Chapitre I. Le misérabilisme à l’horizon de la sociologie de la reproduction
De l’impasse théorique à l’approche du LP dans sa complexité
p. 19-28
Texte intégral
« Tout compte fait, ce dont les acteurs ont d’abord besoin d’être libérés, c’est d’une sociologie critique qui se sent autorisée, au nom de son savoir accumulé et de ses “méthodes rigoureuses”, à les penser incapables de toute critiquei. »
1Les rares enquêtes datant de plus d’une décennie (Beaud, Pialoux, 2003) et portant sur le lycée professionnel restent largement empreintes de misérabilisme. Seule la recherche menée par Bernard Charlot (1999) avait tenté de rompre avec les approches déficitaristes, ne pensant les élèves qu’en termes de manque et attachées à parler au nom des ouvriers sans classe ouvrière (Dubet, 2007) ! Plus récemment, une recherche menée par Vincent Troger et Pierre-Yves Bernard (2011), bien au fait du terrain et ne succombant pas au discours idéologique, confirme la diversité et la complexité des parcours scolaires des élèves.
Les théories de la reproduction ou l’illusion du scientisme académique : un regard réducteur et caricatural sur l’enseignement professionnel
2Les recherches sociologiques portant sur l’enseignement professionnel, qu’elles abordent la formation des futurs ouvriers (Grignon, 1971), la formation d’un nouveau corps professoral (Tanguy, 1991) ou encore, l’expérience dominée des apprentis (Moreau, 2003), se caractérisent souvent par une critique acerbe de l’enseignement professionnel, ne voyant dans cet ordre de formation que l’expression d’une reproduction sociale par un capitalisme en quête de main-d’œuvre servile et plus ou moins exploitée. Le propos porté sur les élèves de LP confine parfois à un réductionnisme discutable. Par exemple, Gilles Moreau (2006) ne conçoit pas la possibilité, pour les jeunes de milieu populaire, d’exister socialement indépendamment des deux catégories extrêmes que sont les étudiants d’un côté, la jeunesse délinquante de l’autre. L’enseignement professionnel y apparaît moins comme un moyen susceptible de faire accéder les élèves et les apprentis à la culture que comme un outil assurant, par l’arbitraire culturel qu’il impose, leur socialisation à « l’ordre des choses », les amenant à intérioriser leur statut de dominé.
3Or et si l’on s’en tient à l’étude classique de Claude Grignon (1971), réduire la mission de l’enseignement technique à la « domestication » d’une élite des réprouvés empêche de voir les mécanismes de résistance, les « compromis » et les ambivalences qui animent les enseignants. Ce regard empêche également d’observer une possible prise de distance à l’égard de la domination qui fait que l’on peut porter le bleu de travail sans adhérer subjectivement aux valeurs de l’institution ! L’étude proposée par C. Grignon constitue, jusqu’à aujourd’hui, l’une des rares enquêtes sociologiques rendant compte des pratiques pédagogiques dans les collèges d’enseignement technique (futurs LP), dans leur lien avec le public scolaire et les finalités sociales de cet enseignement. Du fait de la domination exercée par la sociologie de la reproduction sur le champ intellectuel, il n’était guère difficile de conclure à l’idée que l’enseignement professionnel, parce que accueillant massivement les enfants des milieux populaires, allait assurer l’inculcation d’une idéologie spécifique. La thèse de la reproduction conduit d’abord à surestimer le poids de l’habitus, de cette « structure structurante » que les agents ont intériorisée et qui les condamne à ne « choisir que le nécessaire » et à refuser « le refusé ». « Loin que la description des attitudes, des opinions et des aspirations individuelles puisse procurer le principe explicatif du fonctionnement d’une organisation, c’est l’appréhension de la logique objective de l’organisation qui conduit au principe d’expliquer, par surcroît, les attitudes, les opinions, les aspirations » (Bourdieu, Chamboredon, Passeron, 1968, p. 41). Aussi le sociologue en viendra-t-il à considérer que même lorsque les élèves de lycée professionnel déclarent avoir choisi leur orientation, il ne s’agit en réalité que d’une illusion permettant de se persuader qu’ils disposent de capacités d’action. La domination ne peut opérer sans l’existence d’une méconnaissance des règles par les agents, sans le concours d’une illusio – terme latin signifiant le fait de s’engager dans un jeu dans lequel on se joue des autres mais aussi dont on devient le jouet – inscrite dans la pratique sociale et procédant des dispositions durables que l’on a intériorisées :
L’illusio n’est pas de l’ordre des principes explicites, des thèses que l’on pose et l’on défend, mais de l’action, de la routine, des choses que l’on fait, et que l’on fait parce qu’elles se font et que l’on a toujours fait ainsi […] L’illusio est cette manière d’être dans le monde, d’être occupé par le monde qui fait que l’agent peut être affecté par une chose très éloignée, ou même absente, mais participant du jeu dans lequel il est engagé. (Bourdieu, 1997, p. 163.)
