la sociologue, dans une accélération du rythme de vie, du travail et des activités quotidiennes. L’accélération modifie profondément le rapport de l’individu au temps, en contribuant à l’émergence « d’un nouveau type d’individu, flexible, pressé, centré sur l’immédiat, le court terme et l’instant, un individu à l’identité incertaine et fragile » (id.).
L’évolution du temps – ressource du consommateur
35La vision du temps comme une ressource provient de la théorie économique classique : l’individu, tel homo œconomicus (Persky 1995), répartit son budget limité entre différentes options de biens dans le but de maximiser l’utilité totale. Un raccourcissement du temps de travail initié dans la seconde moitié du xxe siècle a stimulé une vague de recherches en économie sur la gestion du temps par les ménages. Ainsi, Becker (1965), dans son travail séminal présentant sa théorie de l’allocation du temps, introduit la variable temporelle dans le modèle classique de l’homo œconomicus et met en évidence les arbitrages que les ménages doivent faire afin de maximiser leur satisfaction totale en gérant leurs ressources monétaires mais aussi temporelles limitées.
36Le temps se présente, avec l’argent et l’effort, comme une ressource dont l’investissement est nécessaire, pour le consommateur, pour accéder aux biens de consommation (Downs 1961). Dans l’activité d’achat, ces ressources peuvent être substituables à certains degrés et sous certaines conditions (Okada & Hoch 2004). Cependant, la ressource temporelle se distingue des autres ressources du consommateur. Quelles sont les qualités intrinsèques de la ressource temporelle ?
37Premièrement, la ressource temporelle est par définition rare ; même si, en termes absolus, le temps peut être considéré comme ressource inépuisable (Balasubramanian et al. 2002), il est certainement limité dans le cadre d’une vie humaine : chacun d’entre nous ne possède que 60 secondes dans une minute, 60 minutes dans une heure, 24 heures dans la journée et 365 (ou 366) jours dans l’année, dont le nombre est aussi limité, bien qu’imprévisible… La rareté du temps lui confie une valeur qui peut être exprimée en termes monétaires. En règle générale, l’urgence ou la rapidité se paie, qu’il s’agisse de finances ou de comportement d’achat.
38Deuxièmement, le temps n’est pas stockable. Contrairement à l’argent ou à la majorité des ressources naturelles, l’individu n’a aucun pouvoir sur l’avancement du temps ; c’est de ce point de vue que certains auteurs ne le considèrent pas en tant que ressource investie dans une activité mais plutôt en tant que contexte (Steedman 2003). En effet, l’excédent de la ressource temporelle ne peut pas être conservé ou acquis à crédit pour être remboursé ensuite. Ceci impose aux individus la contrainte d’une gestion de leur temps dans une recherche de la meilleure allocation de cette ressource, qui doit, de par sa nature, être dépensée d’une manière ou d’une autre.
39Troisièmement, contrairement au capital ou aux ressources naturelles, le temps n’est pas fongible, c’est-à-dire que les unités ou les périodes de temps ne sont pas mutuellement substituables. L’appréciation de la valeur du temps et même de la quantité de temps est largement subjective, et même la structure du temps subjective, notamment le choix des périodes qui servent d’unités de mesure, peut varier d’une personne à l’autre.
40Quatrièmement, la comptabilisation mentale du temps est largement différente par rapport à celle de l’argent. D’un côté, l’utilité négative associée à la dépense temporelle n’est pas une fonction monotone de la quantité du temps investie (Loewenstein & Elster 1992). Plus encore, pour certains économistes, en fonction de l’appréciation subjective de l’individu, le temps peut être considéré non seulement en tant qu’input (ressource) d’une activité de consommation, mais aussi en tant qu’un output (résultat) positif de celle-ci (Nisticò 2014). D’un autre côté, si la comptabilisation mentale de l’argent est une tâche habituelle pour les consommateurs, ces derniers ont beaucoup moins l’habitude à procéder à la comptabilisation mentale du temps. Ainsi, Soman (2001) démontre que les individus sont plus sensibles aux coûts irrécupérables monétaires par rapport aux coûts irrécupérables temporels.
