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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Une expérience éclatée L’image paradoxale des LP : entre violence et resocialisation scolaire Entre chute et nouveau départ Le rapport aux savoirs en LP Les formes de rapport aux savoirs : quatre types Dimensions de l’altérité dans le sens conféré aux savoirs : entre dépendance et subjectivation Filles et garçons en LP : des rapports variés aux enseignants et aux savoirs La nécessité de penser les pratiques pédagogiques en LP Notes de bas de page

    Sociologie du lycée professionnel

    Ce livre est recensé par

    • Gilles Moreau, Revue française de pédagogie, mis en ligne le 11 février 2013. URL : https://journals.openedition.org/rfp/3466 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rfp.3466
    • Marie Jacobs, Recherches sociologiques et anthropologiques, mis en ligne le 11 février 2011. URL : https://journals.openedition.org/rsa/326 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rsa.326
    • Catherine Agulhon, Sociologie du travail, mis en ligne le 21 décembre 2018. URL : https://journals.openedition.org/sdt/5791 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.5791
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    Table des matières

    Chapitre V. Étudier en lycée professionnel aujourd’hui : de l’expérience scolaire aux formes de rapport aux savoirs

    p. 151-189

    Texte intégral Une expérience éclatée L’image paradoxale des LP : entre violence et resocialisation scolaire Entre chute et nouveau départ Le rapport aux savoirs en LP Deux temporalités : apprendre aujourd’hui et apprendre pour plus tard Le LP, un lieu d’apprentissage professionnel De l’impact de la spécialité sur le sens des savoirs Grandir au LP Travail scolaire et apprentissage en LP Les stages en entreprise : expérience complémentaire, concurrente ou peu scolaire ? Les formes de rapport aux savoirs : quatre types Un rapport pratique aux savoirs Un rapport réflexif aux savoirs Un rapport désimpliqué aux savoirs Un rapport intégratif-évolutif aux savoirs Dimensions de l’altérité dans le sens conféré aux savoirs : entre dépendance et subjectivation Une dialectique irréductible : expérience sociofamiliale et expérience scolaire De l’importance des pairs : entre les camarades de la classe et les copains de la vie Sens des savoirs et interactions avec les enseignants : des relations ambivalentes Filles et garçons en LP : des rapports variés aux enseignants et aux savoirs La nécessité de penser les pratiques pédagogiques en LP Notes de bas de page

    Texte intégral

    1LES ÉLÈVES DES LYCÉES professionnels de nos enquêtes sont majoritairement issus de milieu populaire, tout en entretenant des rapports différenciés aux savoirs. Ces différences attestent du caractère composite de l’expérience scolaire, tant celle-ci reste soumise à l’influence d’une pluralité de facteurs, allant de l’histoire socio-familiale et scolaire des élèves aux spécialités et filières dans lesquelles ils sont scolarisés, en passant par les configurations organisationnelles de l’établissement, et les modes d’interactions avec les enseignants.

    Une expérience éclatée

    2À l’unité des LP qui procède largement de leur statut subordonné au sein de l’institution scolaire et de leur ouverture sur les milieux professionnels, se conjugue une diversité de situations qui fait que chaque établissement laisse apparaître une spécificité de la condition scolaire des élèves, et des contraintes professionnelles vécues par les enseignants. Tel LP situé dans une petite ville de 8000 habitants, ancien bassin minier, accueillant à peine 300 élèves dont une majorité de filles, et préparant essentiellement aux métiers des soins, de la restauration rapide et de l’entretien des locaux, offre l’image d’un établissement « à caractère familial » (selon le propos de la proviseure) où l’interconnaissance entre élèves, enseignants et parents empêche tout anonymat, et offre un suivi certain de l’absentéisme (du reste peu élevé dans ce LP). Le cas de cet autre LP situé dans une ville de plus de 30000 habitants, présente une autre image : ancien CET et ayant noué un partenariat avec les entreprises environnantes, cet établissement accueille plus de 900 élèves, dont environ 200 sous statut d’apprentis (le LP accueille un centre de formation d’apprentis, CFA). Une partie des élèves aspire à intégrer le CFA, « au moins on est payé et on travaille en entreprise, en même temps qu’on prépare le même diplôme » (un élève de première année de BEP mécanique automobile). Les machines vétustes, les locaux peu esthétiques et à peine fonctionnels, donnent d’emblée l’impression d’un établissement peu attractif. La crise économique que connaît le bassin d’emploi crée chez les élèves de baccalauréat professionnel le sentiment que leur formation en productique ou en menuiserie ne leur assurera pas un emploi stable, sauf s’ils poursuivaient leurs études après le diplôme. Théâtre de conflits entre élèves et entre ceux-ci et quelques enseignants, connaissant un absentéisme très élevé, ainsi qu’un taux de réorientation en fin de BEP supérieur à la moyenne académique, ce LP industriel « semble avoir vécu » selon le propos du proviseur-adjoint, qui a à peine un an d’ancienneté dans cet établissement (pendant les quinze dernières années, ce LP a connu deux proviseurs mais cinq proviseurs-adjoints). Les conflits opposent aussi les élèves et une partie des enseignants et des personnels d’éducation. A la différence du LP tertiaire, l’anonymat caractérise les relations et il n’est pas rare que certains enseignants ne fassent connaissance avec d’autres enseignants qu’au moment des conseils de classe ! Situé à quelques mètres d’un lycée général privé et réputé dans la ville, les élèves de ce LP se perçoivent comme dominés, tout en refusant le modèle « bourgeois » caractérisant « les fils à papa d’à côté » (« on n’est pas des intellos comme eux », « on n’a rien à voir avec eux, c’est pas notre quartier »). L’expérience scolaire prend une autre tournure lorsque le LP est situé au sein d’un lycée polyvalent. C’est le cas de ce LP « mixte » préparant aux spécialités industrielles et tertiaires, situé dans une cité scolaire de plus de 2 200 élèves. Le sentiment d’avoir chuté y est plus que vif et rapproche fortement les élèves de leurs enseignants : les premiers disent avoir raté la seconde générale et leur ressentiment n’a d’égal que l’envie – plus ou moins soutenue – d’intégrer la première d’adaptation « pour revenir au lycée » ; les seconds se vivent dominés et l’éprouvent chaque jour, ils se sentent méprisés par les collègues du lycée et par l’administration qui « ne s’occupe que des bacs généraux pour dorer l’image de l’établissement » (une enseignante en lettres-histoire). Nous pourrions multiplier les tableaux pour souligner la diversité et l’hétérogénéité des contextes que constituent les LP et leurs configurations, tel ce LP situé dans la banlieue lilloise et dont une part importante des élèves, comme des PLP, sont issus de l’immigration. Au sein de ce LP, les relations entre des élèves et certains enseignants sont tendues, les premiers reprochant aux seconds leur « racisme », tandis que la CPE avoue avoir des difficultés avec « des caïds d’origine maghrébine ».

    3À côté de ces différences contextuelles, auxquelles comme nous l’avons vu plus haut, il convient d’ajouter des différences liées aux filières et aux spécialités, cohabite une diversité d’expériences qui tient à l’hétérogénéité des élèves. Ceux-ci, bien qu’ils proviennent majoritairement de milieu populaire, n’entretiennent pas le même rapport avec les études et les savoirs et si le risque d’abandonner en cours de formation guette une partie d’entre eux, d’autres vivent leur scolarité soit en se mobilisant intellectuellement, soit de manière passive – présents physiquement et absents à eux-mêmes –, soit encore sur le mode du conflit et de la violence, y compris celle dirigée contre soi-même. C’est pourquoi et même si l’analyse sociologique révèle l’existence de régularités entre les différentes expériences – quelque soit le LP, et quels que soient les élèves –, elle ne saurait rendre pleinement compte de leur diversité sans tenir compte des trajectoires singulières des sujets (Jellab, 2001, a).

    L’image paradoxale des LP : entre violence et resocialisation scolaire

    4Les LP, comme d’autres établissements du secondaire, connaissent une violence diffuse et parfois manifeste. Dans un LP mixte, scolarisant 400 élèves et classé en « zone violence » et en « zone sensible », on a comptabilisé plus de 600 incidents, dont 50 graves, ayant donné lieu à dépôt de plainte ou à conseil de discipline. Les bagarres y sont fréquentes et les accrochages entre élèves et enseignants sont réguliers. Faisant partie du quotidien de certains LP, la violence combine doublement des faits objectifs et la crainte d’y être confronté à tout moment. Peu spectaculaire, la violence dans les LP est loin de n’être que l’émanation des élèves. Certes, ce proviseur-adjoint racontera avec émotion son intervention « musclée » pour séparer des élèves « dont l’un a failli poignarder l’autre ». Sa « colère » sera d’autant plus vive qu’il dira avoir été « extrêmement choqué » de voir « que pas un seul des élèves qui regardaient la scène n’a daigné intervenir pour calmer le jeu ». Mais l’existence d’a priori sur les élèves conduit aussi à un stigmate qui n’est pas sans effet sur le rapport aux études. Ainsi, cette CPE d’un LP industriel dit : « Les élèves à problèmes, c’est quand même souvent ceux qui nous viennent d’A. les mines, ah là là, dès qu’on les voit arriver avec ma collègue, on se dit bonjour les problèmes… c’est des élèves un peu spéciaux, il faut dire que c’est la zone là-bas, plus rien ne va, le chômage, l’alcoolisme sévissent là-bas… c’est des jeunes qui vivent dans la violence ». Aussi, l’image d’une jeunesse populaire violente est assez répandue dans les LP, et plutôt dans les établissements industriels, comme si la violence quotidienne était l’émanation de conditions sociales et non le résultat d’une interaction entre les élèves et le LP. C’est sur fond de violence plus ou moins diffuse mais parfois bien manifeste – le racket, la dégradation des locaux et du matériel et les insultes comme les bagarres, restent présents mais moins spectaculaires que ne le sont les événements relatés dans les médias –, que se construisent le travail des enseignants et leurs stratégies visant d’abord à resocialiser un public « d’écorchés vifs » (un enseignant en structures métalliques), avant d’entreprendre un enseignement proprement dit. Si les LP de nos enquêtes sont loin de constituer ce contexte de violence apocalyptique, nous y avons rencontré quelques enseignants et élèves mettant l’accent sur un sentiment d’insécurité, traduisant le plus souvent un ordre précaire susceptible de « dégénérer » à tout moment.

    5Les LP sont plus exposés aux incidents graves (selon une rubrique allant des violences physiques sans arme au suicide, en passant par le racket et les dommages aux locaux…) : en 2005, les LP ont déclaré 3,5 incidents pour 100 élèves, contre 3 % pour les collèges et 1 % pour les lycées. « Le nombre moyen de signalements déclarés par les lycées professionnels a ainsi augmenté de 15 % entre 2002-2003 et 2004-2005 »30.

