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Récit et justice

 | 
Lucien Faggion
, 
Christophe Régina

Le récit, les émotions et la mémoire des corps

Entrepreneurs de morale et homosexualité à Paris au xviiie siècle

Thierry Pastorello

Résumé

Au cours du xviiie siècle, les archives de police de Paris réunissent des témoignages sur des homosexuels qui ont été appréhendés dans des lieux publics. Ces contrôles de police font intervenir deux types d’entrepreneurs de morale : le policier et le juge. La hiérarchie policière à Paris part du lieutenant général de police qui assume la responsabilité de toutes les charges de police ; puis, des commissaires du Châtelet qui reçoit les plaintes ; enfin, des inspecteurs qui procèdent aux enquêtes. Si, au cours du xviiie siècle, le crime de sodomie s’éteint progressivement, les sodomites les plus notoires peuvent être en revanche incarcérés : au Châtelet ou à l’hôpital prison de Bicêtre. Pour les autres, les peines peuvent se limiter d’une simple réprimande à une relaxation pure et simple. Cette action répressive produit un discours sur les homosexuels masculins. Certains manuels de droit font mention des sources théologiques. En examinant les sentences des affaires Benjamin Deschauffours (1726), de Bruno Lenoir et Jean Diot (1750), il se dégage l’image d’hommes ayant des mœurs particulières tendant à l’exclusivité. Le policier doit affirmer la spécificité de sa mission et définit le sodomite par ses exhibitions sexuelles, ses excès vénériens, ses gestes et goûts spécifiques. Enfin, l’infâme devient emblématique d’une menace de corruption à l’encontre des jeunes générations.

Texte intégral

  • 1 Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille (désormais : AB), ms. 10254-10260.
  • 2 Archives nationales (désormais : Arch. Nat.), Y 13407-13409, Y 11724 et Y11727.
  • 3 De ce point de vue, les travaux du sociologue américain Howard Saül Becker sont particulièrement éc (...)
  • 4 Thierry Pastorello, Sodome à Paris : protohistoire de l’homosexualité masculine fin xviiie-milieu x (...)
  • 5 Michel Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976 ; D. Halperin, Cent ans d’homosexuali (...)
  • 6 John E. Boswell, Christianisme, tolérance sociale et homosexualité : les homosexuels en Europe occi (...)
  • 7 Régis Revenin, « L’émergence d’un monde homosexuel moderne dans le Paris de la Belle Époque », Revu (...)
  • 8 Daniel Borrillo et Dominique Colas, L’homosexualité de Platon à Foucault : anthologie critique, Par (...)

1Les archives de la Bastille1 et les rapports dits de « brigades de pédérastie2 » réunissent un important matériel relatif à des hommes connus et appréhendés pour des actes d’homosexualité dans les lieux publics de Paris, au cours du xviiie siècle. Ces sources semblent aussi indiquer la présence de cabarets et de marchands de vin fréquentés par ces hommes. Ces fonds, ainsi que diverses sources littéraires et pamphlétaires, soulignent la présence réelle et importante de subcultures sodomites dans la capitale, fondées sur l’affirmation d’une habitude sexuelle distincte, ces hommes commençant à se construire une identité et à se représenter par eux-mêmes3. Ces archives exposent le cas d’hommes qui affirment leur particularité, certains spécifiant parfois n’avoir aucun goût pour le sexe féminin, d’où la possibilité de relever l’apparition de rites et de coutumes propres au monde sodomite parisien4. Cependant, peut-on soutenir qu’il s’agit de la naissance d’une identité homosexuelle ? L’homosexualité, saisie comme contre-modèle, fut pleinement conceptualisée à la fin du xixe siècle, David Halperin ayant indiqué qu’elle fut une catégorie de pensée créée par le discours médical5. D’autres, comme l’historien John Boswell (1947-1994), ont soutenu que, par-delà la diversité et le changement des discours, il exista une minorité ayant eu conscience de son existence6. Régis Revenin a, par exemple, démontré le développement d’un monde homosexuel à Paris depuis les années 18707. Cependant, ces sodomites parisiens du xviiie siècle n’avaient-ils pas conscience, déjà, d’une forme d’expérience commune ? Ce sentiment semble s’être exprimé dans certains de ces témoignages, car si l’homosexualité est définie à la fin du xixe siècle, nombreux furent ceux qui questionnèrent antérieurement l’attirance affective et sexuelle pour quelqu’un du même sexe dans le cadre d’une définition de la normalité et de l’altérité8.

  • 9 Thierry Pastorello, op. cit., p. 141.

2Face à la visibilité croissante de ces marginaux, comment réagissent les entrepreneurs de morale que sont le policier et le juge ? Comment la présence de ces subcultures oblige-t-elle l’outil répressif à évoluer dans ses buts et ses stratégies ? Quels sont les traits que le policier et le juge du xviiie siècle prêtent au sodomite ? Quelles sont les craintes et les peurs qu’alimente la visibilité de ces mœurs dans Paris ? Car le policier du xviiie siècle a l’impression d’une progression des mœurs homosexuelles à Paris9. Quelle spécificité peut-on alors observer du discours judiciaire concernant les faits d’homosexualité sur Paris ?

  • 10 Scarlett Beauvalet, Histoire de la sexualité à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010, p. 242.
  • 11 G. Siouffi, « Débauche », dans L.-G. Tin, dir., Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF, 2003, p.  (...)
  • 12 Dictionnaire de L’Académie française, Paris, Firmint Didot, 1884, t. 2, p. 32-33.

3Au xviiie siècle, une attention particulière est portée à la protection des familles et de l’enfance. Les désordres sexuels sont observés tout particulièrement, les pratiquants de l’homosexualité étant perçus comme des débauchés et une menace réelle pour les familles10. Les autorités judiciaires et policières sont très sensibles à la visibilité accrue de l’homosexualité et, de ce point de vue, ces policiers produisent un récit type du délit d’outrage à la morale par les pratiquants de l’homosexualité, définis comme des débauchés qui présentent un danger pour la société et, en particulier, pour la jeunesse11. Dans un premier temps, il est nécessaire d’aborder l’action des policiers et des juges envers les pratiquants de l’homosexualité, la répression policière s’organisant autour de la surveillance de lieux stigmatisés comme des lieux fréquentés par les infâmes, autre nom donné par les policiers aux sodomites, un terme qui désigne un acte indigne, honteux, avilissant et relevant du domaine du malséant12. Cette action policière poursuit des buts précis et utilise, au cours du xviiie siècle, certaines techniques répressives. Sur le plan judiciaire, les sanctions visent davantage celui qui dissémine le vice que le simple pratiquant de l’homosexualité, surtout si celui-ci fait preuve de discrétion. Ensuite, il convient de définir qui est ce sodomite – ou cet infâme – pour ces entrepreneurs de morale au xviiie siècle. Aussi faut-il confronter le discours juridique de certains manuels de droit et les représentations de ces membres de la police parisienne du xviiie siècle.

  • 13 Florence Tamagne, « Homosexualités, le difficile passage de l’analyse des discours à l’étude des pr (...)
  • 14 Scarlett Beauvalet, op. cit., p. 242 ; Claude Courouve, Vocabulaire de l’homosexualité masculine, P (...)
  • 15 Arch. Nat., Y 13407-13409, Y 11724 et Y11727.
  • 16 Claude Courouve, op. cit., p. 139-142.

4Quelles sont la définition et la contextualisation des termes ayant trait aux adeptes de l’homosexualité ? À l’origine, les termes « sodomite » ou « sodomie » englobaient tout ce qui n’aboutissait pas à la procréation, tout ce qui s’en détournait sans distinction. Ils avaient à la base une connotation fortement religieuse, car ils renvoyaient à l’histoire de la ville biblique de Sodome. Comme l’a souligné Florence Tamagne, ces mots pouvaient s’appliquer à la bestialité ou à une relation conjugale non réalisée par la voie dite naturelle13. Cependant, au xviiie siècle, un changement apparaît, et ces termes, notamment dans les manuels de jurisprudence, signifient de plus en plus homosexualité masculine14. Les mots « pédérastie » et « pédéraste » sont le plus souvent utilisés pour signifier l’homosexualité masculine vers la fin du xviiie siècle : pédéraste est le terme dominant dans les papiers des commissaires Pierre-Louis Foucault et Charles Convers Désormeaux dans les années 178015. Si ces mots qualifiaient d’abord la proximité entre l’homosexualité masculine et l’attirance pour des adolescents, ils se rapportent, à la fin du siècle, à l’homosexuel masculin qui fréquente régulièrement les promenades publiques. Dans les archives de la Bastille, « infâme » et « infamie » sont de loin les plus usités pour désigner les adeptes de l’homosexualité. Infâme stigmatisait celui qui avait mauvaise réputation, mettant ainsi au jour une notion d’acte délictueux, ce qui est rendu perceptible par ces entrepreneurs de morale16. En revanche, s’il est fait usage des termes « homosexualité » et « homosexuel », c’est par commodité, car ceux-ci sont inconnus au xviiie siècle.

L’action des entrepreneurs de morale envers les sodomites

  • 17 Howard S. Becker, op. cit., p. 171.

5Deux types d’entrepreneurs de morale peuvent être dégagés : le créateur de normes qui, comme l’a souligné Howard Saül Becker, examine une situation qu’il estime mauvaise et peut estimer qu’il faille de nouvelles règles pour amender des comportements scandaleux17 ; et celui chargé de faire appliquer les normes, c’est-à-dire le policier. L’analyse de l’action de la police parisienne du xviiie siècle porte ici sur près de trois cents cas.

