Les récits d’amour dans les factums du xixe siècle
p. 261-277
Résumé
Au xixe siècle, l’amour envahit les tribunaux. Les récits passionnels s’exposent dans de très nombreux factums. Mal catalogués, très denses, très abondants, ces documents n’ont guère été utilisés par les historiens de la famille ou des sensibilités. Pourtant, leur contenu s’avère riche d’informations sur les évolutions sociétales majeures que l’époque a connues. J’ai recensé 150 affaires à partir d’environ 300 documents de 1810 à 1907. La moitié concerne des crimes, l’autre moitié du contentieux lié à la législation matrimoniale. Leur nombre tend à diminuer à partir de 1884, conséquence sur les comportements de la loi Naquet qui autorise le divorce. Ces textes, rédigés par des avocats prestigieux ou qui le deviennent, dépassent donc largement la sphère privée pour se positionner dans le champ du politique.
Texte intégral
1Du crime passionnel à la demande de divorce, l’amour envahit les tribunaux. Il n’est donc pas étonnant qu’il soit l’objet de ce mémoire particulier appelé factum, c’est-à-dire de « cet exposé des faits rédigés à l’occasion d’une instance judiciaire1 ». Bien que les fonds de la Bibliothèque nationale regorgent de factums concernant des affaires de vie privée, où s’expriment les sentiments et en particulier l’amour, ils restent très négligés par les historiens de l’intime pour trois raisons. La première raison tient paradoxalement à leur abondance. Largement pourvu de matière, le chercheur est à la peine pour démêler l’écheveau de ces milliers d’histoires compliquées, rocambolesques, parfois sordides, peuplées de personnages dont les noms sont souvent inconnus et sur lesquels les informations manquent. S’ajoute à cette première difficulté, une deuxième, celle du repérage des « affaires de cœur » dans des catalogues alphabétiques composés jusqu’à présent à partir du nom des commanditaires, le catalogue thématique étant seulement en cours de constitution. Ainsi l’important catalogue d’Augustin Corda, continué par Trudon des Ormes, pour les factums conservés à la Bibliothèque nationale antérieurs à 1789, ne possède pas d’entrée thématique2. Ces difficultés subsistent pour le xixe siècle, malgré les efforts entrepris par les conservateurs pour commencer à indexer le fonds, en introduisant pour chacune des fiches le nom des parties et de l’avocat, la date du document, les matières traitées et le type de cause (civile ou criminelle). Troisième raison, le factum, et pour cause, ne peut se faire l’écho que d’événements judiciaires, donc de mœurs scandaleuses, c’est-à-dire de la transgression et du crime. Or, les historiens préfèrent se plonger dans les archives judiciaires, comme le fait Anne-Marie Sohn3, parce que les informations sont plus nourries, les procès sont relatés dans leur ensemble et que l’on peut jauger des attentes sociétales lorsque l’on connaît l’issue des jugements qui justement font défaut dans cette source. Les factums ne livrent, en effet, qu’une vue parcellaire, morcelée et biaisée, puisqu’ils sont rédigés par l’avocat de l’une des parties. Ils n’évoquent pas la procédure dans son ensemble ; ils ne donnent qu’un point de vue. Ils plongent donc dans la vie privée d’une manière insolite, par le biais du scandale, ce qui nécessite de construire un discours méthodologique neuf consistant à ne pas leur demander plus qu’ils ne peuvent apporter et à saisir toute la richesse de ce qu’ils suggèrent. C’est dans cet esprit que je vais indiquer quelques éléments de repérage dans ce fonds et quelques éléments problématiques.
Une source narrative reflet de situations complexes du xixe siècle
2À partir d’affaires repérées par mes soins pour une précédente étude sur l’adultère4, complétée par la recension d’affaires criminelles conservées dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France, en excluant les procédures remontant à la période révolutionnaire (le droit a été modifié entre 1804 et 1810) et en tenant compte du fait que plusieurs factums peuvent concerner un même cas, j’ai repéré un peu plus de 300 documents utiles, représentant 150 instructions judiciaires5.
3Les factums concernant les affaires de mœurs ne sont pas propres au xixe siècle. Bien au contraire, ils sont très nombreux aux xviie et xviiie siècles. Ils disparaissent une première fois entre 1789 et 1810, puis définitivement sous la Troisième République. Le premier factum de mon corpus date de 1810, c’est une demande de divorce, et les trois derniers de 1907, toujours des divorces conflictuels, avec des différends au sujet de la garde des enfants. On constate une grande concentration de factums entre 1847 et 1851, au cours de la décennie 1860 et durant les années 1872, 1873 et 1874.
4L’exploration a été faite dans trois types d’affaires : les violences à l’intérieur de la famille, les crimes « passionnels » et les poursuites résultant de la législation du mariage (annulations, séparations de corps et adultères), en gardant présent à l’esprit que, bien souvent, chaque histoire cumule différentes entrées. Les types d’infraction se répartissent en deux groupes d’importance équivalente. La première moitié est de nature criminelle : meurtres passionnels ou crimes punis par la loi, comme l’attentat à la pudeur qui autorise les magistrats à poursuivre les homosexuels. Deux affaires relatent l’assassinat d’une servante concubine enceinte par le maître de maison, deux autres le meurtre de l’amant par le mari trompé, trois autres le meurtre du mari par son épouse ou l’amant de celle-ci, six autres celui de l’épouse infidèle et sept autres des empoisonnements à l’intérieur de la famille. Il y a huit viols sur adultes, quatre sur mineures avec assassinats et trois incestes. Je n’évoquerai pas les procédures concernant les enfants, car sont-elles vraiment des affaires d’amour ? Il s’agit d’un instinct perverti où l’adulte veut se rassurer et exprimer son désir de possession en s’attaquant à un être faible. La société condamne sévèrement ces faits, le contexte de l’époque tendant à faire du criminel un personnage stéréotypé. Le pédéraste sert de révélateur à la nocivité de l’homosexualité, perçu comme un danger social. Dans l’affaire de la rue du Rempart en 1845, qui voit passer 46 accusés à la barre, le juge d’instruction, le baron de Saint-Didier, déclare sans ambages que la pédérastie est « l’école où se formaient les plus habiles et les plus audacieux criminels6 ». D’une manière générale, j’insisterai plus sur l’autre partie du corpus, d’où les meurtres sont absents, parce qu’elle témoigne de situations plus courantes.
