1Les activités de service prennent une place prépondérante dans l’économie moderne avec près de 75 % des activités marchandes mondiales. Malgré cela, la littérature portant sur la logistique spécifique à ce contexte a tardé à se développer. Cette tendance est en train d’évoluer, mettant en avant des problématiques logistiques propres aux services, dont l’analyse peut à la fois permettre une meilleure compréhension de ce secteur, mais également apporter un nouvel éclairage sur une logistique plus traditionnelle. En quoi l’évolution de la logistique des services nous permet-elle de mieux appréhender cette fonction dans son ensemble ? C’est ce que nous proposons d’explorer dans ce chapitre. Après avoir défini la logistique des services, nous comparerons son évolution au travers de trois secteurs : les voyages, l’hôpital et la prestation logistique, pour enfin mettre en avant trois types de compétences clés en logistique.

Comprendre l’histoire de la logistique des services

2Vouloir définir un service repose inévitablement sur une comparaison conceptuelle avec les biens industriels. La littérature distingue notamment le service d’un produit manufacturé par son caractère d’intangibilité (Eiglier et Langeard, 1987), le rôle du client dans le système de « servuction » (Mathe, 1997), et la simultanéité entre la production et la consommation (Fitzimmons et Sullivan, 1982), impactant ainsi directement la coordination des activités. Pareillement, Wise et Baumgartner (1999) ont développé la notion de « bundled services and goods » (ou « package produits/services ») mettant en exergue la modularité et l’assemblage d’offre de services hétérogènes et complexes.

3Ainsi, le processus de « servuction » se définit comme un assemblage complexe de différents composants, propres à l’entreprise de services et à la relation qu’elle entretient avec ses clients, et ce, quelle que soit l’approche retenue dans la littérature. Ne plus opposer systématiquement les biens et les services permet de les considérer comme des ensembles indissociables intégrés dans des chaînes de production et de distribution un peu particulières que la littérature qualifie de service supply chains (Ellram et al., 2004). Celles-ci sont décrites comme des réseaux de ressources, des offres de services, des solutions sur mesure et flexibles, dans lesquels la logistique prend une part importante, pouvant constituer un facteur clé de succès.

4La littérature logistique, plutôt industrielle et commerciale, ne fait pas réellement de différence entre produits et services, et ne traite pas explicitement des services « purs ». Historiquement, il aura fallu attendre la fin des années 1980, et surtout le début des années 1990, pour que des travaux abordent la problématique de la logistique des services. Smith et Barry (1991) proposent en effet de compléter la définition classique de la logistique d’approvisionnement pour l’appliquer aux services, en intégrant une logistique de réaction. Ils mettent en avant le concept de service response logistics qu’ils définissent comme « la coordination des activités pour réaliser un service dans les organisations », se concentrant sur trois domaines majeurs : la minimisation des temps d’attente et la réduction du temps de cycle de commande, le management de la capacité de service et enfin, la distribution à travers différents canaux.

5Mathe (1997) reprend la définition de Smith et Barry (1991) en en précisant davantage les contours et les aspects opérationnels. La logistique pratiquée dans les services se décompose dès lors en deux ensembles d’opérations :

• Une logistique d’approvisionnement « classique » assure l’obtention, le stockage et la disposition des supports physiques nécessaires à la délivrance des services.
• Une logistique de réaction vise la coordination des moyens de production et de délivrance des services dans l’objectif de minimiser les temps d’attente et de cycle, d’optimiser les capacités de production et les différents canaux de distribution.

6Nous retiendrons donc cette définition car elle permet de distinguer des opérations traditionnelles d’approvisionnement, des activités de coordination de ressources diverses, tout en intégrant des contraintes de temps, de capacités, de moyens partagés et de coproduction.

7Cette dualité permet ainsi de mieux appréhender toute la complexité des services, qui se présentent de plus en plus comme des ensembles hétérogènes de ressources et de compétences, matérialisés sous la forme de divers assemblages (Mathe, 1997 ; Baranger et al., 2009). Très souvent avec les biens manufacturés mais de plus en plus également avec les services, l’assemblage est facilité par une architecture modulaire dans laquelle s’insèrent de nombreux modules autour d’une base commune. La logistique apparaît, là encore, absolument essentielle dans la mise en œuvre opérationnelle de ces différents assemblages. Toutefois, la logistique requiert des compétences spécifiques qu’il convient d’identifier, d’analyser et de comparer à travers différents contextes serviciels.

