Introduction
p. 185-186
Texte intégral
1Dans ce contrepoint que nous apportons à l’ouvrage, nous pourrions avoir l’impression de sortir de l’objet d’investigation autour de la migration et de la parentalité pour entrer dans des recherches qui se situent à la frontière. C’est par ailleurs cette notion de frontière, encore plus que celle de mobilité et de migration qui va nous permettre de saisir de quelle manière les liens sociaux se construisent dans des espaces, qui sont tout autant symboliques que matériels, façonnant, jamais une fois pour toutes, l’identité de la personne au prisme du social. Ainsi la frontière permet de mieux appréhender la dimension du genre, ce qui montre à quel point les partages dichotomiques s’avèrent problématiques.
2Irène Jonas et Liane Mozère étudient les nouvelles formes de parentalité qui se reconstituent autour des réseaux d’entraide activés par les « parents solos ». Tout à la fois isolé mais pris dans des configurations multiples, le parent solo (ré) invente autour de l’enfant des situations de proximité affective axées sur le modèle de la famille « traditionnelle » dans un contexte de séparation effective. Occupant une place importante dans ce dispositif, la mobilité a ici valeur d’ajustement entre ces différents univers.
3Ces « migrant-e-s du couple conjugal », comme elles l’écrivent, fabriquent, dans un espace de contrainte, des formes de liens sociaux qui révèlent le poids de la hiérarchie de genre dans la parentalité. Ces mères, « libérées » de leur rôle d’épouse/compagne s’obligent à de permanentes négociations pour reconquérir l’espace intime de l’identité de la personne. Ce bricolage d’identités semble particulièrement peser à l’heure où la famille nucléaire a pris le dessus sur la famille élargie : ainsi la disparition du couple conjugal oblige le parent solo (ici notamment les femmes) à des stratégies de renégociation et, bien souvent, à des mobilités/immobilités contraintes pour tisser des nouveaux liens avec la famille d’origine et la famille de l’enfant. Entre toute puissance maternelle et solitude, la femme parent solo reste en quête de politiques sociales adéquates capables de réduire l’espace de la marginalité, de la précarité et de la différence.
4Enfin Kamel Chachoua s’intéresse, dans le dernier chapitre, à un phénomène dénié, occulté car souvent masqué par d’autres réalités. Partant d’enquêtes locales réalisées en Algérie, il montre combien le suicide est plus juvénile, plus féminin et plus rural qu’ailleurs. Entre les approches positivistes du suicide « occidental » et l’analyse arabe du suicide « musulman », il souligne l’importance de ces « grands départs » comme révélateurs des transformations familiales et du statut de la femme et de la mère dans ces familles.
5Difficile à saisir et à évaluer cette « pratique sociale » invite à réfléchir sur les rapports entre ruptures symboliques dans la transmission et ruptures sociales dans les lieux de frontière et de conflits. Très importante apparaît en effet la considération de l’auteur selon laquelle la question de l’identité religieuse, semble finalement peser peu dans l’ensemble du phénomène ; en revanche, on voit apparaître transversalement deux questions centrales : celle du genre et celle de la colonisation, intimement liées dans ce questionnement sur l’Algérie contemporaine. Le genre en effet montre sa valeur heuristique dans l’analyse que l’auteur fait de la violence entre hommes et femmes, dans des pratiques et des usages qui révèlent sa dimension genrée ; la question de la colonisation – implicite ici – invite, quant à elle, à repenser plus largement les relations de domination entre les sexes en dehors du couple dichotomique tradition versus émancipation.
Auteurs
Aix-Marseille Université, LAMES, UMR 7305
Maîtresse de conférences, sociologie, Laboratoire méditerranéen de sociologie (LAMES, UMR 7305) Aix Marseille Université.
Aix-Marseille Université, TELEMME, UMR 7303
Docteure en histoire, chercheure associée au laboratoire Temps, Espaces, Langages, Europe Méridionale, Méditerranée (TELEMME, UMR 7303), Aix-Marseille Université.
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À l’ombre des usines en fleurs
Genre et travail dans la parfumerie grassoise, 1900-1950
Coline Zellal
2013
Familles en mouvement
Migrations et parentalité en Méditerranée
Constance De Gourcy, Francesca Arena et Yvonne Knibiehler (dir.)
2013
La place des femmes dans la cité
Geneviève Dermenjian, Jacques Guilhaumou et Karine Lambert (dir.) Geneviève Knibiehler (trad.)
2012
Genre Révolution Transgression
Études offertes à Martine Lapied
Anne Montenach, Jacques Guilhaumou et Karine Lambert (dir.)
2015
Agir pour un autre
La construction de la personne masculine en Papouasie Nouvelle-Guinée
Pascale Bonnemère
2015
Des pères « en solitaire » ?
Ruptures conjugales et paternité contemporaine
Agnès Martial (dir.)
2016
Femmes, féminismes et religions dans les Amériques
Blandine Chelini-Pont et Florence Rochefort (dir.)
2018
État-nation et fabrique du genre, des corps et des sexualités
Iran, Turquie, Afghanistan
Lucia Direnberger et Azadeh Kian (dir.)
2019
L’engagement politique des femmes dans le sud-est de la France de l’Ancien Régime à la Révolution
Pratiques et représentations
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Trouble dans la maternité
Pour une histoire des folies puerpérales XVIIIe-XXe siècles
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2020
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Introduction
Constance De Gourcy
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Constance De Gourcy
Chapitre X. Si proche, si loin
La « condition d’absent » à l’épreuve de l’éloignement géographique
Constance De Gourcy
Le projet migratoire à l’épreuve des situations de retour intermédiaires
La circulation estudiantine Algérie-France
Constance De Gourcy
Conclusion
Francesca Arena, Constance De Gourcy et Yvonne Knibiehler
Lactation in History. Pour une histoire de l’allaitement maternel
Pratiques, représentations, politiques de l’Antiquité à nos jours
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