De l’usage mémoriel du massacre d’Aigues-Mortes par les ouvriers italiens de Marseille
Memories of Aigues-Mortes Slaughter among Italian Workers in Marseille
p. 125-136
Résumés
La récession des années 1883-1896 est souvent décrite sous l’angle d’une exacerbation de la concurrence entre ouvriers français et ouvriers immigrés, une rivalité source de conflits et de pulsions xénophobes pouvant aller jusqu’à des affrontements mortels comme à Aigues-Mortes en 1893. Le constat n’est pas faux, mais à trop insister sur les aspects conflictuels on risque de suggérer qu’il existe une relation de cause à effet systématique et unique entre récession et xénophobie, d’oublier que les périodes de récession peuvent aussi être l’occasion de rapprochements, de solidarités intercommunautaires, et d’appauvrir ainsi la représentation des rapports sociaux. C’est ce que tente de démontrer cet article à partir de l’exemple de l’industrie marseillaise et de la grande grève des ouvriers tuiliers (1894) où, pour la première fois, la mémoire du massacre d’Aigues-Mortes est utilisée par les Italiens non-grévistes à l’encontre des Italiens qui font cause commune avec les ouvriers marseillais.
Studies on the 1883-1896 recession often focus on the exacerbation of the competition between French and immigrant workers, a rivalry leading to struggles and xenophobic impulses that sometimes degenerated in fatal confrontation like in Aigues-Mortes in 1893. Although this account is not false, insisting too much on the conflicts might amount to suggesting that there is a systematic and unique relation of cause and effect between recession and xenophobia, forgetting that times of recession can also give rise to reconciliation and intercommunal solidarity, and thus watering down the depiction of social relations. This is what this article aims to show, based on the example of Marseille’s industry and the great strike of the tile makers (1894) when the memory of the slaughter in Aigue-Mortes was used for the first time by the non-striking Italians against Italians who had taken sides with the workers of Marseille.
Texte intégral
1La récession des années 1883-1896 représente un moment particulier dans l’histoire des relations intra-ouvrières, notamment du point de vue des rapports entre les ouvriers français et italiens. L’effondrement des prix industriels, la baisse des productions et le ralentissement des échanges entraînent une hausse du chômage qui provoque des jalousies de travail, des conflits et des bouffées de xénophobie pouvant aller jusqu’à des affrontements sanglants entre les différentes communautés en présence1. Dans le Gard, département voisin des Bouches-du-Rhône, le point d’orgue de cette violence est atteint en 1893 avec le tristement célèbre massacre d’Aigues-Mortes où plusieurs ouvriers italiens sont tués2. Au demeurant, et c’est ce que nous souhaitons démontrer dans cet article, on ne peut réduire cette période à une succession d’affrontements plus ou moins graves et à la seule montée en puissance de la xénophobie ouvrière. Car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la récession des années 1883-1896 est aussi un moment de basculement au cours duquel les ouvriers français et immigrés expérimentent des rapports de solidarité plus étroits et décisifs pour l’avenir. Comment s’établissement ces contacts, dans quelles professions, à la faveur de quelles circonstances et avec l’aide de quels appuis ? C’est ce que nous allons analyser à partir de l’exemple des ouvriers employés dans l’industrie marseillaise.
La main-d’œuvre ouvrière italienne dans le système industriel marseillais
2Comme d’autres industries du Nord et de l’Est de la France, l’industrie marseillaise emploie une part importante d’ouvriers immigrés venus, pour l’essentiel, de la péninsule italienne. Les liens que ces travailleurs entretiennent avec l’industrie sont à la fois précoces, forts et variables suivant les branches et leur lieu d’implantation. Plusieurs indices laissent à penser que, dès le début du xixe siècle, les Italiens constituaient déjà une des composantes majeures de la main-d’œuvre employée en usine. L’origine des ouvriers travaillant en 1820 dans l’usine de soude et d’acide sulfurique de Rassuen – près d’Istres – est, à cet égard, assez révélatrice : 31,5 % proviennent des villages environnants, 13,5 % des départements de la Drôme, des Hautes-Alpes, de l’Isère et du Var et 55 % d’Italie du Nord. Le phénomène devient ensuite moins difficile à mesurer grâce aux enquêtes réalisées par les services de police dans le cadre des incidents franco-italiens qui émaillent les deux dernières décennies du siècle. En 1881, un mois seulement après la sanglante affaire des « vêpres marseillaises3 », une étude est ainsi conduite dans deux des principales banlieues industrielles de Marseille : la vallée de l’Huveaune, en direction de la Capelette, Saint-Loup, Pont-de-Vivaux, la Pomme, Saint-Marcel et la Valentine ; les quartiers situés à proximité des bassins nord du port, comme Arenc, la Madrague, Saint-Mauront et le boulevard National. Cela représente un échantillon de 114 établissements industriels pour un effectif de 5282 ouvriers, soit 13 % de l’ensemble de la population ouvrière marseillaise travaillant en usine. Cette enquête révèle que, toutes industries confondues, les ouvriers italiens représentent 52 % du total de la population ouvrière et 99,5 % de la population ouvrière étrangère. On constate aussi que toutes les branches n’emploient pas la même proportion d’ouvriers italiens4. Deux groupes se distinguent assez nettement : les industries qui emploient plus de 50 % d’Italiens, avec des pointes pouvant aller jusqu’à plus de 75 % dans les huileries, les tanneries et les raffineries de sucre5 ; celles qui en emploient moins de 40 %, avec un minimum inférieur à 5 % dans la réparation et la construction navale.