Approche comparée de trois secteurs d’activité

8Nous présentons ici trois secteurs d’activité exemplaires, dans la mesure où les problématiques de logistique d’approvisionnement et de réaction sont au cœur de leurs métiers.

La logistique dans l’industrie du voyage

9L’industrie du voyage est souvent décrite dans la littérature comme une chaîne logistique (Zhang et al., 2009), confrontée en permanence à une problématique d’assemblage complexe. La complexité de la chaîne du voyage, traditionnellement fournisseurs, producteurs/assembleurs, distributeurs, réceptifs, consommateurs, a conduit à une véritable industrialisation des processus de production et de distribution. L’industrie du voyage est un secteur très concurrentiel dans lequel le marché a été structuré historiquement par l’offre : les voyagistes, ou tour operators, créent les destinations et les produits, qui sont ensuite distribués par des intermédiaires. Cependant, l’industrie du voyage a connu de profondes mutations en passant notamment d’un modèle de tourisme de masse standardisé (sur offre) à un marché de personnalisation de masse (sur mesure industriel), aidé en cela par Internet qui a révolutionné la production/distribution de voyages (agences on line et pure player).

Figure 1 : La chaîne logistique du voyage

10Comme l’illustre la figure 1, la chaîne logistique du voyage fait intervenir un ensemble d’acteurs hétérogènes, reliés les uns aux autres au travers d’une chaîne multiservices, constituant in fine, une prestation globale destinée aux consommateurs finaux : les voyageurs. D’une manière générale, le produit-voyage apparaît comme le résultat d’un assemblage plus ou moins complexe et disparate. Le résultat de cet assemblage correspond en fait à différents types de forfaits, ou packages, certains fondés sur des structures très rigides et standardisées, considérés comme des forfaits classiques, jusqu’à des produits beaucoup plus souples et largement customisés, de type packages dynamiques ou voyages à la carte. On définit le package dynamique comme un voyage sur mesure. Il s’agit, en choisissant des produits à partir de bases de données existantes, de constituer un produit-voyage personnalisé adapté aux souhaits du client.

11Sur l’ensemble des produits vendus, aussi bien par la distribution physique que celle on line, les trois quarts concernent plutôt des produits secs (billetterie), et un quart est constitué de produits assemblés du type forfaits ou packages. Toutefois, la pratique récente du package dynamique modifie de plus en plus cette répartition en donnant la possibilité aux distributeurs de vendre davantage de forfaits. Pour la réalisation de ces différents assemblages de prestations, ou packages, la logistique est omniprésente. En effet, elle s’étend depuis la conception et la commercialisation jusqu’à l’hébergement, la restauration, les transports et les loisirs, et intègre également tous les aspects administratifs ainsi que la gestion des aléas. C’est pourquoi les prestations de service, proposées par ces entreprises de tourisme, relèvent à la fois d’une logistique d’approvisionnement de matières premières et de fournitures diverses et d’une logistique de réaction, avec une coordination de compétences et de ressources multiples intra et inter-organisationnelles.

12Enfin, l’industrie du voyage, confrontée à un phénomène majeur de désintermédiation, voit s’estomper peu à peu les frontières historiques et donc les rôles de chacun des acteurs de la chaîne logistique du voyage. Dans cet environnement particulièrement dynamique, la maîtrise de la logistique de réaction apparaît de plus en plus comme une compétence clé pour l’assemblage de prestations multiservices.

La logistique hospitalière française

13Dans un tout autre domaine, la logistique occupe également une place essentielle dans le secteur hospitalier (voir le chapitre p. 25). Même si la logistique de santé peut être un champ d’investigation très large, on parle même d’healthcare supply chain, l’hôpital symbolise le hub où parviennent et se croisent tous les flux physiques de santé, et le point de départ du patient vers une prise en charge plus globale. La logistique hospitalière, en faisant appel à la double définition proposée par Mathe (1997), repose d’une part sur la logistique hospitalière traditionnelle qui porte sur l’optimisation du pilotage des flux de biens physiques (médicaments, autres matériels médicaux, linge, restauration, etc.). D’autre part, elle concerne les flux de patients au travers de la logistique de réaction, qui consiste à arbitrer constamment entre l’optimisation de la charge (l’utilisation optimale des capacités que sont les chambres, les plateaux techniques, etc.) et la satisfaction du patient (au delà du soin, c’est-à-dire limiter ou du moins maîtriser son temps d’attente, améliorer son information, etc.).

