Chapitre IV. Un hôpital « extraordinaire1 »
L’Antiquaille de Lyon de 1803 à 1845
p. 99-138
Texte intégral
1L’établissement charitable qui s’installe à Lyon dans l’ancien couvent de la Visitation et reprend à cette occasion le nom d’Antiquaille utilisé depuis le xvie siècle, n’est ni un hospice ni un hôpital comme les autres. Destiné aux mendiants, vagabonds, prostituées, vénériens et insensés, il ressemble plus à une maison de force qu’à un lieu d’hébergement des pauvres malades et des vieillards. De plus, il n’est pas intégré aux Hospices civils de Lyon qui viennent d’être constitués en 1802 par la réunion de l’Hôtel-Dieu, hôpital des malades, et de La Charité, l’ancien hôpital général plutôt consacré aux vieillards, aux enfants abandonnés et aux filles enceintes. L’originalité ne se limite pas à ces deux particularités. Très vite, l’établissement s’oriente vers une spécialisation dans l’accueil des vénériens et autres malades atteints d’affections cutanées et, dans une moindre mesure, des insensés, désormais désignés comme des aliénés. Plutôt que de les renfermer et de les redresser, l’administration se préoccupe de les recevoir du mieux possible et de donner la priorité à leur traitement médical. S’il garde l’appellation d’hospice, l’Antiquaille agit comme un hôpital au sens moderne du terme.
2Dépourvu de ressources propres, l’établissement est bientôt presque entièrement financé par des contributions publiques, versées sous la forme de subventions et de prix de journée. Tout à fait contraire à la philosophie et aux pratiques du temps, cette situation finit par placer l’Antiquaille sous la dépendance de ces bailleurs qui organisent sa disparition et l’intègrent aux Hospices civils en 1845. Pourtant, jouant le rôle d’asile d’aliénés du département du Rhône, en application de la loi de 1838, l’Antiquaille conserve une originalité forte jusqu’à l’ouverture de l’asile départemental de Bron-Vinatier en 1876. Même si c’est de façon éphémère, l’Antiquaille est un lieu d’expérimentation de formules nouvelles. En installant un hôpital spécialisé qui donne la priorité aux soins médicaux par rapport à l’hébergement social, en pratiquant le financement public des séjours hospitaliers, l’Antiquaille a été un véritable laboratoire de modernité. Si elle est vite interrompue, l’expérience n’est pas oubliée. Avant que le modèle de l’Antiquaille ne devienne la règle, le dynamisme et l’esprit de nouveauté persistent dans l’Antiquaille, particulièrement dans l’organisation et la pratique médicale.
La naissance de l’Antiquaille : missions anciennes et renouvellement improvisé
3Destiné selon le décret du 25 Germinal an XIII à regrouper « un dépôt de mendicité, une maison de travail, un hospice pour les aliénés, les incurables et les vénériens », l’Antiquaille est un établissement bigarré. Ce mélange des genres est le fruit de choix généraux anciens et d’expériences locales chaotiques. Bien dans la lignée de la réorganisation consulaire, le décret de l’an XIII privilégie les compromis.
L’accueil des vagabonds
4La première fonction est celle de dépôt de mendicité. Cette priorité témoigne de la hantise déjà ancienne pour la mendicité et le vagabondage. Désignée par Michel Foucault2 sous le nom de grand renfermement, la volonté de réduire la mendicité et le vagabondage commence dès le xviie siècle avec l’ouverture des hôpitaux généraux qui devaient être des lieux de détention, des manufactures et des couvents dans lesquels seraient renfermés, mis au travail et moralisés les mauvais pauvres, essentiellement les mendiants valides3. Pour faire bonne mesure, et pour des raisons d’ordre public et moral, les prostituées, et par extension les vénériens étaient aussi compris dans le projet. Les insensés furieux, exerçant des menaces de même nature pouvaient aussi être soumis à cet enfermement. Les buts assignés à l’Antiquaille reprennent, un siècle et demi après, les injonctions de Louis XIV. Reste à savoir pourquoi la charge était passée des hôpitaux généraux aux dépôts de mendicité.
5Jean-Pierre Gutton4 a très bien décrit, en particulier pour la région lyonnaise, l’échec des hôpitaux généraux. Prescrits par l’autorité royale mais financés par la charité privée, ils ne couvrent pas la France d’un réseau très dense d’institutions impeccablement organisées. Trop pauvres, les hôpitaux généraux sont souvent des lieux où la mise au travail est peu systématique et la surveillance lacunaire. De plus les notables charitables n’adhèrent guère au projet disciplinaire et continuent à voir dans le pauvre la figure de Jésus-Christ alors que les gens du peuple se solidarisent des mendiants et s’opposent à leur arrestation par les archers de l’hôpital, dont les membres redoutés et détestés sont baptisés « chasses-coquins ». En revanche, les bons pauvres domiciliés dans la ville et perclus d’infirmités ou épuisés par l’âge affluent dans les hôpitaux généraux qui se transforment en hospices de vieillards. Les enfants abandonnés, orphelins, exposés, dont le flux croît surtout à partir du milieu du xviiie siècle les rejoignent très vite. Ils sont d’autant plus massivement reçus que leur abandon devient plus scandaleux.
6Malgré ce premier échec, la volonté de supprimer la mendicité ne fait que croître. Avec la mobilité accrue de la population, le développement des villes, l’enrichissement de la société et l’accroissement des inégalités, la mendicité se fait plus voyante et plus insupportable aux yeux d’un nombre croissant de gens qui peuvent la redouter. Tirant les leçons de la dérive des hôpitaux généraux mais s’accrochant à la fiction selon laquelle la mendicité serait le fait d’une catégorie bien spécifique et non un état temporaire dans lequel beaucoup peuvent tomber, le pouvoir royal prescrit par l’édit de 1764 la construction de dépôts de mendicité à la charge des autorités locales. Bicêtre, le dépôt de mendicité de la capitale devient vite un nom commun qui sert à désigner l’ensemble des établissements de ce type.
7Les autorités lyonnaises exécutent l’ordre et ouvrent un dépôt en 1770. D’abord installé au sud de la presqu’île et connu sous le nom de « Bicêtre » lyonnais, il est ensuite transféré sur les quais de la Saône au lieu-dit de la Quarantaine, sans doute ancien lieu de relégation des voyageurs soupçonnés d’être porteurs de maladies contagieuses. Cette institution survit pendant la Révolution, tout aussi obsédée par la mendicité que ne l’était le régime aboli. On sait que le célèbre comité chargé de proposer à la Constituante le premier plan d’assistance publique nationale de notre histoire s’était baptisé Comité de mendicité. La Révolution applique aussi au dépôt de mendicité le principe général de la liberté économique. Celui-ci est donc géré par des entrepreneurs privés plus soucieux de bénéfices que de redressement.
L’installation sur la colline de Fourvière
8Dans le cadre de la remise en ordre du Consulat et de la réorganisation hospitalière lyonnaise, les nouvelles autorités nomment une commission administrative du dépôt en même temps qu’est installé le Conseil d’administration des Hospices civils de Lyon. Au moment où est prononcée la fusion de l’Hôtel-Dieu et de La Charité, (18 janvier 1802) l’intégration de l’Antiquaille à ce nouvel ensemble est un moment envisagée mais le ministre de l’Intérieur cède vite aux objections du préfet5, et nomme un conseil d’administration autonome de la Quarantaine.
9La situation dont hérite cette nouvelle administration est dramatique aux dires de tous les témoins. Installés le 2 ventôse an X (21 février 18026), les nouveaux nommés s’inquiètent surtout de la « ténacité des maladies fébriles résultat de l’insalubrité de l’air et du local (installé en bord de Saône) exposé aux funestes inconvénients des fièvres épidémiques qui se manifestent périodiquement à chaque saison7 ». Le préfet signale, quant à lui, que « les bâtiments sont resserrés à tel point que l’administration est dans l’obligation de refuser l’admission d’individus atteints du mal vénérien, de ne pas installer d’ateliers, de ne pas faire entrer de nombreux mendiants8 ». Paradoxe des paradoxes, un ancien directeur du dépôt, l’abbé Vitry propose même de renvoyer mendiants et vagabonds dans leurs départements d’origine sous prétexte que ce serait une mesure efficace contre le « mendiantisme9 ». Le maire de l’arrondissement municipal de l’ouest (de Lyon) est encore plus sévère et résume tous les travers de l’institution :
Toute règle était méconnue. Les vieillards des deux sexes se répandaient tous les jours dans la ville pour y mendier et ne revenaient que le soir dans leur retraite. Infectés de toute sorte d’insectes, couchés sur de la paille rarement renouvelée, les malades étaient indistinctement confiés à un empirique. La réunion de femmes publiques aux femmes condamnées à la détention présentait le hideux spectacle du crime et du libertinage et le défaut de moyens, en prostituant chaque jour les unes à la plus crapuleuse débauche faisait des autres les conseils intimes de tous les vols qui s’y commettaient au dehors10.
10Devant un tel constat, l’idée d’un déménagement naît rapidement. Après avoir tenté d’assainir l’air au moyen de ventilateurs et de fumigations, le Conseil général d’administration de la Quarantaine estime qu’il y a une nécessité urgente et indispensable à transférer cet établissement dans un local qui, placé sur une hauteur soit plus salubre. À vrai dire, le choix n’est pas seulement inspiré par des considérations hygiéniques et par le hasard des disponibilités. Le déménagement dans un ancien couvent situé sur la colline de Fourvière, haut lieu de la piété lyonnaise, convient bien à des administrateurs très dévots. Ils revendiquent le transfert dans leur chapelle de la statue de la vierge « attendu que la mère des miséricordes y serait convenablement placée, sous le double rapport d’être exposée à la vénération et à la charité des fidèles11 ». Si ce projet n’aboutit pas, les administrateurs de la Quarantaine proposent de louer le bâtiment pour 5 000 francs annuels et réclament 12 000 francs de subvention au gouvernement pour sa remise en état. Après accord du préfet et du ministre, le bail est signé le 30 messidor an XI (19 juillet 1803) et la translation a lieu le 29 brumaire an XII (21 novembre 180312).
Une administration très autonome
11Acquise en ventôse an X (février 1802) pour la Quarantaine, la situation administrative particulière s’applique désormais à l’Antiquaille. En application du décret du 7 germinal an XIII (28 mars 1805), le ministre ou le préfet nomment les membres des commissions administratives de tous les établissements de bienfaisance du pays selon une procédure invariable. Les commissions administratives sont renouvelées par cinquième tous les ans par rang d’ancienneté. Les administrateurs sortants désignent par voie de scrutin cinq puis trois candidats dont la liste est soumise au préfet. Pour les établissements importants, dont l’Antiquaille, la décision définitive appartient toujours au ministre. En revanche, tout comme les Hospices civils de Lyon, l’Antiquaille n’est pas administré par une commission administrative mais par un conseil d’administration composé de dix membres (au lieu de cinq pour les commissions, 20 pour les HCL). Contrairement à celui des Hospices civils de Lyon, le conseil de l’Antiquaille n’est pas présidé par le maire de Lyon et élit donc lui-même son président. Ces dispositions donnent à l’Antiquaille un prestige et une autonomie inédite. Celle-ci est renforcée par le fait que, pour cet hôpital comme pour les autres, quel que soit le régime, les autorités locales et nationales ratifient systématiquement les choix de l’administration hospitalière en nommant le candidat placé en tête par le conseil sortant.
12Jusqu’en 1830, les membres se recrutent exclusivement dans les rangs de la petite oligarchie qui peuple aussi les rangs du Conseil général des Hospices civils et truste les fonctions politiques municipales. On y retrouve les représentants des grandes familles royalistes et catholiques, Victor Dauphin de Verna (1775-1841), Claude-Marie Rivérieulx de Chambost (1769-1827) tous deux députes ultras, Jean de Lacroix-Laval (1772-1860) qui quitte le conseil de l’Antiquaille pour occuper le fauteuil de maire de Lyon au printemps 1826. S’adjoignent à ces aristocrates des bourgeois comme les Cazenove et l’un des Frèrejean, principaux maîtres de forges de l’époque. Parmi les 20 administrateurs en fonctions entre 1802 et 1830, on trouve deux députés, quatre adjoints au maire de Lyon, trois hauts administrateurs locaux dont Charrier de Sainneville, adjoint au maire sous l’Empire, lieutenant général de police au début de la Restauration et président de fait de l’Antiquaille de 1803 à 1817. Derrière eux une catégorie d’administrateurs moins prestigieux brillent par leur longévité : Jean-Baptiste Nolhac (1770-1848) qui siège de 1809 à 1830, Gillet Sainte-Marie (1819-1830) sont sans cesse renouvelés mais la palme revient à Alexandre Chappet-Vaugel, ancien négociant, propriétaire, préposé en chef de l’octroi de Lyon, membre du conseil de 1809 et 1819, puis, après une courte interruption, de 1821 à 183013. Prestige social, participation au pouvoir politique et longévité font de l’administration de l’Antiquaille une véritable puissance. Outre leur appartenance au patriciat local, qui associe banquiers, marchands de soie, hommes de lois et propriétaires, les administrateurs sont soudés par une piété sans faille. Déjà notée à propos de la statue de Fourvière, leur dévotion s’exprime par des mesures symboliques. L’hôpital est placé sous la protection de Saint Pothin dont la crypte (le prétendu lieu de son martyre) se trouve sous la chapelle ouverte en grande pompe le 10 Ventôse an XII (1er mars 180414). Vite desservie par un puis deux aumôniers, l’hospice reçoit aussi le 29 germinal an XIII (19 avril 1805), la visite du pape Pie VII, accompagné du cardinal Fesch, ex-archevêque de Lyon et oncle de Napoléon 1er15. Non feinte, cette piété est aussi une façon d’exciter la charité grâce à « l’exploitation » du prétendu tombeau de Saint Pothin16.