    6Le contraste est frappant dans les LP puisque d’un côté, ils offrent l’image dominante d’une institution touchée par le désordre scolaire, de l’autre, on y déploie de nombreux efforts en vue d’accueillir, d’encourager et de réhabiliter des élèves largement perçus comme « victimes » du collège, voire de la « crise sociale ». C’est sans doute ce contraste qui donne lieu à des sentiments ambivalents chez les acteurs institutionnels, et génère des modes d’appréciation parfois très contradictoires. Certains PLP ont construit une identité de travail auprès d’élèves en difficultés, pensant « être plus utiles à ces gamins » que s’ils exerçaient auprès d’élèves « sans problème ». Aussi, et si les établissements de nos enquêtes connaissent des tensions et des conflits récurrents, ils sont aussi le théâtre de mobilisations visant à réhabiliter un public posé d’emblée comme réfractaire aux études. Dans cette perspective, ce sont également les modalités de l’orientation elle-même qui sont considérées comme un effet de violence exercée par l’institution : « tu vois, j’ai des élèves qui se retrouvent dans une voie sans issue, ils n’ont jamais voulu faire comptabilité, c’est normal qu’ils disjonctent et qu’ils nous en veulent, on ne leur a pas fait de cadeau » (propos d’un proviseur-adjoint de lycée polyvalent). Les déceptions sont aussi à l’horizon des initiatives. Ainsi, lors d’une rencontre dans son bureau avec un proviseur d’un LP industriel, un PLP de métiers de la productique mécanique informatisée arrive avec une liste d’élèves qui ont été notés aux épreuves sous forme de contrôle continu. Il se plaint de l’absence de certains élèves qui, non présents lors du contrôle des connaissances, ne pourront pas obtenir leur BEP. Il ajoute : « C’est fou mais c’est des élèves qui auraient pu avoir leur diplôme, et là bon, c’est du gâchis ». Dans la lignée de ce propos, le proviseur avança : « j’avais fait le pari avec mes profs qu’en reprenant ces élèves dans le cadre d’un MOREA [module de repréparation aux examens], on allait donner une chance aux gamins, et les profs étaient sceptiques… là, je dois dire que je suis écœuré, j’ai même téléphoné à des parents pour leur dire d’envoyer leur gosse, ils m’ont répondu : “monsieur, on l’envoie tout de suite” et l’élève ne vient pas… je ne comprends pas cette attitude, il suffit d’être présent et d’un petit effort pour avoir son diplôme… ». L’étonnement de ce proviseur traduit bien le malentendu entourant les diplômes délivrés. En effet, si la plupart des élèves convoitent un diplôme en LP, tout en ayant l’impression que ces diplômes deviennent plus « faciles » à obtenir – ce qui n’est pas vérifié statistiquement, certaines spécialités telles que les structures métalliques ou la productique n’enregistrent pas un taux de réussite supérieur à 54 % en BEP –, d’autres élèves semblent peu convaincus de leur utilité. Paradoxalement, les modes d’évaluation et le discours des enseignants confortent ces élèves dans cette croyance : si le diplôme est « facile » à obtenir parce qu’il suffit « d’un petit effort », quelle valeur professionnelle conserve-t-il s’il perd de sa sélectivité ?

    7L’entrée en LP équivaut souvent à une chute. Elle dessine les contours d’un « nouveau départ » qui sera vécu soit sur le mode de la rupture, soit sur celui de la continuité plus ou moins maîtrisée de la forme scolaire.

    Entre chute et nouveau départ

    8Les élèves de LP partagent en commun le sentiment d’avoir chuté en LP. Mais cette chute est plus ou moins douloureuse selon que l’élève était « moyen » ou « faible » au collège. Lorsque l’élève était moyen en collège, la chute réfère à l’impression d’avoir raté la « voie normale », d’être relégué dans un LP et dans une spécialité non choisis. Le ressentiment reste vif chez l’élève et l’alternative qui se dessine oscille entre surmobilisation sur les savoirs afin d’intégrer une filière technologique, rationalisation de son expérience, (« après tout, c’est quand même intéressant ce que l’on fait », une élève de BEP « bioservices »), ou désimplication scolaire (« ici, c’est que des élèves faibles, je n’ai rien à voir avec eux, on nous fait des cours débiles », une élève de CAP employé technique des collectivités). Si l’élève était « faible » en collège, il éprouve le sentiment d’une résignation à un sort scellé par avance, ce qui n’empêche pas une mobilisation scolaire ultérieure.

    9La chute en LP va de pair avec la découverte d’un autre monde, d’autres activités scolaires et professionnelles. Et à bien des égards, si les élèves insistent sur l’apprentissage du métier pour qualifier leur expérience, c’est parce qu’elle crée une rupture avec la forme scolaire et la culture légitime qui les ont relégués au LP. Cette rupture procède largement de la maîtrise progressive des savoirs professionnels qui donnent aux élèves l’impression de « grandir ». Or cette impression de grandir est souvent contrebalancée par le sentiment d’être infantilisé, notamment en classe (par opposition à l’atelier ou à la pratique), jusqu’à favoriser une désimplication, voire une rupture scolaire. L’expérience des élèves de LP est l’aboutissement d’une histoire scolaire marquée le plus souvent par l’échec scolaire, en tant que sentiment mais aussi comme production institutionnelle d’une hiérarchie de l’excellence (Perrenoud, 1984).

    10La problématique du rapport aux savoirs (scolaires et professionnels) constitue une entrée permettant d’appréhender les modes d’affiliation et d’adaptation au LP.

    Le rapport aux savoirs en LP

    11Le rapport aux savoirs en lycée professionnel constitue un analyseur des configurations prises par l’expérience des élèves (Charlot, 1999). La perspective adoptée est constructiviste, un constructivisme qui « fait de la recherche du sens l’objet par excellence de l’interprétation sociologique » (Van Haëcht, 1990, p. 236). Cette « recherche du sens » – mise en exergue par la sociologie compréhensive wéberienne et les nombreuses sociologies qui s’en inspirent – présente une certaine proximité avec les interrogations socio-psychologiques autour du rapport au savoir (Charlot, 1997), en ce qu’elle part de l’individu comme sujet aux prises avec un contexte social complexe. Le rapport aux savoirs est à saisir à partir du rapport à l’apprendre.

    Deux temporalités : apprendre aujourd’hui et apprendre pour plus tard

    12Le premier élément frappant lorsqu’on interroge les élèves sur ce qu’ils apprennent en LP, est celui d’une distinction entre les savoirs qui servent « aujourd’hui » et ceux qui servent « pour plus tard ». La dichotomie entre les savoirs généraux et les savoirs technologiques et professionnels structure la vision des élèves qui ne confèrent pas les mêmes significations, ni les mêmes finalités à leurs contenus. Les écrits que nous avons recueillis à partir d’un questionnaire sont explicites à cet égard31. Pour la plupart des élèves, « à l’école, on apprend des choses pour nous plus tard » ; « venir à l’école, c’est pour avoir un diplôme et pour trouver un travail » (Fille, élève de CAP « café-brasserie »). Parfois, les élèves n’évoquent que les rapports de sociabilité, sans qu’il soit question des savoirs scolaires : « J’ai appris à respecter les personnes, apprendre la communication avec les gens, apprendre la vie pour plus tard » (Garçon, élève de CAP « maintenance et hygiène des locaux »). Mais « apprendre pour plus tard » ne signifie pas forcément une inscription de l’élève dans un registre continu entre le diplôme et le marché du travail. D’abord, plusieurs élèves de CAP et de BEP associent les apprentissages à leur mise en application dans la vie quotidienne (« j’ai appris à savoir lire et écrire pour remplir des papiers administratifs », « j’ai su à l’école comment faire l’hygiène des aliments pour savoir faire la cuisine chez moi »). Ensuite des élèves évoquent d’autres secteurs professionnels auxquels ils souhaitent se destiner, secteurs parfois très éloignés de leur domaine de formation. Mais en opérant une forte distinction entre les savoirs généraux et les savoirs professionnels – notamment en énumérant les contenus enseignés de manière juxtaposée et en les référant à leur forme (« j’ai appris du français, de l’histoire et des maths, c’est pour le diplôme », « ce que je pense apprendre au LP, c’est le métier, c’est la biotechnologie, la monobrosse ») –, les élèves disent la dichotomie entre la « théorie » et la « pratique » qui aurait pour pendant des objectifs différents (apprendre un métier pour aujourd’hui n’est pas synonyme de préparer un diplôme pour plus tard, cette préparation identifie les matières générales à une nécessité). S’il existe des différences entre les élèves de CAP et de BEP – les premiers étant plus prompts à se centrer sur le métier pour dire ce qu’ils apprennent en LP –, on note que ce sont globalement les savoirs professionnels qui sont posés comme ce qui est légitime d’apprendre.

    Le LP, un lieu d’apprentissage professionnel

    13Le sens que les élèves confèrent à leur scolarité en LP est indissociable de la spécificité de ce cadre institutionnel – que les élèves opposent à la « vie » extérieure –, mais aussi de leurs conditions sociales. Nombreux sont les écrits faisant état de l’importance que représente le diplôme en fin de parcours afin de « devenir autonome », de « pouvoir obtenir un contrat de jeune majeur », etc. Pour d’autres élèves, venir au LP permet aussi de donner à voir à autrui (les parents notamment) une identité positive de soi-même : « Je viens à l’école pour ne pas rester dehors, pour apprendre, faire quelque chose et décrocher un diplôme ». Cette dimension du « faire quelque chose » rappelle les propos de jeunes que nous avons interrogés (Jellab, 1997, a) sur le sens d’une entrée en formation professionnelle : pour ces jeunes, entrer en formation peut s’identifier à la recherche d’un statut normatif régulant les identités subjectives et les transactions avec le milieu familial.

    14Interrogés par écrit sur ce qu’ils pensent avoir appris à l’école, les élèves d’un LP tertiaire mettent quasiment tous en avant l’apprentissage de la lecture, de l’écriture, du calcul et… du métier. La banalité d’un discours sur l’apprentissage des manières de lire et d’écrire se conjugue avec la référence à l’acquisition de connaissances pratiques que les élèves n’hésitent pas à identifier au monde du travail, celui qu’ils pensent connaître à travers les stages effectués en entreprise. Ils associent objectivement leur formation à l’apprentissage professionnel, avec des variations subjectives quant à l’identification de soi aux contenus de formation. Mais c’est le terme même d’apprentissage qui semble contenir une ambiguïté : en effet, lorsque les élèves évoquent l’apprentissage, ils sont souvent conduits à en réduire le contenu aux activités professionnelles. Or si une telle perception est légitime en LP, elle est renforcée par la figure sociale que présente l’apprentissage en alternance, où la relation maître-apprenti se construit en « situation réelle », et où les savoirs incorporés à l’action ne sont pas dotés d’une autonomie ou d’une consistance en eux-mêmes. Le point de vue de l’élève sur sa scolarité est fortement structuré par la spécialité de sa formation. Beaucoup d’élèves de CAP et de BEP disent avoir appris « la politesse » et le « respect des autres » : « j’ai appris à être poli devant le patron » (G, CAP « café-brasserie ») ; « j’ai appris à connaître les gens et à les aider » (F, BEP « carrières sanitaires et sociales »). Ces propos procèdent de la spécialité professionnelle, et témoignent de l’effet confrontation aux milieux de travail dans le sens conféré aux apprentissages (au moment de la passation du questionnaire, la plupart des élèves avaient effectué au moins un stage en entreprise). On repère aussi une forte association entre l’apprentissage du métier et la socialisation aux contraintes, dont on sait qu’elles sont beaucoup plus perceptibles et parfois rédhibitoires à mesure que l’on provient d’un milieu populaire (Hoggart, 1991).

    15La confrontation avec des activités nouvelles concourt à une socialisation inédite : le métier, décliné en domaine professionnel, en un ensemble d’activités spécifiques, contribue à façonner progressivement le regard des élèves sur leur scolarité. En ce sens, la spécialité de formation est partie prenante du double regard que l’élève porte sur la scolarité et sur lui-même.

