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Eaux et conflits

 | 
Patrick Fournier
, 
Sandrine Lavaud

Gestion et usages au cœur des conflits

Gestion et conflits de l’eau dans les marais de la façade atlantique du royaume de France au Moyen Âge

Jean-Luc Sarrazin

Texte intégral

  • 1 S. Ciriacono, « Drainage et contrôle des eaux dans l’Europe du XVIe siècle », Water Control in Wes (...)

1Quelle que soit la période, les marais aménagés d’Europe apparaissent comme des campagnes où s’exercent, à propos de l’eau, des tensions récurrentes, où surgissent des contentieux toujours recommencés, où perdurent des oppositions latentes, notamment entre l’amont et l’aval. Ce sont, par excellence, des zones sensibles tant par les enjeux de pouvoir sur la régulation hydraulique que par les concurrences de mise en valeur ou par les risques environnementaux1. Occupant de larges secteurs des terres basses le long du littoral et des estuaires, ceux qui parsèment la façade atlantique du royaume de France au Moyen Âge, entre Loire et Gironde, offrent, en l’espèce, un champ privilégié d’observation.

  • 2 Présentation géographique par F. Verger, Marais et estuaires du littoral français, Paris, 2005, p. (...)
  • 3 J.-L. Sarrazin, « Le littoral poitevin (XIe-XIIIe siècles) : conquête et aménagement (1re partie)  (...)
  • 4 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus de Bordeaux au Moyen Âge », Revue archéologique d (...)
  • 5 F. Boutoulle, Le duc et la société. Pouvoirs et groupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au XII(...)
  • 6 Bibliographie dans J.-L. Sarrazin, « Les marais salants de la côte atlantique au Moyen Âge : appor (...)

2Marais de l’estuaire de la Loire, des rives de la Baie, des bassins de la Sèvre et du Lay, de la Charente, de la Seudre, de l’estuaire de la Gironde, des basses vallées de la Garonne et de la Dordogne, tous sont issus du colmatage flandrien2. Ils forment des réceptacles de l’eau écoulée d’amont, tandis que certains sont exposés aux submersions marines ou fluvio-marines. Les estuaires et les petits cours d’eau soumis au mouvement de la marée, étiers de Bretagne méridionale, de Poitou3 et de Saintonge, esteys du Bordelais, contribuent lors du flux à y élever le niveau de l’eau4. L’expression « flot de la mer », utilisée dans une donation de terres aux chanoines de Saint-Seurin en la Palu-de-Bordeaux datée des années 1010-10205, pourrait être appliquée à de nombreux secteurs. Dans ce vaste ensemble, les marais salants, dont l’emprise n’a cessé de croître entre l’Antiquité et le XVIe siècle, forment une catégorie à part. Spécifiques, ressortissant à d’autres problématiques, ils sont laissés hors de cette étude6.

3Majoritairement induits par le mode de gestion hydraulique, les conflits qui jalonnent l’histoire de toutes ces zones humides revêtent diverses formes, de la simple querelle à la voie de fait, autrement dit à la rupture volontaire de telle ou telle levée, voire à l’expédition nocturne « en abillemens de guerre » qui détruit des infrastructures stratégiques et provoque l’ennoyage durable des terres. Pour différents qu’ils soient, ils procèdent toujours étroitement des rapports des sociétés à leur environnement. Abondante, parfois animée du mouvement de la marée, l’eau des marais offre, en effet, de remarquables potentialités d’utilisation, pour faire circuler des barques, établir des moulins éventuellement marémoteurs, fixer des pêcheries ou abreuver des prairies. Elle suscite ainsi des rivalités à l’origine de différends. Cependant, aux yeux des populations, elle représente surtout une menace, un obstacle à la mise en valeur des terres. Principal ferment des tensions les plus graves, la hantise des détenteurs du sol, seigneurs et paysans confondus, est de voir leurs champs ou leurs prés recouverts à longueur d’année et restés improductifs.

  • 7 S. Lavaud, Saint-Seurin, une grande seigneurie du Bordelais (XIVe-XVe siècle), thèse, Bordeaux III (...)

4D’un marais à l’autre, la diversité des situations tient aussi bien à l’échelle spatiale qu’au contexte socio-économique. Réalisée par un seul entrepreneur, la bonification d’un secteur humide de faible étendue le long de la Garonne ou de la Charente s’inscrit dans une gestion locale de finage. Elle ne modifie guère le régime hydraulique général. Ce faisant, elle ne recèle pas les germes d’importants contentieux. En revanche, le drainage d’un vaste bassin fait appel à un savoir-faire plus élaboré ; il nécessite de mettre sur pied des ententes, il aggrave les risques d’inondation pour les terres sises en amont et suscite des réactions en chaîne. À lui seul, l’immense Marais poitevin, d’une superficie avoisinant les 75 000 hectares vers 1500, concentre la majorité des litiges connus. La dynamique sociale de conquête joue également un rôle important. Dans l’ensemble des marais envisagés, il convient de mettre à part le Bordelais où la colonisation des palus relève clairement d’initiatives urbaines venant soit des seigneurs ecclésiastiques soit des bourgeois7.

  • 8 D. Coquillas, Les rivages de l’estuaire de la Gironde du Néolithique au Moyen Âge…, p. 268-283 ; J (...)
  • 9 L’importance de ce tournant est soulignée par la plupart des études consacrées aux marais français (...)

5Le cadre chronologique retenu pour cette communication est celui d’un grand cycle de l’histoire des marais, entre les premières grandes opérations de drainage au second XIIe siècle et les réhabilitations intermittentes des XVe et XVIe siècles. Néanmoins, bien avant les années 1150, les mentions de vieilles levées, d’écluses, de petits clos asséchés attestent une première maîtrise de l’eau8. Quant au terme véritable du cycle, il se situe plutôt en 1599, avec l’édit délivré par Henri IV à Humphrey Bradley, lequel consacre la primauté des sociétés de dessèchement sur les détenteurs du sol9.

6Au sein de cette longue phase, une périodisation générale se dégage, avec mille nuances suivant les cas. Les conflits qui surviennent à la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle s’inscrivent clairement dans une dynamique de croissance. Ils résultent, pour une large part, des bouleversements de l’équilibre hydraulique engendrés par les entreprises de drainage. Ceux qui se produisent à partir du XIVe siècle trouvent leur origine principale dans le délabrement des infrastructures consécutif à l’insécurité et à l’effondrement démographique qui affectent la région à la fin du Moyen Âge. Ils tiennent également à l’inadaptation du mode traditionnel de gestion hydraulique dans les phases de reconstruction. En outre, le contexte socio-politique n’est plus celui de la conquête. Les anciens promoteurs, notamment les abbayes, n’ont plus les moyens financiers d’investir dans les travaux d’entretien. En position de recours depuis les années 1270-1280, l’État intervient de manière de plus en plus systématique.

L’archive et la mémoire

7Une réflexion sur la mémoire, tant de la gestion hydraulique que des conflits et de leurs règlements, s’impose préalablement à toute analyse des faits. L’articulation entre la consultation périodique des actes, la tradition orale et l’élaboration des récits doit plus précisément retenir l’attention.

Un bagage documentaire inégal et réduit : les épaves d’une abondante production écrite

  • 10 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay du Xe à la fin du XVIe siècle, Paris-Niort, (...)
  • 11 Ibid., P.J. V.
  • 12 Ibid., P.J. XX (mention de ces procès-verbaux dans une note d’un officier seigneurial).

8Parce qu’il oblige à combiner les forces et qu’il met en jeu des questions de droits, de juridiction et de pouvoirs sur l’eau, l’aménagement hydraulique stimule le recours à l’écrit. Il impose une conservation rigoureuse des actes délivrés. Bref, il oblige à faire mémoire. Les dons d’eau, l’établissement de moulins, l’implantation d’écluses, l’ouverture de canaux lorsqu’elle donne lieu à un contrat d’association, engendrent une production massive de documents à la typologie complexe. Au tournant des années 1200, les contrats de dessèchement peuvent prendre la forme de chartes-parties, comme par exemple ceux que passent les cisterciens de Moreilles10 ou encore les accords conclus entre le seigneur de Chaillé et ses hommes11. Au XIIIe siècle, les actes relatifs aux marais suivent les évolutions diplomatiques bien connues. Observons simplement que la vulgarisation du droit romain que l’on y observe contribue au perfectionnement des instruments juridiques nécessaires à la clarification des pouvoirs sur l’eau. Signes tangibles de l’intervention de l’État, des procès-verbaux d’ouverture et de « visitation » des canaux apparaissent, à partir des années 1280 semble-t-il. Ces documents, conservés au « trésor des comptes à Paris », se multiplient lors des tentatives de reconstruction à la fin du Moyen Âge12. Dans le même temps, les nombreux procès relatifs à l’entretien des canaux sont consignés dans les registres d’assises seigneuriales ou dans ceux du Parlement de Paris.