13S’il s’exerce à titre bénévole, le pouvoir de décision du conseil d’administration est d’autant plus réel qu’en l’absence de commis supérieurs rétribués, à l’exception d’un économe et d’un receveur, les administrateurs assurent aussi la gestion quotidienne. D’autre part l’indépendance relative face au pouvoir municipal laisse à l’Antiquaille une certaine marge de manœuvre, deuxième originalité de cet hôpital. Ni leurs origines sociales, ni leurs choix politiques ni leur engagement religieux ne prédestinaient ces administrateurs à mettre leur pouvoir réel au service de l’innovation. Tel fut pourtant bien le cas.
Les frais d’installation
14Rien n’est cependant réglé, en particulier dans le domaine financier. Pour assurer les travaux et la vie quotidienne, il faut faire appel à la charité privée, aux contributions de la municipalité et aux recettes de la taxe sur les spectacles. Ces deux dernières sources produisent 12 000 francs en Germinal an XII (printemps 1804) mais le devis des frais d’installation se monte à près de 30 000 francs17. Le conseil de l’hospice :
réclame le complément des fonds applicables à l’acquis des réparations précitées sur les secours versés par l’octroi en faveur des Hospices civils dont l’Antiquaille doit être considérée comme succursale à raison du traitement des vénériens et des insensés (non reçus aux Hospices civils) et par l’asyle [sic] accordé aux vieillards indigents (en attendant leur admission à La Charité18).
15L’argument est maladroit car si le conseil municipal vote 20 000 francs de subvention, il ne les alloue pas à l’achèvement des travaux mais à l’entretien des vieux et des vieilles, obligeant l’hospice à maintenir cette fonction comme une sorte de service municipal19.
16Le décret gouvernemental du 25 Germinal an XIII (15 avril 1805) clôt ce premier débat par une série de dispositions qui engagent fortement le destin de l’Antiquaille indépendant. Sans doute pris pour délivrer le gouvernement de tout risque d’intervention financière, il réussit à multiplier les ambiguïtés en quatre brefs articles. Il décide de « concéder » le bâtiment dit de Bicêtre à la ville de Lyon (article 1) qui le vendra et affectera le produit à l’acquisition du local dit de l’Antiquaille, (article 2) et ajoute que « en cas d’insuffisance de ce produit, il sera pourvu au déficit sur les fonds de l’octroi » (article 2) mais se garde bien d’accorder clairement la propriété du bâtiment à la ville et d’affirmer que l’Antiquaille a régulièrement droit aux fonds de l’octroi. Cette transaction est sur le moment imposée à la ville qui aurait préféré que le département ou le gouvernement se portent acquéreurs du bâtiment. Les réticences de la ville sont fondées. Estimé à 50 353 francs, le bâtiment de Bicêtre est dans un tel état qu’aucun acheteur ne se déclare lors de la première mise en vente. Après avoir songé à louer le bâtiment à un industriel pour 1 500 francs par an ou de le vendre au prix du seul terrain (18 166 francs), la ville finit par le mettre en vente à 25 000 francs mais en obtient 36 000 lors d’une vente aux enchères le 31 août 180720. Aux dires tardifs de la mairie lors des polémiques ultérieures, la ville aurait déboursé 96 500 francs pour l’achat de l’Antiquaille21.
Des missions multiples
17La municipalité aurait voulu aussi « renfermer cet hospice dans ses bornes et ne lui donner que le développement relatif à ses activités », à ses yeux une simple maison de détention. Pourtant, le décret de Germinal an XIII (avril 1805) reconduit la situation antérieure et fait de l’Antiquaille une institution polyvalente : « dépôt de mendicité, maison de travail, hospice pour les insensés, incurables et vénériens » (article 3). Enfin, le décret ajoute au trouble en concluant que « ces divers établissements seront aussi à l’usage des villes et communes du département du Rhône qui paieront les frais de translation et d’entretien des divers malades lorsque les familles n’en pourront faire les frais » (article 422). Si cette mise à la charge des collectivités nous paraît rétrospectivement novatrice, elle est tout à fait inédite, voire scandaleuse au début du xixe siècle. Elle pose de nombreux problèmes et suscite différentes interprétations. La mairie de Lyon suggère d’installer à l’Antiquaille un pensionnat d’aliénés et « laisse au soin de l’administration de généraliser cette idée pour toutes les maladies des détenus23 ». Maladies des détenus, la dernière ambiguïté majeure de l’Antiquaille réside dans le rapprochement et la confusion de ces deux termes. Ainsi défini, si l’on peut dire, l’Antiquaille est un véritable monstre administratif, juridique et financier. Sans tâches précisément définies, sans statut clair, sans financement assuré, il est géré par un conseil d’administration dérogatoire et fonctionne dans un bâtiment dont le titre de propriété est lui-même peu sûrement établi.
18Pourtant ces incertitudes multiples laissent aux administrateurs une large marge de manœuvre. Bien que très catholiques et ultra royalistes, ils profitent de la latitude qui leur est laissée pour transformer les différents établissements en un hôpital spécialisé dans l’accueil des aliénés ainsi que des vénériens et psoriques (maladies cutanées) sans forcément appliquer un plan préconçu. En quelques années, la situation de départ est complètement modifiée. Vieillards et incurables ont laissé la première place aux vénériens, galeux et teigneux. Menaçant de revenir en force, les mendiants et vagabonds restent les grands absents de cette institution qui leur était principalement consacrée. Ce paradoxe s’explique par une double attitude des administrateurs successifs de l’Antiquaille qui montrent aussi peu de zèle à accueillir les populations de mendiants et de vieillards qu’ils en mettent dans la recherche des vénériens et, dans une moindre mesure, des aliénés.
Le refus de l’hospice et de la répression
Le fantôme du dépôt de mendicité
19La réalité de l’œuvre à ses débuts confirme la polyvalence mais diffère sensiblement de ce que prévoit le texte réglementaire. Lorsque le dépôt de la Quarantaine est installé sur la colline de Fourvière au début de l’an XII (novembre 1803) et choisit le nom d’Antiquaille au détriment de l’appellation Saint-Pothin, précédemment retenue24, il dénombre 408 pensionnaires, en très grande majorité des femmes (89 hommes seulement). Près de la moitié de ces femmes sont des filles publiques (144 sur 309). Viennent ensuite les vieilles et incurables (90), les vénériennes (31), les folles (27), les filles détenues par correction paternelle (15), quelques femmes pensionnaires (payantes). Sauf bien sûr pour la première catégorie, la hiérarchie est identique chez les hommes. Toute population confondue, l’Antiquaille est d’abord un asile de vieillards (160), hébergés gratuitement (130) ou moyennant paiement (30) et un dépôt de filles publiques (144), accessoirement un tout petit hôpital pour vénériens (37 dont 6 hommes) et aliénés (20), marginalement une maison de correction (27) dans laquelle les mendiants brillent par leur totale absence, au moins statistique25. Le contraste avec le texte du décret est total. L’accueil des populations les plus nombreuses n’était pas prévu dans le texte fondateur. La détention des mendiants qui devait être la première mission de l’établissement est exclue dès le transfert à Fourvière.
20Curieusement absents de l’hospice en 1803, les mendiants menacent d’y revenir en force à la suite du décret de 1808 qui institue l’obligation pour les départements d’ouvrir des dépôts de mendicité. Redoutant à juste titre d’être désigné pour jouer ce rôle dans le département du Rhône, l’Antiquaille réclame préventivement des subsides supplémentaires « sous forme d’un abonnement quotidien par individu », autrement dit, le versement d’un prix de journée. Faute de réponse et voyant la menace se préciser, l’administration se livre quelques mois plus tard à un véritable tour de passe-passe administratif pour éviter l’arrivée des redoutés mendiants. Dans sa séance du 16 août 1809, le conseil délibère « que la dénomination de vieux et de vieilles des dortoirs Saint-Lazare et Sainte-Anne sera désormais proscrite et qu’il y sera substituée celle de mendiants infirmes afin qu’ils soient reputés tels26 pour former le noyau constitutif du dépôt de mendicité ». Ainsi transformé d’un trait de plume en mendiants, les pacifiques et inoffensifs vieillards infirmes empêcheront l’hospice de recevoir les authentiques mendiants tout en touchant le prix de leur pension. La supercherie ne réussit que partiellement mais l’Antiquaille a évité définitivement le spectre du dépôt de mendicité. Dès 1821, le conseil général du département s’incline et reconnaît face à l’hôpital qui se vante d’avoir créé volontairement 150 places de vieillards que « l’administration a cru pouvoir substituer à la répression de la mendicité une œuvre nouvelle qui si elle n’est pas une mesure répressive de la mendicité, ni une mesure préventive de ce fléau, elle n’en est pas moins une œuvre à conserver27 ». Dès lors, la ville et le département gèrent le dépôt de mendicité qui est installé aux Chazeaux28 (le bâtiment voisin de l’Antiquaille intégré à l’hospice en 1860), entre 1830 et 1860. En 1860, le dépôt départemental définitif, est installé à Albigny, à une vingtaine de kilomètres au nord de Lyon. Il libère définitivement l’Antiquaille de la menace de l’arrivée des mendiants29.
La réduction de l’accueil des vieillards
21Il semble pourtant que la présence massive des vieillards n’ait été aux yeux des administrateurs qu’un pis-aller. Avant même que la menace des mendiants ne soit écartée, les administrateurs affirment ne recevoir les vieillards que de façon temporaire et contre remboursement. Au printemps 1804, le nombre de « ceux qui viennent chercher un asile en attendant d’être reçus à l’hospice des vieillards » – i.e. la Charité dépendant des Hospices civils de Lyon – est limité et la dépense de leur hébergement mise au compte de la ville de Lyon jusqu’à concurrence de 20 000 francs. Lorsque la situation financière devient trop tendue, la réception des vieillards est suspendue comme c’est le cas en 1810 et en 181530. Par sa sévérité extrême, le règlement des vieillards du 16 mars 1824 peut être interprété comme un moyen de dissuader les candidates d’entrer dans les salles. Le rythme de vie des pauvres femmes est celui d’un couvent parmi les plus stricts. Levées en même temps que les sœurs, les vieilles valides sont livrées à un véritable parcours incessant d’exercices religieux. Tous les jours elles doivent faire la prière au pied du lit au réveil, suivre une lecture spirituelle à 10 heures, réciter le bénédicité à 11 heures et le chapelet à 15 heures, adorer le Saint-Sacrement à 17 heures, finir la journée par la prière du soir. Les vendredis, les jours de carême, les octaves des grandes fêtes et des fêtes locales ajoutent encore quelques prières et lectures pieuses à cet agenda déjà bien rempli. Les infirmes n’échappent pas totalement à cette omniprésence des exercices de piété. Assises dans leur lit, elles font la prière après la messe et entendent la lecture d’une courte méditation. Toute la vie se déroule dans une atmosphère ascétique et rigoriste. Les vieilles n’ont pas le droit d’avoir du feu dans des pots, réchauds et chaufferettes, ni de lampes près de leur lit. Leurs infirmités sont décrites comme « des grâces précieuses qu’elles supportent avec cette patience qui ferme l’enfer en nous ouvrant le ciel31 ». Même à l’aune d’un temps qui ne lésine pas sur le nombre des prières et des messes et exalte la rédemption, le règlement, pas forcément appliqué, est d’une sévérité extrême. Il reflète bien sûr le catholicisme austère des administrateurs. Pourtant, lorsque l’on connaît leur mansuétude pour des populations bien plus coupables, on peut se demander si ce règlement impitoyable ne tendait pas aussi à dissuader les pauvres vieilles de rentrer dans un pareil endroit. Quoi qu’il en soit, la plupart des vieillards (110 sur 158) sont transférés à la Charité l’année suivante32.