5L’autre moitié des cas relève, en effet, du contentieux matrimonial : récusation de concubinage par un époux, demande de pension alimentaire par une concubine et ses enfants à un banquier marié, fausse promesse de mariage, problèmes liés à la loi qui supprime le divorce en 1816, une demande d’annulation d’un mariage pour erreur sur la personne... Une centaine de cas concernent des séparations de biens (ou des divorces après 1884), dont la moitié consécutive à des accusations d’adultère et l’autre moitié liée à des litiges financiers entre époux. Cette évolution thématique et chronologique des procédures liées à la législation matrimoniale découle naturellement de l’évolution de cette législation qu’il convient de rappeler rapidement. Entre 1804 et 1816, le divorce est possible. En effet, le Code civil maintient le droit au divorce instauré en 1792, mais supprime le divorce par consentement mutuel. Reste donc le divorce pour faute qui entraîne des procès, la faute la plus fréquemment invoquée étant l’infidélité conjugale. Le mari peut demander le divorce pour cause d’adultère de sa femme (article 229), à condition toutefois d’être lui-même irréprochable (article 336). Il faut noter que ce point est particulièrement important car, lorsque l’épouse est convaincue d’adultère, elle est sur réquisition du ministère public punie d’une peine de trois mois à deux ans de prison. Le fait pour un magistrat civil de prononcer une peine constitue « un cas absolument unique dans la procédure française7 ». Autre signe de l’inégal traitement en fonction du sexe, la femme ne peut demander le divorce pour cause d’adultère de son mari que « lorsqu’il aura tenu sa concubine dans la maison commune » (article 230), en d’autres termes que s’il fait vivre sa maîtresse au domicile conjugal.
6Après 1816, la loi Bonald fait disparaître le divorce. La séparation de corps devient l’unique forme légale de rupture conjugale en vigueur jusqu’en 1884, date du rétablissement définitif du divorce par la loi Naquet. Elle peut être obtenue pour violences, sévices, injures graves et adultère, dans des conditions similaires à celles qui entraînaient le divorce8. Ces séparations donnent lieu à de nombreux factums, qui ne doivent pas dissimuler que le nombre réel des séparations reste modeste9, car la loi est dissuasive : elle ne résout que les problèmes d’argent et de garde d’enfants, mais ne permet pas le remariage, entraînant des situations de concubinage conflictuelles. Ainsi, lorsque l’épouse séparée vit en concubinage avec un homme et en a des enfants, son mari peut l’attaquer en adultère aux fins de récusation de paternité, alors que la femme, elle, ne peut se plaindre que son mari vit avec sa maîtresse, même sous le toit conjugal, car la séparation de corps détruit l’obligation de cohabitation. L’affaire Marmin, en 1838, en est l’exemple flagrant10. Il s’agit d’époux séparés de corps par décision d’un tribunal en 1826. L’épouse vit en concubinage, ouvre un magasin avec son concubin, en a des enfants. Le mari rend plainte en raison des enfants adultérins devant le tribunal de police correctionnelle qui condamne son épouse et l’amant à six mois de prison. Elle fait appel en disant que son mari est aussi infidèle, mais elle est déboutée : la femme séparée ne peut se plaindre de l’adultère du mari, car il n’y a plus de maison commune. La séparation de corps a détruit le droit de cohabitation et la maison du mari est devenue étrangère à la femme qui ne peut plus se plaindre que son mari a « tenu sa concubine sous le toit conjugal ». Cette disparité flagrante montre à quel point la législation est moins répressive à l’égard des transgressions masculines que féminines et souligne le durcissement de la loi à l’égard des femmes durant la première moitié du xixe siècle, durcissement dont les factums se font l’écho. Que reste-t-il aux épouses désireuses de rompre la vie commune ?
7Elles doivent contourner la loi interdisant le divorce, comme l’évoque l’affaire Herbin en 186011. Condamné à 15 ans de travaux forcés, pour avoir, à 17 ans, été complice de l’assassinat d’un épicier, Berthon sort au bout de 12 ans, bien décidé à refaire sa vie. À 29 ans, il est engagé par un artisan qui a aussi « tâté » de la prison, puis devient représentant de commerce pour une maison « honorable ». Il y rencontre sa future femme, Zoé Herbin, qui travaille à la comptabilité, et l’épouse en lui cachant ses années de jeunesse. Un jour que la jeune mariée fait des emplettes avec une amie, une commerçante lui révèle fortuitement le passé de son époux. Épouvantée, Zoé veut rompre son mariage sans hypothéquer le futur (c’est-à-dire en gardant la liberté de contracter une nouvelle union) et fait demander par son avocat la reconnaissance de la nullité de son mariage sous le prétexte de l’erreur sur la personne. L’avocat de Berthon plaide l’inexistence de cette cause dans le Code civil : l’erreur sur la personne ne s’entend que d’une erreur sur la personne elle-même, c’est-à-dire d’une substitution frauduleuse de la personne et non sur l’ignorance d’un fait la concernant. En 1862, Zoé Herbin est déboutée de sa demande de nullité, mais, en l’absence d’autres pièces, on ne sait pas ce que le ménage est devenu et si la vie commune a pu être reprise.
8Les choses auraient sans doute été simplifiées si l’affaire avait éclaté vingt ans plus tard, avec la loi sur le divorce... Mais paradoxalement, alors que le nombre des procédures témoignant d’une mésentente conjugale se multiplie (elles sont bien plus nombreuses annuellement dans les vingt dernières années du xixe siècle qu’au temps de la séparation de corps), elles ne donnent plus lieu à l’impression de factum : même mal toléré, toujours objet de scandale qui nuit à la réputation, le divorce entre néanmoins dans les mœurs. Parallèlement, la répression de l’adultère se fait plus feutrée12. On parle de 2 500 à 5 000 condamnations par an du début du xxe siècle jusque dans les années 1950 sans que ces chiffres puissent être vérifiés d’une manière ou d’une autre. L’auteur de La Famille française et son évolution paru en 1911 souligne bien qu’il est « impossible à cette heure, à un mari non seulement des hautes classes sociales, mais même de la moyenne, de traduire sa femme pour adultère devant un tribunal correctionnel. » Il n’y a plus que les classes inférieures qui y ont recours et qui n’utilisent pas les factums. Voilà l’une des raisons qui expliquent leur raréfaction puis complète disparition au xxe siècle.
9En effet, le factum est socialement dissymétrique. Pour y recourir, il faut en avoir les moyens et en ressentir la nécessité, de même qu’il faut avoir des moyens pour régler ces querelles familiales en passant par les tribunaux. À l’exception des affaires de viols et de meurtres, les hommes impliqués dans les procédures judiciaires liées aux contentieux amoureux sont des commerçants, des propriétaires, des maires, des avocats, des greffiers, des militaires, des aristocrates. Cette répartition sociologique est voisine de celle qui avait cours sous l’Ancien Régime, avec une surreprésentation des professions liées à la justice (parce qu’elles recourent plus facilement à la voie judiciaire dont elles maîtrisent les arcanes) et de la noblesse13. La nouveauté est la forte proportion des commerçants, soulignant les mutations sociales et l’enrichissement des premières décennies du xixe siècle. Ces hommes veulent sauver, avec leur réputation, leur commerce, comme ce charcutier de Meaux qui, en 1827, surprend sa femme en flagrant délit d’adultère. Rentrant à dix heures du soir, il la trouve au lit, lumière éteinte. Quand il veut allumer, il entend remuer et découvre avec stupeur un homme couché avec elle sous les couvertures. L’amant, qui est âgé de soixante-dix ans, est un ancien maître de poste de La-Ferté-sous-Jouarre. Ce nanti propose de dédommager le charcutier en lui signant un billet de 2 000 francs. Le lendemain, le maître de poste et son épouse portent plainte devant le juge de paix pour extorsion de fonds contre le charcutier. Emprisonné durant trois mois, ce dernier assure qu’il a perdu sa réputation et que son commerce est de facto ruiné. Il souhaite réparation du préjudice. « Que le sieur Guichard, homme opulent apprenne que tous les hommes sont égaux devant la loi. L’adultère est un délit14 », clame-t-il haut et fort. Y a-t-il eu extorsion de fonds de la part du charcutier et de sa femme ou celui-ci est-il victime de la mauvaise foi du maître de poste ? Il est impossible d’en savoir plus, mais ce qui semblait être une banale affaire d’amour extraconjugal est en réalité une affaire d’extorsion de fonds dans laquelle la réputation d’un charcutier est en jeu. L’homme s’est exilé dans une autre commune, preuve de la nocivité des affaires de mœurs que la publication du factum souhaitait exorciser.