    De l’impact de la spécialité sur le sens des savoirs

    16La proximité étroite entre les activités professionnelles et l’agir sur la « matière » inscrit les élèves dans des rapports sociaux déterminés. Elle explique le rapprochement qu’ils effectuent entre les savoirs et la vie active. Ainsi, la socialisation à des activités génère à la fois une perception de ses « compétences » (de ce que l’on « sait faire » et de ce que l’on doit « savoir-faire ») mais aussi, des conditions d’exercice ou de mise en œuvre de ces compétences. Élève de BEP « maintenance des systèmes mécaniques automatisés », Kamel nous dit : « En fait, j’apprends surtout à utiliser et à réparer des machines, c’est important pour la fabrication, mais en fait, et je l’ai vu en stage, il faut soigner son travail et mieux communiquer avec les autres ouvriers […] Il faut travailler en équipe ». « Apprendre la politesse », à « faire un travail bien fini », à « écouter les personnes », à « conseiller les clients », désignent cette association entre les contenus enseignés et leur appropriation-intégration dans le monde professionnel. Mais les apprentissages s’inscrivent aussi dans les rapports sociaux que les élèves vivent et construisent au quotidien. En effet, lorsque l’élève de LP maîtrise un savoir professionnel, il peut être amené à le « mettre en œuvre » auprès de ses parents, de ses copains ou même au sein du LP (aider des camarades à trouver des solutions, réaliser des projets en atelier…). C’est en ce sens que l’appropriation des savoirs contribue à la redéfinition des interactions avec autrui et avec soi-même. Certains élèves font ainsi état d’une transformation de soi à l’aune d’une confrontation avec les (ou certains) savoirs. Pour Lucie, « le LP est intéressant parce qu’on apprend aussi à mieux connaître les gens […] j’ai fait énormément de progrès en communication, maintenant, j’ai un peu plus confiance en moi lorsque je parle à des gens ». Lucie, élève de deuxième année de BEP « vente action marchande », s’attache à évoquer des contenus qu’elle relie doublement au métier qu’elle « apprend » (vendeuse) et à elle-même (la « confiance » et le degré de maîtrise des interactions avec autrui). Certains contenus deviennent significatifs à l’aune des usages professionnels ou « pratiques » que l’élève perçoit. Armand, élève de BEP « vente action marchande », dit ce qu’est, pour lui, apprendre : « Apprendre, en fait, au collège, j’ai appris tout ce qu’on doit apprendre […] Lire et écrire, c’est le principal en fait, sans ça, on ne peut rien faire […] En français, on fait comme au collège, on apprend les textes narratifs, le passif et l’actif, et les trucs comme ça […] Maintenant, j’aime bien les maths, avant, je détestais… en fait, ça nous sert en pratique, quand on fait des calculs de stocks, si on ne sait pas, on ne pourra pas faire grand chose […] il m’arrive d’apprendre mes leçons… mais on fait des exercices, si on sait faire l’exercice, on sait la leçon… On a beau savoir, si on ne la met pas en pratique, ça ne sert à rien en fait ». Si Armand se distingue de la plupart des garçons pour lesquels les enseignements théoriques – ou généraux – ne servent qu’à obtenir le diplôme, c’est aussi parce que sa spécialité use davantage de la forme scolaire et des savoirs décontextualisés, y compris lors des stages.

    Grandir au LP

    17La conversion cognitive, celle qui amène les élèves à construire des dispositions plus propices à l’apprentissage s’appuie sur ce qui change en LP : les enseignements technologiques et surtout les enseignements professionnels en phase avec « le métier ». Désignant symboliquement une sorte de rite initiatique pendant lequel l’élève acquiert de nouveaux savoirs et savoir-faire, la transition temporelle en LP va de pair avec un sentiment de maîtrise de son quotidien scolaire et d’une « maturation » associée à la catégorie « d’adulte ». La transition collège/LP est vécue comme une transition d’âge, un âge où l’on devient adulte au rythme des changements affectant la relation aux enseignants et aux savoirs. Or ce sentiment de grandir qui subsume l’intérêt pour les savoirs, y compris ceux de l’enseignement général, combine doublement la maîtrise de savoirs et la construction d’une autonomie face aux activités. Deux types d’expériences sont alors relevées : soit l’élève évoque un travail réflexif accompagnant une activité en vue d’atteindre un objectif de progression scolaire (fabriquer une pièce en productique en la calibrant, en effectuant des mesures, des essais et des évaluations ; mettre en œuvre différents procédés pour doser des matériaux et les utiliser dans une machine de nettoyage…). Dans ce cas, l’élève évoque les apprentissages professionnels en soulignant son autonomie relative (y compris à travers des termes à forte connotation symbolique tels que « savoir se débrouiller », « s’en sortir par la force de ses bras »). L’autre manière de construire son autonomie est celle qui désigne un nouveau type de relation aux enseignants : le sentiment de ne plus être dans une relation pédagogique classique contribue à accroître l’emprise de l’élève sur son quotidien scolaire ! Ce sentiment de grandir, qui rapproche les élèves de LP des apprentis en alternance (Moreau, 2003), procède de l’instauration d’une distance entre l’école et la vie, puisqu’à la distinction entre le monde du dehors et le monde scolaire se superpose une distinction entre le monde de la vie (avec les copains notamment) et le monde du travail (le LP étant ce lieu où l’on apprend un métier, où l’on effectue un travail qui n’est pas que scolaire). C’est aussi la proximité avec « les adultes » du LP qui soutient symboliquement ce sentiment de grandir : « Au LP, il y a beaucoup d’adultes, ils parlent un langage de grands… » (Laurie, BEP « matériaux souples »). Ce regard porté sur soi est étroitement lié au regard qu’autrui, les enseignants en premier lieu mais aussi les parents, manifestent à l’égard des élèves. Si l’on s’en tient à ce que dit Steve, élève de deuxième année de BEP « structures métalliques », à savoir qu’« ici, on est comme des grands parce qu’on est responsables de ce qu’on fait, on nous laisse un peu travailler avec des objectifs à atteindre », il est aisé d’effectuer un rapprochement entre le fait de grandir, de devenir « responsable » et d’« atteindre des objectifs », avec ce que les ouvriers et les employés ont à assumer en milieu professionnel. De même, lorsque Erwan, élève de BEP « électrotechnique », dit « apprendre à devenir électricien, savoir aider les parents dans les travaux de branchement », il signifie bien que la maîtrise d’un savoir le constitue comme sujet d’autant plus « reconnu » qu’il construit une identité scolaire à l’antipode de celle qu’il connut au collège, où il « accumulait les blâmes ! ».

    18Aussi, le LP est perçu comme le contexte « où l’on apprend » le métier mais aussi les connaissances scolaires, et rares sont les élèves déclarant réviser ou réaliser des devoirs à la maison.

    Travail scolaire et apprentissage en LP

    19Pourtant, et même si les PLP ne proposent que rarement du travail scolaire à effectuer chez soi, les élèves ont des leçons à apprendre. Or cet apprentissage est peu évoqué et les rares fois où certains révisent, c’est souvent la veille « en lisant deux fois la leçon » ou « dans le bus quand je viens au LEP ». De fait, nos observations nous ont conduit à considérer qu’il faut repenser la notion même de « mobilisation sur les savoirs ». Là où les recherches menées sur les « nouveaux lycéens » montrent qu’une partie du travail scolaire s’effectue en dehors du lycée (Dubet, 1991), et ce, avec de nombreuses incertitudes quant à son efficacité (Barrère, 1997 ; Bautier, Rochex, 1998), notre enquête retient une forte association du travail scolaire au contexte du LP, et une faible mobilisation extra-scolaire sur les savoirs enseignés. Pour la plupart des élèves de LP, l’apprentissage s’effectue en même temps que se déroulent les cours : « il suffit de bien écouter le prof et de bien comprendre pour apprendre », disent les élèves interrogés. Il y a sans doute une surestimation du contexte et des enseignants, perçus comme cadre et acteurs d’apprentissage, et l’on peut également supposer que la centration des élèves sur les apprentissages professionnels, ceux qui justement ne peuvent être acquis que par la pratique, amplifie cette focalisation sur le LP et l’enseignement dispensé. Mais il y a plus : là où les élèves disent apprendre, en réalité, ils signifient comprendre, car amenés à parler des apprentissages, ils sont nombreux à soutenir qu’apprendre « ne sert à rien ». La prééminence d’un raisonnement associant l’acquisition de connaissances et leur compréhension en sein même du LP et au moment de leur énonciation-manifestation, indique fortement une valorisation du « faire » et une distance critique à l’égard du « discours », le dire étant du domaine de la forme scolaire, celle qui caractérise l’enseignement général (et où il faut « faire confiance aux profs » !). Si quelques élèves disent se documenter en dehors du LP et lire leurs leçons, la plupart d’entre eux se mobilisent peu sur les contenus scolaires en dehors des cours.

    20La nouveauté des savoirs technologiques et professionnels contraste avec la familiarité éprouvée par les élèves devant l’enseignement général. D’ailleurs, et tout en faisant remarquer que les matières générales ne constituent qu’un « programme allégé » (par rapport à l’enseignement au lycée général et technologique), ils n’y voient souvent que « de la révision ».

    21La prédominance d’un rapport instrumental et utilitariste aux études – même si cet instrumentalisme peut laisser place à un rapport « cultivé » à la culture scolaire – conduit la plupart des élèves à ramener les finalités de l’enseignement général à la vie pratique. Ainsi, une matière telle que le français servirait à « écrire des lettres de motivation pour travailler », tandis que l’histoire « ne sert à rien ». Mais si la pratique au sens générique du terme (elle peut référer à la pratique du métier comme à la vie pratique) est promue au rang d’expérience centrale vers laquelle tout ce qui est enseigné en LP devrait converger, c’est parce que les élèves peuvent y associer leur devenir social et professionnel. Les heures d’atelier ou de pratique sont souvent plébiscitées par les élèves, sans qu’ils n’y fassent forcément preuve d’une implication cognitive. Il en est de même des stages effectués en entreprise, là où ils considèrent « apprendre en vrai » : tout se passe comme si au-delà des apprentissages que les élèves effectuent dans les milieux professionnels, ce sont l’ambiance et les modes d’échange avec les ouvriers (et le tuteur) qui focalisent leur attention.

    Les stages en entreprise : expérience complémentaire, concurrente ou peu scolaire ?

    22Si la scolarité d’un élève peut être considérée comme une expérience subjective éclatée et interpellée par différentes logiques et attentes institutionnelles (Dubet, Martuccelli, 1996, a), ceci est encore plus vrai s’agissant des élèves de LP. Ainsi, aux ambiguïtés entourant les finalités des savoirs scolaires et professionnels, à la faible cohérence entre les différentes matières, s’ajoutent les effets induits par l’ouverture du LP sur son environnement économique. Cette ouverture, que les élèves connaissent à travers l’accomplissement de stages, vient renforcer la confusion des registres, entre l’apprentissage scolaire comme maîtrise symbolique d’un rapport au monde et à la culture, et l’apprentissage en situation « réelle » comme maîtrise d’un savoir-faire s’intégrant dans le procès productif (Monaco, 1993).

    23Nombreux sont les élèves à insister sur l’importance du stage comme moment d’apprentissage du métier, et certains vont même jusqu’à identifier le LP aux entreprises : « ce qui est bien au LP, c’est les stages qu’on fait en entreprise » (propos d’un élève de BEP « électrotechnique »). Les élèves associant leur expérience à l’apprentissage d’un métier valorisent le stage au détriment des enseignements théoriques et professionnels dispensés en LP. Ils peuvent parfois donner sens à certains contenus scolaires à l’aune de ce qu’ils ont appris en stage. Le plus souvent, lorsque l’élève surinvestit le stage, il dévalorise son expérience scolaire réduite à des relations pédagogiques inégales. Les élèves se centrant sur « l’apprentissage en vrai » lors du stage prennent comme argument le fait que l’activité professionnelle s’intègre dans un travail productif finalisé et non simulé (au LP, fabriquer une pièce en productique mécanique vise d’abord à ce que les élèves s’approprient un savoir procédural, « savoir comment faire » et « comment ça fonctionne », et non produire selon une commande formulée par un client). Le caractère « vrai » des apprentissages se conjugue avec la spécificité des interactions entre élèves et tuteurs ou ouvriers en entreprise pour créer « deux mondes » qui s’opposent : les milieux professionnels et le LP. Tout en repérant des différences tenant aux rôles des uns et des autres – en particulier, l’enseignant de LP étant celui qui « explique » tandis que le tuteur est celui « qui montre comment on doit faire » –, beaucoup d’élèves interrogés considèrent qu’en entreprise, « on est à égalité avec les salariés », ce qui n’est pas le cas en LP. L’aspect authentique du travail lors des stages est parfois renforcé par l’infrastructure qui est nettement plus à la pointe qu’en LP : « ici, les machines sont trop vieilles, vous n’en trouvez plus en entreprise, alors moi, je préfère aller là-bas, j’apprends des choses plus utiles », dit un élève de 2e année de BEP « menuiserie et agencement ».