41La mobilité que le consommateur connecté acquiert dans l’espace, dans le temps, et entre les points de contact nous amène à réfléchir sur l’évolution de son rapport au temps comme ressource. Si le temps-dimension devient plus gérable, maîtrisé par l’instantanéité de l’information, la ressource temporelle totale que le consommateur a à sa disposition, elle, n’est pas pour autant extensible. Tout consommateur n’a que 24 heures dans sa journée et 7 jours dans sa semaine à repartir entre ses activités professionnelles, ses nécessités physiologiques, sa vie privée et sociale, ses déplacements, ses activités domestiques, ses loisirs, et enfin, ses achats (corvée ou plaisir). Les dernières décennies ont vu des modifications structurelles importantes dans la répartition du temps entre ces différentes activités, dues notamment à la diminution du temps de travail et l’accroissement du temps « libre » pouvant être consacré au repos et aux loisirs…
42Dans un monde connecté, il devient possible de réduire d’une manière significative, voire d’échapper à l’investissement temporel associé à l’achat et minimiser l’effort physique ou émotionnel lié à la nécessité de déplacement. Le consommateur connecté devient ainsi extrêmement sensible à la dépense temporelle associée au déplacement physique. L’Internet et notamment le smartphone lui sert ainsi pour éviter ce déplacement, en substituant le canal marketing électronique au canal physique pour obtenir un renseignement ou effectuer une transaction, ou encore pour réduire l’incertitude et optimiser son parcours d’achat, en consultant les horaires d’ouverture et en s’assurant de la disponibilité de l’article avant de se rendre au magasin physique.
43La facilité et la rapidité d’achat sur le mobile peuvent, pour certains consommateurs, les rendre plus impulsifs dans leurs décisions d’achat. En effet, l’accessibilité des informations ne remet pas en cause la rationalité limitée des individus. Certes, dans beaucoup de domaines, la diffusion d’Internet et la richesse de choix qu’il apporte ont exacerbé les comportements de maximisation de l’utilité avec un effet négatif sur le niveau global de satisfaction (le paradoxe de choix) (Schwartz 2004). Or, dans beaucoup de cas, la facilité d’accès aux informations et d’achat, d’un côté, et la surcharge informationnelle couplée à la pression temporelle, de l’autre côté, favorisent des décisions d’achat extrêmement rapides. Bien souvent, ces achats rapides et spontanés sont contextualisés et répondent à un besoin qui émerge pour y apporter une solution instantanée.
44L’utilisation du smartphone devient elle-même une dépense temporelle importante. Selon l’étude TNS-Sofres réalisée entre mai et août 2015, auprès de 60500 internautes dans le monde, les Français de 16-30 ans passaient en moyenne 2 heures et 12 minutes par jour sur leur smartphone (Kantar TNS 2015). Or, les jeunes Français sont d’ailleurs loin d’être les utilisateurs les plus intensifs de ces devices : selon l’étude, la durée moyenne d’utilisation d’un smartphone est de 3,2 heures pour leurs pairs dans le monde, de 2,4 heures pour les internautes de 30 à 45 ans, et de 1,5 heure pour ceux de 46 à 65 ans. Le sentiment de « passer trop de temps » sur Internet se généralise : selon le Baromètre du numérique 2016, ce ressenti concerne environ une personne sur cinq, et plus de la moitié des Français entre 18 et 24 ans.
45L’usage intensif des objets connectés nomades semble créer une nouvelle forme de dépendance : la nomophobie (Bragazzi & Del Puente 2014 ; King et al. 2013). Ce terme est un mot-valise anglophone (no-mobile phone phobia) pour désigner la phobie d’absence de téléphone mobile. Les utilisateurs avouent de ne pas pouvoir se séparer de leurs smartphones, de ne pas pouvoir sortir de chez eux sans ce device, au risque d’un sentiment de manque ou d’insécurité. La connectivité est également fortement liée à une autre forme d’anxiété caractéristique du xxie siècle : la peur de manquer une information ou une occasion d’interaction sociale importante, désignée par l’acronyme anglophone FOMO (fear of missing out) (Cheever et al. 2014 ; Przybylski et al. 2013).
