URL originale : https://books.openedition.org/pumi/8833
Bourgeoisie de village et différenciations sociales dans les campagnes de l’Italie communale (xiiie-xve siècle)
p. 91-110
Texte intégral
1Gioacchino Volpe, le grand historien de l’Italie communale, a représenté les différents territoires urbains comme autant d’aires où la cité coexistait avec une multitude de centres habités, moyens et menus, parsemant le territoire, par l’image d’un grand chêne qui, inclus dans une forêt dense, ne se dressait pas de façon isolée en rase campagne mais se trouvait environné d’une multitude d’autres arbres de dimension moindre1. Ces centres se trouvèrent eux aussi engagés, entre le xie et le xiiie siècle, quoique à une échelle progressivement plus réduite, dans les mêmes processus – politico-institutionnels, économiques et sociaux –, qui affectèrent les centres majeurs. En effet, au fur et à mesure que l’on passe des grands centres urbains aux petites villes, des castra les plus peuplés aux simples communautés de villages, la très forte stratification sociale présente dans les villes de l’Italie communale s’atténue sans pour autant disparaître totalement. À la fin du xiiie siècle, il ne subsistait plus que peu de communautés caractérisées par la forme de cohérence socio-économique qui correspond à une économie exclusivement rurale. Tout au plus s’agit-il de communautés de montagne ou de villages perdus dans les campagnes les plus reculées2. Ces petits mondes fermés, n’ayant que peu de relations avec l’extérieur, sont l’image inversée de la situation qui prévaut dans la grande majorité des centres de peuplement disséminés dans le territoire. Tous ces centres sont plus ou moins profondément intégrés dans un système de rapports économiques et d’échange entre produits agricoles et produits manufacturés, et ils se trouvent en relation avec des cités voisines, grandes et petites, ou à tout le moins avec de gros bourgs pourvus d’une structure économique et sociale complexe3. À titre d’exemple, les campagnes florentines du xive siècle – bien connues grâce à une grande abondance de recherches – comprenaient des dizaines de centres de cette nature, dont la structure sociale et l’économie ne coïncidaient pas avec la seule exploitation de la terre, compte tenu de la présence, plus ou moins dense, de marchands et d’artisans4.
2En dépit de l’importance qui est la sienne, la situation florentine ne représente assurément pas un cas isolé. On a, de ce fait, de multiples confirmations. Grâce d’abord à l’extraordinaire richesse des sources conservées (notamment les registres notariés et les documents fiscaux, qu’on rencontre déjà en nombre important à partir du xiiie siècle). Grâce, aussi, à l’intérêt ininterrompu que l’histoire locale a suscité et continue de susciter, parmi les historiens patentés, dans le milieu des érudits locaux, ainsi qu’auprès des institutions publiques et privées intéressées par la promotion de ces recherches. Tout ceci, conjugué avec le succès de la microhistoire et des méthodes fondées sur la recherche prosopographique a concouru, surtout durant les dernières années écoulées, à une multiplication des études de caractère monographique sur les localités petites et moyennes de l’Italie centro-septentrionale entre le xiiie et le xve siècle. On peut sans risque parler de plusieurs dizaines de travaux récents auxquels il est possible de se référer. Et ces études apportent des matériaux importants, même dans la perspective d’une histoire générale5.
Qu’entendre par élite ?
3Il s’agit d’un terme difficile à définir, qui se prête à des lectures diverses, et qui ne correspond pas toujours à des réalités précises. Il se trouve à la confluence de considérations d’ordre politico-institutionnel (participation aux charges publiques, représentation politique, etc.), d’ordre économique (les niveaux de richesse), et de considérations socioculturelles entendues dans un sens plus large. Autant d’éléments (surtout ceux de la dernière catégorie, souvent fugaces) que les sources conservées ont peine à mettre en lumière. Afin de rendre notre analyse plus rigoureuse et plus intelligible – du moins espérons-le – nous utiliserons le terme « élite » comme synonyme de « couche supérieure » d’une société donnée. Une définition en définitive plus générique, moins fermée, et mieux adaptable aux différentes réalités historiques auxquelles on peut être amené à se confronter.
4Il convient ensuite de débarrasser le champ d’étude de toute équivoque en réfléchissant sur la signification que peuvent avoir « élites rurales » ou « strate supérieure » dans le contexte de l’aire et de la période considérées. L’équivoque peut procéder du terme « rural » qui pourrait faire penser à un groupe social de cultivateurs. Tel n’est pas le cas ici. Et tel n’était pas le cas dans l’Italie communale où la dialectique économique et sociale des campagnes ne tournait pas exclusivement, ou presque, autour du binôme seigneurs-paysans.
5En Angleterre, dans la France du Nord, dans bien des régions de l’Allemagne, les couches supérieures de la société rurale, qui se différenciaient du reste de la population par leur condition juridique, une meilleure dotation en terres, leur capacité de commercialisation des surplus, la coutume successorale d’indivision du patrimoine, etc., étaient presque toujours majoritairement constituées de cultivateurs en faire-valoir direct qui, parfois, avaient recours à des salariés agricoles issus des couches paysannes les plus pauvres6. La présence des artisans et des métiers de service était réduite et limitée aux activités essentielles (forgerons, tonneliers, charrons, aubergistes…).
6Dans l’Italie communale, le maillage serré de grandes et petites cités a eu pour conséquence une commercialisation des produits agricoles majoritairement destinée aux marchés urbains (céréales, vin, huile, produits de l’élevage, plantes industrielles, etc.), qui implique des pans plus ou moins larges de la population rurale, avec pour effet d’aiguiser les différenciations socio-économiques au sein des campagnes. De ce fait, la grande majorité des centres disséminés dans le territoire présentait une structure sociale composite (quoique diversement articulée d’un lieu à l’autre) en raison de la présence des marchands et des représentants du monde des métiers, non directement liés à l’exploitation de la terre, auxquels se joignaient les artisans propriétaires de boutiques, qui fabriquaient des produits manufacturés en offrant leurs services à la population du centre urbain et de ses environs. Beaucoup plus rare était – exception faite dans certaines aires périphériques – le cas de figure dans lequel émergeaient, par leur richesse et leur prestige, des cultivateurs aisés, exploitant directement leur propriété foncière avec l’aide éventuelle de main-d’œuvre complémentaire (ouvriers agricoles, famuli, etc.). Il s’agit d’ailleurs là, dans bien des cas, d’une situation passagère et d’une condition instable7. À qui possédait de la terre en abondance, tenue en faire-valoir direct, s’ouvraient en effet deux possibilités. La première consistait à accroître ultérieurement la propriété en y investissant son épargne. Toutefois, l’accroissement de la terre tenue en propriété contraignait à louer son exploitation à des cultivateurs dépendants liés par contrat de fermage ou de colonat partiaire. Une autre partie des capitaux se trouvait investie, de façon quasi inévitable, dans des activités de type mercantile et financier (opérations de prêt sur de petits et moyens montants), qui peu à peu jouaient un rôle prédominant au regard des gains qui en découlaient. Dans ce cas, le lien avec la terre se distendait. On ne pouvait plus alors parler de paysans (contadini) riches mais plutôt d’habitants du contado (comitatini) aisés, ou bien encore des représentants d’une classe moyenne vivant au milieu de la campagne, n’ayant plus rien de commun avec ceux qui travaillaient directement la terre8. Et si cette marche en avant et cette diversification des activités n’arrivaient pas à leur terme, le risque était de tomber tôt ou tard dans une phase de déclin. En effet, les revenus de la terre étaient soumis à la fragilité et à la vulnérabilité de l’agriculture de ce temps. Rien ne les protégeait contre les risques de mauvaises récoltes, de dégâts causés par les phénomènes naturels, de passage de compagnies d’aventure ou d’autres situations difficiles, auxquelles pouvait concourir la fiscalité citadine. C’est ainsi que beaucoup de paysans propriétaires, même de niveau moyen, pouvaient être contraints, dans un premier temps, à vendre une partie de leur terre pour faire face aux difficultés. Puis, si la situation continuait à s’aggraver, l’issue finale était de se résoudre à devenir des paysans dépendants de quelque grand propriétaire foncier urbain ou d’une des multiples institutions ecclésiastiques qui possédaient de vastes propriétés9.