3L’interprétation de ces statistiques est délicate car le poids des évidences ne permet pas toujours de mettre en lumière la complexité des situations. Prenons l’exemple du pourcentage global des ouvriers italiens dans l’industrie. Leur surreprésentation (52 %), au regard de leur importance dans la population totale (16 %), n’est pas simplement due à une stratégie patronale visant à réduire les coûts de production par l’emploi d’une main-d’œuvre docile, robuste et sous-payée. Elle est aussi la conséquence des difficultés rencontrées par ces mêmes industriels pour recruter des ouvriers, malgré l’apport démographique des départements environnants. Les chiffres de la répartition par branche doivent également être interprétés avec prudence. Certes, les plus gros effectifs de travailleurs italiens se retrouvent généralement dans les industries qui emploient le plus de journaliers n’ayant d’autres qualifications à vendre que leur force physique pour occuper des emplois pénibles et dangereux. Et, inversement, les branches qui offrent le plus grand nombre d’emplois qualifiés sont celles qui ont les plus faibles effectifs d’ouvriers italiens. C’est ce qui explique les écarts des pourcentages entre des industries comme l’huilerie, les tanneries ou le raffinage du sucre et d’autres activités comme la verrerie ou la réparation/construction navale. Mais des nuances doivent aussitôt être introduites car toutes les industries ne correspondent pas nécessairement à ce modèle explicatif. La stéarinerie par exemple : le pourcentage d’ouvriers italiens y est inférieur à la moyenne, sans que l’on puisse pour autant l’expliquer par la forte qualification des tâches. Les travaux à réaliser ne nécessitent pas de savoir-faire très sophistiqué, mais ils sont aussi moins physiques et plus minutieux. Ce sont donc des femmes – autre catégorie de main-d’œuvre sous payée et très difficile à percevoir dans ces années-là – qui sont principalement employées aux différentes étapes de la production, comme dans la plupart des distilleries ou des filatures de la ville6.
4Au-delà de ces chiffres, et du fait que les emplois les plus pénibles et les moins bien payés soient presque systématiquement réservés aux ouvriers italiens, quelles sont les autres rationalités économiques qui expliquent leur importance dans l’industrie marseillaise ? Dans Migrance, Émile Temime est revenu plusieurs fois sur ce sujet7. Ses analyses peuvent être résumées en ces termes : dans un contexte de concurrence économique aggravé par la récession, les industriels marseillais ont davantage cherché à réduire leurs coûts de production et à améliorer leur compétitivité en jouant sur la variable humaine, plutôt qu’en investissant dans le renouvellement de leur outillage. É. Temime établit un lien entre la faible modernisation de l’appareil productif et l’importance de la main-d’œuvre immigrée italienne, celle-ci apparaissant en quelque sorte comme le marqueur identitaire du niveau d’archaïsme des structures industrielles locales. Il convient, en réalité, de nuancer et de compléter cette proposition en ajoutant que l’importance de la main-d’œuvre italienne peut aussi être l’indice d’une industrie en voie de modernisation, c’est-à-dire d’une industrie semi-mécanisée où la main-d’œuvre occupe des emplois peu qualifiés destinés à faire le lien entre une succession de phases de production déjà mécanisées8. C’est, par exemple, ce que l’on constate dans les tuileries de Saint-Henri où les Italiens – qui représentent entre 70 et 75 % des effectifs – travaillent dans un environnement marqué par l’usage du four continu Hoffman, la mécanisation d’un certain nombre d’opérations, la standardisation des produits et la production de masse puisque certaines usines produisent jusqu’à près de 10 000 tuiles par jour. La relation entre travail immigré et mécanisation est donc plus complexe qu’il n’y paraît et il n’existe pas de lien systématique entre l’importance du recours à la main-d’œuvre étrangère et l’obsolescence des méthodes de production. Car si la mécanisation supprime des pénibilités, elle génère aussi un assez grand nombre d’emplois peu qualifiés et dangereux qui sont en quelque sorte dédiés aux travailleurs immigrés. Ainsi, lorsqu’en 1894 les dirigeants de la Société nouvelle de charbonnages des Bouches-du-Rhône décident d’utiliser l’électricité pour accélérer le percement de la galerie de la mer reliant le petit village minier de Biver au port de Marseille, ils veillent à n’employer que des mineurs piémontais célibataires car ils savent que ce saut technologique est dangereux en raison des risques encourus par l’introduction de l’électricité en milieu humide9. Qu’ils soient donc employés dans des établissements restés artisanaux, ou dans des usines déjà mécanisées, les ouvriers italiens sont tout simplement indispensables au bon fonctionnement du système industriel marseillais.