46L’usage du smartphone est une activité séquencée au cours d’une journée. L’usage du smartphone au cours de la journée peut se faire soit lors de moments récurrents, par exemple, le matin, pendant le trajet quotidien ou le soir avant d’aller se coucher, ou bien à des moments d’une pause ou de « temps morts » tout au long de la journée en fonction d’autres activités. Les individus ont du mal à évaluer le temps moyen passé sur l’écran.
47Les entretiens que nous avons menés révèlent un sentiment de culpabilité lié à une utilisation intensive de ces objets connectés chez certains individus, ou encore la volonté de réduire le temps passé sur leurs écrans. Or, pour y parvenir, les consommateurs sont parfois obligés de se forcer en se posant des contraintes volontaires : un forfait limité qui ne leur permet de se connecter qu’en cas de besoin réel ou encore… des applications pour le smartphone permettant de maîtriser l’utilisation de cet appareil ! Pour d’autres, l’usage intensif du smartphone est devenu tout à fait naturel, voire indispensable.
48L’augmentation du rythme de vie contribue à une croissance de « prix » du temps, aussi infime que l’unité temporelle en question puisse être. Même si la facilité avec laquelle un individu connecté peut « jongler » entre différentes activités peut lui donner une impression de maîtriser le temps et presque une illusion d’échapper à cette temporalité inéluctable, la pression temporelle sur les individus dans le monde connecté semble augmenter d’une manière spectaculaire (Rosa 2010). Une gestion efficiente et efficace de la ressource temporelle devient un enjeu majeur pour l’individu connecté et le smartphone lui offre une possibilité d’optimiser cette ressource. Gagner du temps, économiser le temps, gérer le temps d’une manière efficiente – tels sont les préoccupations de l’individu hypermoderne et tels sont les arguments commerciaux des marques et des distributeurs mis en avant pour attirer ou fidéliser le consommateur (ou encore le « mettre au travail » dans les grandes surfaces). Le canal électronique devient, pour certains consommateurs sensibles à l’investissement temporel le canal de recherche d’information, voire le canal d’achat « par défaut » permettant de réduire le risque d’une dépense de temps et d’énergie inutile de déplacement au point de vente. Pour certains, la nécessité de se déplacer ou une attente à la caisse trop longue peut devenir un facteur dissuasif : il s’agit non seulement d’une pression temporelle objective, mais d’une accélération du temps subjectif, qui rend les individus impatients (voir l’encadré 3).
49La stimulation intellectuelle constante procurée par les smartphones et tablettes, couplée à une pression temporelle, génère chez certains consommateurs une peur des « moments perdus »« temps contraints » ou « temps morts ». Il s’agit des périodes d’inactivité physique et intellectuelle forcées, telles que le temps passé dans les transports, dans les salles d’attente, ou encore consacré à des activités à faible implication… La généralisation de la mobilité géographique contribue à une croissance de ces micro-moments décomposés en interstices de la journée.
50Paradoxalement, malgré une apparente aspiration à une moindre sollicitation, ces moments suscitent chez les individus un inconfort et un besoin de les remplir par une activité. La stimulation intellectuelle semble être addictive. Il suffit de regarder le comportement des habitants de grandes villes dans les transports pour trouver une illustration d’une recherche constante de stimulation, qui passe notamment à travers l’utilisation des objets connectés nomades. Le smartphone offre une solution toujours disponible pour procurer une occupation.
51L’accès à son objet connecté en tout lieu et à tout moment permet à l’individu de stimuler son esprit d’une façon permanente et lui impose une obligation de performance professionnelle et personnelle (Aubert 2003). Vérifier sa messagerie, le fil de l’actualité de son réseau social préféré devient un réflexe dès l’instant que l’individu a un temps non occupé par d’autres activités ou encore lorsque l’activité ne demande qu’une participation passive. Les « moments perdus », les « temps morts » suscitent un sentiment vide qu’il convient de combler – le plus rapidement et facilement, par le smartphone. La recherche d’informations, de produits ou l’achat sur le mobile devient l’une des activités qui permettent de remplir ces « moments perdus », en rassurant le consommateur dans sa course au temps et le rassure dans la pertinence de ses choix. En fonction de la personnalité du consommateur et de ses habitudes, il peut s’agir aussi bien d’un achat « utilitaire », effectué à des moments creux et parfois dans la mobilité avec une aspiration à optimiser sa productivité personnelle, que d’un achat « plaisir », perçu comme un moment d’évasion. Plus encore, même pour les achats utilitaires, le smartphone permet au consommateur de réduire l’effort émotionnel lié aux contraintes des canaux physique et électronique (encadré 4).
