Le contexte de la nouvelle économie et la création d’entreprises technologiques à fort potentiel de croissance
p. 187-195
Résumés
La nouvelle économie a propulsé le phénomène des entreprises technologiques à fort potentiel de croissance ; entreprises créées dans des contextes extrêmement turbulents, donc risqués, dans des domaines encore peu explorés, et avec des entrepreneurs qui n’étaient pas particulièrement préparés pour cette carrière. Ce sont souvent des chercheurs-entrepreneurs, qui suite à une invention technologique, décident de passer à l’étape de la commercialisation par la création d’une nouvelle entreprise. Par ailleurs, la création d’une nouvelle entreprise représente fondamentalement une décision prise par un ou plusieurs entrepreneurs. Les influences qui s’exercent sur cette décision sont souvent difficiles à cerner, en particulier dans le cas de personnes dont la carrière de départ ne les destinait pas dans cette voie, comme pour les chercheurs. Pour mieux comprendre le contexte et le profil entrepreneurial chez les chercheurs-entrepreneurs, les caractéristiques des nouvelles entreprises technologiques à fort potentiel de croissance et les conditions et l’environnement particulier face à ces entreprises sont présentées.
With the new economy has appeared the phenomenon of the new technology-based firm. These start-ups had to survive in extreme turbulent and uncertain environments with high level of risk; very often, most entrepreneurs were not well prepared for these types of venture. Most of the time, they were researchers-entrepreneurs trying to put on the market a technological innovation by creating a new business. As we know, launching a new technology-based firm is a decision made by one or more entrepreneurs. There are major complex factors influencing such a venture, especially for people who were not intended for such a career, as is the case for researchers. In order to better understand the context and the entrepreneurial profile of these entrepreneurs, the chapter will present the characteristics of these new technology-based firms and the environmental conditions which they face.
Texte intégral
1La thématique n’est pas nouvelle mais l’engouement, plus récent, pour les entreprises dites de la « nouvelle économie » a propulsé le phénomène des nouvelles entreprises technologiques à fort potentiel de croissance, les NTBF (new technology-based firm), à l’avant-scène des actualités économiques. Cependant, on parle ici de nouvelles entreprises créées dans des contextes extrêmement turbulents, donc risqués, dans des domaines encore peu explorés, et avec des entrepreneurs qui, souvent, n’étaient pas particulièrement préparés pour cette carrière (Autio et Kauranen, 1994). Ce sont souvent des chercheurs-entrepreneurs qui, suite à une invention technologique, décident de passer à l’étape de la commercialisation, par la création d’une nouvelle entreprise (Gasse, 2000).
2On le sait, les nouvelles entreprises ne connaissent pas toutes le succès ; par ailleurs, un bon nombre sont devenues très florissantes, en particulier dans certains secteurs de la nouvelle économie. Quelles sont alors les principales influences de ce nouvel environnement et du contexte sur l’entrepreneurship ? Par ailleurs, la création d’une nouvelle entreprise représente, fondamentalement une décision prise par un ou plusieurs entrepreneurs. Les influences qui s’exercent sur cette décision sont souvent difficiles à cerner, en particulier dans le cas de personnes dont la carrière de départ ne les destinait pas dans cette voie, comme pour les chercheurs. Pour mieux comprendre le contexte et le profil entrepreneurial chez les chercheurs-entrepreneurs, nous présenterons les caractéristiques des nouvelles entreprises technologiques à fort potentiel de croissance et les conditions et l’environnement particulier face à ces entreprises.
Le contexte de la nouvelle économie
3Ainsi, dans la nouvelle économie, parle-t-on de nouveaux concepts tels que l’économie des réseaux ou l’économie de l’information. Or, selon Maître et Aladjidi (1999), définir une économie nouvelle revient à préciser ses trois éléments fondateurs : une matière première, une source d’énergie, un moyen de transport.