Entre préférence nationale et unité d’action
5Le système industriel marseillais entre en récession en 1883. La plupart des entrepreneurs réduisent alors leurs investissements, certains dissolvent leur société par anticipation tandis que d’autres – commel’industriel Hilarion Roux – font des faillites retentissantes. Ce contexte récessif provoque une diminution globale du temps de travail, des réductions salariales et de nombreux licenciements. En 1886, Fournier & Cie se sépare ainsi de 330 personnes, les Hauts-fourneaux de Saint-Louis n’emploient plus que 80 ouvriers sur les200 présents en 1884 et la fermeture des Fonderies de la Méditerranée de l’industriel Louis Benet entraîne la mise au chômage de près de 400 ouvriers ; toujours en 1886, la baisse des effectifs dans l’huilerie est évaluée à 1 800 personnes, alors que la branche employait encore2 257 ouvriers cinq ans auparavant10. Pour les seules années 1894-1897, une enquête de la préfecture révèle que la diminution de l’emploi industriel dans Marseille s’élève à 1 657 personnes, ce qui correspond à 7 % du nombre total des actifs employés dans l’industrie en 189411. La diminution du pouvoir d’achat des ouvriers et la mise au chômage d’un certain nombre d’entre eux débouchent sur de nombreux mouvements sociaux, une conflictualité dont l’expression est favorisée par la légalisation des syndicats professionnels (1884) et par le renouveau du socialisme marseillais12. Entre 1883 et 1896, le nombre des syndicats ouvriers passe ainsi de 43 à 89 ; dans le même temps, le nombre des ouvriers syndiqués progresse de 6 518 à 14 462 personnes13. Conformément à ce que l’on observe au niveau national, les grèves deviennent plus fréquentes qu’autrefois, avec des pics en 1883, 1893 et 189514. Leur moyenne annuelle passe de2,6 à 7,7 entre 1873-1882 et 1883-1896. La durée des conflits tend aussi à s’allonger. Si dans les années 1870 la plupart des grèves marseillaises ne duraient que quelques heures – deux ou trois jours exceptionnellement –, dans les décennies qui suivent on commence à voir des grèves d’une ou deux semaines et même de plusieurs mois. En 1890, les ouvrières des filatures cessent ainsi le travail pendant cinq mois.
6Au-delà de ce constat sur le durcissement des relations sociales au sein de l’industrie marseillaise, la récession des années 1883-1896 est une période décisive pour les relations que les ouvriers français entretiennent avec les travailleurs italiens. Leurs rapports sont ambivalents. Les ouvriers marseillais sont partagés entre des pulsions de rejets et une réflexion sociale qui les conduit à défendre et à appliquer une stratégie de lutte solidaire. En 1884, au cours d’un meeting réunissant plusieurs centaines d’ouvriers sans travail à propos des « causes de la crise et des remèdes à y apporter », les voix qui préconisent le renvoi des ouvriers italiens rencontrent ainsi « peu d’écho » et provoquent même le « vote d’un blâme » de l’assemblée à leur encontre15. La tonalité est toutefois bien différente en 1896-1897, lorsque la récession est devenue particulièrement sévère pour certaines branches comme l’huilerie. Dans une réunion rassemblant plus de 1000 chômeurs à la Bourse du travail, des ouvriers français réclament « l’emploi de la force pour obtenir le renvoi des ouvriers étrangers » et annoncent leur intention « de prendre d’assaut les usines qui les occupent de préférence16 ». Les manifestants se rendent ensuite chez Fournier & Cie et autour des raffineries de sucre de la ville « pour inviter les patrons à remplacer les ouvriers étrangers qu’ils occupent par des ouvriers français17 ». Mais les réponses des industriels – accusés, pour l’occasion, d’être de « mauvais patriotes » – restent très évasives et nettement insuffisantes au regard des attentes des ouvriers18. Certains entrepreneurs leur ont même déclaré « qu’ils étaient prêts à fermer leurs usines plutôt que d’employer une main-d’œuvre française19 ». Une délégation est alors reçue par le maire socialiste Siméon Flaissières qui s’engage à accélérer le démarrage de plusieurs chantiers en attente – réfection de la façade du palais de justice ; pavage des voies latérales du Prado ; extension du cimetière Saint-Charles etc. – et à n’y employer que des ouvriers français, ce qui permettrait d’embaucher rapidement plus de 5000 ouvriers20. Une nouvelle réunion organisée le 17 février 1897 sur les « moyens de donner du travail aux ouvriers qui n’en ont pas » débouche sur des propositions contradictoires qui en disent long sur le désarroi des ouvriers et sur l’importance économique des travailleurs immigrés : « se rendre en bloc aux usines et dire aux patrons qu’ils acceptent de travailler au même prix que les Italiens ; demander aux patrons de ne conserver que 10 % d’étrangers et de remplacer les autres par les Français21 ». L’ouvrier Gros propose quant à lui de « former une délégation de20 à 30 membres pour aller dans les usines demander l’expulsion des ouvriers étrangers, seule cause du malheur des ouvriers français22 ».
