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La Provence des rois de France

 | 
Régis Bertrand

Trois siècles et onze générations de Provençaux

Chapitre IX. Un « bon » xviie siècle ?

Texte intégral

1Bien que ce siècle soit assez inégalement étudié en Provence et que nombre de recherches restent à faire, le xviie siècle provençal s’avère moins « tragique » qu’on ne l’a cru et qu’il fut, Louis XIV régnant, en d’autres provinces, ce qui est déjà un trait d’originalité. De redoutables pestes et des années de cherté du blé et de disette, mais non de famine, comme dans les campagnes surpeuplées du Bassin parisien. Une économie rurale qui semble globalement en croissance lente jusqu’à la dernière décennie du siècle. L’activité des ports plus soutenue, voire dynamique, qu’on ne l’a d’abord avancé. Au total, si l’on tient à ce terme, le règne des premiers Bourbons fut sans doute davantage un « grand siècle » pour les Provençaux que pour les habitants de l’Île de France qui n’appartenaient pas aux catégories privilégiées. En témoignent, en dépit des modernisations et des destructions des générations suivantes, un patrimoine immobilier civil et religieux important et une des principales floraisons artistiques « provinciales » du royaume.

Un temps de lente croissance économique et démographique

1596-vers 1690, trois générations de croissance agricole ?

2René Baehrel s’est naguère efforcé de préciser la conjoncture économique des xviie et xviiie siècles en Basse-Provence par la reconstitution de séries statistiques de prix et en tentant d’apprécier l’évolution du volume des récoltes à travers les montants des dîmes perçues annuellement sur quelques domaines ecclésiastiques des pays d’Arles et d’Aix, aux archives exceptionnelles. La dîme, qui est « quérable » (prélevée dans les champs par le décimateur sitôt récolte faite, ce qui diminuait les risques de fraude), est la meilleure source disponible lorsque l’on dispose de séries longues. R. Baehrel a conclu de leur étude une phase de croissance agricole entre 1590 et 1690, qui semble atypique sur cette longue durée dans le contexte français et européen de l’époque, mais n’est pas invraisemblable, car les régions du royaume ne forment pas alors un espace économiquement intégré. J. Georgelin, qui a repris l’analyse de certaines de ces dîmes (Marseille, 1977 : 109), a cru pouvoir déterminer deux « périodes florissantes » : 1617-1623 puis 1668-1679. F.-X. Emmanuelli (La Provence moderne, 1991) a proposé d’observer à travers la dîme des céréales entre 1600 et 1625 une phase de reprise de la production après la fin des guerres de Religion (au demeurant générale en France), un recul puis une lente reprise entre 1625 et 1655 et en dépit de la phase prospère signalée par Georgelin, une tendance longue au ralentissement dans la seconde moitié du xviie siècle. La dîme des ovins indique en revanche une reprise entre 1655 et 1690.

3G. Pichard (Pichard, 1999 et dans Rouquette, dir., Arles, 2005), qui a repris l’étude des dîmes céréalières de Camargue, confirme une belle remontée des récoltes entre 1600 et 1620 ; elles se situent ensuite au niveau des meilleures années de la fin du siècle précédent. Puis une forte montée des récoltes s’observe entre 1641-1652, et même un apogée séculaire en 1652, entre deux périodes d’hyperphases de crues du Rhône. Il confirme aussi la remontée de la décennie 1671-1680. La découverte par Pichard des séries de dîmes de Carpentras (graphique 2) a révélé des courbes du même type pour le froment, mais en revanche le triplement de celle du seigle entre 1640 et 1700. Dans ces deux sites, la dîme des agneaux est en croissance entre 1600 et 1620, et surtout 1640-1670. G. Gangneux avait naguère observé en revanche l’interruption entre 1656 et 1730 de la croissance du revenu foncier des domaines de l’ordre de Malte (Gangneux, 1973 et 1988). Mais Pichard l’a ensuite expliquée par la montée progressive de la fréquence des crues du Rhône. Il signale en effet « des années de relative bénévolence climatique » entre 1614 et 1647 – non sans « déluges », crues et gels d’oliviers toutefois, mais « sans catastrophe généralisée » – puis, après cette date, « un retour par étapes aux conditions extrêmes, ces dernières devenant manifestes à la fin de cette période, vers 1685 et surtout 1690, avant la terrible décennie qui ouvre le xviiie siècle (chap. 11). La décennie 1660 est aussi marquée par des années de sécheresse et des invasions de sauterelles.

4La croissance agricole semblerait suscitée par la poussée de la demande alimentaire, sous-tendue par l’augmentation de la population et éventuellement par la demande du fret portuaire. Elle serait rendue possible par des défrichements, soit la conquête de nouvelles terres. La Provence – plus précisément sans doute la Basse-Provence –, serait restée jusqu’à la fin du xviie siècle « un front de colonisation », selon l’analyse que P. Chaunu a proposée de la thèse de Baehrel (Rétrohistoire, Économica, 1985, p. 275-293), en observant à juste titre qu’un des terroirs particulièrement étudiés par R. Baehrel, celui d’Auriol, avait subi au xive siècle les atteintes de la peste noire de façon très lourde. Le rattrapage amorcé à la fin du xve pourrait s’y achever à la fin du xviie siècle. À certains égards, il en est de même pour la viguerie d’Apt, dont G. Pichard a montré la forte croissance démographique et agricole au xviie siècle. P. Chaunu a cru pouvoir en conclure que « ce n’est pas avant le milieu, peut-être même la fin du xviie siècle, que la Basse-Provence retrouve sa population d’avant le cataclysme (la peste noire) ».

Graphique 2 : Moyennes des productions à Carpentras d’après les dîmes Ces belles séries de dîmes du Comtat sont représentatives des plaines rhodano-duranciennes avec cependant des nuances. Le graphique résume les évolutions à moyen et long terme, par demi-siècle (sauf les dernières décennies du xviiie siècle). La place modeste des céréales contraste avec le territoire arlésien où elles dominent presque sans partage. Le progrès du seigle doit être lié au défrichement des terres pauvres à partir du xviie siècle. Le safran, une spécialité comtadine, était anciennement cultivé, mais son intégration à la dîme fit l’objet de procès. Le mûrier y prend son essor entre deuxième moitié du xviie et première moitié du xviiie. Les cultures dominantes sont la vigne et l’olivier – ce dernier victime des hivers de la fin du xviie et du début xviiie, et de la fin 1788. Comme en Camargue, le xviie siècle paraît plus favorable que le suivant, aux rendements céréaliers décroissants sur les sols érodés. L’huile paraît résister, peut-être en raison d’une demande urbaine accrue (d’après G. Pichard).

Graphique 2 : Moyennes des productions à Carpentras d’après les dîmes Ces belles séries de dîmes du Comtat sont représentatives des plaines rhodano-duranciennes avec cependant des nuances. Le graphique résume les évolutions à moyen et long terme, par demi-siècle (sauf les dernières décennies du xviiie siècle). La place modeste des céréales contraste avec le territoire arlésien où elles dominent presque sans partage. Le progrès du seigle doit être lié au défrichement des terres pauvres à partir du xviie siècle. Le safran, une spécialité comtadine, était anciennement cultivé, mais son intégration à la dîme fit l’objet de procès. Le mûrier y prend son essor entre deuxième moitié du xviie et première moitié du xviiie. Les cultures dominantes sont la vigne et l’olivier – ce dernier victime des hivers de la fin du xviie et du début xviiie, et de la fin 1788. Comme en Camargue, le xviie siècle paraît plus favorable que le suivant, aux rendements céréaliers décroissants sur les sols érodés. L’huile paraît résister, peut-être en raison d’une demande urbaine accrue (d’après G. Pichard).

