1Chaque année apporte son lot d’événements catastrophiques comme en témoignent les rapports des réassureurs (Swiss Re, 2011). La tendance à long terme met en relief une augmentation des cataclysmes affectant des populations, tant en nombre qu’en gravité. Cet accroissement sensible est révélateur d’une concentration des personnes et des activités dans des zones risquées. Pour autant, l’information et les réponses relatives aux catastrophes naturelles ont progressé : les phénomènes font de plus en plus l’objet d’études précises, de sorte que la gestion des risques s’avère plus ciblée.

2Les enjeux humanitaires sont particulièrement sensibles dans la mesure où les catastrophes affectent simultanément un grand nombre de personnes et génèrent des dommages très élevés. Il est dès lors crucial que les chaînes de secours soient capables d’être résilientes, c’est-à-dire de s’adapter à des situations complexes pour permettre à leur tour aux populations affectées de surmonter l’épreuve de la catastrophe et de parer à de futurs événements (Altintas et Royer, 2009).

3Dans une première partie, nous insisterons sur les spécificités des risques extrêmes qui en font un objet d’étude particulièrement intéressant. Dans une deuxième partie, nous présenterons les enjeux liés à la logistique humanitaire en situation catastrophique. Cela nous permettra de nous focaliser dans une troisième partie sur la résilience des chaînes logistiques humanitaires. L’étude de la gestion de l’éruption du Mont Merapi (Indonésie) en novembre 2010 nous fournira dans une quatrième partie une illustration de résilience.

Risques et catastrophes

4Trois notions clefs permettent de définir l’ampleur d’une catastrophe : l’aléa, la vulnérabilité et le risque (Blaikie et al., 2004). Précisons rapidement chacun de ces points :

• L’aléa est la réalisation d’un phénomène naturel d’une intensité et d’une probabilité données. Dans le cas des éruptions volcaniques, il peut prendre plusieurs formes : coulées de lave, nuées ardentes et panaches de cendres. L’aléa est mesuré entre autres par la période de retour, la durée de l’éruption, le degré d’explosivité ou encore les surfaces affectées. Des instruments de mesure permettent de mieux appréhender les enjeux. Certaines opérations d’aménagement peuvent modifier, voire réduire l’aléa.
• La vulnérabilité mesure les conséquences prévisibles d’un aléa sur les personnes et les biens susceptibles d’être affectés par un phénomène. Elle est étroitement liée à l’occupation du sol et à son utilisation par des activités anthropiques. Dès lors, la vulnérabilité est plus élevée dans les espaces densément peuplés ou isolés. La vulnérabilité peut être tempérée par l’exposition qui traduit la répartition spatiale des habitants, des activités et des infrastructures. Celle-ci peut être modifiée par des évacuations et la mise en place de ressources.
• Le risque survient au croisement d’un aléa et d’une vulnérabilité. Il traduit la présence d’un danger potentiel, une menace, qui peut affecter une organisation donnée avec une probabilité donnée. Les risques naturels sont essentiellement subis dans la mesure où les populations n’ont que peu de prise sur les aléas. Ils sont amplifiés du fait de la propension des populations à s’implanter dans les secteurs les plus menacés.

5D’après la Convention de Tempere (1998), les catastrophes traduisent

une grave perturbation du fonctionnement de la société causant une menace réelle et généralisée à la vie ou à la santé humaine, aux biens ou à l’environnement, que la cause en soit un accident, un phénomène naturel ou une activité humaine et qu’il s’agisse d’un événement soudain ou du résultat de processus complexes se déroulant sur une longue période1.

6Cette définition vient compléter l’approche retenue par la conférence de Santander (1947) qui les considère comme des

risques déterminés par une cause à caractère extraordinaire, connexes à des faits naturels ou à des conflits entre les hommes, qui atteignent les personnes ou les choses, et se présentent avec une ampleur et un volume économiques absolument exceptionnels dans leurs effets immédiats ou médiats, qui n’ont aucun caractère de périodicité prévisible, et n’obéissent à aucune régularité statistique suivant la conception scientifique contemporaine.

