Relire Koltès
| ,Une dramaturgie « au pluriel »
Pratique et poétique de la didascalie koltésienne
Résumé
La plupart des dramaturges du xxe siècle suivent la même évolution didascalique : une implication de plus en plus importante et de plus en plus experte dans la sphère du spectacle grâce à des indications plus nombreuses, plus précises, plus techniques. Koltès, au contraire, n’a de cesse d’éloigner son texte de régie de la scène réelle, de le dépouiller des didascalies les plus matérielles, techniques et fonctionnelles. Discrète mais réelle en début de sa carrière, la réticence scénique enfle rapidement et s’affirme. Du coup, malgré des modes didascaliques apparemment différents – depuis l’extrême nudité jusqu’à la littérarisation diffuse en passant par la voix sourde et l’ouverture épitextuelle avec hybridation générique – il n’y a pas de rupture réelle dans la voix didascalique de Koltès, seulement un mûrissement. La ligne de fuite reste donc inchangée : dématérialisation/détechnicisation et re-littérarisation de la brochure. « J’ai pensé que le texte de théâtre ne devait pas obligatoirement n’être qu’un matériau pour un spectacle, mais pouvait être lu, comme un roman, si on s’attachait à lui donner une forme à lire », confie Koltès en 1985. On ne saurait mieux exprimer la volonté de conjurer la fatalité scénique du théâtre : il y a une vie de la pièce en dehors de son effectuation sur scène. Dans cette entreprise de libération, la didascalie – assourdie et aplatie au cœur de l’œuvre mais épaissie et hybridée dans les marges – a un rôle de choix.
Texte intégral
- 1 Depuis l’an 2000, et pour s’en tenir aux seuls articles, on citera : Patricia Duquenet-Krämer, « Un (...)
1Fait suffisamment rare pour être noté, la critique s’est penchée à de nombreuses reprises sur les didascalies du théâtre de Koltès1. Ce traitement de faveur tient en partie au mouvement général de retour en grâce de la didascalie dans le champ de la critique littéraire. Il tient surtout à la spécificité du texte de régie koltésien, sa faculté à déborder les attendus scéniques, stylistiques et génériques. En conséquence, les indications les plus atypiques que propose régulièrement Koltès se taillent la part du lion dans ces commentaires critiques. Pour être légitime − c’est évidemment là que se jouent les transgressions les plus intéressantes − cette approche reste prismatique : elle privilégie le bord informe − pour paraphraser Barthes − et laisse souvent dans l’ombre le bord conforme, pourtant dominant du point de vue du volume. Cet article se propose d’étudier conjointement ces deux bords et d’en dégager la pratique didascalique koltésienne dans sa globalité.
- 2 Bernard-Marie Koltès, Une part de ma vie (Entretiens 1983-1989), Minuit, 1999, p. 86. Sauf indicati (...)
- 3 Une part de ma vie, p. 67.
2De plus, on conçoit généralement l’œuvre de Koltès selon une bipartition chronologique assez rigide. Jusqu’au milieu des années 70, on a affaire à un jeune dramaturge ayant fait une partie de son apprentissage dans la classe de régie-mise en scène du TNS et qui propose des pièces dans l’air du temps mettant l’accent sur la mise en espace et la mise en jeu ; des pièces sans doute imparfaites mais dramaturgiquement inventives et virtuoses d’un point de vue scénique. Après 1976, Koltès offre le visage d’un auteur qui s’est détaché de cet investissement scénique et qui délègue désormais au metteur en scène (Chéreau, essentiellement) toutes les questions de réalisation. « Je n’écris pas des spectacles, j’écris des pièces2 », avertit Koltès en 1988. Le partage des tâches est radical : il renvoie le metteur en scène à son plateau et le dramaturge à son cabinet. Si Koltès reste très attaché à la part vivante et physique du théâtre − « ce que j’aime, c’est le spectacle », confie-t-il encore3 − ce n’est pas (ou plus) à lui de l’écrire au revers du dialogue. Cette division chronologique de la carrière de Koltès est pourtant à nuancer quand on étudie la didascalie. De fait, la manière didascalique koltésienne fait montre dès ses débuts d’une réticence à l’égard de la scène réelle, matérielle et technique. Cette réticence ne fera que s’accentuer au fil des années et se manifestera à travers des modes qui, pour avoir l’air antithétiques, sont en fait équivalents. À travers une approche en diachronie, on montrera que, des Amertumes à Roberto Zucco en passant par La Nuit juste avant les forêts et Sallinger, il n’y a pas de ruptures véritables dans la pratique didascalique mais des réajustements successifs, une série de dérapages très contrôlés.
De l’outil à la plume
3Au tout début de sa carrière dramatique, Koltès semble bel et bien écrire des spectacles plus que des pièces. Ainsi le préambule des Amertumes présente-t-il explicitement la pièce comme « un essai de mise en scène » (p. 13). Cette première œuvre, comme d’ailleurs toutes les autres jusqu’à Combat de nègre et de chiens, n’est pas destinée à être publiée. Elle est écrite expressément pour être mise en scène et jouée. Elle est un « spectacle en seize tableaux » (p. 9) et les indications chargées d’en décrire/prescrire les modalités sont donc en très grand nombre. On en compte 288 totalisant quasiment 14000 signes sur 48 pages soit une moyenne de six indications et 290 signes par page. C’est plus, en terme de ratio, que dans les premières pièces de Beckett. Si Eleutheria, En attendant Godot et Fin de partie comptent un peu plus de didascalies par page (respectivement 6,6 ; 6,75 ; 7,6) elles totalisent en effet moins de signes (approximativement 242, 250 et 236 par page).
4Il convient pourtant de prendre ces chiffres ainsi que les comparaisons qu’on pourrait avancer avec prudence. Pour des raisons éditoriales, les indications des Amertumes ne sont pas de même nature que les didascalies de Godot ou de Combat. Les éditions posthumes des premières pièces de Koltès reproduisent en effet des dactylographies destinées aux collaborateurs scéniques au moment de la création (notamment les membres du Théâtre du Quai) et non au public. Elles sont donc plus proches du livret de mise en scène que de la pièce telle qu’on l’entend et l’étudie habituellement sous la caution de l’imprimatur. Par conséquent, la publication de ces dactylographies transforme artificiellement les notes de mise en scène (indications destinées aux professionnels et futurs fabricants du spectacle) en didascalies (indications destinées à tout lecteur). La différence est loin d’être mince. Formellement, les didascalies reposent sur un protocole d’écriture assez rigide, façonné par l’héritage éditorial et fondé sur les principes d’économie et de clarté. À l’inverse, les notes de mises en scène reposent sur un protocole beaucoup moins codifié. De fait, si ces notes ressemblent souvent à des didascalies conformes, elles peuvent tout aussi bien être à la limite du compréhensible (phrases incomplètes ou asyntaxiques, notes griffonnées, etc.). Dans la mesure où elles sont écrites pour soi et/ou pour un cercle restreint de professionnels initiés disposant d’un accès illimité au metteur en scène réel, elles peuvent facilement être allusives ou reposer sur un jargon de métier non disponible pour un lecteur standard. Chez Koltès, ces indications cryptiques sont en nombre limité : dramaturge débutant, il subit pleinement l’influence de modèles théâtraux écrits, d’où un certain polissage de ses indications. Néanmoins, l’usage des initiales « J », « C » et « E » à l’intérieur du schéma scénographique des Amertumes (p. 14), par exemple, indique que l’on a affaire à des notes de mise en scène et non à des didascalies, que Koltès s’adresse à des praticiens et non à un lecteur extérieur. La preuve en est que, si « J » et « C » sont finalement assez transparents (« jardin » et « cour »), « E » n’a aucun caractère d’évidence (serait-ce « estrade » ?). La présence même d’un schéma est un autre indice d’une posture de metteur en scène plus que de didascale. Fréquents dans les notes de mises en scène, les dessins (même rudimentaires) sont en effet très rares en didascalies. Seuls quelques écrivains scéniques patentés ou metteurs en scène de profession (Beckett, Ionesco, Jean-Louis Barrault) se permettent à l’occasion d’outrepasser cette textualité obligatoire. Nous garderons donc toujours à l’esprit que, jusqu’à Sallinger, on a affaire à des notes de mises en scène didascalisées plus qu’à des didascalies véritables.