Graphique 3 : Récolte de deux mas arlésiens, Peint (1607-1850) et Eymini (1607-1886) Deux mas arlésiens très représentatifs, bénéficiant d’une documentation exceptionnelle. Eyminy, au nord du delta, en Corrège, près du Petit Rhône ; Peint, au quartier des Islons de Camargue, près du Grand Rhône. Les courbes sont des moyennes mobiles ou « glissantes » afin d’éliminer des variations interannuelles parfois heurtées, comme les mauvaises années 1669-1670, ou celle désastreuse de 1709. L’évolution à très long terme des récoltes céréalières est comparable. Le milieu du xviie siècle paraît une sorte d’âge d’or des grands domaines arlésiens, bien avant que machinisme et engrais fassent repartir les courbes (d’après G. Pichard).

Graphique 3 : Récolte de deux mas arlésiens, Peint (1607-1850) et Eymini (1607-1886) Deux mas arlésiens très représentatifs, bénéficiant d’une documentation exceptionnelle. Eyminy, au nord du delta, en Corrège, près du Petit Rhône ; Peint, au quartier des Islons de Camargue, près du Grand Rhône. Les courbes sont des moyennes mobiles ou « glissantes » afin d’éliminer des variations interannuelles parfois heurtées, comme les mauvaises années 1669-1670, ou celle désastreuse de 1709. L’évolution à très long terme des récoltes céréalières est comparable. Le milieu du xviie siècle paraît une sorte d’âge d’or des grands domaines arlésiens, bien avant que machinisme et engrais fassent repartir les courbes (d’après G. Pichard).

5L’extension de la surface cultivée par des défrichements au détriment de la gasto, de la friche, était le principal moyen d’augmenter la production de céréales pour satisfaire la demande. Ce mouvement de grande ampleur semble « culminer partout entre 1640 et 1690 » (G. Pichard). Des seigneurs poussent à la colonisation des terres marginales de leur seigneurie, qui leur rapportent des tasques. Le Hollandais Jean Van Ens (vers 1695 ou 1697-1752) parvient à « dessécher » (drainer) à partir de 1642 les marais d’Arles en organisant les systèmes de canaux du Vigueirat et de la Vidange (40 km chacun). Michel Jean a montré qu’il n’a pas en revanche asséché une partie des marais des Baux, comme on l’a parfois écrit : la cession par Louis XIII de la seigneurie au prince de Monaco empêcha la réalisation du projet qu’il avait tracé. Les terres asséchées portent de belles récoltes pendant une génération, mais les canaux sont endommagés par la crue de 1674 et les suivantes, et la révocation de l’édit de Nantes provoque le départ de France des associés de Van Ens, protestants, et le séquestre de leurs terres, ouvrant un long procès. La crue centennale de 1755, puis celles de 1790-1791 achèveront de dégrader l’œuvre de Van Ens. C’est en fait le canal de navigation d’Arles à Port-de-Bouc, mis en service en 1834, qui permettra d’évacuer les eaux des marais d’Arles, puis en 1850 celles de la vallée des Baux (Jean, 2011).

6G. Pichard a montré que l’extension de la surface agricole se fait en nombre de lieux au détriment des communaux et traduit l’« entrée décisive des terres d’usage populaire ou des espaces protégés dans le cycle du profit, autrement dit, en termes classiques, de la valeur d’usage à la valeur d’échange ou marchande » (Pichard, 1999). À Arles, ville sortie très endettée des guerres de Religion, la vente des terres communales commence dès 1602 avec la mise aux enchères des 400 hectares de ce qui va devenir le mas de Peint, du nom de l’adjudicataire ; en résulte la mise en culture céréalière de ces herbages et bois de la région camarguaise (graphique 3). C’est aussi le cas d’une partie des terres de la Favouillane, grand domaine de l’ordre de Malte, qui sont mises en fermage. Puis la monarchie ordonne, dans la décennie 1640, la liquidation forcée des dettes accumulées par les communautés d’habitants ; les communautés étant autorisées « à payer leurs créanciers en fonds de terre », elle a conduit à l’aliénation en faveur de leurs créanciers d’une partie des terrains collectifs. Il s’ensuit un « irrésistible assaut des pentes et des hauteurs », par la mise en culture de ces terres « penchantes et ardues », souvent fragiles, dont G. Pichard a cependant souligné les limites et les conséquences graves à terme. Leurs nouveaux détenteurs ont fait procéder à leur labourage et ensemencement hâtifs et sans précautions – en seigle plus souvent qu’en blé –, qui fut parfois sans lendemain à cause de l’érosion qui vint frapper ces « espaces atteints par l’économique » (G. Pichard). Significatif est le cas du Luberon, où nombre de défrichements sont devenus à la fin du siècle des « terres hermes et vagues » livrées à l’érosion. De même dans la vaste zone des « plans » de Provence intérieure, où la « faim de terre » a poussé à défricher et labourer les défens. Dans la région de Grasse, l’issart (essartage) des « maures » (forêts) de Tanneron, dépendant de Callian, était une pratique déjà ancienne, de la part d’une population pauvre vivant dans des cabanes forestières.

7La croissance agricole a aussi été due à une meilleure utilisation de l’ager et au développement des cultures commerciales. Dans la Provence des bassins et collines, le complant pourrait avoir progressé ; cette coexistence dans les champs de cultures céréalières et de rangées d’arbres fruitiers, de vignes ou d’oliviers permettait de varier les récoltes sur une même surface et aussi de garantir un revenu, même en année de jachère. Les dîmes du chapitre de Digne montrent le développement continu pendant deux siècles du vignoble de Courbons. Le développement de l’olivier semble net au cours du xviie siècle, en dépit de gels redoutables – entre les affouagements de 1665 et 1698 l’olivette d’Eygalières serait morte « de sept à huit fois ». G. Pichard situe ses deux phases de prospérité entre 1635-1658 et 1677-1687. F.-X. Emmanuelli a observé que dans les mas de Camargue, le meilleur rapport était celui de blé/olivier, puis blé/vigne. Ce sont des cultures spéculatives si la proximité d’une ville, d’un port ou d’une route carrossable permet leur transport, d’où leur essor dans les vallées côtières, autour des pôles marseillais, toulonnais et aixois, et également dans le pays d’Aigues. Néanmoins, certains terroirs semblent aussi en décroissance – ainsi autour du massif des Maures.

8Spécifique est le cas de la région de Grasse, la plus novatrice sous l’Ancien Régime. Déjà réputée pour ses cuirs verts de qualité, la ville se spécialise au début du xviie siècle dans la production de pièces de vêtement en cuir parfumé (gants, pourpoints, ceintures), mode venue alors d’Italie. Grâce à elle, les cultures florales autour de la ville s’enrichissent vers 1650 du jasmin d’Inde et des roses et, vers 1670, des tubéreuses venues d’Italie ; l’artisanat du parfum se développe. En 1724, le corps des « maîtres marchands gantiers et parfumeurs » se séparera de celui des tanneurs.