  • 13 « Les pertes, les incendies, les destructions ont privé de la presque totalité de leurs archives a (...)
  • 14 Abbé L. Delhommeau, « Le sort des archives des diocèses de Luçon et de Maillezais pendant les guer (...)

9De cette abondante production, ne subsiste aujourd’hui qu’une documentation étriquée, variable suivant les régions. Un sort contraire n’a en effet cessé de peser sur la conservation des archives dans une vaste région autour de La Rochelle13. Pendant les guerres de Religion, d’une particulière virulence comme l’on sait dans cette province du Centre-Ouest, ont disparu les fonds de vieilles églises bénédictines comme Saint-Michel-en-l’Herm et Luçon, les chartriers et cartulaires de nombreuses maisons cisterciennes, Moreilles, Charron, La Grâce-Dieu, Saint-Léonard-des-Chaumes14, etc. Quant à l’incendie de la Chambre des Comptes à Paris en 1737, il nous prive non seulement des archives de La Rochelle mais aussi de documents du plus haut intérêt sur l’histoire tumultueuse des marais, notamment tous ces procès-verbaux d’ouverture ou de visite des canaux dont il vient d’être question. D’autres sinistres accidentels et criminels ont encore aggravé la pénurie documentaire : en 1772, celui de la maison du séminaire de La Rochelle où était entreposé le chartrier de Maillezais et en 1805 celui des Archives départementales des Deux-Sèvres. Dans ces conditions, les copies, effectuées entre le XVIe et le XVIIIe siècle sur des sources aujourd’hui disparues, prennent une valeur insigne de même que les notes dispersées d’officiers seigneuriaux et de notaires sur de vieux titres détruits par la suite.

La mémoire vivante des conflits et de leurs règlements

10Indispensable à la gestion des marais, une mémoire vivante des dessèchements et des conflits se déploie très tôt à partir de la tradition orale mais aussi de la consultation systématique des écrits conservés. Son approche est rendue difficile par l’intercalation de la mutation documentaire liée à la mise en place des sociétés de dessèchement au XVIIe siècle. Tout comme le paysage issu des drainages modernes dissimule à notre vue le paysage médiéval, de la même façon, les archives des sociétés de dessèchement occultent largement les traces d’une mémoire plus ancienne.

  • 15 H. Lancelot Voisin, sieur de La Popelinière, La vraye et entière Histoire des troubles et choses m (...)
  • 16 Ibid. : « Plusieurs anciennes personnes se disoient asseuréz de leurs vieux pères que, du temps de (...)
  • 17 A. Barbot, Histoire de La Rochelle, éd. Denys d’Aussy, Paris-Saintes, 1886, 1889, 1890, Archives h (...)
  • 18 Médiocre édition de cette chronique essentiellement consacrée aux guerres de Religion par A.D. de (...)
  • 19 Par exemple ce passage : « Et ainsi, comme les années ne sont toutes semblables, en vint une en la (...)
  • 20 « Comme étoit contenu par les pancartes dudit temps, étant ès abbayes de Moureilles, de Saint-Mich (...)
  • 21 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. XX.

11Il faut donc rechercher les maigres indices d’une vieille tradition orale en priorité dans les récits antérieurs aux grands chantiers du XVIIe siècle. Ces récits concernent pour l’essentiel le Marais poitevin. Le plus ancien à nous être parvenu est La vraye et entière Histoire du gentilhomme protestant Lancelot Voisin, sieur de La Popelinière15. Ayant guerroyé en Poitou, l’auteur fonde son récit non seulement sur sa propre connaissance du terrain mais aussi sur des témoignages oraux où l’horizon imaginaire se confond avec le réel16. Un autre historien huguenot, Amos Barbot, présentant le pays d’Aunis et ses seigneurs dans son Histoire de La Rochelle, évoque lui aussi cette conjonction de l’écrit et de la mémoire17. Plus tard, au tournant des années 1700, l’ingénieur-cartographe de Louis XIV, Claude Masse interroge les habitants en même temps qu’il effectue ses levés et rend compte de leurs propos dans les commentaires qui accompagnent ses cartes. L’éclairage le plus intéressant sur la manière dont s’articulent la tradition orale et le recours à l’écrit est fourni par la Chronique d’Antoine et André Bernard, notaires au Langon, localité située au bord du Marais poitevin18. « Pauvre et mal écrivain », mettant « la main à la plume » dans le but d’édifier, Antoine Bernard (†1581) relate à la manière d’un conteur l’un des plus importants conflits qu’ait connu le Marais poitevin au début des années 128019. Son récit de l’événement doit manifestement beaucoup à la mémoire collective. En revanche, lorsqu’il évoque l’ouverture de l’achenal Le-Roi en 1283 afin de résoudre l’ennoyage consécutif aux destructions perpétrées par les Fontenaisiens, la référence aux actes écrits se fait très précise20. Des notes d’officiers seigneuriaux comme celles, datées de 1639, d’un certain Jonas Bouhier, sénéchal de la seigneurie du Langon, donnent également de précieuses indications sur la conservation et le maniement des actes21. La consultation des documents écrits vient nourrir la mémoire des sociétés. Sur elle, prend appui la première historiographie des marais.

Les évolutions de l’historiographie

  • 22 Les copies manuscrites de Besly sont rassemblées pour l’essentiel au sein de la collection Dupuy à (...)
  • 23 Comte de Dienne, Histoire du dessèchement…
  • 24 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…
  • 25 L. Maître, Le lac de Grandlieu et ses affluents. Histoire, pêche, navigation, dessèchement, Nantes (...)
  • 26 L. Papy, La côte Atlantique de la Loire à la Gironde. L’homme et la mer, étude de géographie humai (...)
  • 27 H. Enjalbert, Les pays aquitains. Le modelé et les sols, Bordeaux, 1960.
  • 28 F. Verger, Marais et wadden du littoral français, Paris, 1968.

12Après l’important travail sur les sources de l’historien Jean Besly (1572-1644)22, ainsi que des mauristes, Dom Lobineau, Dom Morice, Dom Fonteneau parmi d’autres, et des oratoriens comme le père Arcère, les administrateurs du premier Empire, Jean-Baptiste Cavoleau et Améric Gautier ont porté une attention particulière aux modes de fonctionnement des marais et à leurs fondements historiques. Cependant, le véritable tournant historiographique s’esquisse à partir de la monarchie de Juillet. Principalement dans le cadre de grandes collections (Archives Historiques de la Gironde, Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis, Archives Historiques du Poitou), cartulaires et chartriers d’abbayes possessionnées dans les zones humides font l’objet d’éditions savantes munies de solides introductions, de notes et parfois de commentaires sur les aménagements hydrauliques. Durant les années 1890-1900, paraissent sous la plume du comte Édouard de Dienne23 et de deux savants chartistes, Étienne Clouzot24 et Léon Maître25, trois ouvrages marquants spécialement consacrés aux marais. Après cette belle flambée de travaux, les historiens laissent pour un temps la place aux géographes : Louis Papy26, Henri Enjalbert27, Fernand Verger28.

  • 29 Ces études s’inscrivent dans les tendances actuelles de la recherche sur les zones humides présent (...)
  • 30 K. Wittfogel, Oriental Despotism. A Comparative Study of Total Power, New Haven, 1957.
  • 31 Y. Suire, Le Marais poitevin…

13Tout en prenant appui sur les acquis importants de cette historiographie centenaire, les travaux récents renouvellent en profondeur les approches et les problématiques29. À distance du modèle proposé par Karl Wittfogel en 195730 de la nécessité d’une organisation politique centralisée, d’une autorité forte pour coordonner l’exécution des grands travaux et en assurer la gestion, tous s’inscrivent dans les perspectives d’une histoire globale, à la croisée de l’environnemental et du technico-culturel, de l’économique et du socio-politique. Il n’est pas indifférent d’observer que le dernier ouvrage paru sur le Marais poitevin à l’Époque moderne porte le sous-titre significatif, Une écohistoire31.

Les conflits en dynamique de croissance (milieu xiie-début xive siècle)

14Les conflits qui surviennent à partir du XIIe siècle trouvent leur origine dans le mode de gestion hydraulique mis en place par les opérations d’aménagement. Au fur et à mesure de leur réalisation, l’ouverture des canaux et l’édification des levées protectrices modifient l’écoulement des eaux. Elles bousculent aussi les sociétés en place dans leur occupation du sol et leur mode de vie.

Techniques de dessèchement et modes de régulation hydraulique

  • 32 J.-L. Sarrazin, « Les cisterciens de Buzay et l’aménagement des marais de l’estuaire de la Loire a (...)
  • 33 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. VI.
  • 34 Première mention dans les textes conservés dans un accord entre La Grâce-Dieu et Saint-Léonard-des (...)
  • 35 Description par La Popelinière, La vraye et entière histoire…, livre V, fol. 155v.