14La logistique en tant que fonction et démarche ne s’est développée que très récemment dans les hôpitaux français. Longtemps limitée à des missions d’intendance très cloisonnées et peu optimisées, elle apparaît progressivement sous ce vocable en même temps qu’elle se structure dans les organisations de santé (Landry et Beaulieu, 2000). Des travaux précédents (Sampieri, 2000) portant sur les pratiques logistiques de 81 hôpitaux publics français avaient mis en évidence un bilan très disparate selon les établissements, avec une préoccupation dominante pour la logistique de réaction touchant au patient. Depuis lors, la tendance semble s’être rééquilibrée en faveur de la logistique d’approvisionnement, sous l’impulsion de nombreux facteurs :

• technologiques, avec l’apparition de solutions informatiques de gestion des approvisionnements et des stocks (WMS), la mise en œuvre de solutions de transports automatisés, ou encore la mise en place de plateformes d’achats (Uni.H.A.),
• réglementaires avec le développement accru des outils de contrôle budgétaire, le développement des démarches de certification/accréditation qualité portant notamment sur les aspects logistiques, ou encore l’informatisation systématique du circuit du médicament,
• organisationnelles avec en particulier la création des pôles qui permet de structurer la logistique dans une démarche transversale et globale (Festinger, 2010), et l’incitation au développement de coopérations inter-établissements,
• humaines, avec l’apparition de nouvelles compétences (recrutement de logisticiens, créations de formations dédiées au secteur) qui permettent à la logistique d’intervenir en tant qu’expert d’une part, et sous-traitant de l’autre (Festinger, 2010), permettant ainsi aux soignants de se recentrer sur leur cœur de métier.

15Du côté de la logistique de réaction, d’autres mutations peuvent être identifiées. Par exemple, afin de faciliter la productivité (réduire la durée moyenne de séjour) tout en préservant la sécurité et le confort des patients, certains établissements mettent en place des salons de sorties, sortes de « stocks tampons » qui permettent de libérer un lit plus rapidement. Par ailleurs, de nombreux travaux sont faits pour améliorer la gestion des plateaux techniques, en particulier les blocs opératoires. Au niveau inter-organisationnel, on développe les coopérations inter-établissements locales (de façon émergente) ou régionale (de façon déterminée par l’agence régionale de santé). Certains travaux nord-américains vont plus loin dans le pilotage des flux de patients, puisqu’ils prônent la réorganisation de leurs activités autour de l’agenda du patient (clinical pathways, critical pathways, integrated care pathways [Reynaud, 2003a]). Il s’agit alors d’assembler les services adéquats à chaque patient et d’identifier les processus associés.

La prestation de services logistiques

16La prise en compte des nombreux enjeux liés à la logistique des services est également au cœur des préoccupations des PSL, considérés comme des entreprises de services en phase d’industrialisation (Baranger et al., 2009). Les services logistiques rendus aux entreprises par les PSL n’ont cessé d’évoluer et d’innover au cours des trente dernières années (Kacioui-Maurin, 2011), stimulés par les développements simultanés de l’offre et de la demande de services logistiques (voir le chapitre p. 83). De manière précoce, Tixier et al. (1983) avaient d’ailleurs anticipé cette remarquable extension du domaine d’expertise du PSL.

17Si l’externalisation peut être envisagée comme une modalité organisationnelle permettant aux chargeurs de se désengager d’activités jugées « périphériques » pour se concentrer sur leur cœur de métier, elle est aussi le moyen privilégié par les donneurs d’ordres pour réduire leurs coûts, augmenter leur productivité, avoir une meilleure qualité de service et des expertises spécialisées (Kacioui-Maurin, 2011). Dès lors, les prestataires se doivent de répondre à ces attentes et d’être force de proposition vis-à-vis de clients toujours plus exigeants en développant leurs offres de services et leurs métiers. En ce sens, les PSL combinent une logistique d’approvisionnement « classique », par la mise en œuvre de moyens physiques, humains et financiers nécessaires au pilotage et à la gestion des flux (physiques et d’informations) dans la chaîne logistique, mais également une logistique de réaction, charge à eux de coordonner, de synchroniser et de mutualiser des ressources et compétences indispensables à leurs activités de prestataires de services. Le marché de la prestation de services logistiques est un marché concurrentiel, concentré et dominé par des acteurs européens (Logistique Magazine, n° 255, 2010). Ainsi, le marché se structure autour de puissantes organisations ayant atteint une taille critique par l’intégration d’entreprises concurrentes.

