Finances de guerre
p. 93-122
Texte intégral
1L’institution de la Chambre des comptes, avec ses maîtres rationaux et ses auditeurs (1302) qui examinent chaque compte, est l’œuvre du dauphin Humbert II. Une ordonnance de 1340, puis un règlement publié en 1384, définissent son fonctionnement et ses règles comptables1. Avec le transport du Dauphiné, la Chambre des comptes de Grenoble perd son droit de regard sur les comptes du receveur général de la province – de la compétence de la Chambre des comptes de Paris – et ne contrôle plus que les comptes des judicatures et des châtellenies2.
Les recettes
2Plusieurs moyens s’offrent au dauphin pour financer la défense. Les premiers subsides ou « dons gratuits »3 accordés au dauphin en 1286 couvrent une partie des frais de la guerre menée contre le comte de Savoie Amédée V quand ce dernier entreprend la construction du château des Molettes sur la rive gauche de l’Isère4. Même si aucun subside nouveau n’est levé durant l’année 1368, Humbert Granet est alors nommé commissaire des finances pour les guerres du Dauphiné5. Quant à l’imposition indirecte, particulièrement celle perçue sur la vente du vin (« commun du vin »), elle apparaît à la même période en Dauphiné, en Provence et dans le reste du royaume.
Les subsides ou dons gratuits
3En Dauphiné, les sources écrites ne distinguent pas le « subside » du « don gratuit »6. Entre novembre 1357 et 1362, le don gratuit d’un florin par feu est perçu sur l’ensemble des sujets du dauphin – y compris sur les nobles et les clercs : à Vizille (500 florins), dans le mandement de La Mure (560 florins), à Corps (100 florins), en Oisans (1 200 florins), à Embrun (400 florins) et à Gap où le montant prélevé n’est pas connu. C’est le cas pour Pierre de Moret, prieur de Romette (70 florins), Lantelme de Saint-Marcel, seigneur d’Avançon, Guillaume d’Embrun, coseigneur de Crots, Jean de Baratier, coseigneur de Baratier, Guigues de Savines, coseigneur de Savines et Georges de Prunières qui payent pour eux et pour leurs vassaux (Tableau 8)7.
4La constitution d’une ligue contre les compagnies, en novembre 1363, est financée par une taille levée sur tous les hommes – y compris sur les ecclésiastiques – et destinée à payer les gens d’armes8. Le 7 mars 1364, le pape Urbain V invite les communautés, les nobles et les prélats à s’acquitter de ce « subside de 6 gros par feu accordé pour la défense de la patrie », tout en excommuniant les compagnies9. En décembre, le pape contraint les ecclésiastiques du diocèse de Sisteron à contribuer aux réparations des fortifications de Sisteron, comme le font tous les laïques.
5Le subside levé en 1365 pour le passage de l’empereur Charles IV sert également à payer les hommes d’armes qui repoussent une nouvelle attaque des compagnies. À cette occasion, Guigues de Savines est nommé commissaire pour collecter ces deniers en Embrunais ; Guillaume Ogier, seigneur de Manteyer et Arnaud Flotte, seigneur de La Roche-des-Arnauds, effectuent cette même tâche en Gapençais10.
6Plusieurs châteaux avaient été laissés en gage au comte de Savoie à la suite du traité de Paris en 1355 – traité par lequel Jean le Bon lui avait cédé le Faucigny, le pays de Gex et la Tour en Bugey contre les châtellenies savoyardes situées en-deçà du Rhône, du Guiers et de l’Isère11. Quand Amédée VI rend ces châteaux (Les Avenières, Dolomieu, Voiron, Faverges et La Palud), un nouveau subside est levé pour le rembourser, seulement en 1366. Le 22 août 1367, Charles V élit les commis chargés de percevoir ce subside dans chaque bailliage. Comme à l’accoutumée, il n’est pas seulement employé au rachat de ces châteaux mais également à la défense locale, d’autant que sa perception est tellement retardée que, lors de l’assemblée des États à Romans, le 11 août 1368, on décide finalement d’employer l’argent à la défense du Dauphiné contre les Provençaux. En 1369, le trésorier du Dauphiné envoie même un émissaire à Embrun, certainement pour demander le paiement du subside dont les arrérages apparaissent encore dans les comptes du trésorier en 138912 !
7La levée du subside est l’occasion d’établir des rôles de feux actualisés, comme dans le Graisivaudan13, et de fixer un règlement applicable aux communautés, aux nobles et aux prélats. Les nobles, les hommes francs et les prélats payent pour leur personne et pour leurs hommes s’ils ont une juridiction ; seuls en sont exempts les veuves et les orphelins14. Le caractère exceptionnel des exemptions est rappelé à plusieurs reprises par le pape qui oblige les prélats à participer financièrement aux travaux et à la mise en défense de la province, en 1376 et en 1379. Pourtant, les prélats et les nobles sont personnellement exempts du subside en 1373 alors que leurs sujets sont eux-mêmes taxés. Cette année-là, les receveurs récoltent 1 110 florins en Gapençais et Embrunais (soit 3,35 % seulement du total de la contribution) et 2 903 florins en Briançonnais (soit 8,75 %)15.
8En 1385, le trésorier convoque même les prélats et les barons pour leur rappeler de s’acquitter du subside dont les arrérages datent de 136416. Outre l’oubli, les communautés et les nobles faussent régulièrement les enquêtes des commis répartiteurs lors de l’établissement des rôles de feux. Ces falsifications se multiplient lorsque les trésoriers de la Chambre des comptes tentent de faire rentrer les arriérés des subsides (depuis le premier, en 1357 !). Ainsi, en 1373, une partie des habitants du Champsaur se fait passer pour noble. Il est vrai que cette année-là, les vassaux des nobles ne payent qu’un florin par feu et les nobles eux-mêmes sont exemptés. Relevant d’une même volonté de dissimulation, l’université de Briançon minore le nombre de feux de sa jugerie en 1383. Enfin, un arrêt du Conseil delphinal du 28 février 1385 condamne Arnaud Flotte, seigneur de La Roche-des-Arnauds, à payer tous les subsides même si ses hommes relèvent du comte de Valentinois17.
9Les subsides évoqués jusque-là pourvoient à la défense de l’ensemble du Dauphiné. Certains, de portée plus locale, touchent une ou plusieurs châtellenies, voire un bailliage. Ainsi, en 1369, les habitants du Gapençais doivent rassembler la somme de 2 000 florins pour racheter les châteaux du Rosanais occupés par la compagnie de saint Georges18. De même, le 28 avril 1376, le gouverneur Charles de Bouville confie au bailli du Briançonnais la charge de forcer toutes les personnes résidant dans un lieu fortifié à payer la somme d’un ducat et d’une livre et celles possédant des biens en ces lieux à y contribuer pour moitié. Le gouverneur parvient ainsi à faire participer les ecclésiastiques à l’entretien des châteaux du Briançonnais19.

Tableau 8. Les dons gratuits ou subsides en Dauphiné (1357-1405).
10Le subside exigé en 1388, moins important que les années précédentes, marque pourtant un tournant dans l’histoire de cet impôt. Lors de l’assemblée des États à Vienne, le 5 mars 1388, de nombreuses mesures plus rigoureuses dans la levée, la répartition et l’utilisation du subside, visent à légitimer l’octroi du « don gratuit ». Tous les hommes sont imposés sauf les mendiants (article 2) et, dans les « bonnes villes » où la juridiction est partagée entre le dauphin et un seigneur ecclésiastique, tous les feux sont désormais comptabilisés (Vienne, Romans, Grenoble et Embrun). Dans chaque châtellenie, la répartition se fait en fonction du nombre de feux déclaré (article 4) et les receveurs doivent désormais remettre l’argent récolté au receveur général, Pierre Piebo, à Saint-Marcellin (article 9). Des commis sont chargés de vérifier que l’argent du subside n’est pas détourné de sa fonction initiale, « la tuycion et deffense », et on prévoit même de rendre l’argent qui ne serait pas utilisé (articles 5 et 6)20.
11En juillet 1391, lors de l’assemblée des États réunie à Grenoble, le gouverneur Jacques de Montmaur double l’imposition par feu (8 gros, article 6). Sont tenus de contribuer :
« les hommes des prélats et autres gens d’église et aussi les hommes du domaine et patrimoine de monsieur le dauphin, les hommes des barons, bannerets et autres nobles et toutes autres manières de gens étant et demeurant près des confins et détroits dudit Dauphiné, excepté clercs vivant cléricalement et nobles vivant noblement, en comprenant en ce les bonnes villes de Vienne, Romans, Grenoble, Embrun » (article 2).
12Comme en 1388, le subside ne peut être détourné de son usage originel : la défense du pays (article 11). Il est stipulé que cette imposition, malgré sa fréquence depuis 1357, reste exceptionnelle et ne remet pas en cause les franchises et libertés accordées jadis aux sujets du dauphin (article 16)21.
13Les gens d’église, les premiers, avaient refusé de voir cette imposition se pérenniser22 et, encore en 1391, les gens d’église (articles 18, 19 et 20) mais également le seigneur d’Uriage (article 21) protestent ouvertement contre cette taxe qui ne peut être exigée en dehors de leur temporel, pour les premiers, et en dehors de leurs fiefs directs, pour les seconds23. Le 26 janvier 1392, lors d’une nouvelle assemblée des États à Grenoble, le seigneur d’Uriage, François de Beaumont, Raymont de Theys, le seigneur de Chassagne, François Du Villar et Jean Trièves exposent leurs plaintes et protestations contre les abus et les dérives de cette imposition24.
14Au regard du montant du subside de l’année 1373, celui prélevé en 1369 dans le Gapençais est dérisoire et montre toutes les difficultés rencontrées par le dauphin pour percevoir une telle imposition dont les nobles sont les premiers à remettre en cause la légitimité. Devant la multiplication de ces problèmes, le recours au subside devient rare après 1377. C’est pourtant la seule imposition réservée au dauphin. En effet, l’évêque de Gap, Jacques Artaud de Montauban, qui avait décidé d’imposer ses sujets de 30 000 florins pour financer les travaux de la ville de Gap en 1368, dut y renoncer (cf. infra) même si ce montant était pourtant inférieur à celui exigé par le dauphin en 1367 (1 florin / feu).
