Les dissidents religieux dans la société villageoise languedocienne à la fin du xiiie et au début du xive siècle
p. 201-216
Texte intégral
1Le Languedoc du XIIIe siècle est identifié comme une terre d’hérésie. Et si l’on veut bien étendre le XIIIe siècle au premier quart du XIVe, la juste célébrité de Montaillou le désigne pour une étude de la dissidence au village, même si le petit village de la montagne ariégeoise qu’est Montaillou ne ressemble guère aux gros villages castraux de la plaine bas-languedocienne.
2Assurément, les registres d’Inquisition conservés, même s’ils ne sont qu’une infime partie des registres et autres documents que l’activité de ce tribunal a engendrés, offrent une source de premier plan pour l’étude de l’hérésie. Là encore, les registres de Jacques Fournier, desquels Emmmanuel Le Roy Ladurie a extrait les données qu’il a recomposées pour écrire Montaillou1, focalisent l’attention, d’autant que nous avons disposé dès 1965 de la transcription qu’en a faite Jean Duvernoy2. Mais les ressources sont multiples, à commencer par le fonds Doat de la Bibliothèque Nationale, dont 16 livres transcrivent des sources inquisitoriales3. L’édition en a commencé avec les travaux de Célestin Douais à la fin du XIXe siècle4. Elle s’est poursuivie5 jusqu’à ce que Jean Duvernoy mette en ligne ses nombreuses transcriptions6, parfois assorties d’index ou d’une traduction française et souvent d’une introduction. Peu de dossiers historiques bénéficient d’une mise à disposition aussi ample et aussi généreuse.
3Cette facilité d’accès est complétée par l’abondance historiographique. Peu de sujets ont autant inspiré les médiévistes – et les autres – que le thème de la dissidence languedocienne, surtout le catharisme. Le thème précis de la dissidence religieuse au village a été traité par Jacques Paul dans les Cahiers de Fanjeaux et c’est la matière même de l’étude conduite par Mark Gregory Pegg à partir du manuscrit 609 de la Bibliothèque Municipale de Toulouse7. Fallait-il le reprendre au risque d’en appauvrir le traitement dans le format succinct d’un article ? La nouveauté vient de l’occasion de présenter les travaux encore inédits de Danielle Laurendeau, qui a consacré sa thèse à reprendre certains dossiers du registre de Jacques Fournier8 et de les associer aux données que d’autres historiens ont rassemblées à partir d’autres registres. Si les registres sont accessibles, les pièges qu’ils tendent à l’historien ont constamment suscité des renouvellements historiographiques.
4Les documents émanent de l’inquisition toulousaine et carcassonnaise9. Les premiers interrogatoires, qui semblent bâtis sur le mis en place par Frère Ferrier, sont rapportés en termes brefs. Il s’agit de faire avouer par chaque déposant s’il a adoré les « bons hommes » et de lui faire indiquer la date et le lieu de chaque rencontre et le nom des participants. À partir des années 1270, les dépositions s’allongent des informations demandées aux suspects et obtenues d’eux10. Parmi les interrogatoires, ceux qui concernent la haute Ariège sont particulièrement diserts et offrent à l’étude de l’hérésie au village une multitude de détails narratifs, mais le tableau qu’ils offrent est tardif : 1308-1309 pour Geoffroy d’Ablis, 1318-1325 pour Jacques Fournier, et limité à une zone assez particulière, plutôt montagnarde, du Languedoc.
5L’ampleur du dossier textuel ne doit pas cacher ses faiblesses et ses risques. Aucun des procès n’est complet ; des registres ont disparu. Ainsi au registre du greffier de Carcassonne, il manque un volume sur deux11. Pour l’enquête de Jean de Saint-Pierre et de Bernard de Caux, seuls sont conservés les procès-verbaux de deux archidiaconés. Même le manuscrit 4030 des Archives Vaticanes, celui de Jacques Fournier, n’est qu’un de trois volumes originaux.
6Il y a plus grave que le caractère incomplet de la source. De nombreux auteurs ont récemment attiré l’attention sur plusieurs risques qu’encourait une étude de l’hérésie et des hérétiques à partir des sources inquisitoriales. On sait désormais, après la parution d’Inventer l’hérésie12, la part de la construction ecclésiastique de l’hérésie. Comme le résume Monique Zerner, « il y a hérésie là où l’Église veut la faire exister ». La parution de Montaillou, village occitan a suscité un ensemble de critiques mettant en évidence l’effet de réalité, qui banalise une parole en fait arrachée aux déposants. Danielle Laurendeau, dans les soixante premières pages de sa récente thèse, présente le développement de cette historiographie critique, plus ou moins directement liée à l’ouvrage d’Emmanuel Le Roy Ladurie ou à des travaux fondés sur des textes émanant de l’Inquisition. Dans une masse bibliographique imposante, je retiendrai, de manière sans nul doute arbitraire, les réflexions pionnières de Jean-Marie Vidal13, les travaux de James Given14, de John Arnold15, de Mathias Benad16, et plus récemment la reprise de l’analyse critique des registres de Jacques Fournier par Jean-Pierre Alibert17. L’intérêt des témoignages transcrits dans les registres d’Inquisition résiste-t-il au fait que, comme d’ailleurs tous les procès-verbaux médiévaux, ils ont été exprimés oralement en langue vernaculaire et sont conservés en latin ? Jean Louis Biget soutient qu’il est possible d’y retrouver parfois « l’écho des confessions initiales et l’expression fugitive de l’être social ou de la personnalité de leurs auteurs18 ». Julien Théry défend aussi cette position dans sa thèse, tout en montrant les contraintes de la procédure : « Malgré les filtres déformants de la traduction en latin et de la mise en écrit, les actes du procès permettent […] l’étude d’une prise de parole19. »
7Outre le parasitage multiforme qu’introduit la transcription des témoignages par le tribunal inquisitorial et le carcan de la procédure elle-même, se pose aussi le problème des stratégies de défense des accusés, de ce qu’ils taisent ou transforment. Danielle Laurendeau, qui en a fait le thème central de sa thèse, résume les enjeux de l’interrogatoire du côté des déposants et de leur résistance, leurs comportements étant de « taire, éviter, amadouer, laisser croire, mentir, protéger ou incriminer ». Notamment, malgré l’ampleur chronologique de nombreux témoignages qui remontent bien en amont du moment des interrogatoires, la situation décrite est toujours marquée par la présence traumatique des inquisiteurs.