4La domination institutionnelle conduirait les élèves à abdiquer en choisissant un destin auquel on les destine !
5La thèse de la reproduction, qui doit sa force aux généralités statistiques – les élèves de LP sont majoritairement issus de milieu populaire, quand ceux des classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques ou littéraires proviennent des classes à fort capital culturel et économique –, s’avère peu convaincante quand on analyse les trajectoires individuelles qui ne sont pas toujours prévisibles. Nombre d’élèves de LP se socialisent à des savoirs et découvrent qu’ils sont capables de réussir, s’affranchissent partiellement d’un rapport utilitariste aux études. La réussite scolaire bien réelle de ces élèves, et plus généralement des élèves issus de milieu populaire, ne peut être seulement l’affaire d’un héritage culturel. Elle doit aussi aux pratiques pédagogiques des enseignants, au type de relation et de projet que les parents construisent vis-à-vis de l’école, etc. Les exceptions statistiques – et elles sont nombreuses – échappent à la théorie de la reproduction. Celle-ci ignore également l’effet des variables spécifiquement institutionnelles sur la carrière scolaire : les réformes comme les pratiques pédagogiques pèseraient peu sur le devenir des élèves, ce qui revient à entériner le déterminisme social. Or comment expliquer les différences dans le rapport aux savoirs chez des élèves issus d’un même milieu social, populaire en l’occurrence, si l’on ne fait pas l’hypothèse qu’ils sont aussi des sujets contribuant à construire leur socialisation scolaire ? Comment expliquer les différences de performance d’un LP à l’autre si l’on ne postule pas qu’elles tiennent également à l’autonomie des acteurs et à leurs capacités à construire des collectifs professionnels, à effectuer des choix pédagogiques susceptibles de peser sur les apprentissages ?
6Quand on porte l’attention à l’expérience effective des élèves et des enseignants de LP, à la nature des savoirs enseignés, aux liens entre l’apprentissage et les modes d’insertion dans la vie professionnelle, ou encore au statut des diplômes eu égard à la massification, la réalité sociale apparaît sous un angle plus complexe que ne le supposent les tenants d’une théorie de la reproduction. La diversité des expériences socio-subjectives, au sein d’une population scolarisée dans une même filière ou une même spécialité, oblige à tout le moins à dépasser les schémas totalisants, compatibles avec une société formant « système », et auxquels la sociologie classique nous a habitués. Car à appliquer un modèle théorique généralisant, il devient sans doute plus difficile de penser le terrain en lui-même, alors que justement la théorie sociologique gagnerait à intégrer un éventail varié et complexe de données empiriques (Lahire, 1999). Et ce qui peut paraître sociologiquement comme un agent de domination peut devenir une ressource, dont la maîtrise assure aux sujets un certain pouvoir et une autonomie (Giddens, 1984).
7L’enquête que Stéphane Beaud et Michel Pialoux ont menée sur plusieurs années, apporte des éclairages précieux à la relation entre déclin de la classe ouvrière et « désouvriérisation » de l’enseignement professionnel. Faisant état du déclin de la figure de l’ouvrier d’usinage au profit du développement des emplois d’ouvriers en maintenance automatisée, les auteurs relèvent que les formations en LP préparant au BEP « usinage » connaissent une dévalorisation et conduisent de nombreux élèves à se sentir « prisonniers », « enfermés », « à part », etc. Ils observent également que les élèves de baccalauréat professionnel intériorisent les nouveaux modèles et valeurs de la production qui s’opposent aux valeurs collectivistes et solidaires de la culture professionnelle ouvrière, ce qui ne fait que renforcer leur détachement à l’égard d’un passé ouvrier dans lequel ils ne se reconnaissent pas.