Les impôts indirects
15Cette catégorie d’imposition est la principale source de financement des fortifications urbaines, certainement à cause de sa facilité à mettre en œuvre puisqu’elle n’implique pas la réalisation d’enquête préalable25. En Dauphiné, le vingtain désigne tout impôt indirect utilisé pour l’entretien des murailles, y compris celles des châteaux26. Concédé en 1286 aux syndics de Gap par l’évêque Raymond de Mévouillon, le droit de vingtain est encore levé en 1471 à Tallard où le roi René autorise la communauté à imposer les habitants pour financer la réparation des bastions du bourg. Dans ce dernier cas, le vingtain est prélevé sur le pain, le vin et la viande pendant cinq ans27. Par analogie, le vingtain ou vintenum désigne également les murailles d’une ville ou d’un bourg28.
16La principale denrée imposée pour financer les fortifications urbaines est le vin, produit courant qui assure la rentabilité de cette taxation. L’impôt sur ce vin, banvin, alimente les recettes municipales de la ville de Grenoble dès 127929. Il est ponctionné sur la vente du vin en gros, à l’entrée des villes, ou au détail, à la revente. En Provence, la ville d’Avignon instaure la gabelle du vin pour financer les aménagements défensifs et le paiement des mercenaires en janvier 1358. Cette première année, la gabelle rapporte 15 000 florins utilisés pour les frais de garde (6 000 florins) et pour les travaux (7 000 florins)30. À Marseille, la rêve du vin est perçue depuis 1350 au moins, mais alors que toutes les impositions sont supprimées en 1362, le conseil de la ville maintient encore celles sur le pain et le vin. Et quand, en janvier 1368, le conseil de la ville fait procéder à la visite des remparts et des fossés, les frais sont imputés sur les revenus de la rêve du vin31.
17Bien après le passage des bandes de routiers, le vin et le sel sont également taxés à Briançon et à Gap. À Briançon, le commun32 du vin, perçu au profit de la communauté sur la vente du vin au détail dans la ville (1/17e)33, est levé de 1371 à 138134. Puis, le 1er août 1390, le gouverneur du Dauphiné accorde à nouveau aux Briançonnais le droit de prélever pendant 5 ans 1/17e du vin vendu, notamment pour les réparations et la construction de la muraille située du côté du rocher35. Disposant du même droit d’imposer les denrées courantes depuis le xiiie siècle, les syndics de Gap taxent le vin et le sel entre 1406 et 1408, c’est-à-dire au moment où les travaux de rénovation de l’enceinte et de construction des nouvelles tours sont en cours. Et comme les travaux d’agrandissement de l’enceinte se prolongent jusqu’en 1424, un nouvel impôt indirect est prélevé sur le bétail en transit dans la ville36. C’est dire que l’impôt indirect se pérennise très facilement… par simple changement des personnes ou des denrées imposées.
Les impôts directs
18Alors que les contributions indirectes, plus fréquentes, sont utilisées pour financer les travaux défensifs des villes, les impôts directs contribuent seulement aux frais de guerre. Comme pour les subsides, l’imposition directe demeure exceptionnelle et n’est propre qu’au dauphin, à partir de 1357. En Dauphiné, ce type de prélèvement ne touche que le financement des frais de guerre (les soldes des combattants) et non pas les travaux de mise en défense (les fortifications), ce qui est exceptionnel. Dans la plupart des villes françaises, comme l’impôt direct provoque une rentrée massive d’argent, il est particulièrement adapté au financement des travaux urgents37. Notons que ce mode d’imposition sert également les causes civiles38. En novembre 1368, pour financer l’accroissement des levées de troupes en Dauphiné, deux nouveaux impôts sont créés, l’un pour « les droits de confirmation des libertés delphinales » (1/2 florin par feu) et l’autre pour la « défense commune » (1 florin par feu)39. Or, la création de cet impôt s’effectue au moment où les trésoriers enregistrent dans leurs comptes la plus forte hausse des dépenses, en novembre et décembre 1368 alors qu’aucun subside n’a été voté40. Directement affecté au paiement des hommes d’armes, cet impôt n’est mentionné qu’en 1368.
Les emprunts et les délais de paiement
19Si l’imposition indirecte, comme source de financement des travaux de mise en défense, est courante dans toutes les communautés du Dauphiné41, le recours à l’emprunt est exceptionnel durant cette seconde moitié du xive siècle. Une seule mention, remarquable par sa rareté mais également par l’identité de l’emprunteur, concerne le gouverneur Raoul de Louppy qui engage personnellement plusieurs emprunts pour les verser au trésor delphinal afin de racheter les châteaux du Royannais occupés par les routiers42. Cependant, les emprunts des communautés se masquent souvent derrière les contributions consenties par de riches habitants aux consuls ou quand ces derniers obligent certains habitants à se porter garants des emprunts contractés. Il reste que les exemples de ces pratiques sont antérieurs à 1368 ou extérieurs aux bailliages étudiés43.
20La situation diffère radicalement en Provence où, en mai 1368, la ville de Sisteron doit emprunter 2 000 florins à Avignon pour payer les travaux défensifs et la solde des brigands qui gardent la ville44. Plus tard, les communautés provençales ont dû emprunter pour faire face aux passages des compagnies de Raymond de Turenne. C’est le cas à Martigues (Bouches-du-Rhône) vers 138045 et à Brignoles (Var) à partir de 1385, car « les finances municipales sont en fort mauvais état (...) et la ville doit solliciter des emprunts afin de subvenir à ses besoins et à ses charges »46. À Tarascon (Bouches-du-Rhône) où les emprunts votés par le conseil municipal sont multipliés par 5,5 entre 1375-1379 (6 emprunts) et 1395-1399 (33 emprunts), ils sont toujours contractés avec des marchands d’Avignon47.
21Les impositions directes ou indirectes et les emprunts sont des impôts levés au profit des communautés urbaines. Seul l’archevêque d’Embrun Pierre Ameilh, qui a dû faire fortifier neuf castra ainsi que le bourg de Chorges, sollicite auprès de la Chambre apostolique un délai pour payer le service commun, en mai 136848. En juillet, assurant qu’il a déjà rendu 1 000 florins, il souhaite pouvoir rembourser 400 à 500 florins par an jusqu’à l’extinction de sa dette49. Un an plus tard, la situation ne s’est pas améliorée puisque les compagnies de routiers écument toujours la région : l’archevêque doit encore payer 800 florins mais il demande à nouveau un délai supplémentaire50. Cette situation est aggravée par le fait que les terres de l’Église d’Embrun sont situées partie en Dauphiné, où la moitié des revenus est perdue, partie en Provence où l’archevêque ne peut rien recouvrer. Ainsi, à cause de l’incendie de Chorges, l’archevêque a perdu 700 florins de revenu annuel51.
22Quel que soit le mode de financement choisi, en Dauphiné comme dans la plupart des provinces du royaume, c’est bien la question du coût de la mise en défense des villes, dans la seconde moitié du xive siècle, qui est à l’origine de la structuration des hommes, représentés dans les communautés urbaines et lors de la réunion des États52.
Les dépenses
Le financement des fortifications villageoises
23Dans la vallée du Champsaur, la parcellisation de la seigneurie entre le dauphin, le chapitre de Gap et les coseigneurs laïques, explique la difficulté de faire appliquer les ordonnances émises par le gouverneur du Dauphiné à partir de 1376. Le 26 juillet 1376, Artaud d’Arces, bailli du Gapençais et de l’Embrunais, et Jean de Tencin, châtelain du Champsaur, visitent les châteaux du Champsaur, ordonnant de ne conserver que les châteaux qui peuvent être défendus. Ils ordonnent ainsi de réparer le château de Montorcier et de faire contribuer tous les habitants du mandement – y compris les coseigneurs d’Orcières. À cela, les nobles Guillaume et Jacques [de Montorcier] disent posséder une maison forte dans la paroisse d’Orcières « très éloignée du château de Montorcier dans lequel ils [ses sujets] ne peuvent se réfugier en cas de guerre »53. Cependant, le gouverneur Charles de Bouville convient que tous les hommes du mandement de Montorcier – quel que soit leur seigneur – doivent payer 400 florins pour les travaux du château.
24Le château de Montorcier, chef-lieu de châtellenie54, élevé sur la colline de Frustel, est aujourd’hui totalement arasé. J. Roman y décrivait, à la fin du xixe siècle, la présence de deux tours carrées, d’une chapelle à abside semi-circulaire et de quelques pans de murailles55. Des observations plus récentes relèvent la présence, au nord de l’éperon, d’un bastion protégeant le chemin d’accès au château. Au sud, une grande terrasse longitudinale fait office de basse-cour alors qu’à l’extrémité sud, une tour carrée ferme le site56. Un mémoire présenté à la Chambre des comptes par François de Bonne le vieux, vice-châtelain du Champsaur et de Montalquier, au milieu du xve siècle, établit que la tour de Montorcier est commune au dauphin pour deux parts et à Jean de Montorcier, coseigneur, pour le reste57. Ce mémoire reconnaissant que la tour est uniquement partagée entre deux coseigneurs explique que les autres coseigneurs aient refusé de participer aux travaux, encore en 142158.
25En 1375, Artaud d’Arces, bailli du Gapençais et de l’Embrunais, et Jean de Tencin, châtelain du Champsaur, visitent également la « vieille tour » de Laye qu’ils ordonnent d’emmotter et le château de Buissard qui doit être réparé et fortifié59. Or les coseigneurs de Saint-Laurent-du-Cros et de Saint-Julien-en-Champsaur ne parviennent pas à déterminer qui doit financer ces travaux : le dauphin est le principal coseigneur à Laye et à Saint-Julien-en-Champsaur ; le chapitre de Gap est seigneur principal de Buissard ; le chapitre de Gap et le dauphin se partagent la seigneurie de Saint-Laurent-du-Cros. C’est donc dans cette dernière communauté que la responsabilité du financement est discutée. À la suite d’une requête du chapitre de Gap, le 5 octobre 1375, le gouverneur du Dauphiné autorise les habitants de Saint-Laurent-du-Cros à ne contribuer qu’aux travaux menés à Buissard, mandement dont ils dépendent – et non à Laye. Le 5 mai 1376, ils s’accordent donc avec les habitants de Saint-Julien-en-Champsaur et même ceux de Chaillol pour réaliser les travaux du château de Buissard, dans lequel ils ont coutume de se réfugier (Figure 12)60.

Figure 12. Fortification des châteaux de Laye et de Buissard à la fin du xive siècle. © N. Nicolas.