    24Bien qu’ils n’identifient pas leur avenir à celui de devenir ouvrier, les élèves n’en sont pas moins socialisés aux exigences nouvelles du monde du travail à savoir l’intégration aux collectifs professionnels et aux contraintes spatio-temporelles imposées par les entreprises. Nous avons d’ailleurs observé que plusieurs élèves manifestant des formes de résistance à l’institution scolaire (retards, absentéisme, conflits avec les enseignants et le personnel d’éducation…) étaient au contraire beaucoup plus assidus et impliqués lors des stages. Il y a sans doute dans une telle posture un effet de sens : l’activité professionnelle en milieu professionnel parait beaucoup plus légitime aux yeux des élèves. Du coup, les contraintes qu’elle peut leur imposer sont identifiées à une nécessité « normale » et non à un arbitraire institutionnel.

    25La valorisation du stage exprime bien le moment où l’élève met entre parenthèses le poids de la forme scolaire, puisque le sentiment de « grandir » et d’être « autonome » se renforce. Mais les stages n’occupent qu’une faible part dans la scolarité, le maximum étant de 16 semaines dans certains baccalauréats professionnels et CAP. L’essentiel de la formation se déroule en LP et c’est bien cette expérience plus ou moins maîtrisée qui structure l’identité du public scolaire. Elle contribue, sous l’effet de la conjugaison d’une histoire biographique et de la nature des savoirs enseignés, à l’émergence de différentes formes de rapport aux savoirs.

    Les formes de rapport aux savoirs : quatre types

    26Les entretiens menés avec les élèves ont mis en évidence le poids de l’histoire socio-subjective – qui est faite de relations, d’événements, parfois de ruptures, de transitions et d’incertitudes – sur les modes de mobilisation de soi en LP. Ils ont permis d’observer que le sens des savoirs – et des matières enseignées – est traversé par des interactions socio-familiales de sorte qu’apprendre est toujours une manière d’exister pour quelqu’un. Mais si les élèves proviennent majoritairement de milieux dominés, l’homogénéité apparente de leurs conditions sociales ne se traduit pas scolairement par une homogénéité de « niveau ». Dit autrement, en LP, on peut dégager différentes formes de rapport aux savoirs chez un public présentant une ressemblance sociologique.

    Un rapport pratique aux savoirs

    27Pour une majorité d’élèves de LP, apprendre est identifié à l’acquisition d’un savoir-faire via la confrontation concrète avec les activités professionnelles ou le métier. Ils sont nombreux à opposer les savoirs théoriques contraignants et évoquant « l’école » et les savoirs professionnels, dont la maîtrise va de pair avec la capacité d’agir sur la réalité (les objets, les situations). Mais cette opposition couvre des rapports variés aux situations et aux activités scolaires. Ainsi, l’opposition cours théoriques/cours pratiques s’apprécie différemment selon que l’élève se pense comme futur professionnel et, a fortiori, s’il définit ce futur comme continuité objective avec son expérience – soit au niveau de l’emploi, soit au niveau de la poursuite des études –, selon qu’il vive sa scolarité sur le mode de l’attente – d’un changement d’orientation notamment ou d’une réussite plus ou moins « miraculeuse » à venir –, ou selon que l’enseignement « pratique » est identifié à une alternative à l’école contraignante – l’atelier devenant alors ce qui n’est pas la classe !

    28Le rapport pratique aux savoirs spécifie l’expérience d’élèves qui sont souvent critiques à l’égard des savoirs généraux. Cette critique peut tenir aussi bien à des difficultés cognitives – renforcées par un habitus scolaire dominé et marqué par l’échec – qu’à la difficulté à donner sens et cohérence aux enseignements théoriques (ou généraux). Cela conduit de nombreux élèves à ne voir dans ces enseignements qu’une obligation, une contrainte pour obtenir le diplôme, occultant ainsi la dimension culturelle des contenus enseignés. Les élèves manifestant cette forme surestiment la répétition et le mimétisme dans l’apprentissage scolaire et professionnel (il s’agit alors de reproduire des procédés pratiques, perçus et montrés par les enseignants). Il s’ensuit alors une forte valorisation des stages en entreprise, même si le contenu desdits stages peut parfois être éloigné des objectifs de la formation. Ce rapport pratique – très répandu chez les élèves de CAP, et dominant chez ceux de BEP – est proche de la forme « orale-pratique » dégagée par Bernard Lahire (1993, a), dans la mesure où il fait référence à un rapport non objectivé au langage (dire et faire sont synonymes), et où il est surtout manifeste chez les élèves éprouvant des difficultés face à l’écriture. Ce type de rapport aux savoirs qualifie les nombreux élèves de LP qui sont soucieux d’éprouver pratiquement les contenus enseignés. En ce sens, l’intérêt porté aux apprentissages n’a d’égal que le souci de percevoir l’utilité des savoirs enseignés, un souci qui va souvent de pair avec une réticence à l’égard des contenus « abstraits ».

    Un rapport réflexif aux savoirs

    29Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, une partie des élèves de LP manifeste un intérêt et une mobilisation récurrente sur les savoirs généraux – même s’il existe des variations selon les matières enseignées – et ce, sans que l’utilité pragmatique de leurs contenus n’apparaisse au premier plan. Le rapport réflexif aux savoirs, qui spécifie cette expérience, obéit à une pluralité de logiques : l’élève peut ainsi valoriser la réflexion devant des situations pratiques afin de s’en approprier les enjeux (c’est particulièrement le cas dans les spécialités tertiaires où la forme scolaire occupe une place prééminente) ; ce rapport est également subsumé par le projet « d’aller plus loin » dans les études, l’élève réalisant que la maîtrise de savoirs et d’habiletés intellectuelles constitue un atout. Mais l’analyse des entretiens montre que de tous les motifs rendant compte de ce rapport réflexif aux savoirs, c’est la capacité de réussir là où l’on pense avoir échoué au collège qui semble la plus déterminante. Cette volonté de réussir – qui se renforce au fur et à mesure que l’élève maîtrise des savoirs vus comme de la « révision » dans un premier temps, comme inédits dans un second temps – conduit dans certains cas au désinvestissement des savoirs professionnels. Incarnant des connaissances décontextualisées, rappelant fortement l’école, les savoirs sont perçus comme prolongeant l’expérience collégienne. Plus manifeste chez les élèves de BEP, le rapport réflexif n’empêche pas la réussite dans les matières professionnelles mais il est souvent concomitant à l’absence d’identification de soi à celles-ci.

    Un rapport désimpliqué aux savoirs

    30Une partie des élèves de LP dit « attendre la fin de l’année pour changer d’orientation », ne « pas être à [leur] place » et partant, qu’ils n’ont aucune attente à l’égard de l’institution scolaire et des savoirs enseignés. Désignant l’expérience la plus tendue de quelques élèves de LP, le rapport désimpliqué aux savoirs exprime la difficulté à se poser comme sujet de savoir, et comme acteur exerçant une emprise sur sa scolarité. Le plus souvent, l’élève se pose comme victime d’un système ne lui ayant guère laissé de chance, lorsqu’il ne s’agit pas, dans des cas extrêmes, d’une désillusion renforcée par certaines pratiques éducatives. Ainsi, les élèves exprimant un sentiment amer à l’égard du LP ont souvent connu une expérience au collège où ils ont été invités à construire un projet professionnel, pour au final devoir l’abandonner par « manque de places ». Il n’est pas étonnant que cette épreuve – qui n’est pas irréversible mais qui peut conduire à un désinvestissement du LP – soit vécue par les élèves qui étaient scolarisés dans des dispositifs de scolarisation par alternance (notamment en classe de 3e d’insertion et en CIPPA). La désimplication prend souvent la forme d’une rupture cognitive avec les savoirs – voire d’une absence d’implication dès le début de scolarité en LP – et d’une surestimation de « l’ambiance scolaire ». Ainsi, l’élève semble enfermé dans des conflits avec les camarades de la classe mais aussi avec les enseignants.

    31Les trois types (ou formes) de rapport aux savoirs – pratique, réflexif et désimpliqué – traduisent des degrés variés de mobilisation – ou non – de l’élève, selon les contenus et les interactions avec les enseignants et les camarades. Là où le rapport pratique aux savoirs pose l’apprentissage du métier et la logique du « faire » comme ce qu’il est légitime d’apprendre, le rapport réflexif se veut attachement aux savoirs décontextualisés qui sont consacrés et valorisés aux dépens des savoirs et de la pratique professionnels. Tandis que le rapport désimpliqué s’identifie à une prise de distance radicale à l’égard des savoirs et à l’encontre de tout ce qui évoque l’expérience scolaire connue. D’une certaine façon, ces trois postures traduisent une difficulté à donner un sens global aux différents savoirs, et à en articuler cognitivement les contenus. Tel n’est pas le cas d’un quatrième type de rapport aux savoirs que nous qualifions d’intégratif-évolutif.

    Un rapport intégratif-évolutif aux savoirs

    32Les élèves de LP se confrontent à des savoirs qui ont cette particularité d’être tantôt décontextualisés, tantôt portés sur la pratique et partant, censés en expliciter l’organisation et les conditions de déroulement mais aussi être incorporés à l’activité technologique et professionnelle. Cette dualité, nous l’avons vu, oblige les élèves à un travail complexe où il s’agit non seulement de relier les savoirs entre eux mais aussi, d’articuler des contenus enseignés dans des contextes apparemment éloignés les uns des autres. Une partie des élèves parvient à dépasser l’opposition – institutionnellement mais aussi socialement construite – entre les savoirs généraux et les savoirs technologiques et professionnels. Ce dépassement prend la forme d’une expérience marquée par une certaine capacité à situer les enjeux culturels des savoirs et à s’en approprier le sens. Nous qualifions ce rapport aux savoirs d’intégratif-évolutif. Le sens des savoirs présente une cohérence qui s’élabore à partir d’un regard conciliant les différents apprentissages (scolaires et professionnels) et leurs finalités, leur « utilité pratique » n’étant qu’un objectif parmi d’autres. L’élève positionne ainsi les savoirs eu égard à leur effet formateur de soi, en même temps qu’il les intègre dans la connaissance du monde et dans leur effet quant à la maîtrise des rapports sociaux de domination. Ainsi, « savoir parler de questions et tenir une discussion devant un patron », comme nous le dit cette élève en CAP « café-brasserie », manifeste la maîtrise des enjeux sociaux tenant à la relation entre « savoir » et « pouvoir ». L’élève intègre les savoirs en les articulant, tout en considérant que ses apprentissages ne sont pas achevés. Comme le dit Louise, élève de BEP carrières sanitaires et sociales, « j’aime tout ce que je fais en LP, apprendre à écrire des textes longs, réfléchir quand je suis en pratique ou en stage, mais tout ce qu’on fait ici, et tout ce que je lis chez moi parfois, c’est des choses qui sont utiles, mais qui ne suffisent pas […] J’ai compris que l’on a jamais fini de savoir des choses ».

    33Le rapport intégratif-évolutif aux savoirs n’est présent que chez une minorité d’élèves de LP. Il se caractérise, outre par la cohérence établie entre les différents contenus, par la valorisation des deux formes, scolaire et professionnelle. Mais la spécialité contribue à son tour à favoriser plus ou moins cette expérience. Les quelques cas d’élèves entretenant un rapport intégratif-évolutif aux savoirs sont scolarisés dans des spécialités usant davantage de la forme scripturale (notamment en secrétariat, en électrotechnique, en comptabilité et en carrières sanitaires et sociales), ou dans une spécialité qui semble la plus « professionnalisée » des formations telle que l’hôtellerie (la formation hôtelière est plus professionnalisée parce qu’elle s’effectue au plus près des conditions effectives d’exercice du métier, puisqu’il existe un « restaurant d’application » sein des LP hôteliers). Aussi, si l’histoire scolaire de l’élève contribue fortement à structurer son rapport aux savoirs, les savoirs eux-mêmes et leur spécificité sont également partie prenante des modalités prises par ses apprentissages et par son affiliation.