9Il n’est guère possible d’avancer une estimation globale de la population provençale sous Henri IV et Louis XIII. Le xviie siècle est en France un temps de grandes crises démographiques qui sont essentiellement marquées par la soudaine montée du taux de mortalité, due ordinairement à la coïncidence entre la « pointe » de mortalité et la rapide montée du prix des céréales, parfois aux conséquences de la guerre, qui désorganise la vie agricole, et aux épidémies, en particulier la peste. Néanmoins ces phénomènes sont surtout nets dans les grandes plaines céréalières du Bassin parisien, dépourvues de saltus. Il semblerait que ces crises démographiques soient parfois perceptibles en Provence mais moins fortes, ce qui s’expliquerait par l’arrivée du « blé de mer » par les ports, par les ressources d’appoint de cueillette fournies par la gasto, l’incult, et avant tout par une population beaucoup moins dense qu’en Île de France. Les effets des grandes épidémies de peste (en particulier en 1628-1630 et 1649-1650) sont encore fort mal élucidés, les chiffres cités par les historiens anciens n’étant guère crédibles. Ces épidémies semblent cependant avoir affecté fortement certaines villes – ainsi Digne en 1628.

10Au total, selon F.-X. Emmanuelli et G. Pichard, les affouagements de 1665 et 1698 indiquent l’enrichissement des vigueries côtières et occidentales et l’appauvrissement de l’essentiel de la Haute-Provence, en particulier des Préalpes de Digne et Castellane.

Développement des franges maritimes

11Les villes-ports de Provence occidentale semblent avoir connu dans la première moitié du xviie siècle une activité soutenue de pêche et commerce dont les effets ont dû être dynamisants sur leur artisanat et parfois sur leur terroir (production des vins blancs de Cassis et du muscat – disparu – de La Ciotat) et sur leur bassin d’approvisionnement. La Ciotat aurait connu son apogée maritime sous Louis XIII et Martigues peut-être le sien dans les décennies 1670-1680. Les Martégaux vont alors pêcher le long des côtes d’Espagne, leur flotte de commerce navigue à travers la Méditerranée, voire au-delà de Gibraltar, jusqu’à Cadix en général, en Normandie ou en Angleterre parfois. À Arles, le commerce maritime se développe, lié à la production céréalière de l’immense terroir (la « saissette d’Arles », recherchée) des plaines du bas Rhône et du bas Languedoc ainsi qu’au transport de vivres et marchandises diverses (en particulier, bois, pierre, charbon) drainées par le fleuve, à destination des arsenaux royaux de Marseille et Toulon : « c’est Arles qui collecte et achemine tout ce qui leur est nécessaire » (Payn-Échalier, 2007). L’allège, bateau fluvial, est adaptée par les maîtres d’hache (constructeurs navals) arlésiens à la sortie en mer, son fond plat et son faible tirant d’eau permettant de franchir la barre du Rhône.

12Marseille a connu « une hausse importante » (J. Billioud, dans Rambert, 1951, t. iii) de sa population au cours de la première décennie du xviie siècle, au point d’atteindre les 40 000-45 000 habitants en 1610. Elle aurait 75 000 hab. en 1696, terroir compris, soit quelque 60 000 hab. sans doute dans l’habitat aggloméré, auxquels s’ajoutent les hôtes de cette véritable ville dans la ville qu’est l’arsenal des galères, jusqu’à 18 000 à 20 000 personnes à la fin du xviie siècle. Ces variations démographiques semblent suggérer les progrès portuaires de Marseille, port de commerce et de guerre à la fois.

13M. Morineau a été le premier à contester le tableau d’un « tragique xviie siècle » marseillais tracé naguère par P. Masson. Pendant la première moitié du siècle, le commerce marseillais semble se maintenir au Levant, où les Capitulations ont été renouvelées en 1604 (et le seront encore en 1673), et plus difficilement en Barbarie, où le Bastion de France, concession marseillaise, est détruit en 1604 ; en 1628, le marchand Samson Napollon parvient à le rétablir à son profit. Les liens avec l’Espagne et l’Italie restent nombreux. Mais les Marseillais doivent compter avec les guerres qui multiplient les corsaires ennemis, la recrudescence de la course barbaresque, et surtout la présence de plus en plus forte en Méditerranée orientale des Anglais et des Hollandais, qui cependant viennent échanger à Marseille quelques produits du Nord ou de l’Atlantique contre ceux du Levant ou les alcools et les huiles de Provence. En revanche, ils semblent achever de s’affranchir de la tutelle italienne sur les produits du Levant. La savonnerie connaît globalement un essor pendant tout le siècle, grâce à des mesures protectionnistes qui handicapent les importations étrangères du produit fini, alors que l’essentiel de ses matières premières – l’huile d’olive et les soudes – vient de l’étranger, grâce surtout au règlement de 1688 qui codifie la fabrication de produits de qualité, vite réputés (G. Buti, dans Daumalin, Girard, Raveux, 2003).

14Les années 1645-1650 connaissent une crise due aux troubles intérieurs et à la guerre contre l’Espagne – encore que celle-ci, en empêchant l’approvisionnement en savon ibérique, avantage momentanément les savonneries marseillaises. Les échanges avec le Levant semblent presque interrompus, ce qui va encourager la production locale d’indiennes. Le marasme se prolonge jusqu’aux effets des efforts de Colbert pour développer l’économie française. Afin d’encourager les opérations de transit des marchandises, l’édit de mars 1669 accorde à la ville et son terroir un statut de port franc pour les produits levantins : les barrières douanières sont reportées aux limites du territoire communal (Dunkerque et Bayonne connaissaient un système semblable). Quelques semaines après, les négociants de la place obtiennent l’établissement d’un droit de 20 % sur la valeur des marchandises provenant du Levant qui entreraient par d’autres ports ou sur bâtiments étrangers. Par cette dernière décision, qui en fait atténue les effets de la franchise en introduisant une dose de protectionnisme, les Marseillais achèvent de disposer d’un quasi-monopole dans le royaume sur les produits levantins venus « à droiture » sur navires français. Les mesures imposant aux navires venant de Méditerranée orientale un contrôle sanitaire fondé sur la quarantaine avantagent aussi Marseille, qui achève de se doter en 1668 d’un vaste lazaret, les « grandes infirmeries ». Une ordonnance royale de 1709 interdira, pour tout navire français, d’autre quarantaine que celle de Marseille. Les conséquences de l’ensemble de ces mesures furent nettes, et le commerce français avec le Levant s’est désormais confondu avec celui de Marseille. Contrairement au cas de Livourne, port franc au trafic dépendant des flottes marchandes étrangères, Marseille connaît un développement de sa flotte de commerce stimulé par ces mesures et les perspectives commerciales de la fin du siècle. G. Buti a montré cette croissance sensible de la flotte marseillaise entre l’Inventaire général diligenté par Colbert (1664, aux effectifs sans doute sous-estimés, il est vrai) et le Rolle général des bastimens demandé par Seignelay (1686), passant d’une portée globale de près 3 600 tonneaux à plus de 17 700. La papeterie se développe, comme la chapellerie ou la fabrication de cartes à jouer, diffusant le « tarot de Marseille ».