26Vingt ans plus tard, en 1397, quelques habitants du mandement de Buissard et Isnard de Rame, coseigneur et capitaine du château, s’entendent pour réaliser des travaux au château. Neuf habitants de Saint-Julien-en-Champsaur, six de Saint-Barthélemy de Buissard, deux de Forest-Saint-Julien et quatre de Saint-Laurent-du-Cros s’engagent à approvisionner le chantier en matériaux de construction (pierres, sable et chaux). En contrepartie, Isnard de Rame leur accorde sa sauvegarde – si les autres habitants du mandement acceptent cet accord61.
27Les accords conclus en 1376 entre les coseigneurs laïques et ecclésiastiques ont donc été suivis à la fin du xive siècle. En effet, chaque habitant des hameaux de Buissard traite directement avec Isnard de Rame, coseigneur du mandement, pour réparer le château et préparer ainsi leur refuge en cas de guerre. Cependant, la forte parcellisation de la seigneurie – à Buissard comme à Montorcier – et la dispersion de l’habitat de plaine, ont retardé la réalisation des travaux ordonnés dès 1376.
28Il en est de même pour les nouvelles constructions dont la mise en œuvre est retardée par de nombreux conflits seigneuriaux. À Corps (Isère) en 1374, comme à Saint-Firmin en 1376, les coseigneurs du Valgaudemar ne parviennent pas à s’entendre à propos du financement des travaux. Un long conflit oppose également les communautés de Guillestre et de Risoul, à partir de 1374, et s’achève en 1392 quand l’archevêque d’Embrun autorise la construction de l’enceinte de Guillestre62. Enfin, l’entretien du dispositif fortifié entre le Mur des Vaudois et le Pertuis Rostan entraîne la mésentente des communautés briançonnaises.
29C’est tout d’abord la question du financement qui retient ici notre attention alors que la construction du château de Saint-Firmin sera étudiée ultérieurement. En juin 1376, après la visite de Saint-Firmin par Artaud d’Arces, bailli du Gapençais et de l’Embrunais, le gouverneur du Dauphiné Charles de Bouville constate l’absence de château où les habitants pourraient se réfugier, avec leurs familles et leurs biens, en cas de guerre63 – le château le plus proche étant celui de Corps (Isère). Avec la construction du fort de Saint-Firmin, s’ouvre un procès entre les deux coseigneurs du lieu, Pierre d’Ambel et Bernard de Gravollières, prieur de Saint-Michel-de-Connexe. Or, en août 1374, le prieur Bernard de Gravollières refusait lui-même que ses sujets de Saint-Firmin soient imposés pour les fortifications réalisées à Corps et le gouverneur du Dauphiné lui donnait raison puisque la paroisse de Saint-Firmin est indépendante du mandement de Corps. Dans le procès de 1377, c’est Pierre d’Ambel qui s’oppose à ce que Bernard de Gravollières taxe à son tour ses hommes de Saint-Firmin pour financer la construction du fort ! Cet exemple montre que la principale entrave à l’édification des forteresses réside dans leur financement. Comme la forteresse de Corps est éloignée de plus d’une lieue (environ 5,5 kilomètres) de Saint-Firmin et que les chemins sont impraticables, surtout en hiver, les habitants de Saint-Firmin acceptent de construire un nouveau château « à leurs propres frais et dépenses »64 en juin 1376, et disposent de cinq années pour l’achever.
30Le coseigneur de Corps, puis celui de Saint-Firmin, refusent tour à tour de voir imposer leurs sujets pour financer la défense qui ne peut être commune, d’autant que ces deux communautés sont dans l’incapacité de supporter des charges équivalentes : en 1367, le mandement de Corps est trois fois plus peuplé que celui de Saint-Firmin65. Alors que seuls les habitants de Saint-Firmin ayant des possessions dans le mandement de Corps sont prêts à contribuer à ces travaux en 137466, les habitants propriétaires à Saint-Firmin payeront une livre et un sou – les autres une demie-livre et un demi-sou – pour la construction de leur fort, en 137667.
31En Embrunais, l’occupation du château de Guillestre par les officiers du dauphin (1372-1376)68 et l’impossibilité pour tous les habitants de trouver refuge dans ce château, rend inévitable la construction de l’enceinte reliant la vieille ville à la ville neuve, d’autant que les villageois voisins n’acceptent plus de les défendre. Ainsi, en 1374, les habitants de Guillestre ayant une maison à l’intérieur du fort de Risoul sont imposés pour la construction, la réparation et la garde de ce dernier69. Certes, en 1384, les habitants de Guillestre ont toujours le droit de se réfugier dans les loges du château de l’archevêque mais ils sont tenus d’en assurer l’entretien et de réparer les murailles du château70.
32Les habitants préfèrent pourtant que l’ensemble du bourg soit définitivement protégé par une enceinte et, en 1392, l’archevêque d’Embrun Michel de Perellos en accepte la construction. Jacques de Burgomalo est alors élu commissaire pour en désigner l’étendue, déterminer les maisons à démolir et établir la contribution financière de chaque habitant. Par ailleurs, il donne également aux habitants la possibilité de louer ou de vendre leurs maisons, même en ruines, aux forains qui souhaitent se réfugier à Guillestre71. La construction de l’enceinte de Guillestre est achevée depuis 1398 (Figure 14)72.
33Que ce soit dans le Valgaudemar, à Saint-Firmin et à Corps, ou en Embrunais, à Guillestre, les problèmes afférents au financement des fortifications communes se soldent par la prise en charge des villageois. À Saint-Firmin et à Guillestre, les habitants ont soutenu la construction de leur propre défense en assumant, pour les uns, le coût de la construction d’un nouveau château et, pour les autres, celui de la fortification du bourg. Enfin, la prise en charge de la défense par les communautés villageoises briançonnaises se traduit par la construction d’un dispositif fortifié complexe qui s’étend sur plus de 1,7 kilomètre entre le Mur des Vaudois, le barri (limite des communes de L’Argentière-la-Bessée et de Saint-Martin-de-Queyrières) et le Pertuis Rostan (Figure 10). Désigné « clé du Briançonnais », le Mur des Vaudois est construit à la demande du gouverneur du Dauphiné Charles de Bouville, en 137673, afin de compléter la porte fortifiée du Pertuis Rostan élevée en 136574.
34En 1379, les habitants de Saint-Martin-de-Queyrières sont requis pour construire un mur supplémentaire au Pertuis Rostan, sans doute la muraille qui s’étend entre les ravins du Riou Faure et du Riou Sec, et dont le coût est mineur – moins de 34 florins75. Si le coût cumulé des travaux est faible, l’entretien de ce dispositif est difficile à partager – sans compter les rôles de garde à y tenir. En 1390, les habitants de Val-des-Prés, de Montgenèvre, de Cervières et de Névache refusent ainsi de participer aux travaux de l’enceinte du bourg de Briançon, estimant qu’elles sont déjà contraintes de payer la fortification du Pertuis Rostan « et de ses murailles » – preuve que cette « fortification linéaire » qui barre l’entrée des vallées de la Vallouise et de la Durance assume effectivement un rôle d’enceinte villageoise76.

Figure 13. Le refuge des habitants dans la châtellenie de Savines (1357). © N. Nicolas.
35D’après le bilan des dispositifs de mise en défense des principaux villages étudiés (Tableau 9), on s’aperçoit que le passage des routiers a provoqué, sinon immédiatement, au moins à moyen terme, de profonds changements entravés par la question du financement des travaux (Buissard et Laye, 1375) comme des nouvelles constructions (château de Saint-Firmin, 1376 ; enceinte de Guillestre, 1392). Dans la châtellenie de Savines (Figure 13), l’organisation du refuge des habitants est partiellement réglée depuis 1357 et elle s’achève après cette date par de nouveaux aménagements comme la construction du château de Réallon (voir seconde partie). Depuis 1357, les habitants de Savines doivent se retirer dans leur castrum (La Paroisse) et les habitants de Prunières dans le fort (« fortalicium dicti castri »), en cas de menace. À Prunières, déjà fortifié en 1333, les habitants entreprennent pourtant une remise en état des murailles du village77 et, en 1376, les consuls de la communauté nomment deux artisans chargés de mettre en œuvre ces travaux78. Les autres habitants de la châtellenie doivent se réfugier dans des lieux qui ne sont pas spécifiés mais qui sont connus de tous (« in loco quo fuerit ordinatum »). Les habitants de Puy-Saint-Eusèbe et de Puy-Sanières vont, soit à Savines (La Paroisse), soit à Embrun comme ils le font en 1381 (cf. supra)79.

Tableau 9. Bilan des défenses villageoises au xive siècle.
Note a : ADI, B 3010, ff 330-331, 1413 : « Item quamdam domum sitam infra fortalicium seu reductum dicti castri Sancti Appolinari videlicet turrim juxta ecclesiam, viam in medio, juxta menia a tribus partibus et alios confines. Item quamdam grangiam sitam subtus turrim Sancti Appolinarii extra menia, juxta domum, arcam et turrim Guillelmi Merceri, juxta viam publicam, juxta arcam et chasale superius confronte et caetera. Item quamdam domum sitam infra villam Sancti Appolinari subtus turrim, juxta viam publicam a duabus partibus, juxta domum heredes Anthonii Guigoani, juxta chasale Johanni Raynoardi et alios confines ».
Note b : ADHA, G 1726, 1395 : « apud Cigoyerium, infra menia, inter media duorum portaliorum ».
Note c : ADHA, G 1726, 1395 : « extra portale dicti loco de Valserris, juxta castellum, in platea ».
Regard sur le bourg de Guillestre et sur le château de l’archevêque…
36Guillestre est, de loin, le fief le plus important des archevêques d’Embrun qui en sont les seigneurs uniques. Au xve siècle, le siège du juge de la cour, auparavant situé à Embrun, y est transféré. Dans ce bourg, l’archevêque est représenté par un châtelain archiépiscopal (baile) et par le juge archiépiscopal, présents dans tous les actes concernant la communauté – celle-ci étant représentée par deux consuls depuis au moins 129980. Cette année-là, la communauté obtient le droit de transférer le marché, du castrum de l’archevêque Guillaume de Mandagot vers la ville basse : les habitants construisent alors une halle couverte (L : 33 m x l : 13 m).
