Desktop versionMobile version

L’État face aux rave-parties

 | 
Loïc Lafargue de Grangeneuve

Chapitre six. Drogue, techno et pouvoirs publics

Full text

1La présence de drogues dans les rave-parties est bien connue, et ce, depuis longtemps. Elle justifie l’intervention de l’État dans ces rassemblements, dès l’origine. Il convient cependant de préciser tout d’abord la dimension de ce phénomène, en comparant avec d’autres événements (culturels ou non). L’action de l’État en la matière, ensuite, peut être envisagée sous deux angles complémentaires :

  • un volet répressif : les raves sont depuis le début l’objet de surveillance, de contrôle et de sanctions étatiques en ce qui concerne le trafic et la consommation de drogues ; les objectifs et les techniques d’intervention seront examinés ;
  • un volet préventif : au nom de l’idée selon laquelle une action purement répressive en matière de drogues est inefficace, voire contre-productive, un nouveau paradigme est entré en vigueur : celui de la réduction des risques. Ce sont des associations qui s’impliquent dans cette démarche, avec un soutien plus ou moins appuyé de l’État.

2Au total, les controverses sur cette question paraissent particulièrement vives, dans la mesure où les contradictions de l’action de l’État sont patentes. Elles se traduisent par des tensions importantes sur le terrain, au cœur des rassemblements techno, mais aussi entre différents services de l’État.

I. LE LIEN ENTRE DROGUE ET TECHNO

1. Un lien avéré

  • 1 Comme on l’a vu dans le premier chapitre.

3Associer drogue et techno est aujourd’hui courant ; mais d’une certaine façon, la mise en relation des deux termes est ancienne. En Angleterre, les raves sont nées d’un encadrement plus strict des boîtes de nuit décidé par le gouvernement à la suite d’une campagne de presse dénonçant la présence massive de drogues, et notamment d’ecstasy, dans ces lieux1. On peut retenir deux choses de cet épisode :

  • d’une part, si le lien entre drogue et techno est ancien, à l’origine, ce sont les clubs qui sont le lieu de consommation ;
  • d’autre part, et inversement, on peut déduire un lien entre drogue et raves, cette fois, dans la mesure où celles-ci résultent d’une répression de la consommation dans d’autres lieux ; tout indique donc que le public des raves vient y chercher, entre autres, de la drogue.
  • 2 Cf. par exemple RACINE Etienne, op. cit. ; FONTAINE Astrid et FONTANA Caroline, op. cit. ; MABILON (...)
  • 3 Cf. par exemple COLOMBIÉ Thierry, LALAM Nacer, Les filières de produits psychotropes à partir des (...)
  • 4 BELLO Pierre-Yves et al., Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003, op. cit., p. 17.

4En France, le lien entre drogue et raves est confirmé par tous les observateurs2. À partir de la fin des années 1990, les raves deviennent même une cible très prisée par les trafiquants de drogue3. Dès lors, l’espace festif techno apparaît comme un lieu d’enquête particulièrement intéressant pour l’OFDT, à côté de l’espace urbain. Le nombre d’études sur le milieu techno et/ou sur les drogues qui y sont consommées (ecstasy, kétamine…) financées par cet organisme témoigne à lui seul du caractère central de cette problématique. Les teufeurs constituent un nouveau sous-groupe d’usagers de drogues bien identifié4.

2. La nécessité d’une mise en perspective et de comparaisons avec d’autres lieux

5Si le lien entre drogue et techno, et notamment entre drogue et raves, est bien établi, il convient néanmoins de relativiser, au moins en partie, son importance. Nous voudrions avant tout lutter contre l’idée d’un lien consubstantiel entre drogue et techno. L’attirance pour la techno et pour les raves n’est pas réductible à présence de drogues ; réciproquement, les raves ne sont pas le seul lieu de consommation de stupéfiants, loin s’en faut.

  • 5 Sur ce point, cf. FONTAINE Astrid et FONTANA Caroline, op. cit.

6Il convient de rappeler ainsi que les relations entre les drogues, d’une part, et la fête, la musique et les jeunes, d’autre part, sont avérées depuis bien longtemps. Comme l’ont montré de nombreux anthropologues, la fête est synonyme d’excès, de transgression, et les drogues y sont fréquemment associées, dans nos sociétés occidentales comme ailleurs5. De plus, la techno est loin d’être la première musique dont le public et les pratiquants font une consommation importante de drogues : dans les années 1960, par exemple, le rock faisait l’objet de commentaires similaires. Enfin, l’adolescence et la jeunesse constituent des périodes d’expérimentation, d’initiation et de rébellion plus ou moins intenses qui favorisent la prise de drogues. L’association de ces trois éléments permet donc d’expliquer, de façon finalement assez banale, le lien entre drogue et techno.