7La mise en avant de revendications fondées sur le concept de préférence nationale ne doit cependant pas faire illusion. Elle correspond davantage à un phénomène pulsionnel passager qu’à une tendance de fond durablement partagée par l’ensemble des ouvriers marseillais. Car même pendant ces moments forts de l’expression de la xénophobie ouvrière, d’autres travailleurs, proches des thèses collectivistes, ne manquent jamais de rappeler que la véritable solution ne réside pas dans l’expulsion des ouvriers étrangers mais plutôt dans une révolution sociale portée conjointement par les ouvriers français et italiens. Par ailleurs, sur le terrain, c’est-à-dire dans les luttes revendicatives, on constate que dès les années 1883-1896 – malgré l’expression ponctuelle de ces pulsions xénophobes – les rapports entre ouvriers français et étrangers sont déjà en train d’évoluer vers une solidarité de fait grâce, en particulier, aux progrès de la combativité et de la syndicalisation des ouvriers italiens. Dans sa thèse, Pierre Milza indique pourtant que cette combativité et cette syndicalisation ne débutent véritablement qu’en 1898 avec l’arrivée à Marseille des réfugiés politiques du Parti socialiste italien (PSI) – Campolonghi, Montanari, Benuzzi etc. – qui ont réussi à échapper à la répression des émeutes de Milan. Il précise que ce sont ces réfugiés du PSI qui ont incité les ouvriers immigrés italiens à entrer en masse dans les syndicats et à faire cause commune avec les ouvriers français, pour ne plus être systématiquement utilisés comme briseurs de grèves ou servir de boucs émissaires23. P. Milza constate également que la propagande du PSI est particulièrement efficace puisque dès 1899-1901 plusieurs conflits importants – maçons, dockers, huiliers, cimentiers – révèlent une solidarité sans faille entre les ouvriers français et italiens. Ces grèves seraient ainsi les premières à établir « un lien jusqu’alors inexistant entre les deux communautés » et à permettre l’émergence d’une élite syndicaliste italienne24.
8La documentation conservée aux archives départementales montre une situation plus complexe qui nous conduit à proposer quelques aménagements au schéma explicatif établi par P. Milza. On constate, en effet, que dès 1883 les ouvriers italiens entrent dans le combat revendicatif et déclenchent des grèves où ils se retrouvent en première ligne face aux entrepreneurs et aux forces de l’ordre. C’est le cas, par exemple, aux Fonderies de la Méditerranée où une soixantaine d’ouvriers piémontais fait grève pendant 3 jours pour tenter d’obtenir une augmentation de salaire ; ou encore à l’huilerie Mante frères & Borelli où pendant 4 jours une soixantaine d’ouvriers italiens essaye vainement d’obtenir une augmentation de salaire de25 centimes. La grève la plus intéressante, au regard de notre propos, intervient aux usines de l’huilier Charles-Auguste Verminck25. Elle est déclenchée le2 juillet 1883 par des ouvriers italiens qui réclament une augmentation de salaire de 50 centimes par jour et s’achève le 19 juillet sur un échec. Ce conflit est cependant exemplaire à plus d’un titre. D’une part, parce qu’il ne se limite pas aux quatre usines exploitées par Verminck. À force de militer aux portes des autres huileries de la ville, ou de pénétrer directement dans les usines pour inciter les non-grévistes à les rejoindre, les ouvriers italiens de chez Verminck ont réussi à rassembler 1 885 ouvriers, c’est-à-dire plus de 80 % des effectifs de la profession. D’autre part, c’est un mouvement où les meneurs sont exclusivement italiens. Les 19 arrestations réalisées par la police au cours du conflit ne concernent que des sujets italiens et sont à chaque fois sanctionnées par des peines d’emprisonnement. C’est enfin une grève où les socialistes marseillais – Antide Boyer en tête26 – jouent un rôle de premier plan, que ce soit dans le soutien moral accordé au mouvement, dans l’aide apportée à l’élaboration d’une plateforme de revendications plus large – « augmentation de 50 centimes par jour ; ½ heure de liberté le matin pour le déjeuner ; 1 heure de liberté pour le déjeuner ; suppression des cantines dans les usines ou au moins liberté complète pour l’ouvrier de s’approvisionner où il voudra27 » – ou pour la création du premier syndicat ouvrier de la branche. Le 14 juillet 1883, alors que les grévistes réunis salle Bouchard hésitent encore à créer leur syndicat, l’intervention d’A. Boyer emporte la décision des ouvriers :