Une dissidence minoritaire
8S’il est difficile de savoir le poids de toutes les croyances et de tous les comportements qui sont considérés comme hérésie ou signe d’hérésie par l’Église avant que ne soient créés les tribunaux inquisitoriaux et que ne soient conservés les registres de certains d’entre eux, on peut affirmer qu’au milieu du XIIIe siècle, la dissidence demeure très minoritaire. Dans cette forteresse de l’hérésie qu’est le Lauragais, en 1245-1246 l’enquête de Bernard de Caux et de Jean de Saint-Pierre est conservée pour près de 200 localités et plus de 5 000 personnes. Au total : 200 condamnations, dont une vingtaine seulement à la prison et tout le reste à des peines mineures. L’abjuration exigée de tous ceux qui ont comparu ne signifie pas du tout qu’ils sont considérés comme hérétiques. Elle a un but préventif : les rendre relaps s’ils reviennent à l’hérésie. L’image donnée par Montaillou, où tout le monde, malgré une forte structuration en clans rivaux, toucherait de près ou de loin à la religion des « bons hommes », est trompeuse. Suivant les lieux, aussi bien villes que bourgades ou villages, c’est en général entre 5 et 10 % de la population qu’on peut raisonnablement considérer comme clairement dissidente.
Spécificités urbaines et villageoises de la dissidence religieuse
9Traiter de la dissidence au village suggère une étude comparée des dissidences urbaines et villageoises. Au temps où Jacques Fournier sévit dans le diocèse de Pamiers, la répression s’abat aussi sur la dissidence des spirituels. La différence de localisation est frappante : le mouvement des spirituels est alors un phénomène presque exclusivement urbain, tandis qu’au même moment, le catharisme est une relique, survivant pour une bonne part dans des zones marginales et abritées. Dans les dernières années du XIIIe siècle, le catharisme n’a certes pas disparu des villes languedociennes, réactivé qu’il est par les révoltes contre les tribunaux d’Inquisition, « dernière flambée du catharisme urbain20 » comme à Carcassonne21 ou à Albi22. Quelques centaines de croyants à Albi pour environ 10 000 habitants, une grosse centaine au même moment à Carcassonne. Tels que les registres d’Inquisition les révèlent et que les documents permettent de les situer socialement, ces « croyants » sont membres des élites urbaines ou appartiennent au milieu des artisans modestes. Leur ralliement à la royauté et aux ordres mendiants est un peu postérieur à ce qu’il est dans les grandes villes comme Toulouse. Et le catharisme est dans une situation de repli.
10La dissidence « moderne », celle des spirituels, n’a guère pénétré dans les campagnes. Comme le montrent les interrogatoires, les centres en sont tous urbains, même si la collégiale de Sérignan, village où était né Pierre Jean Olivi devient un pôle de ferveur. Les fidèles des spirituels ne semblent pas même avoir de proches racines villageoises, du moins ceux qui ont été pourchassés par l’Inquisition et que nous connaissons à ce titre. L’appendice du livre de Louisa Burnham So great a light, so great a smoke23 livre les noms d’une centaine de victimes des bûchers entre mai 1318 et septembre 1329. Quelques-uns portent les noms de villages languedociens : ainsi deux parmi les quatre béguins du bûcher de Pézenas, le 21 septembre 1321, Raimond Fornerii de Florensac et Jean de Mèze24. Mais compte tenu des pratiques anthroponymiques languedociennes, rien ne permet de conclure qu’il s’agit de villageois qui viennent de s’installer à la ville. En outre, beaucoup portent le nom d’une ville.
11L’intense urbanisation, que connaît la région au cours du XIIIe siècle, et le changement rapide et profond qu’entraîne, dans l’encadrement religieux, le quadrillage de la région par les couvents des ordres mendiants, peuvent expliquer la spécificité urbaine du mouvement des spirituels et la différence qui s’accentue, entre villes et villages, dans le comportement religieux. On aurait pu penser, à l’inverse, que l’intense brassage que connaît la région, notamment par l’émigration vers les villes, aurait établi un comportement plus homogène. De fait, entre villes et villages, toute une dense série de bourgades constitue autant de relais économiques et culturels de la ville25 ; l’urbanité y a pénétré, mais l’ont-elles diffusée autour d’elles ?
12Si le niveau d’urbanisation joue un rôle essentiel dans la répartition de la dissidence spirituelle, il n’est toutefois pas le seul facteur à prendre en compte. Son inégale importance est peut-être aussi affaire régionale, voire locale. La religion des « bons hommes » est encore fortement présente à Albi, à Castres, à Carcassonne ou à Limoux à la fin du XIIIe siècle. Mais à Montauban, au milieu du siècle, on compte deux fois plus de vaudois que de partisans des « bons hommes26 ». À Narbonne, cette religion-ci n’a jamais été puissante et à Béziers, malgré tout ce qui a pu être écrit, sans doute non plus, ainsi que Jean Louis Biget vient de le montrer27. Les chemins divers de la dissidence ne se résument pas à une opposition ville/village.
Multiple Languedoc, multiple dissidence
13Des abords de Toulouse au Rhône, le Languedoc est une terre vaste et multiple. Observer la dissidence villageoise dans la seule partie centrale, du Lauragais au Biterrois, est déjà rendre compte d’une situation disparate. Ce cadre restreint élimine la partie orientale du Bas-Languedoc, probablement restée hors du champ de l’hérésie des « bons hommes » – ou de l’Inquisition – au XIIIe siècle, et la région occidentale où le poids de Toulouse imprime de fortes spécificités. Tout en rappelant que nulle part la dissidence n’y est majoritaire, on peut considérer tout l’ouest du Bas-Languedoc comme un espace de dissidence, ou du moins un espace où elle est partout présente, mais sous des formes bien différentes selon les temps et les lieux.