10Il n’existe que quelques rares cas de défense de personnes issues d’un milieu social modeste, voire misérable, tel « Louis R » accusé du meurtre de son patron avec l’aide de la femme de celui-ci qui était sa maîtresse et qui se retrouve devant la cour d’assises de la Mayenne en juillet 185615. L’initiative a été prise par l’avocat lui-même, Émile Affichard, en quête de publicité et de notoriété. Ses propos sont délibérément républicains. Ainsi, lorsqu’il explique que c’est la volupté qui est à la source de l’affaire, il n’hésite pas à remonter aux « royales faiblesses de Louis XIV, aux orgies de Louis XV qui ont de leurs mains dressé l’échafaud de Louis XVI. Ce n’est pas la France qui se fit régicide, c’est la volupté dans un sanglant accès de logique ! Les Montespan, les Dubarry, les Pompadour et le reste sont la plus haute attestation du règne de la volupté parmi nous. » Et il continue en montrant comment un « berger errant » de 24 ans, sans famille et sans éducation, s’est laissé séduire facilement par « un démon tentateur de 36 ans » qui lui a demandé de supprimer son mari un soir qu’il était ivre. Il a tout avoué, s’est converti en prison. « Jeunesse et repentir sont devant vous », clame-t-il devant les jurés afin de les émouvoir. L’avocat fait l’éloge de l’institution carcérale qui a changé le criminel, l’a déjà transformé en un homme honorable qu’il n’est plus nécessaire de condamner ! Il fait l’éloge du système politique et social qui vient au secours des êtres faibles, en les métamorphosant même au prix de la privation de leur liberté, moindre mal en comparaison avec la peine de mort que risquent les assassins ! Il accuse l’amour passion qu’il compare à une forme de domination bourgeoise sur le prolétariat. L’amour seul est le facteur de perversion, qui perd les hommes archaïques dans leur fonctionnement mental et mal éduqués. C’est dire que l’amour apparaît au travers de ces documents comme une force antisociale, qui bouleverse les hiérarchies, accroît la domination d’une classe sur l’autre et révèle les défauts du fonctionnement matrimonial.
11Malgré cette condamnation assez générale de la passion, l’impression qui se dégage à la lecture de ces documents est celle d’une écriture narrative et sentimentale, faisant appel à la sensibilité, à l’indignation, à la révolte, aux émotions plus qu’à la raison, aux catégories du droit et aux procédures légales. Ces documents sont, avant tout, des histoires de vie, des témoignages se rapprochant des « ego-documents » chers aux historiens de la vie privée. En dépit de la reconstruction effectuée par leurs auteurs (c’est-à-dire les avocats des parties, qui aménagent les faits dans un sens qui convient à leurs clients), ils restent très descriptifs, faisant apparaître des situations familiales conflictuelles et complexes, dans lesquelles l’insolite se mêle au banal.
Les ménages à trois, mais l’amour n’est pas là où on l’attend
12D’ailleurs, ce sont les affaires de ménages à trois qui sont l’objet des documents les plus circonstanciés. Les factums projettent le film de ces vies endormies et sans histoire brisées par l’irruption de l’infidélité, à l’instar des fictions romanesques. Combien d’Emma Bovary les magistrats n’ont-ils pas vues passer à la barre des accusées ? Les conflits surviennent souvent lorsqu’il s’agit de remariages nombreux à entraîner des litiges. Le factum, dans la procédure qui oppose, en 1810, les époux Montarcher, expose clairement les problèmes entraînés par la différence d’âge dans le cadre d’une seconde union16. Lui, Claude-François Vincent de Montarcher, fils de l’intendant de Saint-Domingue, est un ancien conseiller au parlement de Dijon, actuellement directeur de la recette des contributions à Montdidier. Il se marie à quarante-quatre ans en 1807 à la comtesse Phelypeaux, soixante-quatre ans. Celle-ci recueille en même temps la jeune Charlotte nièce de son nouveau mari. Trois ans plus tard, elle demande le divorce pour adultère et inceste : la nièce, âgée de dix-huit ans, serait devenue la maîtresse de son mari et aurait été engrossée par lui. La comtesse affirme que cette Charlotte, que tous prennent pour la nièce, est en fait la fille naturelle de Vincent de Montarcher. À première vue, il s’agit du cas plutôt classique d’une veuve âgée, qui tente de se défaire de l’emprise d’un gigolo. Une attirance sexuelle, sentimentale ou la recherche d’un protecteur (en l’espèce un homme de loi savant et compétent) l’aura séduite, mais la révélation de la grossesse d’une fille jeune et désirable lui aura soudain dessillé les yeux.
13Le mari accusé présente une défense habile car, sans en avoir l’air, il explique que son mariage est un mariage blanc (il n’y a pas eu consommation), c’est dire que non seulement il lui est possible d’en demander la reconnaissance de nullité, mais encore, il ne peut y avoir d’adultère. Son épouse ne peut pas lui reprocher d’avoir eu des relations sexuelles extraconjugales, puisqu’ils ne sont pas vraiment mari et femme, et cela d’un commun accord. « Je me mariais pour devenir le conseiller, l’ami de mon épouse déjà douairière, pour cohabiter sous le même toit sans qu’il dût y avoir, et sans qu’il y ait eu pour nous de lit conjugal », explique-t-il dans son mémoire. Il administre et gère le domaine de son épouse, Adélaïde de Sturm, une Allemande née dans le duché de Juliers, mariée en premières noces à un personnage considérable, un maître de camps du roi, le comte Jean-Frédéric Phélypeaux, d’une branche de cette importante lignée de ministres et d’administrateurs royaux qui a eu des responsabilités à Saint-Domingue. Il dresse un portrait psychologique de la comtesse navrant, prétendant qu’elle n’est moralement pas aussi innocente qu’elle le paraît et que sa conduite n’a pas été irréprochable dans sa jeunesse. Son premier mariage, le 6 octobre 1761, aurait été célébré sans l’accord des parents et n’aurait été régularisé qu’en 1784 par le frère du marié, alors archevêque de Bourges, élément absolument impossible à confirmer ou à infirmer. Vincent de Montarcher poursuit ses griefs : elle l’a pris en grippe en raison de sa gestion économe du domaine qui lui attire des antipathies multiples qu’elle supporte mal. Elle veut revenir sur la donation universelle en faveur de Charlotte que contient leur contrat de mariage. Il est impossible de dénouer les fils de la vérité, car il n’existe aucun autre document judiciaire consultable. D’après les dictionnaires généalogiques, Adélaïde est morte sans enfant et ce rameau Phélypeaux s’est éteint. Il est impossible de trouver trace du second mariage. Quel notaire a enregistré la donation ? L’instance pour adultère a-t-elle suivi son cours ? Mais auprès de quel tribunal ? À Paris, en province ? Le factum fait mention d’éléments généalogiques, mais leur vérification s’avère impossible. Cet exemple illustre bien les limites auxquelles se heurtent rapidement le chercheur lorsqu’il explore ce fonds documentaire. Retenons néanmoins que la différence d’âge entre les époux au profit de l’épouse est nuisible, que l’opinion publique adhère à cette idée, et que derrière les accusations d’adultère, il y toujours des revendications financières. Beaucoup d’autres factums éclaireraient ce thème. L’histoire du couple Tinet-Bagnost reprend ainsi des éléments voisins mais dans un milieu fort différent, signe qu’à tous les niveaux de la société, les mariages mal équilibrés sont problématiques.