15Dans toutes les opérations de bonification des sols hydromorphes, une technique domine, semble-t-il, entre Loire et Gironde, celle de l’enceinte desséchée. Le procédé, consistant à isoler par une levée quelconque un enclos que l’on draine et dont on évacue le surplus d’eau, n’est pas nouveau. Il est attesté dès avant la fin du XIIe siècle mais ne concerne que des parcelles accrochées à la terre ferme et de superficie limitée. Un changement d’échelle se produit vers 1180-1190 à l’initiative des cisterciens qui n’hésitent pas à engager des chantiers au niveau d’un bassin versant32. La sentence arbitrale des définiteurs de l’ordre de Cîteaux, apaisant peu avant 1217 une querelle survenue entre trois maisons de l’ordre : La Grâce-Dieu, Charron, Saint-Léonard-des-Chaumes et ses associés33, en donne une description circonstanciée à propos du marais des Alouettes, au nord de Marans. L’enceinte à dessécher est circonscrite par une levée, le bot (botum). Elle est cernée par un canal périphérique, appelé contrebot vers lequel les fossés internes de drainage écoulent l’eau. Des « coés », sortes de bondes percées sous le bot, déversent le trop-plein vers le canal extérieur, clausura ou achenal, lequel coule vers l’estuaire de la Sèvre niortaise. En aval, est fixé un autre dispositif, l’écluse (exclusellum, exclusum) qui règle le niveau de l’eau dans l’achenal. Partout, le contrôle des écluses est stratégique, ainsi qu’en témoignent les ensembles grange-canal-écluse au sein des temporels cisterciens. Enfin, un dernier dispositif constitué de portes est implanté au contact de la marée. Les textes poitevins et aunisiens parlent de fuernae34 qui peuvent être définies comme des portes marines à battants s’ouvrant sous la pression de l’eau douce à marée descendante et se fermant sous la pression du flux, empêchant ainsi l’eau salée de remonter35.

  • 36 Le bourrelet de rive que n’arrivent pas toujours à percer les esteys constitue une levée naturelle (...)
  • 37 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus de Bordeaux au Moyen Âge », Revue archéologique d (...)

16Plus ou moins sophistiqué en fonction des besoins d’aménagement, le procédé de l’enclos à dessécher ou à assécher se retrouve, à différentes échelles, dans la plupart des marais atlantiques, le long de l’estuaire de la Loire, en Saintonge, de part et d’autre de la Gironde, dans les terres basses des vallées de la Dordogne et de la Garonne36. En Bordelais, les exploitations gagnées sur la palu, en particulier les barraux (prés) et à partir du XIIIe siècle les bourdieux à vocation viticole, sont assainies par la mise en place d’infrastructures de drainage, percintes, perssinta (levées), fossés37. La vigne plantée sur ces riches sols alluviaux doit être protégée de l’eau par ces préceintes.

  • 38 Abbé Lacurie, Histoire de l’abbaye de Maillezais, Fontenay-le-Comte, 1862, note (P.J.) LXXXI.

17D’une grande ingéniosité dans la mesure où l’eau protège la levée, la technique de l’enceinte desséchée n’est pas seulement une affaire de savoir-faire hydraulique. C’est aussi une question de représentations mentales. Elle reflète une conception qui est celle de la « mise en défens ». Dans la perspective des dessicateurs, il s’agit de préserver l’enclos drainé des eaux divagantes venues pour l’essentiel de l’amont. À travers les textes disponibles, le vocabulaire employé parle de lui-même. « Pour la défense et la protection de nos susdits marais contre l’inondation des eaux », c’est en ces termes que l’accord passé entre les abbayes de Saint-Michel-en-l’Herm, Maillezais, Saint-Léonard-des-Chaumes et le grand prieur du Temple en Aquitaine définit l’objectif d’une opération de dessèchement lancée en 127038. La chaussée de protection est un peu au marais ce que la haie forestière est à la forêt, à cette différence près que le danger vient ici principalement de l’eau.

18Ainsi conçues, les enceintes bouleversent le régime hydraulique préexistant. Elles diminuent notablement la surface d’épandage des eaux et aboutissent, en Marais poitevin, à mettre en place une opposition entre marais desséchés et marais mouillés. Les grands conflits de l’eau résultent d’une telle situation.

Les évictions du contrôle de l’eau : quels enjeux ?

  • 39 F. Boutoulle, « Les seigneurs des eaux… », p. 169-188.
  • 40 J.-L. Sarrazin, « Les moines de Buzay et l’aménagement des marais… », p. 63-66.

19En réalité, les premières tensions surviennent dans la phase préliminaire des travaux d’aménagement, parfois avant même que soit engagée telle ou telle opération. Leur trait commun est d’aboutir à des évictions touchant des seigneurs laïques pour le contrôle des écluses, des paysans-pêcheurs ou les premiers entrepreneurs. Caractéristique de ce type de frictions est l’interminable conflit opposant en Bordelais l’abbaye bénédictine de Sainte-Croix et la famille des Centujan, au sujet de l’Eau-des-Arcs39. Après un premier épisode au tournant des XIe et XIIe siècles, la tension renaît au second XIIe siècle lorsque les moines développent de nouveaux projets hydrauliques. L’enjeu ? La construction de moulins et l’acheminement de l’eau. Le duc d’Aquitaine, Richard Cœur-de-Lion intervient en 1182 mais l’affrontement perdure jusqu’en 1217, avec un nouveau recul des Centujan sur l’Estey-Majou, exutoire de l’Eau-bourde. Il y a là une opposition entre deux seigneuries, une ancienne, celle des Centujan et la seigneurie monastique de Sainte-Croix qui accapare graduellement des droits. Le même type d’affrontement se produit dans les marais de l’estuaire de la Loire lorsque les cisterciens de Buzay prennent le contrôle des écluses stratégiques dans la circulation de l’eau. Une chicane à épisodes oppose sur une vingtaine d’années, de 1150 environ à 1175, l’abbaye au lignage des Bougon40. Elle porte en particulier sur une importante écluse, Tineuse, commandant l’écoulement des eaux de la rive droite dans l’estuaire. L’abbé est contraint d’offrir une première fois un cheval puis, une seconde fois, un poulain de deux ans chaque année. Dans les deux exemples, les enjeux sont identiques. La maîtrise de l’eau est indispensable aux moines projetant d’établir un équipement ou d’aménager un marais mais, pour les lignages aristocratiques, la perte de droits sur l’eau n’est pas anodine. Les écluses régulent le niveau de l’eau, mais permettent aussi le fonctionnement de moulins, l’implantation de pêcheries et, éventuellement, l’établissement d’un péage sur la circulation des barques. Abandonner des droits signifie un amoindrissement de seigneurie. Il y a donc là une question de pouvoirs et de revenus.

  • 41 J.-L. Sarrazin, « Maîtrise de l’eau et société… », p. 342.

20L’éviction de paysans-pêcheurs porte de la même façon sur le contrôle mais aussi sur l’usage de l’eau. Dans les sources, ce procédé est clairement le fait des établissements cisterciens, Buzay pour les marais de la Loire, Charron au nord de la Sèvre. Vers 1192, cette dernière abbaye expulse, avec l’aval de Goffroy Ostorius, seigneur de Marans, tout un groupe de paysans exploitant des écluses-pièges à poissons41. De toute évidence, l’objectif des moines était de prendre en main des sites stratégiques pour l’écoulement de l’eau. L’éviction marquait également un certain recul pour une économie assez primitive de pêche et peut-être de chasse au profit d’une entreprise de bonification des sols.

  • 42 Ibid., p. 342.

21De plus grande portée sont les expulsions des premiers dessicateurs. Des paysans entreprenants avaient en effet desséché des clos en bordure des îles calcaires dominant le marais. La présence de telles enclaves constituait vraisemblablement une entrave à un drainage de plus grande ampleur. Au tout début du XIIIe siècle, un vilain contentieux oppose ainsi un couple de paysans aux cisterciens de Bois-Grolland42. En 1200, sous la pression de Raoul de Tonnay, seigneur de Luçon, ce couple s’était dessaisi au profit de l’abbaye de deux marais au nord de Champagné, dont l’un qu’il avait lui-même clos et desséché. En compensation, il devait recevoir une rente annuelle très substantielle d’un marc d’argent. Les relations s’enveniment très vite. Le paysan est accusé d’avoir volé les bœufs des moines et d’avoir incendié leur maison. Commis sur l’affaire par l’évêque de Poitiers, les abbés de Saint-Michel-en-l’Herm et de Luçon imposent au couple l’abandon de toute revendication, moyennant le versement de quatre marcs et le don à la femme d’une tunique.