Police

  • 18 Nicolas de la Mare, Traité de la police, Paris, J. et P. Cot, 1705, t. I .
  • 19 Nicolas de la Mare, op. cit., t. I, p. 4.
  • 20 Lerasle, Encyclopédie méthodique. Jurisprudence, t. 10, Police et municipalité, t. 2, Danse et voit (...)

6Les attributions de la police englobent des domaines importants : religion, et notamment observances religieuses, luxe, santé et sanitaire, mœurs18. La préoccupation envers ce qui concerne les mœurs est exprimée dans le livre i, Titre i du Traité de police de Nicolas de la Mare (1639-1723) : « Ils entrent dans cette partie de la police qui a pour objet la religion. Que si l’on fait attention sur l’oisiveté, le libertinage et une infinité d’autres vices...19 ». Dans une autre source, il est également possible de lire : « Un genre particulier de prostitution très à la mode à Paris et que les mœurs italiennes ont amené en France dans le temps des guerres de Charles VIII... » ou « Cet amour des garçons qui a fait naître un genre particulier de prostitution20. »

  • 21 Marc Chassaigne, La lieutenance générale de police de Paris, Genève, Slatkine reprint, 1975, p. 96.
  • 22 Marc Chassaigne, op. cit., p. 89-90.
  • 23 Claude Quétel, Une légende noire : les lettres de cachet, Paris, Perrin, 2011, p. 184
  • 24 Michel Rey, « Police et sodomie à Paris au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporai (...)

7Créée dans la seconde moitié du xviie siècle, la lieutenance générale de police de Paris centralisait tous les problèmes sanitaires et de sécurité de la capitale et pouvait, par des ordonnances, suppléer aux insuffisances des textes légaux. Comme l’a souligné Marc Chassaigne, les magistrats d’Ancien Régime ne se contentaient pas d’appliquer la loi, telle qu’elle découlait des ordonnances royales, mais ils la faisaient21. Le lieutenant général avait un tribunal, où il siégeait deux fois par semaine, détenait les attributions et le pouvoir des intendants22, ainsi que la responsabilité de toutes les charges de police (sécurité publique, surveillance des tavernes, maisons de jeu, prostitution, censure, mœurs). Il tenait audience au Châtelet, pouvait délivrer des lettres de cachet et décider du temps d’un emprisonnement, sous forme de correction pour un délit tenu pour mineur, sa juridiction pouvant être expéditive dans certains cas. Claude Quétel a souligné, en ce qui concerne les lettres de cachet, que dans le cas parisien, le lieutenant général pouvait être saisi d’une demande d’un particulier, mais la répression procédait d’un système de surveillance mis en place au xviiie siècle23. Il s’agit d’une fonction de police au sens moderne du terme, une telle fonction préfigurant, d’une certaine façon, ce que sera le préfet de police de Paris. Nicolas Jean-Baptiste Ravot (1680-1729), seigneur d’Ombreval, devint lieutenant général de police de Paris le 28 janvier 1724 et le resta jusqu’en 1725, en ayant mené une activité tambour battant. Il se montra soucieux de combattre la prostitution et, en 1725, il créa une police des mœurs, afin de gérer les actes d’homosexualité. À Ravot s’ajoute un autre titulaire de cette charge, Nicolas René Berryer (1703-1762), qui réforma la police dans un sens plus administratif24. Après les récits suivent des listes de noms contenant des renseignements sur les hommes appréhendés : avaient-ils fréquenté des personnes connues dans le monde sodomite parisien ?

  • 25 Jean Nagle et Robert Descimon, « Les quartiers de Paris du Moyen Âge au xviiie siècle. Évolution d’ (...)
  • 26 Frédéric Barbier, Sabine Juratic et Annick Mellerio, Dictionnaire des imprimeurs libraires et gens (...)
  • 27 Jeffrey W. Merrick, « “Nocturnal Birds” in the Champs-Élysées : Police and Pederasty in Prerevoluti (...)

8Le lieutenant général de police avait sous ses ordres les commissaires au Châtelet, lesquels recevaient les plaintes et rédigeaient les procès verbaux lors de procès criminels. Depuis 1702, Paris était divisée en vingt quartiers25 dans lesquels les commissaires, représentants du lieutenant général, se répartissaient pour le tenir informé de tous les événements. Ils étaient non seulement les protecteurs de l’ordre public et des bonnes mœurs, mais ils se chargeaient aussi de prononcer des emprisonnements et de surveiller les prostituées comme les lieux de sodomie. Deux commissaires, dont les noms figurent dans les séries présentes aux archives nationales, ont joué un rôle décisif dans cette répression : Pierre-Louis Foucault, actif dans les années 1780, et Charles Convers Désormeaux26, commissaire enquêteur au Châtelet de 1761 à 1789, dirigèrent ce que l’on nomme les brigades de pédérastie27.

  • 28 Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, t. 3, Genève, Slatkine, 1979, p. 297.
  • 29 Marc Chassaigne, op. cit., p. 214.
  • 30 Lerasle, op. cit., t. 2, p. 324.
  • 31 Marc Chassaigne, op. cit., p. 235.
  • 32 Arch. Nat., Y 11724, brigade de pédérastie, 24 juillet 1784.

9« Les inspecteurs de police sont beaucoup écoutés par le lieutenant de police » souligna Louis Sébastien Mercier (1740-1814)28. M. Chassaigne a rapporté qu’ils « exercent dans les vingt quartiers de la capitale. Ils procèdent aux enquêtes. Ils surveillent les hôtels et garnis... Ils se voient confier divers départements et certains s’occupent de la capture des pédérastes29. » Dans l’Encyclopédie méthodique, on peut lire à la rubrique « inspecteur » que ce sont des « officiers au nombre de quarante [...] établis en 1708, pour s’occuper des objets de police et de surveillance dans Paris30. » La police avait également recours à des espions, souvent d’anciens repris de justice au service des forces de l’ordre, des mouchards appelés « mouches », afin d’exercer une étroite surveillance. Louis Sebastien Mercier comparaît ces espions à de la « canaille qui servait à dévoiler et à réprimer les turpitudes, les excès, les violences sourdes de la canaille31 ». En 1725, le lieutenant de police Nicolas Jean-Baptiste Ravot d’Ombreval créa une police des mœurs à l’intérieur de la lieutenance de police. À cette occasion, deux policiers, ayant sous leurs ordres une brigade de douze archers, furent chargés de l’arrestation des sodomites, leur principale activité étant de surveiller les jardins et autres lieux publics, tenus pour être des lieux de rencontre homosexuelle, tels les jardins des Tuileries, du Luxembourg, du Palais royal. Les quais de Seine, les boulevards extérieurs, les Invalides, les Champs-Élysées étaient aussi contrôlés régulièrement, ainsi que la Demi-lune de la porte Saint Antoine et le marais de la Charbonnière. Les contrôles s’effectuaient par le biais des mouchards de police au cours des années 1723-1750. Puis, dans les années 1770 et 1780, il s’agit de l’action des brigades de « pédérastie », lesquelles agissaient le soir, sous la responsabilité d’un commissaire, en compagnie d’un inspecteur de police, comme Pierre-Louis Foucault, Charles Convers Désormeaux et Noël. Ces brigades parcouraient les lieux notoirement connus pour les rencontres, souvent nocturnes, et elles procédaient, le cas échéant, à des arrestations : « Les boulevards de la porte Saint Antoine jusqu’à la Chaussée d’Antin, les marais de la Charbonnière, rues adjacentes, différents quartiers de l’intérieur de la ville, endroits où se rassemblent ordinairement les pédérastes et ceux adonnés à ce vice32 [...]. »

10Les indicateurs (« mouches ») pouvaient également servir d’appât, en se rendant dans les jardins royaux (Tuileries et Luxembourg), faisant semblant de rechercher une liaison homosexuelle et se livrant à un véritable jeu de séduction. À un moment donné, ils entraînaient l’homme qui était la malencontreuse victime de ce piège au dehors du jardin, où des policiers l’attendaient, afin de procéder à l’arrestation :

  • 33 AB, ms. 10254, fiche Pierre Toussaint marié 45 ans enfermé au Petit Châtelet, 20 juin 1723.
  • 34 Ferdinand Federici, Flagrants délits sur les Champs-Elysées (1777-1791), Paris, Mercure de France, (...)
  • 35 AB, ms. 10255, fiche Fleury Tuileries, sodomie, 24 novembre 1724.

Promenade au Luxembourg dans les allées où vont les infâmes sodomites. Il a vu De la Roche. Il entra dans le petit bois, je le suivis. Il me demanda si je bandais, il bandait bien fort. Mon cher ami je te fous. Le vit était hors de sa culotte. Il voulut m’emmener au cabaret de l’Estrapade33 ;
Je crois de mon devoir de vous rendre compte avant mon premier rapport que M. Noël, secondé par ses gens et ma garde, a arrêté cinq de ces vilains pédérastes entre sept et dix heures du soir. Ils étaient tous bien couverts, du nombre desquels, il y avait un soldat du guet en habit de ville et un anglais34 ; Le sieur Fleury lui a montré son vit. Il lui a dit qu’il fallait prendre garde. Le particulier lui demandait s’il s’amusait qu’à cela Fleury lui dit qu’il aimait à la mettre par d’aimables garçons. Il souffrait qu’on la lui mette. Le particulier voyant un gens d’Haymier a dit à Fleury qu’il l’arrêtait comme infâme35.