7En somme, quand on parle d’élites rurales pour l’Italie de la fin du Moyen Âge – en excluant l’aristocratie qui continuait à vivre dans les campagnes – le mot se réfère davantage aux représentants de la classe médiane des campagnes, sorte de bourgeoisie d’affaires essentiellement liée aux activités mercantiles et financières, qu’aux paysans propriétaires et encore moins aux cultivateurs de terres d’autrui.
Un processus de différenciation sociale
8Le processus de différenciation sociale dans les campagnes italiennes s’est affirmé progressivement entre le xie et le xiiie siècle10. Il fut favorisé par un ensemble de phénomènes, souvent liés entre eux : la forte croissance démographique, la désagrégation précoce du système seigneurial, le processus de recomposition de la propriété utile et de la propriété éminente (y compris à l’avantage des paysans dépendants), la reprise des échanges au niveau local, régional et interrégional, reprise qui conduisit à une prolifération des marchés ruraux hebdomadaires, et qui fut soutenue par une forte circulation des espèces monétaires dans les campagnes11. Une intense activité de crédit se développa de la sorte, tantôt dans une sphère locale, tantôt avec des capitaux urbains, activité qui était la conséquence de dynamiques économiques qui requéraient le recours à l’emprunt tant pour l’investissement que pour la consommation12.
9Dans une grande partie de l’Italie centro-septentrionale, la présence d’un réseau très serré de cités, grandes et petites, a permis aux communautés mineures de s’intégrer dans les systèmes économiques de plus grande envergure et de mettre en valeur les productions agricoles et manufacturières locales ainsi que le dynamisme de nombreux représentants de la société rurale. Les formes d’ascension économique et sociale des habitants du contado passèrent par l’exercice des fonctions administratives déléguées par les seigneurs, la gestion des terres appartenant à la grande propriété ecclésiastique, le contrôle des échanges des produits agricoles et des matières premières issus des campagnes vers les principaux marchés ruraux et vers les grands marchés urbains, le commerce de l’argent, les activités à caractère professionnel, la mise en place de la petite et moyenne propriété foncière13. Et précisément, ce fut souvent la moyenne propriété foncière – à laquelle se joignait dans certaines aires de la montagne ou de la basse plaine la possession de gros bétail14 – qui constitua le point de passage obligé, ou une sorte de rampe de lancement dans l’ascension sociale des différentes familles. Celles-ci étaient toutes proches, pour mener à bien leurs affaires foncières, des activités mercantiles et financières et plus particulièrement du prêt à intérêt15. Et à leur tour, ces activités, grâce aux bénéfices réalisés, permettaient un accroissement ultérieur de leur patrimoine foncier. On se trouve là en présence d’un processus circulaire, d’un cercle vertueux qui permit des ascensions rapides.
10Si l’on fait abstraction de la petite aristocratie (signalée par les appellatifs de cattani, lambardi, domini, maiores, etc.), qui est bien souvent attestée dans les castra et les villages de l’Italie communale au moins jusqu’à l’orée du xive siècle et qui, numériquement parlant, est tout sauf négligeable (jusqu’à 5 et parfois 10 % de la population totale16), quelles étaient les composantes de la couche supérieure de la société rurale ?
Des groupes sociaux différenciés
11En premier lieu, il convient de noter les membres des groupes professionnels : surtout les notaires qui résidaient même dans les petits castra17 ; parfois des juges et des médecins qu’on ne trouve cependant que dans les castelli les plus importants18. Par ailleurs quelques membres du clergé local, qui n’exerçaient pas seulement des fonctions religieuses, mais qui disposaient parfois de terres et de liquidités en se distinguant en outre, surtout dans les localités les plus petites, comme étant parmi les rares habitants sachant lire et écrire19. La profession notariale, plus particulièrement, a représenté dans le long terme le parcours le plus commun de l’ascension sociale pour qui était issu de la couche supérieure de la population rurale ; souvent cette carrière donnait la possibilité de différencier les activités des fils de façon à assurer la continuité de la famille à des niveaux plus élevés de la hiérarchie sociale20. Le rôle du notaire, ensuite, était rehaussé par la pluralité des fonctions. Anneau de conjonction entre la ville et la campagne, les notaires patentés, qui conféraient une validité publique à toute forme de transaction, étaient soit au service de clientèles du lieu, soit au service des citadins qui avaient des intérêts dans ce territoire21. Ils pouvaient être, en même temps, fonctionnaires et administrateurs du seigneur, membres du conseil de la communauté, rédacteurs des statuts locaux ou des délibérations du conseil. Pour donner simplement quelques indications d’ordre quantitatif rappelons qu’à Oderzo, castellum de Vénétie, une dizaine de notaires était en activité22 à la fin du xiiie siècle ; à Florence en 1291 outre les 375 notaires résidant dans la ville (environ un pour 250 habitants), il y en avait 206 qui habitaient dans les diverses localités du contado, alors que cette ville ne disposait alors que d’un contado assez réduit23. Pour Poppi, un centre toscan au pied de l’Apennin, on a pu calculer qu’entre 1350 et 1480 il y avait eu en moyenne un notaire pour 15 hommes adultes24.
12Il a donc aussi le monde de l’artisanat et des services. Petits et moyens artisans (forgerons, maréchaux-ferrants, cordonniers, charpentiers, meuniers) étaient présents dans toutes les communautés de quelque importance25. Mais il était également possible de rencontrer des bouchers et des pêcheurs qui commercialisaient les animaux à viande et le poisson26. Et aussi les épiciers avec leur boutique27, quelques propriétaires de briqueterie et de verrerie28. Et encore les fabricants de produits textiles destinés en général au marché local29. Dans certains cas, c’étaient d’actifs petits marchands entrepreneurs qui contrôlaient la fabrication textile ou l’élaboration du fer et qui en commercialisaient les produits finis30. Dans les localités situées le long des principales voies de circulation, étaient également présents des changeurs, des hôteliers, et des voituriers qui tiraient avantage de la mobilité croissante des hommes (marchands, pèlerins, soldats, clercs, étudiants, etc.) et de la circulation des marchandises31.
13Pour finir, nous rencontrons les petits et moyens marchands qui trafiquaient au niveau local et régional. Ils entraient souvent en contact avec les marchands des villes avoisinantes et avaient ainsi occasionnellement la possibilité de faire des affaires sur des marchés de plus vaste rayon32. Dans les aires où le maillage urbain était plus distendu et où les villes avaient une importance ne dépassant pas un niveau régional, les marchés ruraux étaient l’intermédiaire entre la ville et la campagne. Là, on les voit s’adonner à l’échange des produits agricoles, assez souvent en association avec des marchands de la ville, petits et moyens. Dans d’autres régions, où les villes jouaient un rôle international, les marchands des petites localités travaillaient, comme les autres, au-delà du territoire régional, probablement dans le sillage des hommes d’affaires de la cité. On n’explique pas autrement la présence en Sicile, du xiiie au xive siècle, aux côtés des marchands florentins et pisans, d’agents économiques provenant de localités petites et moyennes : pour le contado de Florence, Castelfiorentino (avec six marchands à Palerme), Montelupo, Empoli, Vinci, Santa Croce (ce dernier bourg dans le diocèse de Lucques), etc. ; pour le contado de Pise, Calci, Palaia, Vico, Peccioli, Sassetta, etc. ; pour le contado de Pistoia, Carmignano (avec trois marchands à Palerme et un à Catane)33. Et des cas semblables sont également attestés dans des villes situées au-delà des Alpes34.