18L’externalisation des activités logistiques peut tout aussi bien porter sur des opérations standard telles que le transport, l’entreposage et la préparation de commandes que sur des services complexes tels que des opérations de différenciation retardée ou encore la conception de système d’information. De ce fait, les services rendus par les PSL sont qualifiés de polymorphes, dans le sens où ils peuvent prendre diverses formes (exemples : prestations de transport, prestations industrielles ou informationnelles) ; d’hétérogènes, dans le sens où ils peuvent être composés d’éléments de natures différentes (exemples : prestations industrielles et prestations de conseil et d’ingénierie logistique) (Hertz et Alfredsson, 2003) ; et enfin, de modulaires (Fulconis et al., 2009), dans le sens où leur construction et leur mise en œuvre sont réalisées à partir de sous-systèmes, qui peuvent être conçus indépendamment mais qui fonctionnent comme un tout.

19Il s’agit là d’envisager l’offre de services des PSL comme un éventail, dynamique et évolutif, permettant aux PSL de s’adapter aux besoins de ses clients et à l’évolution de leurs demandes, en assemblant, réassemblant, des offres de services existantes et/ou en faisant évoluer leurs offres. Ils sont alors considérés comme des « bundling LSP » (Delfmann et al., 2002). La modularité est ici envisagée au niveau des services et des processus mis en œuvre. Par ailleurs, dans les services, la modularité de l’offre peut apparaître comme une réponse apportée par l’entreprise à la difficulté de gérer l’hétérogénéité des besoins de ses clients et comme un moyen de développer son offre. Ainsi, la notion de modularité du système d’offre des PSL est essentielle. Elle facilite l’assemblage dynamique, accroît la flexibilité et l’intégration du PSL dans la supply chain de son client (Fabbe-Costes et al., 2009 ; Pellegrin-Romeggio, 2011).

L’approche compétences comme clé de lecture de la logistique des services

20L’analyse de la logistique des services dans des perspectives historiques puis sectorielles met au jour des tendances communes d’évolution. Tout d’abord, ces trois secteurs ont tendance à développer une personnalisation des services sur la base d’assemblages de modules ou de prestations qui varient en fonction des besoins des clients. Dans les voyages, la multiplication d’options va permettre au client d’obtenir une prestation au plus près de ses besoins et de ses contraintes. À l’hôpital, la prise en charge individualisée du patient est de plus en plus un déterminant de la satisfaction du client (et de la réorganisation de l’offre de soins). Enfin, chez les PSL, c’est la proposition de services complexes qui va permettre la réalisation d’une activité sur mesure pour le client.

21Le deuxième point commun est le pendant organisationnel du premier : pour personnaliser le service, il faut recomposer la chaîne de valeur avec des acteurs hétérogènes autour du client. On fait face, dans ces trois secteurs, à une réorganisation globale sous forme de réseaux et/ou de coopérations, plus ou moins durables, plus ou moins formalisés, où les compétences adéquates vont se connecter au gré des besoins des clients.

22Enfin, dernière convergence : le recours systématique aux technologies pour faciliter la connexion des prestations entre différents acteurs et optimiser l’utilisation des capacités et le pilotage des flux. Aussi, la personnalisation des services grâce à la coordination et la coopération d’acteurs, supportée par l’usage de technologies, nécessitent l’identification de compétences stratégiques notamment dans le pilotage et la gestion logistique, autour de ressources, tangibles et intangibles, individuelles et collectives.

23La comparaison des trois terrains mobilisés permet de faire ressortir trois types de compétences clés (Prahalad et Hamel, 1990), propres à la logistique : des compétences opérationnelles, organisationnelles et technologiques, susceptibles d’apporter un avantage concurrentiel solide et durable. Les compétences opérationnelles peuvent notamment être associées au concept d’assemblage/désassemblage de différents composants de l’offre de service (Pellegrin-Romeggio, 2011). Cela se traduit dans les trois secteurs en termes de capacités dynamiques : la capacité à personnaliser un voyage en connectant les bonnes compétences et les bonnes ressources, la capacité d’acteurs et de services de soins très différenciés à se mettre d’accord pour réaliser, parfois en urgence, la prise en charge des patients, ou encore la capacité des PSL à coordonner une multitude de flux de marchandises par des flux d’informations associés de plus en plus nombreux entre des acteurs de plus en plus éloignés géographiquement (et culturellement). Dans une approche globale du service supply chains, notre approche comparative illustre notamment le rôle du client dans la modification du pilotage des activités logistiques, qu’il s’agisse des stocks, des délais ou encore de la traçabilité de l’ensemble des flux dans la chaîne.