11Parfois, l’indicateur de police revoyait l’homme qu’il suivait plusieurs fois, avant de faire procéder à son interpellation comme l’illustre ce témoignage du 11 juillet 1723 :

  • 36 AB, ms. 10254, fiche du 11 juillet 1723, Tuileries et quai de la Ferraille.

Le 20 juin dans les endroits où vont les sodomites, il lui propose de se branler. Il tire son vit hors de sa culotte. Si vous voulez nous nous branlerons ensemble. Il me porta la main à ma culotte... Le 27 juin me promenant aux Tuileries, il me dit qu’il y avait des gens d’épée [police]. Si je voulais payer une bouteille, il viendrait avec moi36 [...].

  • 37 Arch. Nat., Y 13409.
  • 38 Arch. Nat., Y 11727.

12Les contrôles donnaient lieu à des interpellations parfois très nombreuses : « Le 17 juin 1782 arrestation rue Saint Nicolas PM Bertrand, Cl Boujan, J Fosse, JB Chatelard37 » ; « Le 8 avril 1786 à la sortie du Palais Royal arrestation de trois particuliers dont un connu et lié à des détenus de la prison de la Force, Jean-Claude Coutelet 30 ans compagnon imprimeur, Louis Parfait 20 ans domestique sans condition, Louis Simon 40 ans domestique38. »

13À la surveillance de certains lieux de rencontre s’ajoutait celle d’établissements soupçonnés de recevoir complaisamment une clientèle homosexuelle. Il s’agissait la plupart du temps de cabarets, mais aussi d’hôtels ou de maisons de jeu. Ainsi certains endroits, car l’homme incriminé avait proposé à l’indicateur de police de s’y rendre :

  • 39 AB, ms. 10254, fiche Jean Fourty, 31 août 1723, Luxembourg.

Jean Fourty 31 ans domestique. Promenade au Luxembourg dans les allées où vont ordinairement les sodomites. Il lui proposa de se branler avec un abbé et un jeune homme. Il a voulut mettre sa main dans sa culotte [...] Le lendemain il lui donna rendez vous au cabaret de La Tour d’argent39.

  • 40 AB, ms. 10254, fiche André De Fouquault, sous-brigadier des gardes du corps, Tuileries.
  • 41 Olivier Blanc, L’amour à Paris au temps de Louis XVI, Paris, Perrin, 2002, p. 100-102.
  • 42 Arch. Nat., Y 13409.
  • 43 Arch. Nat., Y 13407.

14Ou ce témoignage du 14 octobre 1724 : « proposition d’aller au cabaret pour manger. Au cabaret il le mettrait sur des chaises40 ». Olivier Blanc signala la surveillance d’une maison de jeu, de bains et d’un hôtel41, tout comme d’autres endroits censés favoriser la débauche : « le 9 octobre 1780 est procédé à l’arrestation de Jean François Herque tenant le café de la victoire, rue des vieux augustins et maintenant commis, ci devant tenant des orgies dans le dit café. Son café occasionnait des désordres. Il est arrêté42. » Parfois, certains étaient interpellés dans des cabarets : « le 15 décembre 1780, Pierre Pujol marchand de fruits arrêté avec le nommé Pierre dit la petite voleuse au café de Herk en octobre 177943 [...]. »

  • 44 Arch. Nat., Y 13409.
  • 45 Arch. Nat., Y 13409.
  • 46 AB, ms. 10918 affaire Deschauffours f 173, ou Bibliothèque nationale de France, Manuscrits occident (...)

15Une autre technique répressive employée fut celle d’employer des « sodomites notoires », afin d’en appréhender d’autres qui étaient inconnus aux patrouilles : tel prévenu se voyait demander s’il ne connaissait pas tel homme qui était tenu pour sodomite, comme ce fut le cas le 22 février 1782 où fut « procédé à l’interrogatoire de JB Mion 42 ans négociant. Il est soupçonné de pédérastie. On lui demande s’il ne connaît pas tel ou tel connu des policiers comme pédéraste44. » Aussi un homme qui se trouvait avec un autre soupçonné de pédérastie était-il considéré comme « pédéraste » : « Le 23 novembre 1780, Noël Courville 42 ans marchand est arrêté rue Coquillère. Il était avec Gabriel connu pour raccrocher dans les promenades publiques. La police cite des noms connus : Le Roy D’Herval, Chevalier Eklin45 [...]. » Ces policiers voulaient empêcher la formation de réseaux de sodomites, une répression qui ne visait pas tant à faire disparaître toute forme de vie homosexuelle qu’à contenir la constitution de subcultures spécifiques. C’est la raison pour laquelle les individus voyants ou s’assumant étaient réprimés en priorité, comme le prouve le procès et la condamnation de Benjamin Deschauffours pour sodomie, exécuté en place de Grève le 24 mai 1726, pour avoir encouragé la sodomie. Le déroulement de l’affaire met au jour l’existence de réseaux de connaissances sodomites qui transgressaient les barrières sociales de l’Ancien Régime. Même si l’accusation fait ressortir la pratique de la sodomie, le fait de l’encourager et d’entretenir des réseaux intervient dans la condamnation46.

  • 47 AB, ms. 10255.
  • 48 Arlette Farge, Vivre dans la rue à Paris au xviiie siècle, Paris, Gallimard, Julliard, 1979, p. 32- (...)

16La police se fondait aussi sur les dénonciations que pouvaient faire l’entourage des hommes incriminés, celles de l’abbé Théru ayant permis l’arrestation de certains d’entre eux et l’application de sanctions47. Par ailleurs, comme l’a souligné Arlette Farge, une grande promiscuité régnait dans les logements au xviiie siècle, les familles vivant les unes à côté des autres, d’où la difficulté de garder un secret48. Dans ces conditions, une dénonciation était une pratique aisée. Parallèlement, les policiers obtenaient des dénonciations lors d’aveux d’hommes interpellés :

  • 49 AB, ms. 10259.

Jean Baptiste Thiver, maître chapelier déclare qu’il a eu le malheur d’être débauché dans le crime de l’infamie. Il s’est trouvé l’été dernier dans une assemblée à la Courtille où il y avait un domestique avec lequel il s’est manualisé [...].
Thomas Bequet domestique déclare qu’il y a cinq mois qu’il s’est manualisé avec ledit Debis négociant de Lyon49...

17Visiblement, ces dénonciations visaient à connaître les réseaux sodomites et à les démanteler. La répression policière des actes de sodomie prit le pas sur la condamnation exemplaire par la peine du feu.

Justice

  • 50 Voir Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répr (...)
  • 51 Anthony R.H. Copley, Sexual Moralities in France : 1780-1980. New Idéal on the Family, Divorce and (...)
  • 52 AB, ms. 10254-10260 et Arch. Nat. Y 13407, Y 13409, Y 11724, Y 11727.
  • 53 Michel Rey, « Police et sodomie... », p. 123.

18Au cours du xviiie siècle, on assiste à l’extinction progressive du crime de sodomie pour simple pratique de l’homosexualité. La dernière application de la peine de feu pour sodomie intervint avec la double condamnation de Bruno Lenoir et Jean Diot, exécutés en juillet 1750. Les autres cas avaient des circonstances aggravantes : trafic de jeunes garçons et volonté de faire pratiquer la sodomie dans le cas de Benjamin Deschauffours (1726) ; cas de sodomie doublé de violence contre la personne, pour Jacques François Paschal (1783). La disparition progressive de la peine de feu prit place dans le cadre d’une profonde mutation des discours sur l’homosexualité. Désormais, ces comportements étaient analysés à travers le concept de nature, l’ordre naturel étant transgressé par l’homosexuel50. De l’acte interdit sur le plan du dogme religieux l’on passe à l’idée d’un comportement distinct et particulier. Or cette vision induit une évolution sensible des pratiques répressives : l’application de la peine du feu n’était pas en mesure d’empêcher ce type de comportement qu’il convenait de réformer par l’intervention d’une bonne police, selon ce que soutint Montesquieu51. Il s’agit de la mise en place d’une nouvelle stratégie pénale. La présence de subcultures sodomites dans Paris provoque un renforcement des contrôles de police et de la répression de l’outrage aux mœurs. Sur le plan de la répression juridique, sur trois cents cas environ, dix furent envoyés à l’hôpital-prison de Bicêtre ; cent quatre-vingts hommes furent arrêtés (65 % de l’échantillon retenu), dont quarante-deux placés au Petit Châtelet, six au Grand Châtelet, deux au Châtelet, six à la prison de la Force, cinq à la prison de Fort l’évêque, un à la prison Saint Martin. Quarante-cinq hommes (15 %) signèrent une soumission avec promesse de ne plus fréquenter les promenades publiques ; cinquante-neuf (20 %) furent relaxés, parfois après avoir été réprimandés par le lieutenant général de police52. La répression n’était donc pas négligeable dans Paris. Bien entendu, il faudrait prendre en compte le délai d’emprisonnement de ces hommes pour évaluer son intensité. Sur ce plan, l’historien Michel Rey a noté que l’emprisonnement avait été de huit jours au début du xviiie siècle et de deux mois en 1737-1738, quand il s’agit d’interpeller ces hommes et de démanteler des bandes53, expression de la volonté de ces entrepreneurs de morale d’identifier des réseaux. L’emprisonnement visait à instruire l’affaire et à définir l’éventuelle notoriété du prévenu au sein de ces subcultures homosexuelles. Par conséquent, l’emprisonnement atteignait en priorité ceux que l’on pourrait qualifier de « sodomites endurcis », c’est-à-dire ceux qui assumaient leurs orientations sexuelles et qui passaient pour des libertins :

  • 54 Arch. Nat., Y 13409, fiche Charles Antoine Maville, 23 décembre 1782.
  • 55 Arch. Nat., Y 13407, fiche JB Roussel.