7Suivant ces deux approches, il est possible de classifier les dommages en deux types de catégories, tangibles et intangibles, selon qu’il est possible ou non de leur affecter une valeur monétaire :

• Les dommages tangibles sont les pertes monétaires attribuables à une catastrophe naturelle. Ils peuvent être subdivisés selon leur nature directe ou indirecte : dans le premier cas, les dommages sont immédiatement constatables après une catastrophe, comme par exemple les dégâts faits aux bâtiments par l’accumulation de cendres et les coulées pyroclastiques. Dans le second cas, les dommages proviennent d’une interruption de l’activité économique causée, par exemple la stérilisation des terres pendant plusieurs mois.
• Les dommages intangibles, potentiellement très variés, incluent notamment les pertes humaines, les coûts de prévention contre les crues, ainsi que les frais d’évacuation et de relogement. Ces dommages ne sont pas facilement identifiables et mesurables bien qu’ils doivent recevoir une réponse dans de brefs délais.

Logistique humanitaire et catastrophes naturelles

8La survenance de catastrophes naturelles appelle à la mise en œuvre d’opérations de secours. Celles-ci peuvent être définies comme les « activités destinées à réduire les pertes humaines, les souffrances et les dégâts aux biens et/ou à l’environnement causés par une catastrophe »2. Une différence basique peut être faite entre les opérations d’aide continue (famine, développement, etc.) et la réponse à une catastrophe. La logistique humanitaire est définie comme le processus de prévision, mise en place et maîtrise efficiente et efficace des flux aller et retour des marchandises, des services et des informations associées, entre leur point d’origine et leur point de consommation, de manière à satisfaire les besoins du bénéficiaire final (Thomas et Mizushima, 2005). Elle doit être adaptée à chaque type d’opération et concevoir des chaînes logistiques différentes, limitées dans le temps et avec des ressources parfois très différentes.

9La réponse à une catastrophe est souvent définie comme un processus comportant trois phases (Thouret et d’Ercole, 1996) : le temps de la préparation se déroule avant la catastrophe (prévention et mitigation). Immédiatement après la catastrophe vient le temps de l’urgence (réponse et secours) qui sera suivi, à un horizon plus lointain, par la récupération (reconstruction et réhabilitation). Cependant, plus qu’une série d’événements, la réponse à une catastrophe peut être vue comme un cycle, puisque la phase de récupération conduira nécessairement à une nouvelle phase de prévention et de préparation pour pouvoir répondre à de nouvelles catastrophes. Pour chaque étape, une chaîne logistique est mise en place afin de répondre à des besoins spécifiques. Nous détaillons par la suite les trois phases du processus de gestion (préparation, urgence et récupération) en insistant sur les actions à conduire.

Préparation

10La plupart des catastrophes naturelles ne peuvent pas être anticipées, mais certaines régions, plus exposées à cette menace que les autres, peuvent se préparer à certains risques identifiés. Tremblements de terre, ouragans, inondations, avalanches, éruptions volcaniques et d’autres catastrophes présentent des caractéristiques spécifiques et, par conséquent, des mesures peuvent être prises pour réduire leur impact. Bien que les stratégies de préparation et de formation soient souvent négligées par les donateurs et les populations, il ne fait aucun doute qu’être mieux préparé conduit à une meilleure réponse (Van Wassenhove, 2006). Afin de produire des résultats efficaces, il est donc nécessaire de développer une « culture du risque » à travers des ateliers de formation et des exercices de simulation. Ces activités doivent impliquer à la fois la population et les institutions en charge de la gestion du risque. Dans cette phase de préparation, la chaîne humanitaire est généralement permanente, prévisible et stable. Les activités et les processus sont standardisés pour atteindre la réactivité nécessaire en phase d’urgence.