8Pourtant, si la « désouvriérisation » de l’enseignement professionnel peut être à l’origine du malaise que connaissent les LP, elle ne rend pas compte des différentes configurations que prennent l’expérience et la carrière scolaire des élèves. C’est pourquoi l’analyse sociologique gagnerait à affiner davantage le lien entre déclin de la classe ouvrière et mobilisation « malgré tout » sur les savoirs. De même, lorsque Stéphane Beaud (2002) aborde les impasses que connaissent les « enfants de la démocratisation scolaire », il se focalise sur le cas de quelques bacheliers professionnels inscrits à l’université et n’en déduit que les effets anomiques d’une expérience peu maîtrisée. Ce tableau ignore non seulement les effets potentiellement positifs d’un échec en première année d’université (un échec peut aussi favoriser une réussite ultérieure, Jellab, 2011), mais il fait aussi écran sur l’expérience plus heureuse que connaissent les bacheliers professionnels préparant un BTS. À se focaliser sur l’échec scolaire, à ne lire le devenir des élèves issus de milieu populaire qu’au prisme des études universitaires, le sociologue en vient à renforcer le stigmate pesant sur un public souvent disqualifié ! C’est là une violence plus que symbolique qui consiste à ne voir dans la réalité que ce qui conforte des présupposés. Ce faisant, il n’y a pas de différence entre ceux qui dénoncent la domination exercée sur les LP et le discours médiatique qui n’évoque cet ordre d’enseignement que pour l’associer à des « faits divers ».
9De manière sans doute schématique, nous pouvons dire que les analyses sociologiques oscillent entre deux postures théoriques impliquant des conséquences pratiques divergentes : d’un côté, le courant de la reproduction qui, par une radicalisation du raisonnement, considère que l’enseignement professionnel constitue une filière de relégation, assurant le renouvellement de la main-d’œuvre ouvrière (couvrant aussi bien les ouvriers que les employés) et sa soumission à l’idéologie dominante ; de l’autre, et c’est notre point de vue, une approche invoquant l’expérience des acteurs aux prises avec une institution dont le fonctionnement peut aussi constituer une ressource assurant aux élèves une possible émancipation par les savoirs, y compris ceux d’ordre technologique et professionnel.
L’académisme radical ignore l’expérience des élèves et des enseignants
10Même si nous considérons que le LP et son public scolaire vivent des épreuves et des expériences témoignant des effets d’une domination sociale, nous ne souscrivons pas au misérabilisme défendu par une doxa peu au fait des réalités empiriques, appliquant avec anachronisme un point de vue conflictuel révolu (Althusser, 1970), sélectionnant dans le monde social ce qui convient pour affirmer une forme d’indignation intellectuelle. Ainsi, Gilles Moreau, spécialiste de l’apprentissage en alternance, en vient à considérer que le LP est condamné à n’accueillir qu’un public disqualifié socialement, que les jeunes enseignants qui y exercent sont « moins aptes à socialiser les élèves aux conditions de salarié d’exécution » et que cet ordre d’enseignement, avec la création des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), ne connaît plus les « espaces d’innovation et de réflexion pédagogiques propres à l’enseignement professionnel » (2006, p. 598). On ne peut souscrire à ce point de vue tant l’innovation en LP est sans doute l’une des plus développées dans l’enseignement secondaire en France !
11L’académisme radical qui confond opinion, critique, et verse dans l’idéalisme (Lapeyronnie, 2004), constitue une négation des élèves et des enseignants comme sujets capables de transformer un ordre institutionnel en ressource pour s’émanciper socialement et culturellement. En suivant le propos de Danilo Martuccelli, nous pouvons dire que « [l]a sociologie ne se confond jamais avec la posture critique, puisque ses exigences incontournables de vraisemblance et de rigueur l’en éloignent » (2002, p. 153). Et si l’on avait à désigner un ordre scolaire au sein duquel les enseignants ne sont pas indifférents aux différences sociales, le lycée professionnel occuperait une position de choix.