Aux marges orientales : des villages biterrois où l’hérésie est rare
14Le Biterrois apparaît comme l’extrémité orientale de la zone de dissidence, tandis qu’un peu plus à l’ouest, le Minervois connaît une sorte de situation intermédiaire, menant vers un Carcassès plus « infecté ». Ici les villages ne connaissent qu’une présence sporadique d’hérétiques. L’hérésie ne touche qu’une infime minorité et les attitudes à son égard sont dominées par les données politiques, essentiellement l’attitude à l’égard de la croisade et du roi de France : des « faidits » plus que des hérétiques. Aucun document de l’Inquisition n’y est conservé ; seule subsiste une documentation très sèche dont l’objet n’est pas la manifestation de l’hérésie, mais les demandes de restitution de biens confisqués par le roi ou les réparations des exactions commises par les premiers administrateurs royaux. Les « doléances » de la viguerie de Béziers aux enquêteurs royaux, celles de 1247 comme celles de 126028, renvoient l’image d’une présence très faible d’hérétiques dans l’ensemble des villages : au total une vingtaine, identifiés par la saisie de leurs biens, le seigneur ou au contraire le censitaire réclamant justice. Au fil des demandes de restitution, les mentions se recoupent assez souvent, gage d’une relative cohérence de l’information.
15De cette zone dont il décrit la traversée par les armées des croisés avant le siège de Béziers, Pierre des Vaux de Cernay ne voit rien qui mérite d’être conté avant l’arrivée devant Béziers29. Toutefois, décrivant auparavant le voyage de Diego d’Osma et des moines qui l’accompagnaient, au retour de Montpellier, Pierre signale, dans un passage maintes fois commenté, qu’ils passèrent par Servian, où ils « découvrirent » deux hérésiarques, dont l’un au moins, étranger à la région, venait de France. Ils y restèrent huit jours à discuter et « retournèrent, par leurs salutaires monitions, toute la population de la ville contre les hérétiques susdits30 ». Cette brève mention est comme un écho aux vers de la Chanson : « Aussi tous ses chevaliers et même les vavasseurs hébergeaient-ils des hérétiques soit dans leurs châteaux, soit dans leurs tours31 » ; « tous » n’est certainement pas adapté aux villages biterrois, mais le point commun avec la Chanson est l’initiative seigneuriale et la relative passivité des habitants des villages.
16L’hérésie semble surtout diffusée parmi les nobles : ils constituent presque la moitié des hérétiques connus. Il s’agit de recouvrer des biens : cette surreprésentation s’explique. Mais elle ne doit pas être fausse car elle n’est pas spécifique à cette région. Sur les 129 croyants cathares connus à Puylaurens entre 1200 et 1240, non pas par leurs biens mais pour leur appartenance à l’hérésie, 100 appartiennent à la petite noblesse. Jean Louis Biget commente ainsi cet exemple qu’il cite : « Il semble que le catharisme soit pour la chevalerie des bourgs un moyen d’affirmer et de cultiver sa différence face aux autres groupes de la société32. » Toutefois, l’hérésie dans les villages biterrois reste faible et dispersée. Aucun village ne peut apparaître comme un foyer à partir duquel rayonnerait la dissidence. Dans un castrum, jamais plus d’un chevalier n’est indiqué comme ayant souffert d’une confiscation pour hérésie.
17Même Servian peut difficilement passer pour un foyer d’hérésie, même si dans son acte d’abjuration, en 1210, Étienne, son seigneur, reconnaît avoir permis de tenir école d’hérésie et de prêcher publiquement à Théodoric, Baudoin, B. de Simorre et à d’autres33. Il est probable que la croyance dans la religion des « bons hommes » est venue par la femme d’Étienne, Navarre, qui aurait appartenu à la famille des seigneurs de Laurac, lieu éponyme du Lauragais34, ou du moins qu’elle s’est confortée de cette union. La contagion est peut-être une greffe d’origine assez lointaine, aristocratique. Étienne est aussi le neveu de Guilhem de Montpellier et sa famille, dans son ample aire matrimoniale, est un pont entre les deux Languedoc, celui qui n’a guère connu la dissidence et celui où elle s’est développée.
18Il pourrait paraître surprenant que l’hérésie soit si peu présente dans les villages, alors que Béziers est décrite comme une citadelle de l’hérésie, mais si Béziers est plus vaudoise que cathare, l’anomalie disparaît35.
19L’activité inquisitoriale confirme-t-elle que les villages biterrois n’ont pas été terre d’élection des tribunaux ? Les Doléances évoquent la mission de Frère Ferrier, contre lequel le bourg de Narbonne se déchaîna (1234-1236) ; il succéda à Guillaume Arnaud après le massacre d’Avignonet et se fit une terrible réputation au tribunal de Carcassonne lorsqu’il enquêta aussi bien à Caunes et à Saissac qu’à Limoux36. Il est présenté dans les Doléances comme l’homme qui sauve des griffes des administrateurs royaux. Argument de plaidoirie ? Après l’émeute du bourg de Narbonne, il y eut une réconciliation, apparente du moins, et les Narbonnais le choisirent même pour les aider dans un procès qui les opposait aux Biterrois à la cour du sénéchal en 1262. Le temps où il est prieur du couvent des Prêcheurs de Béziers ne semble pas avoir laissé de terribles souvenirs37.
Le Lauragais au milieu du XIIIe siècle : avant et après l’Inquisition
20Tel que le manuscrit 609 de la Bibliothèque Municipale de Toulouse le révèle, le Lauragais présente une tout autre situation dans les années 1245-1246. Ce document d’une densité exceptionnelle a été étudié par Mark Gregory Pegg et c’est de son livre que je suis partie pour décrire en quoi l’Inquisition a complètement changé la situation des hérétiques villageois38.