Encadré 3. – Extrait d’entretien consommateur (Jérôme, 27 ans).
La dernière fois que j’ai fait un achat sur mon smartphone, c’était un livre de cours. On était en cours, et le professeur parlait de la bibliographie, enfin, de plusieurs livres qui correspondaient au cours et qui étaient intéressants. Et en direct, j’ai regardé sur Amazon, les critères d’évaluation et le prix, et il y avait un livre qui était moins cher que les autres et qui était mieux noté. Ça valait deux euros, et je l’ai acheté directement. Donc, c’était en cours.
Le fait d’avoir un smartphone, ça me rend plus impulsif, parce que je l’ai dans ma main, j’ai mon compte qui est inscrit sur téléphone, j’ai juste à appuyer sur un bouton, et c’est parti ! Enfin, c’est quelque chose pour lequel j’aurais mis peut-être du temps à me décider ; là, je peux l’acheter tout de suite. Par exemple, pour le livre de cours, là, j’aurais pu prendre du temps, regarder s’il n’était pas dans la bibliothèque ou des choses comme ça… Mais la démarche, c’était : je l’ai vu, j’ai pris, j’ai appuyé. Je n’ai pas besoin de faire un déplacement, d’aller voir, de risquer qu’il ne soit pas là, d’avoir à commander… Là, j’ai toute l’information, si c’est possible de l’avoir, en combien de temps, livré chez moi… Je sais que ça m’arrive souvent, lorsque je vais payer et qu’il y a trois ou quatre personnes devant moi, ça m’énerve, je repose, je repars… Je repars parce que je n’ai pas envie d’attendre. Et… bah… Sauf si c’est quelque chose dont j’ai vraiment besoin, et si c’est un achat… Un peu un coup de tête, finalement… Genre, par exemple, Harry Potter, puisque je n’en ai pas besoin, heu… je ne vais pas, genre, attendre une demi-heure à faire la queue pour le payer en magasin. Je vais le reposer. Tandis que j’ai à appuyer… Et puis j’avais l’offre Premium sur Amazon, c’était une offre, donc, je l’ai eu le lendemain.
Entre le smartphone et le magasin, ce n’est pas du tout la même expérience d’achat, mais en même temps, les achats que je fais sur téléphone, je n’ai pas besoin forcément du conseil d’un vendeur, je me fie plus aux conseils des utilisateurs. Je lis les avis. Puisque, la seule chose qui peut me prendre du temps, quand j’achète sur Internet, c’est trouver quelques avis. Puisque, quand je suis en magasin, par exemple, je n’aurais pas ces avis-là, je prends plus de risques. Et si je vais dans un magasin acheter quelque chose, si je ne me suis pas renseigné avant, je prends plus de risques de savoir si c’est un bon produit ou pas, alors que sur Internet je vais avoir 50 personnes qui ont déjà pris le produit et qui vont me dire ce qui est bien et ce qui n’est pas bien.
Conclusion
52Même si la théorie économique a mis du temps à porter un intérêt aux notions du temps et de l’espace (Vuaridel 1959), ceux-ci constituent le cadre d’activité de tout acteur économique. En marketing, la mobilité du consommateur est principalement étudiée sous l’angle du comportement spatial. Bien que le comportement spatial du consommateur fasse partie des premiers domaines de recherche en marketing, ce sujet reste peu traité dans les travaux récents (Cliquet 2003).
Encadré 4. – Extrait d’entretien consommateur (Leïla, 29 ans).