14Aglaé Tinet, veuve Duthuin, a épousé, en 1840, en secondes noces Jean-Pierre Bagnost. Après avoir été garçon pâtissier à Chantilly, cuisinier chez le comte de Nicolay, puis à l’hôtel du Cheval blanc, quai de Tournelle, il s’est installé comme boucher. En 1868, date du procès qui révèle cette affaire17, il exploite un fond de marchand-boucher au 54 de la rue de l’île Saint-Louis à Paris. Il est donc devenu, avec l’âge, rentier et à plusieurs reprises les documents évoquent son désœuvrement. Son épouse s’est laissé séduire par le jeune organiste de l’église Saint-Lambert, qui s’est introduit auprès d’elle comme professeur de musique. Le mari s’est plaint d’être trompé, mais l’adultère n’a pu être prouvé et l’épouse a obtenu la séparation en 1859, prétendant que Bagnost la battait, qu’il avait des maîtresses et qu’il « serrait de très près les petites bonnes ». Dix ans plus tard, à la mort de sa femme, le mari s’inquiète pour la succession en l’absence d’enfant. Il intente un procès contre Lahausse pour détournement d’héritage et pour vol. Il prétend que Lahausse a déjà fait main basse sur le mobilier de la maison de Trappes où il vivait avec Aglaé et que la police, après une perquisition chez un complice, a trouvé des actions et des obligations au porteur, signées de la main d’Aglaé, pour une valeur de plus de 40 000 francs. Tout le monde s’accorde à dire que la défunte était une méchante femme, impérieuse et violente. Sa fortune seule a retenu son gigolo qui supportait une humeur fantasque dans l’espoir de s’enrichir. Dans cette affaire, la mésentente conjugale due aux frasques du mari et à la faiblesse de l’épouse, qui cherche une consolation dans d’autres bras, met en lumière les difficultés à faire cesser les guerres conjugales engendrées par des remariages, ainsi que les conflits liés à la gestion des biens. Le sentiment amoureux cède ainsi la place à l’intérêt financier et l’amour qui est au cœur des factums est bien souvent celui de l’argent !
15En 1875, Marie-Hermance Petit des Rochettes accuse son époux, Henri-Édouard Jonglez de Ligne, de « relations trop intimes et coupables » avec Françoise Clénet, l’institutrice de leurs deux filles, Hermance et Marie, depuis cinq ans18. Cette accusation est un coup de tonnerre dans un ciel apparemment serein. Le mari et sa famille, qui ne s’y attendaient pas, sont bouleversés. Le père et le frère de l’accusé témoignent tous deux ne s’être aperçu d’aucune mésentente conjugale et la demande de séparation leur a fait l’effet d’une bombe. C’est d’autant plus incroyable que la famille offre extérieurement une image de probité. Le frère de l’accusé, maire de Liévin, qui vient de poser sa candidature comme député dans le Nord, se montre embarrassé par le scandale. Marie-Hermance répand dans tout Nantes que son mari s’est enfui avec l’institutrice, ce qui est parfaitement faux. Pourquoi raconte-t-elle des mensonges ? Pourquoi veut-elle tant nuire à son époux et à sa réputation ? Une première explication est livrée par les domestiques qui témoignent unanimement du mauvais caractère de Madame, méchante avec le personnel et avec son mari. Il semblerait qu’elle se soit mise en tête de se séparer et ait demandé à l’institutrice de témoigner de mauvais traitements. Celle-ci ayant refusé de mentir, Mme Jonglez de Ligne se serait vengée en inventant cette histoire d’adultère. Le décès de sa fille, Hermance, semble avoir été pour cette femme, qui selon l’ensemble des témoignages est dure et sans cœur, un facteur déterminant de sa haine conjugale. Il n’est pas impossible qu’inconsciemment elle transforme son chagrin en antipathie contre l’institutrice qui a soigné sa fille sans parvenir à la sauver. C’est la seconde explication, à laquelle s’ajoute un facteur plus prosaïque : son père, à sa mort quelques mois plus tôt, a laissé un important héritage, non pas à sa fille qu’il déteste, mais à ses petites-filles. Marie-Hermance est malade à la perspective de ne pas recueillir la totalité de la somme si sa seconde fille Marie, à la santé fragile, venait à mourir à son tour. Dans son délire maladif, elle veut de surcroît priver son époux de la gestion de la fortune paternelle. Elle recherche donc la séparation. En 1877, le tribunal civil de Nantes, sans reconnaître l’adultère du mari sous le toit conjugal, lui permet de cesser la vie conjugale commune. Constatant que la vie matrimoniale est devenue impossible, les juges s’inclinent. Cette affaire révèle donc le caractère vicieux d’une femme à l’esprit torturé que l’avarice entraîne à accuser, sans doute faussement, son époux et son employée. Ce n’est pas la première fois que l’espace conjugal est le lieu où se cristallisent les névroses de l’un ou de l’autre. L’obsession de l’argent fait intervenir ici la fiction de la maîtresse, proche du couple, jeune, dévouée à la famille, pour laquelle le mari perd la tête.