21Le registre 609 est constitué de deux volumes, sur les dix qu’on estime avoir été produits par la gigantesque enquête menée en Lauragais par Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre. Il s’agit d’une copie, des environs de 1260, soit de très peu après la fin de l’enquête, elle-même très peu postérieure à celle que mena Frère Ferrier et un peu antérieure à celle qui est conservée dans le registre du greffier de Carcassonne39. Il concerne 39 communes à l’ouest de Carcassonne.
22Les « témoins » ont été déférés et entendus à Toulouse pendant un peu plus de 200 jours. L’enquête fut donc courte et très intense. Plus de 5 000 personnes sont entendues dans ce qui subsiste de l’enquête. Jean Duvernoy estime que 20 000 habitants du Lauragais ont dû être déplacés pour la totalité de l’enquête. Pour le seul lieu de Mas-Saintes-Puelles, plus de 400 dépositions ont été entendues pas les inquisiteurs40.
23Le registre présente un immense intérêt : la date fait que les souvenirs s’échelonnent de part et d’autre de la conquête et avant et après l’établissement de l’Inquisition. Les inquisiteurs, qui sont aux aguets de l’hérésie, et non des questions de faidiments, s’intéressent peu aux allusions à la croisade et aux expéditions militaires ; ils ne s’attachent pas à les faire préciser. Mais les témoins ne manquent pas de mentionner la date à laquelle se sont produits les événements qu’ils évoquent. Leurs repères sont essentiellement « avant l’arrivée des croisés41 » et avant la paix (ante pacem). Les vingt et un ans de guerre sont donc mentionnés par leur début et leur fin et sinon indistinctement désignés comme temporis guerrae. Des jeunes interrogés n’ont pas connu l’« avant ».
24Il se dégage de ces témoignages l’immense changement entre l’avant et l’après. Le cadre oppressant du castrum, déjà remarqué par Emmanuel Le Roy Ladurie à Montaillou, et son impossible intimité rend constante la menace de l’Inquisition et des dénonciations. Auparavant, jusque vers 1230, les réunions pour entendre les hérétiques étaient publiques ; publiques aussi les discussions animées. Pour une question de taille de l’assistance, elles se tenaient surtout dans des maisons de chevaliers. Quarante, vingt, onze personnes s’y retrouvaient, selon les cas rapportés. Ainsi, il y eut en 1208 un débat sur la place de Laurac ; les prévenus citent également la venue d’Isarn de Castres, mais aussi celle du vaudois B. Prim. Au sud de Carcassonne, dans la zone éclairée par le registre du greffier de Carcassonne, Jacques Paul fait une remarque voisine : avant l’établissement de l’Inquisition, c’est dans la chapelle du castrum de Leuc que les hérétiques prêchaient42.
25Cette routine villageoise s’estompe et disparaît à partir de 1230. Un écolier de Mireval, en 1242, n’a à raconter à ce sujet qu’une conversation sur l’eucharistie, entendue entre deux hommes devant l’hôpital de Laurac43. Dans le registre du greffier de Carcassonne, les auditoires sont désormais maigres, les parfaits ne viennent plus que dans une maison et l’on n’y voit guère plus que les membres de la famille.
26La sociabilité était assez différente pour les femmes : sur les 218 prévenues, reconnues comme des bonae feminae, seules onze ont prêché et le plus souvent à l’intérieur, devant des femmes. Leur activité ne s’étalait pas ouvertement et publiquement. Ce n’est sans doute pas propre aux milieux hérétiques, mais conforme aux usages de la société méridionale où les femmes n’ont pas de présence publique.
27Mark Gregory Pegg souligne aussi les usages de courtoisie lors des rencontres avec les hérétiques dans le village : on demande leur bénédiction, le melioramentum, ce que les inquisiteurs ne comprennent pas ; ils appellent cette salutation respectueuse « adoration ». Lors de conflits, les « bons hommes » étaient consultés et savaient rétablir la concorde. Ainsi B. Mir Arezat, seigneur de Saint-Martin-Lalande, rappelle à propos l’intervention du bon ome Raimond Bernard dans un conflit pour dette qui l’opposait, lui, le seigneur du lieu, à deux chevaliers44. Une coexistence sans agressivité caractérisait le pays. Par exemple, Pierre Simon de Castelnaudary rapporte que l’abbé de Saint-Papoul avait engagé une bible à son frère Guillaume Simon pour 100 sous toulousains. Ledit frère, Guillaume, se fit hérétique et s’installa à Laurac. Il emporta la Bible et la lisait. Lorsque l’abbé voulut récupérer sa bible, il eut la surprise de constater que ledit Guillaume l’avait gardée et non échangée contre argent45. Le contrat était respecté.
28Puis vinrent les inquisiteurs. On organisa la défense. Le bayle Guillaume Gras, rappelle un habitant de Montauriol, rassembla la population et leur donna le conseil de ne rien dire à Frère Ferrier dont la venue était annoncée46. De fait, ils ne dirent rien au terrible frère. Ailleurs, les seigneurs prirent la tête de la résistance. Quand Guillaume Arnaud vint à Saint-Félix, les seigneurs des Cassès rassemblèrent les hommes et leur dirent qu’il fallait mentir. Le contrôle collectif fonctionna aussi : un habitant du Mas-Saintes-Puelles, où l’hérésie était intensément installée, B. Cogota, alla dénoncer le village à Bernard Arnault, quelques années plus tôt. D’abord ignorée, cette dénonciation fut ensuite rapportée au seigneur par un croyant. Le dit Cogota fut contraint de quitter le village47.