Urgence

11Les opérations de secours sont activées immédiatement après une catastrophe. Souvent, ces opérations sont effectuées au sein d’un environnement très complexe. Les structures physiques telles que routes, ponts ou aéroports sont pour la plupart endommagées et les communications difficiles voire ininterrompues. De fait, la connaissance de la situation est très limitée, surtout pour les entités locales qui doivent assurer la coordination avec les ONG et tous les acteurs apportant du secours à la communauté affectée (par exemple, l’armée). La phase d’urgence d’une catastrophe commence avec pas ou peu de préavis et dans un laps de temps où chaque retard se compte en nombre de vies plutôt qu’en perte de profits (Tatham et Kovacs, 2007). Dans ce contexte, une chaîne de secours temporaire, imprévisible et réactive, est mise en place en quelques jours (ou quelques heures) par des équipes de spécialistes afin de répondre à l’urgence. Elle s’appuie sur des stocks pré-configurés selon le type de catastrophe attendue, ce qui permet de faire face aux besoins vitaux. Quand les besoins de première nécessité sont satisfaits, les chaînes humanitaires s’attachent à favoriser le retour à la normale au travers de processus de récupération.

Récupération

12La récupération est définie comme un processus par lequel les communautés et la Nation reçoivent une aide pour retourner à un niveau de bon fonctionnement suite à une catastrophe. Ce processus prend habituellement des années et le point de transition avec la phase d’urgence reste très flou. L’accent de la phase de récupération est la reconstruction sociale et économique. Alors que la reconstruction économique comprend des aspects de la récupération tels que le rétablissement des infrastructures et de l’économie pour soutenir les besoins humains, la reconstruction sociale apporte un soutien moral et une assistance psychosociale à la population touchée. Pendant cette phase, une ou plusieurs chaînes par projet sont conçues avec un groupe temporaire de ressources locales. Cette organisation redevient permanente, prévisible et stable afin d’entreprendre des projets structurants de reconstruction ou de prévention.

La résilience des chaînes humanitaires en situation catastrophique

13Pour faire face aux catastrophes, la capacité de résilience des chaînes humanitaires est cruciale : il s’agit non seulement de réhabiliter les chaînes d’approvisionnement utiles aux communautés en temps normal, mais également d’établir de nouvelles chaînes logistiques humanitaires capables de répondre efficacement aux besoins des secours, comme par exemple la distribution de nourriture. Avant d’appliquer le concept de résilience dans cette situation, il faut en donner une définition et le replacer dans le contexte de la logistique.

14Le terme de résilience est d’origine latine, resalire signifiant rebondir ou recommencer un processus de développement (Cyrulnik, 2005). Il est employé dans de nombreuses disciplines, l’acception la plus ancienne étant la résilience mécanique qui désigne la capacité des matériaux à retrouver leur état initial à la suite d’un choc. En sciences de gestion, la résilience est définie comme « la capacité d’un individu ou d’une organisation à concevoir et à mettre en œuvre rapidement des comportements adaptatifs positifs adaptés à la situation immédiate et minimisant la pression supportée » (traduction d’après Kendra et Wachtendorf [2003]). Le concept de résilience organisationnelle émerge dans le contexte du management de crise et de celui des organisations de haute fiabilité (high reliability organisations, HRO), comme les centrales nucléaires (Weick et Sutcliffe, 2001).

15Dans le domaine plus spécifique de la gestion de la chaîne logistique, le terme de résilience est lié au risque et à la vulnérabilité dans la mesure où les risques ne peuvent pas être complètement évités, contrôlés, ou éliminés (Christopher et Peck, 2004 ; Peck, 2006). Suite à la désorganisation et aux ruptures générées par une catastrophe, la chaîne logistique a besoin d’un délai pour revenir à son état initial. La figure 1 illustre la réponse dynamique de la chaîne en détaillant les différentes phases que traverse la chaîne avant le retour à sa performance de départ. Ce délai de retour est fonction de la capacité de rebondissement de la chaîne logistique, plus communément appelée résilience (Sheffi et Rice, 2005). La résilience est capitale dans le cas des catastrophes naturelles, pour assurer le rétablissement dans les meilleurs délais.