16Les procédures révèlent donc des histoires lestes qui prêtent à sourire, mais le comique cède rapidement le pas au tragique. Une dernière affaire, obsession morbide d’une jeune fille gâtée et sans doute folle, démontrera les ravages des fausses accusations. L’affaire de La Roncière en 1835 est beaucoup plus grave que les précédentes, puisqu’elle est jugée en procédure correctionnelle aux assises : il s’agit du viol d’une jeune fille par un officier19. L’accusé est Émile Clément de La Roncière. Jeune officier, il a été en garnison à Cambrai, Vesoul, Pont-à-Mousson, Belle-Ile-en-Mer, Lorient et Saumur laissant derrière lui une réputation de noceur. Il se serait introduit dans l’appartement du commandant de l’École de cavalerie de Saumur un soir où le général et son épouse étaient au théâtre. Il aurait violé leur fille de seize ans, alors que dans la maison se trouvaient également un jeune frère de douze ans et la gouvernante, Miss Allen. Au beau milieu de la nuit, la jeune fille en transe aurait réveillé sa gouvernante, le visage défait, sa chemise de nuit ensanglantée. Miss Allen l’aurait calmée et recouchée. Dès le lendemain, le père porte plainte pour tentative d’assassinat doublé d’un viol. Arrêté, jugé devant les assises, Émile de La Roncière est condamné à dix ans de réclusion. L’avocat de l’accusation explique que la jeune aristocrate était prise « dans les filets d’une persécution invisible, perdue d’honneur et de santé par un scélérat », qu’elle était la victime d’un système inique dans lequel, parce qu’elle était une riche héritière, des pressions s’exerçaient sur elle. En dépit d’une brillante défense, l’avocat de l’officier n’a pas emporté la conviction du jury. Pourtant, bien des magistrats ont eu des doutes et l’affaire a fait grand bruit. Un jurisconsulte anglais réputé, Sir James Scarlett, écrivit même une lettre à un membre du gouvernement français pour dire qu’il croyait en l’innocence de La Roncière. Ce factum connut une large audience, sans changer le verdict. Un an après la clôture du procès, des factums justificatifs étaient encore publiés en faveur du condamné ! Dix ans plus tard, La Roncière fut réhabilité, sur le rapport favorable du Garde des Sceaux, Odilon Barrot, qui accepta de reconnaître qu’il avait régulièrement purgé sa peine. Cette décision est d’autant plus notable qu’Odilon Barrot était l’un des deux avocats de la famille de la victime. Dès 1849, Émile de La Roncière est nommé commandant de la garde nationale de Louviers. En 1853, il occupe le poste d’inspecteur de la colonisation en Algérie, puis à Chandernagor, Saint-Pierre-et-Miquelon et Tahiti. Il meurt en 1874 sans s’être vraiment libéré vis-à-vis du qu’en-dira-t-on de cette condamnation, en ayant fait sa carrière hors de France, mais en ayant pourtant obtenu la Légion d’Honneur.
17Que s’est-il passé en 1835 ? Le père de la jeune fille violentée est le baron de Morel, dont l’épouse est Mme de Mornay, trente-six ans, femme à la beauté étincelante, très courtisée dans la petite ville de garnison où elle ne rejoint son époux que durant les mois de vacances, vivant le reste du temps dans la capitale. À Saumur, elle reçoit la bonne société. Elle n’a pas hésité à inviter Émile de La Roncière à dîner et, même, à le placer à droite de sa fille à table. Marie a prétendu que le jeune homme lui avait tenu des propos humiliants, la comparant à sa mère et lui déclarant qu’il la trouvait laide. Profondément blessée, la jeune Marie a ensuite prétendu avoir reçu une grande quantité de lettres anonymes de nature diverse : des déclarations d’amour enflammées, des missives remplies de haine, qui ont été retrouvées, mais dont on s’est vite rendu compte qu’elle les avait écrites elle-même sur ses cahiers d’écolier ! Maître Chaix d’Est-Ange, un avocat remarquable qui défend l’officier, soulève les multiples contradictions de l’accusation. La mentalité française voit dans tout prévenu un coupable, c’est « une défaillance de notre système judiciaire », explique-t-il en guise de préambule. Et dans cette affaire, tout émeut le jury : l’âge de la victime, son apparence fragile, l’idée « mythique » de la jeune fille... autant de préjugés qui condamnent par avance le prévenu. Émile de La Roncière est passé aux aveux certes, mais sous la pression et avec l’assurance que les poursuites contre lui seraient abandonnées. Marie, qui a prétendu avoir été violée, n’a pas été examinée par les médecins : on s’y est opposé eu égard à son père, sa famille et son nom. La preuve du viol n’a pas été fournie. Le viol a-t-il seulement eu lieu ? L’ensemble de l’histoire est invraisemblable. Les parents se méfient de l’officier à la réputation sulfureuse et, pourtant, ils le placent à droite de leur fille dans un dîner : incohérence ! Les parents prétendent qu’il voulait compromettre leur fille dans l’intention d’en obtenir la main : procédé maladroit ! Pourquoi la violer et tenter de la tuer après lui avoir écrit tant de lettres compromettantes ? Pourquoi Marie n’a-t-elle pas crié lors du viol et pourquoi la gouvernante n’a-t-elle pas prévenu immédiatement les parents ou les forces de l’ordre ?
18Et Chaix d’Est-Ange braque le projecteur sur la personnalité de la victime. Contrairement à ce que croit et prétend sa mère, Marie est friande de romans d’amour, captivée par cette littérature qui la trouble, elle imagine que les officiers qu’elle croise à Saumur sont tous amoureux d’elle. Elle s’évade dans un délire de mythomane. Elle aspire sans doute à se marier pour rivaliser enfin avec une mère intouchable, dont la beauté la fascine et la révolte. Le seul témoin de l’agression est bien elle, la victime, dont personne ne songe à mettre la parole en doute. Or, elle affabule ; elle est coutumière du fait. Elle a déjà prétendu avoir vu de ses yeux un admirateur se jeter dans la Loire par amour pour elle, car elle refusait de lui ouvrir sa porte. D’autres témoignages font état d’extases et d’évanouissements. Et l’avocat de risquer un diagnostic : elle est victime de son « imagination morbide » à un âge où ses sens sont en émoi, où elle devient une femme et où ses menstrues la terrorisent. Son comportement est celui d’une hystérique, en d’autres termes il évoque une névrose de puberté. L’agression est un pur fantasme. Émile de La Roncière a été condamné pour des faits qui sont imaginaires. L’amour n’est pas là où on l’attend, puisque Marie éprouve une passion quasi œdipienne pour sa mère et se fixe sur un officier rencontré par hasard. Les factums rendent compte aussi de ces amours perverses, détournées de leur objet par des conflits d’ordre psychique et, finalement, ils laissent s’exprimer toute la palette d’émotions liées aux sentiments amoureux : passion, jalousie, sentimentalisme, perversité, manipulation... Ce cas a défrayé la chronique judiciaire de la monarchie de Juillet, faisant la Une de la Gazette des tribunaux et de L’Observateur des tribunaux comme le fera, en 1847, le meurtre particulièrement sanglant de la duchesse de Choiseul-Praslin par son époux, duc et pair de France20. Les factums sont la source des comptes rendus d’audiences et inspirent la plume des journalistes en quête de sensationnel. Le factum est donc non seulement un vecteur de médiatisation des sentiments et des valeurs amoureuses, mais aussi il alimente la presse qui donne à ces affaires judicaires une audience et une retombée nationales.