29La peur était partout. Peire de Mazeroles, seigneur de Gaja, décrit cette impression de catastrophe imminente lorsque l’un des habitants de Gaja meurt condamné au bûcher. On « sait » qu’il a parlé48. La conversion d’un bon homme engendre une angoisse terrible. La « transparence » du village est devenue un danger. Pourtant, subsiste encore beaucoup de naïveté vantarde. Quatre habitants d’Auriac sont allés déposer sous de faux noms : Pierre Arnaut s’est présenté comme Peire Gitbert et ainsi de suite49. Tous quatre se moquent ouvertement d’avoir trompé B. de Caux. Ils sont rappelés peu après par les inquisiteurs.
30Dans la première période, les témoignages évoquent les croyances hérétiques de manière floue ; il ne s’agit pas seulement d’un argument pour se défendre. Pas de dualisme systématique, une foi assez syncrétique50 et beaucoup d’hésitations. On cherche l’assurance du salut par tous les moyens. Un marchand issu d’un petit village, Pons de Gibel, l’avait quitté pour Narbonne51. Il était « croyant », comme disent les témoignages, c’est-à-dire fidèle des « bons hommes ». Mais les « bons hommes » de Narbonne ne lui convinrent pas : leurs usages n’étaient pas tout à fait identiques à sa pratique. Il décida donc d’être enterré dans le cimetière du monastère cistercien de Boulbonne, de l’autre côté de l’Hers par rapport à son village natal. D’une manière générale, les familles se montrent très tolérantes dans la voie choisie pour le salut, même s’il existe quelques cimetières pour les bons omes, comme celui de Montesquieu attesté pour 120652, qui laissent penser à la volonté de séparation des croyants et des autres après la mort.
31Enjolivé car passé ? Au fil des témoignages, le temps d’avant l’Inquisition paraît assurément bien meilleur aux villageois.
32L’intégration calme des « bons hommes » est désormais remplacée par des habitudes péripatéticiennes, en Lauragais aussi bien qu’en Carcassès. Mais ce que les parfaits ont perdu en intimité avec le village, ils le gagnent en connaissance du pays qu’ils parcourent. Avec quelle régularité ? Il n’est pas facile de faire le décompte exact des passages des parfaits dans un village, ou plutôt dans une maison, puisque leur venue se fait désormais ainsi, secrètement. Une maison ; parfois quelques maisons dans les villages qui leur sont plus acquis, comme à Couffoulens, près de Carcassonne. Jacques Paul dénombre pour ces maisons de fidèles, deux visites en trois ans au hameau de Cornèze, une par an à Cavanac, qui joue un rôle plus central. Une étape dans une tournée plus générale, l’administration du consolamentum à un malade, ou assurer le ministère spirituel auprès de leurs amis, telles sont les trois raisons que Jacques Paul voit à leurs passages53.
33Il y a bien un avant et un après l’Inquisition pour les villageois hérétiques.
La défense des villageois
34Le dernier exemple correspond à une troisième et rare situation : un village sur lequel s’abat non pas une enquête très vaste et rapide, mais au fond faiblement investigatrice, à la manière de ce qu’ont fait cinquante ans plus tôt Ferrier ou Jean de Saint-Pierre et Bernard de Caux, mais la célèbre insistance de Jacques Fournier. Un village largement gagné à l’hérésie, sous la houlette de son non moins célèbre curé, Pierre Clergue : Montaillou.
35C’est à ce dossier que Danielle Laurendeau s’est attaquée54, en suivant un premier précepte méthodologique énoncé et pratiqué par Carlo Guinzburg : ne pas chercher dans les procès les règles canoniques des tribunaux d’Inquisition, car le risque est quasi inévitable de les voir comme une machine bien rodée. Elle s’intéresse à la lutte quotidienne entre le juge et les suspects, comme l’ont fait avant elle James Given, Jean-Louis Biget ou Julien Théry. Dans ce dessein, il faut suivre l’activité du tribunal au jour le jour. L’inquisiteur a une vision globale et non pas strictement par suspect. Mais cette vision évolue au fil des auditions : il entend en règle générale, par jour, un ou deux suspects et deux ou trois témoins. Danielle Laurendeau a donc décortiqué chaque dossier pour établir ce que le juge sait à chaque interrogatoire et ce que les témoins ou suspects savent ou croient qu’il sait. C’est en fonction de ce savoir qu’il convient de comprendre la construction de leur défense55.
36Elle choisit comme exemple l’affaire Clergue et s’interroge sur son évolution et son rythme : pourquoi leurs 32 délateurs ont-ils choisi (est-ce un choix ? se demande-t-elle) de dénoncer les Clergue à tel ou tel moment de leur propre procès56 ? En suivant cette méthode, la stratégie de la famille Guilabert, qui paraît un échec total, n’est plus une suite d’aveux maladroits57. Jean Guilabert a épousé une fille Fort, Alamanda dont la nièce, fille de son frère Guillaume, a épousé Raimond Clergue : les Guilabert, les Fort et les Clergue sont alliés. Lorsque Bernard Benet se présente au tribunal de Carcassonne les 13 et 14 mars 1321, il rapporte l’hérétication de Guillaume Guilabert, fils de Jean, qui a eu lieu plus de dix ans auparavant et cite comme y étant présents : Alamande Guilabert (la mère), les deux sœurs de Guillaume (Guillemette Clément et Alazaïs Faure) et leurs maris. Il dit d’abord ne pas avoir été lui-même présent, puis reconnaît l’inverse le lendemain.
37Cette démarche en entraîne d’autres : cinq Montalionais se présentent « spontanément » au tribunal de Pamiers, quelques jours plus tard. Le même Bernard Benet, Alazaïs et Arnaud Faure, Alamande Guilabert, Guillaume Authié avouent qu’ils avaient assisté à l’hérétication de Guillaume Guilabert. En revanche, ceux qui étaient présents, mais n’avaient pas été dénoncés, ne se sont pas présentés. Parents et enfants se sont protégé les uns les autres ; mari et femme. Tous ont agi en fonction de deux objectifs : éviter, en se dénonçant, les peines les plus lourdes et surtout cacher la présence de ceux pour qui c’était le plus dangereux. Ils commencèrent donc par taire la présence de Guillaume Fort parce qu’il était relaps.