- Dans le cas de la nouvelle économie, la matière première est l’information, qu’elle soit sous forme de données, de textes, d’images, de sons, etc.
- La nouvelle source d’énergie correspondante est l’électronique, et tout particulièrement l’industrie des semi-conducteurs.
- Quant au moyen de transport et au mode d’organisation de la nouvelle économie, il se matérialise sous la forme de réseaux numériques au centre desquels Internet joue un rôle déterminant ; cette organisation se retrouve progressivement dans un certain nombre d’industries, et en particulier dans celles qui sont liées aux nouvelles technologies.
4Beck (1994), à qui nous devons le concept de « nouvelle économie », classe les industries de cette nature en quatre catégories principales : l’informatique, les semi-conducteurs et les logiciels ; les biotechnologies et les soins de santé ; les communications et les télécommunications ; l’instrumentation et les nouveaux matériaux. Cependant, la nouvelle économie n’est pas confinée à quelques secteurs de pointe. Bien au contraire, elle semble concerner les secteurs selon l’ordre d’importance qu’ils auront dans l’avenir (Maître et Aladjidi, 1999). Si l’on fait référence à la nouvelle économie, c’est qu’elle se distingue à certains égards de l’économie traditionnelle. Une façon de mieux comprendre ces différentiations, c’est d’identifier les caractéristiques communes des entreprises qui en font partie.
Les nouvelles entreprises technologiques
5Qu’on les nomme entreprises « high tech », entreprises de haute technologie, entreprises de technologie avancée, entreprises à fort potentiel de croissance ou entreprises de la nouvelle économie, elles partagent un certain nombre de caractéristiques, décrites par plusieurs auteurs. Même si le niveau technologique peut varier considérablement d’une entreprise à l’autre et même d’une industrie à l’autre, on s’entend habituellement pour reconnaître les caractéristiques suivantes à ces entreprises :
- Elles sont établies sur des bases de connaissances très pointues, dont l’évolution rapide exige des niveaux de veille très élevés.
- Elles font appel à des ressources humaines bien formées, dont l’actualisation est continue.
- Elles innovent constamment afin de garder leur avance technologique ou du moins éviter de se faire distancer.
- Elles ont des dépenses de recherche et développement nettement plus importantes que la moyenne nationale (Albert, 2000).
- Elles fonctionnent selon des réseaux complexes d’alliances et de partenariats, même avec certains de leurs concurrents.
- Elles font montre de structures aplaties où la décentralisation et la responsabilisation sont les mots d’ordre.
- Elles opèrent selon des modes de gestion participative, dont l’intéressement à l’actionnariat est une des spécificités.
- Elles demandent, en général, des investissements élevés qui sont fonction de trois facteurs : le coût de mise en œuvre des savoir-faire utilisés, le temps d’immobilisation de ces ressources pour créer une activité économique rentable et les aléas (Albert, 2000).
6Ces caractéristiques ne sont pas le fait des grandes entreprises avec leurs installations suréquipées ou encore des grands laboratoires publics, mais se retrouvent plutôt dans des petites firmes innovatrices, dont les équipes hautement motivées sont entièrement consacrées au problème posé (Albert, 2000). Mais l’émergence et la croissance de ces petites entreprises dépendent en grande partie d’un tissu entrepreneurial riche ainsi que d’un environnement valorisant et structurant. Le succès des industries du savoir, dont dépend la croissance économique de l’avenir, repose essentiellement sur la créativité humaine. Dans ce contexte, le capital humain s’affirme, au bout du compte, comme la seule variable stratégique de l’entreprise (Gouvernement du Québec, 2001).
La valorisation de la recherche et la création d’entreprises
7En ce qui concerne la valorisation de la recherche et la création d’entreprises, malgré des rattrapages considérables depuis les dernières années, plusieurs pays industrialisés souffrent encore d’un certain retard dans ce domaine. Par exemple, les entreprises de propriété québécoise n’étaient responsables que de 11,2 % des brevets canadiens d’entreprises en 1998, alors qu’elles représentent 25 % des entreprises canadiennes (Gouvernement du Québec, 2001).