- 4 Voir Florence Bernard, op. cit.
5Du coup, le décompte didascalique des Amertumes prend tout son sens. Le texte de régie est ample et précis parce qu’il rend compte de la vision d’un auteur qui assume aussi la fonction de metteur en scène. De fait − dans la mesure où il monte lui-même sa pièce et où ses indications ne sont pas des didascalies mais des notes de mise en scène − Koltès n’offre pas une œuvre scéniquement plastique qu’un metteur en scène (extérieur-ultérieur) pourra manipuler aisément. Il n’écrit pas ses indications pour la postérité mais pour son usage propre. Du coup, ses premières pièces sont livrées avec le spectacle qu’il envisage, avec leur mode d’emploi scénique et le dramaturge ne néglige aucun département de la représentation4.
- 5 178 indications et 7600 signes environ sur 43 pages soit une moyenne de 4,1 indications et 175 sign (...)
- 6 Ces pièces comptent entre deux et quatre indications par page en moyenne mais seulement entre 90 et (...)
- 7 Procès ivre, p. 38 ; Récits morts, p. 33 et 34 ; Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, p. (...)
6Cette démonstration de maîtrise scénique va rapidement décroître. Dès La Marche, qui présente pourtant encore un nombre conséquent d’indications5, l’exaltation scénique se concentre sur les possibilités plastiques du comédien : son jeu (vocal et corporel) mais aussi l’aspect du personnage et sa mise en lumière. Par la suite, de Procès ivre au Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, on lit un allègement global du spectacle indiqué sur la brochure6 : moins de nuances, moins d’emprise, moins d’athlétisme plastique et scénographique. Si ce n’est qu’avec La Nuit juste avant les forêts que Koltès atteint le dénuement didascalique que l’on sait, c’est dès sa deuxième pièce qu’il commence un travail de dématérialisation qui sera le fil rouge de sa pratique didascalique. Le schéma des Amertumes reste un hapax ; la plupart du temps, l’approche du plateau n’est guère ancrée dans la praxis. Du point de vue du discours scénique − et non de la pratique scénique réelle − Koltès n’est pas un véritable « fabricant ». En premier lieu, il ne recourt pas au lexique de la technique théâtrale. Si les mots véritablement techniques (« costière », « châssis », « porteuse », « herse », « rue », « fausse rue », « dessous »…) ne se rencontrent guère en didascalie, il y a tout un lexique théâtral plus familier qui peut émailler le texte de régie et le rendre plus « professionnel » : « avant-scène », « proscenium », « cintres », « rampe », etc. Aucun de ceux-ci n’apparaît pourtant chez Koltès, pas même le mot « praticable » alors que des praticables sont justement au centre du dispositif scénique des Amertumes, de La Marche et de Procès ivre. Il n’utilise que des mots théâtraux passés dans la langue courante et encore faut-il ajouter que les occurrences en sont rares et n’apparaissent que dans les œuvres de la première partie de sa carrière : Sallinger, pièce de transition, joue ici comme une sorte de terminus a quo. Ainsi « plateau » est-il utilisé à six reprises dans Les Amertumes (p. 17, 35, 47, 53, 57 et 58), à deux reprises dans Le Jour des meurtres (p. 29 et 49), une seule fois dans Sallinger (p. 108) puis plus jamais. « Coulisse(s) » est présent trois fois dans L’Héritage (p. 22 et 75), deux fois dans Le Jour des meurtres (p. 61 et 69), puis abandonné. Enfin, dans le schéma scénographique des Amertumes (p. 14), les initiales « J » et « C » renvoient aux mots « cour » et « jardin ». C’est la seule pièce où Koltès utilise ces termes de métier. En second lieu, cette carence technique s’accompagne parfois d’un certain flou des indications. Ainsi les détails de costume manquent-ils souvent : Sonia est « vêtue magnifiquement », Marie est « somptueuse » ou « somptueusement vêtue », Ophélie est « très apprêtée7 » mais on n’en saura pas plus. Dans Procès ivre (p. 11), Koltès indique « La chaleur » sans préciser par quels biais scéniques transcoder l’indication. La fin même des Amertumes (p. 60) n’est pas un exemple de clarté : « Soudain, la lumière est violente et rouge sur l’ensemble, et c’est / ALEXIS. » Au metteur en scène de faire preuve d’ingéniosité.
- 8 « Un hangar, à l’ouest », Roberto Zucco, p. 120.
- 9 Une part de ma vie, p. 10.
7Si, en tant que metteur en scène, Koltès a alors les mains dans le cambouis scénique, s’il est obligé de mettre au point chaque détail de la représentation, il réduit déjà au maximum l’approche technique et matérielle dans ses indications écrites. Peut-être pressent-il déjà l’incompatibilité de l’activité d’auteur et de l’activité de metteur en scène telle qu’il l’exprimera dans « Un hangar, à l’ouest » : « La manière dont un metteur en scène conçoit un spectacle et la manière dont un auteur conçoit une pièce sont des choses si différentes qu’il vaut peut-être mieux qu’elles s’ignorent autant que possible, et qu’elles ne se rencontrent qu’au résultat8. » Peut-être sent-il surtout l’hétérogénéité des deux discours : d’un côté, le discours pour la scène destiné aux collaborateurs-praticiens et possédant clairement une utilité pratique (les notes de mise en scène) ; de l’autre, le discours dirigé vers la scène mais destiné en réalité à un lecteur situé à distance et où l’utilité pratique importe moins. Dans tous les cas, cette réserve didascalique à l’égard des questions matérielles est le premier pas vers un retrait total de la sphère de la fabrication. Au milieu des années 1970, Koltès est prêt à écrire des pièces et non plus des spectacles. Il est prêt à abandonner (à l’écrit tout du moins) cette part physique liée à la représentation ainsi qu’une certaine avant-garde esthétisante qu’il condamnera bientôt : « Avant, je croyais que notre métier, c’était d’inventer des choses ; maintenant, je crois que c’est de bien les raconter9. » Le retour à la linéarité homogène d’un théâtre qui raconte d’abord et montre ensuite a lieu après l’expérience romanesque de La Fuite à cheval très loin dans la ville. Grâce à cette tentative romanesque, Koltès découvre des perspectives inédites. Du coup, la détechnicisation va s’accentuer et se combiner à un nouveau trait : une narrativisation du théâtre et particulièrement des didascalies. Cette nouvelle étape se lit évidemment dans La Nuit juste avant les forêts mais se repère aussi, de manière moins évidente, dans Sallinger.