Le 23 décembre 1782 est procédé à l’arrestation au lieu dit La Courtille de Charles Antoine Malville trente quatre ans, valet de chambre. Il est connu pour raccrocher aux Tuileries, Champs Elysées. Il paraissait mauvais sujet et libertin54 ; Le 20 novembre 1780 JB Roussel 23 ans marié est arrêté au Palais Royal. Il est connu parmi les pédérastes. Il a fait la connaissance de Bucquet. Ce Bucquet n’avait-il pas pour surnom, celui de la Chiffon. JB Roussel est arrêté, car il est connu pour raccrocheur de pédérastes et il est complice de Chiffon55.

19Ce sont des hommes notoirement « pédérastes ». Parfois, lors d’interpellations, ceux qui avaient été appréhendés antérieurement ou connus étaient arrêtés, les autres pouvant être relaxés plus facilement :

  • 56 Arch. Nat., Y 11724.

Le 28 août 1784, la patrouille dirigée par le commissaire Convers Désormeaux procède à l’interpellation de plusieurs hommes. Jacques Robert Le Blanc cinquante trois ans lieutenant dans la légion de Lauzun est interpellé. Il affirme ignorer ce qui se passait dans cet endroit et semble inconnu. Il lui est enjoint de ne plus fréquenter les promenades publiques et il est relaxé. Par contre, Jacques Courtois trente deux ans, garçon jardinier, a été anciennement envoyé à Bicêtre. Il est arrêté56.

20D’autres exemples en témoignent :

  • 57 AB, ms. 10254, fiche Abbé Dumounier, septembre 1723.

En septembre 1723, un abbé dénommé Dumounier est arrêté et conduit à Bicêtre. Il est indiqué que cet abbé est incorrigible. Il fut chassé d’un établissement car il faisait des infamies. Il fut placé déjà successivement à Bicêtre et Saint Lazare. Il donnait des marques de dépravation57.

  • 58 Vit : pénis.
  • 59 Divertir, dans ces archives, veut dire avoir des relations sexuelles.
  • 60 AB, ms. 10255.
  • 61 Arlette Farge et Michel Foucault, Le désordre des familles : lettres de cachet des archives de la B (...)

21L’arrestation de ce clerc est motivée par un comportement ouvertement homosexuel. D’autres revendiquèrent également leurs goûts et furent ainsi placés en détention : « Le 26 avril 1724, Simon Guillard garçon tailleur de 24 ans est incarcéré au Petit Châtelet. Il aurait déclaré à l’indicateur : “j’aime mieux un vit58 qu’un con. Est-ce que ce n’est pas votre plaisir de vous divertir59 avec quelqu’un de vos amis ?” Son plaisir était de tâcher de trouver un bon gros vit60... ». Comme l’ont noté Arlette Farge et Michel Foucault : « La police du xviiie siècle travaille dans l’imprécision au coup par coup. Elle répond au désordre et l’époque n’est pas encore celle des classifications des marginalités61. »

  • 62 AB, ms. 10256.
  • 63 Demi-lune se trouvait vers la porte Saint Antoine. AB, ms. 10254.

22Certains étaient moins connus et, donc, considérés pour être moins engagés dans le vice, les policiers se contentant de leur faire signer une mercuriale ou la promesse de ne plus se retrouver dans les lieux publics de rencontre, une promesse qui créait un précédent et, lors d’une nouvelle interpellation, l’individu pouvait être incarcéré : « Le 9 janvier 1725, Jean De Moza laquais de la Dame Hamiez rôdait dans les bosquets. Il a accosté un particulier. Il a voulu mettre sa main dans la culotte. Il lui a proposé de se divertir. Il est arrêté par Haymier. Il a signé une mercuriale62. » Dans ce cas, la nature de son désir ne paraît pas faire l’objet d’un doute, même si le prévenu ne semble pas revendiquer ses mœurs, ni d’avoir d’antécédents. Cependant, certains parurent bien revendiquer leur sexualité et signèrent une mercuriale sans être incarcérés : « JB Dufour garçon 21 ans a signé une mercuriale le 8 novembre 1723. Il avait toujours été de ce goût là et qu’il n’aimait point les femmes. De fait, il est indiqué qu’il allait presque tous les jours à la Demi-lune63. » Ce type de cas tendrait à prouver l’imprécision de la police au xviiie siècle qui répondait au désordre sans clairement établir une hiérarchie très nette des marginalités. Dans de nombreux cas, ceux qui étaient relaxés semblent avoir été des hommes peu engagés dans l’homosexualité.

  • 64 Marcela Iacub, Par le trou de la serrure : une histoire de la pudeur publique, xixe-xxie siècle, Pa (...)

23L’action des entrepreneurs de morale tendait vers une application de la notion d’outrage à la morale publique : ceux revendiquant et exprimant leur homosexualité constituaient un trouble à la tranquillité des familles et, plus globalement, à la morale publique, celle qui doit se voir ou s’exprimer64.

Le sodomite, l’infâme dans le discours judiciaire et policier au cours du xviiie siècle

24Quel fut le discours que formulèrent le juge et le policier du xviiie siècle sur le sodomite ? Les rapports contenus dans les archives de la Bastille constituent à cet égard un matériel précieux, grâce à l’activité des « mouches », les indicateurs de police. La trame narrative de ces récits tout comme les expressions employées paraissent rédigées selon un modèle identique. À ces textes s’ajoutent le discours perceptible dans des ouvrages juridiques, ainsi que dans les comptes rendus de procès : celui de Benjamin Deschauffours de 1726, celui de Bruno Lenoir et Jean Diot de 1750. Le récit plus spécifiquement judiciaire semble se détacher des textes contenus dans les archives de la Bastille, et adopte un point de vue classique en ce qui concerne l’homosexualité.

La sodomie dans le langage judiciaire au xviiie siècle

  • 65 Pierre-François Muyart de Vouglans, Réfutation des principes hasardés dans le Traité des délits et (...)

25Plusieurs manuels juridiques publiés au xviiie siècle contiennent des analyses sur le crime de sodomie. Deux furent écrits par Pierre-François Muyart de Vouglans (1713-1791), les Institutes au droit criminel ou principes généraux en ces matières, éditées en 1757, et Les lois criminelles de France, publiées en 1780. L’auteur appartint à une famille de la noblesse de robe, s’intéressa au droit pénal et rédigea en 1767 un ouvrage intitulé Réfutation des principes hasardés dans le Traité des délits et peines, dans lequel il attaqua les théories de l’Italien Cesare Beccaria (1738-1794), en déclarant que l’auteur du Traité des délits et des peines avait fait un procès à toutes les nations policées et n’avait épargné ni les législateurs, ni les magistrats65. Muyart de Vouglans réaffirma la nécessité du crime de sodomie en prenant pour jurisprudence des références bibliques et, donc, légitima l’application de la peine du feu, en se limitant à l’acte de sodomie :

  • 66 Pierre-François Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Paris, (...)

Ce crime est connu autrement sous le nom de pédérastie, on l’appelle aussi contre-nature parce qu’il tend à violer les règles prescrites par la nature. Il tire son nom de cette ville infâme de Sodome. Le droit canonique répute ce crime plus grave que l’inceste. Les lois romaines prononcent la peine de mort. Cette peine est celle du feu66.
Ce crime abominable qui tire son nom de cette ville abominable, dont il est fait mention dans l’histoire sacrée, se commet par un homme avec un homme, ou par une femme avec une femme. Il se commet aussi par un homme avec une femme, lorsqu’ils ne se servent pas de la voie ordinaire pour la génération. La peine d’un si grand crime ne peut être moindre que celle de la mort. La vengeance terrible que la justice divine a tirée de ces villes impies, où ce crime était familier, fait assez voir que l’on ne peut le punir par des supplices trop rigoureux.

  • 67 Bible, Ancien testament, Lévitique, chap. xx, verset 13.
  • 68 Pierre-François Muyart de Vouglans, Institutes au droit criminel ou principes généraux en ces matiè (...)
  • 69 Corinne Leveleux-Teixeira, Daniel Jousse, un juriste au temps des Lumières (1704-1781), Limoges, PU (...)

26Les lois criminelles mentionnent le chapitre xx du Lévitique, où il est stipulé que si « un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils font tous deux une chose abominable, ils seront punis de mort et leur sang retombera sur eux67. » Il cite aussi la loi Cum vir 31 : que ceux qui tombent dans ce crime soient punis par le feu vif. Un passage se rapporte également aux clercs homosexuels68. Le Traité de la justice criminelle de France, ouvrage important, composé de quatre volumes, est dû à la plume de Daniel Jousse (1704-1781), un juriste issu d’une famille orléanaise de négociants. Corinne Leveleux-Teixeira a souligné que Jousse était convaincu que la justice n’avait pas besoin d’être réformée, les lois devant être meilleures et plus exactement connues69. En effet, pour ce qui est du crime de sodomie, l’auteur orléanais se limita à rappeler les condamnations de la sodomie et à évoquer l’histoire de la ville de l’Ancien testament, Sodome :

  • 70 Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Paris, Debure, 1771, 4 vol. : voir vol. 4 (...)