8C’est cependant dans le domaine de la création d’entreprises issues de la recherche scientifique que le Québec subit le plus grand désavantage par rapport au voisin américain. Aux États-Unis, 600 publications scientifiques entraînent le dépôt d’environ une centaine de brevets d’invention, qui auront pour conséquence la création d’une trentaine de nouvelles entreprises. Au Québec, selon une étude McKinsey de 1998, le même nombre de publications scientifiques amènera aussi le dépôt de 100 brevets d’invention, mais la création d’une seule entreprise.
9Plusieurs raisons peuvent expliquer ces différences : la culture entrepreneuriale, la réglementation, les incitatifs fiscaux et financiers, les ressources disponibles et accessibles, l’importance des marchés, les politiques d’essaimage et d’incubation dans les universités et les centres de recherche, les mécanismes de transfert, la variété des véhicules de financement, etc. Il n’est pas toujours possible d’intervenir sur tous ces facteurs à la fois ; cependant, certains peuvent être plus facilement influençables que d’autres, dont l’incubation et le financement.
10D’ailleurs, d’après une étude du Centre inter-universitaire de recherche sur la science et la technologie, les variables de financement de la recherche, de déclaration d’inventions, de demande et d’octroi de brevets, d’ententes de commercialisation et de démarrage d’entreprises sont fortement corrélées et évoluent donc conjointement (Gouvernement du Québec, 2001). Il faut donc s’assurer que des dispositifs efficaces et concertés permettent aux résultats de la recherche universitaire d’être transférés efficacement dans la sphère socioéconomique.
L’incubation des nouvelles entreprises technologiques
11Défini de façon générale, le processus d’incubation consiste à mettre en place des moyens et un encadrement efficaces pour favoriser le démarrage des nouvelles entreprises. Habituellement, on offre aux entrepreneurs des locaux et des équipements à des coûts inférieurs à ceux du marché, des services en commun d’intendance et de secrétariat et des services de gestion conseil dans des domaines comme la comptabilité, les études de marché, les systèmes d’information, les montages financiers, les alliances stratégiques et l’expertise technique. Ce sont les services-conseils qui sont les plus appréciés par la majorité des entrepreneurs, bien que pour les entreprises technologiques, l’accès à des laboratoires et des équipements spécialisés peut faire toute la différence entre un démarrage immédiat ou un projet en gestation.
12Par exemple, la majorité des universités québécoises, dont l’université Laval (Gasse, 2009), ont mis en place des centres de transfert de technologies, des bureaux de liaison entreprise/université et d’autres réseaux de contacts pour guider les entreprises issues de la recherche. Certaines universités ont récemment créé des incubateurs à vocation financière pour favoriser l’essaimage (spin-off) et la mise en synergie des prises de risque. D’ailleurs, le gouvernement du Québec a mis en place « Valorisation-Recherche Québec », pour créer et appuyer des sociétés chargées de valoriser les résultats de la recherche universitaire. Cet apport constitue un investissement de levier. En effet, des partenaires financiers, notamment des sociétés de capital de risque, compléteront les montages requis pour convertir le résultat de la recherche en innovation.
13Dans les domaines des technologies de l’information et de la santé, deux sociétés de capital de risque, T2C2 et la Banque de développement du Canada ont créé des fonds d’amorçage (seed funds) le plus en amont possible, pour identifier dans les universités les recherches précoces et aider leurs auteurs à faire des plans d’affaires.