Figure 1 : Profil de rupture et de récupération des chaînes

16L’ensemble de ces définitions converge sur le fait que la résilience est la « capacité d’une organisation à garder ou à retrouver un état de stabilité dynamique qui lui permet de poursuivre ses opérations pendant et après un incident majeur ou en présence d’un stress continu » (Hollnagel, 2006). Penser en termes de résilience permet d’optimiser le système de la chaîne logistique dont les acteurs, les relations, les activités et les fonctions sont interactifs et interdépendants (Peck, 2006).

17La résilience des organisations s’appuie sur trois facteurs essentiels : la capacité d’absorption, la capacité de réponse et la capacité de capitalisation. Les deux premiers éléments s’apparentent à la philosophie de la résilience mécanique qui fait face au changement et permet le maintien du système affecté par la reconfiguration des ressources, des structures et/ou des processus. Le troisième élément traduit une capacité d’apprentissage qui permet aux organisations insérées dans la chaîne d’être plus proactives, notamment dans la perspective de nouvelles épreuves.

18Une chaîne logistique résiliente est ainsi agile, flexible et adaptable. Dans la phase de préparation, la résilience qui désigne une capacité de reconstruction continue s’appuie sur des veilles informationnelles, des expérimentations et une planification permettant d’anticiper et prévenir des turbulences de l’environnement. Dans la phase d’urgence et de récupération, une structure facilitant la coordination entre les différents acteurs permet une réponse efficace face à la catastrophe. De plus, promouvoir la flexibilité et la redondance, comme la diversification des activités, la multifonctionnalité des installations et la disponibilité des ressources suffisantes, renforce la résilience. L’apprentissage de l’après-crise rend l’organisation plus proactive en vue d’un choc futur (Hamel et Valikangas, 2003 ; Boin et al., 2010). Cette capacité d’adaptation se retrouve tout particulièrement sur les sites affectés par des risques catastrophiques, ce qui en fait un sujet d’étude privilégié.

Le cas de l’éruption du Mont Merapi en Indonésie (novembre 2010)

19La capacité de résilience des chaînes logistiques impliquées dans la gestion des risques catastrophiques fait l’objet d’une étude in situ dans le cas d’une éruption volcanique en Indonésie. Ce pays est localisé en zone équatoriale sur la Ceinture de Feu. À ce titre, il est sujet à de très nombreux phénomènes naturels liés à la tectonique des plaques (séismes, volcanisme, tsunami). Situé sur l’île de Java, au nord de la ville de Yogyakarta (voir la figure 2), le volcan Merapi est considéré comme le plus actif et le plus dangereux d’Indonésie. En état d’activité permanente, ce volcan est entré dans une phase d’éruption très violente à partir du 26 octobre 2010. Les nuées ardentes qui ont suivi le tracé des vallées ont atteint par endroits près de 20 kilomètres. À partir du 19 novembre 2010, l’alerte a été baissée et la zone d’exclusion progressivement réduite. Le volcan reste cependant sous étroite surveillance en raison des dégagements de gaz toxiques et surtout de la survenance de lahars : ces coulées de boue qui résultent du mélange des cendres volcaniques aux fortes précipitations pendant la saison des pluies parachèvent la dévastation des flancs du volcan et celle des alentours sur plusieurs dizaines de kilomètres. Le bilan de l’éruption effectué en décembre 2010 faisait état de 386 victimes et 115 blessés graves pour 272164 personnes déplacées. Nous présentons les étapes de la gestion du risque volcanique en suivant les trois phases exposées précédemment.