  • 6 EHRENBERG Alain, Le culte de la performance, Paris, Calmann-Lévy, Hachette/Pluriel, 1996 (1991).
  • 7 Sur ce point, voir FONTAINE Astrid, Double vie. Les drogues et le travail, Paris, Les Empêcheurs d (...)

7En outre, il faut également tenir compte d’autres mutations sociales, hors de tout contexte festif. Les drogues tendent de plus en plus à être consommées pour améliorer les performances de l’individu : chez les sportifs, amateurs ou professionnels, les conduites de dopage peuvent être interprétées en ce sens6. Plus généralement, pour une part non négligeable de la population, la consommation de drogue est nécessaire à l’accomplissement de leur travail7.

  • 8 MILDT, Drogues et dépendance. Le livre d’information, éd. INPES, 2006.

8Au-delà, la notion même de drogue demande à être questionnée. À la fin des années 1990, le rapport Roques a bien montré que des produits tels que l’alcool et le tabac peuvent être au moins aussi dangereux, en cas de consommation excessive, que les drogues illicites. La Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) a d’ailleurs entériné ce fait : ces deux produits figurent par exemple dans le livre d’information « Drogues et dépendance » à côté du cannabis, de la cocaïne, de l’ecstasy, de l’héroïne, etc.8

  • 9 DIAZ Frédéric, Coproduction de la sécurité : un nouveau mode de contrôle et de régulation sociale. (...)

9Dans cette optique, il apparaît donc important de comparer la consommation de drogues dans les raves avec celle que l’on peut observer à l’occasion d’autres événements festifs. Les manifestions culturelles qui drainent un public jeune conséquent ne sont pas exemptes de produits stupéfiants, loin s’en faut : on pense ici notamment aux festivals musicaux qui ont lieu en été comme les Francofolies à La Rochelle, les Eurockéennes de Belfort, etc.9 De même, d’autres rassemblements de masse, comme les fêtes organisées dans le sud-ouest de la France pendant la période estivale, parfaitement intégrées par la population locale, sont pourtant le lieu de conduites déviantes : la consommation excessive d’alcool y est un rite qui paraît immuable. En 2006, les Fêtes de Bayonne ont d’ailleurs fait l’objet de critiques virulentes, car plusieurs viols ont été commis à cette occasion : la menace de crimes sexuels n’est donc pas réservée aux teknivals.

  • 10 On retrouve un phénomène analysé en détail dans le cas des fumeurs de marijuana par Howard Becker (...)
  • 11 BENSO Vincent, Les usages de drogues en free-parties, mémoire de Master 1, Université Paris V, 200 (...)

10Il faut noter enfin que si les raves fabriquent une pression sociale qui pousse à la consommation de substances illicites10, et de ce point de vue favorisent l’expérimentation de nouveaux produits, on observe également une injonction à la modération qui peut prendre plusieurs formes : il s’agit de favoriser une levée de l’inhibition, sans pour autant perdre totalement la maîtrise de soi ; certains produits et certains modes de consommation (notamment l’injection) sont stigmatisés11.

  • 12 Entretien cité.

11Les raves ne sont donc pas le lieu d’une consommation de drogues totalement débridée, maximale, et sans comparaison possible avec d’autres espaces. Le caractère illicite des produits consommés est donc un élément déterminant du traitement singulier des raves par les autorités politiques, comme l’explique ce colonel de gendarmerie12 :

« Tout ce que vous mettez en place pour les teknivals, c’est des choses qu’on retrouve dans d’autres événements de même ampleur ?
– Oui, mais l’aspect stupéfiants n’est pas présent à un tel niveau dans toutes les autres manifestations : il ne faut pas se leurrer, le mouvement techno, il est quand même organisé autour de l’ecstasy et des amphétamines (…).
La bière aussi coule à flot, ça c’est clair… Alors là, par contre, vous allez aux Vingt-quatre Heures du Mans, c’est pareil. La caractéristique, c’est les stup’ ; on n’a pas un tel niveau de consommation et de vente de stup’ ailleurs que dans les teknivals ».