15Le développement de Marseille profite à son arrière-pays qui lui fournit pour ses échanges avec le Levant des huiles, des peaux et surtout des produits textiles fabriqués l’hiver à domicile – en particulier diverses variétés de draps tissées dans la vallée du Verdon. Néanmoins, Marseille envoie aussi vers le Levant les produits du Languedoc voisin, cependant que son industrie drapière décline. Colbert a défini en 1669 des statuts de fabrication garantissant leur qualité qui feront des draps « londrins premiers et seconds », aux couleurs vives et résistantes, de Clermont-de-Lodève et Carcassonne, un « produit-phare » sur les marchés levantins jusqu’au dernier tiers du xviiie siècle. Entre 1757 et 1776, Marseille expédiera au Levant 90 % de la production de draps du Languedoc (Carrière et Morineau, Revue d’histoire économique et sociale, 1968-2).

16Une novation textile d’avenir est la fabrication d’indiennes, cotonnades imprimées « à la façon [de celles] du Levant et de Perse », en particulier les chafarcanis, toiles garancées avec motifs floraux en négatif ou positif. Elle est précoce : « Marseille est actuellement considérée comme le plus ancien centre d’indiennage européen, avec environ trente ans d’avance sur Londres et Amsterdam » (O. Raveux, Rives, 2008 : 29). L’initiative vient dès 1648 des cartiers marseillais, spécialistes de l’impression et de la mise en couleur sur carton, mais qui ne maîtrisent pas cependant tous les secrets des indienneurs orientaux. La franchise du port permet l’entrée de tous les produits orientaux nécessaires à cette fabrication et l’emploi de l’indigo, colorant bleu d’origine américaine prohibé dans le restant du royaume pour ne pas concurrencer la culture du pastel. Dans les trois dernières décennies du siècle, des Arméniens, souvent Choffelins (venus de la Nouvelle-Djoulfa, faubourg d’Ispahan, en Perse) tentent à nouveau de s’établir à Marseille – une première installation, au temps de Richelieu, de ces marchands de soieries avait été découragée par le conseil de ville, inquiet de la concurrence faite aux négociants locaux. Acteurs majeurs du commerce des indiennes, ils forment une colonie d’appui pour des artisans ottomans, eux aussi arméniens, qui transfèrent les savoir-faire de l’indiennage levantin. Le garançage à l’alun est maîtrisé et les toiles piquées (boutis) de Marseille deviennent article d’exportation. Mais après la mort de Colbert en 1683, l’hostilité des fabricants de soie et de laine locaux face à une telle concurrence reprend : elle conduit en octobre 1686 à l’interdiction de la fabrication ou de l’importation des indiennes en France, mesure étendue en février 1689 à Marseille, pourtant port franc. L’indiennage marseillais est en partie transféré dans les États pontificaux ainsi que dans le grand-duché de Toscane. En fait, à partir de 1703, Marseille deviendra grâce à la franchise du port la seule ville à pouvoir importer ou fabriquer des toiles imprimées, réservées à sa consommation et à l’exportation, jusqu’en 1759 (Fukasawa, 1987).

17En 1624, Richelieu transfère à Toulon la plupart des galères au détriment de Marseille. L’artisanat marseillais continue cependant de produire une partie de leurs fournitures. Elles y resteront jusqu’en 1665. Toulon se spécialisera dès lors dans les vaisseaux de guerre et son port conservera aussi une activité de commerce.

18Marseille redevient en 1665 le principal port d’attache du corps des Galères de France. La royauté y fait construire entre 1673 et 1690 un immense arsenal qui sera visité par le marquis de Seignelay, fils de Colbert, en 1679. Galériens, équipages, personnel d’encadrement et personnel technique constituent une importante demande solvable de nourriture, de vêtements, de fournitures diverses, et même de locations immobilières pour les officiers. L’agrandissement de la ville, décidé par Louis XIV en 1666, est en partie destiné à les loger. Les galériens constituent aussi, lorsqu’ils ne rament pas, une main d’œuvre que les artisans marseillais peuvent mettre à leur service à des prix de location imbattables, bien que certains dénoncent là une concurrence déloyale. Certes, la galère a été rendue obsolète dans la seconde moitié du xviie siècle par le progrès des vaisseaux de haut bord et de l’artillerie de marine, mais le corps des Galères de France est cependant maintenu jusqu’en 1748 pour raison de prestige et parce que la galère est devenue un châtiment de droit pénal (Zysberg, 1987).

Un premier xviie siècle agité

19Les deux premiers tiers du xviie siècle sont marqués par les luttes des factions urbaines autour des hôtels de ville et par des « émotions populaires » localisées, qui culminent ici comme ailleurs entre 1630 et 1660, lorsque Louis XIII puis le jeune Louis XIV et leurs « premiers ministres » montrent ostensiblement leur volonté d’imposer l’absolutisme au royaume, en particulier à travers l’exigence d’une fiscalité directe annuelle en augmentation très rapide, qui leur est indispensable pour assumer notamment le coût, devenu vite considérable, de l’entrée de la France en 1636 dans la guerre de Trente Ans (1618-1648). Ce qui implique à la fois l’entretien d’une armée permanente de mercenaires et la mise en défense des frontières du royaume par des enceintes et citadelles bastionnées, susceptibles de résister aux progrès de l’artillerie (Pillorget, 1975).

L’affaire des « cascaveous »

20En 1630, Richelieu s’efforce de profiter du choc provoqué l’année précédente par la peste (le parlement s’était réfugié à Salon) pour imposer en Provence, par un édit, le système des « élus », officiers du roi qui répartissaient et percevaient l’impôt dans les provinces où les États n’existaient pas ou n’étaient plus réunis par le roi. L’émotion fut vive, d’autant que les années précédentes les États avaient repoussé des demandes d’augmentation de l’impôt et que le bruit courait que l’on allait supprimer la vénalité des offices (ces charges de fonction publique pouvaient, depuis un peu plus d’une génération, être transmises héréditairement ou vendues en échange d’un impôt, « la paulette »). Le parlement refusa d’enregistrer l’édit et formula des remontrances. Le président au parlement, Laurent de Coriolis, suscita dans Aix, au cri de « Fuoro esleus », l’émeute des cascaveous (les sonneurs de grelots, en signe de ralliement), qui resta isolée. Le carrosse et les bagages de l’intendant Dreux d’Aubray, arrivé à Aix pour faire appliquer l’édit, furent incendiés et lui-même se serait enfui de son logement par les toits. Le château de La Barben, propriété de Gaspard de Forbin, premier consul d’Aix, qui condamnait la révolte contre l’édit, fut pillé et incendié – à noter que la communauté d’Aix fut condamnée à indemniser son propriétaire (Mestre, 1976). Richelieu exila le parlement à Brignoles et envoya une armée commandée par le prince Henri de Condé qui réunit les États à Tarascon et négocia avec eux le retrait de l’édit contre un don extraordinaire d’un million et demi de livres à verser en quatre ans. Richelieu préféra amnistier les rebelles, sauf Coriolis, mort incarcéré dans la tour de Bouc. Le duc Charles de Guise, gouverneur de Provence, n’a guère joué de rôle : en conflit avec Richelieu, qui exigeait qu’il renonce en sa faveur à son titre d’amiral des mers du Levant, il a fui en Italie en août 1631. Richelieu avait tenté d’imposer également le régime de l’élection au Languedoc ; le gouverneur Henry de Montmorency appuya la protestation, il fut battu au combat de Castelnaudary et exécuté, mais Richelieu dut également renoncer à imposer des élus à la province voisine.