14Le terme de « bourgeoisie de village » qui figure dans le titre de ma contribution se réfère surtout à un milieu composé par les représentants des groupes professionnels (au premier rang desquels, on l’a dit, se trouvent les notaires), de marchands de petite et moyenne envergure, de quelques grands artisans propriétaires de boutiques. Tous, ou presque, disposaient de propriétés foncières en raison du fait que c’était la possession de maisons et de terres in loco qui ancrait un individu à la communauté, qui donnait un sens à l’appartenance, outre le prestige et la sécurité économique que cela assurait35. Du reste, dans les communautés les plus menues, c’était la propriété foncière qui représentait le facteur de distinction le plus important et qui constituait, en même temps, la principale condition, sinon la seule, pour accéder aux différents offices36.
15Surtout durant la période de l’apogée médiéval – entre le xiiie et le xive siècle –, les composantes de cette « bourgeoisie » des campagnes, conjointement parfois avec des membres de la petite aristocratie en cheville avec le monde des affaires, ont constitué la véritable élite rurale, en se distinguant par le revenu et le prestige, et en occupant les principales charges administratives des communes37. Dans certains castelli majeurs, cette « bourgeoisie » s’est identifiée avec le populus qui s’est opposé au groupe aristocratique, sur le modèle des villes38.
16Au-dessous de la « bourgeoisie de village » se situe la grande masse des paysans dépendants (fermiers, colons partiaires, métayers, salariés agricoles) et celle des petits et micro-cultivateurs propriétaires, qui vivaient l’une et l’autre aux limites de la subsistance. Un texte normatif du xiiie siècle émanant d’un gros castello de la haute vallée du Tevere, Anghiari, éloigné des grandes cités, souligne de façon exemplaire la hiérarchie sociale du lieu. Il distingue, au sein de la population du castello, les maiores, définis comme étant « des chevaliers (milites) […] dont la mission coutumière est d’entretenir des chevaux de guerre pour la commune », des minores, décrits comme étant « ceux qui vont chaque jour cultiver leurs champs ou leurs vignes pour un salaire donné et qui sont là, avec d’autres, pour servir », et enfin les mediocres, autrement dit ceux qui ne font pas partie des deux autres groupes39. Ces derniers s’identifient assurément avec la « bourgeoisie de village » (ici du castello), que nous avons décrite plus haut : un groupe en ascension rapide à partir des premières décennies du xiiie siècle.
Vers un affaissement général de la société rurale
17Le développement d’activités économiques semblables à celles qu’on retrouve à l’origine du grand essor des villes et l’aspiration à reproduire des styles de vie « urbains » sont parmi les raisons qui déterminent, surtout à partir du milieu du xiiie siècle, un processus d’émigration des couches supérieures de la société rurale des campagnes vers la ville la plus proche40. Johan Plesner a bien étudié ce phénomène dans un travail, paru dans les années 1930, dans lequel il examinait le phénomène d’émigration de la campagne florentine durant le xiiie siècle41. Les études les plus récentes ont confirmé les conclusions auxquelles avait abouti l’historien danois42. Or, l’émigration vers les villes d’un grand nombre de comitatini aisés s’est encore poursuivie dans la période suivante, même si ce fut avec une moindre intensité, mais en donnant lieu à des réussites parfois retentissantes43.
18Naturellement, le phénomène d’immigration vers la cité était en étroite relation avec les caractéristiques du maillage urbain dans les différentes parties de l’Italie communale. Dans les régions où la densité du semis était assez forte (la Toscane, mais aussi la Vénétie et le contado milanais), les villes ont attiré de façon massive les couches supérieures de la population des campagnes44. Et ceci au point qu‘ il ne subsista que peu de familles importantes au sein des élites locales durant plusieurs générations. Dans la plupart des cas, après avoir émigré vers leur proche cité, les migrants s’intégrèrent au groupe urbain médian. Dans d’autres régions, par exemple le Piémont45, ce processus paraît avoir été moins intense en raison de l’absence de grandes villes et du caractère plus distendu du maillage urbain.
19Le mouvement de population riche de la campagne vers la ville a réduit la consistance et la force économique des élites rurales. Le puissant processus d’expansion de la propriété foncière urbaine allait dans le même sens46, de même que les bouleversements démographiques des xive et xve siècles. En conséquence, la couche supérieure de la société rurale se présentait au xve siècle sous des traits profondément différents. Dans les localités éparses du territoire, le nombre de notaires se réduisit en raison de l’appauvrissement du tissu économique, et par le fait que les cités se qualifièrent toujours davantage comme les lieux de prédilection pour les affaires. Cette tendance est aussi liée à l’affirmation de nouvelles pratiques qui voyaient l’écriture privée, consignée sur les livres comptables des marchands, des prêteurs et des propriétaires fonciers (laïcs et ecclésiastiques), se substituer aux brèves des notaires pour une série d’opérations, qui furent un temps typiques des notaires ruraux, telles que les prêts menus ou moyens, les transactions sur des biens mobiliers, les contrats agraires, les baux à cheptel, etc.47.
20Pourtant le nombre et le rôle des marchands diminua sensiblement – là encore de façon assez différente d’une région à l’autre – face au poids économique accru des villes qui alors, entre autres choses, tendirent à contrôler de façon plus étroite les localités du contado et à organiser celui-ci, en bien des cas, en fonction des intérêts urbains48. Consécutivement à ce processus, même dans les castelli les plus peuplés, la « bourgeoisie locale » n’eut plus la consistance numérique, la solidité économique ni l’esprit d’entreprise qui l’avaient marquée un ou deux siècles auparavant. Désormais, sa sphère d’action ne dépassait habituellement pas le niveau local49.
21C’est ainsi que les campagnes italiennes du xve siècle connurent dans leur structure un processus de resserrement vers le bas de la hiérarchie sociale. Beaucoup de petits centres d’habitat commencèrent à se caractériser par une population vivant, dans sa quasi totalité, du travail des champs. Telles qu’elles subsistaient, les différenciations sociales découlaient souvent seulement des différentes formes de détention de la terre. Avec, donc, des différences entre ceux qui disposaient de terre propre en quantité suffisante pour entretenir une famille, entre les paysans dépendants (fermiers, colons partiaires, métayers), qui se virent concéder des domaines bien équipés et d’une importance considérable et, tout au bas de l’échelle sociale, les salariés agricoles sans terre qui travaillaient, souvent à temps partiel, au service des autres50.
22Il est possible de mieux saisir dans ses tendances de fond l’évolution d’une partie, majoritaire, de la société rurale entre le xiiie et le xve siècle, en examinant quelques localités de petite et moyenne importance, pour lesquelles nous disposons de recherches ponctuelles sur un large segment chronologique. Nous nous limiterons à trois cas – sachant bien qu’on dispose d’une gamme d’exemples bien plus large – qui concernent trois secteurs géographiques distincts de l’Italie centro-septentrionale.
23San Colombano al Lambro, dans la basse plaine lombarde, a traversé trois phases bien précises entre le xiiie et le xvie siècle. Au cours de la seconde moitié du xiiie siècle, s’est développée une société vivante et stratifiée, constituée de propriétaires fonciers, d’artisans, de marchands, qui s’accorda sur des statuts particuliers avec le seigneur du château. Après la crise démographique du milieu du xive siècle, on assiste à une reprise dans les années 1370 et 1380 grâce aux Visconti qui firent de San Colombano le siège d’une viguerie, rehaussant ainsi sa fonction administrative. Les statuts de 1374 attestent l’importance, économique et sociale aussi, de ce centre et la présence d’élites locales non exclusivement liées à la propriété foncière. Au cours du xve siècle, la dommageable politique hégémonique de la Chartreuse de Pavie – qui donna notamment lieu à des formes de résistance allant jusqu’aux armes de la part des propriétaires locaux – provoqua la disparition d’une grande partie de la petite et moyenne propriété paysanne et un abaissement social généralisé51.