- 10 Si l’on est encore loin des chiffres d’un Ionesco ou d’un Vauthier, c’est tout de même plus que les (...)
8Ces deux pièces se présentent l’une après l’autre dans la carrière de Koltès et ne sauraient être didascaliquement plus dissemblables. L’une se présente sans aucune didascalie de quelque forme que ce soit, l’autre en offre un très grand nombre : 402 indications totalisant 27500 signes. C’est le record de Koltès10, un sommet d’implication didascalique par le volume. Conséquemment, il y a fort peu de blancs dans le spectacle noté : la régie est scrupuleuse et omnisémiotique. Gestes, intonations, décor, aspect physique des personnages, environnement sonore ou lumineux sont copieusement pris en charge. Le didascale propose à l’écrit un spectacle quasi complet. Malgré cela, on constate une déprise par rapport à la scène réelle. Le texte didascalique y finit de se détechniciser. Les didascalies racontent plutôt qu’elles ne dirigent et fabriquent. Cela se manifeste de plusieurs manières.
- 11 Par exemple : l’anaphore de « glas » à l’ouverture de L’Héritage (p. 13) ; Servien qui « jouit de t (...)
9En premier lieu, le texte de régie est plus écrit, plus travaillé qu’auparavant. Les effets littéraires − qui n’étaient jusque-là que pépites éparses11 − se font plus nombreux et plus conséquents. Dans Sallinger, la didascalie travaille volontiers l’image − « À la surface de l’immense fauteuil de cuir flottent un chapeau, une bouteille, et le dessus d’un verre. Perdu au milieu, Al hoche la tête » (p. 22) − et ne dédaigne pas les constructions syntaxiques très ouvragées :
Et, dans une suite régulière d’éclairs bleus et de ténèbres, dans l’encadrement du portique, appuyé sur une colonne, face à Carole − alors que June ne peut pas arracher son regard de la salle d’où vient la lumière −, se tâtant doucement le crâne, et profondément absorbé − ténèbres blancs de neige, éclairs silencieux, lune à nouveau cachée −, apparaît et disparaît le Rouquin. (p. 21)
10Elle joue aussi de répétitions comme lors de la scène avec les deux Carole (p. 108) ou dans cette séquence fondée sur une anaphore :
Carole, blanche comme la pleine lune, avec au centre, le petit cercle rouge, presque noir, de ses lèvres. / Carole, petite, maigre, fragile, transparente, posée délicatement sur ses pieds comme en équilibre sur les pointes. Carole trempée des pieds à la tête, les cheveux plaqués, le visage couvert de gouttes qui coulent encore, les habits qui pendent en faisant des bosses et d’étranges ondulations autour d’elle. Carole, dont le bras est tenu par un policier affable et gêné. Carole, qui regarde cependant Ma droit dans les yeux, avec un pauvre sourire. (p. 43-44)
- 12 Les meilleurs exemples de ce style terre-à-terre sont dans La Marche : « très rythmé. presque chant (...)
- 13 Dans un texte où règne habituellement l’économie, l’expansion est un signe clair de littérarisation
- 14 Par exemple : « Jeu d’échecs sans joueurs […] », « Ils se courbent tous les trois, comme trois pier (...)
- 15 Sallinger, p. 84.
- 16 Voir Christophe Meurée, op. cit.
11Dans toutes ces didascalies, il y a promotion de l’expression au détriment de la fabrication, laquelle réclame un style plus terre-à-terre (pour ne pas dire gauche12) et des indications plus succinctes13 afin de réduire les difficultés de transcodification. De fait, l’épaisseur linguistique induit un rapport paradoxal à la précision scénique : la didascalie indique moins et suggère plus. Elle n’est plus − si elle le fut jamais − à aborder en terme de traduction fidèle mais de répercussions de l’image : c’est donc plus de possibilités en même temps que plus d’énigmes. Cette tendance imageante est déjà présente dans les pièces d’avant 1975, mais seulement de manière éparse14. Sallinger radicalise le procédé et ouvre la voie à un creusement du texte de régie. Nombre d’indications ne s’épuisent pas dans leur transcodification. Ainsi, lors de son accès de rage, le visage de Leslie est dit « lisse et froid comme celui d’un mort » et son souffle est comparé à celui « d’un coureur en fin de course » (p. 92). Les comparaisons ne servent pas qu’à spécifier la transcription scénique mais bien à évoquer la mort tragique de Leslie dans des didascalies prophétiques. Les indications sont à double détente. Les mots ne sont plus innocents et la lecture doit doubler le spectacle. Assurément, Koltès décrit ce qui se passe sur la scène ; mais, surtout, il écrit − au sens le plus riche du terme − le spectacle. C’est toute la différence entre ce qu’on peut faire et ce qu’on aimerait voir ; entre la didascalie pratique, pragmatique, directement utilisable et celle qui rêve la scène et laisse la réalisation aux professionnels, comme lors de la mort d’Henry : « Le corps d’Henry tombe, avec un bruit sec, et se disloque sur la route. […] Le petit linge blanc que triturait Henry plane un instant dans l’air, et se pose doucement sur le sol15. » La dislocation du corps et le vol au ralenti du linge blanc prouvent que la transcodification exacte n’est pas le souci de l’auteur. Koltès privilégie ici l’image à lire par rapport à l’image scénique, la scène rêvée − qui n’est pas sans lien avec les possibilités du cinéma (effet spécial ou effet de caméra16) − par rapport à la scène réelle.
- 17 Combat de nègre et de chiens, p. 107.
- 18 Les Amertumes, p. 32.
- 19 Ibid., p. 38.
12On notera à cet égard qu’indiquer des mouvements ou des intonations en didascalie n’est pas un indice sûr d’une prise en compte de la scène réelle. Toutes les indications corporelles ne sont pas forcément des indications scéniques en pratique. Si elles participent à donner du corps à la pièce, ce peut être un corps virtuel ou, pourquoi pas, cinématographique. Physiquement, la didascalie peut en effet demander l’impossible en indiquant un détail imperceptible (les « yeux […] injectés de sang17 » de Cal sont invisibles à la majorité du public), passablement oxymorique ou bien largement métaphorique (la chevelure dénouée de la Vieille « la transforme en une espèce de montagne18 »), voire carrément paroxystique jusqu’à la désintégration du corps : ainsi de Leslie disloqué ou de la Vieille des Amertumes qui « court en s’arrachant les bras19 ». À moins de recourir à des effets spéciaux − avec les risques que cela comporte − de telles indications ne peuvent être simplement transcodées mais doivent être interprétées, transposées. La récurrence de ce type d’indications chez Koltès prouve en effet un rapport ambivalent à la contingence scénique.