  • 13 MOREAU Christophe, « La jeunesse à travers ses raves : la singularité juvénile accentuée et la nég (...)

12Pourtant, les teufeurs utilisent souvent la comparaison avec les boîtes de nuit pour se défendre face à ces accusations : ils estiment que ces établissements sont également le lieu d’un trafic important, mais qui demeure caché. Ce type d’arguments, cependant, ne convainc pas tous les observateurs : pour Christophe Moreau, il revient à se voiler la face. Ce sociologue insiste : « la drogue est massivement présente dans ces rassemblements »13. Il reste alors à étudier la réaction des autorités politiques face à cette consommation avérée.

II. L’ACTION RÉPRESSIVE DE L’ÉTAT FACE AUX DROGUES DANS LES RAVES

13D’une certaine façon, il est possible de considérer que l’histoire du mouvement techno est indissociable de l’attention que lui ont portée les autorités politiques en raison de la présence de drogues. La répression du trafic dans les raves est un objectif bien identifié par les pouvoirs publics. Les formes et techniques d’intervention devront également être précisées.

1. La répression du trafic, un objectif politique clair

Les raves, une cible bien identifiée

  • 14 Cf. premier chapitre.

14Pour commencer, on peut rappeler que le premier texte officiel consacré à la techno, en France, est la circulaire de la Mission de Lutte Anti-Drogue (MILAD) du ministère de l’Intérieur intitulée « Les soirées rave, des situations à haut risque », parue en 199514. Alors que les raves ne sont encore qu’un phénomène très marginal, peu connu du grand public, l’attention des autorités politiques est déjà vive en ce qui concerne la consommation de drogues.

  • 15 NOR INTD0200158C.

15Depuis 2002, la doctrine du ministère de l’Intérieur sur ce plan est très claire : une répression stricte, en tout cas du trafic de drogues. Les différents textes produits par cette administration rappellent sans cesse cet objectif. Par exemple, la première circulaire envoyée aux préfets relative aux raves qui suit le décret de 2002 (et parue le 24 juillet 2002) stipule15 :

« Il vous est demandé de porter une attention particulière, en relation avec le procureur de la République, aux trafics de stupéfiants et de substances psychoactives qui sévissent souvent lors des « rave-parties ». Vous veillerez également à organiser des contrôles routiers en vue de faire constater les infractions de conduite en état alcoolique ».

16On note ainsi, d’une part, une incitation forte à la coordination avec les autorités judiciaires, et d’autre part, des préoccupations relatives à la sécurité routière qui impliquent de prendre en considération la consommation de produits légaux. La répression du commerce de drogues est une constante : le télégramme envoyé aux préfets le 7 juillet 2005 recommande « la plus grande fermeté (…) à l’égard (…) des trafics de stupéfiants ».

  • 16 Entretien cité.

17Les membres du ministère de l’Intérieur que j’ai interrogés confirment tous cette position. Ils ont d’ailleurs évoqué spontanément la question des drogues. Le chef du bureau Prévention et protection sociales de la DLPAJ, puis un autre membre de ce service, expliquent par exemple16 :

« On veut aussi que le jeu soit clair et net ; c’est un rassemblement festif à caractère musical, ce n’est pas l’organisation d’un supermarché de produits stupéfiants.
– Il est hors de questions que l’État soit complice, d’une façon ou d’une autre, d’un marché de produits stupéfiants. Tout est organisé au niveau opérationnel – dispositif police, gendarmerie, justice – pour que toutes les infractions, tout ce qui est atteinte, trouble à l’ordre public puisse être prévenu et le cas échéant sanctionné ».

  • 17 Entretien cité.

18Le lien entre drogue et techno n’est pas nié, bien au contraire : les autorités savent pertinemment que ces rassemblements sont un lieu important de trafic. Ce conseiller pour la sécurité y insiste17 :

« Et puis bien sûr, il y a l’aspect santé publique : lutter contre tout ce qui est trafic de stupéfiants, qui existe à l’occasion de ces rassemblements. Il ne faut pas se voiler la face ; on n’est pas ignorants, bien évidemment : c’est une chose d’écouter de la musique, c’en est une autre de consommer ou de faire du trafic de stupéfiants. Et là, que ce soit là ou ailleurs, on est là pour appliquer les dispositions législatives (…).
On fait la chasse aux trafiquants. Et à chaque fois, on met en place des dispositifs et on arrête des équipes. Au teknival de Chavannes, on a saisi des drogues, des drogues dures, on a interpellé des individus avec des réponses judiciaires fortes et des mandats de dépôt et des peines d’emprisonnement ferme. Donc on est loin d’être passifs, et on se donne les moyens de faire la chasse à ces trafics ».