38Mais Guillaume Fort finit par avouer. Savait-il à quel point cet aveu était grave ? Si Jean Duvernoy en doute, pas Danielle Laurendeau. Il est vrai que le sermon général du 2 août 1321 est désastreux pour eux : les deux filles sont condamnées au mur strict, les deux gendres au mur et G. Fort est brûlé. Est-ce un échec total ? En fait non, répond Danielle Laurendeau, le père, Jean, est resté hors de cause et il a racheté au fur et à mesure les biens de la famille.
39Comment les Guilabert ont-ils été mis au courant et ont-ils pu aller « spontanément » se dénoncer à Pamiers ? Par le très vaste réseau de leur parentèle : Raimond Clergue ayant épousé une fille Fort, il cherche à protéger sa belle-famille contre les intrigues de ses propres frères. Bernard Clergue a certes lancé un processus d’autodestruction lorsqu’il a convaincu Bernard Benet d’aller dénoncer les Guilabert, lesquels ont à leur tour porté une trentaine d’accusations contre des membres de la famille Clergue. Mais parallèlement à ce qui paraît un activisme suicidaire, les Guilabert ont tous procédé selon la même hiérarchie des risques. Ils ont avoué ce qui est déjà connu, puis ils ont avoué ce qu’ils savaient être le moins grave. Personne n’a tout avoué58. En ce qui concerne les dénonciations concernant les Clergue, les Guilabert ont hésité ; ils savent que les mentionner est dangereux tant ils ont de liens avec les autres, mais ils savent aussi que Jacques Fournier a tellement envie d’apprendre à leur propos, qu’ils tiennent là un moyen de l’amadouer.
40Avec la même confiance en eux que les bourgeois d’Albi ou Bernard Délicieux, les Clergue ont pensé s’en sortir et profiter de l’enquête. Les autres, les humbles, savaient à l’inverse qu’ils n’y parviendraient pas. Ils sont résignés, mais ne capitulent pas : ils essayent de limiter la casse. Ils se préparent donc à comparaître.
***
41À partir de ces trois exemples, échelonnés dans le temps et répartis dans l’espace, avons-nous vu les dissidents religieux languedociens dans la société villageoise ? Pas vraiment ; plutôt la société villageoise lorsque survient l’Inquisition. Avant 1230, même aux premiers temps de la conquête, on peut à peine dessiner une histoire des villageois aux prises avec la dissidence de certains d’entre eux. Peut-être cherchent-ils surtout à s’arranger au mieux pour assurer leur salut et celui de leurs proches. Dans le Biterrois où l’hérésie demeure peu développée, la conquête royale, les confiscations de seigneuries et l’arrivée de nouveaux seigneurs créent de durables tensions, entre villages et au sein de chaque société villageoise, où s’articulent les intérêts des seigneurs, des chevaliers, de l’élite villageoise et des humbles. Plus ou moins vite, ce sont la présence puissante des administrateurs royaux et la croissance économique qui vont rebattre les cartes. L’hérésie et l’inquisition ne sont pas les seuls facteurs des nouveaux comportements.
42Ailleurs et un peu plus tard, les registres d’inquisition révèlent des périodes aiguës, somme toute brèves, où il s’agit de laisser passer l’orage, dans une procédure assez collective, souvent orchestrée par les seigneurs ou leurs bayles. Les hérétiques demeurent minoritaires dans le village, même aux temps où ils furent les plus nombreux. On les respecte, on les apprécie, mais leur marque sur la société paraît faible, d’autant que pour une bonne part, par exemple pour la place des bonae feminae, bien plus repliées sur leurs maisons qu’on ne le pense parfois, les hérétiques ne proposent pas un modèle social de rupture pour les crezens.
43Au fil de la peur engendrée par l’Inquisition, mais aussi de tout un contexte de « modernité » économique et culturelle59, la proportion des hérétiques recule. Une maison dans les petits villages, quelques maisons, pour les plus gros, abritent désormais des familles de croyants où s’arrêtent parfois, dans le secret, quelques parfaits pour une brève étape. Pour la plupart, la strate supérieure de la société où se recrutaient nombre de croyants, y compris les familles nobles qui subsistent, la page du catharisme semble rapidement tournée. Reste celle des spirituels.
44Néanmoins quelques villages, que la prédication des Mendiants et les enquêtes inquisitoriales précédentes ont épargnés, subissent l’insistance implacable d’inquisiteurs au premier rang de laquelle se détache Jacques Fournier. Enquête très profonde, jusque dans des campagnes reculées. C’est à la fois l’occasion de découvrir les résistances que structurent les parentèles, mais aussi de constater la « mise en ordre » de toute la société : désormais en même temps que sont traquées toutes les « erreurs », y compris celles de la « religion populaire », et que sont contrôlées les consciences, les contre-pouvoirs locaux sont réduits et les dîmes payées.
Notes de bas de page
1 E. Le Roy Ladurie, Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324, Paris, 1975.
2 Le registre d’Inquisition de Jacques Fournier, évêque de Pamiers (1318-1325), J. Duvernoy (éd.), Toulouse, 1965.
3 Livres XXI à XXXVI.
4 Documents pour servir à l’histoire de l’Inquisition dans le Languedoc, publiés pour la Société de l’histoire de France, Paris, 1900.
5 Notamment par l’édition du registre de Geoffroy d’Ablis : A. Palès-Gobillard, L’inquisiteur Geoffroy d’Ablis et les cathares du comté de Foix, Paris, 1984.
6 http://jean.duvernoy.free.fr/
7 J. Paul, « L’hérésie au village dans le diocèse de Carcassonne, au milieu du XIIIe siècle », L’église au village. Lieux, formes et enjeux des pratiques religieuses, Cahiers de Fanjeaux no 40, Toulouse, 2006. M. G. Pegg, The Corruption of Angels. The Great Inquisition of 1245-46, Princeton-Oxford, 2001.