13Le refus d’une position de constructeur pragmatique se lit aussi dans la narrativisation et la naturalisation à l’œuvre dans les didascalies d’éclairage. De majoritairement extérieure − c’est-à-dire venant explicitement de la régie-lumière et décrivant sans détour couleur, direction, fréquence ou intensité − la lumière devient intérieure, intradiégétique si l’on veut :
- soit en convoquant une temporalité fictive, le plus souvent naturelle, liée à la course du soleil : « le jour se lève », « premières lueurs du jour », « fin de l’aube », « l’aurore », « le petit matin », « à midi », etc20. ;
- soit en renvoyant aux éléments fictifs de la fable : lumières des phares de voiture, de la ville, de l’ambulance, du soir dans Sallinger ; lumière des phares, de la lampe-torche, du générateur, jusqu’à la « nuée d’éphémères […] qui voile toute clarté » dans Combat (p. 60), etc.
- 21 Prenons un dernier exemple : « Le grand salon […] est éclairé par petites zones bien délimitées − u (...)
14Cette bascule est évidemment progressive. Inexistantes ou quasiment dans Les Amertumes et La Marche, ces didascalies intérieures ou naturelles gagnent progressivement en importance à partir de Procès ivre et de L’Héritage jusqu’à devenir majoritaires dans Le Jour des meurtres, même si elles cohabitent encore avec des indications externes. Sallinger met un terme à cette cohabitation. Koltès se débarrasse alors presque complètement des éclairages « ex machina ». Ainsi les « flashes » des Amertumes et les « éclairs » dans Le Jour des meurtres − où il n’est nulle part question d’orage, ni en didascalie ni dans le texte à dire − correspondent-ils à un effet stroboscopique extérieur. À partir de Sallinger, ces éclairs trouveront une motivation narrative (intérieure à la fable) : ils sont explicitement liés aux gyrophares de l’ambulance dans Sallinger et dus à l’orage puis au feu d’artifice dans Combat. L’utilisation du mot « projecteurs » dans Zucco (p. 13) − unique occurrence dans le théâtre de Koltès − est une autre preuve de l’évolution de la posture didascalique. Les projecteurs sont des outils de spectacle par excellence. Leur apparition dans le texte didascalique ruine généralement l’illusion réaliste : ils révèlent alors l’envers du décor, la construction dont le didascale est le complice sinon l’ordonnateur. Dans Zucco cependant, Koltès désigne moins les projecteurs réels de la régie-lumière que ceux fictionnels de la prison (même si les seconds sont forcément rendus à la scène par les premiers). On constate à nouveau le choix d’un mode qui fait fi de la fabrication et préfère rester au niveau de la fable21.
- 22 Encore faut-il préciser qu’il s’agissait d’une mise en scène minimale − diction monocorde, presque (...)
15Au final, La Nuit juste avant les forêts et Sallinger présentent donc deux modes didascaliques très différents − soit un dénuement didascalique total, soit une « détechnicisation » couplée à une densification de la matière verbale − mais traduisant le même retrait par rapport à la matière scénique. Dans la carrière dramatique de Koltès, ce retrait correspond à la délégation du spectacle à une figure de metteur en scène. Certes, l’auteur met lui-même en scène La Nuit22 mais il ne place aucune didascalie au revers du texte à dire, prouvant ainsi qu’il distingue désormais l’écriture de la pièce et sa mise en scène. La fonction de metteur en scène n’a plus sa place dans la brochure. La séparation des fonctions est encore plus claire dans Sallinger, écrit pour la troupe de Bruno Boëglin. Le rôle de Koltès est seulement de fournir le texte. D’où des didascalies plus nombreuses, plus imposantes mais aussi moins en prise avec les réalités matérielles. Cette délégation de la responsabilité scénique permet aux didascalies de s’alléger voire de disparaître dans un cas ; de s’épaissir, de se littérariser et de s’offrir à l’invisible dans l’autre. D’une manière ou d’une autre, la transcodification des indications n’est plus le souci majeur. La rencontre avec Chéreau ne fera que confirmer la tendance. Là où le retrait scénique se solde généralement par un silence didascalique (à la Musset) ou, quoique plus rarement, par une surcharge didascalique, Koltès propose l’un puis l’autre. Sa pièce suivante, Combat de nègre et de chiens, fera apparaître une voie moyenne, tendant à la fois vers le silence didascalique et la voix narrativisée : ce sera une voix sourde qui n’exclut pas quelques éclats notables dans des endroits stratégiques.
Une voix sourde
- 23 Dans la récente mise en scène de Michael Thalheimer (La Colline, mai-juin 2010), cette didascalie é (...)
16Combat constitue une nouvelle étape didascalique, un nouveau mode, complexe car intermédiaire, reposant sur quatre piliers. En premier lieu, cette pièce récupère la littérarisation mise au point dans Sallinger. À plusieurs reprises, la didascalie cherche à faire image pour le lecteur et met du même coup le metteur en scène dans un embarras certain. Les « Dernières visions d’un lointain enclos » en sont le meilleur exemple. La transcodification de ce passage est périlleuse, peut-être même dommageable, en tout cas secondaire : le texte vaut plus que le spectacle qu’il décrit justement parce qu’il décrit un spectacle qui excède largement les possibilités scéniques23.
- 24 On ne relève que les « chants brefs » dans la description des appels de la garde de Combat (p. 7) e (...)
- 25 Les bruits (notamment le cri des gardes) sont le point de départ même de la pièce (Une part de ma v (...)
- 26 Respectivement, L’Héritage, p. 26 ; Sallinger, p. 50 ; Les Amertumes, p. 49 et 52.
En second lieu, cette pièce propose, par rapport à Sallinger, une diminution de la matière scénique prise en charge par les didascalies, tendance qui ne fera que s’accentuer dans les pièces suivantes. Les didascalies sont en effet un peu moins nombreuses mais surtout beaucoup plus succinctes. En outre, elles embrassent un spectre scénique beaucoup moins étendu. Presque rien n’est dit de l’aspect des personnages (costumes, maquillage, coiffure) à l’exception des marques tribales et de l’ongle long d’Alboury, des blessures de Léone, et de Cal « couvert de boue noirâtre » (p. 73). Le jeu des acteurs lui-même donne lieu à beaucoup moins de didascalies et celles-ci sont bien moins nuancées : beaucoup d’indications sont de purs gestes, notés lapidairement. Autre signe de l’amoindrissement du spectaculaire : après Sallinger, les pièces de Koltès ne présentent plus aucune didascalie indiquant un passage dansé, et presque plus d’indications musicales24. Quant aux bruitages, s’ils sont essentiels dans Combat25 (une quarantaine de didascalies indiquent un effet sonore) et encore importants dans Quai Ouest (une vingtaine d’indications), ils sont quantité négligeable par la suite : plus que trois dans Le Retour au désert et à peine plus dans Zucco. L’environnement sonore, la mise en espace des corps, le jeu des acteurs sont de moins en moins le souci de l’auteur et de plus en plus celui du metteur en scène. Si Koltès aime toujours le spectacle, ce n’est plus à lui de le construire par des didascalies minutieuses. De fait, ce détachement se lit aussi dans la diminution des nuances didascaliques et donc des nuances scéniques. À une exception près, dans Zucco, le mot « presque » − présent à quatorze reprises des Amertumes à Sallinger − disparaît des didascalies à partir de Combat. Disparaît donc ce souci de la précision selon lequel un chant est « presque religieux », une pantomime « presque rituelle », un personnage « presque ahanant » et un crâne « presque nu26 ». La même remarque s’imposerait à propos de la locution « un peu » − sept occurrences didascaliques des Amertumes à Sallinger − qui connaît un effacement comparable à partir de Combat.
