Chapitre XII. Les petites stations thermales1
Un autre thermalisme ?
p. 261-279
Texte intégral
1Encore peu développée, l’histoire rénovée du thermalisme se confond encore le plus souvent avec celle des grandes stations qui reçoivent, surtout dans la deuxième moitié du siècle dernier, une clientèle aristocratique et bourgeoise plus en quête de mondanité que de santé. Si quelques historiens signalent « qu’à côté de ces quelques destins prestigieux se multiplient des existences médiocres et difficiles ainsi que des chutes définitives2 » ils n’y insistent guère et bien peu se sont jusque-là intéressés à « ces parents pauvres du thermalisme qui s’enfoncent dans l’anonymat3 ». Même dans les ouvrages les plus récents qui traitent de stations moyennes leur préhistoire n’attire guère l’attention des auteurs, comme s’il ne pouvait y avoir de thermalisme vrai que capitaliste et mondain4.
2Pourtant, privilégier les petites stations ne relève pas seulement d’un souci de justice ou d’exhaustivité. Mises bout à bout, ces expériences souvent malheureuses mais sans cesse recommencées, finissent par représenter une part non négligeable des pratiques thermales. En situation de quasi-monopole jusqu’au milieu du siècle, les « sources modestes » retiennent sans doute encore, vers 1914, une minorité non négligeable des curistes et de ceux qui les accompagnent.
3S’intéresser aux stations obscures c’est aussi se donner la chance de rencontrer une clientèle plus modeste que celle qui monopolise l’attention dans les grandes villes d’eaux de la grande époque. Ayant souvent précédé les élites dans le pèlerinage aux eaux, ces buveurs modestes ne sont ni les imitateurs serviles de l’aristocratie ni les jouets de tout puissants intérêts thermaux pas plus que les prisonniers de codes médicaux et mondains encore loin d’être rédigés. Aussi l’étude des sources modestes peut laisser entrevoir que le thermalisme a pu être plus complexe et plus large que ce que l’on en a retenu habituellement.
4Certes, la négligence dans laquelle ont été jusqu’ici laissées ces petites « stations » (terme souvent anachronique et inadapté), est largement explicable par la minceur de la documentation. Parfois dépourvues de médecins inspecteurs attirant rarement l’attention des autorités, et ne nourrissant aucune puissante société, les sources modestes ne se prêtent guère à la monographie qui domine encore l’historiographie de la question, sauf sous forme d’articles confidentiels rédigés par des érudits locaux5 ou de mémoires de maîtrise dispersés élaborés par des étudiants courageux6. En regroupant une partie de cette moisson éparse augmentée des éléments glanés dans quelques plongées en archives, on ne prétend pas ici donner une synthèse mais simplement esquisser quelques pistes qu’on espère voir bientôt mieux explorées.
Des naissances spontanées ?
5Si le regain d’intérêt de la médecine du xviiie siècle pour les usages thérapeutiques de l’eau est bien connu7, l’action de la Société royale de médecine8 ou celle de nombreux médecins locaux sont loin d’être toujours pionnières ou déterminantes dans le recours aux eaux.
Des inventeurs ordinaires
6Aux charnières des xviiie et xixe siècles, les (re)découvreurs ou promoteurs des sources sont souvent bien éloignés de la médecine.
7Parmi eux on trouve des curés comme l’abbé Marsonnat, promoteur des eaux de Charbonnières près de Lyon à la fin du xviiie siècle (17749), des notables comme Viallard, juge de paix du canton de Fournels (Lozère) et découvreur de la source de La Chaldette dans le même département en 180110. À Royat, l’entreprise est un peu plus élaborée mais les acteurs ne sont pas des scientifiques puisque l’on trouve successivement ou en association un meunier, un fontainier, le maire et le curé11. Dans les départements du Rhône et de la Loire12 comme à Conflans en Savoie13, ce sont des gens très simples, des paysans, une bergère, un teinturier qui sont à l’origine de la découverte de sources modestes et dispersées. Là aussi, les autorités et les médecins arrivent bien après, quand ils arrivent.
8On peut même douter du rôle pionnier de ces individus tant abondent les notations sur un usage populaire et quotidien de sources oubliées ou ignorées par la médecine et l’élite sociale. Se rendant à Châtel-Guyon à la fin du xviiie siècle, le médecin Raulin y découvre « que les habitants du voisinage se servent de ces eaux pour faire leurs pains14 ». Dans le même département, les habitants du Mont-Dore en usent à la fois pour eux et pour soigner leur bétail malade15. Dans la préfecture du département de la Loire de l’époque, Montbrison, le préfet signale l’engouement particulier de la classe ouvrière pour les eaux minérales locales au point que chaque ménage y ferait tous les jours sa provision16. Depuis le xviie siècle au moins, les habitants de Clermont usent des eaux diverses qui sourdent dans leur ville, privilégiant tantôt l’une, tantôt l’autre. À la veille de la Révolution, cette pratique est plus festive que médicale puisqu’une guinguette, très prisée des jeunes gens des deux sexes, s’établit près de la Fontaine de Jaude17. L’usage festif est attesté à Chaudes-Aigues par le même témoin, Legrand d’Aussy18. Très proche de Lyon, la source de Charbonnières est un lieu d’excursion dominicale pour la bourgeoisie mais, à lire la série des déprédations commises dans les parcs, elle semble aussi fréquentée par des gens moins recommandables ou simplement plus modestes19.
Des malades du voisinage
9Boisson quotidienne ou prétexte à réjouissance, les sources attirent aussi des malades avant même que les médecins ne la vantent ou ne la prescrivent. Il suffit que « plusieurs personnes se soient trouvées bien de leur usage pour que l’eau bénéficie d’une réputation ». Ce mode de diffusion amplifie la rumeur et bien souvent les eaux passent pour « fournir des spécifiques à tous les maux20 ».
10Toutes les notations convergent pour signaler le caractère local et la modestie sociale de cette clientèle. Les gens peu aisés de la campagne sont nombreux au Mont-Dore où ils constituent les deux tiers des curistes vus par l’inspecteur en 1820, la moitié en 1846 (472 sur 956). S’ils ne semblent plus constituer que le quart des touristes dans les années 1850, il vient s’y adjoindre des petits propriétaires, des ouvriers paysans qui se traitent sans consulter21. Les gens peu aisés des campagnes dominent aussi à Sail-sous-Couzan où ils se recrutent essentiellement dans la plaine du Forez voisine, infestée par les fièvres22. La médiocrité de leur condition éclate lorsqu’on les voit, comme à Saint-Alban-les-Eaux (région roannaise), se grouper à trois ou quatre pour louer un appartement où ils font ménage commun et utilisent à plusieurs l’eau d’un seul bain23. À Charbonnières aussi, au moins en semaine, les gens du peuple (des urbains ?) paraissent trop omniprésents à un voyageur plus huppé24.