    34En interrogeant au plus près les élèves sur ce qu’ils font et apprennent en LP, nous avons tenté de penser plus empiriquement leur expérience scolaire. Cette expérience paraît beaucoup plus variée que ne peuvent le supposer les travaux attachés à dire la domination et la marginalisation des élèves dans cet ordre d’enseignement. Alors que la sociologie a longtemps traité de la socialisation comme processus complexe engageant des sujets et des contextes (Dubet, Martuccelli, 1996, b), il est pour le moins paradoxal de voir qu’elle ait en quelque sorte sous-estimé la question des apprentissages scolaires (Lahire, 1999). Si le « point de vue crée l’objet » (Saussure, 1916), le matériau recueilli se trouve modifié selon les questions que le sociologue se pose. Lorsque Bernard Charlot (1999) parvient au constat selon lequel les élèves de LP évoquent peu les savoirs professionnels, cela tient au mode d’investigation empirique : en interrogeant les élèves sur ce qu’ils pensent avoir appris, il s’agissait de situer les savoirs scolaires et leur place au sein du « savoir » (au sens générique du terme) dont ils disent disposer. Le matériau se trouve modifié lorsqu’on interroge les élèves sur ce qu’ils pensent avoir appris et apprendre en LP. Non seulement les élèves évoquent les différents savoirs auxquels ils sont confrontés mais aussi, et les entretiens aidant, ils prennent position à l’égard des contenus de leur formation en mettant en relief l’ensemble des expériences contribuant à en faciliter – ou à l’inverse, à en empêcher – l’appropriation. En déplaçant l’angle de regard de la société vers la boîte noire que constitue l’école, l’établissement et la classe, mais aussi le rapport aux savoirs et les pratiques pédagogiques, le sociologue peut alors entrevoir d’autres réalités, invisibles le plus souvent pour les approches macro-sociologiques. Mais une constante apparaît : tout apprentissage et tout mobile le sous-tendant ne prennent sens et n’ont lieu que soutenus par autrui : l’altérité apparaît à la fois comme destinataire d’une mobilisation et comme sa condition de réalisation.

    Dimensions de l’altérité dans le sens conféré aux savoirs : entre dépendance et subjectivation

    35À l’écoute des élèves, leur expérience apparaît composite et imbriquée dans des rapports sociaux et intersubjectifs qu’il convient de mettre en exergue. Les rapports intersubjectifs en milieu scolaire se construisent fortement autour des enseignants et des camarades de la classe. En toile de fond, c’est sa condition d’élève qui se désigne en étapes et en lieux (l’école primaire, le collège, la ville, le quartier, chez soi…), et l’école est souvent identifiée à une expérience critique, marquée par des tensions et des sanctions (négatives), en particulier celle de l’orientation subie au collège. Ces éléments – traduits en événements – biographiques et institutionnels, nous les retrouvons constamment à l’œuvre dans le discours des élèves, et ce, lorsqu’ils « expliquent » les raisons de leur scolarité en LP, mais également les motifs de leur réaction et mobilisation (ou non) sur les savoirs.

    36Trois axes intersubjectifs contribuent à façonner et à soutenir le rapport aux apprentissages scolaires et aux contenus des savoirs enseignés : l’axe famille/sujet ; l’axe élève/camarades (ou copains) et l’axe enseignant/élève.

    Une dialectique irréductible : expérience sociofamiliale et expérience scolaire

    37La plupart des élèves interrogés, comme la majorité des élèves de LP, proviennent de milieu populaire, rarement des classes moyennes et encore moins des classes dominantes. Si l’on ne peut souscrire au misérabilisme porté par une sociologie spontanée ou avertie (Grignon, Passeron, 1989), on ne peut non plus écarter le postulat d’une incidence (positive ou négative) d’une appartenance à un milieu social dominé (culturellement et symboliquement) sur le sens conféré aux apprentissages en LP. Lorsque Samira, 19 ans, élève de première année de CAP « industrie maille et habillement », observe que sa « mère serait contente qu’[elle] réussisse à l’école parce que c’est [sa] chance pour avoir un boulot plus tard et avoir une famille », elle désigne en même temps sa volonté de s’affranchir d’une domination sociale, et une tentative de concilier des attentes paternelles et un projet maternel (issue de parents algériens, Samira nous dira que son père, « très droit en religion », la voit bien « femme au foyer », tandis que sa mère « veut qu’[elle] devienne quelqu’un en travaillant »). Les familles des élèves interrogés mettent beaucoup d’espoir dans le système scolaire, et ce en dépit des contraintes et des difficultés dans lesquelles elles peuvent vivre. Séverine, 18 ans, scolarisée dans la même classe que Samira, dit à plusieurs reprises avoir été « perturbée » par le divorce de ses parents, ce qui déstabilise son travail scolaire : « la prof gueule après moi parce que je suis lente… en fait, je suis ailleurs dans les cours, je pense à mes parents, à mes petits frères, eux aussi ils ont été choqués par le divorce de mes parents, alors j’y pense… j’étais pas comme ça avant ». Des difficultés familiales ne génèrent pas mécaniquement un retrait ou un désintérêt parental vis-à-vis de la scolarité de l’enfant. Au contraire, de nombreux élèves font état du suivi parental et des inquiétudes familiales « si jamais on sort sans rien, sans diplôme ». Les attentes familiales constituent souvent un fort appui symbolique à la scolarité : « Ma mère, malgré qu’elle soit en dépression, me dit : “l’école, il faut que tu écoutes bien, c’est pour ton diplôme” » (F, CAP « industrie maille et habillement ») ; « j’espère apprendre à l’école pour lui [sa mère] prouver que je suis capable » (G, CAP « construction d’ensembles chaudronnés »).

    38La scolarité en LP est souvent vécue sur le mode d’une rupture et d’un « nouveau départ ». La rupture avec le collège et le sentiment de grandir que les élèves éprouvent à l’entrée au LP ne peuvent s’interpréter en dehors des activités scolaires et professionnelles, des rapports pédagogiques s’instaurant avec les enseignants, et des rapports intrafamiliaux sur lesquels l’apprenant s’appuie pour se penser comme « adulte ». Le changement que les élèves disent vivre à l’épreuve du LP et des savoirs, c’est aussi un changement affectant leur expérience familiale, où l’on « devient quelqu’un », où l’« on montre qu’on sait faire des choses difficiles », et où l’on parvient à faire valoir des « notes qu’on n’a jamais eues au collège ». Que la menuiserie soit une « affaire de famille », que l’histoire intéresse telle élève parce que son « grand-père était résistant » ou encore, que devenir ouvrier permette de se sentir « proche de [son] père qui est électricien en usine », cela témoigne de l’existence d’une continuité relative entre histoire sociale et expérience scolaire, alors même que les élèves n’ont pas, pour la plupart, choisi un tel « destin » scolaire. Mais d’autres élèves semblent beaucoup plus hésitants et tout en insistant sur les attentes familiales à l’égard du LP, ils ne se mobilisent que peu sur les savoirs. La complexité et la multiplicité des variables participant de l’expérience scolaire rendent compte des tournures prises par la carrière d’un élève en LP, et l’on peut aisément montrer que le soutien familial ne suffit pas à lui seul pour mobiliser sur l’école et les savoirs.

    39Le rapport à la famille est souvent évoqué sous l’angle de ce qui peut mobiliser sur les savoirs (« apprendre pour faire des études que nos parents n’ont pas pu faire »), du décalage entre la socialisation familiale et la socialisation scolaire (« … c’est dur parce que les parents ne peuvent plus être derrière nous, les parents ne peuvent pas suivre parce que ça fait vingt ans qu’ils ont quitté l’école »), de ce qui inscrit l’élève dans un rapport contradictoire au monde scolaire (« ma mère dit que je peux y arriver […] mais c’est vrai que ma mère m’a dit que je suis limitée »), ou encore le rapport à la famille procède d’un discours sur l’expérience scolaire et sociale de la fratrie, qui peut expliquer le sens conféré au fait d’aller à l’école et d’apprendre. La concomitance des propos associant le fait de « grandir », de changer de contexte scolaire et de se « professionnaliser » (au sens où l’on devient « grand » parce qu’on se socialise au « métier ») exprime l’avènement d’un nouveau regard sur son statut d’élève et d’enfant.

    40Les entretiens menés avec les élèves rendaient bien compte de l’étroite relation et du dialogue entre l’expérience sociofamiliale et les expériences scolaires, une relation qui peut parfois être conflictuelle (quelques élèves font bien état de vives tensions entre le regard parental parfois négatif sur le LP et donc sur leurs enfants, et la manière dont ceux-ci tentent de vivre positivement leur expérience scolaire). Les parents (au sens large du terme) des élèves mettent leurs espoirs sur le LP (y compris lorsque celui-ci est dévalorisé). C’est malgré tout une expérience nouvelle que les élèves vivent en LP, et provenir de tel ou tel milieu ne signifie pas que l’on en hérite l’histoire sans qu’il n’y ait un apprentissage et donc, une implication de soi (Terrail, 1995). C’est en prenant partiellement appui sur la famille que les élèves tentent de donner du sens à leur scolarité, un sens qui procède fortement d’une recherche de reconnaissance et d’une (re) construction de soi en devenant « quelqu’un » (pour soi et pour autrui, dont les parents). À côté des interactions avec la famille, une deuxième dimension contribue également à façonner le rapport aux savoirs : celle des camarades de la classe et des copains de la vie.

    De l’importance des pairs : entre les camarades de la classe et les copains de la vie

    41Lorsqu’on écoute les élèves de LP, leur discours relatif aux interactions en milieu scolaire et dans la vie quotidienne fait référence aux savoirs et aux apprentissages, où il s’agit de s’auto-évaluer par rapport à autrui, d’exister autrement via l’acquisition de diplômes, voire de s’approprier des connaissances en prenant appui sur autrui, des copains ou des amis en général. Si les savoirs les plus valorisés réfèrent aux contenus professionnels, les élèves insistent aussi sur le rôle des camarades dans l’appropriation desdits contenus, y compris lorsqu’ils sont en classe. Ainsi, on apprend en classe « parce qu’on voit comment les autres travaillent… quand un élève va au tableau, j’essaie de voir comment il réfléchit et si j’ai réussi à faire l’exercice » (Adrien, élève de 2e année de BEP « maintenance des véhicules automobiles »). Le rapport aux pairs participe ainsi du rapport aux savoirs scolaires, sans que les élèves en aient forcément conscience.

    42Le jeu des comparaisons aux camarades de la classe conduit certains élèves à remettre en cause le « niveau » des exigences scolaires. Ainsi, cette élève âgée de 17 ans et scolarisée en deuxième année de CAP « employé technique des collectivités », nous dit à propos des exigences en mathématiques : « Je ne sais pas mais vous devriez venir voir les cours de maths… la prof, elle nous fait des exercices trop simples… les autres élèves, surtout ceux qui viennent de SES [sections d’enseignement spécialisé], ne comprennent pas vite, alors on s’ennuie… il faut pas deux heures pour faire 40+30 ». Ce discours procède de la propre scolarité de l’élève, car issue de classe de 3e générale, elle se sent à la fois « en avance » sur les autres camarades, tout en vivant son expérience comme une « chute » ou un déclassement.