  • 18 BELLO Pierre-Yves et al., Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003, op. cit., p. 38.

19Les instructions officielles et les discours coïncident avec les observations réalisées sur le terrain. Le constat effectué dans le cadre du dispositif TREND18 est en effet celui d’un renforcement de la présence policière depuis 2002.

  • 19 Entretien cité.

20Il faut noter, d’ailleurs, que les membres du ministère de la Culture que j’ai rencontrés sont également tout à fait conscients de ce problème et justifient sans difficulté l’action du ministère de l’Intérieur sur ce plan, comme l’indique le conseiller « musiques actuelles » de la DMDTS19 :

« Après, il y a des questions induites par les free qui ne sont pas de notre ressort. Comme citoyen, il est évident que l’ordre public et la sécurité doivent être les mêmes pour tout le monde ».

21Les organisateurs sont ainsi l’objet d’une attention spécifique.

Responsabiliser les organisateurs

  • 20 Entretien cité.

22Pour les autorités politiques, il s’agit précisément de tenter de séparer deux éléments depuis longtemps associés : les rassemblements techno et le trafic de stupéfiants. Pour y parvenir, elles ont cherché à mettre les organisateurs devant leurs responsabilités, en quelque sorte : dans le cadre du dialogue engagé avec ceux-ci, il fallait préalablement s’assurer de leur soutien en matière de lutte contre les trafiquants. Il paraît en effet difficile d’envisager d’établir une relation de confiance entre deux parties qui divergeraient sur ce point : en particulier, on voit mal les autorités accepter de négocier avec des individus qui défendraient ouvertement la présence de trafiquants de produits illicites dans les raves. Or, le ministère de l’Intérieur semble avoir obtenu satisfaction sur ce plan, comme l’explique ce conseiller pour la sécurité20 :

« Le dialogue, les échanges qu’on a avec les responsables là-dessus ont levé toute ambiguïté. Les gens qui organisent ont un discours extrêmement clair (…). Et le collectif des représentants, dans leurs discours, sont toujours plutôt satisfaits de voir qu’on fait vraiment la chasse au trafic de stupéfiants (…).
Ce qui revient souvent, dans leurs discours, c’est qu’ils veulent organiser leurs fêtes, les faire vivre, et pour ça, il faut qu’elles soient propres. Dans les échanges qu’on peut avoir, je n’en ai jamais entendu se plaindre du fait qu’en amont, en aval ou pendant, les pouvoirs publics faisaient la chasse aux trafiquants de stupéfiants, par exemple ».

  • 21 Entretien cité.

23Du point de vue des organisateurs, il paraît en effet cohérent de vouloir éloigner les trafics des fêtes techno, précisément parce que l’absence de produits illicites permet d’éviter la répression des rassemblements, dans un contexte de raréfaction de ces derniers. Mais il convient de se garder de toute naïveté : les organisateurs sont bien conscients de la présence massive de drogues dans ces événements, et pendant longtemps, ils n’ont rien fait pour s’y opposer (voire l’ont favorisée dans certains cas). Ce positionnement ambigu a dérangé ce médiateur rave-party pour la Seine-et-Marne, qui ne s’est pas privé de le faire savoir aux organisateurs qu’il a été amené à rencontrer21 :

« Moi je leur ai toujours dit ce que ça me posait comme problème sur le fond : ils laissent faire quand même les dealers dans ce genre de soirées, moi ça me gênait sur le fond, je leur ai bien expliqué.
Au début, les organisateurs étaient très liés aux drogues, tout comme dans les années 1960, au moment de la beat generation… les organisateurs n’étaient pas si imperméables à ça.
Très honnêtement, les organisateurs que j’ai rencontrés, qui étaient des teufeurs à seize ans, et qui aujourd’hui à vingt, vingt-cinq ans souhaitent organiser leurs propres raves, ils ont la culture de ce qui a été fait avant, mais ils ont l’envie de faire autrement, ce qui n’est pas plus mal. C’est-à-dire qu’ils ne sont pas pour l’organisation de circulation de drogue. Enfin, ils ne sont pas pour, mais en même temps, ils ne sont pas contre non plus. Ils ont une position un peu bâtarde.
Très rapidement, avec eux, avec les organisateurs, on a eu beaucoup d’échanges assez vifs par moment sur ça : sur le fait que le public ne soit pas assez sécurisé, qu’il y ait effectivement du trafic illicite dedans ».