- 27 Puis deux dans Zucco et aucune dans Quai Ouest, Tabataba, Le Retour et La Solitude.
Troisièmement, la réduction du volume didascalique s’accompagne d’une réduction stylistique globale, les effets littéraires se concentrant aux extrémités de la pièce ou de certaines séquences (la VIe ; la VIIIe et la IXe). En dehors de ces cinq moments (p. 7, 41-42, 57, 60 et 106-108), les indications se font lapidaires, factuelles là où Sallinger n’hésitait pas à aller dans la tartine et l’image. Un indice clair est la baisse très nette des comparaisons d’une pièce à l’autre : dix-huit dans les indications de Sallinger, trois dans celles de Combat27. À de rares exceptions près, le texte didascalique est désormais un exemple de sobriété.
- 28 Il n’y a que Zucco qui déroge à cette règle mais peut-être n’est-ce dû qu’à la mort prématurée de l (...)
- 29 Heiner Müller, « Aucun texte n’est à l’abri du théâtre », in Bernard Desportes, Koltès, la nuit, le (...)
- 30 Ibid., p. 129.
17Enfin − et c’est le quatrième trait définitoire − le retrait spectaculaire et l’aplatissement stylistique coïncident avec le développement du « à lire » dans les marges du texte. Ce sont les fameux « Carnets de Combat de nègre et de chiens », ouverture sans précédent du théâtre à des épitextes qui l’épaississent. Koltès reprendra et approfondira cette technique d’épaississement dans ses pièces suivantes avec l’ouverture narrative, les annexes et « Un hangar, à l’ouest » pour Quai Ouest, la définition liminaire du deal dans La Solitude, les « Cent ans d’histoire de la famille Serpenoise » dans Le Retour au désert28. À cela, il faudrait encore ajouter les intertitres et le travail des épigraphes que la critique a souvent évoqués. Se combinent donc un dessèchement didascalique au centre de l’œuvre et un affranchissement/épaississement dans les bords du drame. Tel décentrement concorde avec le trajet personnel et la vision du monde de Koltès proches du désamarrage rimbaldien. À l’instar de Bernard Desportes, on rapportera ici les mots de Heiner Müller : « Au centre rien ne bouge plus, les mouvements ne partent que des marges […] géographiques et sociologiques29. » Il en va de même pour les marges textuelles car c’est là que se déroule le vrai métissage générique. Il y a donc promotion des espaces marginaux, avant et après le noyau dramatique. Chez Koltès, la « prédilection pour les lieux bizzares [sic30] » et les outsiders coïncide avec l’intérêt pour les textes en marge.
- 31 Le Retour au désert compte 139 didascalies totalisant 3600 signes. C’est quatre fois moins de signe (...)
- 32 Une part de ma vie, p. 140.
18La nouvelle manière initiée par Combat est encore valide pour définir Quai Ouest, à un détail près : la voix didascalique se fait de plus en plus sourde au cœur de la pièce même si elle a encore de belles inflexions à l’ouverture du texte. Dans Le Retour au désert, le mouvement est achevé. La pièce ne présente plus qu’un squelette didascalique31 : indications aplaties au maximum et parcimonieusement distribuées. Tabataba est encore plus dénudé. Koltès choisit la limitation : il décide d’en dire moins et de manière très neutre afin de laisser l’interprétation (aux deux sens du terme) ouverte. Ce retrait scénique et didascalique est également à mettre en relation avec le retrait analytique qui caractérise son écriture : « […] quand on raconte un personnage, ce personnage se promène avec ses énigmes, et moi, je ne suis pas là pour les résoudre ; au contraire, je suis là pour les montrer32. » D’où une pratique dramatique qui s’éloigne de l’explicitation, qui fait des coupes sombres dans le métatexte didascalique. Ce retrait fait partie d’une stratégie d’oblicité plus large :
- 33 Ibid., p. 13.
On sait, par exemple, qu’on ne peut rien faire dire par un personnage directement, on ne peut jamais décrire comme dans le roman, jamais parler de la situation, mais la faire exister. On ne peut rien dire par les mots, on est forcé de la dire derrière les mots. Vous ne pouvez pas faire dire à quelqu’un : « Je suis triste », vous êtes obligé de lui faire dire : « Je vais faire un tour33 ».
- 34 Cette baisse est aussi à mettre en correspondance avec le rapport plus direct avec le comédien (et (...)
- 35 Une dizaine d’indications psycho-affectives dans Quai Ouest, une demi-douzaine dans Zucco, une seul (...)
- 36 Procès ivre, p. 61.
- 37 Une part de ma vie, p. 65.
- 38 Ibid., p. 132.
- 39 Quai ouest, p. 89.
- 40 Une part de ma vie, p. 14.
19Les indications psycho-affectives semblent tomber sous le coup du même interdit34 : il y en avait plus de soixante-cinq dans Sallinger, il y en a moins de dix dans Combat et cette désensibilisation de la didascalie marque toutes les pièces postérieures35. Le mode d’emploi didascalique se fait de plus en plus mince. Dans Tabataba et encore plus dans La Solitude, le dialogue s’offre seul et quasiment nu à l’interrogation des lecteurs. La plasticité de l’œuvre augmente en conséquence : Chéreau peut ainsi monter la pièce à trois reprises. Sans pousser jusqu’au dénuement total, la réduction et l’aplatissement didascaliques permettent aussi d’augmenter l’ambiguïté des situations. C’est le cas dans la scène VII de Combat où se déroule « quelque chose comme un viol ou simplement une agression, ou simplement une délicatesse amoureuse », pour citer une indication d’une autre pièce36. Aucune didascalie ne permet de réduire vraiment l’ambiguïté du face-à-face entre Léone et Cal. Le lexique des indications est peu marqué, caractérisé par une euphémisation évidente : Cal prend Léone par le bras, puis dans ses bras, la lâche, l’attire à nouveau dans ses bras, la tient très fort. Il n’y a pas de violence obvie du lexique (du type saisit, empoigne, etc.). N’étaient quelques indices de ce qui se passe vraiment − Léone « le repousse » puis « s’enfuit » − les gestes restent globalement du domaine de l’acceptable et on peut hésiter entre la violence et la délicatesse, notamment lorsque Cal « prend la main » de la jeune femme. L’ambiguïté atteint son maximum à la lecture des indications « Elle se relève » et « Elle se lève » car il n’est dit nulle part qu’elle s’assoit. Où s’assied-elle d’ailleurs, dans la mesure où la scène se passe non pas sous la véranda mais près du bougainvillée ? par terre ? quelque part sur la camionnette ? Il est impossible de le dire. Peut-être même n’est-elle pas assise mais couchée par terre, plaquée au sol par Cal… Évidemment, le texte ne le dit pas, mais il ne dit pas non plus le contraire. Si, dans ses entretiens, l’auteur s’est formellement opposé aux metteurs en scène qui ont sexualisé ce face-à-face37, il reste que cette lecture est plausible. Tout est fait pour que cette scène laisse flotter des effluves de viol. Après tout, « “ça” dit beaucoup de choses encore une fois, surtout quand “ça” ne les dit pas38 ». Koltès en dit plus en en disant moins. Quand il ne supprime pas toutes les didascalies, il les assourdit massivement − à l’exception de certaines qui brûlent alors en lettres de feu : « Fak baise Claire39 » − et s’épanche seulement dans les marges paratextuelles et/ou didascaliques. C’est là particulièrement qu’il va « fabriquer […] des instruments à [sa] mesure40 ».