Le péché contre-nature se fait principalement de trois manières. La seconde espèce est la sodomie qui se commet lorsqu’un mâle est avec un mâle ou avec une femme pas par la voie naturelle. La sodomie est de toutes les impudicités la plus abominable et qui de tout temps a été punie de la manière la plus sévère. C’est ce crime qui a fait périr par le feu les villes de Sodome et Gomorrhe. La peine de ce crime suivant la loi divine au chapitre vingt du Lévitique était la mort contre les deux coupables70.

27Le Traité évoque la loi Scantinia des Romains, qui prévoyait une amende de 10 000 sesterces, alors que les empereurs chrétiens établirent la peine de mort. Il est aussi question de la loi de Charles Quint pour le saint empire romain germanique de 1532 qui impose la peine du feu, et la loi française, laquelle condamnait les coupables à la castration et, en cas de récidive, à la peine du feu. Le texte mentionne, pour le xviiie siècle, comme jurisprudence, les exécutions de Benjamin Deschauffours en 1726, et de Bruno Lenoir et Jean Diot, en 1750. À l’instar de Pierre-François Muyart de Vouglans, Daniel Jousse se limita à l’acte de sodomie. Il n’y avait pas d’idée de nature spécifique, mais la réalisation d’un acte illicite.

  • 71 Son attachement à l’Église et au clergé explique probablement qu’il eut deux enfants qui furent cle (...)
  • 72 Pierre Jean Jacques Guillaume Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, crim (...)
  • 73 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, t. 2, Paris, 1749, p. 621.

28Un autre docteur en droit, Pierre Jean Jacques Guillaume Guyot (1719-1784), fut l’auteur d’un ouvrage juridique publié en 1784-1785, intitulé Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiaire. Juriste, notable orléanais issu d’une famille d’hommes de loi, proche du clergé, il occupa la charge de docteur régent de l’Université d’Orléans71. Un tel contexte social permet sans doute de comprendre son strict conformisme dans la présentation du crime de sodomie, son analyse étant purement juridique. L’article fait référence à un crime de débauchés. Sur le plan juridique, il mentionna les établissements de Louis IX de 1270 et l’article 633 de la Nouvelle Coutume de Bretagne, et il rappela, pour jurisprudence, les procès et condamnations de Benjamin Deschauffours en 1726, celles de Bruno Lenoir et Jean Diot en 1750 et, enfin, celle de Jacques François Paschal en 178372. Enfin, Claude-Joseph de Ferrière (1680-1748), également juriste et professeur de droit, fut l’auteur du Dictionnaire de droit et pratique publié en 1769. Il analysa le droit, mais n’innova pas. En ce qui concerne le crime de sodomie, il témoigna d’une position juridique de la plus parfaite orthodoxie : « Crime abominable et contre-nature qui a été ainsi appelé du nom de la ville de Sodome, qui périt par le feu à cause de cet exécrable péché73. »

  • 74 Bible, Ancien testament, Genèse 19.
  • 75 Bible, Ancien testament, Lévitique 19.13.

29Ces différents manuels, dus à des notables, juristes et universitaires, mettent au jour la parole juridique, mais les sources théologiques du crime de sodomie sont également utilisées : histoire de la ville de Sodome, chapitre xix de la Genèse74, chapitre xx du Lévitique75. Enfin, il est fait mention de certaines références du droit coutumier. Il s’agit d’une parole traditionnelle au même titre que la parole juridique, comme en témoignent les sentences des affaires Benjamin Deschauffours, Bruno Lenoir et Jean Diot :

  • 76 Châtelet de Paris, Acte, 1726-05-24, Jugement à mort rendu par M. Herault Lieutenant de police de l (...)
  • 77 Claude Courouve, L’affaire Lenoir-Diot, Paris, C. Courouve, 1980, p. 2.

Étienne Benjamin Deschauffours est déclaré et convaincu d’avoir commis le crime de sodomie. Pour réparation et autres cas, ledit Deschauffours est condamné à être brûlé vif76.
Ils auraient été déclarés dûment atteints et convaincus du crime de sodomie mentionné au procès : pour réparation, ils auraient été condamnés à être conduits dans un tombereau place de Grève, et là y être brûlés vifs77 [...]

  • 78 Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits occidentaux, ms. F Fr 10970, procès cr (...)
  • 79 Fernand Fleuret et Louis Perceau, Les procès de sodomie aux xvie, xviie et xviiie siècles, publiés (...)
  • 80 Fernand Fleuret et Louis Perceau, op. cit., p. 99.

30Pourtant, l’instruction de l’affaire Deschauffours fait bien mention de circonstances aggravantes à l’encontre du prévenu : viol, rapt d’un adolescent et commerce de sodomie, cette dernière accusation ayant dû jouer un rôle considérable dans la sentence de mort. La parole judiciaire paraît en effet sensible au fait de gagner des adeptes à la pratique de l’homosexualité78. À cet égard, les pièces du procès de Benjamin Deschauffours soulèvent plusieurs constatations79. Les qualificatifs traditionnels apparaissent : sodomie, crime contre-nature, commerce abominable et scandaleux, livrant du coup l’image du sodomite qui passe pour amoral et cynique dans la représentation de Benjamin Deschauffours, lequel déclarait qu’il n’y avait rien de criminel dans ce commerce80. Les interrogatoires conduits par l’entrepreneur de morale insistent sur les abus commis par Deschauffours qui répandait le vice, abusait des jeunes gens, haïssait les femmes et faisait commerce de sodomie, personnage d’autant plus dangereux qu’il revendiquait son état. Il se dégage de cette parole judiciaire l’image d’hommes ayant des mœurs particulières qui tendaient à l’exclusivité comme l’attestent les dépositions :

  • 81 Ibid., p. 98.
  • 82 Ibid., p. 102.

Deschauffours, après lui avoir fait beaucoup d’honnêteté et demandé s’il n’avait point de maitresse, il aurait répondu qu’il n’en voulait point, attendu qu’une maîtresse demandait trop de soins81 [...]
Un des laquais qui avait servi ledit Milord anglais, qui lui avait dit que cet anglais était un milord fort riche et fort bon, mais que les filles n’avaient rien à craindre avec lui, n’y rien aussi à gagner, attendu qu’il n’aimait que les garçons82.

  • 83 Ibid., p. 132.

31Ou, lors de la déposition d’une certaine Jeanne Trappel : « il est indiqué que Deschauffours haïssait trop les femmes pour avoir des bâtards83 ». Parallèlement à ces goûts sexuels, que l’entrepreneur de morale suppose exclusifs, les interrogatoires et dépositions du procès Deschauffours laissent deviner l’existence de subcultures homosexuelles. La parole sur l’homosexualité dans les manuels juridiques relève de l’orthodoxie juridique, alors qu’elle paraît plus ouverte et plus prolixe lors des interrogatoires du procès criminel de Benjamin Deschauffours.

Le sodomite ou l’infâme dans le langage policier du xviiie siècle

  • 84 Vincent Milliot, dir., Les mémoires policiers, 1750-1850 : écritures et pratiques policières du siè (...)
  • 85 Vincent Milliot, dir., op. cit., p. 26.
  • 86 Alain Corbin, L’harmonie des plaisirs : les manières de jouir du siècle des Lumières à l’avènement (...)
  • 87 Ronald A. Posner, Droit et littérature, Paris, PUF, 1996, p. 352.
  • 88 AB, ms. 10254.
  • 89 AB, ms. 10255.
  • 90 AB, ms. 10255.
  • 91 Ruth Perry, « Fanciulle oneste e donne perdute : le figure della prostituta nel romanzo inglese del (...)
  • 92 Ruth Perry, « Fanciulle oneste... », p. 149.
  • 93 Voir Thierry Pastorello, « La stigmatisation particulière du pédéraste passif dans les enquêtes de (...)