11Deux autres groupes enserrent ce groupe central. Les indigents munis de secours de route et parfois de subsides départementaux sont présents au moins à Chaudes-Aigues et au Mont-Dore. Là, attirés par la présence précoce d’un hospice (1822) ils constituent entre le dixième et le cinquième de la clientèle totale (100 à 200 pour 1 000) pendant toute la première moitié du siècle25. Ils ne sont pas non plus absents de stations comme Royat à ses débuts et Saint-Amand-les-Eaux (15 sur 105) après la reconstruction de 184026.
12Les gens plus aisés ne sont pas tout à fait absents mais leur situation paraît la plupart du temps bien modeste. Là encore, grâce à sa gestion départementale, la clientèle du Mont-Dore est l’une des mieux connue. Minoritaire jusqu’à la fin des années 1840, la clientèle aisée est constituée de « bourgeois des départements environnants qui font peu de dépenses et sont habitués à une économie sévère27 ». Quelques rares listes permettent de lever le coin du voile. En 1818, les aisés se partagent également entre propriétaires d’un côté, petits bourgeois à talent (fonctionnaires, militaires, magistrats, médecins) de l’autre. Leurs origines géographiques qui privilégient les départements ruraux de l’ouest du Massif Central et les minuscules « villes » comme Salers (Cantal), Grammat et Villefranche-de-Rouergue (Lot) dit bien la modestie sociale de ces premiers buveurs28.
Un usage très libre
13Pour les uns comme les autres, l’arrivée aux sources ne s’accompagne pas toujours d’une forte fréquentation médicale.
14Trop fiers de la découverte faite dans leurs communes ou du succès de leurs sources, certains maires n’hésitent pas à entonner l’hymne à la panacée. Celui de Saint-Galmier (Loire) vante « les cures surprenantes que les eaux procurent aux malades atteints de gastrites, de vomissements opiniâtres, de pertes blanches, d’aménorrhées. Mais leur inappréciable propriété se déploie surtout dans les maladies des voies urinaires29». Plus lyrique ou imprudent, le Maire de Vaux (Rhône) appelle les « cacochymes, les scorbutiques, les paralytiques, les goutteux, les jeunes gens dévorés par les maux vénériens à boire les eaux bienfaisantes et rendre grâce à la puissante nature30 ». Plus distant, le préfet du Puy-de-Dôme écrit en 1813 que « l’efficacité des eaux tient autant, aux yeux du public, à leur renouvellement, à leur bouillonnement, leur haut degré de chaleur, bref, à leur côté magique qu’à leurs vertus propres31 ». Cette croyance dans les vertus magiques des eaux s’accommode aussi parfois d’expériences plus « scientifiques » même si elles sont authentiquement populaires. Ainsi à Montrottier et à Ouilly (Rhône) on voit les buveurs tremper dans l’eau l’écorce des arbres dans la source. Au noircissement des eaux, à la couleur des épanchements ils en déduisent sa parenté avec d’autres sources connues32.
15Aussi n’est-on pas étonné que ces « curistes » pratiquent un thermalisme assez éloigné de celui que préconisent les premiers médecins thermaux. Du reste, par méfiance ou souci d’économie, la moitié au moins des buveurs consomment sans consulter le médecin. Ne serait-ce que pour des raisons d’aménagement, l’eau est presque toujours consommée en boisson, sauf à Châtel-Guyon où « les gens du lieu s’étaient pratiqué dans la roche même une baignoire33 ». En revanche, l’eau est bue en grande quantité et les médecins qui recommandent des prises étalées et modestes sont horrifiés de voir des buveurs se gorger en quelques heures de 10 à 12 pintes (1 pinte = 0,9 litre), et les commères conseiller une consommation de vingt litres par jour34. Incompris et dénoncés par les médecins, ces comportements sont pourtant en totale harmonie avec ce que l’on sait des pratiques populaires de soins, méfiantes pour les bains, mais avides d’évacuants divers absorbés en quantités considérables35.
16Loin d’être un phénomène créé de toutes pièces par la médecine et le capitalisme triomphants du xixe siècle, le thermalisme contemporain naît de la légère augmentation spontanée de la fréquentation des sources par les populations voisines. C’est ce frémissement qui attire très vite les intérêts scientifiques et financiers.
Les tentatives d’exploitation locale
17Avant d’intéresser les banquiers parisiens, les puissants industriels des villes et les grands noms de la médecine, les sources sont l’objet de l’attention des notables locaux, propriétaires, conseillers municipaux, pharmaciens et médecins des bourgs et des villages. Malgré des moyens limités et des conflits incessants, ce sont bien eux qui réalisent les premiers aménagements et transforment en « villages d’eaux » les localités munies de sources bienfaisantes.
Propriétaires et fermiers
18Jusqu’à la Révolution, les sources appartiennent le plus souvent aux seigneurs locaux ou à de grands propriétaires. Mais les marquis de Chazeron à Châtel-Guyon, les Lacroix-Laval à Charbonnières, les Greyfié de Bellecombe à Brides (Savoie), les seigneurs de Murat-le-Quaire à La Bourboule ou les Saint-Paulgues au Mont-Dore accordent bien peu d’importance à cette future richesse. Parfois entièrement délaissées, les sources sont, dans le meilleur des cas, affermées pour des sommes modestes (60 livres à Châtel-Guyon, 120 au Mont-Dore) à des individus sans moyens. Obligés d’assurer un minimum d’entretien et d’accorder gratuitement l’eau aux habitants du lieu, les fermiers n’ont pas les moyens de développer leur concession. Ainsi au Mont-Dore, l’officier de santé Boyer puis le médecin Peyronnet ne retirent que 80 livres par an de l’exploitation de deux douches alimentées par une pompe à l’entretien coûteux36.