Quand les affaires d’amour deviennent politiques
19Ces affaires criminelles qui renseignent largement sur les pratiques amoureuses de l’époque et leurs transgressions sont aussi prétexte à des prises de positions politiques. Les factums alertent le public sur des affaires retentissantes qui mêlent passion et crime, qui transforment les prétoires en tribunes politiques. La mésaventure dramatique arrivée à un fonctionnaire au ministère du commerce, âgé d’une trentaine d’années, nommé Joseph Borgognon, a ainsi ouvert le débat sur le divorce. Un terrible quiproquo aurait pu lui coûter la vie ; il s’en est sorti de justesse, mais avec quelques séquelles physiques. La scène se passe à Paris, dans la nuit du 28 février au 1er mars 1849, à l’angle de la rue d’Anjou et de la rue de la Pépinière, chez Calixte Caraby, un rentier de 36 ans. Alors qu’il reçoit des amis, Calixte aperçoit sa femme sortir subrepticement de la pièce. Il lui emboîte le pas et se dirige vers sa chambre. Soudain, les invités entendent le bruit d’une détonation, suivi d’un cri strident. Ils se précipitent hors du salon pour voir surgir de la pénombre, sur le seuil de la porte, Caraby, l’épaule ensanglantée, les yeux exorbités, l’air hagard, criant que sa femme le trompe. En entendant du bruit dans l’escalier, tout le monde se rue sur le pallier à la poursuite de l’amant. En bas de l’escalier, le concierge tente d’arrêter un homme. Calixte n’hésite pas : il lui fracasse la mâchoire d’un tir de pistolet. L’homme s’écroule à terre. La police prévenue, arrivée sur place, conduit le blessé au poste, puis à l’hôpital : l’homme n’est pas l’amant, mais Joseph Borgognon qui descendait l’escalier de l’immeuble après avoir rendu visite à sa fiancée. Il y a eu une méprise fatale. Calixte est placé sous mandat de dépôt et inculpé de tentative de meurtre. Lors de l’instruction, il prétend que la tentative d’homicide dont on l’accuse n’est pas la bonne qualification pour son geste. Le Code pénal excuse le mari meurtrier lorsqu’il surprend sa femme en flagrant délit d’adultère : c’est dans ces circonstances qu’il a fait feu.
20En 1849, le procès s’ouvre. Le jury doit déterminer si Mme Caraby a commis l’adultère et si Calixte Caraby a commis une tentative d’homicide. L’épouse à l’origine du drame s’appelle Ophélie. Âgée de vingt-huit ans, cette créole a épousé Calixte en 1839, alors qu’elle en avait juste dix-huit. Quatre enfants sont nés de leur union. Depuis environ sept mois, rien ne va plus dans le ménage. Elle a fini par succomber aux avances d’un fringant officier de vingt-neuf ans, qui vient de quitter l’armée, Anatole de Coëtlogon, rencontré par hasard aux Tuileries. L’amant loue une chambre à l’angle de la rue de La Pépinière et a pris l’habitude d’enjamber le balcon pour rejoindre sa maîtresse le soir, lorsque son mari est couché. Ophélie est décrite comme une femme frêle, élégante, discrète, coquette et faible. La mésintelligence conjugale résulterait selon le mari du caractère léger d’Ophélie, prise dans un tourbillon de mondanités, oublieuse de ses devoirs d’épouse et de mère ; elle serait due, selon cette dernière, aux persécutions d’un mari querelleur et parfois violent, trop souvent absent pour qu’elle ne le soupçonne pas d’entretenir une maîtresse...
21Bien que l’audience montre que Calixte savait qu’Ophélie le trompait, qu’il avait imaginé la surprendre en flagrant délit et que les amis ne se trouvaient pas par hasard dans l’appartement ce soir-là, le procès tourne à son avantage. L’avocat du mari est celui de l’affaire de La Roncière, maître Chaix d’Est-Ange, devenu bâtonnier de son ordre. Avec un brio jamais démenti, il dénonce l’ensemble des préjugés ayant aveuglé les acteurs de cette pièce tragi-comique, au scénario de déjà-vu, afin de faire oublier que l’attentat était prémédité. L’amant a entendu dire que les femmes étaient faibles et qu’à force de persévérance, on obtenait tout d’elles. Il a voulu le vérifier par lui-même. Le mari a cru que son honneur était compromis par la trahison de sa femme et a voulu se venger. L’épouse se défend en accusant ce dernier d’être également infidèle. Quoi de plus naturel ? Pourtant, l’avocat se détache de ces poncifs habituels pour proposer une nouvelle interprétation des faits. Sachant le public et le jury masculin spontanément hostile à la femme infidèle, il se montre compréhensif et fait jouer à Calixte le rôle d’un grand seigneur qu’il est impossible de condamner en dépit de la préméditation. Il prétend que celui-ci lui aurait demandé d’avoir de la pitié pour sa femme, de la ménager le plus possible, puisqu’il reste son protecteur et qu’elle reste la mère de ses enfants. Lorsqu’il avance que l’adultère n’est plus un crime d’honneur, n’espère-t-il pas émettre une opinion extrêmement répandue et, par là même, conforter les jurés, afin de les rendre plus indulgents à l’égard de son client ? S’il y a bien deux victimes, le mari et la femme, il en ajoute quatre autres : les enfants qui vont sans nul doute être privés de mère par la rigueur de la loi :
Qu’une femme trahisse son mari, que celui-ci fasse intervenir un commissaire de police ou que, vengeant lui-même son honneur outragé, il lave dans le sang du séducteur la tache dont un préjugé absurde souille le nom, il n’y a malheureusement rien là que de fort ordinaire, cela se voit tous les jours et cela se termine, dans le premier cas, souvent par une séparation à l’amiable et quelques fois devant la police correctionnelle, dans le second, devant la Cour d’assises par la condamnation de la femme à quelques mois de prison et par l’acquittement du mari. Tout est dit, la justice humaine est satisfaite et la société est vengée ; quant aux enfants, ils tâcheront d’oublier qu’ils ont une mère21.
22Enfin, l’avocat souligne le paradoxe soulevé par ce cas à plus d’un titre exceptionnel. On a l’habitude de plaindre les femmes mariées par des parents cupides qui ne se préoccupent que de « compter les billets de mille francs ». Dès lors, l’amour étant absent, qu’y a-t-il « d’extraordinaire à ce que la femme fasse dans la maison conjugale ce que le mari fait au dehors » ? Mais dans ce cas précis, c’est l’amour qui a présidé à leur union onze ans plus tôt. De familles originaires toutes deux de la Nouvelle-Orléans et fixées à Paris depuis peu, ils se sont mariés sans l’accord de leurs parents en « s’échappant de la maison paternelle ». Leur amour n’a pas résisté à la légèreté avec laquelle ils se sont unis, car le sentiment seul est versatile s’il n’est accompagné d’estime. Même leurs enfants ne les ont pas gardés unis, déplore maître Chaix d’Est-Ange. Qu’y peut-on ? La justice doit-elle ajouter à cette faillite conjugale des sanctions infâmantes ? Si le doute est introduit dans l’esprit des spectateurs, le verdict tombe, implacable : Calixte ressort libre, la Cour le lave de l’accusation de tentative d’assassinat ; Ophélie et Anatole, reconnus coupables d’adultère, sont condamnés à deux ans de prison chacun et 1 000 francs d’amende pour lui.