24Il reste à étudier les moyens d’action concrets mis en œuvre pour réprimer ce trafic de produits stupéfiants.

2. Comment lutter contre le trafic de stupéfiants ?

  • 22 Entretien cité.

25Pour les administrations publiques chargées de juguler le trafic de drogues, il s’agit d’abord de mobiliser les moyens appropriés au type d’événement auquel elles sont confrontées. Pour un teknival encadré, ce colonel de gendarmerie explique par exemple22 :

« Il y a une forte coordination avec les douanes dans le cadre de la recherche de stupéfiants. Nous avons également des équipes spécialisées de police judiciaire de lutte contre les trafics de stupéfiants (ou des brigades et sections de recherche pour la gendarmerie), avec une intervention maintenant bien calibrée du niveau national, puisqu’on a l’Institut de recherche criminologique de la gendarmerie qui fournit des spécialistes dans la détection des substances (des pharmaciens), qui vont pouvoir faire sur place de la spectrographie de masse pour savoir exactement de quoi est composée telle ou telle substance saisie, si ce sont des vrais, des faux, parce qu’il y a aussi des faux stupéfiants dans ces manifestations (vrais cachets d’aspirine, faux cachets d’ecstasy) ».

26Les autorités ont toute une panoplie de techniques d’intervention à leur disposition. Néanmoins, il convient se débarrasser immédiatement de l’idée d’une répression tous azimuts : j’ai pu constater par exemple lors des teknivals encadrés de l’été 2006, à Vannes et à Angoulême, que les véhicules qui entraient sur le site étaient loin de faire l’objet d’une fouille systématique. Si la répression du trafic de drogues est un objectif important des pouvoirs publics, il n’est pas le seul ; il faut donc tenir compte des contraintes qui pèsent sur ce type d’action. Ainsi, l’impératif de fluidité de la circulation aux abords immédiats du site, analysé supra, permet d’expliquer aisément l’absence de contrôle dans cette zone (à certains moments en tout cas).

27Outre des contrôles à distance, la plupart des opérations de répression sont donc effectuées sur le site même du teknival, comme l’explique ce colonel de gendarmerie :

« On ne peut pas laisser le champ libre aux trafiquants : il y a des contrôles en amont du dispositif, qui sont en général plus dissuasifs qu’efficaces (parce qu’il ne faut pas prendre les trafiquants pour des enfants). On va pouvoir mener une action assez forte dans la lutte contre les trafics à l’intérieur du teknival, à la fois sur les zones de vie et sur les zones d’activité musique ».

28Il convient alors de déterminer les conditions qui permettent une intervention efficace et sans risques excessifs pour les forces de l’ordre. Comme on l’a vu supra, les autorités politiques cherchent en effet avant tout à éviter les affrontements avec les teufeurs ; ce type d’opérations pourrait s’avérer délicat. Mais tout dépend en fait de la cible :

« L’expérience nous apprend qu’on peut mener de jour comme de nuit des opérations offensives anti-stupéfiants, que ça soit dans les parkings ou sur les zones son. Le tout, c’est de bien la préparer et d’y engager les effectifs suffisants. Et ça ne déclenche pas une émeute comme certains préfets ont pu le craindre, qui étaient extrêmement circonspects sur le fait qu’on puisse aller faire des arrestations de trafiquants à l’intérieur de la zone de rave-party, parce qu’ils craignaient énormément que ça déclenche des problèmes d’ordre public consécutifs, par une grande levée en masse contre les forces de l’ordre. C’est pas du tout ça, il n’y a pas une grande solidarité à l’intérieur des rave-parties, à partir du moment où on intervient sur une cible… et plus elle sera extérieure au milieu des rave-parties, mieux ça se passera.
Si on intervient sur des trafiquants des cités parisiennes, personne ne va s’inquiéter qu’on fasse une opération où on va démonter la tente, embarquer tout le monde, extraire tout le monde, pour ensuite trier, procéder aux auditions et aux saisies à l’extérieur. Quand c’est à l’intérieur du mouvement des raveurs, ce sera un peu plus problématique, si ce sont des dealers identifiés, ça troublera personne, globalement ».