19Avec la Révolution, les sources passent entre les mains des nouveaux petits notables locaux tout aussi dépourvus de moyens que leurs prédécesseurs mais qui font preuve de plus vives ambitions. Le petit monde qui désormais gravite autour des sources frappe par ses aspects à la fois modestes, hétéroclites et hauts en couleurs. Au premier rang d’entre eux des médecins locaux, les uns héritiers de dynasties médicales locales comme Ladevèze à Saint-Galmier (Loire), les Laissus à Salins et la Léchère, d’autres issus de familles paysannes aisées comme C.-P. Hybord à Brides-les-Bains. Il faut y ajouter quelques autodidactes parfois révolutionnaires comme Goin à Saint-Alban-les-Eaux (Loire) ou inclassables comme le Belge de Mey à Challes-les-Eaux (Savoie) entre 1838 et 1870.
20Souvent munis de la charge officielle d’inspecteur, fréquemment associés à la gestion financière des sources, les médecins n’en sont que très rarement les propriétaires. Ceux-ci sont d’allures fort diverses. S’il reste quelques authentiques aristocrates comme le marquis de Saint-Ferréol à Uriage (Isère), le comte Crotti de Castigliole à la Bauche (Savoie) et le chevalier Demenget à Challes-les-Eaux (Savoie37), la plupart sont d’origine plus modeste. À côté du notaire Gontard à Saint-Gervais (Haute-Savoie) et du juge de paix Viallard à La Chaldette (Lozère), on trouve l’officier de santé et capitaine en retraite Mazel à Euzet (Gard38), le négociant Billet et le banquier Regaud à Marlioz (près d’Aix-les-Bains), le marchand de bois Bergondi à Berthemont-les-Bains (Alpes-Maritimes39), le chanoine Crozet-Mouchet à la Caille (Haute-Savoie). À cet inventaire disparate, il faut ajouter de simples propriétaires ruraux comme Choussy-Dubreuil, possessionné à Nébouzat (Puy-de-Dôme) qui achète en 1828 la propriété des eaux de La Bourboule à un obscur Guillaume Lacoste40. Le tableau ne serait pas complet sans quelques aventuriers dont le plus frappant est un certain Lizet, ancien maréchal-ferrant et authentique usurier à Murat-le-Quaire qui achète en 1802 les eaux du Mont-Dore dont il sera très vite dépossédé par le département du Puy-de-Dôme41.
21Le monde des fermiers est encore plus disparate et modeste. Ici le fontainier Zani à Royat côtoie l’ancien représentant en soierie Auguste Badoit (1801-1858) à Saint-Galmier, le notaire Gardeton à Châtel-Guyon en 1842, le maçon Cochon et des épiciers en gros à Sermaize-les-Bains42. L’arrivée en force des pharmaciens dans ce monde de gagne-petits témoigne de la montée en puissance de cette profession mais aussi d’une nouvelle conception de l’exploitation des eaux.
22Pas forcément plus scientifiques que leurs collègues, les titulaires d’officines comptent surtout sur leurs relations dans le monde médical pour faire connaître leur source. À Châtel-Guyon, le riomois Barse est avec le notaire Gardeton, l’initiateur du premier projet de développement cohérent de la station43. Son collègue Podevigne, tenant officine à Chaudes-Aigues (Cantal) est de façon temporaire une des chevilles ouvrières des tentatives d’expansion de la station cantalienne sous le Second Empire44. À ces praticiens locaux se joignent quelques confrères parisiens ou lyonnais de plus grande envergure comme Michel, gérant des eaux de Sermaize entre 1854 et 187545 et André, éphémère rival de Badoit à Saint-Galmier.
23Gérés par des coalitions de notables locaux, les conseils municipaux sont loin d’être inactifs dans ces projets d’expansion thermale. Si les velléités de la commune du Mont-Dore à s’emparer des sources qui coulent sur son territoire n’aboutissent pas devant la concurrence du département, la commune de Châtel-Guyon n’hésite pas, dès 1817, à gérer elle-même les sources et à construire un premier établissement malgré ses très faibles moyens financiers46. Guère plus riche, la commune de Chaudes-Aigues (Cantal) propose en 1853 de se mettre à la tête d’une société anonyme au capital de 300 000 francs47. Certes, plus importante, la petite ville de Moutiers (Savoie) se porte acquéreur des sources de Brides et Salins (1865 et 1868) qu’elle gère directement pendant quelques années48. Là où elles concèdent l’exploitation de leurs eaux, les municipalités et les départements, comme celui du Cantal, soutiennent vivement les projets thermaux en aménageant des promenades, en équipant leurs agglomérations49, en apportant garanties d’emprunt et subventions aux courageux entrepreneurs50.
24Le thermalisme organisé n’est donc pas seulement une création capitaliste, parisienne et urbaine et la multitude des initiatives locales dément clairement cette vision. Il serait peut-être trop facile et trop simple de ne retenir que les aspects naïfs, étriqués ou franchement malhonnêtes de ces petits entrepreneurs locaux.
Le dynamisme du capitalisme rural
25Cette « ruée vers l’eau » montre d’abord le dynamisme de ces petits notables locaux si souvent taxés de conservatisme et d’étroitesse de vue. Du fin fond de leur village ils pressentent bien l’importance d’un marché thermal et tentent de le capter.
26La stratégie qu’ils choisissent et les tactiques qu’ils utilisent plaident aussi en faveur de leur intégration dans une société en plein changement, même s’ils ne possèdent pas toutes les armes nécessaires pour triompher en système capitaliste. L’objectif de tous est clairement résumé par un médecin inspecteur de la Loire qui affirme qu’il s’agit de faire sortir la localité « du cadre des eaux peu connues pour leur faire prendre rang parmi les plus fréquentées ».
27Pour atteindre ce but, chacun se fixe scrupuleusement sur le modèle des villes d’eaux en vogue. Le vocabulaire des slogans publicitaires est très révélateur de la fascination qu’exercent les grandes villes sur les modestes sources. Le médecin inspecteur de la plus infime station n’hésite pas à la comparer aux plus célèbres sources européennes. Ainsi Brides-les-Bains (Savoie), Chaudes-Aigues (Cantal), le Mont-Dore (Puy-de-Dôme) et sans doute de nombreuses autres se disputent verbalement le privilège d’être le Carlsbad français. Ces rodomontades cachent des plans plus sérieux de développement qui programment la construction d’établissements et d’hôtels, prévoient l’aménagement de salons, de casinos, de parcs et de promenades. Ces plans ne sont pas de pures chimères dans la mesure où ils s’appuient sur des moyens financiers non négligeables et débouchent sur des constructions bien réelles.