Figure 2 : Localisation du Mont Merapi en Indonésie et dans le monde

Préparation

20La gestion du risque volcanique en Indonésie est assez précisément codifiée depuis la Loi n° 24/2007 qui définit les objectifs et les moyens de gérer les risques liés aux catastrophes naturelles. Si l’articulation centrale du système national de gestion des risques (Badan Nasional Penanggulangan Bencana, BNPB) repose entre les mains du Président de la République, l’essentiel de l’effort est réalisé au niveau des agences locales (Badan Penanggulangan Bencana Daerah, BPDB) présentes au niveau des 33 provinces et 325 départements du pays. Ces institutions locales sont chargées de préparer des plans d’intervention très détaillés mentionnant les zones à risque, les itinéraires d’évacuation, les lieux d’implantation des refuges, les espaces de soins ou encore la localisation des habitants, leurs équipements (véhicules) et leurs compétences (médecins). Ces plans sont ensuite déclinés à l’échelle des districts, des villages et même des hameaux car l’information et les moyens de secours sont distribués à ces échelons.

21La structuration de l’organisation des secours repose sur une base fixe qui peut évoluer rapidement en fonction de l’évolution de la situation. Quelle que soit la situation, une organisation minimale de veille est ainsi en place. Elle repose sur des observatoires locaux qui étudient le volcan et son activité. L’information est centralisée au niveau du Centre national de volcanologie (CVGHM) à Bandung. Cet organisme détient un grand pouvoir dans la gestion du risque en se coordonnant avec le BNPB et le BPDB pour ordonner l’évacuation, organiser les secours et faire appel aux ONG nationales et internationales.

Urgence

22Le premier niveau d’alerte est déclenché, en septembre 2010, suite aux observations faites sur place et validées par le CVGHM. Une évacuation des abords immédiats du sommet (5, puis 10 km) est décidée. Débute alors une coordination au niveau des échelons territoriaux pour organiser la gestion de crise : communication de l’information en temps réel notamment via le site internet du volcan, relogement provisoire dans des tentes, positionnement de ressources stratégiques dans chaque village (citernes d’eau potable) et création de postes de commandement avancés. Pendant un mois et demi, alors que l’activité volcanique allait croissant, ces organismes ont permis à la fois d’assurer la continuité de la vie locale et de préparer les événements à venir.

23L’alerte maximale est lancée le 25 octobre 2010, soit un jour avant l’explosion du volcan, avec évacuation immédiate par les forces armées de toute la zone située à 15 km autour du volcan. Ce périmètre sera ensuite étendu à 20 km en raison des pluies de cendres. Durant cet épisode de crise, les évacuations massives ont nécessité de reloger les habitants dans les environs chez leur famille ou leurs amis. Certains ont dû se déplacer dans d’autres provinces. Les pouvoirs locaux assistés des ONG sont intervenus pour fournir les besoins de base : outre le logement, les rations quotidiennes de nourriture et l’établissement de dispensaires avancés.

Récupération

24Passée la crise, le logement est devenu une priorité en raison des destructions occasionnées par le volcan et les lahars. Les habitants qui n’avaient pas perdu leur habitation ont pu se réinstaller et envisager de réparer leur logement grâce à un support matériel : fourniture de planches et de ciment. Les personnes ayant perdu leurs biens dans la catastrophe ont manifesté un fort attachement à leur terrain, ce qui a nécessité l’installation de refuges au plus près des secteurs sinistrés, souvent sous une forme précaire comme des tentes. Les terrains ont été mis gracieusement à la disposition des habitants par les municipalités et avec l’aval des pouvoirs publics à condition que ces installations restent temporaires et soient démontées à terme. Le choix des matériaux de construction (principalement le bambou) va dans ce sens, ainsi que dans celui d’une économie financière pour la construction.