Les oppositions de l’amont et de l’aval

  • 43 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. VI.

22Cependant, dans leur majorité, les différends plus ou moins graves qui jalonnent l’histoire des marais atlantiques au XIIIe siècle participent étroitement de la dynamique d’aménagement. Certains tiennent directement aux dissensions qui éclatent au sein même des associations de dessèchement quant à la gestion des eaux. Dans les années 1210, la querela qui éclate entre trois abbayes cisterciennes, La Grâce-Dieu, Charron, Saint-Léonard-des-Chaumes et ses associés, relève de cette catégorie43. Porté devant le chapitre général de l’ordre, le contentieux est apaisé par trois définiteurs, les abbés des Châtelliers, du Pin et de La Fenade. Sans que l’on sache ce qui s’est réellement passé, il apparaît que le litige portait sur le dispositif contrebot-bot-achenal, sur un conduit et deux écluseaux. Faut-il en rechercher la cause dans une insuffisante mise au net des modalités de l’association et surtout de la gestion hydraulique ? C’est vraisemblable. Dessécher un marais est une opération d’une redoutable complexité, non seulement par les difficultés matérielles soulevées, mais aussi par les questions d’arpentage, de régulation du niveau de l’eau aux écluses et de répartition des travaux d’entretien. Sont indispensables des compétences techniques mais aussi des outils juridiques. Au début du XIIIe siècle, tout ou presque était à expérimenter dans les grands chantiers.

  • 44 Ibid., P.J. III.
  • 45 Ibid., P.J. VII et VIII.

23En Marais poitevin, les difficultés naissent de l’engorgement d’amont par l’enkystement des enceintes sises en aval. Dans un premier temps, elles conduisent, par nécessité, à une sorte d’émulation dans l’ouverture des canaux. Les tensions s’esquissent dès que les premiers travaux d’abbotamentum font sentir leurs effets pendant les années 1190. Les dessèchements de Moreilles aggravent la stagnation des eaux sur les terres des clunisiens de l’Absie. Dès 1200, ces derniers branchent leur propre réseau de drainage sur celui de Moreilles, tout en demandant au seigneur de Chaillé l’autorisation d’ouvrir un écours (canal d’évacuation) sur sa terre44. L’autorisation ne vient que beaucoup plus tard, en 1217. Les deux licences octroyées, l’une par le seigneur de Marans et l’autre par celui de Chaillé aux cinq abbayes associées dans l’entreprise, énumèrent les eaux à faire écouler par le canal à creuser45. Elles font suite, sans nul doute, au mécontentement des détenteurs du sol possessionnés en amont. Ce faisant, elles participent au règlement des tensions nées du bouleversement de l’équilibre hydraulique préexistant. Des dix chartes délivrées, un seul exemplaire original nous est parvenu. Précieux entre tous, son texte dégage les enjeux du contrôle de l’eau au sein des relations de pouvoirs. Porteclie de Mauzé, seigneur de Marans, agit en tant que seigneur haut-justicier détenteur de l’autorité publique. Sa charte fixe le cadre réglementaire de l’insertion du canal dans sa seigneurie. La principale disposition qu’elle impose aux abbés maîtres d’œuvre concerne la fonction et l’utilisation du canal. L’écours, bientôt appelé canal des Cinq-abbés, ne doit être qu’un canal d’évacuation. En tant que voie navigable, il ne peut servir, en franchise de coutumes, qu’au transport des biens des cinq monastères touchant à l’exploitation des marais, autrement dit les productions agricoles et les instruments nécessaires à l’entretien des canaux. Se trouve ainsi dégagée pour s’en prémunir une source éventuelle de conflits : le problème de la concurrence entre les anciennes voies d’eau dotées de péages et les nouveaux achenaux susceptibles de devenir des axes de navigation. Quant aux droits sur l’eau, si la charte ne les présente pas en tant que tels, elle fournit néanmoins d’intéressantes précisions. Le dominium reste évidemment entre les mains du seigneur haut-justicier, cependant l’écoulement d’eaux supplémentaires dans l’achenal est soumis certes à la licence du seigneur mais surtout à l’assentiment des abbés. En d’autres termes, la gestion de l’eau revient bien aux abbayes ; l’achenal est le leur. Les maîtres d’œuvre possèdent les canaux qu’ils ouvrent ainsi que les équipements de régulation hydraulique, écluses et portes. Il y a là une disposition majeure à l’origine de difficultés multiples.

  • 46 Ibid., P.J. IX.

24Pour limité qu’il soit, le corpus documentaire conserve ainsi la trace de médiocres conflits provoqués à la fois par le resserrement de l’écoulement des eaux et par la maîtrise compartimentée du niveau de l’eau. En 1267 par exemple, un chevalier, Maurice de Velluire, fait rompre le bot neuf de l’abbaye de Moreilles pour déverser l’eau de son marais dans l’achenal des moines. Devenue un recours, la justice royale est saisie. La sentence que prononce le sénéchal de Poitou est évidemment favorable aux religieux dont la levée, le canal et vraisemblablement les terres ont été gravement endommagés46.

  • 47 Récit et références aux documents dans la Chronique d’Antoine Bernard, A.D. de La Fontenelle de Va (...)

25Si, pour la plupart, de telles voies de fait ne revêtent qu’une dimension locale, le plus grave conflit répertorié affecte une bonne partie du bassin septentrional de la Sèvre. Au début des années 1280, lors d’une crise environnementale particulièrement sévère, les habitants du faubourg des Loges à Fontenay-le-Comte, dont les maisons étaient sous les eaux, viennent nuitamment briser les arceaux et le bot de l’Anglée détenus par les moines de L’Absie47. Le flot impétueux élargit les brèches provoquant ainsi une catastrophe majeure en aval. Une vaste zone, en bordure de la terre ferme, est durablement ennoyée. Les habitants de cinq paroisses de la Plaine, dont les pâturages étaient perdus, délèguent des procureurs à la cour du roi Philippe III le Hardi. L’affaire revêt une telle dimension que son règlement mobilise toutes les forces intéressées à la mise en valeur du marais, notamment les détenteurs des canaux et les communautés villageoises. En accord avec les abbés de Moreilles, Saint-Michel-en-l’Herm, Maillezais, L’Absie et Saint-Maixent, les commissaires envoyés par le roi décident en 1283 de faire creuser un long canal de ceinture, l’Achenaud-Neuve ou Achenal-le-Roi doublé un peu plus au nord par un contrebot destiné à amortir les crues. Les frais de l’opération sont à la charge de douze paroisses, dix de la Plaine et deux du marais. Prenant appui sur les communautés paysannes désormais plus actives, le pouvoir royal intervient donc, en arbitre, à un moment où les conséquences des opérations d’aménagement suscitent des contentieux que les parties en présence ne parviennent plus à résoudre elles-mêmes.

  • 48 S. Caucanas, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XVe siècle, Paris, 1995, p. 31.
  • 49 Fr. Menant, Campagnes lombardes du Moyen Âge. L’économie et la société rurales dans la région de B (...)

26En définitive, durant la phase de croissance, les conflits s’inscrivent dans une évolution marquée dans un premier temps par des initiatives limitées de paysans entreprenants ou de petits seigneurs, puis dans un second temps par la mainmise d’établissements monastiques qui prennent en main la régulation hydraulique, enfin, dans un troisième temps, par une intervention du pouvoir royal. Ce processus n’est pas propre aux marais atlantiques. Avec de notables variantes, il se retrouve en d’autres régions comme le Roussillon où le roi de Majorque saisit l’occasion de conflits nés de l’extension des réseaux d’irrigation pour imposer son intervention et faire ouvrir le canal de Thuir (vers 1308-1310)48. Dans la vallée du Pô, les travaux de drainage entre le Xe et le XIIIe siècle relèvent pareillement au départ d’initiatives individuelles, avant de prendre la forme d’entreprises seigneuriales puis de revêtir un caractère étatique avec les opérations des communes urbaines49.

L’espace d’un conflit de l’eau en Marais poitevin au début des années 1280

Les tensions dans les crises et les phases de reconstruction (xive-xvie siècle)

27Depuis le milieu du XIIIe siècle, le règlement de certains litiges met l’accent sur une difficulté qui commence à se poser vers cette époque, l’entretien des canaux et des levées. Le problème devient majeur au premier XIVe siècle. S’opère alors une prise de conscience sur le fait que le maintien en bon état des infrastructures hydrauliques importe encore davantage que l’aménagement initial.

« Pour le fait et occasion des guerres et mortalitéz » : le délabrement des réseaux hydrauliques ?