28S’ils sont modestes par leur extraction, les premiers propriétaires et exploitants sont loin d’être dépourvus de tous moyens. Dès 1828, Choussy accepte de mettre 25 000 francs dans le seul achat des sources balbutiantes de La Bourboule51 et en 1861 le rentier belgo-montpéliérain Van Duerne-Damas n’hésite pas à acheter 19 000 francs les minuscules bains de La Chaldette (Lozère)52. Plus sérieux encore, le comte Duhamel investit en 1847 100 000 francs dans des constructions totalement isolées du village à Sail-les-Bains (Loire).
29Lorsqu’ils ne peuvent faire face seuls, les premiers entrepreneurs thermaux ne méconnaissent pas les formes plus ou moins élaborées de l’association financière. Dès 1819, une cinquantaine de notables savoyards (dont 35 de Moutiers) constituent une Compagnie des Bains qui rassemble un capital de 30 000 livres pour exploiter la source de Brides-les-Bains miraculeusement redécouverte l’année précédente par un glissement de terrain53. Quelques années plus tard (1842), le pharmacien Basse s’associe avec les Brosson, fermiers du domaine thermal de Vichy, pour constituer une société au capital de 80 000 francs54. Dans les mêmes années, un libraire, un médecin et un architecte construisent l’établissement thermal et le premier hôtel de Brides-les-Bains55. Au début des années 1850, la municipalité de Chaudes-Aigues et quelques émigrants fortunés envisagent de constituer des sociétés rassemblant un capital de 200 à 300 000 francs. À Sermaize-les-Bains aussi se forme en 1851, une société anonyme qui peut investir plus de 40 000 francs dans les quelques années qui suivent sa création56. Autour des petites sources de la Loire, la création de sociétés aux formes multiples (sociétés civiles, en commandite simple, en commandite par actions) témoigne aussi de l’existence et de la vigueur d’un capitalisme local, certes modeste mais vite organisé57. Ce schéma n’évite pas les conflits sans doute plus nombreux là où règnent d’anciennes rivalités et où aucun des sociétaires ne l’emporte sur les autres. Le cas de Saint-Alban-les-Eaux (Loire) entre 1828 et 1847 est très révélateur d’une situation plus générale. Entre ces deux dates, alliances, coalitions, trahisons, faillites et réconciliations se succèdent à un rythme échevelé entre les Monsigny, Goin, Jailly et Rouiller58.
30Isolés ou groupés, alliés ou rivaux, tous les partenaires veulent faire de leur village de petits Carlsbad ou de petits Vichy et ils en prennent le chemin. Partout on construit au moins un établissement thermal auquel est adjoint un hôtel, même à Sail-les-Bains (Loire), à Berthemont-les-Bains où Bergondi investit 50 000 francs en 186259. Dans les sources plus connues comme Forges-les-Eaux, les investissements sont plus précoces (1837) et plus importants (136 000 francs60).
31À ces équipements de base, viennent s’ajouter selon les cas des théâtres, casinos ou salons (souvent de simples grands cafés plurifonctionnels) indépendants ou intégrés à l’établissement thermal. À une date ou à une autre, beaucoup de ces petites stations ont dû ressembler à Sermaize-les-Bains telle que la décrit le docteur Courtault en 1908 avec son parc anglais, son hôtel de la Source et ses 150 chambres (mais c’est le seul hôtel du lieu), son casino où se donnent bals, pièces de théâtre et concerts, au gré des fluctuations de la clientèle et des avatars de la gestion61.
32Si construire est déjà difficile, rentabiliser la construction l’est plus encore. En effet, les aménagements réalisés imposent l’arrivée d’une clientèle fortunée. Mais pour attirer celle-ci, les exploitants choisissent d’abord d’expulser les buveurs modestes et de mettre fin aux droits d’usage locaux lorsqu’ils existent. Pour les gestionnaires en effet, le spectacle de buveurs et de baigneurs pauvres, plus ou moins sales et dénudés, est propre à écarter les clients aisés qui seuls peuvent assurer la fortune de la station. Ce raisonnement, qui est loin d’être purement économique et rationnel, suscite de vigoureuses campagnes contre les usagers habituels. Sous prétexte d’hygiène et de commodité, l’accès des habitants aux sources est limité, entravé, voire même rendu impossible par l’assèchement des points d’eau publics. Vis-à-vis des étrangers les plus modestes, deux tactiques sont employées parallèlement. L’augmentation régulière et souvent draconienne des tarifs de bains paraît bien propre à écarter les buveurs impécunieux sans être indigents. À l’égard de ces derniers, qui légalement doivent être admis gratuitement aux bains, tout est fait pour limiter leur présence aux extrémités de la saison (juin et septembre) ou de la journée (le matin très tôt), de façon à ce qu’ils ne croisent ni ne troublent les gens plus fortunés. Pourtant, ces mesures n’aboutissent pas toujours au résultat escompté.
33Au-delà même des manifestations violentes du mécontentement populaire que l’on retrouve à Charbonnières (Rhône) et à Saint-Galmier (Loire), les exploitants se heurtent à la méfiance des communes qui défendent les droits d’usage de leurs mandants et sont sensibles aux plaintes de ceux qui, logeurs et aubergistes, profitaient de la présence d’une clientèle modeste. Les contribuables eux aussi protestent parfois contre ceux qui leur font « dépenser leur argent pour des promenades qui ne servent que pour des étrangers62 ». Sauf s’ils réussissent à s’emparer de la majorité du conseil municipal, les exploitants doivent modérer leurs exigences et tolérer la présence de ces paysans ou de ces indigents au risque de repousser la clientèle riche au moment où celle-ci est sollicitée de toutes parts par un nombre croissant de « stations » qui visent toutes la même clientèle avec les mêmes arguments. Rien d’étonnant, donc, à ce que les faillites se multiplient, à ce que les concessionnaires se succèdent à une vitesse de plus en plus grande, à ce que les sources soient mal entretenues ou confiées à des gérants peu scrupuleux63.
34L’échec économique des exploitants des sources modestes n’est pas dû à une quelconque fatalité imposée par la géographie ni à l’incapacité congénitale des petits notables à gérer selon des normes économiques rationnelles. Bien au contraire, c’est le choix stratégique conscient fait en même temps par tous les gestionnaires qui paraît la cause principale des difficultés. Au même moment chacun veut à tout prix attirer une clientèle huppée forcément limitée et de plus en plus sollicitée et refuse obstinément d’accueillir et « d’exploiter » une clientèle modeste, certes, mais nombreuse et fidèle qui se trouve déjà autour des sources. Bien peu, tels Bertrand, médecin inspecteur du Mont-Dore, refusent cette stratégie et voient bien que leur station austère ne pourra rivaliser avec d’autres plus souriantes doit viser la clientèle conduite par des nécessités graves64. Pour la plupart, les petits entrepreneurs thermaux, fascinés par les fastes aristocratiques et la perspective de profits faramineux, font un choix qui n’est qu’en apparence rationnel.