24Sur un plan organisationnel et stratégique, on constate, dans les trois secteurs étudiés, un recours important à une approche multi-acteurs (intra ou inter-organisationnel) qui complexifie la gestion des flux, à l’instar des derniers travaux en logistique sur les chaînes multi-acteurs (Paché et Spalanzani, 2007). Cette approche se traduit par des organisations souples orientées réseau, avec une volonté de structurer, de stabiliser les organisations pour faciliter le pilotage, tout en préservant une forte capacité d’adaptation aux changements. Le développement des coopérations implique ainsi une reconfiguration permanente des chaînes d’acteurs, et donc une capacité à assembler/désassembler des chaînes opérationnelles rapidement (« plug »/ « unplug » de Fabbe-Costes [2005]). Dans les services, cependant, les service supply chains ont plutôt tendance à être des hubs, plutôt que des chaînes (Sampson et Froehle, 2006). En revanche, selon les trois secteurs étudiés, la structuration de l’acteur pivot/assembleur ne prend pas toujours la même forme : plutôt formelle dans le cadre des PSL (exemples : 3PL ou 4PL) et des voyagistes (exemple : tour operator), elle semble plus émergente dans le domaine hospitalier.

25Enfin, les compétences technologiques sont le fil conducteur des compétences opérationnelles et organisationnelles, soit comme facilitateur du changement (par la mise à disposition d’informations en temps réel), soit comme élément structurant assurant la coordination entre acteurs et limitant leurs marges de manœuvre. En outre, selon les secteurs, la technologie n’est pas mobilisée de façon identique. Si dans la prestation de services logistiques, elle est indispensable à la logistique d’approvisionnement et de réaction, l’hôpital l’utilise principalement pour sa logistique d’approvisionnement, tandis que les voyages l’emploient avant tout pour leur logistique de réaction.

Conclusion

26La logistique des services se structure autour d’un élément clé qui est la participation active du client, aux niveaux de la conception, de l’achat ou encore de la réalisation même du service. Ce quasi-personnel devient un acteur clé dans l’assemblage de compétences, qui doivent se connecter au gré de ses besoins. Ce qui pourrait apparaître comme une spécificité des activités de services, semble au contraire converger fortement vers les évolutions de la logistique industrielle. En effet, l’agilité nécessaire des chaînes logistiques industrielles, leur intégration, rendues possibles par un développement croissant de technologies toujours plus performantes, se rapprochent fortement de ce que l’on identifie dans le domaine des services, dans lequel la relation directe avec le client impose une certaine souplesse organisationnelle.

27Étudier la logistique des services permet, selon nous, de souligner à nouveau le rôle managérial de cette fonction dans nos organisations, au-delà d’aspects purement technologiques. Il est vrai que, ces quinze dernières années, le domaine de la logistique a rencontré des évolutions très importantes sur un plan technologique, autour de l’automatisation et de systèmes d’information de plus en plus intégrés et performants. Force est de constater que la performance d’une organisation ne se résume pas à la sophistication de ses outils mais bien à la façon dont ils sont mobilisés par les hommes dans l’exercice de leur travail, par le développement de compétences individuelles et organisationnelles (Doz, 1994).

28Aussi, un nombre croissant de travaux se développe en logistique autour de la question des compétences et du knowledge management (voir le chapitre p. 127), dans une perspective ressources humaines, stratégique ou systèmes d’information. L’idée sous-jacente est la suivante : la mise en réseau des organisations plus ou moins structurées autour de supply chains plus ou moins éphémères, nécessite une réflexion sur le développement de compétences spécifiques, qu’il convient de connecter, puis de déconnecter et de reconnecter au rythme des réorganisations des chaînes d’acteurs. Cette réflexion autour de la logistique, appliquée au domaine des services, permet certainement d’apporter un nouveau regard sur les compétences, enrichies et/ou modifiées par la présence et l’implication du client au sein de l’organisation. En outre, cette mise en perspective plurisectorielle permet de prendre conscience de l’enjeu d’un enrichissement émanant des évolutions théoriques et empiriques des activités de service en faveur d’une évolution plus globale de la logistique.