28À partir de 1294-1296, en Saintonge méridionale et en Bordelais, plus encore à partir de la guerre de Saint-Sardos (1323-1328) et surtout des années 1340, toute la façade atlantique bascule dans l’insécurité des guerres anglo-gasconnes, de la guerre de Succession en Bretagne et des maraudes répétées de gens d’armes. Elle n’échappe pas non plus, même si les chiffres précis font défaut, aux famines et aux épidémies récurrentes. La rareté de l’homme entre le milieu du XIVe et le milieu du XVe siècle, est-il besoin de le rappeler, constitue un facteur-clé de la dépression économique. Elle joue pleinement sur l’entretien notoirement insuffisant des marais. Par ailleurs, les établissements religieux, principaux investisseurs dans les aménagements hydrauliques, traversent à l’évidence de sérieuses difficultés financières.

  • 50 S. Lavaud, « L’emprise foncière de Bordeaux… », p. 316, 322-325 ; Ead., « Paysage et mise en valeu (...)

29Souvent liée à la situation politique, la conjoncture est, on le sait, plus complexe. Des phases de reconstruction, à la chronologie variable suivant les régions, alternent avec des temps de crise généralisée. En Bordelais, la colonisation des palus, engagée au XIIIe siècle, ne subit que partiellement l’impact des crises du XIVe et du XVe siècle ; et elle s’amplifie lors de la reconstruction d’après la guerre de Cent ans sous l’impulsion des bourgeois de Bordeaux et des autres villes de la région50. L’emprise de la ville, à la différence des marais de Bretagne méridionale ou du Poitou, est ici décisive.

  • 51 H. Denifle, La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent (...)

30À suivre les sources, la dégradation des infrastructures hydrauliques est un phénomène généralisé. Il n’est pas sûr cependant qu’il faille prendre à la lettre toutes les suppliques adressées au pape pour obtenir une exemption fiscale51. En Bretagne, la guerre de Succession fait ressentir ses effets sur plusieurs générations. La construction anarchique d’écluses et l’envasement empêchent la rivière du Tenu de remplir sa fonction d’émissaire des marais de Grandlieu dans la Loire. Un mandement du duc de Bretagne Jean V donné le 17 février 1409 en dresse le constat lucide :

  • 52 Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, R. Blanchard (éd.), Nantes, 1889-1895, t. V, no  (...)

« Puis le temps de saexante ans, durant le temps des guerres et autre temps […], les chanaux et escours d’icelle rivière du Tenu sont comblez et empliz par bourriers et édifices d’escluses tellement que les ayves ne pevent avoir leurs cours comme avoint accoustumé […] et mesmes plusieurs bourriers, brisses et motes de maroys, par les grans ayves que ont esté, sont descendus en celle rivière du Tenu en plusieurs lieux et endroiz52. »

  • 53 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, p. 45-58.
  • 54 Ibid., p. 48.
  • 55 G. Musset, L’abbaye de La Grâce-Dieu…, doc. no CII, p. 239-244.
  • 56 J.-L. Sarrazin, « Les fondements sociaux de la création du Marais poitevin au Moyen Âge », Éthique (...)
  • 57 Cartulaires et chartes de l’abbaye de l’Absie, B. Ledain (éd.), Archives historiques du Poitou, t. (...)

31En Marais poitevin, les bots de protection sont détériorés ou rompus, les ponts sont détruits ; les achenaux envasés n’assurent plus l’écoulement de l’eau53. Les eaux de la Vendée ne pouvant plus s’écouler à travers le marais inondent régulièrement le faubourg des Loges à Fontenayle-Comte54. Les exploitations sont parfois purement et simplement abandonnées. En 1460, d’après la déclaration des biens de l’abbaye, les granges de La Grâce-Dieu restent encore toutes « dézertes par guerres », notamment celles de la Brie qui a joué un rôle majeur dans la conquête du marais portant son nom55. À plusieurs reprises, en 1409, avant 1435, entre 1438 et 1443, en 1455 encore, le pouvoir royal tente bien de lancer des campagnes de réhabilitation en nommant des « commissaires sur le fait de la réparation des marès56 », lesquels ont pour mission de surveiller la levée des fonds nécessaires aux réparations. Mais identifier les possesseurs de canaux, fixer la quote-part de chacun, recueillir les contributions, toutes ces tâches se heurtent à la situation lamentable dans laquelle l’insécurité et les mortalités ont plongé le pays. Des poursuites sont engagées par les commissaires sans aboutir, semble-t-il, à des résultats probants. Certaines abbayes, comme Saint-Maixent, se dérobent ou engagent des procès ; d’autres, telle l’Absie, implorent le roi pour obtenir des lettres d’exemption57. Jointe au désordre qui règne dans le régime d’entretien des canaux, l’intervention de l’État a même pour effet de multiplier les contentieux entre les détenteurs de canaux.

  • 58 R. Favreau, La commanderie du Breuil-du-Pas…, passim ; S. Périsse, Les campagnes littorales sainto (...)
  • 59 Statuts, chapitres généraux et visites de l’Ordre de Cluny, Dom G. Charvin (éd.), t. III, Paris, 1 (...)
  • 60 J. Glénisson, « Les biens des Hospitaliers dans le diocèse de Saintes en 1373 », Recueil de la Soc (...)
  • 61 Ibid., p. 165.
  • 62 Ibid., p. 97 ; R. Favreau, La commanderie du Breuil-du-Pas…, p. 22 (et n. 109), 31, 50.
  • 63 S. Périsse, Les campagnes littorales saintongeaises…, p. 115.

32Apparemment, le tableau n’est guère différent en Saintonge ; il y est même plus sombre en raison d’une redoutable situation de frontière58. D’après les données fournies par les visites des établissements clunisiens, la situation s’est dégradée dès les événements de 1294-1296 et la guerre de Saint-Sardos (1323-1328). Les temporels des prieurés clunisiens tombent en ruine et sont déclarés « in malo statu » en 133059. Disponible pour le diocèse de Saintes, l’enquête de 1373 sur les biens des hospitaliers présente une situation catastrophique60. À Bernay, les terres arables et les marais, qui produisaient avant guerre 300 setiers de grains par an, sont désormais en friche. Quant aux prés, ils sont retournés à l’état sauvage alors qu’on en retirait 100 à 200 charretées de foin annuellement61. La commanderie du Breuil-du-Pas, établie au bord des marais de l’estuaire de la Seudre n’a pas pu être visitée car les enquêteurs n’ont pas osé s’y aventurer en raison de la présence voisine des ennemis du roi de France62. La profonde récession démographique est, semble-t-il, un fait tangible pour certaines campagnes du littoral. Dans la seigneurie de Didonne, le nombre des tenanciers passe de 738 en 1381 à 174 en 146063.

Les émotions en crises environnementales

33L’envasement des écours, le mauvais état des levées, l’abandon de certains secteurs contribuent à aggraver les oppositions traditionnelles. Ici et là, une sourde hostilité des populations envers ceux qu’elles considèrent comme responsables commence à transparaître. Les conflits les plus graves résultent ainsi à la fois de situations d’enkystement héritées des entreprises du XIIIe siècle et du délabrement des réseaux.

  • 64 J.-L. Sarrazin, « Les cisterciens de Buzay et l’aménagement des marais… », p. 73.
  • 65 Ibid., p. 74.

34Les plus importants, dont la trace documentaire subsiste, concernent le marais de Buzay au sud de l’estuaire de la Loire. Déjà, en 1400, l’écroulement partiel d’une des chaussées protectrices du marais, la chaussée Neuve, occasionne la submersion des terres des cisterciens pour un dommage évalué à 100 livres64. De plus grande portée sont les deux expéditions organisées par les gens de Grandlieu pour faire écouler l’eau qui stagnait sur leurs terres. Toutes les deux se produisent en période de grave crue. En 1415, une opération nocturne, manifestement préparée, conduit une petite troupe de « gens meuz de mauvais pourpou et volunté » à venir ébrécher en plusieurs endroits la stratégique chaussée Le Roy, à briser des arceaux afin de libérer l’eau accumulée en amont65. Alerté, le duc de Bretagne, Jean V, ordonne à ses sénéchaux de Nantes et de Ploermel d’ouvrir sans délai une procédure contre les auteurs des destructions. Il leur enjoint également d’assurer la protection des moines et de leurs ouvriers pendant les réparations, ce qui dénote la tension régnant alors dans le bassin de Grandlieu.

  • 66 Ibid., p. 74-75 et P.J. p. 77-79.