23La charge de l’avocat contre les préjugés bourgeois débouche sur la demande implicite de modification de la loi qui, en matière de mœurs, est injuste envers les femmes. C’est pourtant au nom d’une « féminité conservatrice » qu’il souligne que les enfants ont d’abord besoin de leur mère. En mettant l’accent sur les enfants et leur destin, il soulève une revendication de plus en plus présente dans les conflits conjugaux au xixe siècle. Chaix d’Est-Ange a un don pour sentir les évolutions de la société, pour les révéler au grand jour et en faire des thèmes d’actualité. Parmi ces affaires, se trouvent, en effet, de nombreuses querelles au sujet de la garde des enfants, dans lesquelles les mères se battent avec acharnement pour conserver le lien avec ceux qu’elles ont mis au monde. Cette matière n’a guère été étudiée par les historiens qui trouveront dans les factums des sources sensibles et circonstanciées. Un cas célèbre est celui de Flora Tristan22, la fille d’un noble péruvien et d’une bourgeoise française émigrée en Espagne pendant la Révolution française. Son père meurt lorsqu’elle a quatre ans. Dès lors, sa mère se bat dans des difficultés financières si importantes qu’à dix-sept ans, Flora accepte de se marier avec un graveur en taille-douce, André Chazal, chez qui elle est ouvrière. Mais son mari est un homme violent, qui l’insulte, la bat, l’humilie, la séquestre. Elle réussit à fuir enceinte de son troisième enfant. Ses deux aînés sont des garçons, Alexandre qui meurt à huit ans et Ernest. Elle accouche d’une petite Aline, qui sera mère du peintre Paul Gaughin. En 1835, Chazal enlève brutalement sa fille sur le chemin de l’école. La petite hurle, la bonne est affolée. Flora se rend chez son mari, récupère sa fille, mais le commissaire de police est appelé. Il décide de laisser Aline à sa mère qui prétend ne pas être l’épouse de Chazal et de les abriter à l’hôpital. Mais le lendemain, le mari revient avec le livret de famille. Cette fois, c’est le procureur qui conseille à Flora de partir discrètement pour Paris et qui place Aline dans une pension. Mais Flora n’obtient la garde de sa fille qu’après deux événements tragiques. Chazal a retiré Aline de sa pension et a commis sur elle des attouchements d’ordre sexuel. Détenu à Sainte-Pélagie, il publie, en 1837, un factum en latin, car la matière est sensible, Pater et natae suae deflorationis accusatus. Mémoire ayant pour but d’éclairer la chambre du conseil adressé à mes juges pour être joint au dossier de l’affaire Chazal. Libéré l’année suivante, il s’empresse de tirer à coups de pistolet sur sa femme, lui perforant le poumon gauche. Cette fois, Flora a gain de cause : elle obtient la séparation de corps et la condamnation de Chazal à vingt ans de travaux forcés pour inceste et tentative d’homicide. Son aventure personnelle la pousse à devenir une militante active en faveur des femmes et de l’internationale socialiste.
24Flora se bat pour la dignité de la femme et l’obtention du droit au divorce. À partir du milieu du xixe siècle, des affaires judiciaires incitent le législateur à modifier la loi. Les factums sont un élément décisif dans le débat d’idées, particulièrement lorsqu’ils concernent des personnes connues, ainsi que le montre l’affaire Caraman-Bauffremont23. La comtesse Valentine de Caraman-Chimay épouse, le 18 avril 1861, à vingt-deux ans, Paul, prince de Bauffremont dont elle a deux filles, Catherine, née en 1862, et Jeanne, née en 1864. Son mari est un homme brutal, coureur, avare, qui fréquente les bordels et détourne des mineures (elle paie d’ailleurs les familles pour étouffer les scandales). Elle obtient en 1874 la séparation de corps. Pour épouser son chevalier servant, le prince Georges Bibesco-Brancovan, elle se fait naturaliser, en 1875, dans le duché de Saxe-Altenbourg, parce que la loi y autorise le divorce. Elle se remarie à Berlin la même année. Le prince de Bauffremont refuse le divorce. Il obtient du tribunal civil de la Seine un jugement prononçant l’annulation de ce second mariage et retirant à la princesse la garde de ses enfants. Ce jugement est confirmé par la cour d’appel de Paris, puis par la cour de cassation. La comtesse de Caraman-Chimay doit rendre ses enfants sous astreinte de 1 000 francs par jour. Au bout d’un an, la somme a atteint 300 000 francs et Bauffremont fait liquider l’astreinte en saisissant le château de Ménars dans le Loir-et-Cher, que la princesse a hérité de sa mère. La comtesse et son nouvel époux finissent par s’installer en Roumanie. L’amour entraîne donc de nombreux conflits qui, à la suite de procès retentissants, finissent par inciter le législateur à envisager de modifier la loi, afin de rendre moins conflictuelles les affaires de cœurs malheureuses.
25En conclusion, il est possible d’affirmer que les conflits engendrés par les déceptions et les histoires d’amour au xixe siècle se jouent dans la sphère conjugale qui tend à prendre une place de première importance. Ils montrent aussi les attentes sociétales, principalement le droit au divorce, car la moitié au moins de ces histoires concerne les problèmes liés à la séparation, à l’impossibilité de se remarier et à la garde des enfants. D’ailleurs, après 1884, le divorce étant autorisé, les factums se font plus rares, signe de l’apaisement des conflits résultant de la mésentente conjugale. Il y a désormais une issue qui permet aux couples malheureux de changer de vie. Certes, elle n’est pas très usitée, certes elle est toujours mal considérée et acceptée, certes elle est toujours source de querelles, mais elle existe. Si le dossier du divorce peut donc être réexaminé à la lumière des factums, ceux-ci indiquent également les valeurs communément acceptées dans la société (tel l’amour maternel) et les évolutions (par exemple, la montée du diagnostic des pathologies sexuelles et la prise en compte des maladies mentales)... Voilà donc des sources riches pour la connaissance de l’intimité familiale, ainsi que pour la connaissance des grands débats d’opinion, car les procès qui entraînent la publication de factums sont des plus médiatiques. Ils rendent célèbres des avocats sur lesquels les travaux d’historiens manquent encore, tel maître Chaix d’Est-Ange très impliqué dans ce genre de procédures et dont le nom revient maintes fois dans les factums24. Ils offrent donc un large éventail de sujets à explorer. Retenons de cette approche qu’ils dévoilent l’image d’un xixe siècle envahi par l’amour et les sentiments, mais aussi d’un xixe siècle en lutte contre les conformismes bourgeois.
Notes de bas de page
1 Nicole Coisel, qui a travaillé au catalogage des factums, donne des explications éclairantes dans « Le catalogue des factums 1790-1959 de la Bibliothèque nationale », Bulletin des Bibliothèques de France, no 9-10 (1974), p. 429-451. Une des parties engagées dans une affaire expose les faits et explique son bon droit. Proche de la plaidoirie, notamment pour la période moderne qui voit les affaires généralement traitées par voie écrite, le factum présente un aspect revendicatif. Il est rarement manuscrit, le plus souvent imprimé à compte d’auteur en faibles tirages, pour donner de la publicité à une affaire qui met en jeu la réputation de quelqu’un. Pour les factums antérieurs à 1789, il se confond donc avec les plaidoiries d’avocats qui dissimulent la vérité derrière un enchevêtrement de dates, d’événements et de noms, afin d’incliner le raisonnement des juges, mais en rendent la lecture difficile. Tel n’est plus le cas après la promulgation du Code civil et du Code de droit criminel au début du xixe siècle qui mettent en place un système qui nous est plus familier, alors même que les affaires restent complexes dans la mesure où les rédacteurs des factums nimbent leurs propos d’emphases et d’exagérations. Les factums médiatisent alors des affaires qui ont pu devenir des cas d’école influençant la jurisprudence ou ont été prétexte à des prises de positions politiques.