La mansuétude pour les prostituées
22Fort nombreuses lors de l’inauguration du nouvel établissement, les prostituées voient leur importance régresser. Il est vrai qu’elles sont de plus en plus confondues avec les autres vénériennes. Cette confusion ne relève pas seulement d’un artifice statistique mais elle se lit dans la rareté des contraintes imposées à cette population. Dès le départ, l’Antiquaille n’est pas très sévère à l’égard de ces « Magdeleines », ainsi qu’on les appelle volontiers. Certes, elles peuvent être condamnées à 15 jours de cachot pour insubordination mais la mesure n’est pas assez dissuasive pour empêcher au moins deux révoltes collectives. La première en 1831 est même qualifiée d’insurrection alors que celle de l’année suivante n’a droit qu’à l’appellation de rébellion33. La mise au travail n’a pas non plus le caractère implacable que l’on escompte d’une institution de ce genre. Censé jouer un rôle moral et chargé de contribuer à l’entretien de ces « pécheresses » le dévidage de la soie amène les administrateurs à s’intéresser à l’inventeur Jacquard. Le 30 vendémiaire an XIII (22 octobre 1804), ils lui confient la direction des ateliers, la table et le couvert ainsi qu’un traitement fixe non négligeable (3 000 francs par an) sans compter l’intéressement aux bénéfices attendus. Plus inventeur que gestionnaire, Jacquard ne se préoccupe guère de la mise au travail des filles au point que l’hospice le congédie sans ménagement à peine plus d’un an après son entrée en fonctions34. Dès lors le conseil ne s’occupe guère de ces ateliers et on ne sait plus trop en quoi consistent les travaux forcés imposés aux filles « vulgivagues » après leur guérison. À peine apprend-on que cette peine de police était seulement de quinze jours avant de passer à un mois en 181635. De plus, « celles qui passent dans la classe des payantes peuvent en être dispensées (des travaux forcés) sur avis du médecin », de même que celles qui viennent se faire soigner volontairement36. Bref, « le but correctionnel qui ne tolère point l’oisiveté » ne semble pas au cœur des préoccupations des administrateurs de l’Antiquaille.
23Le redressement positif de cette population si éminemment dangereuse, ne rentre dans les attributions de l’Antiquaille que par hasard et en ressort très vite par la volonté du conseil. Au sein du vaste mouvement des refuges et des providences, qui vise à aider les jeunes filles à rester où à rentrer dans le droit chemin, la Providence de l’abbé Laffay, voisine immédiate de l’Antiquaille doit prendre en charge les prostituées repentantes. En 1829, l’abbé souhaite confier l’administration de son œuvre à l’Antiquaille. Le conseil de l’hospice accepte cette proposition malgré les mises en garde du préfet37. Peut-être à cause du succès de l’œuvre qui passe de 50 à 73 pensionnaires, l’expérience ne dure pas. Dès 1833, la nouvelle administration, nommée en 1830 affirme « ne vouloir garder provisoirement les femmes qui désirent après leur guérison se retirer du vice et apprendre un état » et ajoute que si l’hôpital n’existait pas, « les femmes rendues à leur mauvaise conduite deviendraient une nouvelle charge pour la ville, en sorte que cet établissement est dans le seul intérêt de la municipalité. Aussi, l’administration ne s’impose-t-elle que provisoirement ce sacrifice38 ». Ce sacrifice prend fin en 1838. En effet, la Providence coûte dans la mesure où, contrairement aux espoirs sans doute caressés, « le travail des filles repenties ne couvre pas suffisamment la dépense de leur entretien ». Par ailleurs, il faut ajouter à l’entretien des filles le paiement d’un loyer élevé malgré le délabrement du bâtiment. La succursale est donc cédée à une association privée39.
Accueillir et soigner des malades
L’acceptation résignée des aliénés
24La réticence à accueillir les aliénés montre que si les considérations financières jouent un rôle majeur dans les choix de l’hospice, elles ne sont pas seules en cause. Les demandes d’accueil des aliénés viennent d’abord des autorités locales. Dès 1809, le maire de Lyon demande plus de places pour les femmes aliénées40. Cet exemple illustre bien la croissance du problème depuis la Révolution. Libérés des maisons de force, les aliénés ne peuvent tous être remis en liberté. Accablés par ce problème, les maires à qui il incombe de mettre bon ordre à la divagation des insensés furieux font flèche de tout bois pour les placer dans les maisons qui le veulent bien, et en particulier dans les dépôts de mendicité. Cette politique choque le ministère de l’Intérieur de plus en plus influencé par les premiers aliénistes et séduit par le plan d’Esquirol proposant de réaliser sur l’ensemble du territoire des établissements spécialisés. En effet c’est à partir du tout début du xixe siècle qu’autour de Pinel, la folie devient aliénation et intègre la catégorie des maladies partiellement curables. Cette politique aboutit au projet ministériel de 1816 qui consiste à former des dépôts d’aliénés sur l’ensemble du territoire national41. Soucieux de ne pas trop les multiplier, le ministre suggère de faire de l’Antiquaille « un dépôt central des aliénés du département du Rhône et des établissements voisins42 ». Chargé d’appliquer le projet, le préfet propose de consacrer uniquement cet hospice au traitement de la folie et de faire refluer à l’Hôtel-Dieu et La Charité les incurables et les vénériens, soit de réunir toutes les classes de malades dont il s’agit et de faire opérer des constructions nouvelles. Effrayé, l’Antiquaille refuse, arguant sans s’informer plus avant, « qu’il est impossible de se procurer le nécessaire pour le traitement d’un plus grand nombre d’aliénés » et de façon plus dérisoire que :
Quand même on se débarrasserait des vieillards incurables, vénériens, galeux et femmes publiques on n’obtiendrait pas un nombre plus considérable de places pour les insensés parce que ces différentes classes d’individus occupent des étages élevés de la maison qui ne peuvent être en aucune manière disposés pour recevoir des insensés43.
25La transformation de l’Antiquaille en asile d’aliénés échoue d’autant plus facilement que, de leur côté, les Hospices civils, déjà soucieux de privilégier les malades curables refusent de reprendre « des œuvres qui sont devenues étrangères à celles qu’ils exercent et que ce serait amener la confusion source de tous les désordres44 ». Abandonnés à l’arrivée des ultras au pouvoir en 1820, les projets d’asiles publics spécialisés reviennent en force sous la monarchie de Juillet. En 1835, alors que les discussions relatives à la future loi sur les aliénés de juin 1838 sont déjà bien avancées, le Préfet Jaÿr, chausse les bottes de son prédécesseur de la Restauration en se demandant s’il ne serait pas plus sain de placer les aliénés des autres départements (que ceux du Rhône) à l’Antiquaille plutôt qu’à Saint-Jean-de-Dieu, (hôpital privé desservi par les frères du même nom et établi à l’immédiate proximité de Lyon en 1824) « dont l’administration et le régime intérieur sont presque entièrement affranchis de toute surveillance ». Une fois encore, l’administration refuse devant la menace d’une spécialisation qu’elle ne souhaite pas45.
26Finalement l’accueil des aliénés n’est revendiqué que lorsqu’il peut justifier l’exclusion de populations encore moins désirables comme les épileptiques « malheureusement incurables qui occupent souvent une place que l’on est obligé de refuser à un insensé que des soins prompts et un traitement approprié pourraient rendre à la raison, à sa famille et à la société46 ». Certes, dans la réalité l’hospice doit recevoir des aliénés en nombre croissant. Il le fait surtout parce que cette catégorie est celle dont le paiement du séjour est le plus précocement et le plus sûrement pris en charge. Il n’empêche que l’installation d’un asile d’aliénés n’était guère souhaitée.
L’accueil prioritaire des vénériens et psoriques
27En revanche, l’hôpital ne témoigne jamais d’aucune réticence lorsqu’il s’agit des vénériens et autres malades atteints d’affections cutanées. Malgré l’encombrement croissant qui oblige, jusqu’en 1823, à coucher deux malades par lit47, l’Antiquaille accepte et même souhaite l’entrée plus facile de ces malades. En 1811, l’administration affirme que « nous n’avons à regretter aucun de nos malades vénériens ou galeux quoique le quart fut attaqué de maladies extrêmement graves48 ». Quelques jours plus tard, elle proclame que « désormais aucun vénérien ni galeux ne sortira de l’hospice avant que son traitement ne soit totalement achevé ». Cette décision est motivée par une vision optimiste du traitement à base de soufre, qui, remplaçant la célèbre calotte de poix, aurait guéri sans coup férir tous les teigneux49 et galeux. En 1818, il est « interdit d’exiger quelque rétribution que ce soit des malades sous prétexte d’acheter des balais ou des chandelles50». En 1840, il est interdit aux malades payants de sortir avant totale guérison. Même au moment des pires difficultés financières, l’administration hésite à appliquer les restrictions qui s’imposent. Même si elle rappelle que l’accès est réservé aux malades du département du Rhône, la répétition de l’injonction laisse des doutes sur la réalité de son application. Celle-ci paraît d’autant plus douteuse qu’une exception est ouvertement faite en faveur des teigneux qui continuent à être reçus quel que soit leur domicile et donc leur prise en charge. Enfin le passage des vénériens des lits payants aux lits gratuits n’est que tardivement et théoriquement contrôlé.
28Tout se passe donc comme si l’administration avait fait de l’accueil de ces réprouvés une priorité devant laquelle toutes les autres considérations devaient s’incliner. Ce choix est en apparence d’autant plus étonnant que la quasi-totalité des hôpitaux repoussait ces malheureux dont on attribuait la maladie à la pratique du pire des vices.
29Les congrégations religieuses féminines desservant à nouveau la plupart des hôpitaux refusaient de soigner ces êtres immoraux et de se corrompre à leur contact51. Faute de toujours pouvoir repérer l’origine du mal, l’ensemble des maladies de peau étaient confondues dans cette proscription officiellement inscrite dans les règlements des hôpitaux confirmés par l’autorité publique. Certes, dès l’origine (15 prairial an X 4 juin 1802) l’hôpital est desservi par des :
sœurs hospitalières [qui] n’ont point de statuts particuliers et ne font aucun vœu mais la simple promesse de garder la chasteté et l’obéissance à l’administration qui désigne l’une d’elles comme supérieure pour diriger ses compagnes et qui la destitue à volonté, son emploi étant alternatif et amovible. Elles ne forment aucun corps et ne font point d’élections quoi qu’elles aient choisi Sainte-Marthe comme patronne52.
30On ne saurait être plus clair sur cette « communauté » sans lien avec la congrégation du même nom. Chacune pouvait se retirer sans préavis ni sanction, perdant seulement la certitude d’être entretenue dans l’hôpital jusqu’à la fin de ses jours.
31L’existence de ce personnel qui n’avait ni le droit ni le pouvoir de refuser de traiter un certain type de malades ne suffit pourtant pas à expliquer l’entrée des vénériens et galeux dans l’hospice. En effet le système des religieuses sans congrégation avait été calqué sur celui des Hospices civils qui l’avaient repris de leurs prédécesseurs de l’Ancien Régime53. Or les Hospices civils s’étaient volontiers déchargés des vénériens tout comme des aliénés. Recrutés dans les mêmes milieux sociaux que leurs voisins des hospices, partageant sans doute les mêmes préjugés vis à vis de tout ce qui concernait le sexe, les administrateurs de l’Antiquaille, marqués par une piété extrême, décident de se vouer au soulagement des maladies les plus affreuses, les plus délaissées et à la rédemption des malades les plus pêcheurs et les plus coupables54. Sans doute n’imaginaient-ils pas que la médecine, simple auxiliaire de la religion finirait si vite par la supplanter...
32Par ailleurs leur choix est approuvé par les autorités et la société qui appréhendent de façon nouvelle les maladies vénériennes et mentales. Avant tout, les populations aliénées et vénériennes constituent au début du xixe siècle des dangers de mieux en mieux perçus par les autorités et des malades de plus en plus intéressants pour une minorité croissante de médecins. Le regard médical s’affine sur ces deux types de maladies depuis les travaux de Pinel et d’Esquirol d’un côté, depuis ceux de Parent-Duchâtelet (1790-183655) de l’autre : les troubles mentaux commencent à être identifiés comme des maladies curables dans certains cas ; la syphilis le dispute à la peste comme un fléau qui menace non seulement toute la population mais aussi les générations à venir. Ces préoccupations médicales rencontrent celles des autorités qui, inspirées par les Doctrinaires qui, groupés autour de Guizot, souhaitaient gouverner par la raison sinon par la science. De façon plus pratique, l’une des questions essentielles est de mettre à l’écart toutes les populations dangereuses dans des institutions à part dans le but de les redresser pour pouvoir les réintégrer dans la société. Particulièrement à l’œuvre en matière pénale et pénitentiaire, cette attitude s’étend à toutes les « maladies sociales », pour reprendre la formule du manifeste inaugural des Annales d’hygiène publique et de médecine légale en 1829. La folie, les maladies vénériennes obtiennent ce statut dans la mesure où elles menacent l’équilibre social.