35Une expédition de même type, mais de plus grande envergure, se produit dans la nuit du 17 au 18 décembre 145666. Environ 200 personnes, armées de « brigandines, harnays, couleuvrines, arcs, trousses, salades, eppeis, dagues, bastons […] et autres abillemens de guerre », envahissent les levées, creusent sept grandes brèches dans la chaussée Le Roy, deux autres dans la chaussée Baudais, et rompent les arceaux. Les dégâts sont considérables. Les moulins à eau des moines sont partiellement détruits ; les terres de l’abbaye sont durablement ennoyées. Les dommages sont estimés à 4 000 écus d’or par les religieux. Sollicité, le pouvoir ducal ne peut pas ne pas intervenir. Il engage une procédure qui dure sept ans jusqu’à une sentence arbitrale assez décevante pour l’abbaye dédommagée, en tout et pour tout, de 370 écus. Ni les moines ni les officiers ducaux n’ont eu le moindre mal à identifier les meneurs. Tous étaient de petits seigneurs possessionnées autour de Grandlieu. L’expédition était le fait de ces hobereaux accompagnés de leurs paysans.

36De tels conflits sont malgré tout l’exception. Ce qui caractérise cette période, ce sont les contentieux durables.

Les contentieux récurrents

37Le XVe et le XVIe siècle sont le temps des procès mus soit devant le Parlement de Paris ou celui de Poitiers, soit devant les assises de telle ou telle seigneurie ou les assises royales. Les litiges portent sur les obligations d’entretien des réseaux, de curage des canaux, de réfection des levées et de maintenance des écluses. Ils rendent compte d’un certain abandon des marais mais aussi de l’incapacité à réhabiliter durablement sur une vaste échelle l’infrastructure hydraulique lors des phases de reconstruction. Comme il a été remarqué plus haut, ils s’inscrivent, pour la plupart, dans les tentatives du pouvoir royal à mettre sur pied des campagnes de restauration. La répétition des injonctions étatiques reflète à l’évidence une certaine inefficacité, propre en elle-même à entretenir les contentieux.

  • 67 « Procès… », p. 118-122.
  • 68 J.-L. Sarrazin, « Maillezais et la mise en valeur des marais au Moyen Âge », C. Treffort et M. Tra (...)

38Quelques exemples suffisent à prendre la mesure du phénomène. En 1435, un procès oppose, au parlement de Poitiers, l’évêque de Maillezais à l’abbé de L’Absie67. L’évêque et le chapitre cathédral accusent l’abbaye d’être responsable du mauvais état de « certains pons, passages, boz et achenaulx » situés entre Luçon et Fontenay-le-Comte. L’argumentation présentée par l’Absie pour refuser d’investir à hauteur de 200 livres combine des données justes – la perte des trois-quarts de ses revenus, les pillages répétés des gens d’armes, son éloignement du marais – et des affirmations de mauvaise foi comme l’inexistence de possessions « au-dedans desdits passages et achenaulx ». De son côté, l’église de Maillezais n’est pas non plus exemplaire. Quelques copies de registres d’assises de la seigneurie de Marans indiquent que le procureur requiert, en 1428, que « les religieux evesque et chapitre fussent contraints et condamnés à réparer ledit achenau [de la Brune] » puis, à nouveau en 1436, « de faire réparer l’achenau […] en telle manière que les eaux affluans et descendans […] puissent escourré […] a la peine de quarante livres a appliquer68 ». Durant toute cette période, l’évêque de Maillezais apparaît comme l’un des acteurs des projets de réhabilitation ; il est parfois l’un des commissaires du roi. Il n’en figure pas moins aussi parmi les détenteurs de canaux incapables de faire face à leurs obligations d’entretien.

  • 69 A.D. Vienne, H3, 859 ; É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. XI.

39Certains différends sont directement la conséquence d’une injonction royale. Peu avant 1440, le chapitre cathédral de Poitiers, détenteur d’une terre au sud de la butte calcaire de Champagné, saisit l’occasion de lettres royales sur les marais pour adresser à la Chancellerie une plainte contre la commanderie hospitalière de Puyravault69. Il accuse les hospitaliers de faire subir à leur domaine une forte dépréciation par leurs empiètements et par leur incurie à bien entretenir achenaux et fossés. Après opposition du prieur et visite des lieux, les chanoines sont déboutés mais le contentieux n’en est pas moins symptomatique des difficultés liées au compartimentage de la régulation hydraulique, les eaux de la terre du chapitre s’écoulant dans l’achenal de l’hôpital.

  • 70 « Instruction concernant le canal de Luçon », imprimé de 1688, A.D. Vendée, J 191.
  • 71 Médiathèque régionale de Niort, fonds La Fontenelle de Vaudoré, carton 153, 31, cahier de 9 fol., (...)

40Le litige perpétuellement recommencé opposant de 1363 jusqu’au règne de Louis XIV70 l’évêque de Luçon, le chapitre cathédral, le seigneur de Luçon, ceux de la Coudraie et de Champagné ainsi que l’État royal à propos de l’entretien du canal de Luçon résume bien à lui seul tous les problèmes à l’origine des conflits, à savoir les multiples usages de la voie d’eau, la superposition des péages seigneuriaux et du droit étatique de traite, l’impérieuse nécessité de curer régulièrement, la divagation des bêtes sur les levées, les nuisances de l’eau stagnante et les difficultés à financer les réparations. Du petit cahier rédigé par les greffiers des grandes assises royales de Fontenay-le-Comte le 6 février 153771, on peut retenir en particulier que la circulation des eaux entre le canal et les marais relève d’une gestion plus complexe qu’il n’y paraît. Le canal collecte, par tout un système de conduits, les eaux qu’il rejette dans la mer. À certains endroits, sont installés des « coyaux par lesquels l’eaue qui afflue esdits maroys sauvages découroyt et descendoit en laditte achenau pour viviffier et entretenir les cours d’icelle achenau afin qu’elle fut mieulx navigable ». Le courant artificiellement provoqué doit donc prévenir l’envasement. Les tensions surgissent lorsque l’eau du canal inonde, par des brèches ou en passant par-dessus le bot, les terres adjacentes jusqu’à plus de 20 000 journaux de prés et de champs. Deux nuisances sont alors signalées, la stérilité de la terre et la « pestilence ». Apparaît ici l’argument sanitaire dont on sait qu’il sera largement utilisé au temps des sociétés de dessèchement. À chaque fois, le contentieux porte sur la répartition des travaux de curage du canal et de réfection des bots.

  • 72 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus du Bordelais… », p. 34.
  • 73 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise…, p. 149-150 et p. 154.
  • 74 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus du Bordelais… », p. 34.

41Des discordes d’un autre type éclatent spécifiquement semble-t-il durant les phases de reconstruction. Opposant les communautés villageoises aux seigneurs à propos des droits d’usage, elles ne ressortissent que marginalement à la catégorie des conflits de l’eau. Padouens du Bordelais, communaux du Poitou, de l’Aunis et de la Saintonge, de vastes secteurs mal égouttés offrent en effet des ressources non négligeables pour les paysans, avant tout le pacage des animaux mais aussi la cueillette des roseaux et des joncs, le prélèvement d’aubiers ou d’osiers, éventuellement la pêche72. L’extension d’un dessèchement peut mettre à mal l’exploitation de ces ressources à laquelle étaient attachées les populations. Des tentatives de ce genre peuvent être repérées en Marais poitevin, à Benet, au Langon à la fin du XVe siècle et au XVIe siècle73. Quant aux villageois usagers de la Palu-de-Bordeaux, ils seront les plus farouches opposants aux projets de dessèchement du syndicat des marais de Bordeaux et de Bruges au début du XVIIe siècle74.

***

42Ces quelques pages ne donnent qu’une modeste idée de l’extrême complexité des litiges qui émaillent l’histoire des marais atlantiques. C’est par artifice d’exposition qu’est isolée la question de l’eau. Dans les faits, la gestion hydraulique est imbriquée dans tout un système, dont l’élément majeur est la mise en valeur agricole du sol sur laquelle viennent se greffer les droits d’usage des communautés d’habitants, la circulation des barques, la construction des ponts, des moulins, des pêcheries, la surveillance des chemins de terre et la levée de péages. Elle s’inscrit toujours dans un contexte régional de relations de pouvoirs et d’appropriation de la terre.

43Les conflits de l’eau reposent fondamentalement sur l’ordonnancement social de la mise en place des réseaux. La diversité des cas doit ici être soulignée. En Bordelais, l’emprise urbaine est évidente qui se traduit par le rôle des établissements ecclésiastiques dans la première phase de la conquête des palus, puis par les investissements de bourgeois. Dans les autres marais, le capital urbain ne paraît pas avoir joué un rôle important. Le mouvement de bonification des sols hydromorphes est largement interne aux sociétés. Dans le bassin de la Sèvre, quelques notables de Marans et peut-être de La Rochelle sont bien associés aux entreprises de drainage de telle ou telle abbaye mais leur place reste marginale, à tel point que l’on n’en retrouve aucune trace dans les opérations de réhabilitation conduites au XVe siècle. Ici, l’aménagement hydraulique procède au départ d’un jeu complexe de relations entre les maisons cisterciennes et la petite ou moyenne aristocratie laïque. Par effet d’entraînement et pour remédier aux conséquences induites par le bouleversement de l’écoulement des eaux, d’autres abbayes s’y associent dans le cadre d’ententes plus ou moins larges. Cette dynamique aboutit à exclure de la régulation hydraulique nombre de petits seigneurs et les communautés d’habitants en tant que telles. Fait significatif, aucune institution communautaire d’édification des levées et de gestion de l’eau, comparable aux wateringen de Flandre ou aux levaderies de Provence, ne voit le jour. Une telle situation est d’autant plus porteuse d’oppositions que l’aménagement reste conçu, dans un horizon local, comme une juxtaposition d’enceintes mises en défens.