Un thermalisme discret
35Le mythe du thermalisme de luxe résiste pourtant longtemps aux yeux des gestionnaires de ces petites stations. Au moins jusqu’en 1914 très peu d’entre elles disparaissent. Après chaque échec, il se trouve toujours des municipalités pour attirer des repreneurs, des entreprises, petites ou grandes, pour reprendre le flambeau et poursuivre la réalisation d’un rêve décidément tenace. Elles y sont encouragées par l’existence d’une clientèle certes limitée, mais bien présente. Jamais assez nombreuse ni assez riche pour faire accéder les stations au statut qu’elles visent, elle l’est assez pour leur permettre de vivre et de rêver.
Une multitude de micro-stations
36Aussi le plus frappant est-il de constater la multitude des petites et des micro-stations à la veille de la guerre de 1914. Sans être évidemment exhaustif, le docteur Porcheron, dans Les villes d’eaux, les stations climatiques et les plages marines françaises65 recense pas moins de 150 lieux où l’on peut prendre les eaux. À côté de la quinzaine de grandes stations qui reçoivent plus de 10 000 visiteurs soignés par plus de dix médecins comme Vichy, Aix-les-Bains, Cauterets, et quelques autres66 on trouve 25 stations moyennes desservies par cinq à neuf médecins recevant entre 2 000 et 6 000 visiteurs67. Tout le reste est constitué par une centaine de stations très petites ou minuscules. Si certaines, comme Rennes-les-Bains (Aude), Aulus-les-Bains (Ariège), Bains-les-Bains (Vosges), ont encore belle allure avec leurs établissements thermaux et leurs quelques hôtels, elles comptent peu par rapport à la multitude des lieux isolés où la station se résume à un établissement-hôtel. Le guide Joanne des Pyrénées de 191068 en recense au moins une quinzaine. Certaines semblent dynamiques comme La Preste (Pyrénées-Orientales) qui, agrandie en 1903, alignerait des logements pour près de 200 baigneurs, ou Les Escaldes (Cerdagne) qui juxtapose hôtel, appartements garnis et casino69. Du même type, apparaissent les Bains du Boulou avec leur établissement-hôtel, leur maison meublée baptisée l’hôtel des ménages, leur café-casino et, plus haut, les pavillons des sources70. L’impression de hameau thermal est encore plus forte aux Bains de Molitg (près de Prades, Pyrénées-Orientales) où « les établissements Mamet, Llupia, Castellane et Barrière, construits à diverses époques, aujourd’hui réunis sous la même direction et parfaitement restaurés... forment un vaste ensemble de bâtiments disposés en amphithéâtres71 ». Dans un autre site, au fond de l’étroite vallée de l’Aude supérieure, les trois établissements hôtels Roquelaure, Esparre, Bonnail constituent le hameau thermal de Carcanières-Escouloubre, dont l’autre particularité est d’être à cheval sur les deux départements de l’Aude et de l’Ariège72.
37Ce type de stations, petites ou minuscules, même si on le trouve dans quarante départements, est pourtant caractéristique du Midi de la France et particulièrement du Sud-Ouest. Les cinq départements pyrénéens (avec l’Ariège et la Haute-Garonne) en comptent plus d’une trentaine. On en trouve le double en ajoutant aux Pyrénées les départements languedociens et aquitains. Quatre autres concentrations plus mineures apparaissent dans les Alpes (Savoie et Isère) avec la Bauche, la Caille, Choranche ; la Provence avec Montmirail (Vaucluse), Propiac, Montbrun et Condillac (Drôme) ; la Corse avec sept minuscules stations dont la plus connue est Orezza ; le Massif Central avec Ydes, Saint-Myon, La Chaldette73.
38L’importance relative et absolue de ces sources est évidemment difficile à estimer. Si l’on fixe à 500 le nombre moyen annuel de buveurs et baigneurs de chacune de ces stations74 on arrive à un total de 50 000 personnes, chiffre qui peut représenter le sixième de la fréquentation thermale globale75. Quoi qu’il en soit de cette estimation bien approximative, ce thermalisme discret n’est assurément pas un phénomène marginal et négligeable.
Les pièges de l’intégration
39La vie quotidienne et les problèmes de ces sources sont encore plus mal connus dans la deuxième moitié du siècle que dans la première. L’imitation des grandes stations continue à inspirer les gestionnaires, mais cette poursuite éperdue d’un modèle prestigieux est de plus en plus coûteuse et désespérée. S’ils ne les fondent que sur des parentés thérapeutiques, les guides touristiques utilisent toujours des comparaisons ambiguës, même si, 1870 oblige, toute référence à l’Allemagne disparaît. Ainsi le Guide Joanne des Pyrénées fait d’Alet le « Vichy audois » et de Rennes-les-Bains « le Plombières du Midi76 ». Prisonniers ou non de ces images, les gestionnaires investissent des sommes de plus en plus considérables pour des rendements de plus en plus aléatoires. Le cas paraît net à Berthemont-les-Bains où l’avoué niçois Pierre Cardon crée, en 1882, une société au capital énorme de 600 000 Francs qui doit être mise en liquidation douze ans plus tard77. Apparemment, les petites stations risquent plus de mourir d’un surplus d’ambition que d’un excès de modestie.
40Si l’investissement massif trop tardif peut mener à la ruine, l’intégration des petites stations dans des complexes économiques plus vastes n’est pas toujours sans risques pour elles. Le développement est assuré si l’investisseur se présente tôt et concentre tous ses efforts sur une seule station. Rachetée par la société genevoise Cachat dès 1824, Évian est bien armée pour faire face à l’afflux de baigneurs que provoque le rattachement à la France. Dans la même région, Challes, Brides et Salins ont la chance de trouver entre 1865 et 1875 des capitalistes locaux suffisamment puissants mais strictement attachés à leur région pour connaître un indéniable développement. À Salins et Brides, la Société générale de Tarentaise qui achète les sources en 1874 gère déjà les entreprises métallurgiques et minières de la vallée pour laquelle elle obtient, en outre, la concession de la construction du chemin de fer78. À Vittel aussi, la création en 1882 de la société des eaux marque le début de la prospérité, mais celle-ci est aussi due au rôle que continue à y jouer la famille fondatrice des Bouloumié79.