La guerre : prise et reprise de Lérins (1635-1637)

21La guerre de Trente Ans se déroule elle-même pour l’essentiel loin de la Provence. Celle-ci est cependant directement concernée au cours de la terrible année 1635, celle de la bataille de Corbie, par la prise par les Espagnols des îles de Lérins (13-14 septembre 1635). Les Espagnols occupent Saint-Honorat, renforcent ses défenses, transformant ses chapelles en bastions. Le maréchal de Vitry, éphémère gouverneur de Provence, lève des milices dans les vigueries de Provence orientale, parvient à empêcher qu’une tête de pont espagnole soit établie sur le continent. Louis XIII et Richelieu envoient en Méditerranée des vaisseaux de la flotte du Ponant (l’Atlantique) pour appuyer les galères françaises ; les îles sont reprises par le prince d’Harcourt en mars 1637. La victoire est célébrée par un Te Deum à Notre-Dame de Paris ; elle démontre « l’efficacité d’un outil naval dont la France vient de se doter sous l’impulsion du cardinal de Richelieu » (J.-M. Le Gall, dans Labrousse, 2005) et la dévastation des édifices religieux sert à alimenter la propagande anti-espagnole.

Les États remplacés par l’Assemblée générale des communautés

22Les États avaient à nouveau, au cours des années 1631-1632, manifesté leur opposition à la montée très rapide du montant total du don gratuit demandé par le roi. Les États étaient, on le sait, constitués par des membres du haut clergé, par les nobles possédant des fiefs et, pour le tiers état, par des représentants des vingt-deux vigueries et des principales villes du comté. Les représentants de ces dernières pouvaient former à eux seuls l’Assemblée générale des communautés (voir chap. 2). Richelieu la réunit les années suivantes pour assurer la rentrée du don gratuit consenti en 1632. Puis, en 1636, il lui fit voter une contribution extraordinaire aux dépenses générales de l’état, et non pour celles qui étaient faites en Provence.

23Après une nouvelle réunion des États en 1639 pour une session qui fut particulièrement agitée et récalcitrante, l’administration royale décida de ne plus convoquer désormais que l’Assemblée générale des communautés, jugée plus docile, ce qu’elle fit dès l’année suivante. Le cas provençal est dès lors sans équivalent en France, puisque de 1640 à 1787, pendant plus d’un siècle et demi, le compromis conjoncturel improvisé par Richelieu va se perpétuer : les États existent en théorie mais le roi ne convoque plus qu’une partie de la représentation du « Pays » (comté), soit celle qui correspond au tiers état et forme l’Assemblée générale des communautés, pour lui faire voter et répartir le don gratuit – de façon explicite à partir de 1660 seulement – et les autres impôts.

Le parlement et la « guerre du semestre »

24En 1641, un édit avait créé au parlement de Provence une chambre des requêtes qui dépossédait les autres chambres de la cour et les sénéchaussées des causes les plus importantes et les plus fructueuses pour les magistrats qui en percevaient les épices (taxe payée par les plaideurs pour chaque pièce de procédure). De plus, la multiplication des offices diminuait leur valeur vénale. Il avait suscité un fort mécontentement chez les parlementaires. Le nouveau gouverneur est Louis de Valois, comte d’Alais, fils d’un bâtard de Charles IX. Il fait enregistrer d’autorité l’édit et incarcérer seize parlementaires récalcitrants. Puis Mazarin tenta pendant la minorité de Louis XIV, en 1647, d’unifier les offices de cette chambre des requêtes avec ceux des autres chambres et d’augmenter le nombre des conseillers, au point que le parlement fut dédoublé, chaque partie de la cour siégeant alternativement par semestre.

25Philippe Gueydon, un officier de la sénéchaussée de Marseille qui avait acquis le premier un des offices du parlement semestre, est assassiné à Aix le 19 mars 1648. Mazarin fait prolonger le parlement semestre alors qu’il devait céder sa place à l’autre moitié de la cour, composée des « anciens officiers ». Mazarin ménage cependant ceux de ces derniers qui protestent, car la Fronde a commencé dans le royaume. Le 18 janvier 1649, un mince incident entre les gens du gouverneur et ceux d’un président du parlement provoque des barricades. L’émeute éclate le 20 janvier pendant la procession dédiée à saint Sébastien, protecteur de la ville contre la peste. Le piquet de la farine est saccagé (cette taxe était impopulaire) ainsi que des maisons de magistrats du « semestre ». Le comte d’Alais, bloqué dans le palais, promet l’abolition du parlement semestre et l’amnistie des assassins de Gueydon, ce que Mazarin confirmera car il ne tient guère à voir le parlement d’Aix se solidariser avec celui de Paris.

26Deux partis s’affrontent alors. D’une part les « sabreurs », adversaires de Mazarin, des nobles partisans des Princes et du comte d’Alais – qui avait été disgracié –, conduits par le président Henri de Forbin-Maynier d’Oppède et le conseiller Honoré de Saint-Marc. Ils tiennent en particulier Toulon, Tarascon, Sisteron. S’opposent à eux les « canivets » (porteurs de petits canifs servant à tailler les plumes d’oie), partisans de l’obéissance au roi et au parlement, tel qu’il est rétabli, et du retour rapide à la paix, réunis autour du président Charles de Grimaldi-Régusse, qui tiennent Aix à partir d’octobre 1651. Les troubles durent jusqu’à la désignation d’un nouveau gouverneur en mai 1652, Louis de Vendôme, duc de Mercœur, petit-fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées. Ce dernier reprend aux sabreurs les places qu’ils tenaient et sait rallier à lui le principal sabreur, Maynier d’Oppède, qui devient premier président du parlement et le représentant direct du roi jusqu’à sa mort en 1671 (Pillorget, 1975 ; Kettering, 1978).