33Sans doute, l’ouverture d’établissements tels que l’Antiquaille rencontre une demande dans la société. Plus visibles, plus répandues, plus dangereuses dans une société plus urbaine où le salariat progresse, folie et maladies vénériennes inquiètent et suscitent plus de demandes de placement. Tout autant que le signe d’une peur, elles reflètent aussi un espoir de guérison qu’entretiennent la médecine et les autorités. Quoi qu’il en soit, les autorités locales partagent cet état d’esprit. L’administration de l’hôpital en joue lors de ses négociations avec ses bailleurs de fonds. C’est ce qu’elle fait en menaçant de « rendre à la société 150 vénériens, dartreux, incurables des deux sexes, des malheureux, des pestiférés qui la gangrèneraient de plus en plus ». Elle remarque aussi que c’est « l’intérêt public qui impose au magistrat (le maire de Lyon) la nécessité d’envoyer à l’Antiquaille des individus atteints de maladies plus ou moins contagieuses que les autres hôpitaux repoussent56 ». Ce souci est aussi bien réel chez le maire de la commune suburbaine de la Guillotière qui réclame, quelques années plus tard, la mise à la disposition de dix lits pour les filles publiques de sa commune dont certains seront pris en charge par les maîtres et maîtresses de maisons closes57. Le conseil général du Rhône exprime ouvertement une inquiétude partagée par tous. Dès 1821 il affirme « la nécessité d’un établissement chaque jour plus indispensable à l’ordre public, à la santé et à la salubrité de la ville ». Lors de la même session il précise « qu’il existe un intérêt public collectif et social qui commande de s’opposer à la propagation des maladies traitées à l’Antiquaille qui, sans être d’une nature précisément contagieuse sont de celles qui se communiquent par le contact plus ou moins immédiat58 ». Deux ans plus tard, le conseil d’administration de l’Antiquaille fait chorus en affirmant que « les citoyens ont le droit que la ville soit purgée des galeux, vénériens, épileptiques et aliénés furieux à quelque titre qu’ils se trouvent dans la cité59 ». Même si ces jugements sont toujours prononcés dans le cadre des rudes débats financiers qui opposent la mairie de Lyon, le conseil général et l’hôpital, ils éclairent néanmoins un état d’esprit qui ne doit pas tout à la notion de contagion que défendent les médecins.
34Quoi qu’il en soit, le projet de règlement de 1839 montre le chemin parcouru depuis le début du siècle. L’article premier signale que « l’hospice est principalement destiné à recevoir les malades des deux sexes du département du Rhône atteints d’aliénation mentale, d’épilepsie, de la syphilis et des affections cutanées. Il reçoit aussi des vieillards infirmes de l’un et l’autre sexe ». L’Antiquaille est sans doute l’un des premiers établissements à renoncer à l’expression traditionnelle de pauvres malades qui servait à désigner les hospitalisés pour lui substituer une série de diagnostics médicaux. Le terme général de maladie vénérienne a même disparu au profit de celui, plus moderne et médical, de syphilis.
« La guérison et le soulagement des malades »
Des administrateurs férus de médecine
35Il ne s’agit pourtant pas seulement d’héberger ces pauvres malheureux mais bien de les soigner. On lira par ailleurs ce qu’il faut savoir du dynamisme et de l’inventivité des médecins de l’Antiquaille en particulier en matière de maladies vénériennes60. Sans rien enlever au mérite propre de ces médecins, il faut noter qu’ils ont reçu un appui important de la part des administrateurs. Si ceux que l’on a déjà décrit furent singulièrement « ouverts », aux questions médicales, leurs successeurs d’après 1830 le furent encore beaucoup plus. Destitués pour avoir refusé de prêter serment de fidélité au nouveau souverain, les administrateurs de la Restauration sont remplacés par des représentants d’autres milieux sociaux et professionnels, parallèlement à ce qui se passe aux Hospices civils. Les familles traditionnelles disparaissent définitivement de la gestion des établissements charitables. Certes, les nouveaux administrateurs sont toujours issus de la grande bourgeoisie mais les « capacités », parmi lesquelles des médecins (quatre) y dominent désormais les propriétaires rentiers. Les marchands et négociants en activité remplacent les négociants retirés des affaires et issus de vieilles dynasties. Les avocats, les magistrats de tout rang occupent la plus grande partie des places. Parmi eux, Jean-Marie Achard-James (1780-1848), conseiller à la Cour d’appel, auteur d’une monographie sur l’Antiquaille, joue un rôle de premier plan, non seulement comme membre éminent du conseil (1830-1839) qu’il préside en 1834, mais aussi au sein du milieu philanthropique généreux et optimiste qui se développe sous la Restauration et au début de la monarchie de Juillet. Dès 1821, il postule au concours de la Société royale des prisons visant à récompenser un ouvrage « dont la lecture pût procurer des consolations aux détenus et faire naître dans leur esprit des réflexions salutaires ». On ne sait si son Laurent ou les prisonniers atteint ce but mais il reçut une mention spéciale et fût édité à 1 500 exemplaires61. Bien qu’issu d’un milieu social plus traditionnel, Romain Baboin de la Barollière (1765-1837), ancien banquier et receveur général des Finances, qui préside le conseil de l’Antiquaille à partir de 1830, est proche de ce milieu puisqu’il est en même temps président de la Commission des prisons. À côté de ces philanthropes progressistes surgissent des médecins. Comme aux Hospices civils, la tradition s’établit à partir de 1830 de toujours réserver une place à un médecin au sein du conseil d’administration. À Pierre-Etienne Martin dit le jeune (1771-1846) qui siège de 1830 à 1835, succède Louis Janson qui préside le conseil en 1840, puis Bourland-Lusterbourg nommé cette même année.
36Dès la prise de fonction de la nouvelle équipe, un de ses membres, le docteur Martin, ancien chirurgien de la Charité « entretient le conseil des moyens les plus efficaces pour donner à l’hospice des médecins expérimentés » affirmant fortement que « le principal but d’un établissement pareil étant la guérison et le soulagement des malades62 ». On notera au passage que la guérison prend même le pas sur le soulagement.
La promotion des médecins
37En peu de temps, l’administration d’après 1830 étoffe le corps médical, renforce son prestige en organisant pour lui des concours sur le modèle des Hospices civils, en étendant sa compétence par l’ouverture de consultations externes et de cours de clinique. Ce faisant, le nouveau conseil accentue une orientation antérieure.
38Au moment de son installation sur la colline de Fourvière, l’hospice est bien peu « médicalisé », comme tous les établissements du genre. Il ne dispose que des services peu coûteux mais à temps partiel, d’un médecin et d’un chirurgien. Le 17 ventôse an X (8 mars 1802), Martin dit de Saint-Genis offre « ses soins gratuits pour la cure des maladies ». Le même jour le conseil d’administration de ce qui est encore la Quarantaine élit Lautier comme chirurgien « d’après la recommandation du citoyen Martin » et lui attribue 500 francs par an. Il lui adjoint Duloizy « substitut du chirurgien pour remplir gratuitement les fonctions d’aide-major avec option [sic] de résider dans l’hospice63 ». À cette antique répartition entre la chirurgie et la médecine vient s’en ajouter une autre, fondée sur les pathologies. À partir de 1821, le médecin adjoint nommé en 1818 est chargé du seul service des aliénés. Il devient ainsi le premier médecin hospitalier spécialiste. En 1827, à une époque où la spécialité est plutôt une tare qu’un avantage, il obtient pourtant l’égalité avec son confrère du moment et les mêmes appointements, portés à 1 400 francs par an. En janvier 1830, le service des galeux et vénériens est confié au deuxième médecin qui devient lui aussi spécialiste. Pourvu d’une charge périmée, l’ancien chirurgien devient un « généraliste » responsable des autres pensionnaires, militaires et vieillards64.
39Quelques mois plus tard, les responsables de l’hôpital fraîchement nommés par le nouveau régime désignent en leur sein une commission chargée de présenter un projet d’organisation médicale adopté à l’extrême fin de 1830. Ce règlement étoffe singulièrement le dispositif médical en prévoyant l’existence de quatre médecins, (deux titulaires et deux suppléants) de deux chirurgiens, de quatre internes (titulaires et suppléants). Le maintien de la distinction entre médecins et chirurgien n’est pas un signe de conservatisme mais une façon d’aligner l’Antiquaille sur les Hospices civils où les postes de chirurgiens-major sont munis d’un très grand prestige grâce à leur recrutement par concours, procédure qu’adopte l’Antiquaille65. Les médecins de l’Antiquaille, quant à eux, sont désormais choisis parmi les docteurs ayant six années de pratique et recrutés après l’avis d’un jury médical largement ouvert au-delà des médecins de l’hospice. L’instauration de l’internat, (le premier concours a lieu en février 1831), est aussi inspirée par l’exemple des Hospices civils qui l’avaient instauré quelques années auparavant66.
40La réforme médicale de 1830 est loin de se limiter à une pâle imitation des puissants voisins. Elle est en effet parachevée par l’institution de deux cours de cliniques (des maladies mentales et de la syphilis) inaugurés le 16 mai 1831, l’ouverture d’un amphithéâtre (article 42 du projet d’organisation médicale), l’organisation de consultations externes gratuites (ouvertes le 4 mai 1832), enfin par la formation d’un Comité médical (article 43) qui n’est créé aux Hospices civils qu’en 1867. Si l’on y ajoute l’attribution aux médecins de service spécialisés, inédits à ce moment dans les hôpitaux généraux, on conclura volontiers que l’Antiquaille est une préfiguration étonnamment précoce de l’hôpital contemporain.
Les autres conditions du dynamisme médical
41Mieux payés, mieux entendus, dotés d’un prestige accru, les médecins et chirurgiens se voient accorder des conditions de travail plus favorables. Celles-ci bénéficient également aux malades. L’affirmation du conseil d’administration selon laquelle « l’hospice met du prix et de l’intérêt à ne rien négliger pour le service des malades qui lui sont confiés67 » n’est pas une pure formule rhétorique.
42L’élément le plus original consiste à privilégier la séparation croissante entre les différents types de malades et de maladies. Chaque nouvelle construction réalisée dont on lira par ailleurs l’histoire architecturale68 n’est pas seulement motivée par la nécessité de recevoir une population sans cesse croissante mais aussi par le désir de recevoir dans des locaux particuliers des catégories d’hospitalisés sans cesse plus nombreuses. La motivation est tout d’abord plus morale que médicale. Au début de l’année 1826, le conseil d’administration déplore :
Cet horrible mélange [dont l’hôpital est le théâtre : ] la femme innocente et malheureuse, la victime d’une première faute confondue avec la fille déhontée [sic] qui a perdu toute retenue ; l’enfance susceptible de toutes les impressions à côté de la prostituée, tel est l’effrayant tableau qui se présentera sous vos yeux69.
43Plus laïcs, les médecins de la monarchie de Juillet n’ont pas d’autres discours. S’ils déplorent pour des raisons d’hygiène l’entassement des galeuses dans un local insalubre, ils insistent surtout sur « tout ce que renferme d’immoral une disposition aussi vicieuse qui réunit pêle-mêle, les filles publiques, les enfants, les nourrices et les filles ouvrières et domestiques70 ». De même, ils déplorent que « les dartreuses payantes soient continuellement en rapport avec les filles publiques ». L’administration hospitalière suit ces revendications. Dès 1832, elle souhaite ouvrir « des divisions séparées pour les épileptiques, les malades convalescents, les personnes honnêtes atteintes de la gale ou de la syphilis, les enfants ». On le voit, ce programme témoigne d’une volonté de classification et de ségrégation qui utilise tout à la fois des critères moraux (séparer les corrompus des autres), sociaux (séparer les enfants des adultes) et médicaux (séparer les pathologies). Au fur et à mesure que ce programme se réalise, le conseil se félicite de voir progresser ces différentes distinctions. Réceptionnant un nouveau bâtiment en 1835, le conseil note dans sa séance du 14 janvier que, ainsi :
Nos galeuses ne seront plus entassées dans un cloaque insalubre. Les salles destinées à les recevoir seront conçues de telle façon que les femmes dont les mœurs ne sont pas corrompues seront séparées des autres. Les fous convalescents ne seront plus confondus avec les fous furieux.
44Inaugurant cinq ans après « les deux services spéciaux, l’un pour les jeunes garçons, l’autre pour les jeunes filles atteintes de maladies cutanées », le même conseil se réjouit de mettre ainsi fin à la situation antérieure dans laquelle « les enfants étaient confondus, non sans graves inconvénients, avec des grandes personnes ». Bien sûr, les considérations financières ne sont pas absentes de ce processus de « catégorisation » sans cesse plus fine des malades. Déplorant la confusion des femmes honnêtes et des filles publiques, les médecins s’inquiètent aussi de ce que la présence des secondes n’éloigne les personnes affectées de la syphilis et que « ce serait une ressource de moins pour l’hospice ». C’est sans doute une considération de même nature qui amène à dénoncer le placement en urgence d’aliénées reçues à titre gratuit parmi les aliénées payantes. Même si les motivations essentielles de cette politique de classification visent à respecter les conventions morales et sociales, celle-ci facilite deux transformations de taille dont l’Antiquaille est l’un des lieux privilégiés. La séparation des pathologies et celle des « gratuits » et des payants qui autorise l’entrée dans un hôpital public, par définition réservé aux indigents, à d’autres catégories sociales.
45En regroupant dans des services particuliers des pathologies de plus en plus homogènes devant les yeux des médecins, l’Antiquaille contribue à aiguiser leur regard et contribue à l’émergence de leur spécialisation71 largement à l’origine de découvertes et d’approches nouvelles72.
46Que ces phénomènes nouveaux se développent dans un ancien dépôt de mendicité voué à recevoir des réprouvés n’est pas le moindre des paradoxes. Les premières spécialités médicales concernent pourtant bien l’aliénation mentale ainsi que les maladies vénériennes et celles qui s’en rapprochent.