41L’évolution peut être toute différente lorsque les capitalistes ont des intérêts géographiques dispersés ou une envergure nationale. Dès 1840, l’achat des sources de Châtel-Guyon par les Brosson, déjà fermiers du domaine thermal de Vichy, menace la station balbutiante. Ayant sans doute acheté Châtel-Guyon pour éviter une concurrence à leurs entreprises vichyssoises tout en se ménageant une position de repli, les Brosson font preuve jusqu’en 1855 à l’égard de Châtel-Guyon d’une passivité qui confine au sabotage planifié. Absents jusqu’en 1842, ils se contentent de détruire l’établissement existant sans en construire un autre comme ils s’y étaient engagés80. L’intégration des stations dans des « chaînes » multiples offre même des risques pour les stations plus prestigieuses. Autant l’ère Broccard signifie pour Châtel-Guyon un essor spectaculaire et rapide81, la même domination ouvre pour Royat une période bien moins dynamique. Il semble bien qu’entre Royat et Châtel-Guyon, Broccard ait choisi, volontairement ou par nécessité, de privilégier la seconde au détriment de la première82.
42Plus la station est petite et plus les risques d’être sacrifiée aux intérêts d’une grande société augmentent. Rachetées toutes deux par la Compagnie générale des eaux minérales et bains de mer, gigantesque société au capital de 6 millions de Francs, contrôlée par la Compagnie fermière de Vichy, les stations d’Euzet-les-Bains (Gard) et de Saint-Gervais (Haute-Savoie) n’en tirent pas le même profil. Malgré les apparences d’une prospérité factice et la présence du docteur Perrier (celui de Vergèze), la Compagnie générale ruine la minuscule station d’Euzet qui, achetée 200 000 francs en 1881, est revendue pour 50 000 en 1918 (à peine plus de 10 000 francs or83). En revanche, la même compagnie mise beaucoup plus sur Saint-Gervais (Haute-Savoie) qu’elle n’hésite pas à reconstruire entièrement après la catastrophe naturelle de 1892 qui emporte les anciennes installations84. Ces grands conglomérats nationaux sont imités par des sociétés plus locales. Dans la Loire, la société Badoit de Saint-Galmier prend le contrôle des sources voisines (Renaison, Couzan) très largement pour asseoir son monopole et briser la concurrence85.
43L’arrivée de ces sociétés accentue parfois une option déjà envisagée ou mise en œuvre auparavant. Celle-ci consiste à privilégier l’embouteillage et l’expédition des eaux au détriment des buvettes et des bains. Nulle part sans doute, l’option n’est plus précoce ni plus nette qu’à Saint-Galmier (Loire) où, dès les années 1850, le fermier des eaux communales (Badoit) pressent l’immense marché de l’eau minérale en bouteilles. Grâce à des sources abondantes, il développe la production, baisse les prix, ouvre des dépôts dans les villes de la région, s’associe avec des verriers (les Richarme) et sait parfaitement utiliser le chemin de fer dès son apparition. À la fin du siècle, le triomphe a succédé au succès déjà évident vers 1870. Avec un capital modeste (2,5 millions de francs) la société réalise un chiffre d’affaires considérable (0,5 million de francs) des bénéfices copieux (15 à 30 %) du chiffre d’affaires) et une production impressionnante (4 millions de bouteilles en 1870, 20 millions en 190086).
44Ce succès économique est acquis au prix de la mort du thermalisme classique. Les mille buveurs baigneurs des années 1830 ne sont plus qu’une centaine dans le Saint-Galmier des années 1860 avant de disparaître complètement dans la décennie suivante. Après quelques résistances sporadiques, les habitants du lieu sont aussi privés de l’usage des eaux par l’assèchement des sources publiques. Ailleurs, les choix sont moins drastiques, mais l’embouteillage joue un rôle toujours important. Dès les années 1860, les autres sources de la Loire tirent la quasi-totalité de leurs revenus de l’expédition des bouteilles mais cet argent permet le maintien résiduel d’une activité thermale classique pendant encore de nombreuses années87. Ailleurs, comme peut-être à Vals-les-Bains (Ardèche), la balance est plus équilibrée entre les deux activités, mais c’est sans doute aussi l’expédition qui permet le maintien du thermalisme. On en est convaincu lorsque l’on prend la mesure non négligeable de l’expédition dans des villes qui passent pour le temple du thermalisme classique comme Vittel, Châtel-Guyon, Le Mont-Dore et dans une moindre mesure Vichy88.
45Parler d’échec des petites stations thermales ne se justifie que sur le plan strictement financier et si l’on accepte de réduire le thermalisme à une activité capitaliste rentable alimentée par une clientèle fortunée.
46Si l’on sort de ce modèle normatif, l’histoire des petites stations montre que l’engouement pour les eaux n’est pas seulement une mode artificiellement créée par les associations entre médecins et hommes d’affaires, mais qu’elle traduit une aspiration bien plus large à la santé, à l’hygiène, au repos et au bien-être. On aimerait connaître mieux le profil social, les habitudes, les croyances et les pratiques médicales et sociales de ceux qui fréquentent les hameaux thermaux à 4 francs de pension par jour. Rien n’indique qu’ils soient identiques à ceux qui paient deux à trois fois plus cher à Vichy ou à Aix. De même, il n’est pas sûr que, malgré un cadre qui veut « singer » celui des grandes villes d’eaux, les petits lieux de cure aient vécu dans la même ambiance mondaine. On aimerait savoir ce que recouvrent les allusions à l’ambiance familiale que mentionnent certains guides (« on y mène la vie de famille » dit le Guide Joanne de 1910 à propos de l’établissement de Boussat (Boussens Haute-Garonne89).
47L’étude des petites stations est aussi un intéressant point d’observation des élites rurales et des petites villes écartelées entre les séductions du capitalisme, les habitudes rentières, la fascination du modèle aristocratique et les vieilles rivalités familiales. Aussi ce thermalisme souterrain est-il un moyen d’appréhender de multiples aspects de la société du xixe siècle.
Notes de bas de page
1 Article publié dans Dominique Jarrassé, dir., 2000 ans de thermalisme : économie, patrimoine, rites et pratiques, Clermont-Ferrand, Institut d’études du Massif Central, 1996, 290 p., p. 33-48. Depuis la parution de cet article au moins un ouvrage a renouvelé la question : Marc Boyer, Le thermalisme dans le grand Sud-Est de la France, Grenoble, Presses universitaires, 2005, 425 p.