37Les rapports entre la ville-vieille et le château de l’archevêque sont explicités dans l’acte concernant le transfert du marché, près du château (« mercatum sive domus mercati que est superius juxta castrum de Guillestra ») à la ville-basse, près du cimetière de l’église, vers 1299 (« ad villam de Guillestra inferius… juxta cimiterium ecclesie de Guillestra»)81. Le château domine donc le bourg de Guillestre et la ville-vieille, ou ville-basse, n’est pas fortifiée. Elle est située dans un méandre du torrent du Rioubel qui lui a donné sa forme semi-concentrique. Plus au nord se trouve la ville-neuve. Le prieuré Notre-Dame, confirmé en 1118 à l’abbaye Saint-André d’Avignon, devient l’église paroissiale sous le titre de Notre-Dame-de-l’Aquilon. Située à la jonction des deux villes, cette église est reconstruite au même emplacement, en 150782. Le rempart reliant le château à celui de ville-vieille ne figure pas sur le cadastre napoléonien et, sur le terrain, cette zone a été détruite lors de l’aménagement de la route départementale n° 902. Cependant, d’après les archives de la commune, les deux sites étaient reliés par une muraille commune : ce rempart flanqué de tours est vraisemblablement postérieur à la construction de la muraille du bourg (1392-1398) car aucun texte n’en mentionne l’existence avant 1692.
38La ville-neuve désigne la partie de la ville qui est fortifiée entre 1392 et 1398. Au xviiie siècle, les maisons de la ville sont appuyées contre ces remparts et les fossés sont définitivement comblés. Cette enceinte était cantonnée de plusieurs tours essentiellement construites selon un plan semi-circulaire. Lors du siège de Guillestre par les hommes du duc de Savoie, le 27 juillet 1692, sept tours furent minées83. Les emplacements de trois tours sont connus par la présence de vestiges sur le terrain ou par leur représentation sur le cadastre napoléonien (Figure 14)84. Deux autres tours, la Tour d’Eygliers et la Tour de la place du Portail, sont encore conservées mais dans un état très remanié. La tour de la Place du Portail (ou de Font-Loube), de plan semi-circulaire, scande l’angle sud-est de l’enceinte. Son plan est légèrement outrepassé et les enduits qui la recouvrent en rendent impossible toute lecture monumentale. La ville-neuve était animée de quatre portes, toutes détruites : la Porte de Fontloube, au sud-est, la Porte de l’hôpital, au sud-ouest, la Porte de la Condamine, à l’ouest, et la Porte du Queyras, à l’est85. La Porte de Fontloube est signalée sur le cadastre napoléonien par un arc en pointillés et n’offrait aucun intérêt architectural. La Porte de l’Hôpital et du Queyras sont décrites par J. Roman en 1888 : en pierres de taille, elles étaient couvertes par un arc brisé86.
39Le château de l’archevêque est mentionné pour la première fois en 1299. Il est aujourd’hui totalement arasé et seule subsiste une construction de plan rectangulaire qui ne peut, d’après les plans anciens, être le donjon principal. Seule une photographie aérienne prise en 195487 permet de confirmer le plan de masse dressé par des auteurs anciens et qui repose lui-même, semble-t-il, sur des récits de l’attaque du bourg de Guillestre en 1692 et notamment sur la correspondance de Vauban, commissaire général aux fortifications :
« (...) Ce château appartient à M. l’archevêque d’Embruns ; il n’y reste pour tout logement où l’on puisse être à couvert, que deux grandes salles, l’une au-dessus de l’autre, où le toit est encore en état, mais où il n’y a ni portes ni fenêtres88 ».
40Ce dernier bâtiment est peut-être celui qui est encore visible sur la partie sommitale du plateau. L’état du reste du château ne repose que sur les descriptions établies par P. Guillaume en 1906 :
« Il avait la forme d’un grand carré très allongé, d’un parallélogramme d’environ 80 m de long sur 38 m de large, cantonné ou flanqué de cinq ou six grosses tours rondes, très élevées. Vers le nord se dressait une puissante tour carrée, sorte de donjon ou de réduit qui barrait l’entrée du château. Une double porte, avec pont-levis, donnait accès à l’intérieur, et une ou peut-être deux poternes permettaient de se rendre directement du château au bourg de Guillestre (…)89 ».
41Du côté sensible à l’attaque, vers le sud, le pont-levis franchissait un fossé encore bien apparent sur le terrain. Au xive siècle, le château avait assurément deux portes dont l’une était gardée par un portier qui logeait au château en permanence90. Ce dispositif est une des caractéristiques fondamentales du château de Guillestre qui dément l’idée selon laquelle le relief suffirait à défendre les abords d’une place, en montagne. La basse-cour du château faisait office de lieu de refuge.
Regard sur le mur des Vaudois, le Barry et le Pertuis Rostan…
42C’est un vaste dispositif fortifié qui s’étend sur plus de 1,7 kilomètre entre le mur des Vaudois (Les Vigneaux), le barri (limite des communes de L’Argentière-la-Bessée et de Saint-Martin-de-Queyrières) et le Pertuis Rostan. Cet ensemble monumental suppose l’union de plusieurs communautés pour son financement mais, comme cette structure est linéaire, l’efficacité de sa défense repose sur la présence de nombreux hommes appelés à la garder. Ce site pose donc clairement la problématique du rapport entre les fortifications et les hommes qui les construisent, les défendent et les occupent.

Figure 14. Plan de Guillestre. © N. Nicolas.
43Le barri, situé entre les ravins du Riou Faure et de Riou Sec, s’étirait sur près de 570 mètres. Aujourd’hui, ce mur est pratiquement arasé sur toute sa longueur mais une partie est conservée en élévation (L : 10 m, l : 1,20 à 1,50 m). Construit sans fondations, directement sur le substrat rocheux, ce mur présente les mêmes caractéristiques de construction que le mur des Vaudois.
44Le Pertuis Rostan est une ouverture naturelle entaillée dans une crête rocheuse
45(l : 6 m x L : 15 m), au pied du Serre des fourches, entre la Durance et le barri précédemment cité. Un corps de garde, entièrement détruit aujourd’hui, existait encore à la fin du xixe siècle, comme le montre une photographie prise en 1892 (Figure 11). Dans les actes du xiiie et xiive siècles, il est également appelé « Foramen Rostagni », du latin foramen (passage, accès)91. À l’époque pré-romaine, le Pertuis Rostan signale la frontière entre les peuplades ligures des Brigianii et des Caturiges92. Au xiie siècle, le Pertuis Rostan marque la frontière entre le comté de Forcalquier et le Dauphiné, et ce jusqu’à la donation d’une partie du comté au dauphin en 120293. Le Pertuis Rostan devient donc au xiiie siècle la limite septentrionale du comté d’Embrunais : le droit de chevauchée delphinale s’y exerce en deçà.
46Le Pertuis Rostan se résume à une porte mentionnée pour la première fois en 1365 et encore en construction en 136894. Elle est surveillée régulièrement à partir de cette date, y compris pendant les guerres de Religion : en 1574, 120 soldats de la vallée de la Vallouise y sont envoyés pour assurer la défense du passage, ainsi qu’au mur des Vaudois. En 1692, lors de l’invasion du Dauphiné par Victor-Amédée, duc de Savoie, le maréchal De Catinat est posté au Pertuis Rostan pour empêcher toute intrusion en Briançonnais. Enfin en 1720, lors de l’épidémie de grande peste, le conseil de Briançon envoie des gardes de santé pour surveiller le passage au Pertuis Rostan95
47Enfin, l’élément principal de ce dispositif linéaire est le mur des Vaudois (Les Vigneaux) que les habitants de la Vallouise appelaient la Barricade au xviiie siècle96. Depuis la fin du xixe siècle, elle est nommée muraille des Vaudois à la suite des explications proposées par le guide d’A. Joanne qui attribue sa construction aux protestants réfugiés dans la vallée de la Vallouise à la fin du xvie siècle97.
48La muraille se développe en partie sur la rive droite de la Durance, sur un verrou glaciaire. Une partie du mur a été détruite lors de l’installation de la voie ferrée en 1882. Mais le cadastre napoléonien et une photographie prise en 1877 attestent l’existence d’une troisième tour à l’emplacement de la voie98. La plus grande partie de ce mur s’étend entre la voie ferrée et le tertre dominant le torrent de la Gyronde (altitude : 1 085 m). Entre la route départementale n° 994 et la route communale (vers la Durance), la muraille a été entièrement détruite. Entre le chemin de fer et la Durance, le dénivelé est assez important (30 m). Enfin, au-dessus de la route départementale n° 994, un dernier pan de mur s’aligne jusqu’au sommet communément appelé le Châtelet. À l’ouest, une falaise infranchissable isole le Châtelet de la Gyronde. Sur ce tertre, quelques murs très arasés affleurent au sud, et l’accès au nord est protégé par un important fossé. Le Châtelet aurait été détruit pendant les guerres de Religion99.
49Voyons d’abord la muraille qui s’étend sur près de 300 mètres entre la Durance et le Châtelet (Figure 15). Elle est flanquée de deux tours rondes ouvertes à la gorge, T1 et T2, distantes de 32,50 mètres. Entre la tour T2 et la voie ferrée, le mur n’est plus conservé que sur une vingtaine de mètres. L’épaisseur des murs varie entre 1,50et 1,60 mètre, avec un rétrécissement en hauteur (Figure 16). À l’origine, les deux tours commandaient la courtine et la différence de hauteur pouvait atteindre, selon les estimations, 2,50 mètres sachant qu’elles dépassaient la hauteur de 10 mètres. Chacune des deux tours est percée de trois meurtrières, disposées symétriquement : l’une au centre de la tour et les deux autres battant le pied de la muraille. Ce sont des meurtrières à fente droite, sans plongée, à ébrasement triangulaire simple et couvertes d’un linteau. Sous les archères des deux tours, à moins de 50 centimètres, des trous de boulins trahissent sans doute la présence d’un plancher. Il n’y a pas de fossés devant la muraille : sur environ 40 mètres, le terrain forme juste une légère cuvette et vers la Vallouise, une ancienne carte postale100 confirme que le terrain était également plat.
50La courtine est entièrement conservée sur le tronçon situé entre la voie ferrée et la Durance (H : 5-9 m). Le couronnement du mur comprend ici un crénelage associé à un chemin de ronde ménagé dans l’épaisseur du mur. D’après une lithographie réalisée en 1873 par R. de Cazeneve, ce crénelage était généralisé à l’ensemble de la muraille. Entre le rocher et le mur a été aménagé un petit bastion (3 x 3 m), accolé au mur et donc postérieur : il évoque tout à fait le corps de garde qui existait au Pertuis Rostan.