    43Du côté des élèves vivant leur scolarité en LP sur le mode de l’échec, le rapport aux camarades peut donner lieu à une sorte d’épuisement, à des impasses amplifiées par le jeu de la comparaison et du classement institutionnels. Séverine, 18 ans, élève de première année de CAP « industrie maille et habillement », constitue un cas idéal-typique de ces rapports conflictuels inter-élèves, sur fond d’injonction à la réussite qui met l’apprenant devant l’obligation d’être « comme les autres », tout en restant soi-même. Cette élève nous dit avoir du mal à comprendre les cours. La raison tiendrait au sentiment de relégation et d’exclusion généré par les camarades de la classe : « … il y a des filles de ma classe, elles me laissent de côté… en classe, je suis tout au fond… au début, on m’a acceptée mais là, je sais pas, c’est comme si j’existais pas… elles me parlent, elles me disent bonjour et puis plus rien […] Je trouve que je suis toujours la dernière de la classe, je suis nulle quoi, c’est vrai, et pourtant en début d’année, je faisais mes coussins et mes chemisiers dans les premiers, c’est normal puisque je viens de SES, mais là, tout le monde est avant moi ».

    44La sociabilité intra-scolaire – en classe mais aussi dans l’établissement scolaire – contribue à la perception que l’élève construit des savoirs et de lui-même. À côté de cette sociabilité intra-scolaire coexiste une sociabilité juvénile (ou adolescente) extrascolaire. Il s’agit de l’ensemble des rapports socio-subjectifs définissant l’univers relationnel de l’élève en dehors du milieu familial. Les élèves évoquent souvent leur quotidien en distinguant les « camarades » et les « copains » de la vie. Mais les copains ne se définissent pas seulement comme culture juvénile porteuse de codes et de rites spécifiques (Lepoutre, 1997). Le rapport aux copains peut aussi procéder de l’expérience amoureuse qui, elle, contribue à redéfinir le rapport même aux savoirs et la construction de sa subjectivité à l’épreuve du LP. Le cas de Bénédicte, 16 ans et scolarisée en BEP « bioservices », est significatif des effets générés par la vie extra-scolaire sur son rapport aux savoirs. Le désir d’apprendre, vouloir réussir en mathématiques, aimer la microbiologie… désignent une dynamique cognitive et affective qui rompt avec les difficultés et le désintérêt connus au collège. Cette rupture, ou plutôt ce nouveau rapport aux savoirs, s’analyse comme effet – non unidimensionnel mais comme élément d’un processus ayant fortement conduit à ce changement de posture – d’une rencontre avec un « copain étudiant en STAPS », et que Bénédicte considère comme quelqu’un qui « sait beaucoup de choses ».

    45De même, Eric, 19 ans, élève de deuxième année de BEP « bois et matériaux associés », dit avoir « redoublé le BEP parce qu’[il] glandait dans les rues et qu’[il] avait de mauvaises fréquentations ». Il insiste sur son espoir d’obtenir le BEP sans envisager une poursuite des études, « parce que, dit-il, même avec le bac pro, il y a pas de boulot en menuiserie ». Définissant son identité à travers les rapports aux copains du quartier et à ceux connus au collège, Eric espère « fonder une famille et travailler comme ouvrier ». Il poursuit : « Pour trouver du travail, il faut être dégourdi, j’ai mon permis de conduire, j’ai un oncle qui est menuisier, il va m’aider à trouver du travail et puis, on commence petit avant de grandir ». Fréquentant « une copine qui passe son bac SMS [sciences médico-sociales] cette année », « qui apprend beaucoup et veut travailler dans le médical », Eric souscrit à l’idée d’une rupture partielle avec le système scolaire en ménageant un espace possible à sa vie affective, sur fond de division sexuelle des rôles : « Si moi je travaille, ma copine pourra toujours continuer les études, le tout c’est qu’on ait un logement et un peu d’argent ». Ainsi, se mobiliser sur son BEP sous l’effet de la rencontre avec une copine assure à Eric une identité sociale « acceptable », et « reproduisant » en même temps le « modèle ouvrier », où se combinent l’entrée dans la vie active, le départ du milieu familial et l’installation en ménage (Galland, 2004).

    46Mais des trois dimensions contribuant à mobiliser les élèves, à savoir le milieu familial, les rapports de sociabilité dans et hors du LP et les interactions avec les enseignants, c’est cette dernière qui est évoquée comme des plus déterminantes : apprendre en LP et s’y approprier des connaissances dépendent fortement des manières dont les enseignants dispensent leur enseignement et « écoutent » les élèves. L’apprentissage est ainsi suspendu à la « qualité » de la relation pédagogique.

    Sens des savoirs et interactions avec les enseignants : des relations ambivalentes

    47Le propos récurrent des PLP disant mettre en œuvre différentes stratégies pour « valoriser les élèves » et les aider à « vivre un nouveau départ », semble faire écho à l’éloge exprimé par nombre d’élèves interrogés pour lesquels « les profs de LP sont beaucoup plus sympas que ceux du collège ». Les élèves de CAP et de BEP surestiment le rôle des enseignants en les posant comme étant ceux qui leur « apprennent des choses ». Ce constat est à nuancer. Car pour rendre compte des raisons de leur réussite ou difficulté scolaire, les élèves de LP oscillent entre surestimation du rôle de l’enseignant et mise en avant de leur « volonté » ou « motivation » personnelle en tant qu’apprenant.

    48La plupart des élèves insistent sur la différence entre le collège et le LP : au collège, « les profs ne nous écoutaient pas, tu travailles ou tu travailles pas, ils s’en foutaient, ils faisaient le programme, c’est tout » ; tandis qu’au LP, « les profs, ils sont bien, si on ne comprend pas, ils nous expliquent, c’est là qu’on comprend qu’on peut parler de n’importe quoi avec eux, si on a un problème à la maison… ». Ainsi, à l’issue du collège, les rapports aux enseignants prennent une nouvelle configuration. Les professeurs sont investis des raisons expliquant la mobilisation ou non sur la matière enseignée et ils sont nombreux, parmi les élèves, à faire état de blocages, de conflits voire du refus d’apprendre en collège parce que les enseignants y manifestaient un mépris à leur égard.

    49Globalement, les élèves accordant une grande importance à la qualité des relations avec les enseignants sont ceux qui n’investissent les savoirs qu’à la condition de se sentir « respectés » et « écoutés ». Ainsi, « la façon dont ils nous traitent », comme le « prof qui sait nous écouter », ou encore, « le prof qui n’aime pas ma tronche » circonscrivent les modes d’interactions pédagogiques, où les savoirs prennent sens à travers les modalités dont l’élève construit son rapport à l’enseignant. Les enseignants sont ainsi investis d’un pouvoir pluridimensionnel : ils « apprennent les leçons », ils « encouragent » les élèves, ils « aident à mieux comprendre », ils « savent écouter »… Ces attributs dépassent les seules compétences liées à la transmission de savoirs.

    50L’importance accordée aux enseignants pour leur rôle « motivant » et déterminant dans la réussite en LP varie selon la filière, le genre et la spécialité. Si les élèves de CAP surestiment davantage que ceux de BEP le pouvoir de l’enseignant, ces derniers semblent vivre différemment cette expérience selon la spécialité et le sexe. Les filles accordent une importance majeure à la capacité de l’enseignant à faciliter l’appropriation des contenus scolaires et leur compréhension ; tandis que les garçons s’attachent à la personnalité de l’enseignant, à ses attributs subjectifs tels être « sympathique », « cool » et plus prompt à leur « parler d’autre chose que de l’école ». Les garçons associent la qualité des relations aux apprentissages, tandis que les filles distinguent les deux registres (elles peuvent, par exemple, trouver que tel professeur « est sympathique mais il n’explique pas bien les cours »). Dans les spécialités industrielles, l’importance accordée aux savoirs professionnels renforce un regard « positif » porté aux professeurs d’atelier – ceux-ci exerçant souvent dans une proximité aux élèves – tandis que là où prédomine la forme scolaire, en particulier dans les spécialités tertiaires, les élèves se centrent sur la capacité de l’enseignant à expliquer les cours.

    51Le rapport des élèves aux enseignants est pourtant ambivalent. Ils soulignent certes la différence entre le collège et le LP. Mais ils sont aussi nombreux à contester la mainmise des enseignants : « ils nous traitent de bœufs », de « nuls », et de « racaille ». Il existe sans doute de nombreux malentendus. Ainsi, et par exemple, certains élèves font état de leur incompréhension à l’égard de la notation et de « l’humeur » changeante de certains professeurs : « le prof, il est bizarre, des fois il est sympa, des fois, on a l’air de l’embêter… on ne sait pas comment il est » ; « le prof de français, il note bien, il donne de bonnes notes, c’était au début, mais là, tout d’un coup, il me saque… il en a après moi je crois ! ». En réalité, l’incompréhension provient du fragile équilibre entre les tentatives de valorisation des élèves (via par exemple une notation plus indulgente), et les exigences scolaires qui imposent souvent un retour à une forme de violence symbolique et ce, à mesure que l’échéance des examens approche.

    52Aux dires des élèves, les enseignants de matières professionnelles leur reprochent leur incapacité à devenir de « bons » ouvriers ou employés. Tandis que les enseignants de matières générales se plaignent de leur absence de « motivation » ou d’attention. Les élèves restent globalement plus critiques à l’égard des PLP de l’enseignement général. Mais derrière cette critique se profile la question du sens que les matières enseignées véhiculent symboliquement. Rappelant « l’école » dans ce qu’elle a de contraignant (« s’asseoir », « écouter », « gratter »), les savoirs décontextualisés sont souvent pensés en termes d’obligation et de généralité (« pour avoir le diplôme », « pour qu’on soit à l’école », « parce que ça servira plus tard »), de sorte que la pratique (en atelier, en laboratoire, en cuisine…) apparaît comme un moment attendu, parfois moins pour investir les contenus professionnels, que pour s’éloigner de la forme scolaire peu finalisée.

    53Les interactions avec les enseignants prennent des formes diverses. Si les élèves des spécialités industrielles semblent plus critiques à l’égard des enseignants – en particulier ceux de matières générales, mais on trouve également cette posture chez les élèves du BEP « vente action marchande » – que les élèves des spécialités tertiaires, on observe aussi une différence au sein des formations relevant d’un même secteur. Ainsi, les élèves du BEP « électrotechnique » sont plus attachés à l’idée que « les profs savent expliquer et dire ce qu’il faut faire, ils veulent qu’on réussisse », tandis que les élèves d’un BEP peu valorisé tel que « métiers de la productique mécanique informatisée » contestent la « façon dont les profs traitent les élèves, ils les prennent pour des nuls ». De fait, si les interactions avec les enseignants sont loin de constituer la raison principale de l’implication des élèves dans leur scolarité, elles n’en constituent pas moins l’un des éléments les plus significatifs, de sorte que l’affiliation au LP porte toujours la marque du type d’accueil, de valorisation et de suivi assurés par les PLP.

    54Nombreux sont les élèves à faire état du souci que les enseignants s’intéressent à leurs difficultés et puissent les aider, mais à condition que les activités proposées soient « de niveau » et présentent un degré d’exigence qu’ils associent fortement à un certain respect de leur personne. La disponibilité des enseignants, leur capacité à écouter les « problèmes » des élèves (qu’ils soient cognitifs ou extrascolaires) et une certaine constance dans les postures, en font des acteurs irréductibles à leur rôle institutionnel. Mais c’est aussi de l’équilibre souvent précaire entre attentes des élèves et attitudes des enseignants que dépend en partie le déroulement de la scolarité en LP. Les cas de devenirs heureux sont nombreux, plusieurs élèves font ainsi état d’un « déclic » parce qu’ils se sentent soutenus, encouragés et aidés par tel ou tel enseignant. Mais d’autres devenirs, à l’issue moins optimiste, sont également présents. Ils prennent souvent la forme de conflits ouverts dans lesquels ce sont la personnalité de l’enseignant et celle de l’élève qui sont invoquées au premier plan : « il y a des profs qui sont sympas, mais d’autres ne sont pas terribles, il y a surtout une prof, elle n’aime pas du tout ma tête, je sais pas pourquoi mais chaque fois, elle est sur mon dos, la façon qu’elle me regarde, qu’elle me parle, je suis stressée, je travaille quand même ce qu’elle nous dit » (Marine, élève de 1re année de BEP « bioservices »).