2 Paul Gerbod, Les fièvres thermales en France au xixe siècle, Revue Historique, 1987, n° 2, p. 309-334, p. 313. À signaler néanmoins l’ouvrage de Maurice Gontard, Vichy, l’irrésistible ascencion (1800-1870), Le Puy, Créer, 1998, 219 p., qui a le mérite de se concentrer en grande partie sur le thermalisme avant le Second Empire.
3 Id., « Loisirs et santé : les cures thermales en France. 1850-1900 », dans Adeline Daumard, dir., Osiveté et loisirs dans les sociétés occidentales au xixe siècle, Amiens, 1983, p. 195-203, p. 196.
4 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale : la société des eaux minérales de Châtel-Guyon (1878-1914), Clermont-Ferrand, IEMC, 1994, 366 p.
5 Deux Congrès nationaux des sociétés savantes en regroupent heureusement plusieurs. Celui de 1985 (Montpellier), Le Corps et la santé, Paris, CTHS, 1985, t. I, 277 p., celui de 1992 (Clermont-Ferrand), Villes d’eaux : histoire du thermalisme, Paris, CTHS, 1994, 533 p.
6 En particulier à Clermont-Ferrand, les maîtrises de Catherine Schall sur Royat (1994), Serge Verdier sur La Bourboule (1993), Jérôme Penez (voir ci-dessus) sur Châtel-Guyon (1993).
7 Pascale Cosma-Muller, « Entre science et commerce : les eaux minérales en France à la fin de l’Ancien Régime », dans Jean-Pierre Goubert, dir., « La médicalisation de la société française. 1780-1830 », Réflexions historiques, Historical Reflections, 1982, n° 1-2, 304 p., p. 249-263.
8 Ibid.
9 Bruno Benoit, « Les eaux de Charbonnières. fin xviiie-début xixe siècles », dans Villes d’eaux : histoire du thermalisme, Paris, CTHS, 1994, 533 p., p. 91-108, p. 98.
10 Benjamin Bardy, « Vogue et déclin d’une station thermale de montagne, La Chaldette », ibid., p. 211-225, p. 213.
11 Catherine Schall, « Royat et le thermalisme », ibid., p. 165-175.
12 Olivier Faure, « La vogue des eaux minérales au xixe siècle : l’exemple de la région stéphanoise et lyonnaise », dans Le Corps et la santé, Paris, CTHS, 1985, t. I, 277 p., p. 245-258, p. 245.
13 Marius Hudry, « Les origines du thermalisme en Tarentaise », ibid., p. 223-234, p. 230.
14 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale..., op. cit., p. 15.
15 Archives départementales du Puy-de-Dôme (plus loin ADPd. D) N 0117/2, Règlement des eaux du Mont-Dore, 1849.
16 Archives départementales de la Loire (plus loin ADL,), 41 M 1, Lettre du Préfet au Ministre, 30 octobre 1837.
17 Pierre-Francois Aleil, « Clermont, ville thermale ? », dans Villes d’eaux : histoire du thermalisme…, op. cit., p. 153-164, p. 158.
18 Christian Estève, « Chaudes-Aigues et ses eaux au xixe siècle », art. cit., ibid., p. 189-210, p. 190.
19 Bruno Benoit, « Les eaux de Charbonnières », art. cit.
20 Archives départementales du Rhône (plus loin ADR,) M, non classée, eaux minérales, Lettres des Maires de Montrottier et OuiIly au Préfet, 11 août 1819 et 2 août 1820.
21 ADPd. D, N 115/1, Rapport du médecin inspecteur pour l’année 1822.
22 Olivier Faure, « La vogue des eaux minérales… », art. cit.
23 ADL, 41 M 8 (Saint-Alban), Pétition des logeurs, mars 1853 et Lettres de Goin (inspecteur) des 13 juin 1829 et 18 avril 1833. ADPd. D N 116/1, Lettre du Préfet, 4 août 1828.
24 Bruno Benoit, « Les eaux de Charbonnières… », art. cit.
25 Olivier Faure, « Le Mont-Dore au début du xixe siècle : du village à la station thermale », dans Villes d’eaux : histoire du thermalisme, op. cit., p. 177-188, p. 182, voir chapitre précédent.
26 Pierre Descamps, Florent Vanremortère, « Les thermes de Saint-Amand-les-Eaux des origines à nos jours », ibid., p. 267-287, p. 278 et Catherine Schall, « Royat et le thermalisme… », art. cit.
27 ADPd. D N 115/1, Rapport de l’inspecteur pour 1823.
28 ADPd. D N 112, Liste des personnes venues au Mont-Dore en 1810.
29 ADL, 41 M 9, Lettre du Maire de Saint-Galmier au Préfet, 19 février 1827.
30 ADR, M, eaux minérales, Lettre du Maire de Vaux au Sous-Préfet de Villefranche.
31 ADPd. D N 114, Rapport du Préfet, 2 décembre 1813.
32 ADR, M, eaux minérales, Lettre du Maire de Montrottier, 11 août 1819.
33 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale…, op. cit., p. 17.
34 Bruno Benoit, « Les eaux de Charbonnières… », art. cit., Olivier Faure, « La vogue des eaux… », art. cit.
35 Olivier Faure, Les Français et leur médecine au xixe siècle, Paris, Belin, 1993, 320 p. p. 68-77.
36 ADPd. D, NO1I3.
37 Sur les stations de la Savoie et du Dauphiné, l’article ancien mais important de Marc Boyer, « Contribution à l’histoire du thermalisme en Savoie de 1860 à 1914 », Actes du 85e Congrès national des sociétés Savantes (1960), section d’histoire moderne et contemporaine, Paris, Imprimerie Nationale, 1961, p. 341-394.
38 Élisabeth Fontanieu, « Les eaux minérales d’Euzet-les-Bains », Le corps et la santé, op. cit., t. I, p. 235-243, p. 236.
39 Colette Bourrier-Reynaud, « Regards sur une station thermale : Berthemont-les-Bains à travers le temps et l’histoire », ibid., p. 259-270, p. 264.
40 Serge Verdier, Naissance et développement d’une station thermale : La Bourboule. 1828-1930, mémoire de maîtrise, Clermont-Ferrand II, 1993, 202 p., dactyl., p. 12.
41 Olivier Faure, « Le Mont-Dore... », art. cit., p. 179.
42 Georges Dumas, « La station thermale de Sermaize-les-Bains… », dans Villes d’eaux : histoire du thermalisme, op. cit., p. 259-266, p. 261.