25Chaque groupe de refuges est parrainé et administré par une ONG. Les ressources sont à la fois internationales, nationales et locales via des collectes. Pour les besoins du quotidien, le département attribue 400 g de nourriture et 3000 rupiahs (0,25 euro) par réfugié et par jour tandis que la province distribue un paquetage par famille. À terme, chaque famille devrait recevoir du gouvernement central 100 m² de terrain et l’équivalent de 2750 euros pour la construction de nouvelles habitations éloignées du sommet du volcan. Les animaux perdus dans la catastrophe devraient être strictement compensés. Pour cela, le gouvernement a débloqué le 15 avril 2011 un financement de 1350 milliards de roupies (115 millions d’euros). Les ONG financent des campagnes de distribution des semences et de replantation des cultures.

Discussion

26Le cas de l’éruption du Mont Merapi illustre de façon emblématique les étapes de gestion des risques extrêmes. L’Indonésie est un pays exposé en permanence aux éruptions, ce qui se traduit par une « culture du risque » imprégnant les Pouvoirs publics et la population. Sans empêcher la vie sur les flancs du volcan en période calme, elle favorise l’efficacité des moyens de gestion lors d’une éruption. La surveillance du volcan associée à un zonage des risques existe depuis des décennies et les différents acteurs en charge de la gestion sont précisément identifiés. Au moment de la crise de novembre 2010, les plans précis d’évacuation et de relogement prévus par la règlementation venaient à peine d’être mis au point et ils ont donc pu être appliqués. De fait, le support des chaînes humanitaires existant par avance, il a été capable, le moment venu, de l’amplifier considérablement pour faire face à l’urgence, ce qui est une marque de résilience.

27Dans le cas de cette éruption, la progression régulière de l’activité du volcan a laissé aux chaînes de secours suffisamment de temps pour se mettre en place. Ce délai, indépendant des volontés humaines, est loin d’être la norme en ce qui concerne les catastrophes mais il a représenté un atout majeur dans le cas considéré. Néanmoins, la violence de l’éruption a dépassé les attentes, de sorte que les plans initiaux ont dû être remaniés devant l’ampleur des évacuations, puis des relogements, à effectuer. Les chaînes humanitaires doivent donc faire preuve de flexibilité, que ce soit dans l’urgence ou dans la récupération. Dans le cas présent, un enjeu majeur a été de reloger durablement des populations ayant perdu leurs terres mais souhaitant continuer à habiter au plus près de leur ancienne habitation.

28L’objectif annoncé d’un retour à une activité normale d’ici à 2013 est ambitieux compte tenu de l’ampleur des destructions. À cette date, l’ensemble des habitants devrait vivre dans un cadre plus sûr dans la mesure où la zone sommitale du volcan et les berges des rivières ne devraient plus être habités. L’enjeu est désormais que les moyens financiers promis pour la réhabilitation à long terme soient bien débloqués et que les nouvelles règlementations soient appliquées. En effet, une nouvelle éruption, probablement de moindre ampleur, surviendra au cours de la décennie. Il est donc nécessaire que les enseignements tirés de l’expérience de 2010 soient concrètement appliqués lorsqu’elle surviendra.

Conclusion

29L’exemple de l’éruption du Mont Merapi montre que la qualité de la préparation rend la gestion de l’urgence plus efficace. S’il est difficile d’agir sur l’aléa, en revanche la vulnérabilité peut être nettement diminuée grâce au concours procuré par les chaînes humanitaires. Pour être résiliente, une chaîne doit non seulement anticiper les urgences mais également se projeter dans la récupération. Sa capacité à être réactive et flexible apparaît comme autant de gages de succès face à des catastrophes imprévisibles. La comparaison de la gestion de plusieurs éruptions volcaniques devrait permettre d’affiner la compréhension des facteurs de résilience. Il est en effet probable que la fréquence d’exposition au risque, ainsi que les facteurs culturels, soient déterminants dans l’efficacité des chaînes humanitaires.