24Pernumia, un petit castello du sud du contado de Padoue, manifeste dans la première moitié du xiiie siècle une remarquable vigueur économique qui tirait parti de la désagrégation de la seigneurie ecclésiastique (celle du chapitre cathédral de Padoue). S’y forma un « microcosme populeux, socialement différencié, et pourvu d’une substantielle base économique et territoriale », dont faisaient partie de nombreux propriétaires locaux fonciers petits et moyens (dont une partie connaîtra plus tard une belle fortune), quelques juges et notaires, quelques familles économiquement et socialement remarquables, d’où procédaient les activités principales. Ces groupes constituaient le nerf de l’expérience d’autonomie communale. Dans les deux siècles suivants, la communauté se transforma en raison de la pénétration de propriétaires fonciers padouans. Au début du xvie siècle, le grand écrivain vernaculaire Angelo Beolco, mieux connu comme Ruzzante, qui possédait à Pernumia un domaine, y décrit une société paysanne faite de dépendants, de pauvres et d’affamés, sur laquelle les propriétaires urbains prélèvent « beaucoup de sang de miséreux » (sanguisughe dei poveretti)52.
25Voici pour finir Petrognano, un village ouvert de la Valdelsa (à mi-chemin entre Florence et Sienne). Cette localité comptait avant 1340 environ 500 habitants parmi lesquels, outre les notaires accoutumés, au moins 19 artisans (des forgerons, des lainiers, des fabriquants de céruse et de vases en étain etc.) et 18 marchands (dont 9 épiciers, 3 négociants en bestiaux, 3 marchands de bois). Les épidémies de peste, l’émigration vers Florence, l’arrivée de propriétaires fonciers urbains modifièrent profondément les caractéristiques de ce petit village, pour lui conférer une fonction purement agricole. Vers 1380, de fait, il compte à peine 26 feux (juste plus de cent âmes), qui correspondent tous à des fermiers et des métayers, exception faite de 4 qui possédaient de petites boutiques53.
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26Dans ce tableau de l’affaissement généralisé de la société rurale les exceptions, toutefois, ne manquent pas. Comme le savent tous ceux qui s’occupent d’histoire médiévale de l’Italie, ce pays se caractérise par les fortes différences régionales et sub-régionales qui rendent souvent difficile une synthèse de caractère général et qui contraignent à toujours préciser et à toujours nuancer. C’est ainsi que, face à la majorité des localités isolées des campagnes qui connurent entre le xive et le xve siècle une atrophie plus ou moins prononcée de leur corps social, on trouve d’autres trajectoires marquées par un certain dynamisme économique qui a contribué à créer ou à maintenir des différenciations sociales et à former des élites qui tiraient leur force et leur rôle d’activités non liées à la terre. Il s’agit de centres, parfois de fondation assez récente, qui se sont trouvés occuper une position privilégiée au sein du nouvel ordonnancement politique des campagnes, créé conjointement avec la formation des états à l’échelle régionale, des centres qui exercèrent des fonctions administratives sur les aires environnantes, avec toutes les conséquences d’ordre économique et social qui ont pu en découler. En d’autres cas, ce fut le maintien ou l’essor d’activités productives particulières (industrie textile, minière, sidérurgique, etc.), qui a déterminé une différenciation des fortunes et des rôles sociaux et administratifs au sein des populations locales concernées.
27Dans la première catégorie, nous pouvons énumérer, à titre d’exemples, Cherasco, en Piémont54, et encore San Giovanni, Montevarchi, Empoli, Pescia en Toscane55. Le rôle administratif concourt au développement de castelli tels que Rovigo, Macerata, Poppi56.
28Quant au développement manufacturier – mais bien souvent il s’agissait de métiers traditionnels qui n’avaient pas sombré –, il a concerné divers centres situés dans l’aire préalpine, du Piémont au Frioul, qui se firent une réputation dans le travail de la laine (draps de qualité médiocre), de la soie, du lin ou du chanvre57. Pareil phénomène se rencontre aussi, quoique dans une moindre mesure, dans la montagne apennine (par exemple dans quelques centres petits et moyens des Marches), où la présence d’activités manufacturières qui mettaient à profit les ressources et les traditions artisanales locales (laine, papier, cuirs et peaux, voilages et emballages en coton etc.) permit la naissance de dynasties de petits marchands entrepreneurs58.
29Mais ce furent là des phénomènes minoritaires dans le tableau général ; des épisodes qui en certains cas s’épuisèrent au bout de quelques décennies seulement. La tendance apparaît bien claire : déclin économique et affaissement social dans les localités éparses de la campagne, contraction et déclassement des couches supérieures de la société rurale, réduction de leur sphère d’action à un niveau local, ou au mieux régional. Ce trend s’est accentué par la suite durant les siècles de l’époque moderne. Au xviiie siècle, à la veille de la révolution industrielle appelée à transformer l’économie de tant de pays européens, les campagnes italiennes se trouvent être, dans leur ensemble, peu dynamiques, dominées par les villes, lieux où s’accumule la rente foncière. La vitalité économique et la mobilité sociale des siècles centraux du Moyen Âge n’étaient plus alors qu’un pâle souvenir59.
Notes de bas de page
1 Gioacchino Volpe, Studi sulle istituzioni comunali a Pisa. Città e contado, consoli e podestà, secoli xii - xiii , avec une introduction de C. Violante, Firenze, 1970 (1er ed. Pisa, 1902), p. 101-102.
2 Voir Giovanni Cherubini, Signori, contadini, borghesi. Ricerche sulla società italiana del basso Medioevo, Firenze, 1974, chap. III, « La società dell’Appennino settentrionale (secoli xiii-xv », p. 121-142, qui à propos de cette société utilise l’expression « égalitarisme et pauvreté ». Beaucoup de petits villages de montagne abritaient une population constituée exclusivement de cultivateurs et de pasteurs qui devaient recourir aux artisans de la basse vallée (forgerons, cordonniers) pour subvenir à leurs besoins les plus ordinaires : chaussures, instruments de travail, etc. Le tableau est comparable à celui que présentent bien des petites communautés alpestres ; voir Massimo della Misericordia, « I confini della solidarietà. Pratiche e istituzioni caritative in Valtellina nel tardo medioevo », dans Luisa Chiappa Mauri (éd.), Contado e città in dialogo. Comuni urbani e comunità rurali nella Lombardia medievale, Milano, 2003, p. 411-489, 440-443, 474-475.
3 Nous entendons par petites villes les centres que l’historiographie italienne a coutume de désigner comme « centri minori » ou « quasi città », c’est-à-dire des localités assez peuplées (5 000 habitants ou plus lors de l’apogée démographique du début du xive siècle), qui ne se définissaient pas ni n’étaient définies comme cités dans la mesure où elles n’étaient pas des sièges épiscopaux (condition sine qua non), tout en possédant de nombreux attributs urbains : outre l’importance démographique, un faciès urbain (murailles et portes, palais publics et privés, couvents Mendiants, etc.), une société économiquement stratifiée, et un territoire subordonné. Tel est le cas de Chieri et Saluce dans le Piémont, de Crema, Monza et Vigevano en Lombardie, de Bassano et Monselice en Venétie, de Prato, San Gimignano, Colle Valdelsa en Toscane, de Fabriano dans les Marches, etc. (voir surtout Giorgio Chittolini, « Quasi-città ». Borghi e terre in area lombarda nel tardo medioevo », Società e Storia, 47, 1990, p. 3-26, rééd. dans Id., Città, comunità e feudi negli stati dell’Italia centro-settentrionale, Milano, 1996, p. 85-104 ; Id., « Centri minori e città fra Medioevo e Rinascimento », dans P. Nencini (éd.), Colle di Val d’Elsa : diocesi e città tra’500 e ‘ 600, Castelfiorentino, 1995, p. 11-37). Il est évident que les couches supérieures de ces centres ne peuvent en aucune manière entrer dans la catégorie des « élites rurales ». L’analyse doit se concentrer plutôt sur les agglomérations plus petites, comptant entre quelques centaines et deux à trois mille habitants, dans lesquelles les éléments proprement urbains étaient absents ou faiblement présents. Bien entendu, le traçage d’une telle ligne de séparation entre les différentes localités disséminées dans un contado donné n’est guère facile, pas plus qu’il n’est aisé de subdiviser ces localités en groupes ou en catégories selon des critères démographiques ou socio-économiques.