    55La dépendance que les élèves manifestent vis-à-vis des enseignants qui « leur apprennent » les cours s’atténue au fur et à mesure que se déroule la scolarité en LP. Ils apprécient le professeur « qui sait expliquer son cours », qui « prend le temps de faire comprendre aux élèves ce qu’ils ne savent pas » et qui évite une pédagogie académique dans laquelle « il dicte et les élèves grattent pendant des heures ». De ce fait, et contrairement à une idée bien répandue dans les lycées professionnels, les élèves sont loin de ne « marcher qu’à l’affectif ». Ils ne sont pas seulement inscrits dans un registre interactionnel rompu à la seule sociabilité au détriment des apprentissages scolaires et professionnels. Aussi, les élèves effectuent-ils une distinction selon les enseignants et la forme dont procède l’enseignement : « en atelier, le prof nous montre alors qu’en classe, le prof nous explique », observent la plupart des élèves de LP industriels (les élèves des LP tertiaires parlent de pratique et non d’atelier). Aux professeurs d’enseignement général, les élèves disent devoir « faire confiance », tandis qu’à ceux qui enseignent la technologie et « le métier », ils associent une plus forte légitimité, d’autant plus que « l’on voit si on a réussi en pratique, ce qui n’est pas pareil en cours, le prof nous corrige et c’est lui qui sait ».

    56Peu d’élèves disent apprendre ou effectuer des devoirs à la maison. A cela deux raisons complémentaires : la première tient au fait que peu d’enseignants de LP exigent des devoirs à la maison. Partant du principe que les élèves ne les effectueront guère, et ce en invoquant des raisons tenant aussi bien au faible intérêt pour les savoirs qu’à des « problèmes familiaux lourds », les PLP en viennent à renforcer le sentiment que le « salut » de leurs élèves est incarné par le LP (seul lieu où l’on apprend). La seconde raison tient au fait que les élèves posent également que « c’est au LP qu’on apprend tout », ce qui renforce la nette opposition établie entre l’école et la vie : en LP, on apprend le métier, les connaissances servant le diplôme et potentiellement « utiles pour plus tard », tandis que dans la vie, « on apprend à se débrouiller », « à connaître les ficelles pour s’en sortir », etc.

    57Les PLP constituent les acteurs princeps que les élèves désignent comme contribuant à leur métamorphose scolaire. Mais les enseignants ne sont pas perçus indépendamment des savoirs enseignés et si les rapports de « sympathie », d’« écoute » et de « confiance » sont promus comme éléments distinguant la scolarité en collège de celle du LP, c’est la confrontation avec des savoirs d’un genre nouveau ou présentés différemment qui contribue au sentiment de « grandir », de devenir « adulte ».

    58Mais nous avons relevé que les interactions avec les enseignants varient selon qu’il s’agisse de filles ou de garçons, ce qui conduit à supposer l’existence d’ajustements pédagogiques spécifiques selon la catégorie de genre.

    Filles et garçons en LP : des rapports variés aux enseignants et aux savoirs

    59Les LP accueillent davantage de garçons que de filles et si l’on note un brouillage de la catégorie de genre, notamment dans certaines spécialités (la part des garçons a fortement progressé dans les spécialités tertiaires), filles et garçons ne manifestent pas les mêmes dispositions à l’égard des études et des savoirs. Les garçons, majoritaires dans les spécialités industrielles, sont plus réticents à l’égard de la forme scolaire, et les conduites d’opposition voire de défi à l’égard des professeurs sont d’autant plus manifestes que ceux-ci enseignent des matières générales. Les filles, majoritaires dans les spécialités tertiaires, tout en manifestant des réticences à l’égard de « matières qui ne servent pas », souscrivent davantage à la nécessité de réussir, ce qui explique partiellement pourquoi elles exigent des enseignants une attention à leurs difficultés de compréhension et d’apprentissage. Les filles se mobilisent davantage sur les savoirs et ce, quelles que soient les spécialités, ce qui les rapproche de l’expérience scolaire de celles qui fréquentent les autres contextes d’enseignement (Duru-Bellat, 1990). Au sentiment largement partagé par les garçons d’être asservis et infantilisés dans la relation pédagogique – en classe notamment – fait face, chez les filles, le sentiment de ne pas être suffisamment écoutées et comprises lorsqu’elles éprouvent des difficultés de compréhension. Le rapport aux savoirs chez les filles apparaît beaucoup plus soutenu par des mobiles dépassant largement les finalités utilitaires de la formation. Ainsi, elles sont plus nombreuses à s’approprier des savoirs pour les intégrer dans leur vie quotidienne, en particulier au plan des interactions avec autrui, mais aussi au niveau de la compréhension du monde. Aussi, les rapports réflexif et intégratif-évolutif aux savoirs sont-ils plus dominants chez les filles que chez les garçons. Plus socialisés à une vision du monde opposant l’école et « la vie », les garçons manifestent un rapport utilitariste aux savoirs : ceux-ci n’ont de légitimité qu’eu égard à leurs usages proches ou immédiats. Le fait d’être davantage scolarisés dans les spécialités industrielles favorise un rapport pratique aux savoirs, et l’on peut légitimement considérer que l’apprentissage du « métier » renforce, par l’action sur les « objets », le sentiment de pouvoir faire l’économie d’une mobilisation cognitive sur les activités. La réticence des garçons est plus manifeste à l’égard des leçons à apprendre chez soi, comme si l’opposition LP/vie extra-scolaire préfigurait la distinction à venir entre travail salarié et vie privée. La valorisation des relations avec les PLP de matières technologiques et professionnelles et la nette préférence pour les activités en atelier, s’expliquent par la distance que cette expérience instaure avec la forme scolaire, et la violence symbolique contenue dans la relation pédagogique traditionnelle. C’est sans doute cette réticence à l’égard d’une domination scolaire qui explique pourquoi les garçons apprécient davantage que les filles les périodes de stage en entreprise. Là aussi, la différence avec les filles est manifeste lorsqu’on les invite à décrire ce qu’ils ont appris lors des périodes de formation en entreprise. Chez les garçons, les propos se centrent alors moins sur les activités professionnelles et les apprentissages techniques que sur les relations avec les ouvriers et les tuteurs.

    60Le contexte du LP contribue, de par la nature des savoirs qui s’y enseignent, à donner une cohérence ou, à l’inverse, à opposer la forme scolaire à la forme professionnelle. Si les filles sont plus nombreuses à vivre leur scolarité sur le mode d’une complémentarité entre les savoirs généraux et les savoirs technologiques et professionnels, c’est parce que les spécialités dans lesquelles elles sont scolarisées s’y prêtent plus. En effet, les spécialités du tertiaire – en particulier celles qui scolarisent le plus gros de l’effectif, à savoir la bureautique, les métiers de la comptabilité et le sanitaire et social – ont cette particularité d’être davantage soumises à la forme scolaire, d’accorder une grande place aux activités de lecture et d’écriture. De plus, les enseignants se distinguent moins par leur espace – et outil de travail – que par le contenu desdites activités, de sorte que l’élève réalise que des tâches telle que rédiger un texte en français et argumenter par écrit une simulation de vente, ne constituent pas deux activités foncièrement dichotomiques. Mais si les élèves de LP ne construisent réellement des projets (scolaires, professionnels…) qu’une fois affiliés à cette institution, de nombreuses filles découvrent également qu’elles peuvent réussir là où elles ont « échoué » en collège, à savoir dans les matières générales. Soutenues par plusieurs mobiles – par exemple, elles sont nombreuses à faire état de leur désir de transmettre à leurs futurs enfants ce qu’elles ont appris à l’école –, les filles semblent plus socialisées à l’idée que le LP n’est pas seulement un espace de vie, mais qu’il est également un lieu d’apprentissage et de formation de soi. La socialisation différentielle des filles et des garçons explique pourquoi elles ont intériorisé des dispositions favorables à la réussite scolaire. La place de « l’affectif » dans les interactions sociales, le primat accordé au langage et à l’échange symbolique sur l’affirmation physique, favorisent une plus grande adhésion aux règles et à l’autorité (Baudelot, Establet, 1992). Mais si cette socialisation familiale rend compte des différences dans le rapport aux études et aux savoirs, elle n’explique pas pourquoi la réussite scolaire des filles comparées aux garçons, est plus manifeste en milieu populaire que dans les milieux favorisés. Les filles scolarisées en LP expriment davantage l’ambition de poursuivre des études – même si elles évoquent le projet de fonder une famille à plus ou moins court terme –, comme si elles percevaient mieux les enjeux d’une qualification scolaire comme moyen de dépassement de leur condition sociale. Dans cette perspective, « c’est bien au compte de la distance prise avec les stéréotypes de la domination masculine, et de l’effort des femmes pour changer leur place dans la société, qu’il faut mettre leurs performances scolaires » (Terrail, 1997, p. 52). Les différences que nous avons relevées quant au rapport aux savoirs entre les filles et les garçons ne procèdent pas simplement d’un effet spécialité, qui ferait que plus les savoirs enseignés sont soumis à la forme scolaire, plus les élèves ont de probabilité d’adopter un rapport réflexif et objectivé au monde et aux autres. Ainsi, et si certaines filles scolarisées dans les spécialités classiquement masculines telle que l’électrotechnique, le génie mécanique ou la maintenance industrielle, manifestent une réticence à la forme scolaire, cela traduit souvent un souci d’intégration à la classe, et exprime à bien des égards une stratégie que confirme leur meilleure réussite comparées aux garçons. De même, les garçons scolarisés dans des spécialités classiquement féminines, tout en faisant preuve d’une sur-normativité (qui les rapproche de l’attitude des filles dans les classes), restent foncièrement attachés à des valeurs opposant le LP et la vie, et leurs projets professionnels s’inscrivent à contre-courant de ceux des filles. A titre d’exemples, Romuald, seul garçon dans une classe de deuxième année de BEP « carrières sanitaires et sociales », dit avoir pour projet de devenir éducateur de rue, tandis que la plupart de ses camarades veulent devenir auxiliaires de puériculture ou aides-soignantes. De même, dans une classe de première année de BEP « matériaux souples », Jonathan dit espérer devenir technicien sur machine de coupe au laser, là où ses camarades souhaitent devenir vendeuses dans un magasin de prêt-à-porter ou stylistes de mode. L’expérience des élèves de LP telle qu’elle apparaît à travers la catégorie de genre peut être rapprochée de celle des apprentis. Les filles en apprentissage valorisent souvent le savoir-faire, le « métier » et les relations que celui-ci permet de construire, ce qui les rend plus impliquées lors de l’exercice des activités professionnelles. Tandis que les garçons sont plus soucieux du statut professionnel, des contraintes temporelles, comme s’ils reliaient moins leur identité aux activités professionnelles, au « métier » (Moreau, 2003).

    61Synthèse originale d’une histoire sociale, l’élève de lycée professionnel a connu une trajectoire marquée le plus souvent par des difficultés – perçues comme telles par le système scolaire et ses acteurs – et par le stigmate – vécu et décrit cruellement notamment par la plupart des élèves de CAP provenant de l’enseignement spécialisé en collège (SEGPA). Être élève au LP, c’est se confronter à des savoirs, à des pratiques pédagogiques et construire des projets d’avenir. Porter le projet parental de « devenir ouvrier », « grandir en apprenant un métier » ou espérer « aller plus loin dans les études », constituent des buts hétérogènes dont la genèse est biographique mais aussi scolaire. C’est à l’articulation entre cette histoire biographique, des savoirs enseignés en LP, des rapports de sociabilité construits au sein et en dehors de celui-ci et des pratiques pédagogiques – subsumées par le regard porté par les enseignants sur leur public – que l’on peut saisir les différentes configurations prises par l’expérience des élèves. La dimension pédagogique et les stratégies mises en œuvre par les professeurs de lycée professionnel occupent une position centrale dans cette expérience, qui a une double facette : elle est à la fois « rupture » et « nouveau départ ».