51La muraille est construite très sommairement, directement sur le rocher dont elle comble certaines failles. Cette absence de fondations explique qu’autour de la voie ferrée, il n’y ait plus de trace du mur, même arasé. À la base du mur, certains blocsne sont même pas retouchés (Figure 17). À mi-hauteur, quelques dalles sont disposées en assises régulières pour rétablir une certaine solidarité entre les pierres car, ailleurs, le mur n’est pas assisé. Enfin, il faut relever l’absence de trous de boulins, même rebouchés, ce qui signifie que les échafaudages étaient indépendants du mur. La raison invoquée ne peut assurément pas être une recherche esthétique mais cet usage pourrait bien indiquer que le mur a été élevé rapidement, voire dans l’urgence.
Le financement des fortifications urbaines
52À partir de 1366, le dauphin se heurte aux résistances des ecclésiastiques pour conserver la mainmise sur les quartiers de Chaussières à Gap et du Planiol à Embrun. Quant aux communautés du bailliage du Briançonnais, elles ne parviennent pas à s’accorder pour financer la construction et l’entretien des enceintes du bourg et du castrum.
Gap
53De l’enceinte antique de Gap (Vapincum), les vestiges de trois tours circulaires et de quelques fragments de la courtine attribuée au iiie siècle ont été mis au jour parG. de Manteyer au xixe siècle. Le tracé de cette enceinte a été confirmé en 1971 lors de la construction du palais de justice sur la place Saint-Arnoux. Au Moyen Âge, le palais delphinal et le palais épiscopal sont construits à l’intérieur, pour le premier, et à proximité de cet ancien rempart, pour le second, comme si la croissance de la ville avait été quasiment nulle entre temps (Figure 18)101.
54En 1368, l’arrivée des bandes de routiers autour de la ville est suivie d’une réaction conjointe de Jacques Artaud de Montauban, évêque de Gap, et de Raoul de Louppy, gouverneur du Dauphiné. Dès le mois de mars 1368, l’évêque souhaite prélever 3/4 de florin sur les feux de ses fiefs : Gap, Lettret, Châteauvieux, Rambaud, La Bâtie-Neuve, La Bâtie-Vieille, Lazer, Poligny, Le Noyer, La Fare et Le Glaizil. Le montant escompté de cette aide extraordinaire représente une partie des 30 000 florins nécessaires pour la fortification de Gap. Cependant, les habitants cités font appel de cette sentence et le juge délégué par le pape Urbain V les exempte finalement de toute contribution102.

Figure 15. Plan topographique du Mur des Vaudois (Les Vigneaux). © Document G. Lemaire, G. Bertucchi, N. Nicolas, DRAC PACA-SRA.
Figure 16. Photo du Mur des Vaudois en coupe, avec la tour T2, depuis l’est. © N. Nicolas.

Figure 17. Photo de la base du Mur des Vaudois, depuis le sud. © N. Nicolas.
55Au mois de juin, le gouverneur du Dauphiné approuve les travaux entrepris par l’évêque de Gap et ordonne aux officiers delphinaux de laisser démolir les maisons situées extra muros, et particulièrement celles du quartier delphinal de la rue de Chaussières, au sud de la ville, privant ainsi le dauphin des droits de lods et de ventes qu’il percevait à chaque mutation sur ces maisons103. L’enquête diligentée à cette occasion par le dauphin montre que 79 propriétés ont été détruites lors de la construction du nouveau rempart parmi lesquelles figurent 68 maisons (86 %) et 8 maisons déjà ruinées (casale, 10,2 %) soit une valeur totale de 1 871 florins104. S’y ajoutent les matériaux issus de la démolition (365 florins : pierres et bois) dont le dauphin revendique le tiers mais que l’évêque de Gap a immédiatement récupéré pour bâtir le rempart sur les fondations des anciens murs. Ce faisant, les commissaires delphinaux accusent l’évêque d’avoir volontairement exclu le quartier de Chaussières de la ville105.
56L’issue de ce conflit est inconnue et, à la fin du xive siècle, la reconstruction totale de « l’ancienne muraille »106 n’a pas été réalisée. Les constructions situées extra muros sont menacées et, en août 1376, Grégoire XI autorise les frères Mineurs à s’installer à l’intérieur de la ville107. C’est seulement après 1406 que l’agrandissement des murailles de Gap s’organise, comme le révèlent les délibérations des syndics de la ville. En 1407, 50 % des dépenses de la ville sont directement liées aux travaux de rénovation (Portes Jaussaude et Garcine) et à la construction de la Tour du Verger, toutes trois situées sur le front nord-est de la ville108.
57Une deuxième phase de construction débute en 1414 avec l’érection de la tour carrée de Pupetières, à l’est de la ville. D’une hauteur de plus de vingt-cinq mètres, cette tour crénelée est précédée d’un ravelin et munie d’un chemin de ronde continu à l’intérieur de la ville109. Les syndics de la ville élisent ensuite des prudhommes pour inspecter la réalisation de tous les travaux (coursières, portes, ravelins et fossés) qui se poursuivent par la construction des remparts entre la Porte Saint-Arey et la Porte Garcine, par Martin Deusolini110. Ainsi, la reconstruction de l’enceinte de Gap est tournée vers le front nord de la ville alors qu’au sud-est, la Tour du Comte, édifiée en 1184111, est toujours mentionnée au début du xvie siècle112.
Embrun
58À l’inverse de la ville de Gap où l’étendue de la cité antique est circonscrite par ses murailles, l’habitat antique n’est même pas attesté sur le roc d’Embrun113. C’est seulement au milieu du xiiie siècle que de nouveaux remparts sont construits dans un faubourg où l’archevêque Henri de Suze veut attirer des habitants (Figure 19)114. L’exemple du mur qui devait être construit au quartier du Planiol cristallise toutes les difficultés d’une mise en défense nécessaire, mais impossible à réaliser par la divergence d’intérêts des commanditaires. En août 1368, les travaux ne sont pas commencés et la cité est assiégée en octobre. Or, en novembre 1369, l’archevêque indique qu’à cause des invasions, aucun mur n’a été construit du côté du palais delphinal. Le nouveau rempart à l’est de la cité devait être construit à l’emplacement d’un mur plus ancien qui avait été détruit à deux reprises. D’une part, pendant l’épiscopat d’Henri de Suze [1250-1263], le mur situé entre le palais archiépiscopal et la Tour des Champiers avait été démoli par les habitants d’Embrun. D’autre part, en 1366, le mur a été abattu sur la distance d’une arbalestée entre la Tour des Champiers et la Tour du Planiol : il n’y a plus là qu’un fossé en eau et les vestiges du mur ancien115.
59Suite à un premier échec en 1265, le dauphin poursuit la construction de son palais après 1314 et, en 1316, il envisage de rattacher la Tour du Planiol, accolée aux remparts, au palais delphinal et de laisser à l’archevêque la Tour des Champiers qui sert de prison116. Mais, cédant à la volonté de l’archevêque, le palais devient une prison commune en 1321. Comme le dauphin a fait construire le palais à ses frais – soit plus de 1 277 livres entre 1316 et 1320117 – il se réserve les droits sur les matériaux de sa destruction et, en juillet 1331, l’archevêque Bertrand de Deux renonce officiellement aux droits qu’il pourrait réclamer sur ces matériaux118. Le palais delphinal est donc situé au quartier du Planiol, à l’est de la cité, à l’extérieur de l’enceinte et à une arbalestée du palais archiépiscopal119. Il a été définitivement rasé lors de l’édification des fortifications par le duc de Mayenne, à partir de 1581120.
60Dans la seconde moitié du xive siècle, les conflits sont toujours latents entre l’archevêque et les agents du dauphin. En 1366, l’archevêque Pierre Ameilh se plaint des excès du bailli de l’Embrunais qui, à la fin du mois d’août, a proclamé la chevauchée contre les terres d’Église121. Au même moment, le bailli Jean Galon convoque à Briançon Jacques de Gumin, châtelain de Château-Dauphin, afin de régler les conflits entre « les gens du dauphin et les gens de l’archevêque d’Embrun ». Lancelot Richard, châtelain du Valcluson, escorté par deux hommes, participe à la même ambassade122.
61En 1369, après le passage des Provençaux, le châtelain Pierre Robin est encore accusé d’avoir arrêté des personnes relevant de la justice archiépiscopale. L’archevêque expose aussi ses craintes de voir les nobles obéir au bailli qui tenterait de lever des chevauchées contre la terre d’Église123. Encore après 1370, les messagers informent fréquemment le gouverneur des entreprises de l’archevêque pour la fortification de la ville et de son palais124. Le bailli de l’Embrunais est même convoqué à Grenoble pour signifier au Conseil delphinal les faits commis par les officiers de l’archevêque contre ceux du dauphin125. Ces conflits de juridiction dans le bailliage provoquent la tentative d’échalade du château de Châteauroux puis le pillage du château et du bourg de Guillestre par les officiers du dauphin en 1372 (cf. infra).
62Pourquoi la fortification n’a-t-elle pas été réalisée rapidement sur le front est de la ville ? Tout d’abord, l’archevêque Pierre Ameilh revendique un passage libre, la via per rupem, depuis son palais jusqu’au Roc, c’est-à-dire vers la campagne environnante126. Le gouverneur du Dauphiné lui accorde pourtant le droit d’ouvrir une porte dans le nouveau mur qu’une tour alors en construction lui permettrait de contrôler127. Le projet du nouveau mur reliant le palais delphinal aux remparts de la ville constitue la violation d’un accord passé entre les coseigneurs et, en août 1368, il n’est toujours pas relevé128. Selon Pierre Ameilh, de par sa proximité avec le Roc, le fossé et le « palenchum » ne peuvent être aménagés. Ce mur serait trop éloigné de la ville et, en cas de menace, l’alerte ne serait pas entendue. Aussi, l’archevêque prétend qu’il serait plus rapide de rebâtir l’ancien mur : à cet endroit, les fondations, le fossé en eau et le « palenchum » – établi quand les compagnies menaçaient Embrun – sont encore en place129. Que représente ce « palenchum » ? On sait qu’en 1360, des pieux (palenquis) ont été rénovés à Embrun, à un emplacement inconnu. Par ailleurs, en 1366, un mur (vintenum seu murum) ou palissade (palicium) a été élevé par les Embrunais afin que le palais delphinal soit rattaché aux remparts de la cité. Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre solution, ces vestiges d’aménagements du front est de la ville ne représentaient que des structures légères (voir seconde partie).