4 Charles M. De La Roncière, Firenze e le sue campagne nel Trecento. Mercanti, produzione, traffici, trad. it., Firenze, 2005 (éd. orig. Aix-en-Provence, 1976), p. 334 sq., identifie 70 localités pourvues de cette caractéristique. Beaucoup d’entre elles (presque la moitié) avaient une envergure économique locale ; d’autres se mouvaient à un niveau régional (c’est-à-dire dans le contado et ses bordures), d’autres encore étaient d’authentiques centres interrégionaux, dans le sens où leur réseau d’activités secondaires et tertiaires dépassait les limites de la seigneurie florentine. Si on considère la trentaine de centres plus petits ayant, à la date de 1351, une population de 250 à 300 habitants, on constate que ceux-ci abritaient en moyenne une dizaine de marchands ou d’artisans (respectivement 4 et 6), ce qui témoignait d’une différenciation sociale non négligeable. Pour trouver des centres socialement et économiquement plus compacts, il convient de descendre dans l’échelle démographique jusqu’aux petits villages qui ne comprenaient que quelques dizaines de familles s’adonnant presque exclusivement au travail de la terre.
5 Il s’agit de travaux monographiques, d’histoires collectives, d’actes de colloques, comme cela transparaît des références bibliographiques contenues dans notre article. A quoi il convient d’ajouter les contributions offertes par les très nombreuses revues historiques locales, qui sont une spécificité de cette partie de l’Italie.
6 Cf. Werner Rösener, I contadini nel Medioevo, trad. it. (éd. orig. München, 1985), Roma-Bari, 1987, p. 231-250 (« Stratificazione sociale della popolazione contadina »), avec références aux travaux de Slicher van Bath, Postan, Hilton, Dollinger, Génicot, etc. Sur la stratification sociale des campagnes européennes à la fin du Moyen Âge, voir aussi le croquis synthétique, très suggestif, de Giovanni Cherubini, « Sviluppo economico e stratificazione sociale nelle campagne europee (secoli xii-xvi) », dans Annalisa Guarducci (éd.), Gerarchie economiche e gerarchie sociali, secoli xii - xviii , Firenze, 1990, p. 7-31.
7 On trouvera des exemples de familles paysannes aisées, mais qui ne parvinrent pas à se maintenir durablement en tant que telles dans Maria Serena Mazzi, Sergio Raveggi, Gli uomini e le cose nelle campagne fiorentine del Quattrocento, Firenze, 1983, p. 241-281. Sur la présence des famuli au sein des familles paysannes, voir Giuliano Pinto, « La trasmissione delle pratiche agricole », dans La trasmissione dei saperi nel medioevo (secoli xii - xv ), Pistoia, 2005, p. 1-29, aux p. 11-15, avec les différentes références
8 Significative est l’analyse complète d’une centaine de testaments rédigés dans contexte rural (le Valdarno supérieur), vers le milieu du xive siècle. Les testateurs représentent l’élite comitatina et comprennent, outre quelques nobles, des notaires, des artisans tenant boutique, des propriétaires fonciers moyens et des prêteurs : Simona Ricci, « De hac vita transire ». La pratica testamentaria nel Valdarno superiore all’indomani della Peste Nera, Firenze, 1998, p. 14-17.
9 Exemplaire est le destin de la famille de Benedetto del Massarizia, propriétaire exploitant moyen des alentours de Sienne, également engagé dans des activités collatérales, représentant d’une « bourgeoisie » de village qui, après un succès momentané, a vu sa fortune décliner, tant pour des raisons externes que des suites de la division de son patrimoine entre différents héritiers : Duccio Balestracci, La zappa e la retorica. Memorie familiari di un contadino toscano del Quattrocento, Firenze, 1984. On rencontre un destin comparable avec une famille paysanne, celle des del Pelle, qui a vécu entre les xive et xve siècles dans un petit village de la Valdelsa florentine : elle connaît un lent mais inexorable déclin, alors qu’au contraire un jeune parent, Santi di Giorgio, fait fortune dans le notariat et le prêt et part s’installer à Florence : M.S. Mazzi, S. Raveggi, Gli uomini e le cose…, p. 241-264.
10 Giovanni Cherubini, Signori, contadini, borghesi. Ricerche sulla società italiana del basso Medioevo, Firenze, 1974, p. 51 sq. ; Giuliano Pinto, « I rapporti economici tra città e campagna », dans Roberto Greci, Giuliano Pinto, Giacomo Todeschini, Economie urbane ed etica economica nellItalia medievale, Roma-Bari, 2005, p. 3-73, voir p. 15-18. Quelques travaux de première main à l’échelle d’un vaste territoire : François Menant, Campagnes lombardes au Moyen Âge. L’économie et la société rurales dans la région de Bergame, de Crémone et de Brescia du xe au xiiie siècle, Roma, 1993, p. 311-388, 487-559 ; Gérard Rippe, Padoue et son contado ( xe- xiiie siècle), Roma, 2003, p. 407-502.
11 Sur les marchés ruraux, cf. Giovanni Cherubini, « Foires et marchés ruraux dans les campagnes italiennes au Moyen Âge », dans Ch. Desplat (éd), Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne, Flaran XIV, Toulouse, 1996, p. 71-84 ; et sur une vaste aire régionale Menant, Campagnes lombardes…., p. 298-299. Sur la circulation monétaire, voir les contributions rassemblées dans Paolo Delogu, Sara Sorda (éd.), La moneta in ambiente rurale nell’Italia tardomedievale, Roma, 2002. La circulation de monnaie dans les campagnes est abondamment attestée dès avant le xiiie siècle ; cf. par exemple F. Menant, Campagnes lombardes..., p. 301-306.
12 La forte demande en espèces, attestée dans les sources des xiie et xiiie siècles, n’émanait pas seulement de paysans en difficulté à la suite d’une mauvaise récolte, mais aussi des représentants d’un groupe rural émergeant qui voulait mettre à profit les opportunités offertes par une conjoncture favorable : cf. Paolo Cammarosano, « Le campagne senesi dalla fine del secolo xii agli inizi del Trecento : dinamica interna e forme del dominio cittadino », dans Contadini e proprietari nella Toscana moderna, I, Dal Medioevo all’età moderna, Firenze, 1979, p. 153-222, dont p. 165-169 ; Menant, Campagnes lombardes…, p. 301-307, 554-557.
13 Est intéressant le cas du castellum seigneurial de San Colombano al Lambro, fief d’une famille de capitanei milanais. La communauté, un millier d’habitants à la fin du xiiie siècle, s’accorde sur ses statuts avec le seigneur ; elle présente en son sein une ample stratification sociale où apparaissent des propriétaires terriens libres, des artisans, des marchands, des notables : Mirella Montanari, « Dagli statuti di San Colombano al Lambro. Fisionomia di una comunità signorile », dans Contado e città in dialogo..., p. 373-410, dont p. 386-387. Voir aussi, Mirella Montanari, San Colombano al Lambro e il suo Colle. Da Ariberto d’Intimiano ai Visconti (secc. xi - xiii ), Novara, 2002.