Honnêtement, à ce stade-là, à ce stade étudiant, sur mon téléphone, j’achète que des achats utilitaires, en général. Pas vraiment des achats plaisir. Après, ça dépend de la conception de chacun, parce qu’il y en a qui pensent qu’un iPhone 6S, c’est un achat plaisir, mais moi, ça fait trois ans que je n’ai pas acheté un nouveau téléphone, donc pour moi, si j’achète, autant acheter quelque chose de bien. Et je trouve que tous les achats que j’ai faits récemment sont des achats utilitaires, parce que j’y ai réfléchi. Ce ne sont pas vraiment des achats coups de cœur ou instantanés, ou juste pour acheter. Mais c’est vraiment quelque chose dont j’ai besoin. Donc, sur smartphone, c’est généralement des achats utilitaires. Donc, si je me presse à acheter sur mon téléphone, c’est qu’il s’agit de quelque chose de vraiment important. Je prends aussi plaisir à acheter, sur Internet, beaucoup, parce que, en ligne, on trouve ce qu’on veut, généralement. Quand je vais dans les boutiques, je ne trouve pas forcément des choses qui me plaisent. Tandis que sur Internet, oui. Et ça, je trouve que c’est très bien, parce que 90 % des cas où je sors pour acheter, donc, j’ai un budget, je veux acheter et je ne trouve pas ce que j’aime ! Donc, c’est pour ça que je préfère acheter sur Internet. Et surtout que sur plusieurs sites, il y a l’envoi et le retour gratuits, et remboursement facile, si cela ne m’arrange pas, donc… Donc, moi je trouve du plaisir à acheter, même les achats qui sont utilitaires, je trouve du plaisir à les faire sur Internet. Et je trouve que c’est plus… On va dire, même à minuit et demi, avant de dormir, je peux acheter, ce n’est pas comme quand on est contraint par le temps, ou la vendeuse qui vous pose des questions, des fois, ça m’embête, donc, on sent vraiment que la personne te pousse à acheter. Tandis que, sur Internet, c’est vrai qu’il y a, derrière, tout un tas de mécanismes pour nous pousser à acheter, mais au moins il n’y a personne qui te met de la pression, tu peux, de ton plein gré, voir et choisir ce que tu veux.
Avant quand je n’achetais que sur l’ordinateur, il fallait que je sois à la maison pour regarder les articles, que je trouve le temps et le site. Quand je suis sur le smartphone, ça économise du temps, c’est-à-dire qu’à n’importe quel moment je peux voir les sites, je peux voir tous les articles, et après, je déciderai, peut-être le soir ou à tête reposée. Mais voilà, en quelque sorte, ça permet de voir, dès qu’on veut, l’article ou le site, à n’importe quel moment. On est libre de le faire quand on veut. Ce n’est pas comme, déjà, dans les boutiques, et en plus sur l’ordinateur. Je ne suis pas du tout contrainte par quoi que ce soit, par n’importe quel paramètre. Donc, soit par le lieu, soit par le temps, soit par le climat… Par rien du tout ! Par exemple, s’il pleut je ne vais pas sortir faire du shopping. Par contre, je peux regarder sur mon téléphone. S’il est minuit, pareil. Si je dors et que je me réveille à deux heures du matin et que je n’arrive pas à m’endormir, je peux aller sur mon téléphone. Donc, à n’importe quel moment, ça demande juste un clic. Ce n’est pas allumer l’ordinateur, ou partir, me déplacer, c’est vraiment directement sur l’appli ou sur le site Internet.