La structure des dépenses ou les limites de la « médicalisation73 »
47Pourtant, ces nouveautés ne révolutionnent pas tout. L’Antiquaille ne se distingue pas des autres hôpitaux lorsque l’on considère la structure des dépenses telle que la présentent les comptes. Il est vrai que l’économie hospitalière est loin d’être tout entière monétarisée. Dans les budgets, les dépenses du personnel sont toujours faibles. Les médecins sont censés exercer à l’hôpital par charité et le contrat implicite veut qu’ils rentabilisent ensuite dans leur clientèle privée et aisée l’expérience qu’ils ont acquise au chevet des pauvres. Les « frères » et « sœurs » représentent eux aussi un personnel gratuit qui, logé, nourri et blanchi, ne reçoit qu’une indemnité symbolique. La faiblesse habituelle des dépenses de pharmacie ne saurait permettre de juger de la qualité des soins dans la mesure où les médicaments, peu utilisés, peu variés et peu coûteux sont loin de constituer l’essentiel des traitements.
48Aussi les dépenses d’hébergement et de nourriture, qui constituent certes les premiers soins, représentent une part écrasante des dépenses courantes des hôpitaux. L’Antiquaille n’échappe pas à la règle. Bon an, mal an, les dépenses d’hébergement dévorent 80 % des dépenses ordinaires dans les années 1820 (1823-1828). La nourriture compte pour les deux tiers des dépenses d’hébergement et engloutit plus de la moitié des dépenses ordinaires totales (52,75 %). Les autres postes de dépense sont réduits à la portion congrue. Noyé dans les dépenses de bureau qui culminent autour de 10 % du total, le personnel n’apparaît même pas en tant que tel. Même si elles passent de 7 700 francs en 1823 à près de 15 000 en 1829, les dépenses de la pharmacie évoluent entre 3,5 % et 6 % des frais d’entretien des malades. Dans les dernières années de la vie indépendante de l’Antiquaille (1840-1844), la répartition des dépenses n’a absolument pas changé et l’alimentation dépasse toujours la moitié du budget ordinaire. À l’intérieur, le pain et la viande se partagent également la part du lion (un tiers de la dépense alimentaire chacun). L’ensemble des postes d’hébergement (bâtiment, linge, mobilier, éclairage) frôle de peu les quatre cinquièmes (78,43 %). Désormais identifiées, les dépenses de personnel dépassent de très peu 10 % alors que les dépenses de pharmacie se sont effondrées sans doute à la suite de la fermeture de la pharmacie de vente. Évoluant entre 8 et 9 000 francs, les médicaments distribués aux malades constituent moins de 4 % des dépenses ordinaires et moins de 2 francs par malade et par an. Le pire est encore de noter que cette stabilité dans la répartition se fait dans le cadre d’un budget en quasi-stagnation sur 20 ans. Les budgets ordinaires n’ont augmenté que de 10 % (12,6 %) alors que la population a presque été multipliée par deux, passant de 400 à plus de 700.
49Cette dernière constatation qui signale les limites très strictes et évidentes de la « révolution » de l’Antiquaille signale aussi les permanentes difficultés du financement de l’institution auxquelles on a déjà maintes fois fait allusion.
L’impossible indépendance financière
50Néanmoins, et ce n’est pas le moindre des paradoxes de l’histoire de l’Antiquaille indépendant, sa démarche médicale novatrice se déploie dans un cadre financier marqué par la pénurie, la précarité et le conflit. Pour bien imaginer l’originalité de l’institution, il suffit de rappeler que si depuis 1796, les hôpitaux sont des hospices civils placés sous la surveillance des autorités communales, ils sont de fait largement indépendants dans la mesure où leur financement vient de leurs ressources propres. En effet, la plupart des communes n’attribuent pas à leurs hôpitaux les produits de l’octroi, de la taxe sur les spectacles comme cela avait été prévu74. La ville de Lyon ne fait pas exception à la règle, bien au contraire. Prétextant de la richesse patrimoniale des Hospices civils de Lyon, elle réduit sans cesse ses contributions et applique la même politique à l’égard de l’Antiquaille.
51Héritier d’un dépôt de mendicité récemment créé et peu attractif pour les donateurs, l’Antiquaille ne possède pratiquement pas de biens et ne peut vivre de sa dotation, (l’ensemble des revenus des biens légués aux hôpitaux à travers les siècles) comme le font les Hospices civils de Lyon et la quasi-totalité des établissements charitables publics jusqu’en 1914. Pour conserver son indépendance, il essaie de se procurer des ressources propres, en particulier par la création d’un mont-de-piété et d’une pharmacie de vente. Devant l’échec de ses tentatives, ses dépenses sont par nécessité progressivement prises en charge par des collectivités publiques dans la mesure où il dispose d’une reconnaissance légale et assure des tâches d’intérêt public. La ville de Lyon et le département du Rhône deviennent vite les principaux contributeurs du budget de l’hôpital. Si l’expérience dure peu, l’Antiquaille est l’un des tous premiers établissements hospitaliers financé par l’impôt. Il joue un rôle de laboratoire dont l’existence a sans doute inspiré la loi de 1838 sur les aliénés qui étend et codifie cette pratique, première étape menant au système contemporain du financement collectif généralisé des séjours hospitaliers.
Les mésaventures du mont-de-piété
52Nés dans l’Italie de la Renaissance, les monts de piété qui se répandent en France, surtout à partir de la fin du xviiie siècle sont des institutions originales, dans la mesure où elles utilisent les pratiques du capitalisme pour soulager la misère. Moyennant le dépôt en gage de quelques meubles et hardes (pendus au clou d’où le nom familier de ces institutions), le pauvre pouvait ainsi obtenir un prêt en numéraire qu’il devait rembourser majoré d’un intérêt élevé (10 à 12 %, soit le double du taux habituellement pratiqué). Faute de pouvoir le faire, ses biens étaient vendus au profit du mont. Pour ne pas faire appel à l’épargne privée qui aurait pu conduire l’institution à l’usure qu’il s’agissait de combattre, les capitaux de départ sont en général fournis par les hôpitaux, seule institution publique disposant de fonds suffisants. Comme à Rouen75, les hospices acceptent en général d’autant plus volontiers ce rôle que les bénéfices du mont-de-piété leur sont reversés.
53L’administration de l’Antiquaille souhaite très vite adopter ce modèle mais son absence de capitaux retarde la mise en place de l’institution et en limite longtemps l’intérêt. Officiellement créé en 1810, le mont-de-piété n’est pas placé sous la dépendance totale de l’Antiquaille. En effet, aux côtés de trois administrateurs de cet hospice siège le maire de la ville, président, et quatre notables ou financiers choisis par le préfet et nommés par le ministre76. L’ordonnance de 1836 supprime la présence de droit des trois administrateurs de l’Antiquaille. De plus elle rend l’hospice solidaire de la gestion du mont-de-piété en échange du versement d’une partie des bénéfices. À vrai dire ceux-ci n’apparaissent que tardivement puisque le mont-de-piété reste lourdement déficitaire par suite de déménagements et de la nécessité dans laquelle il se trouve d’emprunter lui-même, faute de capitaux propres.
L’aventure éphémère de la pharmacie
54Plus qu’une initiative médicale, la création de la pharmacie de vente est bien motivée par la recherche de ressources propres. Elle est en effet fondée peu de temps avant l’installation à Fourvière, essentiellement pour libérer l’hospice d’un contrat qui le liait à un pharmacien de la ville chargé de livrer les médicaments77. L’année suivante, la pharmacie est confiée à une sœur venant de Saint-Étienne. Au moment du transfert dans l’ancien couvent de la Visitation, la pharmacie prend plus d’ampleur. Le 15 prairial an XIII (4 juin 1805), l’hôpital concède à quatre femmes (dont deux anciennes sœurs hospitalières de Fontaines et deux demoiselles, Vérissel et Lambioz) « l’établissement d’une pharmacie à laquelle elles feront cession de tous les ustensiles, vases et mortiers qu’elles possèdent. Agréées par l’hospice, elles seront nourries et logées mais ne recevront pas d’appointements et porteront le costume à leurs frais78 ». Cachant peut-être des dispositions occultes, cette pharmacie et ce traité sont parfaitement contraires à la loi du 21 germinal an XI (11 avril 1803), qui confie le monopole de la distribution et de la vente des médicaments aux pharmaciens diplômés. Pourtant, l’officine est tolérée voire protégée par les autorités comme la plupart des très nombreuses pharmacies, hospitalières ou non, tenues par des religieuses. Le fait que la demoiselle Lambreaux paie patente ne fait que rendre publique l’illégalité et manifeste la tolérance généralisée des autorités vis à vis de ces officines79. Lorsque la « sœur » fondatrice cède ses prétendus droits en 1818, l’hôpital, prudent, décide de la remplacer par un pharmacien diplômé. Nommé en 1821, aidé par quatre sœurs, dont deux cheftaines, un garçon de courses et deux incurables encore valides, le pharmacien donne une impulsion nouvelle à l’officine. Entre 1823 et 1840, celle-ci rapporte chaque année une dizaine de milliers de francs soit la moitié des recettes de la dotation. Loué pour la qualité de son officine par les médecins et pharmaciens formant le jury médical départemental chargé de l’inspection annuelle des officines, le pharmacien voit son traitement augmenté en 183680.
55Pourtant, cinq ans plus tard, le 1er octobre 1841, la pharmacie est fermée au public sur ordre des autorités. Cette fermeture s’inscrit dans le cadre d’une politique générale du gouvernement qui, harcelé par les pharmaciens d’officine en proie aux effets d’une concurrence excessive, tente de mettre fin aux violations multiples de la loi du 21 Germinal an XI qui réglemente l’exercice de la pharmacie. Outre le monopole de la préparation et de la vente des remèdes qu’elle lui confie, la loi oblige le pharmacien à être le seul propriétaire et le seul gérant de son officine. Par ailleurs le gouvernement de la monarchie de Juillet déclenche une offensive contre le pouvoir occulte des religieuses hospitalières qui occupent souvent les places d’économes et gèrent des comptabilités occultes alimentées essentiellement par les pharmacies de vente81. Or, il est évident qu’à l’Antiquaille comme ailleurs, le pharmacien est plus un prête-nom qu’un véritable titulaire. Soumis aux autorités, le projet de règlement de 183982 a le tort de dire ouvertement les choses qui existent au moins depuis 1831. On y apprend que le pharmacien est chargé d’enseigner aux sœurs l’art des préparations simples et que les cheftaines sont habilitées à exécuter les ordonnances des médecins sauf si ces dernières contiennent des substances vénéneuses. La réaction ne tarde pas et les autorités demandent la fermeture de la pharmacie de vente. Tout en projetant de se pourvoir devant le Conseil d’État, le conseil d’administration de l’Antiquaille doit obtempérer, à la différence des Hospices civils qui gardent leur pharmacie de vente jusqu’en 1941 et même au-delà pour certains produits spéciaux. C’est du reste cette exception qui justifie paradoxalement la sévérité face à l’Antiquaille, les autorités ne pouvant imposer aux pharmaciens trop de tolérances de ce genre83. Aux prises avec les autorités sur des questions plus fondamentales de statut et de financement, l’administration n’a guère le loisir d’insister ou de braver l’interdiction.
La course entre les ressources et la population84
56Dans les années 1820, les propriétés rurales et urbaines rapportent chaque année 12 000 francs à l’hospice. Si cette somme qui représente un capital de 250 000 francs environ n’est pas dérisoire, elle ne représente que 5 % des recettes et des dépenses ordinaires. Pendant toute la décennie qui suit, les dons et legs enregistrés dans les recettes extraordinaires totalisent la modique somme de 13 000 francs. Plus nombreux sous la monarchie de Juillet (97 000 francs entre 1839 et 1844), les dons et legs permettent d’augmenter fortement le capital et les revenus propres de l’institution. Ces derniers dépassent 20 000 francs en 1833 et côtoient régulièrement la barre des 30 000 francs dans les dernières années de l’indépendance. À ce moment le capital peut être estimé autour de 600 000 francs. Cette impressionnante augmentation (200 %) s’explique par les legs immobiliers faits à l’Antiquaille. Outre l’achat de la propriété de Romagne dans l’Ain, l’hospice a hérité entre 1818 et 1845 de trois maisons situées au centre de Lyon et d’une autre sise à proximité de ses locaux. Si ces legs font spectaculairement progresser en chiffres absolus les revenus de la dotation, ils ne réussissent pas à dépasser de beaucoup le dixième des recettes. Comme les autres établissements du même type, l’Antiquaille est fortement encouragée à convertir en rentes (emprunts) sur l’État une partie de son capital. Les revenus des placements mobiliers doublent entre 1833 et 1844 (de 6 000 à 12 000 francs) et se rapprochent des revenus des terres et des immeubles qui progressent moins vite (de 12 000 à 17 000 francs).
57La faible part que représentent les produits intérieurs est la rançon du refus de l’orientation carcérale. La cantine, institution typiquement pénitentiaire dont la mission est d’offrir aux détenus quelque amélioration à l’ordinaire (alimentation, tabac) reste modeste et ne rapporte qu’un gros millier de francs. Alors que l’Antiquaille avait été instituée comme maison de travail, ce dernier ne produit que des sommes dérisoires (moins de 2 000 francs par an), sauf pendant la courte période où la succursale de l’abbé Laffay, ancienne Providence pour prostituées repentantes, est intégrée à l’hospice. À ce moment le travail rapporte quelques 15 000 francs par an (10 % du revenu) mais la somme ne suffit pas à couvrir le surplus de dépenses occasionné par l’entretien des repenties de la succursale qui est abandonnée par l’hôpital.