14 Voir G. Cherubini, Signori, contadini, borghesi..., p. 128-130 ; Bruno Chiappa, Simonetta Dalla Riva, Gian Maria Varanini, L’anagrafe e le denunce fiscali di Legnago (1430-32). Società ed economia di un centro minore della pianura veneta nel Quattrocento, Verona, 1997, p. 73, 88-97.
15 Cf. la synthèse, très bien documentée de Jean-Louis Gaulin et François Menant, « Crédit rural et endettement paysan dans l’Italie communale », dans M. Berthe (éd.), Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne, Flaran XVII, Toulouse, 1998, p. 35-67 ; François Menant, Odile Redon (dir.) Notaires et crédit dans l’Occident méditerranéen médiéval, Roma, 2004, en particulier les contributions de François Menant, « Notaires et crédit à Bergame à l’époque communale », p. 31-54, et de Giampaolo Cagnin, « “Pro bono et fino amore, de iusto et vero capitali et vera sorte” : documentazione notarile e credito a Treviso (secoli xiii-xiv) », p. 97-124.
16 A Massaccio, castellum d’environ deux mille habitants proche de Jesi, dans les Marches, inclus dans le catasto de 1294, les « nobles » représentent 4,9 % des unités familiales et disposent de 25 % de la surface agricole (Elisabetta Archetti, « Ricchezza fondiaria e aspetti sociali in un castello del contado di Jesi tra xiii e xiv secolo », dans Renzo Paci (éd.), Scritti storici in memoria di Enzo Piscitelli, Padova, 1982, p. 23-60, dont p. 48). A Carmignano, gros castellum entre Florence et Pistoia, au début du xiiie siècle, les Lambardi constituaient environ 6,5 % de l’ensemble de la population (Giuliano Pinto, Campagne e paesaggi toscani del Medioevo, Firenze, 2002, p. 157, note 18). Autres indications sur la présence des milites dans les centres petits et moyens de l’Italie centro-septentrionale dans Jean-Claude Maire Vigueur, Cavalieri e cittadini. Guerra, conflitti e società nell’Italia comunale, trad. it., Bologna, 2004, p. 274-275.
17 Sur la présence diffuse des notaires dans les localités du contado, outre les références contenues ci-après dans les notes 21 et 23 (etc.) voir Rolando Dondarini, Istituzioni, società, beni collettivi in un teritorio in trasformazione : il Centopievese nei secoli xii - xv , Ferrara, 1988, p. 95 et surtout Silvana Collodo, Società e istituzioni in area veneta. Itinerari di ricerca, Firenze, 1999, p. 166-167, 179-184 : à Montagnana et à Rovigo les notaires locaux étaient organisés en une corporation.
18 Pour des exemples sur la présence des juges et des médecins, voir Dario Canzian, Oderzo medievale, Trieste, 1995, p. 81-84 ; Flavia De Vitt (éd.), Il Registro battesimale di Gemona del Friuli, 1379-1404, Udine, 2000, p. 39-40 ; Paolo Pirillo, « Dal xiii secolo alla fine del Medioevo. Le componenti e gli attori di una crisi », dans Giovanni Cherubini, Franco Cardini (éd.), Storia di Castelfiorentino, 2, Dalle origini al 1737, Pisa, 1995, p. 41-82, surtout p. 43-45 ; S. Collodo, Società e istituzioni...., p. 167.
19 Sur les conditions économiques du clergé rural, cf. Giovanni Cherubini, « Parroco, parrocchie e popolo nelle campagne dell’Italia centro-settentrionale alla fine del Medioevo », rééd. dans Id., L’Italia rurale del basso Medioevo, Roma-Bari, 1984, p. 217-245 surtout p. 236-238. Sur leur rôle dans l’alphabétisation des habitants des campagnes, voir notamment Duccio Balestracci, Cilastro che sapeva leggere. Alfabetizzazione e istruzione nelle campagne toscane alla fine del Medioevo ( xiv - xvi secolo), Pisa, 2004, p. 87-119.
20 Quelques exemples dans P. Pirillo, « Dal xiii secolo alla fine del Medioevo... », p. 46-47.
21 Dans certaines aires rurales, la pénétration de la propriété foncière urbaine fut favorisée, probablement, par la connaissance que les notaires pouvaient avoir de la société locale où ils résidaient ; ils pouvaient se mettre au service des puissantes familles urbaines intéressées par un investissement dans ce secteur, pour en retirer à leur tour des avantages concrets : Franek Sznura, « I testimoni. Fonti per la storia dei pivieri figlinesi nel Medioevo », dans San Romolo a Gaville. Storie di una pieve in età medievale, Convegno di studio, Figline Valdarno, 22 ottobre 2005 (sous presse). Plus généralement sur le rôle des notaires comme intermédiaires entre ville et campagne, voir les exemples cités dans Silvana Collodo, Una società in trasformazione. Padova tra xi e xv secolo, Padova, 1990, p. 195-275.
22 D. Canzian, Oderzo medievale...., p. 82-84.
23 Franek Sznura, « Per una storia del notariato fiorentino : i più antichi elenchi superstiti dei giudici e dei notai fiorentini (anni 1291 e 1338) », dans Teresa De Robertis, Giancarlo Savino (éd.), Tra libri e carte. Studi in onore di Luciana Mosiici, Firenze, 1998, p. 437-515, surtout p. 445.
24 Marco Bicchierai, Ai confini della Repubblica di Firenze. Poppi dalla signoria dei conti Guidi al vicariato del Casentino, Firenze, 2005, p. 102-103. Poppi comptait environ 1 350 habitants au début du xive siècle, seulement 7 à 800 ensuite et durant une bonne partie du xve siècle (p. 56-57). Le fait d’être chef-lieu d’une petite seigneurie territoriale contribuait à cette présence massive de notaires.
25 Des statistiques précises concernant les localités du contado florentin ont pu être établies par Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne...., p. 346-351. Les cordonniers étaient présents en grand nombre à Oderzo où ils parvinrent à occuper d’importantes charges publiques (D. Canzian, Oderzo medievale..., p. 85, 89), et à Poppi (M. Bicchierai, Ai confini della Repubblica...., p. 58), où les artisans qui tannaient et travaillaient les peaux et le cuir étaient également nombreux. Ces activités, attestées par ailleurs dans beaucoup de localités rurales, renvoient aux travaux d’ampleur régionale rassemblés dans Sergio Gensini (éd.), Il cuoio e le pelli in Toscana : produzione e mercato nel tardo Medioevo e nell’età moderna, Pisa, 1999.
26 Pour les pêcheurs, voir M. Montanari, « Dagli statuti di San Colombano... », p. 400, où il est également question des bouchers, et Giancarlo Carmignanni (éd.), Lo statuto del comune di Fucecchio, 1307-1308, Firenze, 1989, p. 13-14 ; mais voir aussi en général Giuseppe Mira, La pesca nel Medioevo nelle acque interne italiane, Milano, 1937. Sur le nombre et le rôle des marchands de bétail (bouchers) dans les bourgs du contado florentin, voir Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne...., p. 335-342, 392 ; à Masaccio (E. Archetti, « Ricchezza fondiaria e aspetti sociali... », p. 44-45) sur les cinq marchands qui apparaissent dans le catasto de 1294, quatre sont des bouchers.
27 Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne..., p. 335-339 ; D. Canzian, Oderzo medievale..., p. 81.