14Une recherche évaluative auprès des incubateurs technologiques au Québec révèle que la moitié de ceux-ci sont du type virtuel et n’hébergent aucune entreprise (Tremblay, 2002) ; ici, ce sont les services-conseils en gestion qui sont le plus utilisés par les entreprises incubées, dont la plupart sont en phase de pré-démarrage ou de démarrage. Malgré l’effet d’attraction que les incubateurs peuvent susciter chez les entrepreneurs potentiels, environ 40 % des projets d’incubation sont le résultat des efforts de prospection des incubateurs. Ainsi, par rapport aux principales difficultés rencontrées par les incubateurs pour le recrutement des nouvelles entreprises, on mentionne le manque de projets technologiques de qualité, le manque de collaboration des partenaires pour référer des projets d’entreprises, le financement insuffisant des incubateurs et la forte concurrence des sociétés de capital de risque et des autres organismes dédiés à la création d’entreprises. Il faut aussi préciser que les incubateurs sont très sélectifs dans le choix de leurs incubés, n’acceptant en moyenne qu’un projet sur dix. D’ailleurs, cette sélectivité, combinée au mécanisme d’encadrement, peut expliquer un taux de survie de 95 % des entreprises pendant l’incubation et de 86 % à la suite de celle-ci (Développement économique Canada, 1999).
Le financement des entreprises technologiques
15En ce qui a trait aux fonds de démarrage au Québec, on constate une certaine disponibilité pour certaines étapes de l’évolution des entreprises technologiques. Par exemple, les fonds investis en capital de risque au Québec pour le démarrage représentaient 34 % des fonds disponibles pour toutes les phases de développement. Pour les stades d’expansion, c’est 48 % des fonds investis. Le reste des sommes investies l’ont été pour des acquisitions, ventes et redressements d’entreprises (Mary Macdonald, 1999). Comme on peut le constater, c’est encore au stade de l’expansion que les investisseurs en capital de risque sont les plus actifs et les plus intéressés. Les principaux intervenants financiers québécois aux stades de démarrage et de pré-démarrage sont presque tous liés aux pouvoirs publics d’une façon ou d’une autre.
16Ainsi, en 1992, le gouvernement du Québec a créé les sociétés Innovatech, organismes de financement à risque pour relever la capacité d’innovation technologique des grandes régions du Québec et favoriser l’amélioration de la compétitivité des entreprises ; leurs interventions se situent à tous les stades de développement des entreprises, même au pré-démarrage pour les projets technologiques issus de la recherche universitaire.
17Parmi les autres intervenants québécois en matière de fonds de démarrage, on peut mentionner Investissements Desjardins, filiale du Mouvement coopératif Desjardins et la Banque de développement du Canada, propriété du gouvernement du Canada. En tout, on dénombre environ quarante sociétés ou filiales de banque qui font du capital de risque au Québec, ce qui fait du Québec l’acteur le plus important au Canada avec près de 45 % des fonds disponibles. Environ 61 % des capitaux investis au Québec en 1998 l’ont été dans les secteurs technologiques (Mary Macdonald, 1999).
18Les principaux risques pour les investisseurs au stade de démarrage des entreprises technologiques sont surtout des risques financiers mais aussi ceux reliés aux coûts de gestion des investissements. Par ailleurs, il est important de prendre en compte les besoins de l’entreprise et ceux de l’entrepreneur ; au-delà des capitaux nécessaires pour accélérer le développement de l’entreprise et financer les opérations, c’est l’encadrement de gestion qui est le plus important à ce stade critique. Évidemment, il s’agit de maintenir un équilibre entre un accompagnement efficace et une dilution limitée des fonds propres des entrepreneurs.
L’innovation et le transfert des connaissances
19La croissance économique, la création d’emplois et la qualité de vie d’une société dépendent toutes d’une aptitude collective à relever les défis de l’innovation. Aujourd’hui, c’est l’intégration de connaissances dans les procédés, les produits et les services qui a le plus de valeur. Par exemple, pour s’imposer sur le marché actuel, toutes les entreprises, quels que soient leur taille et leur secteur d’activité, doivent proposer en permanence des produits à plus forte valeur ajoutée que ceux de leurs concurrents.