44Quelle que soit leur importance, les tensions trouvent ainsi leur principale origine dans le compartimentage de la régulation hydraulique hérité de la conquête du XIIIe siècle. Nulle part, il n’y a eu de programme d’ensemble, pour des raisons à la fois techniques et politiques. Les dessicateurs, est-il besoin de le rappeler, ont œuvré sans carte ni plan, instruments dont bénéficieront les entrepreneurs du XVIIe siècle. Quant au cadre politique, il est le plus souvent celui de la seigneurie haut-justicière qui réglemente tant bien que mal et examine les différends lors de ses grandes assises. L’autorité étatique, ducale ou royale, n’intervient que sur le tard, précisément à un moment où elle apparaît comme un recours à des parties incapables de résoudre elles-mêmes les conflits. Elle ne modifie pas pour autant le régime de fonctionnement des marais. Elle se borne à nommer des commissaires, à rappeler les propriétaires à leurs devoirs, à faire exercer sa justice. Signe d’une certaine impuissance, la répétition de ses injonctions a même pour effet de nourrir les contentieux. Que le système repose sur la capacité de chaque détenteur du sol et possesseur de canaux à tenir en bon état sa part de réseau ne permet pas de concilier les intérêts particuliers et le « bien publique du païs ».

  • 75 Y. Suire, Le Marais poitevin…, p. 112-226.

45En consacrant la primauté des sociétés de dessèchement sur les détenteurs des terres et en instituant un pouvoir effectif de ces sociétés sur la régulation hydraulique, l’édit pris par Henri IV en faveur d’Humphrey Bradley, le 8 avril 1599, vient rompre, dans une certaine mesure, cet ordre ancien. Il met un terme à la phase médiévale des conflits de l’eau. Graduellement, aux XVIIe et XVIIIe siècles, est instauré un autre système d’exploitation, de relations sociales, de rapport entre l’autorité publique et les intérêts privés. De nouveaux conflits non moins virulents, parfois même titanesques, éclatent, mais sur d’autres bases75.

Notes

1 S. Ciriacono, « Drainage et contrôle des eaux dans l’Europe du XVIe siècle », Water Control in Western Europe Twelfth-Sixteenth Centuries ; le contrôle des eaux en Europe Occidentale XIIe-XVIe siècles, É. Crouzet-Pavan et J.-C. Maire-Vigueur (éd.), Milan, 1994, p. 139-149.

2 Présentation géographique par F. Verger, Marais et estuaires du littoral français, Paris, 2005, p. 120-233.

3 J.-L. Sarrazin, « Le littoral poitevin (XIe-XIIIe siècles) : conquête et aménagement (1re partie) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 1992, p. 13-31, ici p. 15 et 26.

4 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus de Bordeaux au Moyen Âge », Revue archéologique de Bordeaux, 2001, p. 119-128, ici p. 121 et cartes p. 122-123 ; D. Coquillas, Les rivages de l’estuaire de la Gironde du néolithique au Moyen Âge, thèse de doctorat, université de Bordeaux III, 2001, p. 31, 262-263 ; P. Calmettes, « L’estey et le port en Bordelais à la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) », J. Burnouf et P. Leveau (dir.), Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Paris, 2004, p. 27-34.

5 F. Boutoulle, Le duc et la société. Pouvoirs et groupes sociaux dans la Gascogne bordelaise au XIIe siècle (1075-1199), Bordeaux, 2007, p. 39-40.

6 Bibliographie dans J.-L. Sarrazin, « Les marais salants de la côte atlantique au Moyen Âge : apports récents de la recherche », Ph. Bata, D. Guillemet, J. Péret, J.-R. Soubiran (dir.), Aux rives de l’incertain. Histoire et représentation des marais occidentaux du Moyen Âge à nos jours, Paris, 2002, p. 177-188, et dans J.-Cl. Hocquet, J.-L. Sarrazin (dir.), Le sel de la Baie. Histoire, archéologie, ethnologie des sels atlantiques, Rennes, 2006.

7 S. Lavaud, Saint-Seurin, une grande seigneurie du Bordelais (XIVe-XVe siècle), thèse, Bordeaux III, 1993 ; Ead., « L’emprise foncière de Bordeaux sur sa campagne : l’exemple des bourdieux (XIVe-XVIe siècles) », Annales du Midi, 2000, p. 315-329 ; Ead., « La palu de Bordeaux aux XVe et XVIe siècles », Annales du Midi, 2002, p. 25-44 ; Ead., « Paysage et mise en valeur des palus du Bordelais au Moyen Âge », Archéologie du Midi médiéval, 2005-2006, p. 27-38. Sur l’emprise de Bordeaux : M. Bochaca, La banlieue de Bordeaux. Formation d’une juridiction municipale suburbaine (vers 1250-vers 1550), Paris, 1997, p. 133-158.

8 D. Coquillas, Les rivages de l’estuaire de la Gironde du Néolithique au Moyen Âge…, p. 268-283 ; J.-L. Sarrazin, « Maîtrise de l’eau et société en Marais poitevin (vers 1190-1283) », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 1985, p. 333-354, ici p. 347 ; L. Laporte (coord.), L’estuaire de la Charente de la Protohistoire au Moyen Âge, Paris, 1998, p. 61-64 (étude archéologique d’un parcellaire de marais antérieur à l’an mille).

9 L’importance de ce tournant est soulignée par la plupart des études consacrées aux marais français. L’édit ouvre la voie, dans les décennies suivantes, à la création de sociétés ou de syndicats de marais ; Comte de Dienne, Histoire du dessèchement des lacs et marais en France avant 1789, Paris, 1891, p. 33-37, 420-428 ; Y. Suire, Le Marais poitevin. Une écohistoire du XVIe à l’aube du XXe siècle, La Roche-sur-Yon, 2006, p. 54-59.

10 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay du Xe à la fin du XVIe siècle, Paris-Niort, 1904, P.J. II, IV.

11 Ibid., P.J. V.

12 Ibid., P.J. XX (mention de ces procès-verbaux dans une note d’un officier seigneurial).

13 « Les pertes, les incendies, les destructions ont privé de la presque totalité de leurs archives anciennes les pays qui constituent aujourd’hui la Charente-Maritime », J. Glénisson dans le propos liminaire à l’ouvrage de R. Favreau, La commanderie du Breuil-du-Pas et la guerre de Cent Ans dans la Saintonge méridionale, Jonzac, 1986, p. 5.

14 Abbé L. Delhommeau, « Le sort des archives des diocèses de Luçon et de Maillezais pendant les guerres de Religion », Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée, 1988, p. 63-72.

15 H. Lancelot Voisin, sieur de La Popelinière, La vraye et entière Histoire des troubles et choses mémorables avenues tant en France qu’en Flandres et pays circonvoisins depuis l’an 1562, Bâle, 1572, La Rochelle, 1573.

16 Ibid. : « Plusieurs anciennes personnes se disoient asseuréz de leurs vieux pères que, du temps de leurs ancestres, la grande mer couvrant tout le pays venoit flotter à Luçon… », livre V, fol. 150a.

17 A. Barbot, Histoire de La Rochelle, éd. Denys d’Aussy, Paris-Saintes, 1886, 1889, 1890, Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis, t. XIV, XVII, XVIII, ici t. XVII : « La mer qui aultrefois alloit et portoit ordinairement son flux jusques contre le bourg de Villedoux, l’église d’Esnandes, voire jusqu’à Andilly le Marois, rapportent les vieilles gens et anciens titres desdites seigneuries », p. 27.

18 Médiocre édition de cette chronique essentiellement consacrée aux guerres de Religion par A.D. de La Fontenelle de Vaudoré, Chroniques fontenaisiennes, Archives historiques du Bas-Poitou, t. 1, Fontenay-le-Comte, 1841, p. VII-XXII et 1-214.

19 Par exemple ce passage : « Et ainsi, comme les années ne sont toutes semblables, en vint une en laquelle l’eau croissoit à vue d’œil ; s’assemblèrent, rue des Loges, et avisèrent de secrètement venir rompre les chaussées du Pontreau et bot de l’Anglée, ce qu’ils firent de nuit », ibid., p. 21.