La « rébellion de Marseille », 1659-1660

27Depuis l’assassinat de Cazaulx, Marseille était âprement divisée entre deux partis de grands notables – ceux des Vento-La Baume-Beausset et des Valbelle – appuyés sur leurs clientèles, qui se disputaient l’hôtel de ville et manifestaient leur indocilité aux officiers du roi (Pillorget, 1975). Antoine de Valbelle qui a été écarté en 1643 par le comte d’Alais au profit de Marc-Antoine de Vento, reprend en 1649 l’hôtel de ville les armes à la main à la faveur de la peste. Il a l’habileté de faire aussitôt allégeance au roi, empêchant la Fronde de gagner Marseille et les sabreurs d’y entrer. Il se concilie le négoce en instituant définitivement la chambre de commerce et en la rendant autonome du conseil de ville. Mais sa mort en 1655 ouvre une période de luttes confuses entre les deux partis. Après la Fronde, Mazarin et Louis XIV refusent de perpétuer à la tête d’une cité cette formule du grand notable local qui se porte garant auprès de la monarchie de la fidélité de sa ville à la condition que son parti et sa famille la contrôlent. Dans leur volonté d’appesantir le contrôle royal sur les villes du royaume, ils nomment par lettres patentes premier consul Lazare de Vento-La Baume. Pendant l’été 1658, les valbelliens suscitent une émeute pour s’emparer de l’hôtel de ville. Le gouverneur, le duc de Mercœur, fait entrer dans la ville ses troupes pour y rétablir l’ordre. Une telle violation des privilèges de Marseille provoque la construction de barricades ; Lazare de Vento-La Baume s’enfuit sous un déguisement, et un bureau permanent, composé de valbelliens, s’installe à l’hôtel de ville. Mercœur retire ses troupes, obtient de Louis XIV l’amnistie pour les insurgés, promet pour la fin de l’année des élections au conseil. Mais elle sont tenues le 28 octobre, à la date fixée par le règlement municipal, et Gaspard de Glandevès-Niozelles, chef du parti valbellien, et son parti sont alors élus. Le roi casse ces élections non autorisées. De nouvelles élections sont organisées en janvier 1659 et Niozelles est de nouveau vainqueur. Dans cette situation tendue, quelques incidents suffisent à l’entraîner dans l’engrenage d’une épreuve de force avec la royauté : il va jusqu’à déchirer publiquement un ordre du roi qui lui ordonnait de rendre compte au parlement de sa conduite.

28Louis XIV, après la conclusion du traité des Pyrénées, vient en personne pour un séjour de deux mois en Provence, qui sera le dernier effectué par un monarque régnant avant la Révolution. Il a des aspects de pèlerinage – en particulier à Saint-Maximin, dans la basilique royale des Angevins, où la translation de reliques de la Madeleine dans un nouveau reliquaire est l’occasion de manifester la légitimité de la souveraineté des Bourbons sur la Provence : les cachets apposés sur les reliques par Charles II d’Anjou sont remplacés par ceux de son lointain parent et successeur, auquel sont remises les clés du reliquaire. Louis XIV vient aussi infliger une punition spectaculaire à la « ville rebelle ». Mercœur occupe Marseille avec ses troupes, puis le roi y pénètre lui-même, comme dans une place conquise par une brèche ouverte dans les remparts, le 2 mars 1660. La ville se voit imposer un nouveau régime municipal qui la place sous le contrôle royal. Les consuls sont remplacés par des « échevins » – titre localement inusité et donc sans prestige –, pris dans le milieu des gens de négoce et marchands ou bourgeois (Crémieux, 1917 ; Pillorget, 1975). L’endettement de la ville sera ensuite prétexte, en 1717, à une réforme du règlement, qui établira une tutelle administrative encore plus stricte ; l’assesseur recevra même le titre jusqu’alors inconnu en Provence d’« orateur et conseil ». Le fort Saint-Jean et la citadelle Saint-Nicolas sont construits de part et autre de la passe dès la décennie 1660. Ils la protègent mais mettent aussi la ville « sous le canon du roi » et abritent une garnison. Marseille est la dernière grande ville française à être soumise par la royauté. La seule où la noblesse est évincée de la direction de la ville au profit de l’élite économique roturière – du moins jusqu’en 1766-1767 : un nouveau règlement municipal réintroduira alors la noblesse à l’hôtel de ville ; mais celle-ci restera largement issue du négoce (voir chap. 3).

Un appesantissement relatif de l’absolutisme

Gouverneur, lieutenant général, intendant : « le roi présent dans sa province »

29Depuis 1573, la Provence avait été sous l’autorité directe d’un gouverneur, grand représentant du roi, doté de vastes pouvoirs, sauf en matière de justice. Ces courtisans de grande noblesse d’épée n’avaient pas forcément les aptitudes requises pour des manœuvres politiques complexes, surtout en cas de crise – Alais en particulier avait été débordé par la tournure des événements. Certains avaient déjà été doublés ou remplacés lors d’absences par un lieutenant général. Le fait devient systématique lorsque Louis XIV fixe la cour à Versailles. Pendant le gouvernorat de Louis-Joseph de Vendôme, duc de Penthièvre (1669-1712), l’essentiel de ses pouvoirs est exercé par le lieutenant général, François d’Adhémar de Monteil, comte de Grignan (1632-1714), bien connu pour avoir été le gendre de Mme de Sévigné (Duchêne, 2008). On peut suivre par les lettres de la marquise son rôle lors de la longue et difficile session de l’Assemblée générale des communautés de 1671 – qui mit à profit la maladie et la mort d’Henri de Forbin-Maynier d’Oppède, le commissaire du roi, pour tenter de s’opposer aux exigences fiscales du roi et dont les membres furent menacés de lettres de cachet. L’assemblée céda et renonça dès lors à jouer un rôle politique pendant le règne de Louis XIV. Au cours de la longue charge de Grignan (1669-1714), ses fonctions deviennent de plus en plus strictement militaires, à cause de l’installation à demeure d’un intendant.

30Les rois avaient déjà envoyé en Provence au cours des xvie et xviie siècles des « commissaires départis », parfois nommés « intendants », dotés de larges pouvoirs – on a vu plus haut l’accueil fait à Dreux d’Aubray. Au sortir de la Fronde, Mazarin installe de tels représentants du roi dans chaque province. De 1657 à sa mort en 1671, Henri de Forbin-Maynier d’Oppède avait cumulé cette commission avec la charge de premier président du parlement. À partir de 1673, un intendant de justice, police et finances achève d’être établi à demeure en Provence – comme dans les autres régions du royaume – en la personne de Jean-Baptiste Rouillé de Meslay (1673-1680) auquel succédera Alexandre Morant (1680-1687). Cardin Lebret (1687-1704) commence ensuite la première de ces longues intendances s’achevant à la mort de leur titulaire, qui vont caractériser la Provence.

Les temps difficiles de l’Assemblée des communautés

31Louis XIV ne donne pas suite à la demande de rétablissement des États que lui présentent en 1652 et 1656 les représentants des trois ordres, et en 1661 les deux seuls ordres privilégiés. Il a fixé en 1664 le lieu de réunion de l’Assemblée générale des communautés à Lambesc, afin d’écourter au maximum ses sessions, les députés étant mal logés dans ce gros bourg qui était également lieu d’étape pour l’armée royale, laquelle y séjournait donc sans difficulté lors de la tenue des sessions. L’opposition aux exigences croissantes du roi fut d’abord vive jusqu’en 1672, voire 1682. Mais F.-X. Emmanuelli a fait observer que Versailles avait des moyens de pression, tels la menace d’une augmentation du prix du sel, ou l’arrestation en 1684 du second consul d’Aix, l’exclusion ou l’exil de l’assesseur d’Aix en 1693, 1695, 1703. À partir de 1691, on cesse de discuter le montant du don gratuit : son vote sans débat préalable se fait au début de chaque session. D’ailleurs, la durée de ces dernières diminue, au point de se réduire à neuf jours en 1701-1703, et même cinq après 1733. À partir de 1687 aucune séance ni réunion des membres de l’assemblée ne pourra avoir lieu sans la présence de l’intendant, porteur des ordres de la cour, qui y jouera un rôle essentiel (Pillorget, Marseille, 1975 : 101 ; Emmanuelli, Prov. hist., 2010 : 239).