Un hangar, en marge
20Il convient de partir de cette phrase devenue fameuse :
- 41 Ibid., p. 47.
[…] j’ai un peu conçu Quai ouest comme on pourrait construire un hangar […] ; un espace le plus large et le plus mobile possible, à la fois ouvert aux courants d’air et aux lumières, et étanche si on le veut ; une forme suffisamment solide pour pouvoir contenir d’autres formes en elle41.
Comme le hangar, la pièce est donc un lieu de rencontre d’éléments hétérogènes. La critique s’est déjà penchée sur la romanisation, l’ouverture au cinéma ou autres formes de métissage générique à l’œuvre dans le théâtre de Koltès. Pour ma part, je m’arrêterai seulement sur les conséquences sur la didascalie elle-même de la métaphore du hangar, construction oxymorique, à la fois poreuse et étanche.
- 42 L’absence totale de didascalie dans La Nuit juste avant les forêts est ce qui contribue le plus à b (...)
21La didascalie est ce qui caractérise le plus typographiquement le genre dramatique ; elle est, à l’écrit, sa part la plus charnelle et la plus liée au spectacle ; elle est linguistiquement ce qui permet le bon fonctionnement du dialogue et de la lecture. Elle est un cadre énonciatif, un point d’ancrage pour le lecteur et l’élément principal de fixation générique42. C’est cette fonction de cadre ou de socle que Koltès va travailler jusqu’à la caricature et saper dans le même temps. Le prélude didascalique de Quai Ouest − constitué de la didascalie spatiale, des dramatis personæ et du fameux récit de la rencontre de Charles et Abad (p. 7-9) − en est un excellent exemple. La didascalie spatiale ne lésine pas sur l’expression de la mise à l’écart, de l’abandon du lieu : « Dans un quartier à l’abandon d’une grande ville portuaire occidentale, séparé du centre-ville par un fleuve, un hangar désaffecté de l’ancien port. » La déréliction est extrême, la déshérence paroxystique, quasi mythologique. La pièce, et c’est paradoxal, s’ouvre sur un lieu excessivement marqué par le signe moins. Tout aussi caricatural est l’effet-bloc de la liste de personnages :
Koch, Maurice, soixante ans ; Pons, Monique, quarante-deux ans. Cécile, soixante ans ; sa fille Claire, quatorze ans ; son mari Rodolfe, cinquante-huit ans ; et Charles, leur fils de vingt-huit ans. Un garçon surnommé Fak, de vingt-deux ans environ. Et un homme d’une trentaine d’années, sans nom, que Charles, au début, appela deux ou trois fois « Abad ».
- 43 Cela va à l’encontre de ce qu’on attend des dramatis personæ. Cet index liminaire des personnages s (...)
- 44 Voir les propos de Koltès sur le sang neuf des immigrés comme jouvence salutaire (Une part de ma vi (...)
C’est la première et unique fois que Koltès recourt à cette présentation compacte, presque impénétrable43, laquelle crée une homogénéité visuelle de ce microcosme. On a affaire à une structure close, régulière, apparemment étanche. Mais, comme c’est le cas pour le hangar, l’étanchéité n’est qu’un leurre. Ce bloc présente de nombreuses lézardes, à commencer par les disparités onomastiques. Les bourgeois perdus dans cet espace interlope bénéficient d’une désignation complète (nom et prénom). Les membres de la nouvelle famille des Orties ne sont, quant à eux, désignés que par leur prénom. Ce sont surtout les deux derniers personnages qui subissent le plus fort du délitement onomastique : passage du nom au surnom (« surnommé Fak ») puis du surnom à l’anonymat (« sans nom ») ou para-anonymat, c’est-à-dire un à peine nom, presque jamais usité (« que Charles, au début, appela deux ou trois fois Abad »). L’érosion de la régularité à mesure que l’on va vers les outsiders se repère aussi dans l’expression des âges : d’abord nette, elle perd progressivement de sa précision (« 22 ans environ », « d’une trentaine d’années »). Du coup, la rigueur administrative du début (nom, prénom, âge) s’estompe, la sécheresse diminue, le vague et la vie s’imposent à mesure que l’on s’approche de la fin de la liste et des deux jeunes immigrés44.
- 45 Voir la référence un peu acrobatique du possessif « leur » (« Charles, leur fils de vingt-huit ans (...)
22L’évolution se joue aussi dans la syntaxe. Cette liste qui commence dans le degré zéro de l’écriture fait d’abord apparaître une anacoluthe45 puis une expansion phrastique assez complexe et finit sur un passé simple − pierre de touche du système des Belles Lettres, pour paraphraser Barthes − qui finit de « décrocher » la didascalie de son statut usuel. Placé là, ce tiroir verbal permet une transition stratégique avec le morceau narratif qui suit les dramatis personæ et raconte la rencontre d’Abad et de Charles. C’est un bel effet de lissé qui rend presque insensible le passage de l’insistance et de la rigidité didascalique à une parole autre, inédite. Sont donc remises en cause (après avoir été ironiquement mises en scène) l’homogénéité du personnel dramatique, les coutumes et l’efficacité didascaliques et, évidemment, la clôture générique. Koltès prend un malin plaisir à épaissir le prélude didascalique tout en le déformant, à se montrer si précis et insistant pour finir par un effet de tremblé. Le cadre didascalique est posé puis éprouvé puis allègrement transgressé. Il y a donc tout un jeu de fixation/érosion, un jeu entre dire et se dédire ; il y a tout un travail sur les bords de la didascalie aux bords mêmes du texte et concernant des personnages borderline.
- 46 Voir Catherine Brun, « Le Retour au désert : un drame algérien ? », in Christophe Bident, Régis Sal (...)