Sur ces entrefaites, arrive Boyer du cercle Esquiros, qui déjà s’est mêlé de cette grève. Il leur donne quelques conseils. Il leur dit de ne pas avoir peur. Il ajoute de tenir bon puisque la grève est déclarée et il leur assure que les Français sont avec eux puisqu’ils luttent pour améliorer leur situation et sauvegarder leur dignité. Il termine en les priant de nommer une délégation de 7 membres qui présenteront leurs réclamations aux patrons et qui seront en même temps le noyau de leur chambre syndicale. Cette proposition est acceptée à l’unanimité mais la même hésitation se produit et personne ne voudrait accepter. Sur quelques nouveaux conseils, on jette enfin les noms suivants : Santi Pietro ; Alto Domenico ; Angi Gierolamo ; Nicola Giuseppe ; Alvini Baptista ; Coni Antonio ; Crose. On décide que ces sept membres, aidés de Boyer et de Farrenc, feront un rapport pour demain 3 heures de l’après-midi ; qu’on le lira à l’assemblée qui l’approuvera et que lundi on ira trouver les patrons. En attendant, on décide de continuer la grève28.
9Même si le conflit échoue quelques jours plus tard, il n’en demeure pas moins que cette première tentative de création d’un syndicat ouvrier italien dans l’huilerie est bel et bien le fruit d’une collaboration étroite entre des socialistes marseillais en quête d’une plus grande audience et des ouvriers italiens qui n’hésitent plus, désormais, à s’engager dans des mouvements revendicatifs. C’est aussi le constat d’une étude réalisée en 1884 sur les conditions de travail et les grèves à Marseille : « Il [l’ouvrier italien] tient de plus en plus à affirmer sa solidarité avec l’ouvrier français […]. On peut déjà prévoir le jour, qui n’est pas loin, où on le verra partout faire cause commune avec l’ouvrier français29 ».
Détournement mémoriel
10Un autre conflit joue un rôle important dans la syndicalisation des ouvriers italiens et surtout dans le rapprochement des travailleurs français et italiens, bien avant l’arrivée à Marseille des membres du PSI. Il s’agit de la grève des ouvriers tuiliers qui éclate en 1894 dans les villages industriels de Saint-Henri, Saint-André et l’Estaque. Là encore, l’exemplarité du conflit est perceptible à plusieurs niveaux. Dans la rapidité de son déclenchement, tout d’abord, et dans son ampleur. Le mouvement débute le2 mars avec la grève de 150 jeunes filles et garçons de 13 à 18 ans employés dans les tuileries qui protestent contre la diminution du temps de travail de 12 à 10 heures. Cette réduction s’est traduite par une baisse proportionnelle des salaires qui équivaut à une perte de 30 à 35 centimes par jour30. Signe qui en dit long sur le niveau de tension des rapports sociaux au sein de cette branche, les jeunes gens sont rapidement rejoints par l’ensemble des ouvriers de la profession – journaliers des carrières, charretiers, ouvriers des fours etc. –, y compris par ceux qui se trouvent dans d’autres quartiers – la Viste, Saint-Just – et même par les ouvriers de la tuilerie des Milles, non loin d’Aix-en-Provence. Dès le 5 mars, 1 500 personnes ont cessé le travail pour réclamer des augmentations de salaires ; le 15 mars, elles sont près de2 000.
11Le deuxième niveau d’exemplarité concerne le mode de fonctionnement du syndicat des ouvriers tuiliers fondé dès le 3 mars. Composé de travailleurs français et italiens, disposant d’une caisse alimentée par les cotisations des ouvriers, les quêtes faites auprès des négociants et par les dons versés par le conseil général ou la municipalité socialiste de Marseille, il fait preuve d’une réelle maîtrise dans la conduite du mouvement. Le syndicat tient régulièrement des réunions d’information sur l’état de la situation, distribue des bons d’alimentation aux grévistes, exige des augmentations de salaires uniformes par catégories – et non suivant les capacités des individus comme le souhaitent les entrepreneurs –, parvient à jouer des rivalités entre les industriels pour se faire reconnaître comme le seul interlocuteur des ouvriers, réussit à imposer que la reprise du travail ne se fasse que dans les établissements où les entrepreneurs ont accepté par écrit leurs revendications salariales et parvient, finalement, après sept semaines de lutte, à une victoire complète. C’est la première du genre dans un si long conflit. Ce succès va d’ailleurs bien au-delà de la simple satisfaction des augmentations de salaire ou de la reconnaissance du syndicat. On perçoit bien, en analysant les différents rapports de police et les plaintes exprimées par les industriels, que le syndicat tend aussi à contrôler l’embauche :
Les ouvriers de l’usine Sacoman Pierre à l’Estaque ayant obtenu de ce fabricant satisfaction complète à toutes leurs revendications portant sur la réduction des heures de travail à l’augmentation des salaires avaient repris leur travail ; mais le syndicat ouvrier, afin d’avoir toujours la haute main dans les usines, a nommé un certain nombre d’ouvriers dans chaque usine qui sont spécialement délégués pour veiller aux embauchages et aux renvois d’ouvriers, afin d’empêcher le patron d’embaucher des ouvriers non syndiqués ou d’en renvoyer de ceux qui sont possesseurs d’un livret du syndicat31.