58En apparence, le mont-de-piété semble offrir une ressource complémentaire bienvenue. Sorti de ses longues difficultés de départ, il opère à partir de 1824 des bénéfices qui sont inscrits aux budgets de l’Antiquaille conformément aux dispositions du décret de 1810. De 1824 à la fin de la décennie, il fournit en moyenne 13 000 francs supplémentaires à l’hospice. Si le chiffre absolu paraît important, il ne représente pourtant que 5 % des recettes totales. Par ailleurs, après avoir fluctué, le chiffre se stabilise à 20 000 francs par an. Selon toute vraisemblance, l’Antiquaille qui ne contrôle pas la commission administrative du mont de piété ne touche pas l’intégralité des bénéfices de l’institution.
59Le drame de l’Antiquaille est que, contrairement aux autres hôpitaux, il ne peut ni ne veut ajuster ses dépenses à son revenu. On a vu que la combinaison de ses choix propres et des pressions extérieures contribue à ouvrir sans cesse plus largement les portes de l’hospice...
60Le résultat est une constante augmentation de la population. Avant 1830, les chiffres sont malheureusement rares. La population stagne relativement entre l’installation à l’Antiquaille et 1820 malgré l’apparition des militaires à partir de 1807 (1 970 journées de séjour cette année-là) et augmente d’un peu plus de 10 %, passant de 408 à 456. La composition interne s’est modifiée et les aliénés dépassent désormais les vieillards (178 contre 145) et représentent dès 1810 60 % des journées passées à l’hôpital. À partir de là, la population augmente fortement puisqu’elle atteint 600 personnes en 1825. Malgré le départ de nombreux vieillards, le chiffre de 600 est à nouveau dépassé en 1831, en grande partie à cause de la présence massive des militaires (120) en cette année de troubles sociaux lyonnais. Avec le départ des militaires (1 329 traités en 1832, 189 en 1834), le nombre des présents à l’Antiquaille retrouve provisoirement le chiffre de 1820 (459 en 1838) avant de repartir à la hausse. Le conseil dénombre 620 malades en 1840 et 730 trois ans plus tard. Ce nombre est désormais uniquement constitué de civils parmi lesquels les vénériens, galeux et dartreux sont les plus nombreux. Le nombre des malades traités en une année augmente de 50 % entre 1833 et 1838. Il dépasse à cette date les 2 500, dont 1 100 vénériens et galeux, 400 teigneux et dartreux, 370 aliénés qui restent responsables de la moitié des journées d’hospitalisation.
La difficile expérience du financement public
61Cette augmentation massive de population n’est possible que grâce à un financement public largement majoritaire dans les ressources. Prévoyant que « les frais de translation et d’entretien des divers malades seront mis à la charge des villes et communes lorsque les familles ne pourront en faire les frais », le décret fondateur de l’Antiquaille du 25 Germinal an XIII déclenche une sorte de spirale sans fin. L’hôpital est tenté de jouer sur cette disposition pour faire face à la dépense. Pour justifier ses demandes et obtenir les subventions, il doit sans cesse accroître les réceptions, relançant la dépense et la recherche de financement complémentaire.
Improvisations, première crise et compromis
62Jusqu’en 1814, les renseignements financiers n’abondent pas dans la mesure où l’hôpital fonctionne tant bien que mal grâce à la subvention annuelle de 20 000 francs de la ville de Lyon, censée correspondre à l’entretien des filles publiques envoyées à l’Antiquaille sur décision municipale. En choisissant ce mode de financement et cette argumentation, la ville de Lyon montre son refus de s’engager de façon durable et d’affecter des ressources spécifiques (octroi, taxe sur les spectacles) à l’Antiquaille. Les revenus sont complétés par des pensions versées par les familles ou par les communes du département du Rhône et peut-être de quelques autres. Apparemment fixé à 75 centimes par jour, ce prix de pension ne semble pas systématiquement réclamé. La dernière source de financement vient du département du Rhône qui, « voulant constituer des ressources à un établissement dont chaque jour la nécessité devenait plus indispensable à l’ordre public, à la salubrité et à la sûreté de la ville a consenti à concourir aux frais de cette entreprise. La subvention de la ville étant fixe, celle du département a dû présenter le complément85 ». Le financement départemental s’appuie sur la fiction selon laquelle l’établissement est administrativement un dépôt de mendicité86.
63En 1814, surviennent les premières graves difficultés. La conjoncture générale, la réduction de la subvention municipale qui passe de 20 000 à 14 000 francs en sont la cause. Devant la menace d’interrompre les réceptions de filles publiques, la ville rétablit sa contribution et comble le déficit par une subvention extraordinaire de 5 000 francs, versement qui devient vite régulier. Dans les années qui suivent, le département assure toujours la plus grande part des dépenses. Entre 1817 et 1819, il consacre chaque année plus de 90 000 francs au budget de l’Antiquaille en assurant directement les dépenses courantes. Il y ajoute 4 000 francs prélevés sur le fonds des dépenses imprévues pour payer les pensions des aliénés de son ressort. S’apercevant que disparaissent ainsi le cinquième de ses dépenses variables, le préfet et le conseil général tentent de modifier la situation à partir de 1820. Le préfet propose de cesser immédiatement tout versement, sauf à rembourser les frais des individus placés par l’autorité administrative, soit pratiquement rien87. Affirmant que ce qui importe « c’est que le service de l’Antiquaille soit assuré », le conseil général sursoit à toute décision tant « qu’il ne sera pas démontré que l’Antiquaille recevra des secours équivalents », en particulier en provenance de la ville de Lyon88. Faute de décision de cette dernière, le département décide de verser une subvention fixe de 40 000 francs à partir de 1822.
64À la suite des travaux d’une commission mixte, le conseil général reconnaît que « l’hospice n’est point un hôpital général mais une maison de santé où l’on n’est reçu qu’en payant89 ». À une époque de charité triomphante, l’affirmation est pour le moins hardie mais elle n’est guère suivie d’effets. La ville par délibération du 8 août 1823 porte sa subvention à 50 000 francs. Un modus vivendi survit tant bien que mal jusqu’à la crise suivante qui éclate en 1830. Entre ces deux dates, la situation financière de l’hôpital est déjà très originale dans le paysage hospitalier du temps. Plus de 85 % des recettes de l’hôpital proviennent du versement de prix de journées et de subventions. Les premiers dépassent à eux seuls la moitié des recettes. Ils se partagent presque également entre les journées de militaires et les journées de civils. C’est dire que le paiement de ces pensions est très majoritairement assuré par des autorités publiques (armée, départements, communes) même si l’on ne peut mesurer la part, sans doute très minoritaire, des familles. À ce paiement des prix de journée s’ajoutent les versements de la ville de Lyon et du département du Rhône qui représentent à eux seuls un tiers des ressources. Au total, le fonctionnement de l’hôpital est assuré au moins pour les deux tiers par des financements publics90.
La crise des années trente
65Pourtant, le système n’assure pas très longtemps la sécurité financière de l’Antiquaille. Pour combler le déficit, la ville accepte en 1829 d’ajouter 20 000 francs aux cinquante mille habituels. Pourtant, l’année suivante le déficit se reproduit et s’aggrave (près de 25 000 francs).
66Les nouveaux administrateurs fraîchement nommés se tournent vers la municipalité de Lyon, avec laquelle ils sont moins liés que leurs prédécesseurs, pour obtenir une renégociation du contrat en vigueur. Sur 563 malades prévus, la ville en fournirait 340. À 500 francs de pension annuelle, l’hôpital estime que la ville est responsable de 120 000 francs de dépenses alors qu’elle n’en verse au mieux que 70 000. Menaçant à nouveau de réduire les admissions, elle propose à la municipalité un traité conditionnel qui fixerait à 75 000 francs l’allocation pour la pension des malades sous la réserve réciproque de tenir compte du plus ou moins de cette dépense sans descendre en dessous de 50 000 francs91. Le préfet approuve l’hôpital et propose que « soit de la part de la ville, soit du département, il conviendrait de prendre des dispositions par suite desquelles l’Antiquaille au lieu de recevoir des secours fixes reçoive un prix de pension pour chacun des malades qui y sont placés92 ». Fort de cet appui, l’hospice établit ses budgets sur le principe des prix de journée. Au début de 1833, il menace de fermer l’hospice aux malades de Lyon si ce principe n’est pas accepté.
67La ville répond le 8 février en supprimant l’allocation supplémentaire de 20 000 francs qu’elle accorde depuis 1830. Le préfet menace à son tour de supprimer l’allocation départementale si la ville ne fait pas d’effort. Devant la menace, le conseil municipal proteste vigoureusement contre :
Un acte qui renferme le caractère d’une brusque scission de la part d’un établissement avec l’autorité dont il dépend et un fait de rigueur tellement affligeant qu’il tend à interrompre les secours dus aux malheureux… quand bien même la ville aurait causé quelque embarras à l’administration, c’était par la voie de la représentation qu’elle devait procéder et non pas en fermant les portes aux malades dont les souffrances ne sauraient être ajournées93.
68Pourtant, devant la coalition du préfet et de l’Antiquaille, la ville doit se borner « aux protestations les plus formelles » et céder, « provisoirement » dit-elle « face à l’impérieuse nécessité de pourvoir au soulagement des malades ». Reste à mettre les formes à ce recul. La ville déguise le paiement de l’allocation supplémentaire précédemment refusée en la morcelant en deux versements dont le dernier est très théoriquement conditionnel. L’année suivante, rien n’est réglé. L’hôpital présente un budget pour 1834 dans lequel « la subvention de la ville, calculée à raison de 82 centimes par journée est portée à 90 000 francs ». La ville maintient sa position et propose toujours une allocation forfaitaire. Selon le préfet qui la déplore, cette politique lui permet de ne payer que le tiers de la dépense qu’elle occasionne. Certes dit-il, le versement d’allocations complémentaires en cas de déficit constaté vient tempérer le principe mais embarrasse l’hôpital qui « ne sachant jamais au juste sur quelles ressources il peut compter ne peut établir ses prévisions avec l’exactitude désirable94 ». Aux dires du maire de Lyon, un compromis provisoire est trouvé à la fin de 1833. « Des délégués de l’hospice et du conseil municipal se sont réunis et il en est résulté que l’Antiquaille a renoncé à réclamer une subvention calculée sur le prix de journée et qu’elle est satisfaite avec une allocation de 70 000 francs ». En revanche les délégués n’arrivent pas à se mettre d’accord sur le statut de l’hospice95.
69Lors du très court répit qui suit, la situation est légèrement modifiée. La plus grande nouveauté consiste dans la disparition des militaires à la suite de l’ouverture d’un établissement spécial. Dès lors, les pensions versées à l’hospice ne représentent plus que 30 % des recettes. Du coup, les subventions frôlent les 50 %. Malgré la présence des bénéfices du mont-de-piété et l’augmentation des recettes de la dotation, déjà mentionnés, il se confirme que, malgré les espoirs émis par certains, la charité privée ne peut se substituer au financement public. Entre les deux, le rapport reste imperturbablement de quatre à un au profit du financement public. Pourtant, au temps de la monarchie de Juillet devenue conservatrice, l’intervention publique est de plus en plus mal supportée.
La fin de l’Antiquaille indépendant (1836-1845)
70Au-delà des difficultés permanentes du financement, la mésentente constante entre la ville et le département permet à l’Antiquaille de revendiquer sa pleine indépendance d’autant plus aisément que, nommé par le préfet, le conseil de l’Antiquaille n’a aucun lien organique formel avec la ville contrairement à l’ensemble des hôpitaux publics. Cette velléité d’indépendance ajoute sans doute à l’irritation croissante de la ville et du département contre une institution qui non seulement coûte aux finances locales mais matérialise la hantise d’un engrenage qui conduirait à l’assistance généralisée et à la démoralisation sociale. Dans ces conditions, il est presque miraculeux que l’Antiquaille indépendant survive jusqu’en 1845, date à laquelle il est intégré dans le giron des Hospices civils de Lyon.
La crise finale
71Le nouvel équilibre qui renforce la dépendance de l’établissement vis à vis de ses partenaires locaux est de nouveau rompu en 1836 par une initiative départementale qui ouvre la crise finale et conduit à la disparition de l’Antiquaille indépendant. Cette année-là, le conseil général profite de l’article 6 de la loi de finances du 18 juillet qui « assimile aux dépenses variables départementales les dépenses pour les aliénés indigents, sans préjudice du concours de la commune de domicile de l’aliéné » pour mettre cette dépense à la charge totale des grandes communes (pour Lyon et les communes suburbaines, Tarare et Villefranche). Il ne participe plus qu’à la hauteur de la moitié à la dépense des aliénés indigents des communes moyennes (Condrieu, Givors, Beaujeu, Belleville) et ne paie la totalité que pour les communes rurales. En conséquence, il supprime totalement sa subvention forfaitaire de 40 000 francs96. Pour le département la mesure se traduit par un allègement radical des charges largement transférées sur la ville de Lyon.