32Quelle est la parole policière ? Est-elle si différente de la parole juridique ? A priori, le policier est chargé uniquement de faire respecter la loi qu’il lui arrive certes d’interpréter. Or, à la fin de la période moderne et comme l’a souligné Vincent Milliot, la police écrit beaucoup84, notamment grâce à la réforme de 1666 et à la création de la lieutenance de police de Paris en 166785, afin d’affirmer la spécificité de sa mission et de justifier ses méthodes. Il est intéressant de noter la similarité des propos employés avec ceux utilisés dans la littérature licencieuse et pamphlétaire86. Le juriste américain Richard A. Posner a noté que les individus imprégnés de la littérature avaient tendance à comparer leurs expériences quotidiennes à leurs contreparties littéraires87. Peut-on penser à une certaine forme d’imprégnation de la littérature licencieuse et pamphlétaire dans ces rapports de police qui sont conçus de manière similaire (trame narrative, termes utilisés) ? Ce qui revient, d’abord, dans ces rapports sont les exhibitions et attouchements sexuels dont ces infâmes, comme ils étaient désignés, passaient pour être les auteurs. Puis, les propositions sexuelles, dont les indicateurs de police ont été les témoins ou les victimes, figurent dans ces documents comme ce fut le cas, le 23 juillet 1723, de François Dufourny, âgé de 21 ans, garçon : « Me promenant dans les allées des Tuileries, Dufourny tournait. Il m’a demandé si je bandais. Il a voulu mettre la main dans ma culotte, me demandant si je bandais. » Georges Delaine, garçon, 20 ans, l’aborde : « Viens que je te foute en me portant la main à la culotte88. »« [Le] Comte de Berule, novembre 1724 aux Tuileries : “Il aimait fort qu’on lui mette et il ferait tout ce que le particulier souhaiterait. Il était d’avis de sortir des Tuileries et d’aller dans quelques endroits boire une bouteille. Le sieur Berulle a voulu mettre la main dans la culotte du particulier89”. » Ces propositions font ressortir les discours crus et malséants attribués à ces hommes. Le Chevalier de la Baume, capitaine de régiment, rapporte le 6 novembre 1724 : « Il se promène dans des endroits suspects pour y regarder des jeunes gens qui passaient. Il s’est assis à côté d’un particulier. Il lui a tenu des discours infâmes, lui demandant s’il bandait. » Le Sieur Entragues, brigadier des armées du roi, le 4 octobre 1724 : « Il a accosté le même jeune homme, lui fit des propositions infâmes. Il lui fit promettre de se trouver le lendemain, qu’il lui mettrait90. » En somme, ces homosexuels, hantés par des désirs sexuels débridés, passent pour des débauchés et des libertins, coutumiers d’attouchements sexuels, font facilement des propositions osées et tiennent des propos grossiers. De tels comportements sont notés dans presque tous ces rapports, faisant émerger, d’un côté, le corrupteur (le sodomite) et, de l’autre, celui qui peut être corrompu. L’universitaire Ruth Perry a souligné que, dans la littérature romanesque anglaise du xviiie siècle, il existait un abîme entre deux types de femmes, une distinction qui peut être proposée pour l’homosexuel à Paris : la prostituée et la fille pouvaient se perdre91. Aussi le lecteur pouvait-il comprendre qui, des deux, était innocente92. Dans les rapports de police parisiens, un constat analogue peut être formulé entre celui qui est corrupteur et celui qui est corrompu. Globalement, l’homosexualité est représentée comme une forme extrême de la débauche et doit être replacée dans le contexte des rapports des indicateurs de police qui cherchaient à combattre la visibilité, que l’on pensait croissante, de telles pratiques, ce qui explique la volonté de décrire des actes considérés comme des nuisances et d’identifier leurs auteurs, quoique le sodomite ne soit pas un individu monstrueux, qualification qui sera en revanche celle des médecins légistes93. Ces rapports appellent, au moins sur le plan policier, à des mesures prophylactiques, l’homosexuel étant représenté comme susceptible et désireux de disséminer « l’infamie » :

  • 94 AB, ms. 10256.

Le 24 février 1725, le Chevalier de Janson selon le rapport de l’indicateur cherche à débaucher les jeunes gens. Il leurs promettrait de leur donner de l’argent, s’ils voulaient aller chez lui. En se promenant aux Tuileries, il avait trouvé un jeune homme. Il lui a demandé de lui branler le vit. Il voulait défaire sa culotte94.

  • 95 Voir Claude Courouve, Homosexualité, lumières et droits de l’homme, Paris, 2000, p. 1 ; ou le site (...)

33Que ces hommes paraissent assumer leurs désirs et ne pas s’en culpabiliser semble être un indice certain qu’ils peuvent diffuser la débauche. Jean-Paul Marat (1743-1793) souligna lui-même que « comme ces crimes sont rares, il ne faut pas les tirer des ténèbres où ils se trouvent95. » De tels jugements, exprimés dans les sources de police, procèdent de la conviction que la visibilité de ces pratiques sexuelles était susceptible de susciter des vocations comme le souligne le compte rendu ayant trait à Dupuis, un laquais sans livrée de 24 ans, qui fut interpellé le 12 juin 1724 :

  • 96 AB, ms. 10255.

Il lui a montré son vit. Il a voulu mettre la main dans sa culotte. Je vous ferais bien bander si vous voulez me la mettre dans la bouche. Je vous sucerais et je vous ferais bien décharger. Il aurait fait une partie avec le seigneur de Villard Brancas : ils étaient sept bougres. Le duc de Villard Brancas a été foutu par six. La conversation de ces infâmes était épouvantable. Il s’était branlé le vit dans une église, dans un confessionnal avec un laquais. Il voulait me foutre dans un cabaret96.

  • 97 AB, ms. 10254.
  • 98 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, La Volonté de savoir, Paris Gallimard, 1991, p. 78

34Ces comportements sont-ils décrits dans leur véracité ? Peut-on y dégager une sorte d’exagération de ces actes ? L’entrepreneur de morale exagérerait pour montrer la dangerosité de ces pratiques pour la société. L’abbé Dumounier fut par exemple interpellé pour racolage en septembre 1723 : le constat de police prescrivit de le conduire à Bicêtre, car cet abbé était jugé incorrigible, trop engagé dans le vice97. La soumission ou mercuriale va dans ce sens, car elle appelle celui qui la signe à corriger son comportement, mais il n’y a pas l’idée d’une nature spécifique propre à certains hommes. Ces récits sont construits sous forme d’aveux et, comme l’a souligné Michel Foucault, il s’agit d’un discours que le sujet était obligé de tenir sur lui-même98. Ces confessions sont toutes conçues de la même manière : « Jean Pierre Févé garçon tapissier de 22 ans a déclaré qu’il a été débauché à l’infamie, il y a trois ans par le nommé Claive, fripier faubourg Saint Antoine. Ils se sont manualisés trois fois », ou

  • 99 AB, ms. 10260, année 1749.

Jean Daniel Vigier marchand parfumeur a déclaré à Framboisier que lui déposant a été débauché à l’infamie, il y a deux ans et demi environ par Alain D’Orval. Ce dernier vint le voir sous prétexte d’acheter quelques pommades. Il se jeta sur le déposant, lui mit les mains dans la culotte et le manualisa99.

  • 100 Quelques extraits dans Claude Courouve, Les assemblées de la manchette : documents sur l’amour masc (...)
  • 101 Michael Sibalis, « L’homosexualité masculine à l’époque des Lumières et des révolutions, 1680-1850  (...)

35Une des craintes des entrepreneurs de morale était les liens possibles tissés entre homosexuels. Un document témoigne de cette attention et de cette préoccupation de la police à ces subcultures sodomites : le fichier de police surnommé le « grand mémoire100 », où de grands seigneurs et certains membres de leur domesticité figurèrent comme homosexuels. La police prêta un intérêt particulier aux liens entre partisans des amours masculines, mais, comme l’a remarqué Michael Sibalis, une telle subculture existait-elle auparavant101 ?

  • 102 Vincent Milliot, dir., op. cit, p. 16.
  • 103 Ibid., p. 15-41.

36De façon générale, il faut noter que ces écrits policiers rentraient dans le cadre de ce que Vincent Milliot a nommé une manière d’affirmer l’identité d’un corps qui se spécialisait102. Il y a émergence d’un savoir et d’un professionnalisme propre à la police, au cours du xviiie siècle. Le policier devait justifier son action et adapter le règlement à sa pratique. Ces rapports peuvent aussi avoir une vertu pédagogique, afin de mieux contrôler et contenir la visibilité des activités de ces sodomites parisiens, et ils s’adressent peut-être à la hiérarchie et aux collègues103.

Homosexualité masculine et débauche de la jeunesse dans la parole policière du xviiie siècle

  • 104 Jeffrey W. Merrick, Order and Disorder under the Ancien Regime, Newcastle, Cambridge scholars publi (...)
  • 105 AB, ms. 10254, 1723-1724.
  • 106 Gaston Dubois-Desaulle, Prêtres et moines non-conformistes en amour, Paris, Éditions de La Raison, (...)

37L’homosexualité masculine assumée et les hommes qui organisaient des subcultures érotiques, notamment à Paris, faisaient peser un danger de corruption pour la jeunesse, selon les auteurs de ces rapports. Comme l’a souligné Jeffrey W. Merrick, la police tenait pour acquis que les « pédérastes » fussent attirés surtout par les jeunes gens104. Dans près de 70 comptes rendus de police présents à la Bibliothèque de l’Arsenal se trouve mentionné un goût spécifique pour les jeunes gens. Aussi « l’infâme » devient-il un corrupteur de la jeunesse : « Liénard Gobert compagnon maçon est connu pour infamies, débaucheur de jeunes gens du quartier. Il attire chez lui des jeunes gens du quartier. On l’a trouvé avec deux jeunes enfants de famille du quartier » ; « Philippe Antoine du Courois laquais de 28 ans. Du Courois est connu comme débaucheur de jeunes gens. Il fournissait des jeunes gens à son ancien maître le marquis de Brancas et à plusieurs autres seigneurs105 » ; « Abbé Dumortier corrupteur, couchait avec deux jeunes gens106. »

  • 107 Michel Rey, « Police et sodomie... », p. 113-124.
  • 108 Roger Teboul, « Pédophilie », dans L.-G. Tin, Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF, 2003, p. 30 (...)
  • 109 Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime, Paris, Seuil, 1973, p. 119.
  • 110 Philippe Ariès, op. cit., p. 122.
  • 111 Arlette Farge et Michel Foucault, op. cit., p. 172.

38Michel Rey a indiqué que le principal objectif de la répression policière visait la protection de la jeunesse107. Ce sentiment de la protection des plus jeunes se développa au cours du xixe siècle. Des médecins et des sociétés philanthropiques jugèrent néfaste la promiscuité entre adultes et enfants108. Philippe Ariès a relevé que, dès le xviiie siècle, se forma une conception morale de l’enfance qui associait faiblesse de l’enfance et innocence109. Le cardinal de Bernis souligna que, pour les mœurs et la santé, rien n’était aussi dangereux que de laisser les enfants sous la tutelle des gens de chambre110. Dès le milieu du xviiie siècle, l’éthique parentale prôna la bonne éducation, et il fallait donc punir pour corriger111. Il y a les violences et agressions sexuelles, dont certains hommes seraient les auteurs. De nombreux rapports insistent sur des attouchements forcés : ces sodomites, souvent présentés comme des prédateurs, étaient assimilés à d’éventuels violeurs, donc à de dangereux individus :

  • 112 AB, ms. 10 254.