8 D. Laurendeau, « Cet évêque fait sortir la vérité, même si cela ne plaît pas à ceux qui la disent ». Faire parler et savoir taire au tribunal d’Inquisition de Pamiers, thèse, université du Québec à Montréal (UQAM) et université de Paris 1, 2008. Je lui dois beaucoup, mais elle n’est nullement responsable de ce que j’ai pu écrire de discutable dans cet article.
9 Ainsi, c’est en tant qu’évêque de Pamiers que Jacques Fournier a enquêté, mais même si son action procède de sa volonté expresse, nul doute qu’elle ne s’exerce, selon la procédure prévue par le concile de Vienne et le décret Multorum querela, après les crises survenues entre l’Inquisition et les évêques, avec l’accord de l’inquisiteur de Carcassonne. Il est d’ailleurs présent à la séance de clôture des procès instruits par Jacques Fournier et son assistant, le dominicain Gailhard de Pomiès. La sentence est rendue sous la responsabilité conjointe de l’évêque et de l’inquisiteur. Sur les crises de l’Inquisition et la mise en place du droit inquisitorial, voir Y. Dossat, Les crises de l’Inquisition toulousaine au XIIIe siècle (1233-1273), Bordeaux, 1959.
10 J.-L. Biget, « Hérésie, politique et société en Languedoc (vers 1120-vers 1320) », J. Berlioz (dir.), Le pays cathare, Paris, 2000, p. 40, et « L’action inquisitoriale. Origines, formes, portée », Hérésie et inquisition dans le Midi de la France, Paris, 2007, p. 194-195. On pourra faire la différence en comparant les dépositions du XIVe siècle du registre FFF disparu mais copié dans le fonds Doat aux livres XXII-XXIV, publié par J. Duvernoy, Le dossier de Montségur. Interrogatoires d’Inquisition 1242-1247, Toulouse, 1998.
11 B.M. Clermont-Ferrand, Ms 160 ; édition par C. Douais, Documents pour servir à l’histoire de l’hérésie…, t. II, p. 115-277. Une partie en a été étudiée par J. Paul dans « L’hérésie au village », L’église au village…, p. 259. M. Roquebert l’utilise également aux pages 211 et suivantes de son ouvrage Les Cathares. De la chute de Montségur aux derniers bûchers. 1244-1329, Paris, 1988.
12 M. Zerner (dir.), Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Nice, 1998.
13 J.-M. Vidal, Le tribunal d’Inquisition de Pamiers, Toulouse, 1906.
14 J. Given, Inquisition and Medieval Society. Power, Discipline and resistance in Languedoc, Ithaca, 1997.
15 J. H. Arnold, Inquisition and Power. Catharism and the Confessing Subject in Medieval Languedoc, Philadelphie, 2001.
16 Le plus facilement accessible est : « Par quelles méthodes de critique de sources l’histoire des religions peut-elle utiliser le registre de Jacques Fournier », E. Le Roy Ladurie (dir.), Autour de Montaillou, village occitan. Histoire et religiosité d’une communauté villageoise au Moyen Âge, Castelnaud-la-Chapelle, 2001 ; mais voir surtout Domus und Religion in Montaillou. Katholische Kirche und Katharismus im Ǘberlebenskampf der Familie des Pfarrers Petrus Clerici am Anfang des 14. Jahrhunderts, Tübingen, 1990.
17 J.-P. Alibert, « Croire ou ne pas croire. Les chemins de l’hétérodoxie dans le Registre d’Inquisition de Jacques Fournier », Heresis, 2003, p. 91-106.
18 J.-L. Biget, « La parole à l’accusé. Le statut de la parole dans la pratique judiciaire (XIIIe-XVe siècle) », J.-C. Maire-Vigueur et A. Paravicini (dir.), La parola a l’accusato, Palerme, 1991.
19 Julien Théry, Fama enormia : l’enquête sur les crimes de l’évêque d’Albi, Bernard de Castanet (1307-1308) : gouvernement et contestation au temps de la théocratie pontificale et de l’hérésie des bons hommes, thèse dactyl., université de Lyon II, 2003 ; Id., « Les albigeois et la procédure inquisitoriale : le procès pontifical contre Bernard de Castanet, évêque et inquisiteur (1307-1308) », Heresis, 2000, p. 7-48.
20 J.-L. Biget, « Hérésie, politique et société… ».
21 A. Friedlander, The trial of Fr. Bernard Délicieux, 3 september-8 december 1319, processus Bernardi Delitiosi, Philadelphie, 1996 ; Id., The Hammer of the Inquisitors : Brother Bernard Delicieux and the Struggle against the Inquisition in Fourteenth Century France, Leiden-Boston, 2000.
22 J. Théry, Fama enormia…
23 L. A. Burnham, So great a light, so great a smoke, Ithaca-Londres, 2008. Les travaux de Louisa A. Burnham révèlent bien peu de fidèles des Spirituels ayant récemment émigré en ville. Gignac, qui abrite un couvent de Mendiants, ne peut être considéré comme un village (p. 121-122). Toutefois parmi les béguins de Montpellier, certains viennent des Cévennes et de villages situés au nord de la ville (p. 107).
24 Ainsi les noms de Bize, Sauvian ou Cabezac. Mais Capestang est alors une ville dès la fin du XIIe siècle ; Cessenon, Villeneuve, Bessan, Marseillan, Pézenas, Montagnac, Roujan ou Clermont sont des bourgades peuplées, où commencent à se développer des foires très actives dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, et il est difficile de les considérer comme des villages.
25 Parmi les « bourgades » ou petites villes languedociennes, Azille, Florensac, Lunel sont dotées d’un établissement de Mendiants ou Mendiantes. Le couvent de Prouille n’appartient pas à ce modèle. Azille et Florensac sont, l’une et l’autre, des seigneuries de la famille de Lévis.
26 J. Duvernoy, L’inquisition en Quercy. Le registre de pénitences de Pierre Cellan 1241-1242, Castelnaud-la-Chapelle, 2001, p. 124-215.