43 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale..., op. cit., p. 22-23.
44 Christian Estève, « Chaudes-Aigues et ses eaux… », art. cit., p. 199.
45 Georges Dumas, « La station thermale de Sermaize-les-Bains… », art. cit., p. 260.
46 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale..., op. cit., p. 18-19.
47 Christian Estève, « Chaudes-Aigues… » art. cit., p. 196.
48 Marc Boyer, « Contribution à l’histoire du thermalisme en Savoie », art. cit., p. 376.
49 Bel exemple à La Bourboule, cf. Serge Verdier, Naissance et développement..., op. cit., passim.
50 Christian Estève, « Chaudes-Aigues... », art. cit., passim.
51 Serge Verdier, Naissance et développement…, op. cit., p. 12.
52 Benjamin Bardy, « Vogue et déclin d’une station thermale de montagne : La Chaldette », art. cit., p. 220.
53 Marius Hudry, « Les origines du thermalisme en Tarentaise », art. cit., p. 228.
54 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale..., op. cit., p. 31.
55 Marc Boyer, « Contribution à l’histoire... », art. cit., p. 363 ; le médecin Savoyen, le libraire Blanc et l’architecte Roche.
56 Georges Dumas et Christian Estève, articles cités, dans Villes d’eaux : histoire du thermalisme, op. cit.
57 Olivier Faure, « La vogue des eaux minérales… », art. cit.
58 Ibid.
59 Colette Bourrier-Reynaud, « Regards sur une station thermale.. », art. cit., p. 264.
60 Philippe Manneville, « Les eaux et l’établissement thermal de Forges-les-Eaux : les rapports avec l’État », dans Villes d’eaux : histoire du thermalisme, op. cit., p. 249-257, p. 256.
61 Georges Dumas, « La station thermale de Sermaize-les-Bains… », ibid., art. cit., p. 264.
62 Olivier Faure, « La vogue des eaux minérales... », art. cit.
63 Comme à Sermaize où le cas est parmi les plus frappants.
64 ADPd. D, N 0117/2, Rapport de l’inspecteur adjoint pour 1853. N 0119, Rapport pour la saison 1852.
65 2e édition, Paris, Maloine, 1912 (1re éd. 1911), 532 p.
66 Dans l’ordre alphabétique, ce guide attribue le nombre de médecins et parfois de visiteurs aux stations suivantes : Aix-les-Bains (30), Cauterets (20), Châtel-Guyon (17), Contrexeville (14), Dax (14), Evian (14 et 3 000 visiteurs), La Bourboule (20 et 15 000 visiteurs), Luchon (22 et 50 000 visiteurs), Le Mont-Dore (20 et 15 000 visiteurs), Luxeuil (12), Plombières (11), Royat (14), Vichy (82 et 100 000 visiteurs), Vittel (14 et 10 000 visiteurs).
67 Parmi les moyennes stations, on trouve avec le nombre de médecins : Allevard (Isère) 6, Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) 8, Argelès-Gazost (Hautes-Pyrénées), Ax-les-Thermes (Ariège) 7, Bourbon l’Archambault (Allier) 7, Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire) 6, Bourbonne-les-Bains (Haute-Marne), Brides-Salins (Savoie) 7, Cambo (Pyrénées-Occidentales) 6, Châteauneuf-les-Bains (Allier), Divonne (Ain) 5, Les Eaux-Bonnes (Hautes-Pyrénées) 7, Enghien (Seine-et-Oise) 6, Lamalou-les-Bains (Hérault) 8, Le Fayet (Haute-Savoie) 7, Néris (Allier), 7, Pougues (Nièvre) 5, Saint-Amand-les-Eaux (Nord) 5, Saint-Honoré-les-Bains (Nièvre) 15, Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme) 6, Salies-de-Béarn (Basses-Pyrénées) 8, Salins (Jura) 8, Uriage (Isère) 6, Vals-les-Bains (Ardèche) 5, Vernet-les-Bains (Pyrénées-orientales) 4, Vic-sur-Cère (Cantal) 4.
68 Guide Joanne, Pyrénées, Paris, Hachette, 1910, 419 p.
69 Ibid., p. 418 et 396.
70 Ibid., p. 408.
71 Ibid., p. 388-389.
72 Ibid., p. 381.
73 Dr L. Percheron, Les villes d’eaux, les stations climatiques, les plages marines françaises, Paris, Maloine, 1912 (2e éd.), 532 p. Marc Boyer, « Contribution à l’histoire du thermalisme en Savoie… », art. cit.
74 Ce qui ne me paraît pas abusif si l’on sait qu’à La Chaldette on compte 653 curistes en 1867. Cf. Benjamin Bardy, « Vogue et déclin d’une station thermale… », art. cit.
75 Paul Gerbod, « Les fièvres thermales en France au xixe siècle », art. cit., p. 309-334, parle de 125 000 malades recensés par an entre 1880 et 1890 et de 300 à 400 000 étrangers à la fin du siècle ; mais le même, dans « Loisirs et santé : les cures thermales en France (1850-1910) », dans Adeline Daumard, dir., Oisiveté et loisirs dans les sociétés occidentales…, op. cit., p. 195-203, parle de 700 000 visiteurs en 1920 (et 300 000 malades), p. 196.
76 Guide-Joanne, Pyrénées, op. cit., p. 376-377.
77 Colette Bourrier-Reynaud, « Regards sur une station thermale, Berthemont-les-Bains », art. cit., p. 265.
78 Marc Boyer, « Contribution à l’histoire du thermalisme en Savoie… », art. cit., p. 376.
79 Vittel, création d’une station thermale. 1854-1936, Paris, Institut français d’architecture, 1982, 238 p., passim.
80 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale, op. cit., passim.
81 Ibid., passim.
82 Catherine Schall, Royat et le thermalisme, op. cit., p. 35.
83 Élisabeth Fontanieu, « Les eaux minérales d’Euzet-les-Bains… », art. cit., p. 236.
84 Marc Boyer, « Contribution à l’histoire du thermalisme en Savoie… », art. cit., p. 376.
85 Olivier Faure, « La vogue des eaux minérale… », art. cit., p. 253-254.
86 Ibid.
87 Ibid.
88 Jérôme Penez, Dans la fièvre thermale…, op. cit., p. 267-29 et p. 343-44, montre que sauf en 1897, la part de l’embouteillage dans les recettes varie entre 40 et 60 % du total.
89 Guide Joanne, Pyrénées, 1910.
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