63Alors que tous les efforts de fortification se concentrent à l’est de la ville, les destructions consécutives au siège du 18 octobre touchent exclusivement les faubourgs situés à l’ouest : après l’incendie de leur couvent, les frères Mineurs sont accueillis dans l’église Saint-Marcellin située intra-muros130. Comme en Provence, les constructions les plus fragiles sont les cibles favorites des routiers et les Ordres mendiants sont les plus exposés. En 1371, le mur du Planiol englobe finalement le palais delphinal et comme il a été élevé au préjudice de l’Église d’Embrun, l’archevêque excommunie les habitants131 mais, bien après le siège d’octobre 1368, ce quartier demeure le centre névralgique de la ville puisque la Porte du Planiol est précédée d’un ravelin construit vers 1400132.
64En 1381, les efforts de défense se portent enfin vers le nord de la ville et les frais de fortification sont désormais partagés avec les habitants des villages voisins de Puy-Saint-Eusèbe et de Puy-Sanières. Ces derniers sont tenus de participer aux travaux de fortification d’Embrun – on construit alors deux tours et quatorze bretèches en pierre – et, en échange, ils peuvent se réfugier dans la ville en cas de danger133.
65La Tour de l’Abattoir n’est autre qu’une des tours de flanquement construite à partir de 1381 et dont J. Roman rappelle, en 1882, que l’ouverture de la voie de chemin de fer a causé la destruction134. Bien que fortement remaniée, cette tour est conservée intégralement sur deux niveaux : au premier étage, une archère à ébrasement triangulaire simple (H : 0,80 m), encore visible au centre de la tour, était certainement encadrée par deux embrasures similaires aujourd’hui remplacées par deux portes. Il s’agit d’une tour ouverte à la gorge dont l’arcade en plein-cintre tournée vers l’intérieur de la ville a été bouchée par un remplissage grossier. L’utilisation de blocs de toute nature (calcaire et schiste, galets), assisés et noyés dans un abondant mortier, accentue l’impression d’une construction bâtie à la hâte135.
66Pour l’archevêque d’Embrun, tous les arguments importaient pour que l’enceinte ne soit pas étendue jusqu’au palais delphinal. Or, l’enceinte projetée par le dauphin en 1368 était située à proximité du palais delphinal et du palais archiépiscopal, ce qui explique que les sources écrites, émanant essentiellement de l’archevêque Pierre Ameilh, se contredisent. À la fin du xive siècle, la superficie de l’enceinte est doublée par rapport à celle de 1349 puisqu’elle avoisine 17 hectares136. Quant aux coûts de fortification, ils ne peuvent être établis pour l’ensemble de la période137.

Figure 18. Plan de Gap. © N. Nicolas.

Figure 19. Plan d’Embrun. © N. Nicolas.
Briançon
67À Briançon, la mise en défense est l’occasion pour les habitants du bourg et ceux du castrum de s’affronter pour le financement des deux enceintes. En effet, les habitants du bourg, minoritaires, sont soumis à de lourdes contributions à partir de 1371. Cette année-là, les syndics de Briançon autorisent la poursuite des travaux de construction de la muraille autour du castrum et du bourg. Mais les habitants du bourg refusent de participer aux travaux du castrum puisqu’ils prétendent devoir déjà financer ceux du bourg. En adressant une protestation au gouverneur Jacques de Vienne, ils demandent à ce que tous les habitants du mandement soient tenus de contribuer aux travaux138. Or, 358 feux sont recensés en 1339 à l’intérieur de l’enceinte pour seulement 128 dans le bourg. Par ailleurs, la chute de la population globale s’ajoute à ce déséquilibre : on ne compte plus que 232 feux en 1383, ce qui explique les difficultés des habitants à accepter ce financement139.
68En 1390, les protestations des habitants s’étendent à ceux de l’ensemble de la châtellenie. Estimant que les communautés de Val-des-Prés, de Montgenèvre, de Cervières et de Névache trouvent refuge dans l’enceinte du bourg, les syndics de Briançon jugent qu’elles sont tenues de s’associer aux travaux. À l’inverse, ces dernières prétendent ne pas y être astreintes, d’autant qu’elles assument déjà la fortification du Pertuis Rostan et ne peuvent donc être contraintes « à la même imposition en deux endroits différents ». Les mêmes questions se posent entre les syndics de Briançon et les communautés du Monêtier, de La Salle, de Saint-Chaffrey, de Puy-Saint-Pierre, de Puy-Saint-André et de Villar-Saint-Pancrace. En effet, ces communautés ont coutume de se réfugier dans cette enceinte et les syndics de Briançon déplorent être les seuls à en assumer la charge : ils demandent même à en être exemptés140.
69À Briançon, seul le front situé du côté du Montgenèvre est aménagé à partir de 1380 avec la construction d’un pont-levis devant la porte supérieure de la ville. Comme à Gap, les syndics inspectent les fortifications de la ville et ordonnent de nouvelles constructions141. En 1393, trois tours ouvertes à la gorge, hautes de 14,35 mètres, larges de 6,15 mètres, crénelées et munies de parapets sont ainsi données à prix-fait au maçon Bertrand de Lazer. S’y ajoutent les travaux réalisés par Daniel Galéan dans sa propre maison située au rez-de-chaussée d’une tour de la ville, en 1396, et dont il gardera la propriété des ouvertures142.
70En 1416, le bailli du Briançonnais Geoffroi d’Arces ordonne à nouveau de réparer la muraille jouxtant cette tour. Les héritiers de Daniel Galéan refusent de payer ces travaux alors qu’ils auraient pu construire leur maison contre la muraille s’ils avaient participé au financement au pro rata143. Devant leur refus, le bailli fixe une limite de 4,10 mètres (2 toises) qui devra rester libre de toute construction entre la muraille et leur maison. Par ce retournement de situation, les syndics sont alors contraints de payer les travaux de remise en état du mur.
71Par ailleurs, en concédant ses droits sur la muraille aux syndics, la famille Galéan oblige les nouveaux propriétaires de maisons à se conformer aux règles imposées par la ville, comme celle de ne pas pratiquer d’ouvertures dans le mur. Quant à la question du financement des travaux, elle n’est résolue qu’en 1451 : les frais sont partagés entre les syndics, pour un tiers, et les particuliers, pour les deux autres tiers144. Au terme d’un long conflit (1416-1451), les syndics de Briançon obtiennent finalement gain de cause, au moins pour le financement du front nord de la muraille. Auparavant, l’aménagement des fortifications villageoises et des fortifications urbaines soulève les mêmes difficultés financières et les solidarités sont rares. Il est exceptionnel de voir des accords entre la ville et la campagne comme entre les habitants de Puy-Saint-Eusèbe et de Puy-Sanières qui s’entendent avec les consuls d’Embrun pour se retirer dans cette ville en cas de danger et ce, tant que leur seigneur ne fera pas construire de défense propre au lieu145.
72L’effort de fortification consenti dans chacune des villes du Haut-Dauphiné est donc principalement concentré dans des quartiers menacés dont on répare les murailles, les tours et les portes. C’est le cas du quartier de Chaussières puis du front nord, à Gap, et du quartier du Planiol, à Embrun. En cela, la situation diffère des villes savoyardes dont la défense repose presque exclusivement sur les portes que l’on renforce lors du passage des routiers, dans les années 1360-1380146. Notons qu’une vue de la ville de Gap datée du début du xviie siècle représente encore le rempart nord flanqué de tours ouvertes à la gorge aménagées au début du xve siècle : la Tour de Saint-Jean Bonhomme, la Tour Magnonne, la Tour du Treuil, la Tour du Verger et la Tour Bellon, d’ouest en est (Figure 20).

Figure 20. La ville de Gap en 1607 d’après le dessin de l’ingénieur Jean de Beins.
Source : Dainville, 1968, planche 25.
Notes de bas de page
1 D’après Lemonde, 2002, p. 88-94, quatre ordonnances se succèdent : février 1379 (règlement sur la reddition des comptes), janvier 1384 (réforme des comptes), octobre 1379 et juillet 1384 (règlement sur les gages des officiers).
2 D’après Soulingeas, 1997, p. 46-51. Pour les régions voisines du Dauphiné, voir Contamine, Mattéoni, 1996.
3 En Savoie, les plus anciens comptes de subsides datent de 1313 mais ne se généralisent qu’à partir de 1331, d’après Gabion, 1978, p. 249. Au sujet du subside en Dauphiné, voir Lemonde, 2000, tome 2, p. 614-619.
4 C’est en 1253 que le dauphin, par son mariage avec Béatrix de Savoie, acquiert la baronnie de Faucigny. En 1286, le gendre de Béatrix de Savoie, vassal du comte de Savoie, est reconnu dauphin et, en refusant ce lien de vassalité, provoque un conflit qui s’achève seulement en 1293 (Dussert, 1915, p. 16 et Mourier, Viallet, 1991, p. 12). La construction du château des Molettes est financée par le châtelain-bailli de Montmélian (Savoie, ch.-l. cant.) : Guilleré, Gaulin, 1992, p. 76 et p. 92 ; Guilleré, 1998, p. 75.
5 Dussert, 1915, p. 70 : « super financiis recuperandis et solvendis pro facto guerrarum dalphinalium » et ADI, 9 B 7, f 48 r°, 1369 : « A Humbert Granet, trésorier ou receveur des deniers pour le fait de la guerre au Dalphiné ».
6 En Savoie, les subsides sont « octroyés librement par les sujets, en fait par l’assemblée des Trois États, dans des circonstances exceptionnelles : expédition lointaine, mariage et dotation d’une princesse, acquisition d’un territoire ou d’un château, rançon d’un prince capturé ». On parle de dons gratuits à partir du xve siècle puisque ces derniers « sont accordés gracieusement par les corps privilégiés qui en étaient jusqu’alors dispensés » (Gabion, 1978, p. 248).
7 Dussert, 1915, p. 44-48. En Provence aussi, le pape exige la contribution de tous les hommes, tant laïques qu’ecclésiastiques, pour financer les dépenses de mise en défense du Comtat en août 1357 (Denifle, 1899, p. 198).