28 Cf. M. Montanari, « Dagli statuti di San Colombano... », p. 400 ; P. Pirillo, « Dal xiii secolo alla fine del Medioevo... », p. 53 ; Rinaldo Comba, Contadini, signori e mercanti nel Piemonte medievale, Roma-Bari, 1988, p. 120-124 ; David Herlihy, « Santa Maria Impruneta : un comune rurale nel tardo Medioevo », dans L’Impruneta. Una pieve, un santuario, un comune rurale, Firenze, 1988, p. 7-46 : dans cette petite commune des environs de Florence, les potiers à l’orée du xive siècle représentaient 10 % des chefs de famille (p. 13, 26) et figuraient parmi les habitants les plus aisés.
29 R. Comba, Contadini, signori e mercanti..., p. 126 sq. ; F. Menant, Campagnes lombardes..., p. 295-296 ; Albano Sorbelli, Il comune rurale dell’Appennino emiliano nei secoli xiv e xv , Bologna, 1910 (rééd. Bologna, 1974), p. 312-316 ; P. Mainoni, Economia e politica nella Lombardia medievale. Da Bergamo a Milano fra xiii e xv secolo, Cavallermaggiore, 1994, p. 34-54, 99-100.
30 Sur la fabrication textile, voir par exemple Costanza Cucini, « Arti, mestieri, mercati », dans Costanza Cucini (éd.), Radicondoli. Storia e archeologia di un comune senese, Roma, 1990, p. 310-323 ; P. Mainoni, Economia e politica..., p. 45-51. Sur les activités liées à l’élaboration et à l’exportation du fer dans les centres valléens de la région de Bergame et de Brescia, voir F. Menant, Campagnes lombardes..., p. 294-295.
31 Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne..., p. 335-339, 391-393 ; P. Pirillo, « Dal XIII secolo alla fine del Medioevo... », p. 51-52 ; D. Canzian, Oderzo medievale..., p. 82.
32 On trouvera quelques bons exemples dans Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne... ; Andrea Barlucchi, Il contado senese all’epoca dei Nove. Asciano e il suo territorio tra Due e Trecento, Firenze, 1997, p. 110-120, 273-274 ; B. Chiappa, S. Dalla Riva, G.M. Varanini, L’anagrafe e le denunce fiscali..., p. 73-81.
33 Giuseppe Petralia, « Sui toscani in Sicilia tra Due e Trecento : la penetrazione sociale e il radicamento nei ceti urbani », dans Marco Tangheroni (éd.), Commercio, finanza, funzione pubblica. Stranieri in Sicilia e in Sardegna nei secoli xiii - xv , Napoli, 1989, p. 129-218, dont tableau C, p. 209.
34 Par exemple, les marchands de Carmignano en Avignon : Giovanni Cherubini, « Sintesi finale », dans Giovanni Cherubini (éd.), Storia di Pistoia, II, L’età del libero comune. Dall’inizio del xii alla metà del xiv secolo, Firenze, 1998, p. 417-442, et p. 439, note 101.
35 Il est significatif que dans un gros castello, Radicondoli, aux limites de Volterra et Sienne, caractérisé entre autres choses par la présence d’une active Arte della lana, le groupe dirigeant- celui qui avait accès au Conseil et qui accédait aux magistratures communales les plus élevées – ait été constitué, au début du XIVe siècle, par les principaux propriétaires fonciers, alors qu’un tiers seulement des lanaioli en faisait partie : Costanza Cucini, « Arti, mestieri, mercati » et Roberto Farinelli, Andrea Giorgi, « Considerazioni demografiche e struttura sociale », tous deux dans Radicondoli..., p. 310-323, 357-360.
36 Cf. Elio Conti, I catasti agrari della Repubblica fiorentina e il catasto particellare toscano (Secoli xiv - xix ), Roma, 1966, p. 7-19 : les « recteurs » de quelques petites communautés du contado s’avèrent appartenir au groupe des plus gros propriétaires fonciers in loco. Même si tel n’est pas toujours le cas, il existait une correspondance complète entre les propriétaires fonciers les plus aisés et ceux qui exerçaient les charges administratives : dans certaines petites communautés de la Valtellina, l’accès aux charges était fermé à ceux qui appartenaient à la catégorie sociale la plus basse (environ un tiers de la population), alors qu’il restait ouvert aux propriétaires fonciers médians (della Misericordia, « I confini della solidarietà… », p. 447-448). Sur le rapport entre niveaux de richesse et participation aux principales charges publiques dans un secteur du Siennois au début du xive siècle, voir Barlucchi, Il contado senese…, p. 168-174 : au fur et à mesure que l’on passe des communautés majeures aux plus petites, le pourcentage des représentants des groupes les plus aisés va décroissant.
37 On n’oubliera pas que pour exercer les fonctions de consuls, anciens, camerlingues, attachés aux différents offices il convenait en général de savoir lire et écrire alors que l’alphabétisation était peu courante parmi les cultivateurs. Cf. M.S. Mazzi, S. Raveggi, Gli uomini e le cose..., p. 277-279 ; D. Balestracci, Cilastro che sapeva leggere..., p. 124-135.
38 Voir les cas de Carmignano en Toscane (G. Pinto, Campagne e paesaggi toscani..., p. 160) et de Conegliano en Vénétie (Dario Canzian, Vescovi, signori, castelli. Conegliano e il Cenedese nel medioevo, Firenze, 2000, p. 107-109).
39 Mosè Modigliani, « Gli statuti del comune di Anghiari del secolo xiii », Archivio storico italiano, s. IV, t. V, 1880, p. 1-30, dont p. 21. C’est notre collègue Oretta Muzzi qui m’a signalé ce document.
40 Maria Ginatempo, Vivere « a modo di città » : i centri minori italiani nel Basso Medioevo, sous presse.
41 Johan Plesner, L’emigrazione dalla campagna alla città libera di Firenze nel xiii secolo, trad. it., Firenze, 1979.
42 Pour le territoire florentin cf. D. Herlihy, « Santa Maria Impruneta... », p. 36-37 ; Oretta Muzzi, « Un castello del contado fiorentino nella prima metà del Trecento : Certaldo in Valdelsa », dans Annali dell’Istituto di Storia, Università di Firenze, I, 1979, p. 67-111 ; pour le Siennois A. Barlucchi, Il contado senese..., p. 125-126. Pour les autres aires de l’Italie centro-septentrionale cf. Paolo Grillo, Milano in età comunale (1183-1276). Istituzioni, società, economia, Spoleto, 2001, p. 39-54 ; P. Mainoni, Economia e politica..., p. 50 ; S. Collodo, Una società in trasformazione…, p. 195 sq, 409 sq. ; Ead., Società e istituzioni..., p. 166-167.
43 Rappelons le cas de ser Ristoro da Figline, notaire, fils et neveu de notaires dans le castello du Valdarno, qui s’installe à Florence vers le milieu du xive siècle, pour donner naissance, en l’espace de deux générations, à l’une des plus importantes et riches familles urbaines, dont le rôle économique et politique traversera les siècles : Sergio Tognetti, Da Figline a Firenze. Ascesa economica e politica della famiglia Serristori (secoli xiv - xvi ), Firenze, 2003 ; aux p. 3-7 sont cités d’autres exemples de familles d’immigrés florentins ayant fait fortune.
44 Pour la Toscane et pour le Milanais, voir les notes 41-42 ; pour Padoue S. Collodo, Società e istituzioni..., p. 166-167, et du même auteur Una società in trasformazione..., p. 263, 409 et passim ; le phénomène d’immigration vers Padoue se prolonge tout au long du xive siècle, même si est attesté le processus inverse, celui du retour dans le territoire de familles déconfites et privées d’une bonne partie de leurs propriétés ; pour Vicence, quelques indices dans G.M. Varanini, « Vicenza nel Trecento. Istituzioni, classe dirigente, economia (1312-1404) », dans Storia di Vicenza. L’eta medievale, Venezia, 1990, p. 139-245, dont p. 188-198, 209.