Adrien Delamarre 1711. Avant de devenir un riche bourgeois il avait été religieux dans l’ordre des barnabites. Ses supérieurs l’envoyèrent à Luzarches pour étudier, mais la vie que l’on y menait convenait peu au jeune moine corrompu... Le nommé Lamarre a violé un garçon de 12 ans, et ce dernier en est mort, Delamarre a voulu donné six écus à sa sœur112.

  • 113 Jean-Pierre Allinne, L’anthropophage des Pyrénées : le procès de Blaise Ferrage, violeur et assassi (...)
  • 114 Véronique Campion-Vincent, « Complots et avertissements : légendes urbaines dans la ville », Revue (...)
  • 115 Georges Vigarello, Histoire du viol : xvie-xxe siècle, Paris, Seuil, 1998, p. 42-46.
  • 116 Jeffrey W. Merrick, « “Brutal Passion” and “Depraved Taste” : the Case of Jacques-François Pascal » (...)
  • 117 Parlement de Paris, Arrêt de parlement qui condamne Jacques François Paschal à faire amende honorab (...)

39Jean-Pierre Allinne a souligné, à propos du procès de Blaise Ferrage violeur et assassin, que le xviiie siècle constitua un moment-clé dans la construction sociale de la chronique judiciaire. Le viol commença à être stigmatisé. Blaise Ferrage fut présenté le lendemain de son exécution comme un monstre humain, un anthropophage supposé, un probable adepte du marquis Alphonse François Donatien de Sade (1740-1814113). Dans les rapports de police, ainsi que dans l’affaire Benjamin Deschauffours, émerge la figure de l’homosexuel-pédophile. Or, entre novembre 1749 et mai 1750, des enlèvements d’enfants de vagabonds, mais aussi d’artisans et d’ouvriers, eurent lieu à Paris, une atmosphère de complot régnant alors114. Peut-être faudrait-il aussi relier une telle figure à ce contexte précis, d’autant plus que les archives des brigades de pédérastie des années 1780 semblent moins faire état de cet aspect ? Georges Vigarello a indiqué que, dans le cadre du crime de sodomie, celui qui subit est perverti et, donc, coupable. C’est plutôt le fait de faire pratiquer la sodomie, que l’acte de violence, qui se trouve dénoncé115. La notion de passion brutale116 apparaît, notamment dans le procès, d’octobre 1783, de Jacques François Paschal, condamné à être roué et brûlé pour débauche et crime sur un commissionnaire de quatorze ans117.

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40L’intérêt d’examiner l’action et la parole des entrepreneurs de morale parisiens (police, justice) à l’encontre des pratiquants de l’homosexualité est double : sur le plan des pratiques et sur celui des discours. En ce qui concerne les pratiques, il y a une évolution sur la longue durée : les faits d’homosexualité dans la ville deviennent des fléaux sociaux ordinaires. Auparavant, le sodomite, perçu comme un être satanique, était voué au bûcher118. Désormais, le comportement de l’infâme relève de la notion de dérangement119. Le dérangement concerne des conduites spatiales qui entraînent nuisances et suites fâcheuses, notamment les activités de rencontre dans certains lieux publics. La disparition progressive de l’exemplarité du crime de sodomie et le traitement des faits d’homosexualité dans la ville par le biais de la répression policière ont entamé une évolution longue. Cette mutation se fonde sur la prise en compte des activités homosexuelles comme faits de la modernité urbaine120. Aussi l’homosexualité est-elle devenue un délit contre les bonnes mœurs, quand elle a fait irruption dans le domaine public. Sur le plan de la parole judiciaire et policière, il faut distinguer le discours juridique pur, qui reste traditionnel et met en avant les seules origines canoniques du crime de sodomie. Le discours policier se démarque du discours des entrepreneurs de morale qui furent confrontés à la présence de comportements homosexuels et cherchèrent à appréhender des subcultures précises. Il y a spécification d’un personnage stigmatisé121 à travers des comportements types, notés avec une certaine régularité et similitude dans les sources issues des archives de la Bastille. Ce personnage, décrit parfois comme un adepte exclusif et spécifique des amours homosexuelles, est perçu comme une menace, notamment pour les plus jeunes. Il y a donc une mutation sur le plan des représentations de l’homosexualité par la prise en compte de l’existence de subcultures propres à la ville. L’infâme devient un personnage identifiable, quoiqu’il soit difficilement défini par une nature propre.

Notes

1 Bibliothèque de l’Arsenal, Archives de la Bastille (désormais : AB), ms. 10254-10260.

2 Archives nationales (désormais : Arch. Nat.), Y 13407-13409, Y 11724 et Y11727.

3 De ce point de vue, les travaux du sociologue américain Howard Saül Becker sont particulièrement éclairants, Howard S. Becker, Outsider’s : étude de sociologie de la déviance, Paris, A.-M. Métaillé, 1995.

4 Thierry Pastorello, Sodome à Paris : protohistoire de l’homosexualité masculine fin xviiie-milieu xixe siècle, Paris, Paris VII, 2009, p. 72-130.

5 Michel Foucault, La volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976 ; D. Halperin, Cent ans d’homosexualité et autres essais sur l’amour grec, Paris, EPEL, 2000.

6 John E. Boswell, Christianisme, tolérance sociale et homosexualité : les homosexuels en Europe occidentale, des débuts de l’ère chrétienne au xixe siècle, Paris, Gallimard, 1985.

7 Régis Revenin, « L’émergence d’un monde homosexuel moderne dans le Paris de la Belle Époque », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 4 (2006), p. 74-86.

8 Daniel Borrillo et Dominique Colas, L’homosexualité de Platon à Foucault : anthologie critique, Paris, Plon, 2005.

9 Thierry Pastorello, op. cit., p. 141.

10 Scarlett Beauvalet, Histoire de la sexualité à l’époque moderne, Paris, Armand Colin, 2010, p. 242.

11 G. Siouffi, « Débauche », dans L.-G. Tin, dir., Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF, 2003, p. 119.

12 Dictionnaire de L’Académie française, Paris, Firmint Didot, 1884, t. 2, p. 32-33.

13 Florence Tamagne, « Homosexualités, le difficile passage de l’analyse des discours à l’étude des pratiques », Histoire et sociétés, 3 (2002), p. 6.

14 Scarlett Beauvalet, op. cit., p. 242 ; Claude Courouve, Vocabulaire de l’homosexualité masculine, Paris, Payot, 1985, p. 189-198.

15 Arch. Nat., Y 13407-13409, Y 11724 et Y11727.

16 Claude Courouve, op. cit., p. 139-142.

17 Howard S. Becker, op. cit., p. 171.

18 Nicolas de la Mare, Traité de la police, Paris, J. et P. Cot, 1705, t. I .

19 Nicolas de la Mare, op. cit., t. I, p. 4.

20 Lerasle, Encyclopédie méthodique. Jurisprudence, t. 10, Police et municipalité, t. 2, Danse et voiture, Paris, chez Panckoucke, 1782, p. 684-685.

21 Marc Chassaigne, La lieutenance générale de police de Paris, Genève, Slatkine reprint, 1975, p. 96.

22 Marc Chassaigne, op. cit., p. 89-90.

23 Claude Quétel, Une légende noire : les lettres de cachet, Paris, Perrin, 2011, p. 184

24 Michel Rey, « Police et sodomie à Paris au xviiie siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 29 (1982), p. 113-124.

25 Jean Nagle et Robert Descimon, « Les quartiers de Paris du Moyen Âge au xviiie siècle. Évolution d’un espace plurifonctionnel », Annales, économies, sociétés, civilisations, 34, 5 (1979), p. 973.

26 Frédéric Barbier, Sabine Juratic et Annick Mellerio, Dictionnaire des imprimeurs libraires et gens du livre à Paris 1701-1789 A-C, Genève, Droz, 2007, p. 530.

27 Jeffrey W. Merrick, « “Nocturnal Birds” in the Champs-Élysées : Police and Pederasty in Prerevolutionary Paris », GLQ : A Journal of Lesbian and Gay Studie, 3 (2002), p. 425-432.

28 Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris, t. 3, Genève, Slatkine, 1979, p. 297.

29 Marc Chassaigne, op. cit., p. 214.

30 Lerasle, op. cit., t. 2, p. 324.

31 Marc Chassaigne, op. cit., p. 235.

32 Arch. Nat., Y 11724, brigade de pédérastie, 24 juillet 1784.

33 AB, ms. 10254, fiche Pierre Toussaint marié 45 ans enfermé au Petit Châtelet, 20 juin 1723.

34 Ferdinand Federici, Flagrants délits sur les Champs-Elysées (1777-1791), Paris, Mercure de France, 2008, p. 69, rapport du 3 au 9 août 1778.