72Voilà donc l’Antiquaille et la ville de Lyon dans un face à face dans lequel aucun compromis n’est possible. L’affrontement permet de mettre à jour deux conceptions radicalement opposées de l’hôpital. L’épreuve de force se produit dès la préparation du budget de 1837 dont la présentation est retardée faute d’entente entre les deux protagonistes97. La ville n’entend allouer que 14 000 francs supplémentaires à l’Antiquaille alors que le déficit prévu est de 34 000 francs. Pour combler les 20 000 francs restants, la ville propose de réduire les dépenses de 10 000 francs et de prélever 10 000 francs supplémentaires sur les produits du mont-de-piété. L’hôpital de l’Antiquaille, soutenu par le préfet qui refuse ce plan, estime que les malades de la ville coûtent 104 000 francs dont 36 400 francs pour les seuls aliénés indigents à la charge de la ville. À nouveau, la commission de l’Antiquaille menace de réduire le nombre des malades de Lyon mais le préfet avoue son incapacité à imposer à la ville le vote d’une subvention, dépense juridiquement facultative, et accepte d’approuver le budget de l’exercice courant98. Une nouvelle épreuve de force a lieu en 1841. La municipalité propose, comme elle l’a déjà fait en 1838, d’affecter l’ensemble des produits du mont-de-piété à l’Antiquaille pour réduire sa propre contribution à 60 000 francs. Le préfet refuse mais doit accepter de financer le déficit par l’excédent du compte de 1840 et espérer une subvention supplémentaire de la ville99. Les années suivantes présentent la même situation. Obligée de prendre à sa charge la dépense de ses aliénés indigents, conformément à la loi de 1838, la ville réduit sa subvention aux alentours de 40 000 francs, sans que l’administration supérieure ne puisse ou ne veuille s’y opposer100.
Deux conceptions de l’hôpital
73Ces querelles budgétaires font apparaître deux conceptions très opposées de l’Antiquaille et plus généralement de l’hôpital. Au-delà des arguments qui visent à protéger ses finances, le conseil municipal de Lyon affirme que, comme tous les autres hôpitaux, l’Antiquaille « est un établissement communal en ce sens qu’il est tenu de recevoir gratuitement les malades de la ville sauf pour elle à fournir une subvention en cas d’insuffisance des ressources ». Ce serait là faire rentrer l’Antiquaille dans le droit commun. Pour justifier sa position, l’administration municipale affirme qu’elle a « acheté l’Antiquaille [...] payé des subventions, participé aux sommes votées par le département, aliéné une partie des bénéfices du mont-de-piété en faveur de l’Antiquaille ». En conséquence, elle affirme que « les malades de la ville devaient être reçus à l’hospice de préférence à tous les autres » et se plaint que le contraire se soit produit. Le mémoire conclut que « si l’Antiquaille devait payer un loyer, se passer de subventions et des bénéfices du mont-de-piété, elle ne pourrait récupérer ces sommes par un prix de journée101 ». Même si elle est inspirée par des intérêts immédiats, la position de la ville de Lyon renvoie à la conception traditionnelle dominante de l’hôpital, institution locale réservée aux seuls malades du lieu, devant vivre des ressources de la charité, des produits de quelques institutions charitables (le mont-de-piété) et dans la vie duquel les institutions publiques ne peuvent agir que marginalement et volontairement.
74La conception défendue par l’Antiquaille, parfois soutenue par le pouvoir d’État, est singulièrement plus révolutionnaire. Certes, là aussi, la prise de position n’est pas désintéressée. Il s’agit bien sûr d’abord de s’élever contre la dure loi de la mairie, de repousser ses exigences. À travers ce discours défensif et circonstanciel émergent des notions tout à fait nouvelles. Retraçant l’histoire de l’institution depuis l’installation à Fourvière, l’administration rappelle que c’est « l’État qui par un bail passé en son nom prit à loyer les bâtiments de l’Antiquaille, que le “décret” (de Germinal) ouvrait l’hospice à tous les malades du département sans distinction ». En venant aux problèmes du jour, les administrateurs affirment hautement que :
Le conseil municipal se tromperait s’il pensait que le soutien de l’hospice est, de sa part, purement facultatif. C’est une charge réelle et une très stricte obligation. Les citoyens ne paient l’octroi que sous la condition que la ville sera purgée des galeux, vénériens, épileptiques et insensés furieux à quelque titre qu’ils se trouvent dans la cité, même passagèrement102.
75Rôle de l’État, ouverture des hôpitaux sans condition de domicile, exigence de salubrité, recours à l’impôt pour financer l’hôpital, le discours est à l’époque totalement révolutionnaire. Certes sa vision de la position municipale est caricaturale, polémique mais pas totalement fausse.
Non, l’hôpital ne sera pas la propriété de la ville, les malades du département n’en seront pas déshérités et la ville ne sera pas maîtresse d’exclure ou d’admettre les malades étrangers, de leur imposer des pensions et de s’appliquer à elle-même les bénéfices de ces pensions.
L’intégration forcée au sein des Hospices civils de Lyon
76Du reste, la réalité confirme dans les dernières années, le caractère exceptionnel de l’Antiquaille. Après le retrait du département et le repli de la ville de Lyon, l’hôpital prend un aspect encore plus original que par le passé. Dans ses dernières années, l’hôpital vit à 60 % du prix de journée que lui versent collectivités et particuliers. La loi de 1838 qui met obligatoirement à la charge des communes et des départements le séjour des aliénés indigents dans les asiles contribue largement à cette tendance. Les subventions, aléatoires comme on l’a vu, ne représentent que 25 % des recettes, la dotation et les bénéfices du mont-de-piété 15 %. Bref, quasiment la structure de l’hôpital d’après 1945.
77Prémonitoire, l’exception n’est pourtant pas tolérée longtemps. Faute de pouvoir la placer sous sa tutelle complète, le conseil municipal de Lyon émet, dès 1838, le regret que l’administration de l’Antiquaille n’ait pas été confondue avec celle de l’Hôtel-Dieu et de la Charité. Sept ans plus tard, ce vœu est devenu réalité.
78Après 1836, l’Antiquaille devient difficile à gérer. La préparation de chaque budget pose des problèmes insolubles et ouvre chaque fois la question de la survie de l’établissement. À partir de 1840, ni le ministre, ni le préfet n’osent plus faire pression sur la municipalité pour qu’elle augmente ses subventions. Sans doute, l’arrivée à la mairie de Lyon puis à la députation du Rhône de Jean-François Terme (1790-1847), médecin hygiéniste longtemps acquis au parti du « Mouvement » mais rallié à Guizot, facilite-t-elle l’alignement du pouvoir central sur la mairie. Parallèlement les administrateurs de l’Antiquaille sous la monarchie de Juillet disposent de moindres relais politiques que leurs prédécesseurs : un seul ancien adjoint au maire (de Cazenove) qui ne siège que deux ans au conseil de l’Antiquaille, deux députés seulement (Couderc et Desprez). Le premier n’exerce qu’une très courte présidence et le second déserte très vite le conseil de l’Antiquaille pour celui des Hospices civils. Plus encore, le conseil de l’Antiquaille, en affirmant bien haut que l’institution doit être considérée comme totalement indépendante, à l’exemple de Charenton, ligue contre elle l’ensemble des partenaires. Enfin, la disparition de l’Antiquaille rentre aussi dans le cadre d’une politique de rationalisation qui touche les hôpitaux à partir de la constitution d’une inspection générale des établissements de bienfaisance. C’est du reste son principal représentant, le baron Adolphe de Watteville (1801-1866) qui est envoyé à Lyon avec la mission explicite « d’aviser aux moyens de réunir, dans l’intérêt des pauvres et conformément aux lois, sous une seule administration, la gestion des divers hospices de la ville de Lyon103 ». Vu ses difficultés financières, le conseil de l’Antiquaille n’est guère en mesure de faire entendre son opposition à la fusion. Il est d’autant moins entendu qu’une partie de son argumentation porte à faux. Certes, il n’est pas inexact de dire que l’ordonnance de 1821 prévoit des exceptions aux regroupements, qu’il existe « une ligne de démarcation bien tracée entre l’administration des Hospices civils et celle de l’Antiquaille ». Affirmer que cet hôpital a « des règlements, des usages et des devoirs qui lui sont propres et que, dans une réunion, l’Antiquaille aurait le sort d’une colonie éloignée » est une évidence mais cette manifestation de fierté est sans doute maladroite au vu de l’hostilité de la mairie vis à vis de ces velléités d’indépendance. Il est en revanche largement faux de prétendre que « l’on comprendrait la réunion si l’une des administrations possédaient des ressources qui manqueraient à l’autre mais toutes deux sont en déficit et ne peuvent subvenir sans les secours de la ville104 ». Quoi qu’il en soit le conseil de l’Antiquaille refuse la fusion.
79Celui des Hospices civils fait de même en employant d’autres arguments. Face à cette argumentation, il rétorque avec justesse que « nos hôpitaux ont une fortune considérable et que la réunion de cet hospice aux autres n’ait à lui profiter en le faisant participer aux revenus de notre dotation ». La présence des aliénés, soumis à une police spéciale, est en revanche un argument qui porte. Le conseil des Hospices civils émet finalement lui aussi un avis défavorable à la réunion. Il affirme que :
Si l’Antiquaille n’était consacré qu’à recevoir des indigents atteints de maladies psoriques et vénériennes, la réunion offrirait d’évidents avantages mais l’assemblage des aliénés, des vénériens, dartreux, galeux, vieillards est un inconvénient de premier ordre. La réunion choque les règles d’une sage constitution des établissements hospitaliers, nuit à la commune au profit du département, détourne la fortune des hospices de leur destination105.
80Le 10 juillet 1844, le conseil des Hospices civils refuse officiellement la fusion. Pourtant, le gouvernement passe outre à la conjonction de ces deux oppositions. Fort d’un rapport favorable de l’inspecteur rédigé dès novembre 1843 et d’un arrêté préfectoral du 12 juillet 1844 qui solde autoritairement le contentieux financier entre la ville, le département et l’hôpital, l’ordonnance royale du 30 juin 1845 prononce la fusion et l’arrêté préfectoral du 29 novembre de la même année constitue une administration unique de 25 membres dans laquelle entrent six membres de l’ancienne administration de l’Antiquaille106. Après plus de quarante ans de vie indépendante, chaotique mais riche, c’en est fait de l’Antiquaille indépendant même si la présence des aliénés lui conserve une forte originalité administrative jusqu’en 1876.
81L’Antiquaille de la première moitié du xixe siècle fut donc étrangement novateur. Il est en effet sans équivalent de voir un dépôt de mendicité se transformer en hôpital « de pointe », inaugurant le premier des cours officiels de clinique et voyant émerger au sein de populations réprouvées, non seulement les premières spécialités mais aussi des écoles médicales locales brillantes.
82Moins prestigieuse sans doute, l’existence en pleine période de la charité dominante d’un établissement vivant aux trois quarts de fonds publics est une nouveauté encore plus surprenante. Certes l’expérience fut éphémère et tous se liguèrent pour faire disparaître cette exception qui leur semblait menaçante pour leurs finances et plus inconsciemment pour leurs conceptions de la société. En faisant tache d’huile, l’exemple risquait d’ouvrir la voie à l’assistance généralisée et à l’étatisme que certains, tels le comte de Montalembert, voyaient déjà poindre à l’horizon. Éphémère, l’expérience ne fut pas sans postérité : postérité tardive d’abord tant l’Antiquaille paraît une préfiguration hardie du fonctionnement hospitalier actuel ; postérité plus immédiate, tant il est probable que les péripéties du financement de l’Antiquaille ont amené le législateur de 1838 à prévoir, pour les aliénés indigents, un financement reposant sur le calcul d’un prix de journée, l’obligation du paiement pour les collectivités, l’établissement d’un barème au prorata de la richesse des collectivités.
83Devant tant de nouveautés, on est tenté de rendre hommage à la clairvoyance, au courage de tous les administrateurs qui ont participé à l’aventure. Sans rien enlever à leur mérite, l’examen de la situation invite à faire leur part à toute une série de hasards, d’enchaînement et de paradoxes. À y regarder de près, rien ne fut vraiment pensé et planifié par quiconque. Le but essentiel des pieux administrateurs était de se vouer à la rédemption des plus fautifs, les vénériens. Aussi ont-ils voulu les garder à tout prix quitte à entrer dans une logique de secours public et de médicalisation fort éloignée de leur projet originel. Ici comme en beaucoup d’endroits un projet religieux et charitable donne naissance à une réalité centrée sur la médecine et l’assistance publique.
84En ce qui concerne les pouvoirs publics, on a l’impression que c’est du désintérêt général qu’est née la nouveauté. C’est presque par inadvertance que le conseil général et le conseil municipal acceptent de financer l’Antiquaille. Il ne s’agit pas pour eux d’établir un nouveau système de prise en charge mais de faire face à une situation dangereuse pour l’ordre public et, dans une moindre mesure, pour la santé publique. Du reste, ils sont convaincus que le financement sera temporaire et que la charité privée prendra vite le relais. Dès qu’ils voient, avec un certain décalage, que l’effort sera durable et croissant, ils tentent de se désengager. Aussi l’hôpital de l’Antiquaille indépendant disparaît-il tout aussi curieusement qu’il est apparu, comme par inadvertance. La fusion correspond bien plus à la nécessité de financer une institution qui ne peut plus survivre seule qu’à la volonté d’instaurer une géographie hospitalière rationnelle. Elle n’est envisageable et réalisable que dans la mesure où l’Antiquaille s’était transformé en hôpital, ce qui n’était pas du tout prévu au départ. Bref l’Antiquaille indépendant est en quelque sorte mort de sa trop grande modernité. Au total, son histoire amène à se demander si le « progrès » ne naît pas parfois sur les marges. On ne saurait bien sûr généraliser le propos ni en faire un système mais simplement inviter à être plus attentif à ce paradoxe.