23Tabataba, Le Retour au désert et Dans la solitude des champs de coton illustrent également ce jeu de cadrage/décadrage. Dans Tabataba, les dramatis personæ en bonne et due forme − on note l’hyper-régularité : trois alinéas pour trois personnages définis chacun en trois mots − intègrent pourtant un personnage hautement problématique : « Harley Davidson, moto ». Par la didascalie, l’inanimé acquiert le statut de personnage : ce n’est que justice dans la mesure où cet objet remplace très réellement toutes les filles aux yeux de Petit Abou. Dans Le Retour au désert, le texte didascalique est caricatural dans sa sécheresse mais surtout dans sa rigueur comme le prouve le recours à des didascalies de structure chiffrées sur deux niveaux : en chiffres romains pour les actes, en chiffres arabes pour les scènes, même si les mots « acte » et « scène » n’apparaissent jamais. Cette structure qui joue à fond le jeu du classicisme est sapée de l’intérieur par les titres en arabe posant une temporalité paradoxale, chamboulée, trompeuse46. Le même jeu ironique entre l’affirmation du cadre et sa mise à mal se repère enfin dans La Solitude. Cette œuvre est une caricature de dénuement didascalique − la pièce ne contient que des indications de source locutoire, sorte de service minimum − mais offre à l’ouverture un morceau textuel inédit :
Un deal est une transaction commerciale portant sur des valeurs prohibées ou strictement contrôlées, et qui se conclut, dans des espaces neutres, indéfinis, et non prévus à cet usage, entre pourvoyeurs et quémandeurs, par entente tacite, signes conventionnels ou conversation à double sens − dans le but de contourner les risques de trahison et d’escroquerie qu’une telle opération implique −, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, indépendamment des heures d’ouverture réglementaires des lieux de commerce homologués, mais plutôt aux heures de fermeture de ceux-ci.
- 47 Koltès fait de l’ironie le fondement de son théâtre (Une part de ma vie, p. 85-86).
Comme l’a montré la critique, ce texte liminaire est une définition efficace de la dramaturgie koltésienne. À certains égards, elle se présente aussi comme une manière de didascalie : elle donne un temps, un lieu, une ambiance, la motivation des parties en jeu et le mode de communication utilisé (le cryptage). En fait, cette définition est profondément ironique47. D’une part, elle définit le deal comme une transaction non-autorisée dans un espace-temps non-autorisé alors qu’elle se présente elle-même comme une entrée de dictionnaire, ouvrage qui représente, dans le domaine du lexique, l’autorité même. D’autre part, cette définition flirte avec l’indéfini et s’annule elle-même. Qu’il s’agisse du lieu, de l’heure ou de l’enjeu du face-à-face, on n’a finalement pas grand chose de solide sur quoi s’appuyer. L’échange concerne des objets prohibés ou « contrôlés » (c’est-à-dire, à la lettre, non prohibés) ; dans des lieux non prévus à cet usage, mais également « neutres » (c’est-à-dire ni l’un ni l’autre, ni prévu, ni non prévu) ; de préférence la nuit mais cela n’a aucun caractère définitif ; etc. Même les dénominations « pourvoyeurs »/ « quémandeurs » ne sont pas celles reprises dans les didascalies de source locutoire (le Client / le Dealer), ce qui contrevient aux règles du fonctionnement des dramatis personæ. Cette indication, si c’en est une, est donc moins définitoire que mimétique du jeu du un pas en avant, un pas en arrière qui se joue entre le Client et le Dealer. Elle indique sur un mode second. Autrement dit, elle indique sans indiquer ou bien encore : elle indique parce que justement elle n’indique pas directement. C’est tout le génie de Koltès qui est résumé ici : une quête d’ambiguïté et de densification, deux notions élevant ce théâtre au niveau du mythe. Du point de vue didascalique, cela correspond à un long et raisonné travail d’imprécision qui trace pour mieux flouter, qui définit pour mieux in-définir. Alors que la didascalie est un texte d’accompagnement, généralement terre-à-terre, censé préciser et matérialiser, elle devient un instrument de dé-matérialisation, de dé-mesure, de transgression.
- 48 Ibid., p. 47-48.
- 49 Je tiens à remercier très chaleureusement Cyril Desclés pour son temps, sa gentillesse et, bien sûr (...)
La plupart des dramaturges du xxe siècle suivent la même évolution didascalique : une implication de plus en plus importante et de plus en plus experte dans la sphère du spectacle grâce à des indications plus nombreuses, plus précises, plus techniques. Koltès, au contraire, n’a de cesse d’éloigner son texte de régie de la scène réelle, de le dépouiller des didascalies les plus matérielles, techniques et fonctionnelles. Discrète mais réelle en début de sa carrière, la réticence scénique enfle rapidement et s’affirme. Du coup, malgré des modes didascaliques apparemment différents − depuis l’extrême nudité jusqu’à la littérarisation diffuse en passant par la voix sourde et l’ouverture épitextuelle avec hybridation générique − il n’y a pas de rupture réelle dans la voix didascalique de Koltès, seulement un mûrissement. La ligne de fuite reste donc inchangée : dématérialisation/détechnicisation et re-littérarisation de la brochure. « J’ai pensé que le texte de théâtre ne devait pas obligatoirement n’être qu’un matériau pour un spectacle, mais pouvait être lu, comme un roman, si on s’attachait à lui donner une forme à lire », confie Koltès en 198548. On ne saurait mieux exprimer la volonté de conjurer la fatalité scénique du théâtre : il y a une vie de la pièce en dehors de son effectuation sur scène. Dans cette entreprise de libération, la didascalie − assourdie et aplatie au cœur de l’œuvre mais épaissie et hybridée dans les marges − a un rôle de choix49.
Notes
1 Depuis l’an 2000, et pour s’en tenir aux seuls articles, on citera : Patricia Duquenet-Krämer, « Un théâtre de l’insolence poétique : le bloc didascalique dans les pièces de Bernard-Marie Koltès », Études théâtrales, n° 19, Université catholique de Louvain, 2000, p. 98-110 ; André Job, « L’“autre scène” koltésienne : paratexte, didascalie et décentrement multiple de l’énonciation », in Frédéric Calas et alii (dir.), Le texte didascalique à l’épreuve de la lecture et de la représentation, Sud éditions / Presses Universitaires de Bordeaux, Pessac, 2007, p. 335-349 ; Christophe Meurée, « La didascalie-écran : Bernard-Marie Koltès », in Florence Fix et Frédérique Toudoire-Surlapierre (dir.), La didascalie dans le théâtre du xxe siècle. Regarder l’impossible, Éditions Universitaires de Dijon, 2007, p. 209-222 ; André Petitjean, « Description stylistique des didascalies koltésiennes », in André Petitjean (dir.), Bernard-Marie Koltès : textes et contextes, CELTED, Université Paul Verlaine-Metz, coll. « Recherche Textuelle », 2010, p. 291-302 ; Florence Bernard, « La didascalie dans l’œuvre de Koltès, de la représentation à la lecture », in Florence Bernard et Marie-Claude Hubert (dir.), De l’hypertrophie du discours didascalique au xxe siècle, Presses Universitaires de Provence, coll. « Textuelles », 2012, p. 131-142.
2 Bernard-Marie Koltès, Une part de ma vie (Entretiens 1983-1989), Minuit, 1999, p. 86. Sauf indication contraire, toutes les références renverront aux œuvres de Koltès publiées chez Minuit entre 1983 et 2009. Nous nous contenterons désormais de préciser l’œuvre citée et la page.
3 Une part de ma vie, p. 67.
4 Voir Florence Bernard, op. cit.
5 178 indications et 7600 signes environ sur 43 pages soit une moyenne de 4,1 indications et 175 signes par page.
6 Ces pièces comptent entre deux et quatre indications par page en moyenne mais seulement entre 90 et 135 signes. Des Voix sourdes constitue logiquement une exception : la réduction drastique des indications − 140 indications mais seulement 2215 signes, soit à peine plus de 26 signes par page − est largement due au médium radiophonique, synonyme de dématérialisation globale du « spectacle ».