35 AB, ms. 10255, fiche Fleury Tuileries, sodomie, 24 novembre 1724.

36 AB, ms. 10254, fiche du 11 juillet 1723, Tuileries et quai de la Ferraille.

37 Arch. Nat., Y 13409.

38 Arch. Nat., Y 11727.

39 AB, ms. 10254, fiche Jean Fourty, 31 août 1723, Luxembourg.

40 AB, ms. 10254, fiche André De Fouquault, sous-brigadier des gardes du corps, Tuileries.

41 Olivier Blanc, L’amour à Paris au temps de Louis XVI, Paris, Perrin, 2002, p. 100-102.

42 Arch. Nat., Y 13409.

43 Arch. Nat., Y 13407.

44 Arch. Nat., Y 13409.

45 Arch. Nat., Y 13409.

46 AB, ms. 10918 affaire Deschauffours f 173, ou Bibliothèque nationale de France, Manuscrits occidentaux, ms. F fr 10970, affaire Deschauffours.

47 AB, ms. 10255.

48 Arlette Farge, Vivre dans la rue à Paris au xviiie siècle, Paris, Gallimard, Julliard, 1979, p. 32-36.

49 AB, ms. 10259.

50 Voir Thierry Pastorello, « L’abolition du crime de sodomie en 1791 : un long processus social, répressif et pénal », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 112-113 (2010), p. 197-208.

51 Anthony R.H. Copley, Sexual Moralities in France : 1780-1980. New Idéal on the Family, Divorce and Homosexuality, New York, Routledge, 1989, p. 19.

52 AB, ms. 10254-10260 et Arch. Nat. Y 13407, Y 13409, Y 11724, Y 11727.

53 Michel Rey, « Police et sodomie... », p. 123.

54 Arch. Nat., Y 13409, fiche Charles Antoine Maville, 23 décembre 1782.

55 Arch. Nat., Y 13407, fiche JB Roussel.

56 Arch. Nat., Y 11724.

57 AB, ms. 10254, fiche Abbé Dumounier, septembre 1723.

58 Vit : pénis.

59 Divertir, dans ces archives, veut dire avoir des relations sexuelles.

60 AB, ms. 10255.

61 Arlette Farge et Michel Foucault, Le désordre des familles : lettres de cachet des archives de la Bastille, Paris, Gallimard, 1982, p. 40.

62 AB, ms. 10256.

63 Demi-lune se trouvait vers la porte Saint Antoine. AB, ms. 10254.

64 Marcela Iacub, Par le trou de la serrure : une histoire de la pudeur publique, xixe-xxie siècle, Paris, Fayard, 2008.

65 Pierre-François Muyart de Vouglans, Réfutation des principes hasardés dans le Traité des délits et des peines, Lausanne, Desaint, 1767, p. 6.

66 Pierre-François Muyart de Vouglans, Les lois criminelles de France dans leur ordre naturel, Paris, Mérigot jeune, 1780, p. 243-244.

67 Bible, Ancien testament, Lévitique, chap. xx, verset 13.

68 Pierre-François Muyart de Vouglans, Institutes au droit criminel ou principes généraux en ces matières, Paris, Impr. De Le Breton, 1757, p. 509-510.

69 Corinne Leveleux-Teixeira, Daniel Jousse, un juriste au temps des Lumières (1704-1781), Limoges, PULIM, 2007, p. 26.

70 Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Paris, Debure, 1771, 4 vol. : voir vol. 4, p. 118-119.

71 Son attachement à l’Église et au clergé explique probablement qu’il eut deux enfants qui furent clercs : Hervé Finous, « Un confrère méconnu de Pothier : Pierre Jean Jacques Guillaume Guot (1719-1784) », Bulletin de la société archéologique et historique de l’Orléanais, nouvelle série, t. XIX, 152 (2007), p. 57-80.

72 Pierre Jean Jacques Guillaume Guyot, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, 1784-1785, t. 16, p. 336-337.

73 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, t. 2, Paris, 1749, p. 621.

74 Bible, Ancien testament, Genèse 19.

75 Bible, Ancien testament, Lévitique 19.13.

76 Châtelet de Paris, Acte, 1726-05-24, Jugement à mort rendu par M. Herault Lieutenant de police de la ville (contre Deschauffours convaincu du crime de sodomie), s. l., s. n., s. d.

77 Claude Courouve, L’affaire Lenoir-Diot, Paris, C. Courouve, 1980, p. 2.

78 Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits occidentaux, ms. F Fr 10970, procès criminel de Benjamin Deschauffours.

79 Fernand Fleuret et Louis Perceau, Les procès de sodomie aux xvie, xviie et xviiie siècles, publiés d’après les documents judiciaires conservés à la Bibliothèque nationale, Paris, Bibliothèque des curieux, 1920.

80 Fernand Fleuret et Louis Perceau, op. cit., p. 99.

81 Ibid., p. 98.

82 Ibid., p. 102.

83 Ibid., p. 132.

84 Vincent Milliot, dir., Les mémoires policiers, 1750-1850 : écritures et pratiques policières du siècle des Lumières au Second empire, Rennes, PUR, 2006, p. 16.

85 Vincent Milliot, dir., op. cit., p. 26.

86 Alain Corbin, L’harmonie des plaisirs : les manières de jouir du siècle des Lumières à l’avènement de la sexologie, Paris, Perrin, 2007, p. 421-423.

87 Ronald A. Posner, Droit et littérature, Paris, PUF, 1996, p. 352.

88 AB, ms. 10254.

89 AB, ms. 10255.

90 AB, ms. 10255.

91 Ruth Perry, « Fanciulle oneste e donne perdute : le figure della prostituta nel romanzo inglese del Settecento », dans Roberto De Romanis et Rosamaria Loretelli, dir., Il delitto narrato al popolo : immagini di giustizia e stereotipi di criminalità in età moderna, Palerme, Sellerio, 1999, p. 143.

92 Ruth Perry, « Fanciulle oneste... », p. 149.

93 Voir Thierry Pastorello, « La stigmatisation particulière du pédéraste passif dans les enquêtes de médecine légale dans la première partie du xixe siècle », L’Atelier du centre de recherche historique, 3 janvier 2009, http://acrh.revues.org/index1850.html.

94 AB, ms. 10256.

95 Voir Claude Courouve, Homosexualité, lumières et droits de l’homme, Paris, 2000, p. 1 ; ou le site http://jpmarat.de/francais/marat/plan1.html qui contient le texte complet de Jean-Paul Marat de 1780.

96 AB, ms. 10255.

97 AB, ms. 10254.

98 Michel Foucault, Histoire de la sexualité, t. 1, La Volonté de savoir, Paris Gallimard, 1991, p. 78.

99 AB, ms. 10260, année 1749.

100 Quelques extraits dans Claude Courouve, Les assemblées de la manchette : documents sur l’amour masculin au xviiie siècle et pendant la Révolution, Paris, C. Courouve, 1994, p. 18.

101 Michael Sibalis, « L’homosexualité masculine à l’époque des Lumières et des révolutions, 1680-1850 », dans Robert Aldrich, dir., Une histoire de l’homosexualité, Paris, Seuil, 2006, p. 104.

102 Vincent Milliot, dir., op. cit, p. 16.

103 Ibid., p. 15-41.

104 Jeffrey W. Merrick, Order and Disorder under the Ancien Regime, Newcastle, Cambridge scholars publishing, 2007, p. 324.

105 AB, ms. 10254, 1723-1724.

106 Gaston Dubois-Desaulle, Prêtres et moines non-conformistes en amour, Paris, Éditions de La Raison, 1902, fiche Père de la Ferté jésuite de 1727.

107 Michel Rey, « Police et sodomie... », p. 113-124.

108 Roger Teboul, « Pédophilie », dans L.-G. Tin, Dictionnaire de l’homophobie, Paris, PUF, 2003, p. 308.

109 Philippe Ariès, L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien régime, Paris, Seuil, 1973, p. 119.

110 Philippe Ariès, op. cit., p. 122.

111 Arlette Farge et Michel Foucault, op. cit., p. 172.

112 AB, ms. 10 254.

113 Jean-Pierre Allinne, L’anthropophage des Pyrénées : le procès de Blaise Ferrage, violeur et assassin à la fin du xviiie siècle, Pau, Cairn, 2005, p. 109-118.

114 Véronique Campion-Vincent, « Complots et avertissements : légendes urbaines dans la ville », Revue française de sociologie, 1 (1989), p. 93-94.

115 Georges Vigarello, Histoire du viol : xvie-xxe siècle, Paris, Seuil, 1998, p. 42-46.

116 Jeffrey W. Merrick, « “Brutal Passion” and “Depraved Taste” : the Case of Jacques-François Pascal », Journal of Homosexuality, 4 (2001), p. 85-103.

117 Parlement de Paris, Arrêt de parlement qui condamne Jacques François Paschal à faire amende honorable ayant écriteau portant ces mots : Débauché contre nature et assassin ; de là, à être mené en la place de Grève pour y être rompu vif, et jeté dans un bûcher ardent pour y être réduit en cendres, Paris, P. Simon et N. Nyon, 1783.

118 Élisabeth Roudinesco, La part obscure de nous-mêmes : une histoire des pervers, Paris, A. Michel, 2007, p. 53.

119 Cette notion de dérangement est définie par Arlette Farge et Michel Foucault, cf. Arlette Farge et Michel Foucault, op. cit., passim.

120 Michael Sibalis, « Les espaces des homosexuels dans le Paris avant Haussmann », dans Karen Bowie, La modernité avant Haussmann : forme de l’espace urbain à Paris, 1801-1853, Paris, Éd. Recherches, 2001.

121 Erving Goffman, Stigmate : les usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit, 1989.

Auteur

Bibliothèque nationale de France, Paris

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