20 « Comme étoit contenu par les pancartes dudit temps, étant ès abbayes de Moureilles, de Saint-Michel-en-l’Herm, de Nioeil-sur l’Autise et de l’Absie en Gâtine », ibid., p. 23. Pour l’entretien du contre-bot, il se réfère à une « visitation de commissaires établis par le roi » de 1442, « comme j’ai vu » précise-t-il., ibid., p. 24.

21 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. XX.

22 Les copies manuscrites de Besly sont rassemblées pour l’essentiel au sein de la collection Dupuy à la BNF.

23 Comte de Dienne, Histoire du dessèchement…

24 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…

25 L. Maître, Le lac de Grandlieu et ses affluents. Histoire, pêche, navigation, dessèchement, Nantes, 1912.

26 L. Papy, La côte Atlantique de la Loire à la Gironde. L’homme et la mer, étude de géographie humaine, Bordeaux, 1941.

27 H. Enjalbert, Les pays aquitains. Le modelé et les sols, Bordeaux, 1960.

28 F. Verger, Marais et wadden du littoral français, Paris, 1968.

29 Ces études s’inscrivent dans les tendances actuelles de la recherche sur les zones humides présentées dans J. Burnouf et P. Leveau (dir.), Fleuves et marais…, notamment dans la « présentation » par les directeurs de l’ouvrage, p. 9-14 et dans la communication d’É. Zadora-Rio, « Aménagements hydrauliques et inférences socio-politiques : étude de cas au Moyen Âge », p. 387-393. Synthèse et bibliographie à l’échelle européenne par J.-L. Abbé, À la conquête des étangs. L’aménagement de l’espace en Languedoc méditerranéen (XIIe-XVe siècle), Toulouse, 2006, p. 39-52. Sur l’Europe du Nord-Ouest, S. Rippon, The Transformation of Coastal Wetlands. Exploitation and Management of Marshland Landscapes in North-West Europe during the Roman and Medieval Periods, Oxford, 2002, en particulier p. 229-259 et, dans le présent volume, la communication de T. Soens.

30 K. Wittfogel, Oriental Despotism. A Comparative Study of Total Power, New Haven, 1957.

31 Y. Suire, Le Marais poitevin…

32 J.-L. Sarrazin, « Les cisterciens de Buzay et l’aménagement des marais de l’estuaire de la Loire au Moyen Âge (XIIe-XVe siècles) », Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 1988, p. 57-79 ; Id., « Les cisterciens et la genèse du Marais poitevin (France) (vers 1180-vers 1250) », L. Pressouyre, P. Benoît (dir.), L’hydraulique monastique. Milieux, réseaux, usages, Paris, 1996, p. 111-119.

33 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. VI.

34 Première mention dans les textes conservés dans un accord entre La Grâce-Dieu et Saint-Léonard-des-Chaumes en date de février 1249 (n. st.), G. Musset, L’abbaye de La Grâce-Dieu, Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis, 1898, doc. no XXIV, p. 162.

35 Description par La Popelinière, La vraye et entière histoire…, livre V, fol. 155v.

36 Le bourrelet de rive que n’arrivent pas toujours à percer les esteys constitue une levée naturelle, F. Boutoulle, « Les seigneurs des eaux. Juridiction et contrôle des cours d’eau dans la Gascogne médiévale », S. Lavaud (coord.), L’eau en Bordelais de l’Antiquité à nos jours, no spécial de la Revue Historique de Bordeaux et du Département de la Gironde, no 9-10, 2006, p. 169-188, ici p. 175.

37 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus de Bordeaux au Moyen Âge », Revue archéologique de Bordeaux, 2001, p. 119-128 ; Ead., « Paysage et mise en valeur des palus du Bordelais… », p. 29-31 ; Ead., « La palu de Bordeaux… », p. 35.

38 Abbé Lacurie, Histoire de l’abbaye de Maillezais, Fontenay-le-Comte, 1862, note (P.J.) LXXXI.

39 F. Boutoulle, « Les seigneurs des eaux… », p. 169-188.

40 J.-L. Sarrazin, « Les moines de Buzay et l’aménagement des marais… », p. 63-66.

41 J.-L. Sarrazin, « Maîtrise de l’eau et société… », p. 342.

42 Ibid., p. 342.

43 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. VI.

44 Ibid., P.J. III.

45 Ibid., P.J. VII et VIII.

46 Ibid., P.J. IX.

47 Récit et références aux documents dans la Chronique d’Antoine Bernard, A.D. de La Fontenelle de Vaudoré, Chroniques fontenaisiennes…, p. 21-24.

48 S. Caucanas, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XVe siècle, Paris, 1995, p. 31.

49 Fr. Menant, Campagnes lombardes du Moyen Âge. L’économie et la société rurales dans la région de Bergame, de Crémone et de Brescia du Xe au XIIIe siècle, Rome, 1993, p. 172-203, 225-230.

50 S. Lavaud, « L’emprise foncière de Bordeaux… », p. 316, 322-325 ; Ead., « Paysage et mise en valeur des palus… », p. 33.

51 H. Denifle, La désolation des églises, monastères et hôpitaux en France pendant la guerre de Cent ans, t. II, La guerre de Cent ans jusqu’à la mort de Charles V (première moitié), Paris, 1899, p. 67, 284, 636, etc.

52 Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, R. Blanchard (éd.), Nantes, 1889-1895, t. V, no 1056, p. 115-116.

53 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, p. 45-58.

54 Ibid., p. 48.

55 G. Musset, L’abbaye de La Grâce-Dieu…, doc. no CII, p. 239-244.

56 J.-L. Sarrazin, « Les fondements sociaux de la création du Marais poitevin au Moyen Âge », Éthique et territoire, La Roche-sur-Yon, 1997, p. 27-39, ici p. 37.

57 Cartulaires et chartes de l’abbaye de l’Absie, B. Ledain (éd.), Archives historiques du Poitou, t. XXV, Poitiers, 1895, no LXXIII ; « Procès entre l’abbaye de l’Absie et l’évêque de Maillezais devant le parlement de Poitiers », R. Lacour (éd.), Archives historiques du Poitou, t. XLVIII, Poitiers, 1934, p. 118-122.

58 R. Favreau, La commanderie du Breuil-du-Pas…, passim ; S. Périsse, Les campagnes littorales saintongeaises à la fin du Moyen Âge (XVe-milieu XVIe siècles), thèse, La Rochelle, 2011, « Les dommages causés lors de la guerre de Cent ans », carte no 2, p. 65.

59 Statuts, chapitres généraux et visites de l’Ordre de Cluny, Dom G. Charvin (éd.), t. III, Paris, 1967, n. 244 ; D. Coquillas, Les rivages de l’estuaire de la Gironde…, p. 321-324.

60 J. Glénisson, « Les biens des Hospitaliers dans le diocèse de Saintes en 1373 », Recueil de la Société d’archéologie et d’histoire de la Charente-Maritime et Groupe de recherches archéologiques de Saintes, t. XXV, 1973, p. 127-135 ; A.-M. Legras, Les commanderies des Templiers et des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem en Saintonge et en Aunis, Paris, 1983, passim.

61 Ibid., p. 165.

62 Ibid., p. 97 ; R. Favreau, La commanderie du Breuil-du-Pas…, p. 22 (et n. 109), 31, 50.

63 S. Périsse, Les campagnes littorales saintongeaises…, p. 115.

64 J.-L. Sarrazin, « Les cisterciens de Buzay et l’aménagement des marais… », p. 73.

65 Ibid., p. 74.

66 Ibid., p. 74-75 et P.J. p. 77-79.

67 « Procès… », p. 118-122.

68 J.-L. Sarrazin, « Maillezais et la mise en valeur des marais au Moyen Âge », C. Treffort et M. Tranchant (dir.), L’abbaye de Maillezais des moines du marais aux soldats huguenots, Rennes, 2005, p. 365-379, ici p. 377.

69 A.D. Vienne, H3, 859 ; É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise et du Lay…, P.J. XI.

70 « Instruction concernant le canal de Luçon », imprimé de 1688, A.D. Vendée, J 191.

71 Médiathèque régionale de Niort, fonds La Fontenelle de Vaudoré, carton 153, 31, cahier de 9 fol., daté de 1606 et copié d’un original du 6 février 1537 (n. st.).

72 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus du Bordelais… », p. 34.

73 É. Clouzot, Les marais de la Sèvre niortaise…, p. 149-150 et p. 154.

74 S. Lavaud, « Paysage et mise en valeur des palus du Bordelais… », p. 34.

75 Y. Suire, Le Marais poitevin…, p. 112-226.

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Légende L’espace d’un conflit de l’eau en Marais poitevin au début des années 1280
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