Je trouve que c’est bénéfique. C’est comme un crédit. Si je veux acheter une voiture, si je la paie d’un coup, c’est toujours plus compliqué que si je la paie en plusieurs fois. Pour moi, c’est pareil. Si je prends une ou deux heures de la même journée, moi, c’est plus handicapant que si je prends un quart d’heure chaque jour pendant une semaine. Je vais voir, aujourd’hui, si j’ai un impératif à faire, ou une priorité, je laisse de côté et je vais faire ça. Et, pareil, un deuxième jour, jusqu’à ce que je me décide. Et, généralement, c’est ce que je fais. Par exemple, maintenant, Amazon, dans mon panier, j’ai vingt articles, à peu près ! Et je vois, à chaque fois, en termes de priorités, hier, je voulais passer la commande et j’ai tout mis – il y a une option « mettre de côté », donc, on le met de côté, on valide le panier qu’on veut, et on les remet dans le panier, on le laisse de côté, pour après. Après, je verrai : ça dépend de mon budget, ça dépend des priorités, en quelque sorte. Donc, moi je trouve, au contraire, que c’est très intéressant. Par exemple, y a des choses que je sais que je veux acheter et que je vais acheter, mais je n’en ai pas forcément besoin tout de suite, donc, je le mets dans mon panier et j’attends le moment, si vous voulez, convenable pour les acheter, pour payer.
En général, c’est très rare que je sois sur Internet, et que je voie quelque chose, et me dise : « Ah, tiens, ça, ce n’est pas bête ! » et que j’achète. Ça peut m’arriver, mais vraiment, sur des trucs pas très chers. C’est-à-dire de l’ordre de moins de 5 €. Par exemple, il y a deux jours, j’ai vu un produit cosmétique à 4 € que j’avais avant, mais j’avais complètement oublié. Donc, pour moi, ce n’est pas un achat réfléchi parce que je l’ai vu, ils étaient à 4 €, et je me suis dit : « Ah, ça, c’est pas mal ! » et j’ai acheté. Mais généralement, les autres achats, c’est réfléchi. C’est-à-dire j’ai ressenti le besoin et puis, je l’ai acheté. Mais je pense que c’est parce que je suis encore étudiante, le jour où je serai plus étudiante et que j’aurai un salaire fixe, je pense que ça va être… heu… différent et peut-être même compliqué. Parce que je… j’aime bien me faire plaisir, en quelque sorte, et du coup, bah, si je vois que c’est intéressant, que ça peut rapporter un plus dans la vie du quotidien, bah, je vais acheter.
53Dans ce chapitre, nous avons montré l’impact des nouvelles technologies sur le comportement spatio-temporel du consommateur tout au long de ses gestes du quotidien et de ses actes d’achat. Même si les évolutions sont extrêmement rapides et que les tendances qui en résultent sont en permanence remises en question, nous pouvons constater que la temporalité prend le dessus sur l’espace, fortement maîtrisé grâce aux TIC. Appliquée au processus d’achat, la commodité temporelle (Kaïros) devient plus importante que la durée totale de l’achat (Chronos), le comportement d’achat étant fortement empreint des nouvelles logiques comportementales : l’instantanéité, la fragmentation, le caractère multitâche des activités, et le culte de l’urgence. Les technologies suscitent là encore une hyperréflexivité toujours plus affirmée qui rime avec fréquence et intensité et qui donne à chaque individu la capacité de jouer avec le temps tout en déjouant les contraintes de distances (Jauréguiberry & Lachance 2016).
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Ici et dans les autres encadrés ci-après, les prénoms des participants ont été modifiés pour des raisons de confidentialité.
Auteurs
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Martine Deparis
Docteure en sciences de gestion. Enseignant-chercheur au sein de Novancia Business School, elle est spécialisée en marketing digital et en distribution omnicanal. Ses thèmes de recherche sont liés à l’usage des technologies numériques, et plus particulièrement le smartphone, et leurs incidences sur les nouveaux comportements de fréquentation des points de vente par les consommateurs, ainsi que les conséquences sur les stratégies immobilières des réseaux de distribution du commerce de détail.
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Ekaterina Voropanova
Doctorante en sciences de gestion à l’IGR-IAE de Rennes (Université de Rennes 1). Sa thèse, sous la direction du professeur Gérard Cliquet et de Karine Picot-Coupey, porte sur l’impact des smartphones sur la productivité du consommateur dans la distribution. Ses thématiques de recherche concernent principalement les nouvelles technologies dans la distribution. Elle a également travaillé et publié dans des revues référencées sur le développement du e-commerce dans les réseaux de franchise. Elle enseigne, entre autres matières, le marketing stratégique, la distribution, les achats et le marketing international à différents niveaux.
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