7 Procès ivre, p. 38 ; Récits morts, p. 33 et 34 ; Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, p. 54.
8 « Un hangar, à l’ouest », Roberto Zucco, p. 120.
9 Une part de ma vie, p. 10.
10 Si l’on est encore loin des chiffres d’un Ionesco ou d’un Vauthier, c’est tout de même plus que les 24 000 signes de Fin de partie. (En nombre de signes par page, Fin de partie ne surpasse Sallinger que de peu : 236 contre 229.) C’est également plus que Combat de nègre et de chiens et Quai ouest réunis (respectivement 12 100 et 13 900 signes didascaliques environ).
11 Par exemple : l’anaphore de « glas » à l’ouverture de L’Héritage (p. 13) ; Servien qui « jouit de tout et disparaît dans l’ombre, caressant l’ombre » (Récits morts, p. 90) ; « Claudius la nuit [sic], comme une planète sur sa courbe » (Le Jour des meurtres dans l’histoire d’Hamlet, p. 17).
12 Les meilleurs exemples de ce style terre-à-terre sont dans La Marche : « très rythmé. presque chanté, sans arrêt. d’abord sourd, comme un grondement. puis de plus en plus fort, mais pas jusqu’à l’extrême » (p. 40) ; « l’époux, beau et tranquille ; passionné, mais sans le risque, juste la plénitude » (p. 9). C’est le style typique − fait d’épanorthoses, de spécifications quantitatives, de comparaisons − du dramaturge qui souhaite que l’on traduise au plus près l’image mentale qu’il a de telle scène ou de tel jeu.
13 Dans un texte où règne habituellement l’économie, l’expansion est un signe clair de littérarisation.
14 Par exemple : « Jeu d’échecs sans joueurs […] », « Ils se courbent tous les trois, comme trois pierres » (Les Amertumes, p. 31 et 47), etc.
15 Sallinger, p. 84.
16 Voir Christophe Meurée, op. cit.
17 Combat de nègre et de chiens, p. 107.
18 Les Amertumes, p. 32.
19 Ibid., p. 38.
20 C’est Quai Ouest qui va le plus loin dans cette temporalisation/naturalisation des lumières − « Une soudaine trouée dans les nuages éclaire fugitivement l’immense façade du hangar » (p. 14) − même si elle est parfois anti-naturelle, anti-réaliste comme lorsque le soleil « dégringole » (p. 99) sous le regard de Cécile ou qu’il « monte dans le ciel à toute vitesse » (p. 37).
21 Prenons un dernier exemple : « Le grand salon […] est éclairé par petites zones bien délimitées − un fauteuil de cuir avec un lampadaire, une commode avec une lampe colorée, la fenêtre avec une applique −, tout le reste étant dans la pénombre. » (Sallinger, p. 21) Du point de vue de la réalisation, de tels appareils d’éclairage produisant une lumière diffuse ne peuvent suffire à créer des niches scéniques bien séparées : le recours aux projecteurs est nécessaire. Koltès, qui s’est intéressé de près aux éclairages lorsqu’il était au TNS, le sait mais décide de ne pas s’en préoccuper. Il privilégie l’illusion : le spectacle procède désormais tout entier de la fable. Dans les premières pièces, les choses n’étaient pas aussi tranchées.
22 Encore faut-il préciser qu’il s’agissait d’une mise en scène minimale − diction monocorde, presque pas de décor, éclairages rudimentaires − et laissant une large place à l’input du comédien (Yves Ferry) en qui Koltès a toute confiance.
23 Dans la récente mise en scène de Michael Thalheimer (La Colline, mai-juin 2010), cette didascalie était ainsi vocalisée par le chœur, expédient qui permet d’éviter de proposer une transcription décevante du dit didascalique. Du même coup, cela élève le dire didascalique à la dignité de la scène.
24 On ne relève que les « chants brefs » dans la description des appels de la garde de Combat (p. 7) et la « chanson paillarde des parachutistes » dans Le Retour au désert (p. 41).
25 Les bruits (notamment le cri des gardes) sont le point de départ même de la pièce (Une part de ma vie, p. 12).
26 Respectivement, L’Héritage, p. 26 ; Sallinger, p. 50 ; Les Amertumes, p. 49 et 52.
27 Puis deux dans Zucco et aucune dans Quai Ouest, Tabataba, Le Retour et La Solitude.
28 Il n’y a que Zucco qui déroge à cette règle mais peut-être n’est-ce dû qu’à la mort prématurée de l’auteur.
29 Heiner Müller, « Aucun texte n’est à l’abri du théâtre », in Bernard Desportes, Koltès, la nuit, le nègre et le néant, La Bartavelle, 1993, p. 27. On sait que Koltès fait grand cas de l’auteur allemand (Une part de ma vie, p. 108).
30 Ibid., p. 129.
31 Le Retour au désert compte 139 didascalies totalisant 3600 signes. C’est quatre fois moins de signes que dans Quai ouest, plus de sept fois moins que dans Sallinger.
32 Une part de ma vie, p. 140.
33 Ibid., p. 13.
34 Cette baisse est aussi à mettre en correspondance avec le rapport plus direct avec le comédien (et l’évincement du metteur en scène parasite) que célèbre Koltès en 1988 (ibid., p. 143).
35 Une dizaine d’indications psycho-affectives dans Quai Ouest, une demi-douzaine dans Zucco, une seule dans Le Retour et Tabataba, aucune, évidemment, dans La Solitude.
36 Procès ivre, p. 61.
37 Une part de ma vie, p. 65.
38 Ibid., p. 132.
39 Quai ouest, p. 89.
40 Une part de ma vie, p. 14.
41 Ibid., p. 47.
42 L’absence totale de didascalie dans La Nuit juste avant les forêts est ce qui contribue le plus à brouiller le statut générique de l’œuvre. Une didascalie de source locutoire à l’ouverture et la question ne se poserait pas de manière aussi aiguë.
43 Cela va à l’encontre de ce qu’on attend des dramatis personæ. Cet index liminaire des personnages se doit d’être plus maniable : on doit pouvoir s’y reporter aisément si l’on a besoin d’identifier les protagonistes en cours de lecture.
44 Voir les propos de Koltès sur le sang neuf des immigrés comme jouvence salutaire (Une part de ma vie, p. 116 et 126-127).
45 Voir la référence un peu acrobatique du possessif « leur » (« Charles, leur fils de vingt-huit ans ») qui lie Cécile et Rodolfe par-dessus Claire.
46 Voir Catherine Brun, « Le Retour au désert : un drame algérien ? », in Christophe Bident, Régis Salado et Christophe Triau (dir.), Voix de Koltès, Atlantica, Anglet, coll. « Carnets Séguier », 2004, p. 85-105.
47 Koltès fait de l’ironie le fondement de son théâtre (Une part de ma vie, p. 85-86).
48 Ibid., p. 47-48.
49 Je tiens à remercier très chaleureusement Cyril Desclés pour son temps, sa gentillesse et, bien sûr, les précieuses informations qu’il m’a fournies : elles m’ont permis de mener à bien cet article.
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.