8 Denifle, 1899, p. 442, n. 3, d’après Reg. Vat., n° 251, f 195, lettre d’Urbain V, 20 novembre 1363.
9 ADI, B 4398, ff 87-89 ; Laplane, 1843, tome 1, p. 511-515 et Dussert, 1915, p. 50.
10 Dussert, 1915, p. 52.
11 Lemonde, 2002, p. 303.
12 ADI, 8 B 647, f 92 r°, compte du bailliage de l’Embrunais (8 août 1369-24 juin 1370) : « pro facto subsidii » et REY, 1949, p. 53
13 ADI, B 2705 (Graisivaudan) et B 4398, ff 141-165 (autres châtellenies).
14 Dussert, 1915, p. 55-66, d’après ADI, B 2959, f 37.
15 Dussert, 1915, p. 74 : le Graisivaudan verse la plus forte contribution (33 %) ; le Gapençais et l’Embrunais la plus faible. Inversement, en 1383, l’imposition du Briançonnais est seulement de 800 florins mais constitue pourtant la contribution la plus importante avec celle de l’Oisans, d’après Chorier, 1672, p. 371 (Oisans : 800 florins, Vienne : 600 florins, Grenoble : 500 florins et Romans : 500 florins).
16 Dussert, 1915, p. 78 et 94, d’après ADI, B 3174, 21 octobre 1376 et B 3272, 15 octobre 1379.
17 Dussert, 1915, p. 94.
18 Dussert, 1915, p. 70.
19 D’après Han, 1977, p. 186.
20 Dussert, 1915, p. 98-101, d’après ADI, B 3256, pièce parchemin.
21 ADI, B 3256, 15 juillet 1391, pièce papier.
22 ADI, B 3256, 5 mars 1388, pièce parchemin : « Ce sont les protestations des gens d’église dont cy dessus est faite mention (...) ».
23 ADI, B 3256, 15 juillet 1391, pièce papier.
24 ADI, B 3257, 26 janvier 1392, pièce papier.
25 Rigaudière, 1985, p. 49 et Rigaudière, 1996, p. 129.
26 À Mévouillon (1270), le vingtain prélevé sur les récoltes est employé à la fortification du château (ADI, B 3935) et à La Roche-des-Arnauds, « le vingtain devait être employé à la réparation des fortifications et comme le château ancien a été abandonné, on ne le répare plus » (BMG, R 10048, tome 1, notes de Georges de Manteyer, d’après une charte de libertés octroyée par Arnaud Flotte, 3 décembre 1253, article 6). Définition du vingtain dans le sud-est, d’après Follain, 2000, p. 29.
27 Vaillant, 1951, p. 89 et ADHA, Ms 1511, notes de Clément Amat.
28 Briançon, 1339, ADI, 8 B 24, f 64 v° ; Château-Queyras, 1339, ADI, 8 B 24, f 79 v° ; Embrun, AC Embrun, 1366, EE 17 ; Upaix, 1390, ADI, 8 B 662, f 175 r° ; Briançon, 1416, ADHA, Ms 651.
29 Dussert, 1915, p. 16 et Vaillant, 1951, p. 96. Sur cet impôt, voir Contamine, 1978, p. 29 et Rigaudière, 1985, p. 50.
30 Hayez, 1978, p. 196.
31 Bourrilly, 1926, p. 166 et Droguet, 1983, p. 30. Pour financer les travaux de fortification de Pertuis (Vaucluse), les rêves sont levées entre 1360 et 1397, date du siège de la ville par l’armée royale (Sauze, 1994, p. 151).
32 Le commun, perçu pour financer l’entretien des fortifications et des voies, pèse sur l’artisanat et le commerce, d’après Vaillant, 1951, p. 346-350.
33 Soit une proportion identique au commun du vin levé par les consuls de La Mure (Isère) en 1309, d’après Vaillant, 1951, p. 115. À Chambéry, le commun du vin apparaît aussi en 1371, d’après Brondy, 1976, p. 66.
34 6 août 1371, Guillaume, 1879, p. 10-16 et ADHA, Ms 651, notes de P. Guillaume.
35 1er août 1390, Guillaume, 1879, p. 10-16 et ADHA, Ms 651, notes de P. Guillaume.
36 Roman, 1892, p. 73, d’après AC Gap, AA 5, 21 juillet 1382 : bulle du pape Clément VII confirmant la charte conclue entre l’évêque de Gap et les consuls le 7 mai 1378, article 33 ; BB 2, f 2 v°, 6 mai 1406 et Livre rouge, p. 165, 17 juillet 1417 : prélèvement d’un patac sur chaque bête de somme étrangère pénétrant dans la ville.
37 D’après Glénisson, Higounet, 1964, p. 49.
38 En 1410, un subside de 2,5 florins par feu est levé pour l’achat des comtés de Valentinois et de Diois, d’après ADI, B 2712.
39 Charpin-Feugerolles, 1881, p. 11 et Thomé de Maisonneuve, 1938-1939, p. 10.
40 ADI, 9 B 6, compte du trésorier Adam Chanteprime, 26 avril 1367-9 novembre 1368 et 9 B 7, compte du trésorier Jean de Cérisy, 8 novembre-11 décembre 1368.
41 Vaillant, 1951, p. 36 (Allevard, 1315), p. 46 (Beaurepaire, 1317), p. 121 (La Tour-du-Pin, 1290), p. 163 (Saint-Marcellin, 1343) et p. 183 (Viriville, 1338).
42 Charpin-Feugerolles, 1881, p. 11 et Thomé de Maisonneuve, 1938-1939, p. 10.
43 À propos de ces pratiques, voir Vaillant, 1951, p. 340 et ADI, B 3684, 7 février 1379 : la communauté de Nyons (Drôme) prête 100 florins au dauphin Charles V pour acheter le départ des routiers bretons installés au Buis.
44 Laplane, 1843, tome 1, p. 167 et Denifle, 1899, p. 513.
45 Grava, 1978, p. 188.
46 Guenette, 1990, p. 441.
47 Hébert, 1979b, p. 202.
48 Lettre au cardinal Guy de Boulogne, Bresc, 1972, n° 365, p. 547, 14 mai 1368 ; lettre au pape Urbain V, Bresc, 1972, n° 370, p. 552, 15 mai 1368 : « Et quia ista Ecclesia habet IX castra seu loca fortia, preter civitatem et locum de Caturicis que sunt communia cum dalfino, oportuit et oportet me pro eorum fortificatione et custodia expendere quicquid habere possum (...) ».
49 Lettre à Bernard de Saint-Étienne, Bresc, 1972, n° 373, p. 556, 18 juillet 1368 et lettre au cardinal Guy de Boulogne, Bresc, 1972, n° 374, p. 558, 18 juillet 1368.
50 Lettre à Guillaume d’Aigrefeuille, Bresc, 1972, n° 437, p. 635, v. 14 octobre 1369.
51 Lettre au pape Urbain V, Bresc, 1972, n° 401, p. 593, décembre 1368 ; lettre au cardinal Guy de Boulogne, Bresc, 1972, n° 402, p. 593, v. 7 décembre 1368 et lettre à l’évêque de Gap Jacques Artaud de Montauban, Bresc, 1972, n° 422, p. 615, 15 avril 1369.
52 Contamine, 1978, p. 23-47 et Rigaudière, 1985, p. 19-95. Voir également les analyses de G. Butaud dans le comtat Venaissin (Butaud, 2001, tome 2, p. 419-422).
53 ADI, B 2953, ff 397 r°-398 r°.
54 Montorcier, commune Saint-Jean-Saint-Nicolas, cant. Orcières. Le mandement de Montorcier comprend Buissard, Saint-Michel-de-Chaillol, Chabottes, Chabottonnes, Saint-Jean-Saint-Nicolas, Champoléon et Orcières.
55 Roman, 1888b, p. 83.
56 D’après les informations et les relevés topographiques réalisés par C. Barbier en 1994. 57 BMG, R 80, tome 4, f 287 r° [v. 1445-1449] et ADI, B 3754, papier.
57 ADI, B 2953, ff 391 r°-396 v°, 16-18 avril 1421. 59 Les tours carrées de Laye (sur une motte, à 1 200 mètres) et de Buissard sont détruites, d’après Roman, 1888b, p. 136 et p. 138.
58 ADI, B 2953, ff 391 r°-396 v°, 16-18 avril 1421.
59 Les tours carrées de Laye (sur une motte, à 1 200 mètres) et de Buissard sont détruites, d’après Roman, 1888b, p. 136 et p. 138.
60 ADHA, Ms 376, notes de P. Guillaume, d’après ADHA, G 1982.
61 ADI, B 2953, ff 398 v°-401 r°, 2 septembre 1397.
62 En Embrunais, c’est également en 1376 que les travaux de construction des murailles de Prunières sont concédés à deux maçons (Roman, 1888b, p. 187 ; Roman, 1889, p. 112 et Roman, 1890, p. 266, d’après ADI, B 3001, texte non identifié).
63 ADI, B 3, 20 juin 1376, f 24.
64 ADI, B 2945, 21 août 1374, f 459 v° et B 3, 20 juin 1376, f 24. Le château de Corps (Isère) n’est réparé qu’en 1384, d’après Durand, 1911, p. 51 (52 florins et 3 gros).
65 Corps et Côtes-de-Corps (229) ; Saint-Firmin (71), d’après Fierro, 1978, p. 368 et p. 371.
66 ADI, B 2945, 21 août 1374, f 459 v°.
67 ADI, B 3, f 28, 20 juin 1376.
68 AC Embrun, 1 FF 57-1 FF 58, 15 avril 1374-24 septembre 1376 : Charles V ordonne la restitution du château de Guillestre à l’archevêque d’Embrun (Roman, 1889, p. 114 et Denifle, 1899, tome 2, p. 820).
69 ADHA, Ms 375, notes de P. Guillaume, 22 mai 1374.
70 AC Guillestre, FF 4, 21 mai 1384 : « (…) multi homines dicte universitatis, ad dictum hospicium archiepiscopale accedentes, multa vitualia, de quibus vivere possent, si qua hostilitas superveniret, portaverunt, non quod ipsa vitualia dicte curie darent, sed ipsi portantes et intra dictum hospicium reponentes, quando vellent, extrahere de dicto hospicio possent (…) » et 8 juin 1384 : « Et licet ipsi teneant aulas, cameras et omnia alia existentia in dictum castrum (...) ».
71 AC Guillestre, BB 3, 31 mai 1392, d’après Guillaume, 1884b, p. 17-22. C’est ce qui se passe à Pourrières (Var) en 1385 quand les habitants des bourgs alentours sont autorisés à construire sur les emplacements vacants situés dans la basse-cour du village. Une enquête est alors réalisée pour recenser ces espaces libres : Coulet, 1973c, p. 92 et Coulet, Stouff, 1987, p. 22.
72 AC Guillestre, FF 5, 26 mai 1408.
73 28 avril 1376, d’après Han, 1977, p. 186.