20Une gamme de facteurs se conjuguent pour définir la capacité d’innover d’une entreprise. Elle comprend certes les investissements en R & D, les activités de veille et les achats de nouvelles technologies. Cependant, par rapport aux entreprises qui n’innovent pas, les entreprises réputées innovantes mettent aussi un accent particulier sur les ressources humaines, l’organisation, la gestion, la production, le financement, le marketing et des stratégies audacieuses de commercialisation (Bird et al., 1993). C’est ainsi que ces entreprises ont plus de chances de succès que les autres : leur croissance est plus rapide, leurs parts de marché et leurs bénéfices augmentent plus rapidement.
Constat et exigences
21Il est important de rappeler que les entreprises ne peuvent se contenter de miser sur un seul facteur pour s’assurer du succès dans le domaine de l’innovation technologique. Bien sûr, en premier lieu, elles doivent bâtir et renforcer leur capacité interne à innover en embauchant davantage de personnel scientifique et technique, en conduisant plus de R & D, en réorganisant le travail de façon à mobiliser l’ensemble du personnel et en investissant dans les nouvelles technologies. Mais les entreprises n’innovent pas en vase clos et il est essentiel qu’elles s’associent avec tous les acteurs externes (universités, centres spécialisés en R & D, centres de transfert, réseaux d’entreprises, etc.) susceptibles de leur procurer les informations, les capitaux, les résultats de recherche, etc., leur permettant d’aller plus loin dans le processus d’innovation et d’entrepreneuriat. Mais, même avec tous ces facteurs réunis, les nouvelles entreprises, qu’elles soient de l’économie nouvelle ou traditionnelle, ne réussiront qu’en fonction du potentiel entrepreneurial de leur fondateur et de son équipe.
Les entrepreneurs de la nouvelle génération
22Dans leur livre sur Les business models de la nouvelle économie, Maître et Aladjidi (1999) mentionnent qu’une entreprise à succès sait intégrer trois notions fondamentales : la valeur, le temps et les hommes. Plusieurs entrepreneurs de la nouvelle génération ont su maîtriser efficacement ces concepts.
L’entreprise et la création de valeur
23Pour qu’elle puisse répondre à une demande, l’entreprise doit créer ou ajouter de la valeur ; cette valeur doit lui permettre, ainsi qu’au client, de faire plus et mieux, d’accroître ses revenus et de réduire ses coûts. Chez Recruitsoft, une entreprise d’embauche, par exemple, le concept de création de valeur fonctionne selon un modèle en boucle, comme le précise Louis Têtu, son PDG : « Lorsque nous créons de la valeur pour nos clients, la valeur de notre entreprise augmente. Les clients qui utilisent la solution de Recruitsoft réalisent des économies substantielles et connaissent une augmentation de leur productivité » (communiqué de presse, 7 février 2003). La création de valeur, qui n’est pas seulement économique, doit profiter à toutes les parties prenantes, c’est-à-dire aux actionnaires, aux employés, aux clients, aux partenaires, à la société en général, ainsi qu’à l’État.
Le positionnement et l’innovation
24Aujourd’hui, il faut se spécialiser, occuper des niches très précises où on a de meilleures chances de se différencier, de se faire connaître et reconnaître, enfin, d’être les meilleurs au monde dans son domaine. Les grandes entreprises ont aussi reconnu l’importance de se recentrer sur leurs compétences distinctives, créant ainsi autant d’opportunités d’affaires pour les entrepreneurs existants et nouveaux. Le positionnement distinctif comme la création de valeur procèdent de l’innovation. L’innovation peut prendre différentes formes, mais c’est dans le produit ou le service à offrir que la distinction est le plus souvent valorisée. Toujours selon le PDG de Recruitsoft, « le contexte d’une entreprise technologique est fondé sur le taux de nouvelles idées, et donc la créativité et l’innovation sont des atouts essentiels. Les bonnes idées peuvent venir de n’importe où et de n’importe qui dans l’entreprise » (communiqué de presse, 7 février 2003).