12Plutôt constructiviste, notre approche tente de penser l’expérience scolaire à partir d’une articulation entre les dimensions objectives et les dimensions subjectives, sans que le primat de l’une ou l’autre dimension ne soit posé comme déterminant en soi. Ce sont plutôt des configurations d’expériences susceptibles de nous éclairer sur le fonctionnement des LP aujourd’hui et sur l’évolution de leurs missions qui nous importent. Au lieu de supposer que les individus ne font qu’intérioriser les structures objectives et qu’ils sont ainsi déterminés par un programme – habitus, dispositions –, nous considérons que ce sont aussi les interactions avec le LP, les savoirs qui s’y enseignent, l’alternance vécue à l’aune des stages en entreprises, les relations aux enseignants, aux camarades, à la vie sociale – qui est souvent faite d’imprévus –, qui contribuent au sens et aux tournures prises par l’expérience scolaire. Ce faisant, notre propos se rapproche de la sociologie de l’expérience (Dubet, 1994) tout en faisant écho aux travaux relevant de l’interactionnisme symbolique. À cet égard, Erwing Goffman observe :
Les sociologues ont toujours pris le plus grand soin à montrer comment l’individu est façonné par les groupes, comment il s’identifie à eux et comment il dépérit s’ils ne lui apportent pas le soutien émotionnel qu’il en attend. Mais lorsque nous observons attentivement comment les choses se passent dans le fonctionnement d’un rôle social, d’une relation d’échanges très avancée, ou d’un établissement social […] On y voit toujours aussi les individus chercher à garder une certaine distance, prendre un certain champ entre ce qu’ils sont vraiment et ce que les autres voudraient qu’ils soient. (1984, p. 372.)
13L’expérience des élèves de LP est marquée par les spécificités organisationnelles de l’établissement, y compris au niveau des interactions pédagogiques avec les enseignants1. La mobilisation des établissements peut rendre compte des différences de carrière scolaire (Dubet, Guillemet, Cousin, 1989), et des recherches récentes à mi-chemin entre la sociologie et l’ethnographie de l’École laissent apparaître que la dynamique organisationnelle d’un collège ou d’un lycée est à même de créer des situations plus favorables que d’autres pour amener les élèves à s’approprier des savoirs. S’agissant des LP, l’effet-établissement nous semble davantage se jouer dans les interactions entre les élèves et les enseignants, tout en renvoyant à des configurations interactionnelles plus larges. Cela signifie que d’autres dimensions plus organisationnelles et institutionnelles interagissent sur le fonctionnement du LP.
14En tant qu’établissement public local d’enseignement (EPLE), le LP a à articuler trois niveaux d’action : le niveau local, où le projet d’établissement est « négocié » avec le bassin de formation et d’emploi environnant ; le niveau régional, en tenant compte du Contrat de plan régional de développement des formations professionnelles ; le niveau national, notamment l’évolution des référentiels de formation et de certification. La réussite scolaire, comme l’absentéisme et les ruptures de scolarité, affectent différemment les LP alors qu’ils accueillent un public objectivement similaire et dans les mêmes spécialités. C’est pourquoi, et sans négliger la composante organisationnelle des LP – par exemple, dans les LP industriels, et eu égard à la division du travail entre les différents acteurs, le rôle du chef de travaux chargé de superviser les moyens techniques et pédagogiques comme les relations avec les entreprises, ce rôle donc façonne le travail des enseignants –, c’est davantage vers les interactions entre les PLP et leurs élèves que la recherche sociologique gagnerait à s’orienter. Par extension, si ces interactions sont étroitement liées à l’histoire et au statut du LP dans l’institution scolaire, elles procèdent aussi de l’histoire des acteurs, élèves et enseignants, ce qui suppose des variations dans les épreuves subjectives et les modes de mobilisation de soi.