74 AC Briançon, CC 3, f 4 v°, 7 octobre-20 novembre 1368.
75 ADHA, Ms 652, notes de P. Guillaume, 1379.
76 ADHA, Ms 651, notes de P. Guillaume, 22 novembre 1390 : « (...) pro eo etiam quia contribuunt et contribuere teneantur in fortifficationibus et muralliis Pertusii Rostagnii, ob quod non tenentur in duobus locis eadem de causa contribuere (...) ».
77 ADHA, E Savines 5, 3 décembre 1333, Prunières : « infra castrum, juxta menia ». Les murs repérés à Vière peuvent autant appartenir à la basse-cour d’un château qu’à un fort réduit à l’intérieur du village.
78 Roman, 1890, p. 266, 7 avril 1376, d’après ADI, B 3001.
79 ADI, B 3727, ff 30 v°-31 v°, 16 janvier 1357. À propos du lien entre le développement des fortifications refuges et l’habitat dispersé, voir Pesez, 1999, p. 21.
80 Guillaume, 1906 (1991), p. 1 et p. 78.
81 AC Guillestre, AA 3, publié dans Fornier, 1892, p. 258-260.
82 AC Guillestre, GG 6, prix-fait de 1507. Guillaume, 1906 (1991), p. 81 et Giordanengo, 1974b.
83 Guillaume, 1899, p. 64. La Tour de l’hôpital est mentionnée en 1692 (AC Guillestre, CC 60) ; les Tours de l’Arc et de Riothyère en 1621 (AC Guillestre, BB 19).
84 Guillaume, 1906 (1991), p. 196.
85 Elles sont mentionnées dans le cadastre de 1469 (AC Guillestre, CC 186).
86 Roman, 1888b, p. 77.
87 ADHA, 3 Fi 1488.
88 D’après Rochas, 1874, p. 110, 4 décembre 1692.
89 Guillaume, 1906 (1991), p. 53.
90 AC Guillestre, FF 1, 1325 : « in castro ejusdem domini archiepiscopi infra primam januam » et FF 3, 1380 : « infra primam portam dicte domus, ante cameram porterii ».
91 ADHA, E 285 (Puy-Saint-André), f 13 v°, 1265 et Guillaume, 1888b, p. 7, n 35, 1307.
92 Barruol, 1969, p. 338.
93 Baratier et alii, 1969, carte n° 48.
94 Guillaume, 1888b, p. 32, n° 160, 1365 et AC Briançon, CC 3, f 4 v°, 1368.
95 AC Briançon EE 2, f 24 r°, 1574 ; Albert, 1783 (1959), tome 1, p. 114, 1692 et Chabrand, 1886, p. 114 et p. 150, 29 août 1720.
96 Han, 1977, p. 185.
97 Joanne, 1879, p. 36.
98 ADHA, P 16708, Section C, 5e feuille (1841) : « Le Barry ». La photo prise en 1877 a été publiée dans le bulletin de la société d’études des Hautes-Alpes en 1918, p. 9.
99 D’après Roman, 1888b, p. 20.
100 ADHA, 6 Fi 1878, Paris, LL éditeur, s.d.
101 À propos de la ville romaine, voir Manteyer, 1905 ; Février, 1986 et Février, 1991.
102 AC Gap, AA 8, 13 mars 1368 et ADI, B 3013 : « (…) moneri mandavit et fecit homines supradictos ut infra certem diem solvere debeant pro quolibet focco domino episcopo Vapincensis tres partes unius floreni auri in subventione triginta milium florenorum, ut fertur, promissorum quibusdam armigeris gentibus, que comictatus Provincie et Forcalquerii, et terras circumpositas intrare hostiliter minabantur ».
103 ADI, B 3145, f 4 v°, 19 novembre 1373, De domibus derruptis Vapinci in burgo Calqueriis : « (...) dictas domos in quibus dominus noster dalphinus percipiebat quando vendebantur laudimia et venditiones ad racionem pro quolibet fl. precii dymidium fl. ».
104 Et seulement deux jardins et une tannerie, ce qui fait peu pour un quartier dit des tanneurs (ADI, B 3145, f 8 v°et f 9 v°, 19novembre 1373) ! Ce quartier existe toujours en 1444 (AC Gap, CC 8, f43 : « quamdam chaucheriam in Chaucheriis, juxta menia antiqua »).
105 Prudhomme, 1884-1919, d’après ADI, B 3746, 1368-1373 ; [1374].
106 ADHA, G 1725, 1387 : « juxta menia antiqua… juxta fossata » et AC Gap, BB 3, 1414 : « in menio antiquo ».
107 Denifle, 1899, p. 674, d’après Reg. Vat. Gregor. XI, n° 288, f 239 b, 15 août 1376.
108 AC Gap, BB 2, 1406-1408, total des travaux en 1407 : 252 florins, 4 gros, 3 patacs et 1 parpaillole /total des dépenses : 504 florins, 6 gros, 3 barbarins et 2 parpailloles. À titre de comparaison, notons que la ville de Carpentras (Vaucluse) consacre, en moyenne, 2 400 florins par an à ses remparts entre 1357 et 1392 (Butaud, 2001, tome 2, p. 489). À Tarascon (Bouches-du-Rhône), plus de 600 florins sont employés à la réparation des fortifications d’après les comptes trésoraires établis en 1382-1383 (Hébert, 2002, p. 171). Les comptes de Gap, lacunaires jusqu’au début du xve siècle, ne permettent pas d’établir de pareilles statistiques.
109 AC Gap, BB 3, f 8 v°, 21 mars 1414, prix-fait de construction de la tour par le maçon Artaud de Domo.
110 AC Gap, BB 3, f 16 r°, 10 février 1415.
111 La Tour du Comte a été construite en 1184 sur ordre du comte de Forcalquier. Haute de plus de 32 mètres, elle était entourée d’une chemise épaisse de 1,95 mètre et haute de 8,20 mètres (AMAT, 1882, p. 185-188 ; Estienne, Nicolas, 1999, p. 210).
112 AC Gap, CC 8, f 18, 1444 : « casale in curtibus prope magnam turrim » et CC 13, 1513 : « juxta turrim comitis ».
113 Février, 1986, p. 70 et Février, 1991, p. 242.
114 C’est à cette date que l’archevêque supprime le consulat, ce qui se concrétise par la perte du sceau et des clefs de la cité. ADI, B 3001, f 243, 20 août 1258, d’après Vaillant, 1951, p. 81, 435 et 438.
115 Lettre à Charles V, Bresc, 1972, n° 447, p. 658-660, 21 novembre 1369.
116 Transaction entre le dauphin Guy et les consuls d’Embrun, à la suite du meurtre du bailli delphinal Jean Bonfils (Vaillant, 1951, p. 453, 5 juin et 31 août 1316).
117 1316 : 446l., 3 s. ; 1318 : 740l., 1 s., 3 d. ; 1319 : 70l., 5 s. et 1320 : 20l., 17 s., 6 d. Soit : 1277l., 6 s., 9 d.
118 Valbonnais, 1722, tome 2, p. 188-191, 30 juillet 1321 et 3 juillet 1331.
119 Lettre à Charles V, Bresc, 1972, n° 445, p. 646, 21 novembre 1369 : « verum est quod tractu temporis gentes domini dalfini se volentes ampliare et habere locum ubi sese possent recipere quando illuc veniebant inceperunt edificare extra civitatem a parte palacii archiepiscopalis prope ipsum per unam bonam balistratam quamdam magnam turrim ».
120 Roman, 1914, p. 185-194.
121 Lettre au cardinal Guy de Boulogne, Bresc, 1972, n° 303, p. 484, 10 octobre 1366.
122 ADI, 8 B 642, f 58 r°, compte de la châtellenie de Château-Dauphin (9 décembre 1365-22 avril 1367) et ff 68 v°-69 r°, compte de la châtellenie du Valcluson (15 avril 1366-16 septembre 1367).
123 Mémoires autographes, Bresc, 1972, lettres n° 445, p. 644, n° 446, p. 655 et n° 448, p. 663, 21 novembre 1369.
124 ADI, 8 B 647, f 100 r°/v°, compte du bailliage de l’Embrunais (24 juin 1370-24 juin 1371) : « pro facto egradarii dicti domini archiepiscopi Ebreduni ».
125 ADI, 8 B 649, f 29 r°, compte du bailliage de l’Embrunais (24 juin 1371-24 juin 1372).
126 Lettre à Raoul de Louppy, Bresc, 1972, n° 378, p. 563, 4 août 1368.
127 Lettre de Raoul de Louppy, Bresc, 1972, n° 381, p. 565, 8 août 1368.
128 Lettre de Raoul de Louppy, Bresc, 1972, n° 382, p. 566, 8 août 1368 et lettre à Raoul de Louppy, n° 377, p. 562, août 1368.
129 Projet de lettre au gouverneur du Dauphiné, Bresc, 1972, n° 383, p. 567, août 1368.
130 Lettre au pape Urbain V, Bresc, 1972, n° 401, p. 592, décembre 1368 et lettre n° 407, p. 599, 7 décembre 1368.
131 Lettre de Charles V, AC Embrun, 1 FF 57, 15 avril 1374 et 1 FF 58, 24 septembre 1376. La levée de l’excommunication intervient seulement le 6 septembre 1379 (Denifle, 1899, p. 820, n° 38).
132 ADI, B 3728, pièce, v. 1400, Embrun.
133 ADHA, Ms 651, notes de P. Guillaume, d’après le Livre Carré d’Embrun, ff 206-209 r°, 20 mars 1381.
134 Roman, 1888b, p. 69.
135 Estienne, Nicolas, 1999, p. 182.
136 Montpied, 1983, p. 6.
137 À la même période, la ville d’Avignon dépense 29 500 florins pour ses fortifications, d’après Hayez, 1978, p. 201 !
138 ADHA, Ms 651, 23 juin 1371, notes de P. Guillaume.
139 Fierro, 1978, p. 360.
140 ADHA, Ms 651, 22 novembre 1390.
141 AC Briançon, CC 5, pièce, 1381-1382.
142 ADHA, Ms 651, 9 novembre 1393 et 4 avril 1396.
143 Comme tous les riverains de la muraille, ils sont appelés « parerii dicti muri » (ADHA, Ms 651, 24 septembre-1er octobre 1416).
144 ADHA, Ms 651, 3 mai 1451.
145 ADHA, Ms 651, 20 mars 1381.
146 D’après Demotz, 1981, p. 123.
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