Notes de bas de page
1 Texte publié dans René Mornex, Bernard Ducouret, Olivier Faure, L’Antiquaille de Lyon : histoire d’un hôpital, Lyon, Lieux-dits, 2003 ; 174 p., p. 38-65.
2 Michel Foucault, Folie et déraison : Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Plon, 1961. Nombreuses rééditions abrégées sous le titre Histoire de la folie à l’âge classique à partir de 1972.
3 La Charité a été créée à Lyon au début du xviie comme hôpital général.
4 Jean-Pierre Gutton, La société et les pauvres : l’exemple de la généralité de Lyon (1534-1789), Paris, Les Belles Lettres, 1971, LV-504 p.
5 Archives des Hospices civils de Lyon, (plus loin AHCL), Antiquaille, carton dit xixe siècle, Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet 28 Floréal an XI. Les références tirées de ce fonds d’archives seront désormais référencées : AHCL, suivi du nom du carton d’archives concernant l’Antiquaille.
6 Ibid., Lettre du préfet, 2 ventôse an X. Les lettres sans indication de destinataire ou d’expéditeur sont adressées ou envoyées au Conseil d’administration de l’établissement.
7 Ibid., Lettre au ministre de l’Intérieur, s. d. (ventôse an XI).
8 Ibid., Lettre du préfet au ministre, 28 germinal an XI.
9 Ibid., Lettre de l’abbé Vitry au préfet, 15 messidor an X.
10 Ibid., Rapport du maire de l’ouest au préfet, 16 fructidor an XI, 9 ff.
11 AHCL, Antiquaille. Délibérations du conseil d’administration, Délibération du 15 thermidor an XI. Regroupées en 9 volumes déposés aux AHCL, les délibérations seront désormais indiquées par leur seule date.
12 Ibid., vol. 1 (2 ventôse an X 30 frimaire an XII).
13 D’après Archives départementales du Rhône (plus loin ADR,) 1 XP 5, 157, 158, 160, 234, 338.
14 La prison de l’Antiquaille, Saint-Pothin et ses compagnons, Lyon, 1877. Cette référence ainsi que la suivante m’ont été aimablement communiquées par Frédéric Scheider. auteur de Arthaud, aliéniste missionnaire, Paris, Glyphe, 2009, 337 p. Arthaud (1813-1883) fut médecin des aliénés de l’Antiquaille.
15 Joseph Bard, N.-D. de Fourvière, Lyon, 1831.
16 Délibération du 30 frimaire an XII.
17 Délibérations du 15 germinal an XII et 30 vendémiaire an XIII.
18 Délibération du 15 germinal an XII.
19 Délibération du 16 fructidor an XII.
20 ADR, 1 XP 236, Délibérations du conseil municipal et courriers du maire au préfet (1806-1807)
21 Rapport relatif à l’Antiquaille présenté au Conseil municipal de Lyon par le maire, le 29 mai 1838, Lyon, Aîné, 1839.
22 Texte du décret dans ADR, 1 XP 236.
23 Rapport relatif à L’Antiquaille…, op. cit. (1838).
24 Délibérations des 15 fructidor an XI et 30 brumaire an XII.
25 Délibération du 30 frimaire an XII.
26 Souligné par l’auteur (OF).
27 AHCL, (xixe siècle), Délibération du Conseil général, 31 août 1821.
28 Sur les Chazeaux : René Mornex, « Histoire des Chazeaux », dans René Mornex, Bernard Ducouret, Olivier Faure, L’Antiquaille de Lyon…, op. cit., p. 140-142.
29 Sur ces avatars Alfred Colliander, Les vieillards indigents dans quelques institutions lyonnaises (1800-1870), thèse, IEP Grenoble, 1982, 285 p., dactyl.
30 D’après les délibérations du Conseil d’administration.
31 AHCL, Antiquaille, (divers 2), Règlement pour les vieilles, 16 mars 1824.
32 Délibération du 26 janvier 1826.
33 Délibérations des 16 février 1831 et 12 mars 1832.
34 Sur l’expérience Jacquard voir Auguste Croze, et alii, L’hôpital de l’Antiquaille, Lyon, Audin, 1937, 238 p., p. 58-63.
35 Délibération du 16 février 1816.
36 AHCL, (xixe), Lettre du maire de Lyon au préfet, 22 juillet 1826.
37 ADR, 1 XP 235, Lettre au préfet et réponse, 3 et 7 décembre 1830.
38 Délibération du 24 mai 1833.
39 AHCL, Antiquaille (xixe) Lettre de Couderc au préfet, 10 décembre 1838.
40 Délibération du 16 septembre 1809.
41 Sur ces questions : Jan Goldstein, Consoler et classifier : l’essor de la psychiatrie française, Le Plessis-Robinson, Synthélabo, coll. « Les empêcheurs de penser en rond », 1997, 502 p. (édition américaine 1990).
42 ADR, 1 XP 234, Lettre du ministre au préfet, 23 décembre 1815.
43 Ibid., Lettre au préfet, 27 janvier 1816.
44 Ibid., Lettre des HCL au préfet, 31 janvier 1816.
45 Délibération du 30 juillet 1835 comprenant copie de la lettre du préfet du 24 juillet.
46 ADR, 1 XP 234, Lettre au préfet, 25 janvier 1823.
47 Ibid., Lettre au préfet, 15 janvier 1823.
48 Délibération du 16 février 1811.
49 Gérard Tilles, Teignes et teigneux : histoire médicale et sociale, Paris, Springer Verlag, 2009, 164 p.
50 Délibération du 1er août 1818.
51 Olivier Faure, « Les religieuses hospitalières entre médecine et religion en France au xixe siècle », dans Isabelle von Bueltzingslœwen, Denis Pelletier, dir., La Charité en pratique : chrétiens français et allemands sur le terrain du social : xixe-xxe siècles, Strasbourg, PUS, 1999, 217 p, p. 53-64.
52 AHCL (liasse xixe), Lettre au préfet, 2 décembre 1807.
53 Olivier Faure, Genèse de l’hôpital moderne : les Hospices civils de Lyon (1802-1845), Lyon/Paris, PUL/CNRS, 1982, 269 p., p. 29.
54 Tout à fait dans la tonalité du catholicisme lyonnais du temps. Voir Philippe Boutry, « Une dynamique sacrificielle : le catholicisme lyonnais du premier xixe siècle », dans Michel Lagrée, dir., Chocs et ruptures en histoire religieuse (fin xviiie- xxe siècles), Rennes, PUR, 1998, 217 p., p. 151-166.
55 Alexandre Parent-Duchatelet, De la prostitution dans la ville de Paris considérée sous le rapport de l’hygiène publique, de la morale et de l’administration, Paris, 1836, (rééd. Paris, Seuil, 1981, 216 p. Avec une introduction d’Alain Corbin).
56 ADR, 1 XP 235, Lettre au maire de Lyon, 4 novembre 1830.
57 AHCL, (liasse divers 2), Lettre du maire de La Guillotière, 8 octobre 1846.
58 AHCL (liasse xixe), Séance du Conseil général, 31 août 1821.
59 AHCL, (liasse divers 2), Mémoire produit par le conseil d’administration de l’Antiquaille, 21 juillet 1838, 16 ff.
60 René Mornex, « Histoire médicale », dans René Mornex, et alii, L’Antiquaille…, op. cit., p. 87-127.
61 Jacques-Guy Petit, Ces peines obscures : la prison pénale en France au xixe siècle, Paris, Fayard, 1990, 749 p., p. 189-190.
62 Délibération du 16 novembre 1830.
63 Délibération du 17 ventôse an X.
64 Délibérations des 2 novembre 1818, 16 novembre 1821, 1er août 1827, 5 janvier 1830.
65 Sur l’organisation médicale des HCL cf. Olivier Faure, Genèse..., op. cit., p. 91-96 et 207-212.
66 Délibération du 16 novembre 1830 (rapport de Martin).
67 ADR, 1 XP 235, Lettre au préfet, 3 décembre 1830.
68 Bernard Ducouret, « Histoire architecturale de l’hôpital », dans René Mornex, et alii, L’Antiquaille de Lyon : histoire d’un hôpital…, op. cit., p. 66-83.
69 Délibération du 10 avril 1826.
70 ADR, 1 XP 237, Rapport des médecins sur la nécessité de l’aggrandissement [sic] des locaux destinés aux malades, s. d., 6 ff.
71 George Weisz, Divide and conquer : a comparative history of medical specialization, New-York, Oxford university press, 2006, 359 p.
72 René Mornex, « Histoire médicale », dans René Mornex, et alii, L’Antiquaille de Lyon…, op. cit., p. 87-127.
73 Sur les budgets et comptes, les informations sont tirées de ADR, 1 XP 231 et des Comptes moraux de 1832 à 1834, 1840 et 1844 publiés à Lyon chez Perrin ou Ainé (Compte 1844).
74 Olivier Faure, « Municipalités et hôpitaux dans les villes françaises au xixe siècle », dans Jacques-Guy Petit, Yannick Marec, dir., Le social dans la ville (xviiie-xxe siècles), Paris, éditions de l’Atelier, 1996, 352 p., p. 63-74.
75 Yannick Marec, Le « clou » rouennais des origines à nos jours (1778-1982), Rouen, éditions du P’tit normand, 1983, 232 p.
76 Auguste Croze, et alii, L’hôpital de l’Antiquaille, op. cit., p. 64-66.
77 Délibérations du 12 germinal an X (traité avec le pharmacien Macors) et du 30 nivôse an XI « la sœur Pégier, hospitalière à Saint-Étienne sera reçue comme pharmacienne. Sa nièce de 19 ans sera reçue comme élève ou prétendante de la pharmacie ».
78 Délibération du 15 prairial an XIII.
79 Sur ces problèmes Olivier Faure, Les Français et leur médecine, Paris, Belin, 1993, 320 p., p. 54-58.
80 Délibérations des 16 janvier 1818, 1er octobre 1821, 16 mai 1831, 2 mars 1836.
81 Olivier Faure, « Les religieuses dans les petits hôpitaux en France au xixe siècle », dans Jacqueline Lalouette, et alii, dir., L’hôpital entre religions et laïcité du Moyen Âge à nos jours, Paris, Letouzey et Ané, 2006, 303 p., p. 59-72. Article repris dans ce volume au chapitre VI.
82 ADR, 1 XP 238.
83 ADR, 1 XP 232 Lettre du préfet au ministre, 2 mars 1843.
84 Tout ce paragraphe est construit à partir des données disponibles dans ADR, 1 XP 231 et les Comptes moraux imprimés des années 1832 à 1834, 1840 et 1844.
85 AHCL (liasse divers 2), Rapport du Préfet au Conseil général du département (session de 1821).
86 AHCL (liasse xixe), Séance du conseil général du département, 31 août 1821.
87 Ibid., Rapport du préfet au conseil général du département, 8 août 1820.
88 Ibid., Rapport de la commission des finances du conseil général du département, 18 août 1820.
89 Ibid., Rapport de la commission permanente au conseil général du département, août 1823. Les conseillers emploient l’expression « hôpital général » au sens actuel du terme.
90 ADR, 1 XP 231 et Comptes moraux cités.
91 ADR, 1 XP 235, Lettre au préfet, 4 novembre 1830.
92 Ibid., Lettre du préfet, 12 novembre 1830.
93 ADR, 1 XP 232, Délibération du conseil municipal, 21 mars 1833. Les autres correspondances mentionnées dans ce paragraphe se trouvent dans ce dossier.
94 ADR, 1 XP 235, Lettre du préfet au ministre, 1er mars 1834.
95 Ibid., Lettre du ministre au préfet, 5 décembre 1833.
96 AHCL (liasse divers : 2), Lettre du préfet, 10 septembre 1836.
97 ADR, 1 XP 232, Lettre du préfet au ministre, 1er avril 1837.
98 Ibid., Lettre du préfet 4 novembre 1837.
99 Ibid., Lettre du préfet au ministre, 23 janvier 1841.
100 Ibid., Lettre du préfet au ministre, 2 mars 1843.
101 Ibid., Rapport relatif à l’Antiquaille (conseil municipal de Lyon) s. d. (1841).
102 AHCL (liasse divers 2), Mémoire produit par le conseil d’administration de l’hospice de l’Antiquaille, 21 juillet 1838, 16 ff.
103 AHCL (annexion aux HCL), Lettre de de Watteville, 24 juillet 1843.
104 Ibid., Rapport au conseil de l’Antiquaille, 9 août 1843.
105 Ibid., Rapport au conseil des Hospices civils de Lyon (s. d.)
106 Toutes ces décisions sont regroupées dans le dossier cité note 96.
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