Un contrôle royal accru sur l’élite : les vérifications de noblesse

32Par des vérifications généalogiques, les « réformations de noblesse », Louis XIV marque sa volonté d’affirmer son droit régalien d’anoblir ou de vérifier, et si nécessaire, de décrier la noblesse (de refuser de l’admettre si elle n’est pas prouvée). Les historiens ont jugé qu’elles ont surtout, dans les provinces où elles ont lieu, un but fiscal, le noble bénéficiant d’un système fiscal favorable – assez réduit dans ce cas en Provence car la taille y était « réelle », assise sur les biens et non sur le statut des personnes. Elles sont annoncées pour la Provence par la déclaration royale du 25 février 1665 ; elles eurent lieu jusqu’en 1669, selon F.-P. Blanc, et 1674 d’après M. Cubells. Après interruption, elles furent reprises en 1696 et menées jusqu’en 1718. Leur but était de détecter les usurpations de noblesse. Les familles qui se disaient nobles devaient apporter les preuves de leurs prétentions. Celles qui ne pouvaient (ou ne voulaient pas) faire état de lettres d’anoblissement produisaient des actes royaux, notariaux, paroissiaux, des sentences de justice, qui semblent avoir été inégalement authentiques, où eux-mêmes et leurs « prédécesseurs » sont affirmés être nobles et réputés ne pas exercer des activités jugées alors dérogeantes (incompatibles avec la noblesse, F.-P. Blanc, Prov. hist, 2007 : 230). Ce dossier était ensuite examiné par une commission formée de membres de la cour des comptes. Les poursuites étaient confiées au commissaire chargé par le roi de la réformation en Provence, Alexandre Belleguise, puis après 1696 à l’intendant. La commission décidait de les recevoir et prononçait donc la maintenue de noblesse ou au contraire les jugeait irrecevables après examen et prononçait l’usurpation de noblesse (Blanc, 1971 ; Cubells, 2002).

33Les retenues de noblesse conclurent à un certain nombre de condamnations pour usurpation, mais nous ne pouvons les chiffrer, la liste des condamnés n’ayant été que partiellement conservée ; elle semble avoir surtout frappé les familles dont le poids social était insuffisant et la richesse trop mince pour accréditer leurs prétentions nobiliaires, même si ces dernières peuvent paraître dignes de considération à l’historien (exemples dans Servel, 2009). Car la commission entérina des prétentions mal fondées et même des preuves très douteuses. M. Cubells a montré qu’il y eut confection de faux par certains notaires, experts dans le déchiffrement et donc l’imitation des écritures anciennes. Certains furent détectés sans entraîner la condamnation de ceux qui les présentaient et qui obtinrent néanmoins leur maintenue dans le second ordre. Selon M. Cubells, tous les commissaires étaient provençaux et l’intendant Lebret était particulièrement au courant de la situation régionale. Tous mesuraient combien « débouter des personnages sans titre primordial à produire, mais solidement établis dans l’opinion de leurs compatriotes, eût été opérer un véritable bouleversement social » et en particulier ravaler dans la roture certains détenteurs de fiefs de dignité considérés comme nobles titrés. De plus, dénoncer l’usurpation de notables ayant contracté des alliances avec des familles reconnues authentiquement nobles était porter atteinte à l’arbre généalogique de ces dernières et même remettre en question des « preuves de Malte » qui exigeaient la noblesse à quatre quartiers (quatre générations nobles paternelles et maternelles).

34En fait, la reprise des vérifications à la fin du xviie siècle manifesta une vigilance beaucoup plus grande à l’égard des preuves et rendit les usurpations difficiles. Elles paraissent peu nombreuses au xviiie et celles que M. Cubells a détectées sont l’aboutissement lent d’une évolution qui a pu demander six générations ou même plus. La solution est désormais la régularisation d’un état social par obtention d’une lettre de noblesse, qui peut alors être présentée comme une confirmation de noblesse, ou bien l’acquisition d’une charge anoblissante à terme telle qu’un office flatteur, mais sans fonctions, de « secrétaire du roi » (chap. 12).

35À partir du début du xviie siècle, sinon auparavant, aucun noble n’a les moyens de construire une forteresse « à l’épreuve » des boulets de l’armée ennemie ou de l’artillerie royale, s’il tentait de se révolter. Au reste, Richelieu y a mis bon ordre : il a fait « mettre le pétard » à la forteresse médiévale des Baux, réputée imprenable, qui devient dès lors la ruine que l’on peut voir. Le château cesse d’être un éventuel refuge pour les populations et le seigneur abandonne ses fonctions de protection de cette dernière à l’armée royale, même si les redevances seigneuriales qu’il percevait en échange subsistent. La royauté a su mettre à son service une noblesse qu’elle contrôle davantage et qui dépend de plus en plus d’elle. Une partie des nobles ont accepté de se professionnaliser en servant le roi dans l’armée, comme gouverneurs de citadelles, officiers de troupes en garnison dans les forts des villes et de la frontière, ou bien dans la Marine, dans les deux corps des officiers des galères et des vaisseaux. Frédéric d’Agay a montré combien ces dernières charges redorèrent en particulier le blason de la noblesse – souvent ancienne mais aux ressources terriennes limitées – du bassin du Verdon, qui plaçait depuis longtemps déjà des cadets dans l’ordre de Malte. Les Glandevès fourniront à eux seuls 42 officiers de Marine au xviiie siècle (Agay, 2011). Une autre noblesse instruite est au service du roi, celle de la robe, qui occupe les grands offices civils, désormais héréditaires et vénaux. De plus en plus, l’aîné hérite du fief titré et de l’office (si sa branche en a un) et le cadet entre dans les armes ou l’Église, et ce aussi bien dans de vieilles familles chevaleresques (Sabran, Castellane, Sade) que dans des familles plus récentes. Comme l’a observé Donna J. Bohanan dans le cas d’Aix, « la seule différence réelle entre vieilles familles et anoblies était l’ancienneté des familles. Les deux groupes possédaient des fiefs et les deux groupes possédaient des offices » (Bohanan, 1992). Les membres de la grande noblesse provençale tendent à être à la cour à partir de Louis XIV. Mais il s’agit d’un petit nombre de familles, qui peuvent en général « tenir leur rang » grâce à des mariages avec des nobles possessionnés dans des régions plus riches que la Provence. Une moyenne et petite noblesse vivant de ses rentes habite dans les villes et les bourgs ou, pour la plus fragile d’entre elle, s’efforce de subsister dans ses manoirs ruraux.