Le temps et le timing
25On connaît le dicton : le temps, c’est de l’argent. Dans la création et le développement d’une nouvelle entreprise, le temps est une variable clé. Une étude récente menée par une équipe de chercheurs, coordonnée par le Centre d’entrepreneuriat et de PME de l’université Laval auprès d’un échantillon de 150 entrepreneurs naissants au Canada, montre effectivement que ceux (36 %) qui ont réussi en moins de six mois à obtenir des clients et des fournisseurs ont atteint leur seuil de rentabilité durant les deux premières années ; les autres (34 %) ont soit abandonné leur projet d’entreprise, ou encore l’ont mis temporairement de côté (30 %) (Diochon et al., 2011). Chez Recruitsoft le PDG parle du « culte du moment présent… on croit fermement qu’en agissant maintenant on peut changer le cours des événements. Souvent des gestionnaires croient qu’il est trop tard pour influencer le cours des événements » (communiqué de presse, 7 février 2003). En fait, les entrepreneurs de la nouvelle génération connaissent bien le dilemme du timing ou du bon moment. D’une part, il y a l’urgence de procéder, d’autre part, encore faut-il être prêt en même temps que le marché.
L’état d’esprit, les personnes
26Pour entreprendre, il faut un comportement entrepreneurial chez la personne ou l’équipe qui crée l’entreprise ou l’activité. L’entrepreneur est celui ou celle qui identifie une opportunité et met en place les moyens pour l’exploiter de façon rentable. L’esprit d’entreprise dans un milieu est influencé par plusieurs facteurs, dont le climat socio-économique. Par ailleurs, le potentiel entrepreneurial existe. Une enquête effectuée auprès des étudiants de l’université Laval en 2007 indique que 32,5 % des étudiants avaient déjà songé à démarrer une entreprise ou à travailler à leur compte. De plus, 2,3 % étaient déjà en train de le faire (Gasse et Tremblay, 2007).
De l’intention à l’action
27Malgré l’intérêt et les intentions pour la création d’entreprise, à peine 2 % de la population canadienne le fait véritablement, selon l’étude menée auprès des entrepreneurs naissants (Diochon et al., 2005). Chez les étudiants de l’université Laval, les motivations pour créer son entreprise sont surtout d’être son propre patron, d’être indépendant et de faire de l’argent. Par ailleurs, l’obstacle majeur qui les empêcherait de le faire serait un manque de fonds (Gasse et Tremblay, 2007) Pourtant, les montants impliqués sont souvent relativement minimes ; par exemple, chez les entrepreneurs naissants qui ont créé une entreprise rentable, ce sont des sommes d’environ 5000 dollars qui ont été investis au démarrage (Diochon et al., 2011). Aux États-Unis, plus du tiers des 500 entreprises ayant les taux de croissance les plus élevés auraient été démarrées avec moins de 10000 dollars (Bhidé, 2000). Pour plusieurs observateurs, « les obstacles à la création d’entreprise sont d’abord dans les têtes ».
L’entrepreneuriat, une expérience de vie
28Seulement 32 % des étudiants de l’université Laval ont défini l’entrepreneuriat en termes de création et de propriété d’entreprise ; les autres ont fait référence aux valeurs, attitudes, aptitudes, styles de vie et façon d’être des entrepreneurs (Gasse et Tremblay, 2007). Aujourd’hui, on voudrait surtout vivre une expérience, une passion, apprendre en faisant, et pas seulement dans le domaine économique. D’ailleurs, dans la perspective où on s’attend à changer d’occupation jusqu’à sept fois durant sa carrière, créer une entreprise, la développer ou s’en départir après un certain temps ferait de plus en plus partie des options envisageables et reconnues, surtout auprès des jeunes. Il faut suivre sa propre culture et suivre son tempérament (Gasse et D’Amours, 2000).
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Auteur
Professeur titulaire, Directeur de la chaire en entrepreneuriat et innovation,
Université Laval (Québec).
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