12La solidarité affichée par les ouvriers français et italiens constitue le troisième niveau d’exemplarité de cette grève. Nous sommes, ne l’oublions pas, sept mois seulement après les dramatiques événements d’Aigues-Mortes qui ont provoqué la mort d’une dizaine de journaliers italiens. Mais l’industrie marseillaise n’est pas tout à fait dans la même configuration économique et sociale que les salins de Camargue et le conflit des tuileries ne s’inscrit pas dans le cadre d’une concurrence entre les deux communautés32. La solidarité s’affiche donc sans difficulté dans la lutte, les ouvriers italiens apparaissant même plus en pointe que les ouvriers français, à la grande surprise de la police qui redoutait des violences intercommunautaires :
Ce qu’il y a de frappant dans cette grève c’est l’union qui n’a pas discontinué de régner entre les ouvriers français et les étrangers. Ces derniers se sont montrés même plus tenaces que les premiers pour ne pas reprendre le travail avant d’avoir obtenu complète satisfaction33.
13Ou encore, une semaine plus tard : « On n’a jamais redouté à Saint-Henri un conflit entre ouvriers français et ouvriers italiens. La plupart de ces derniers sont syndiqués comme les ouvriers français et ils ont soutenu les mêmes revendications qu’eux34 ».
14Un incident a pourtant suscité l’émoi de la police et de la presse nationale. Le26 mars 1894, alors qu’une soixantaine de grévistes italiens se rend à proximité de l’usine Guichard, Carvin & Cie pour faire pression sur les ouvriers employés à l’extraction de l’argile qui viennent de reprendre le travail alors que les dirigeants de l’entreprise n’ont pas encore accepté les tarifs réclamés par le syndicat, le cri « Aigues-Mortes ! Aigues-Mortes ! » est proféré plusieurs fois. Le moment de stupeur passé, l’incident provoque rapidement l’arrestation d’une dizaine d’Italiens, dont l’ouvrier Jean Fiori, un des blessés d’Aigues-Mortes et auteur des cris. Le Figaro évoque alors une possible recrudescence des tensions intercommunautaires, mais l’enquête de police révèle que l’usage mémoriel fait par J. Fiori, ouvrier non gréviste, du souvenir du massacre d’Aigues-Mortes, s’adressait aux ouvriers italiens venus le convaincre d’abandonner son travail. L’usage mémoriel du massacre d’Aigues-Mortes a ainsi été détourné de son sens originel par une de ses victimes et il a été employé à l’encontre d’autres ouvriers italiens. La conflictualité s’est décentrée. Elle ne s’exprime plus entre ouvriers français et ouvriers italiens, mais entre les ouvriers italiens syndiqués et ceux qui ne le sont pas encore. Sept mois après le drame d’Aigues-Mortes, la solidarité sociale l’a cette fois emportée sur la solidarité nationale.
15Tous ces éléments conduisent finalement à compléter le schéma explicatif proposé par P. Milza en gommant le côté un peu « génération spontanée » et uniquement exogène de la syndicalisation des ouvriers italiens à partir de 1898. Certes, l’action des réfugiés du PSI a bien été importante – on le constate notamment dans l’engagement de ses leaders dans les grèves des années 1900-1901 –, mais elle a été précédée d’une phase d’une vingtaine d’années au cours de laquelle les socialistes et les syndicalistes marseillais ont contribué à intégrer et à former les ouvriers italiens aux luttes revendicatives unitaires et au syndicalisme. Les membres du PSI ont davantage accéléré qu’initié le processus de syndicalisation des ouvriers italiens et leur engagement dans les mouvements revendicatifs.