45 Sur la démographie et les mouvements migratoires dans l’aire sub-alpine, voir R. Comba, Contadini, signori e mercanti..., p. 71-107.
46 Reste toujours valable et significatif le cadre proposé par Giovanni Cherubini, « La proprietà fondiaria nei secoli xv-xvi nella storiografia italiana », Società e storia, I, 1978, p. 9-33.
47 Premières propositions dans Giovanni Cherubini, « Rassegna di studi recenti sui protocolli notarili toscani dei secoli xiii-xv », dans Paolo Brezzi, Egmont Lee (éd.), Gli atti privati nel tardo Medioevo. Fonti per la storia sociale, Roma, 1984, p. 85-97 ; Mario Ascheri, « I problemi del successo : i notai nei comuni tardo-medievali italiani », dans Perspectivas actuales sobre las fuentes notariales de la edad media, Zaragoza, 2004, p. 113-125, part. p. 121.
48 Ceci se vérifie surtout dans la Toscane florentine : Paolo Malanima, « La formazione di una regione economica : la Toscana nei secoli xiii-xv », Società e storia, 20, 1983, p. 229-269 ; Id., « Politica e economia nella formazione dello stato regionale : il caso toscano », Studi veneziani, n.s., VII, 1986, p. 61-72 ; Stephan Epstein, « Town and country : economy and istitutions in late medieval Italy », The Economic History Review, XLVI, 1993, p. 453-477 ; Franco Franceschi, « Istituzioni e attività economica a Firenze : considerazioni sul governo del settore industriale (1350-1450) », dans Istituzioni e società in Toscana in età moderna, Roma, 1994, p. 76-117 ; pour la Lombardie des Visconti voir par ailleurs P. Mainoni, Economia e politica..., chap. II.
49 Voir, pour les campagnes toscanes, les cas de Poggibonsi (Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne..., p. 387-389) et de Asciano (A. Barlucchi, Il contado senese..., p. 53-54) ; et, pour les autres aires et pour des localités plus petites, P. Mainoni, Economia e politica..., p. 101.
50 Pour les campagnes florentines du premier xve siècle, voir Elio Conti, La formazione della struttura agraria moderna nel contado fiorentino, III, Parte 2ª, Monografie e tavole statistiche (secoli xv - xix ), Roma, 1965 : dans bien des douze zones échantillons, les comitatini aisés (disposant de biens de plus de 200 florins, et moyens propriétaires fonciers en général) sont en très petit nombre ou carrément absents. Dans le territoire de Sienne, au milieu du xve siècle, bien des petites communautés sont entièrement, ou presque, formées de métayers de propriétaires urbains (Anne K. Isaacs, « Le campagne senesi fra Quattro e Cinquecento : regime fondiario e governo signorile », dans Contadini e proprietari nella Toscana moderna, 1, Dal Medioevo all’età moderna, Firenze, 1979, p. 377-403, dont p. 383-394 ; Maria Ginatempo, Crisi di un territorio. Il popolamento della Toscana senese alla fine del Medioevo, Firenze, 1988, p. 211-214, 276 sq.). Si nous nous plaçons dans les autres parties de l’Italie centro-septentrionale, le tableau n’est pas bien différent. A Massaccio, dans les Marches, entre 1294 et 1471 le nombre de propriétaires fonciers tombe de 464 à 98, effondrement impressionnant même si l’on tient compte de la diminution de la population (E. Archetti, « Ricchezza fondiaria e aspetti sociali... », p. 52). Au xve siècle, Villa del Bosco, dans la basse plaine de Padoue vers le Polesine, s’avère être une communauté composée quasi exclusivement, de laboratores ou maserii, soit en fait des fermiers de propriétaires padouans ou des grands établissements ecclésiastiques qui cultivaient de grands domaines, et, au niveau inférieur, par des arsenti, salariés agricoles, souvent propriétaires de micro-parcelles mais qui ne pouvaient vivre qu’en travaillant sur les terres d’autrui : Giuseppina De Sandre Gasparini, Contadini, chiesa, confraternita in un paese veneto di bonifica. Villa del Bosco nel Quattrocento, Padova, 1979, p. 73-96.
51 M. Montanari, « Dagli statuti di San Colombano al Lambro... », voir note 13.
52 Sante Bortolami, Territorio e società in un comune rurale veneto (sec. xi - xiii ). Pernumia e i suoi statuti, Venezia, 1978, p. 3, 6, 142-155, 158-164. Plus généralement, sur le processus de prolétarisation dans les campagnes padouanes qui s’amorce au milieu du xiiie siècle et se prolonge durant presque deux siècles, voir G. Rippe, Padoue et son contado..., p. 773-841.
53 Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne..., p. 254-260, 381-387. L’évolution des autres villages voisins est semblable.
54 Irma Naso, « Attività economiche e sistemi produttivi a Cherasco fra Tre e Quattrocento », dans Franco Panero (éd.), Cherasco. Origine e sviluppo di una villanova, Cuneo, 1994, p. 177-192.
55 Cf. Ch. de La Roncière, Firenze e le sue campagne..., p. 391-394, et pour Pescia Judith C. Brown, Pescia nel Rinascimento. All’ombra di Firenze, trad. it. G.I. Anzilotti, Pescia, 1987.
56 Sur Rovigo, cf. S. Collodo, Società e istituzioni..., p. 171-187 ; sur Macerata, Philippe Jansen, Démographie et société dans les Marches à la fin du Moyen Âge. Macerata aux xive et xve siècles, Roma, 2001 ; sur Poppi, dans l’Apennin toscan, M. Bicchierai, Ai confini della Repubblica fiorentina...
57 Pour un tableau général, incluant ce qui touche à la manufacture « rurale », voir Bruno Dini, « L’industria tessile italiana nel tardo Medioevo », dans Sergio Gensini (éd.), Le Italie del tardo Medioevo, Pisa, 1990, p. 321-359. Certains cas particuliers ont bénéficié d’études spécifiques : Racconigi dans le Piémont (Comba, Contadini, signori e mercanti…, chap. X, XI) ; Gandino, près de Bergame, et Torno, sur le lac de Côme (Giuliana Albini, « Contadini-artigiani in una comunità bergamasca : Gandino sulla base di un estimo della seconda metà del‘ 400 », Studi di storia medioevale e di diplomatica, 14, 1993, p. 11-192 ; Paolo Grillo, Le strutture di un borgo medievale. Torno, centro manifatturiero nella Lombardia viscontea, Firenze, 1995. Pour la Vénétie et le Frioul, cadre général dans S. Collodo, Società e istituzioni..., p. 91 ; pour un centre exemplaire de la plaine de Vérone, Legnago, B. Chiappa, S. Dalla Riva, G.M. Varanini, L’anagrafe e le denunce fiscali…, p. 76-79.
58 Voir Marco Moroni, Emanuela Di Stefano, Olimpia Gobbi, et d’autres encore, au nom desquels je me permets de renvoyer à ma propre synthèse : Giuliano Pinto, « Le Marche alla fine del Medioevo. Note su produzioni e traffici nell’area centro-meridionale », dans Quel marche la terra inghirlanda. Studi sul Mediterranes medivale in ricordo di Marco Tangheroni, Pisa, 2007 (sous presse).
59 Voir Giuliano Pinto, Carlo Poni, Ugo Tucci, « Introduzione », dans G. Pinto, C. Poni, U. Tucci, (éd.) Accademia dei Georgofili, Storia dell’agricoltura italiana, II, Il Medioevo e l’età moderna, Firenze, 2002, p. 13-19 ; Renzo P. Corritore, « Il processo di “ruralizzazione” in Italia nei secoli xvii-xviii. Verso una regionalizzazione », Rivista di storia economica, 1993, p. 353-386.
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Les élites rurales
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