    La nécessité de penser les pratiques pédagogiques en LP

    62La recherche menée auprès des élèves de LP nous a progressivement amené à penser les interactions aux enseignants et les effets de leurs pratiques sur la mobilisation de leur public. Une telle interrogation procède largement de l’importance que les élèves confèrent aux enseignants pour dire les raisons de leur implication ou non sur les contenus enseignés. Mais elle tient également à un questionnement qui nous a toujours animé à savoir : comment les enseignants de LP procèdent-ils pour « intéresser » leur public et lutter contre le sentiment d’échec, qui a jalonné leur expérience antérieure de collégiens ? Car l’entrée en LP équivalant souvent à une sanction, il est alors aisé de supposer que l’inversion du sentiment d’échec ne peut être simplement affaire de découverte de nouveaux savoirs, de nouvelles finalités associées à la formation. Elle procède aussi des modalités pédagogiques et des manières dont les enseignants « didactisent » les savoirs pour les rendre à la fois « attractifs » et « compréhensibles ». C’est pourquoi et alors même que les pratiques enseignantes ne constituaient pas l’objet de notre recherche, nous avions conduit des entretiens avec des PLP, encouragés dans cette démarche par la place que les élèves de LP reconnaissaient aux enseignants. Ceux-ci, nous l’avons vu, sont considérés comme plus « respectueux » de leur public que ceux de collège, et useraient de démarches pédagogiques foncièrement différentes de celles connues jusqu’ici par les élèves. Les entretiens menés avec les enseignants dans le cadre de notre première recherche (Jellab, 2000), ainsi que l’observation en classe et en atelier de séquences d’enseignement, nous avaient permis de voir comment le surinvestissement de la notion « d’apprentissage concret » conduisait souvent à l’adoption de postures volontairement posées comme opposées à celles du collège – la pédagogie se voulant plus « inductive » et peu « déductive » –, pour ensuite réaffirmer l’importance de la forme scolaire en valorisant « la réflexion ». Mais cette investigation nous a aussi permis de voir que les PLP ont une conception de l’apprentissage qui n’est guère éloignée de celle des élèves, de sorte que les propos de ceux-ci autour de l’apprentissage manuel, de la nécessité d’écouter et de participer en cours, ne faisaient que reprendre à leur compte le discours dominant.

    63Pour autant et si nous trouvons une proximité entre ce que disent les élèves et les PLP au sujet de l’apprendre, il existe aussi des désaccords, surtout lorsqu’on se situe avec les finalités des savoirs. Ainsi, et pour schématiser, si les élèves considèrent comme la majorité des enseignants que c’est au LP que l’on apprend, et que l’écoute comme l’observation constituent l’attitude la plus efficace pour assimiler les contenus enseignés, ils évoquent rarement la dimension formatrice de soi que les savoirs sont censés générer. Cela contraste fortement avec ce que nous dit un enseignant en arts appliqués : « Quand je fais de la lecture d’images avec les élèves, automatiquement, c’est une lecture de soi qu’on a, puisque ces i mages sont faites pour des gens d’une certaine culture… si on les décortique, c’est une relecture de soi, de soi-même qu’on a, je veux dire là aussi, c’est une manière de placer l’élève au centre, et là, on atteint l’élève transversal, parce que ce n’est plus l’élève, c’est l’individu qu’on atteint en dehors de l’école, c’est pas la même chose ». De fait, l’intérêt des contenus en eux-mêmes – posés comme objets de savoir valant d’abord pour former l’individu et transformer sa perception du « monde » – que les enseignants tentent de mettre en exergue, est loin d’apparaître comme tel pour des élèves fortement gagnés par l’instrumentalisme et l’utilitarisme des études.

    64Si nous avons interrogé les enseignants lors de notre enquête sur le rapport aux savoirs chez les élèves de LP, cela ne nous importait qu’en tant qu’il permettait de saisir les effets éventuels sur le sens des études chez les apprenants, ce qui laissait entièrement en suspens l’analyse approfondie des épreuves enseignantes et de leur mode d’implication subjective et institutionnelle dans la lutte contre le sentiment d’échec de leur public. Pourtant, l’étude des épreuves professionnelles des PLP est heuristiquement pertinente dans la mesure où elle ouvre l’analyse sociologique sur les pratiques des enseignants, dont l’histoire scolaire mais également l’appartenance sociale présentent une ressemblance relative avec celles de leur public. Les pratiques pédagogiques en LP ne peuvent être appréhendées indépendamment du public, ni du statut professionnel des enseignants qui se sentent largement dominés dans l’institution scolaire.

    65Notre optique sociologique, tout en adhérant au principe et au constat d’une domination sociale s’exerçant sur les élèves issus de milieu populaire, considère que c’est aussi la manière dont les sujets (ou acteurs) mobilisent les ressources dont ils disposent qui contribue à atténuer le poids de ladite domination. C’est à cette condition que l’on peut se saisir du travail des enseignants en LP qui, tout en se vivant comme dominés, tout en éprouvant des difficultés pour mobiliser leur public, engagent des actions à l’effet plus ou moins heureux, en s’appuyant sur ce qui fait la spécificité du LP à savoir la formation à des savoirs et à des compétences (intellectuelles et professionnelles à la fois), pouvant s’avérer consistants et efficaces pour permettre aux élèves d’être en situation de réussite. C’est aussi à la condition de considérer que les individus les plus dominés ne le sont jamais dans l’absolu (Dubet, 1994 ; Charlot, 1997 ; Martuccelli, 2005) que l’on peut comprendre pourquoi des élèves ayant connu l’échec scolaire en collège et ayant construit une image « négative » d’eux-mêmes, en viennent à vivre positivement leur rapport aux études.

    Notes de bas de page

    30 « Les actes de violence recensés dans SIGNA en 2004-2005 », Note d’information, No 30, Novembre 2005.

    31 Un peu plus de 200 élèves ont répondu par écrit à un questionnaire. Les questions étaient ainsi formulées : Que penses-tu avoir appris à l’école ? Pourquoi viens-tu au LP ? Quelles sont les matières où tu penses apprendre quelque chose ? Qu’est-ce qu’apprendre pour toi ? Que penses-tu du LP ?

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    30 « Les actes de violence recensés dans SIGNA en 2004-2005 », Note d’information, No 30, Novembre 2005.

    31 Un peu plus de 200 élèves ont répondu par écrit à un questionnaire. Les questions étaient ainsi formulées : Que penses-tu avoir appris à l’école ? Pourquoi viens-tu au LP ? Quelles sont les matières où tu penses apprendre quelque chose ? Qu’est-ce qu’apprendre pour toi ? Que penses-tu du LP ?

    Sociologie du lycée professionnel

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    • (2012) La socialisation professionnelle des enseignants du secondaire. DOI: 10.4000/books.pur.67916
    • (2013) Le CAP : un diplôme du peuple. DOI: 10.4000/books.pur.118289
    • Métral, Jean-François. Masson, Claire. (2014) Agora Recherches en éducation. DOI: 10.3917/edagri.marce.2014.02.0079
    • Jellab, Aziz. (2016) Société française et passions scolaires. DOI: 10.4000/books.pumi.8287
    • Jellab, Aziz. (2014) L’Émancipation scolaire. DOI: 10.4000/books.pumi.7779
    • (2014) Entre l’école et l’entreprise, la discrimination en stage. DOI: 10.4000/books.pup.24024
    • Nugier, Armelle. Roebroeck, Élodie. Oppin, Marlène. Kleinlogel, Emmanuelle P.. Guimond, Serge. (2020) Sociétés inclusives et reconnaissance des diversités. DOI: 10.4000/books.pur.151420
    • Bell, Lucy. (2021) Climat du lycée et risque de décrochage scolaire : le cas des élèves en orientation contrainte. Revue française de pédagogie. DOI: 10.4000/rfp.10494
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    • D’Ascoli, Yannick. Berger, Jean-Louis. (2013) Les déterminants du choix de carrière des enseignants de la formation professionnelle et leur relation aux caractéristiques sociodémographiques. Nouveaux cahiers de la recherche en éducation, 15. DOI: 10.7202/1018455ar
    • Métral, Jean-François. Veillard, Laurent. Masson, Claire. (2021) Apprentissage du travail dans des situations hybrides en formation professionnelle. Éducation et socialisation. DOI: 10.4000/edso.17319
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    • Bonnet, Estelle. Pietropaoli, Karine. Verley, Elise. (2018) S’insérer dans l’emploi et s’engager dans le travail : parcours types de réussite des sortant.es de l’enseignement professionnel. Formation emploi. DOI: 10.4000/formationemploi.5700
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    • Jarty, Julie. Kergoat, Prisca. (2017) Élèves et enseignant·e·s de lycée professionnel. Décryptage d’une relation au prisme des rapports sociaux. Revue française de pédagogie. DOI: 10.4000/rfp.5246
    • Lembré, Stéphane. Moreau, Gilles. (2020) Les images, un autre regard sur l’apprentissage et l’enseignement professionnel. Images du travail, travail des images. DOI: 10.4000/itti.425
    • Roebroeck, Elodie. Guimond, Serge. (2018) Intergroup threat, social dominance, and the malleability of ideology: The importance of conceptual replication. European Journal of Social Psychology, 48. DOI: 10.1002/ejsp.2311
    • Jacques, Marie-Paule. De Amaral, Cindy. (2018) Explorer les compétences rédactionnelles au lycée professionnel. SHS Web of Conferences, 46. DOI: 10.1051/shsconf/20184607008
    • Masy, James. Tenailleau, Nadège. (2021) Entre décrochage et décohabitation précoce, l’expérience d’une jeunesse « déviante ». Revue française de pédagogie. DOI: 10.4000/rfp.10464
    • Daverne-Bailly, Carole. (2020) Être enfant d’enseignant·s quand « ça va mal à l’école ». Revue des sciences sociales. DOI: 10.4000/revss.5861
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    • Jellab, Aziz. (2019) Parier sur la bienveillance à l’école. Tréma. DOI: 10.4000/trema.5530
    • Maillard, Fabienne. (2015) Postface : Le baccalauréat professionnel trente ans après sa création : de la marche forcée à la banalisation ?. Formation emploi. DOI: 10.4000/formationemploi.4518
    • Bernard, Pierre-Yves. Troger, Vincent. (2013) La réforme du bac professionnel en trois ans : vers un renforcement de la convention professionnelle dans le système éducatif français ?. L’Orientation scolaire et professionnelle. DOI: 10.4000/osp.4136
    • Esterle, Maryse. (2014) L’École et la vraie vie. Administration & Éducation, N° 142. DOI: 10.3917/admed.142.0109
    • Rahault, Typhaine. (2019) Des représentations lycéennes de la relégation scolaire. Agora débats/jeunesses, N° 82. DOI: 10.3917/agora.082.0027
    • Jellab, Aziz. (2015) Apprendre un métier ou poursuivre ses études ? Les élèves de lycée professionnel face à la réforme du bac pro trois ans. Formation emploi. DOI: 10.4000/formationemploi.4484
    • Couto, Marie-Paule. Valarcher, Marion. (2022) La motivation au pied de la lettre. Construction et expression des aspirations scolaires sur Parcoursup. L’Orientation scolaire et professionnelle. DOI: 10.4000/osp.15675
    • Cottier, Philippe. Person, Joël. (2018) L’expérience lycéenne des réseaux sociaux numériques. Distances et médiations des savoirs, 2018. DOI: 10.4000/dms.2098
    • Rivière, Joachim Benet. Moreau, Gilles. (2020) Introduction. Formation emploi. DOI: 10.4000/formationemploi.8382

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