2 Cf. Nicole Coisel, « Le catalogue des factums... », p. 429-451.
3 Cf. Anne-Marie Sohn, Du premier baiser à l’alcôve. La sexualité des Français au quotidien (1850-1950), Paris, Aubier, 1998 ou Ead., « Sois un homme ! ». La construction de la masculinité au xixe siècle, Paris, Seuil, 2009.
4 Agnès Walch, Histoire de l’adultère. xvie-xixe siècle, Paris, Perrin, 2009.
5 Liste des affaires : Arcy (d’), Aubert, Bagnost, Barrois (de), Barthomeuf, Baudin, Baudouin, Bauffremont (de), Belloc, Bonne (de), Boscary, Bourgeois, Brancas (de), Braut, Bréon, Breton, Bryan, Bulkey Burthe d’Anelet, Cacate, Cairon (de), Canat de Chizy, Caraby, Carpentras (crime de), Carré, Carrère, Caumont-Laforce (de), Cès-Caupenne (de), Chabory, Chalon, Charaudeau, Chastellier, Chazal, Colisson, Collot, Combe, Combettes, Coppon, Creton, Crommelinck, Dalmas, Damcez, Debonnefioy de Montbazin, Debrock, Delahaye, Delair, Delebarre, Delmas, Deloche de Noyelle, Delouard, Devin, 1817 (affaire de), Duchesne, Duquay, Durand, Dussumier, Elberding, Fleury, Fouray, Froment, Fry, Gain (de), Gaubert, Geoffoy, Ghys, Giac (de), Gindre, Godefroy Trutzkener, Gorel, Gruselle, Gruyer, Guérin, Guilhen, Guillouet, Hebert, Hennequin, Herbinn Hollandren, Huet, Huguet, Jonglez de Ligne, Jourdan, La Roncière (de), La Serre (de), Lacaille, Lafarge, Lamaury, Languet, Léandri, Lefebvre, Lejoliff, Lenoir, Leroy, Levasseur, Lombard, Longueval (de), Louis R., Louvet, Malbourget (de), Malen, Malgaigne, Manet, Marguerittes (de), Marmin, Melines, Mercié, Meunier, Michault, Michault, Miette, Migeot, Miquel, Mirault, Moiroud, Moitrier, Montarcher, Montersquiou, Mossan, Nellé, Penguilly-L’Haridon, Plassiart, Poisson, Rempart (affaire de la rue du), Ribbentrop (de), Rolin, Roux, Sanchez-Toledo, Ségard, Séror, Setier, Simonet de Mainsonneuve, Susini, Thevenez, Theyre, Toscana, Toupelin, Tournier, Trumeau, Valby, Vantillard, Vattier, Vée, Vernon (de), Vincelles, Voizo, Zevallos.
6 Patrick Pognant, « Les interdits hors la loi : la répression institutionnelle et médicale de la sexualité (1850-1930) », Droit et culture, 57 (2009), p. 129-142.
7 Georges Duby et Michelle Perrot, dir., Histoire des femmes, Paris, Plon, 1991, t. 4, p. 106.
8 Deux options se présentent au mari victime : soit, devant un tribunal correctionnel, déposer une plainte pour adultère contre la coupable et son complice, tous deux passibles d’une peine d’emprisonnement, la séparation de corps étant quasi acquise pour le mari, soit, devant un tribunal civil, demander directement une séparation de corps. Dans ce second cas, si l’épouse est convaincue d’adultère, elle est aussi condamnée à une peine de prison. De son côté, l’épouse peut demander une séparation de corps, mais l’adultère de son mari n’est pas retenu comme une cause valable, sauf s’il est perpétré au domicile conjugal.
9 Il y aurait moins de mille séparations avant 1840, un chiffre qui augmente régulièrement pour plafonner à 3 700 en 1880, mais qui, compte tenu du nombre de mariages, représente une part infime de ceux-ci. Cf. Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, 1994, p. 90.
10 Quelques réflexions pour Antoine Marmin [...] intimé, contre Marguerite-Michelle Imbert, sa femme, et le sieur Debruine [...] appelants, 1838.
11 Note pour Mme Zoé Herbin, demanderesse en cassation d’un arrêt de la cour impériale de Paris rendu le 4 février 1860 au profit du sieur Berthon, 1860 ; Mme Zoé Herbin contre le sieur Berthon. Demande en nullité de mariage, 1860 ; Mariage contracté par erreur avec un forçat libéré. Plaidoirie de Maître Ambroise Rendu avocat de Mme Zoé Herbin et arrêt de cassation, 1861.
12 Anne-Marie Sohn, « Le corps sexué », dans Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello, dir., Histoire du corps, Paris, Seuil, 2006, t. 3, p. 93-128 : 117. Dans la dernière décennie du xixe siècle, le tribunal de la Seine a l’habitude de condamner à une amende de 25 à 50 francs au maximum, et la peine de prison n’excède pas quinze jours. Aucun magistrat n’oserait plus incarcérer une femme pour adultère après 1890.
13 Cf. Agnès Walch, op. cit.
14 Précis pour le sieur Gruselle, marchand charcutier à la Ferté-sous-Jouarre, plaignant contre 1o Marie Julie Vilquin sa femme, 2o le sieur Guichard, père, ancien maître de poste, propriétaire à la Ferté-sous-Jouarre, Meaux, Dubois-Berthault, 1877.
15 Défense de Louis R..., accusé d’assassinat sur la personne de son maître S... et de la complicité de la femme adultère de celui-ci devant la cour d’assise de la Mayenne (juillet 1856) par Émile Affichard, avocat du bareau d’Angers, s. l., n. d.
16 Accusation d’adultère et d’inceste par une femme septuagénaire demandant le divorce. Justification du mari, 1815.
17 Affaire Lahausse et Bagnost, Tribunal civil de la Seine, 4e chambre, 1868.
18 Factum Jonglez de Ligne : quatorze pièces, 1876-1877.
19 Procès Émile de La Roncière et Marie de Morel, s. l., n. d. ; Plaidoyer et réplique de Maître Chaix d’Est-Ange, 1835 ; Exposé des faits imputés à La Roncière, 1835 ; Procès complet d’Émile de La Roncière, 1835 ; Lettre du célèbre jurisconsulte anglais Sir James Scarlett sur la condamnation d’Émile de La Roncière, 1836 ; Affaire de La Roncière, 1836 ; Précis du procès Émile de La Roncière et Marie de Morel, 1837.
20 Cf. Agnès Walch, op. cit., p. 320-326.
21 Ibid., p. 61.
22 Dominique Desanti, Flora Tristan, Paris, Hachette littérature, 1972.
23 Procès du prince Georges Bibesco devant la cour d’appel de Paris à l’occasion de son duel avec M. de Beauffremont, 1872 ; Philippe de Montjouvent, Les Riquet de Caraman, Paris, Les éditions Christian, 2002, p. 463-464.
24 Par exemple, affaire Caraby, affaire de La Roncière, affaire Simonet de Mainsonneuve.
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