Le grand apurement des dettes des communautés

36Les communautés provençales étaient sorties très endettées des guerres de Religion. Un essai de reconstitution de l’endettement urbain à l’avènement d’Henri IV place en tête Paris (4 millions de livres tournois d’obligations ?), puis Marseille (1,5 million lt ?), Lyon, Arles (700000 lt ?), Tours et Aix (360000 lt ?). Mais les petites villes et les bourgs situés sur les grands axes ont subi les passages des troupes et pis encore, le logement et la nourriture des gens de guerre. Une première vague de vérifications des dettes des communautés par une commission formée de membres du parlement et de la cour des comptes avait eu lieu au sortir des guerres de Religion, entre 1602 et 1612, sous la direction de G. du Vair. Une seconde plus importante, entre 1636 et 1642, à l’égard de 80 communautés, se solde déjà par des ventes de biens communaux, et parfois même de particuliers. Les grandes vérifications décidées à l’arrivée de Colbert aux affaires en 1665 ne commencent réellement que dans la décennie 1680, lorsque l’intendance est en place. Arrêtées dès 1690, les opérations reprendront avec Lebret fils entre 1714 et 1717, lorsque devant l’accroissement de la ponction fiscale de la royauté et ses expédients financiers, la situation de nombre de communautés devient critique. Outre le passif hérité des guerres de Religion, l’endettement vient parfois des procès de certaines communautés avec leur seigneur, mais plus souvent d’événements inattendus auxquels la communauté a fait face par l’emprunt : catastrophes naturelles, épidémies, et encore le coût du passage et du séjour des troupes ; va s’ajouter le rachat des offices créés pendant les dernières guerres du règne de Louis XIV (chap. 11). L’emprunt est l’expédient préféré de ces notables qui siègent au conseil, qui ont des liquidités à placer et qui répugnent à la solution impopulaire du « capage » (impôt exceptionnel frappant à égalité tous les chefs de maison, les caps d’oustau). Sur 601 localités vérifiées, seuls 12 villages de Haute-Provence et 15 du pays d’Aix dont les possédants-biens sont en bonne partie des forains (propriétaires n’habitant pas le lieu) ne s’étaient pas engagés dans une politique de dettes durables. Sur le critère d’un amortissement de la dette correspondant à dix ans ou plus du total de leurs impositions annuelles, M. Derlange a calculé que 42 à 43 % des communautés sont surendettées ; avant tout des villes et des bourgs. Les arrêts d’imposition préconisent des solutions pour chaque cas. En général une imposition supplémentaire étalée dans le temps et la vente de biens communaux : sinon est appliquée la procédure délicate de la collocation des « héritages », soit l’hypothèque sur les biens particuliers des habitants et des forains. Les opérations de désendettement dureront jusqu’en 1734.

37Il est net qu’à travers cet apurement des dettes, l’intendant, la cour des comptes et le parlement ont appesanti leur tutelle sur les communautés d’habitants et favorisé sur elles un certain contrôle de la Procure du Pays, dans son rôle de conseil des communautés et d’intermédiaire entre elles et l’intendant. Non seulement les arrêts organisent la liquidation des dettes d’une communauté, mais ils posent le principe de l’encadrement des trésoreries communales par l’intendance, en fixant des budgets aux communautés. Toute dépense extraordinaire devra être autorisée et le contrôle de la cour des comptes sera tatillon.

38Les impositions supplémentaires ainsi que les nouveaux impôts créés par Louis XIV, et même la vente par le roi, entre 1690 et 1709, d’offices de maires et d’offices municipaux divers que les communautés s’efforcent de racheter (chap. 11) vont interdire pendant au moins une décennie toute dépense d’investissement public et peut-être raréfier les liquidités disponibles pour l’investissement privé. Le plus grave est, en nombre de communautés, la vente des équipements collectifs (fours, moulins communaux) – parfois rachetés ensuite, il est vrai – et surtout des biens communaux, à la fois à cause de la perte par les habitants des droits d’usage et parce que ces terres ont souvent été aliénées avec franchise de taille par autorisation royale pour en augmenter la valeur vénale. On sait qu’elles vont souvent être défrichées de façon imprudente, avec des conséquences écologiques désastreuses (voir chap. 11), sans que leurs propriétaires contribuent au quota fiscal dû par la communauté (Blaufarb, 2010) – dès 1668 un arrêt tenta d’y remédier en autorisant les communautés à racheter ces terres en remboursant à leurs acquéreurs le prix originel.

39Cette « offensive des pouvoirs centraux », cette « main mise » de la monarchie sur la Provence a été dénoncée par une tradition historiographique. Le roi devait-il abandonner à la banqueroute les communautés provençales, laisser les notables enrichis continuer à usurper la noblesse ? Était-il concevable de laisser Marseille livrée à l’anarchie clientéliste des factions, le roi se bornant à favoriser au maximum son commerce sans contreparties ? Il convient en fait de resituer l’ensemble de cette évolution dans le contexte des oppositions que suscite la montée de l’absolutisme en Europe. Replacer les phénomènes provençaux dans le cadre du royaume est éclairant : la plupart des histoires de France évoquent longuement les « mouvements populaires » qu’ont provoqué sous Louis XIII « l’ampleur extraordinaire de la pression fiscale, le caractère provocateur et terroriste des procédés de recouvrement » (Y.-M. Bercé). Les révoltes qui se produisirent en Guyenne, Normandie, Bretagne et bien d’autres régions entre les années 1630 et 1660 relativisent beaucoup le cas provençal, d’ailleurs en général peu cité dans les synthèses de cette période, la réduction de Marseille exceptée.

40Ajoutons que la Provence, aux effectifs protestants faibles et en partie ruraux, a été soustraite aux guerres de Rohan, cette ultime flambée de guerres de Religion qui ravagea La Rochelle, Privas et des parties de la Guyenne et du Languedoc entre 1621 et 1629. Le seul écho en fut l’accueil triomphal fait à Louis XIII lorsqu’après avoir conclu la paix de Montpellier, qui achevait la première guerre, il fit un détour par Marseille et Aix en 1622.

Table des illustrations

Titre Graphique 2 : Moyennes des productions à Carpentras d’après les dîmes Ces belles séries de dîmes du Comtat sont représentatives des plaines rhodano-duranciennes avec cependant des nuances. Le graphique résume les évolutions à moyen et long terme, par demi-siècle (sauf les dernières décennies du xviiie siècle). La place modeste des céréales contraste avec le territoire arlésien où elles dominent presque sans partage. Le progrès du seigle doit être lié au défrichement des terres pauvres à partir du xviie siècle. Le safran, une spécialité comtadine, était anciennement cultivé, mais son intégration à la dîme fit l’objet de procès. Le mûrier y prend son essor entre deuxième moitié du xviie et première moitié du xviiie. Les cultures dominantes sont la vigne et l’olivier – ce dernier victime des hivers de la fin du xviie et du début xviiie, et de la fin 1788. Comme en Camargue, le xviie siècle paraît plus favorable que le suivant, aux rendements céréaliers décroissants sur les sols érodés. L’huile paraît résister, peut-être en raison d’une demande urbaine accrue (d’après G. Pichard).
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Titre Graphique 3 : Récolte de deux mas arlésiens, Peint (1607-1850) et Eymini (1607-1886) Deux mas arlésiens très représentatifs, bénéficiant d’une documentation exceptionnelle. Eyminy, au nord du delta, en Corrège, près du Petit Rhône ; Peint, au quartier des Islons de Camargue, près du Grand Rhône. Les courbes sont des moyennes mobiles ou « glissantes » afin d’éliminer des variations interannuelles parfois heurtées, comme les mauvaises années 1669-1670, ou celle désastreuse de 1709. L’évolution à très long terme des récoltes céréalières est comparable. Le milieu du xviie siècle paraît une sorte d’âge d’or des grands domaines arlésiens, bien avant que machinisme et engrais fassent repartir les courbes (d’après G. Pichard).
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