16La récession des années 1883-1896 est une période charnière dans l’évolution des relations que les ouvriers marseillais entretiennent avec les travailleurs italiens. Ponctuée de rivalités et de violences très souvent – trop souvent ? – mises en exergue par les historiens au point de dominer complètement les représentations que nous avons de cette période, elle est aussi un moment fondateur dans le rapprochement des deux communautés, un moment où, sur le terrain, à l’échelle des ouvriers de certaines branches industrielles, le « social » fait reculer le « national », malgré le contexte politique français et les tensions franco-italiennes de l’époque. Même si l’expression de la xénophobie ouvrière ne disparaît pas et se poursuit bien au-delà de 1896, un autre front s’est désormais ouvert au sein même de la communauté italienne entre ceux qui ont commencé à participer aux luttes syndicales et ceux qui n’y adhèrent pas encore. Le détournement mémoriel du souvenir du massacre d’Aigues-Mortes constaté en 1894 lors de la grande grève des tuileries marseillaises est, à cet égard, particulièrement significatif. Et dans l’émergence de cette nouvelle donne sociale – puissant levier d’intégration –, le rôle des socialistes marseillais, nettement plus proches de Jules Guesde que du « socialisme national » de Maurice Barrès, est pionnier35. Ce sont eux qui, à plusieurs reprises, et bien avant l’arrivée à Marseille des réfugiés du PSI, accompagnent les revendications des ouvriers italiens et les aident à s’organiser. Leur rôle, qui ne cesse de prendre de l’ampleur dans les années suivantes, mériterait d’ailleurs d’être davantage étudié, ne serait-ce que pour mieux apprécier la part respective des différentes tendances en présence, de leurs organismes (cercles, journaux etc.) et de leurs militants. Cet épisode invite enfin à nuancer la façon de représenter – et d’enseigner – la relation récession/xénophobie. Il nous incite à veiller à ne pas véhiculer l’idée qu’il existerait une sorte de lien quasi-systématique – et surtout unique – entre récession et xénophobie. Ce lien existe, il est même très fort, mais il n’y a pas de fatalité et la récession peut aussi être l’occasion de rapprochements, de solidarités et d’intégration36.
Notes de bas de page
1 Cf. Laurent Dornel, La France hostile. Histoire sociale de la xénophobie 1870-1918, Paris, Hachette-Littératures,2004.
2 Cf. Gérard Noiriel, Le massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août 1893, Paris, Fayard,2010.
3 Georges Liens, « Les Vêpres marseillaises (juin 1881) ou la crise franco-italienne au lendemain du traité de Bardo », Revue d’histoire moderne et contemporaine, n° 14, janvier-mars 1967, p. 1-30.
4 Les pourcentages sont les suivants : huileries : 88 % ; tanneries : 78 % ; raffineries de sucre : 77,5 % ; fonderies : 64 % ; savonneries : 63 % ; raffineries de soufre : 58 % ; établissements d’engrais chimiques : 53 % ; stéarineries : 40 % ; verreries :22 % ; minoteries : 13,5 % ; réparation et constructions navales : 4 %. Archives départementales des Bouches-du-Rhône (ci-après AD BdR), 1 M 881 : état nominatif des chantiers, ateliers, manufactures ou fabrique employant concurremment avec des ouvriers français des ouvriers étrangers,25 juillet 1881.
5 Si l’enquête avait englobé davantage de quartiers, les tuileries et les filatures de Marseille se trouveraient dans la même catégorie.
6 Éliane Richard, « La place des femmes sur le marché du travail à Marseille au xixe siècle, Provence historique,2010, fasc.242, p. 407-416.
7 Renée Lopez, Émile Temime, Migrance. Histoire des migrations à Marseille. L’expansion marseillaise et « l’invasion italienne » (1830-1918), Aix-en-Provence, Édisud, 1990, t. 2, p. 11 et 186.
8 La mécanisation du xixe siècle se limite souvent « à des îlots, autour desquels le recours à un effort physique particulièrement intense est la seule issue possible pour assurer le fonctionnement de l’ensemble du système, et notamment la gestion des flux » Voir François Caron, « Changement technique et culture technique », dans Maurice Lévy-Leboyer, dir., Histoire de la France industrielle, Paris, Larousse, 1996, p. 234.
9 Xavier Daumalin, Jean Domenichino, Philippe Mioche, Olivier Raveux, Gueules noires de Provence. Le bassin minier des Bouches-du-Rhône (1744-2003), Marseille, Éditions Jeanne Laffitte, p. 79-172.
10 AD BdR, 1 M 880 : lettre du commissaire central au préfet, 19 février 1886.
11 AD BdR, 1 M 882 : enquête industrielle, 1897.
12 Antoine Olivesi, Le socialisme à Marseille depuis la création de la première internationale ouvrière jusqu’à la fin de la Troisième République (1864-1940), Paris, Thèse soutenue sur un ensemble de travaux, 1950-1982, 30 vol. et La commune de 1871 à Marseille et ses origines, Paris, Librairie Marcel Rivière, 1950. Lucien Gaillard, « Le congrès de Marseille de 1879 », Bulletin du CIRA, n° 5, 1970.