27 J.-L. Biget, « Béziers, citadelle de l’hérésie ? », M. Bourin (dir.), En Languedoc au XIIIe siècle : le temps du sac de Béziers, Perpignan, 2010, p. 49-62.
28 A.N., J 1032, no 4 et J 1033, no 13 ; à compléter par les sentences du manuscrit (B.N., manuscrit lat. 5954 A) qui concerne, non pas la seule viguerie de Béziers, mais l’ensemble de la sénéchaussée, le tout publié assez complètement par le tome VII de l’Histoire Générale de Languedoc.
29 Pierre des Vaux-de-Cernay, Historia albigensis ; Histoire albigeoise, P. Guébin et H. Maisonneuve éd., Paris, 1951, p. 39.
30 Id., p. 12
31 Guillaume de Tudèle, Chanson de la croisade albigeoise, E. Martin-Chabot éd., Paris, 1960, t. 1, p. 46, v. 12-13 : E tuit sei cavalier et l’autre vavassor tenian los eretges qui en castel, qui en tor.
32 J.-L. Biget, « Hérésie, politique et société en Languedoc… », p. 43.
33 A.N., JJ 30A, 14 v°, éd. Histoire Générale de Languedoc, t. VIII, col. 584-586 : permisi tenere scolas de heresi et publice predicare et publice disputare.
34 L’hypothèse a été formulée par M. Roquebert (L’Épopée cathare, Toulouse, 1970, p. 114) et reprise par G. Hancke, L’hérésie en héritage, Cahors, 2006, p. 231-260, notamment p. 245-247. Voir sur tous ces points la monographie de la famille de Servian dans C. Amado, Genèse des lignages méridionaux, Toulouse, 2007, t. 2, p. 132-135.
35 J.-L. Biget, « Béziers, citadelle de l’hérésie ?… ».
36 L’enquête occupe les volumes XXII à XXIV du fonds Doat de la Bibliothèque Nationale où elle a été recopiée.
37 Voir notamment A. Friedlander, « Les agents du roi face aux crises de l’hérésie en Languedoc vers 1250-vers 1350 », Effacement du catharisme (XIIe-XIVe s.) ?, Cahiers de Fanjeaux no 20, Toulouse, 1985, p. 199-220, notamment p. 204.
38 M. G. Pegg, The Corruption of Angels. The Great Inquisition of 1245-46, Princeton-Oxford, 2001.
39 Cf. note 11. Voir aussi la thèse de C. Cheirezy, Les élites sociales en Lauragais au XIIIe siècle, université de Toulouse II-Le Mirail, 2009.
40 Elles ont fait l’objet d’une étude très circonstanciée par M. Roquebert, Les Cathares. De la chute de Montségur aux derniers bûchers 1244-1329, Paris, 1988, p. 147-166.
41 In primo adventu Crucesignatorum.
42 J. Paul, « L’hérésie au village… », p. 264.
43 M. G. Pegg, The Corruption of Angels…, p. 83.
44 Ibid., p. 120.
45 Ibid., p. 85.
46 Ibid., p. 65.
47 Ibid., p. 66.
48 Ibid.
49 Ibid., p. 72.
50 Ibid., p. 80.
51 Ibid., p. 112.
52 Ibid., p. 111.
53 Ibid., p. 279.
54 D. Laurendeau, « Cet évêque fait sortir la vérité… ».
55 Danielle Laurendeau entend donc se séparer de l’approche de John Arnold (J. Arnold, Inquisition and Power…), au risque de perdre l’unité psychologique des personnes interrogées, et suit de plus près celle de J. Given, Inquisition and Medieval Society…, avec le souci affirmé de contextualiser chaque interrogatoire par les informations que détiennent ou croient détenir le juge et ceux qui comparaissent devant lui.
56 Malgré l’inconvénient que le procès ne soit pas entièrement connu puisque les registres conservés contiennent celui de Bernard, mais pas celui de Pierre.
57 P. 182.
58 La remarque a déjà été faite par Michel Roquebert à propos du Mas-Saintes-Puelles (M. Roquebert, Les Cathares…). Analysant les données du manuscrit 609 de la B.M. de Toulouse et notamment le comportement de la vaste famille seigneuriale du Mas-Saintes-Puelles, il constate : « on dénonce, certes, mais on dénonce majoritairement des gens qui ou bien sont morts avant l’enquête ou bien se sont gardés de comparaître et ont même vraisemblablement pris le large » (p. 156).
59 Céline Cheirezy montre à ce propos qu’au Mas-Saintes-Puelles la moitié des familles de l’élite sociale, fortement catharisante, a disparu trente ans après l’enquête de Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre, mais qu’un certain nombre d’entre elles habite désormais Castelnaudary. À l’inverse, à Fanjeaux, devenue un point d’attache pour Montfort et un haut-lieu de la catholicité, anciennes et nouvelles élites sont en pleine croissance (C. Cheirezy, Les élites sociales en Lauragais au XIIIe siècle…, p. 436).
Auteur
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Transhumance et estivage en Occident
Des origines aux enjeux actuels
Pierre-Yves Laffont (dir.)
2006
Les élites rurales
Dans l’Europe médiévale et moderne
François Menant et Jean-Pierre Jessenne (dir.)
2007
Les luttes anti-seigneuriales
Dans l’Europe médiévale et moderne
Ghislain Brunel et Serge Brunet (dir.)
2009
L’hérétique au village
Les minorités religieuses dans l’Europe médiévale et moderne
Philippe Chareyre (dir.)
2011
Les industries rurales dans l’Europe médiévale et moderne
Jean-Michel Minovez, Catherine Verna et Liliane Hilaire-Pérez (dir.)
2013
Cultures temporaires et féodalité
Les rotations culturales et l’appropriation du sol dans l’Europe médiévale et moderne
Roland Viader et Christine Rendu (dir.)
2014
Cultures villageoises au Moyen Âge et à l’époque moderne
Frédéric Boutoulle et Stéphane Gomis (dir.)
2017