Préface
p. 5-6
Texte intégral
1Parce que l’histoire de la médecine est d’abord de l’histoire, il faut savourer ce livre qui en donne dix-sept magistrales leçons. Proposant un parcours aux « marges » de celle-ci, il est pourtant appelé à constituer, au même titre que les précédents livres d’Olivier Faure, un classique pour quiconque s’intéresse à l’histoire de la santé en France au xixe siècle. Faut-il préciser qu’à nos yeux, le classicisme n’est pas un défaut, surtout lorsqu’il est couplé à l’originalité et à la pugnacité des questionnements ?
2Lorsque Jacques Léonard fonda l’histoire sociale de la médecine contemporaine il y a cinquante ans, il mit le médecin ordinaire au centre de son travail, en montrant que celui-ci était pleinement inséré dans la société qui l’englobait et que sa pratique, loin d’être guidée seulement par une quelconque logique interne à la science, était aussi déterminée par des stratégies sociales, des intérêts économiques, des projets politiques. Si Olivier Faure a prolongé cette approche sociale, il l’a aussi renouvelée en décentrant le regard sur le patient, sur la pratique hospitalière, sur les thérapeutiques, toutes pistes qui n’avaient été qu’esquissées par Jacques Léonard avant sa mort prématurée.
3Ce faisant, il a puissamment contribué à modifier le contenu de la notion de médicalisation, longtemps vue comme un processus appliqué par des élites éclairées sur une population ignorante et aveuglée, au mieux passive, au pire récalcitrante. Son œuvre – et plus particulièrement ce livre – nous montrent à la fois la maladresse ou la défaillance de l’offre de santé du côté des institutions et des diplômés, la vigueur exigeante et la clairvoyance de la demande sociale, les rendez-vous manqués qui en résultent et les voies alternatives explorées par un public loin d’être résigné au malheur biologique.
4 Pour quiconque connaît l’auteur de ces études, cette empathie pour les gens de peu ou pour les acteurs ordinaires, cette volonté de restaurer leur visibilité et leur dignité ne sont pas surprenantes. Elles lui permettent de se situer à la bonne distance entre les tenants d’une histoire glorieuse des « progrès » de la médecine et les dénonciateurs d’un « pouvoir médical » qui traverserait l’époque contemporaine. Il faut rappeler cette évidence : cette position doit beaucoup à une patiente et rigoureuse fréquentation des archives, où se perçoivent les pratiques et les interactions, mieux que dans les sources savantes ou normatives.
5C’est donc un plaisir et un honneur pour la collection Corps et âmes d’accueillir ce livre, et de contribuer ainsi à l’histoire complexe de l’investissement du corps par le désir de progrès et de bien-être, qu’il soit individuel ou collectif.
Auteur
Aix-Marseille Université UMR Telemme, Institut Universitaire de France
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La mort à l’œuvre
Usages et représentations du cadavre dans l’art
Anne Carol et Isabelle Renaudet (dir.)
2013
L’incorporation des ancêtres
Généalogie, construction du présent (du Moyen Âge à nos jours)
Isabelle Luciani et Valérie Piétri (dir.)
2016
Résister corps et âme
Individus et groupes sociaux face aux logiques du pouvoir
Nicolas Berjoan (dir.)
2017
Aux origines des cimetières contemporains
Les réformes funéraires de l’Europe occidentale. XVIIIe-XIXe siècle
Régis Bertrand et Anne Carol (dir.)
2016
Le temps d’une décapitation
Imaginaire d’un instant imperceptible. Peinture Littérature
Marion Delecroix et Loreline Dourneau
2020
Jusqu'à la nausée
Approche pluridisciplinaire du dégoût aux époques moderne et contemporaine
Laura Bordes (dir.)
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