13 Paul Masson, dir., Les Bouches-du-Rhône. Encyclopédie départementale, Marseille/Paris, Archives départementales des Bouches-du-Rhône/Librairie Champion, 1923, t. X, p. 212-246.
14 Stéphane Sirot, La grève en France. Une histoire sociale (xixe-xxe siècle), Paris, Éditions Odile Jacob, 2002 ; Gérard Noiriel, Les ouvriers dans la société française xixe-xxe siècle, Paris, Seuil, 1986, p. 99-119 ; Michelle Perrot, Les ouvriers en grève (France 1871-1890), Paris, Mouton, 1974.
15 AD BdR, 1 M 881 : note sur le meeting de la salle Blanchard,28 février 1884.
16 AD BdR, 1 M 882 : rapport de police du 16 février 1897.
17 Idem.
18 Fournier et les raffineurs de sucre promettent d’engager 15 à20 ouvriers français chacun (idem.).
19 AD BdR, 1 M 882 : rapport de police du 17 février 1897.
20 Idem.
21 Idem.
22 Idem.
23 Pierre Milza, Français et Italiens à la fin du xixe siècle, Rome, École française de Rome, 1981, t. 2, p. 833-857. Voir aussi : Émile Temime, Théodose Vertone, dir., Gli italiani nella Francia del Sud e in Corsica (1860-1980), Milan, Quaderni di affari internazionali/Franco Angeli, 1988,238 p. ; Renée Lopez, Émile Temime, op. cit., p. 127-146 et Giuseppina Sanna, Il riscatto dei lavoratori. Storia dell’emigrazione italiana nel sud-est francese (1880-1914), Roma, Ediesse,2011.
24 Pierre Milza, op. cit., p. 844.
25 AD BdR, 1 M 930 : lettre de Charles-Auguste Verminck au préfet,2 juillet 1883
26 Né à Aubagne en 1850, Antide Boyer a débuté sa vie professionnelle comme ouvrier potier – métier de son père – avant de suivre des études au petit séminaire de Marseille. Il est élu député socialiste de Marseille en 1885, 1889, 1893, 1898, 1902 et 1906. Il est ensuite sénateur de 1907 à 1912.
27 AD BdR 1 M 930 : rapport de police du 14 juillet 1883.
28 Ernest Farrenc est rédacteur en chef de la Voix du peuple (Idem).
29 François Bernard, « Les conditions de travail et les grèves récentes à Marseille », Journal des économistes, janvier-mars 1884, t. 25, p. 414.
30 Ils gagnaient 1,75 francs pour 12 heures de travail (AD BdR 1 M 933).
31 C’est d’ailleurs ce qui va décider les industriels à constituer leur propre syndicat (AD BdR 1 M 933 : rapport de police,20 avril 1894).
32 Le différentiel physique, qui permet notamment aux ouvriers italiens employés dans les salins de gagner davantage que les ouvriers français tout en ayant un salaire horaire inférieur, ne joue pas de la même manière dans cette industrie (Gérard Noiriel, op. cit., p. 112).
33 AD BdR 1 M 933 : rapport de police,20 avril 1894.
34 Idem.
35 A. Boyer est lui-même membre du Parti ouvrier de Jules Guesde. La situation semble bien différente dans le Nord de la France où le « socialisme national » de Maurice Barrès fait davantage d’émules. Gérard Noiriel évoque ainsi le cas de l’ancien mineur et député Émile Basly qui, en 1893, milite activement en faveur d’une loi protégeant le travail national (Gérard Noiriel, op. cit., p. 98).
36 On constate un phénomène identique pendant la récession des années 1930, lorsque les compagnies minières des Bouches-du-Rhône envisagent de licencier en priorité les ouvriers immigrés pour réserver l’emploi aux travailleurs français. Cela provoque aussitôt – à l’instigation de la CGTU proche du Parti communiste – la protestation de l’ensemble des mineurs du bassin qui, à la veille de leur grande marche de la fin, réclament, entre autres revendications, « l’interdiction de tout renvoi de travailleur immigré » (L’Humanité,22 mars 1935 ; X. Daumalin, J. Domenichino, P. Mioche, O. Raveux, op. cit., p. 170-172).
Auteur
Aix-Marseille Université, UMR 7303 Telemme
Docteur en histoire, est professeur en histoire contemporaine à l’université d’Aix-Marseille et chercheur au sein de l’UMR 7303 Telemme à la Maison méditerranéenne des sciences de l’Homme d’Aix-en-Provence. Il a notamment publié Les dynasties marseillaises de la Révolution à nos jours (Perrin,2010), Gueules noires de Provence. Le bassin minier des Bouches-du-Rhône 1744-2003 (Jeanne Laffitte, 2005). Il a dirigé avec Nicole Girard et Olivier Raveux Du Savon à la puce. L’industrie marseillaise du xviie à nos jours (Jeanne Laffitte,2003).
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