Le LP, un analyseur de quelques tensions auxquelles s’affronte l’institution scolaire
15Le LP peut être considéré comme un analyseur des tensions qui traversent aujourd’hui le système scolaire et interrogent ses missions. On y observe différents enjeux tels que la hiérarchie des savoirs enseignés, qui ne donne pas la même légitimité aux contenus professionnels par rapports aux contenus plus « généraux », les finalités du système scolaire qui suscitent des controverses entre les défenseurs de l’accès à une culture universelle et les tenants d’une école ouverte sur le monde économique. Ces controverses témoignent des contradictions d’une institution scolaire qui a intégré un regard « positiviste » – que l’on songe à l’essor de la notion de compétence afin d’évaluer les apprentissages et qui concerne désormais toutes les disciplines enseignées au collège et au lycée – tout en manifestant une méfiance à l’égard de tout ce qui peut venir déstabiliser la forme scolaire, par crainte de sacrifier « la culture » à des savoirs pragmatiques et peu critiques.
16Or la tension entre finalités scolaires et finalités professionnelles travaille les enseignants et les élèves, sans doute parce que les premiers ont largement intériorisé l’idée d’une émancipation sociale par l’accès au savoir (à la « raison », à l’« esprit critique », à la « citoyenneté »), et que les seconds marqués le plus souvent par le sentiment d’avoir « raté » la voie « normale », en viennent à se projeter dans un avenir scolaire leur assurant une revanche, quitte à parfois déchanter (on peut penser au taux d’échec des bacheliers professionnels inscrits à l’université). Ainsi, nombreux sont les élèves qui tout en ayant des résultats scolaires « moyens » voire faibles, envisagent une poursuite d’études à l’issue du baccalauréat professionnel (Bernard, Troger, 2011).
17Institution ayant largement constitué une sorte de laboratoire d’innovation éducative, le LP a contribué historiquement à repenser les pratiques pédagogiques, l’évaluation des savoirs et leur articulation. Ainsi, peu d’acteurs du système scolaire savent que l’évolution des modes d’évaluation par compétences (avec la mise en œuvre en 2006 du socle commun de connaissances et de compétences) et la promotion du livret personnel de compétences constituent un héritage issu de l’enseignement professionnel qui a su, dans le sillage de l’enseignement technique, promouvoir une approche pédagogique par projet, un apprentissage inductif et une articulation plus ou moins heureuse entre la culture générale et la culture professionnelle et technologique. La réforme dite « bac pro 3 ans », entamée dès 2007 et généralisée à la rentrée 2009, a eu des effets pluriels dont il est difficile de mesurer l’ampleur faute de recul historique nécessaire. Il n’empêche que l’alignement symbolique du baccalauréat professionnel – désormais préparé en trois ans après la classe de 3e au lieu de quatre précédemment – sur ce qui a cours dans la voie générale et technologique a conduit une part non négligeable des élèves à choisir le LP. Cela favorise une relative recomposition sociodémographique des élèves de LP – ils sont plus jeunes et aspirent plus souvent à poursuivre des études à l’issue du baccalauréat –, mais aussi un certain brouillage du statut du BEP, diplôme intermédiaire dont il faudra évaluer la valeur sur le marché du travail.
18Par ailleurs, cette réforme a mis à l’épreuve des enseignants car aux classes parfois « surchargées » est venue s’ajouter une complexification des contenus d’enseignement, devenus encore plus théoriques. Dans le même temps, la confirmation du statut professionnel du CAP continue à asseoir la reconnaissance de ce diplôme emblématique même si sa légitimité reste suspendue à son degré de prestige, eu égard aux spécialités professionnelles auxquelles il prépare et aux chances d’insertion sur le marché du travail qu’il augure. Mais ces changements institutionnels s’accompagnent aussi d’une évolution des savoirs enseignés (et à enseigner), ce qui appelle à s’interroger sur les conséquences didactiques et pédagogiques affectant une institution qui doit conforter son identité professionnelle tout en assurant une formation culturelle et intellectuelle exigeante.
Notes de bas de page
1 Que l’on songe par exemple à la manière dont les classes et les groupes d’élèves sont constitués, au travail interdisciplinaire entre enseignants, s’il est ou non développé, aux manières dont le chef de travaux noue des liens avec les entreprises accueillant des stagiaires et intervenant aussi lors de certaines épreuves d’évaluation.
Notes de fin
i P. Verdrager, Ce que les savants pensent de nous et pourquoi ils ont tort. Critique de Pierre Bourdieu, La Découverte, 2010.
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