29Les réticences des préfets dues aux problèmes d’ordre public que seraient susceptibles de générer ces arrestations n’auraient donc pas véritablement lieu d’être, dès lors que la cible est extérieure au mouvement techno.

III. LA PRÉVENTION ET LA RÉDUCTION DES RISQUES

30Si l’État réprime le trafic de stupéfiants, son action en matière de drogues ne peut être réduite à cette dimension. Comme on l’a vu supra, le changement de cap du ministère de l’Intérieur qui a eu lieu à la fin de l’été 2002 résulte avant tout d’une volonté de sécuriser les rassemblements techno. L’État gère aussi les secours, y compris les effets néfastes de la consommation de stupéfiants sur la santé des individus.

31En ce qui concerne les drogues, la prévention prend la forme de ce que l’on appelle la réduction des risques, et qu’il faudra définir. De fait, ce sont essentiellement des associations qui défendent et pratiquent cette méthode spécifique de prévention, avec un soutien variable de la part des pouvoirs publics. L’histoire de l’introduction de la réduction des risques devra donc tout d’abord être rappelée. Ensuite, nous étudierons l’action concrète de ces associations au sein des raves. Finalement, il apparaît que celles-ci ont un rôle de médiation très important qui dépasse le strict domaine sanitaire.

1. Généalogie de la réduction des risques dans les raves

La réduction des risques : définition

  • 23 Présentation générale de la mission rave de Médecins du Monde sur le site internet de l’associatio (...)

32La réduction des risques en matière de consommation de drogues est une notion qui n’est pas très récente, mais qui est mal connue en dehors des professionnels du secteur médico-social. L’objectif général est de « limiter dans la mesure du possible, les risques et les dommages sanitaires liés à l’usage de drogues »23.

33Au premier abord, cette idée pourrait paraître banale et évidente. Pourtant, elle engage toute une série d’autres propositions qui lui sont indissolublement liées, notamment :

34– d’une part, cela implique de briser le tabou de la loi de 1970 qui, en France, réprime le trafic, mais aussi le simple usage de drogues : considérer qu’il faut limiter les risques, cela signifie par définition que l’on reconnaît l’existence de la consommation de drogues. Les défenseurs de la réduction des risques insistent bien entendu sur ce point : ils dénoncent l’hypocrisie française qui consiste à s’accrocher à tout prix à cette loi de prohibition pour nier l’existence d’une consommation massive.

35– d’autre part, une des voies essentielles de réduction des risques sanitaires est l’information : la prévention commence par la connaissance des effets, souhaités ou indésirables, des différents produits stupéfiants. Dans cette optique, le consommateur est considéré comme un acteur rationnel et responsable, capable d’anticiper les conséquences de ses actes et de maîtriser son rapport aux drogues, et non comme un malade ou un délinquant.

36Reconnaître l’existence de l’usage de drogues, informer sur les produits : on comprend aisément pourquoi la réduction des risques n’a pas été initiée par l’État, mais par le secteur associatif. Il faut maintenant rendre compte de l’apparition de cette doctrine et de ses outils dans les raves.

Une prise de conscience progressive du milieu techno

  • 24 Voir le premier chapitre.
  • 25 Entretien, 2006.

37En France, les raves n’étaient pas toutes clandestines au départ, comme on l’a vu24. Néanmoins, les raves légales ont rapidement subi une forte répression ; on peut comprendre que leurs organisateurs n’aient pas souhaité attirer davantage l’attention des pouvoirs publics en mettant en évidence la présence de drogues dans leurs manifestations. De la même façon, les raves clandestines n’ont pas cherché à faire de publicité autour d’un phénomène susceptible de déclencher l’intervention des forces de l’ordre. C’est ce qu’explique ce membre de l’association Technoplus25 :

« Au départ, il y avait une certaine hostilité du milieu techno (les raves légales comme les free) vis-à-vis de la réduction des risques, parce que ça atteste l’existence de drogues ».

38Pour toutes ces raisons, la réduction des risques n’a pas été un principe appliqué immédiatement dans ces rassemblements.

39Ce sont donc des associations qui ont mis en lumière la nécessité d’une présence sanitaire dans les raves, à partir du milieu des années 1990. Plusieurs types d’associations peuvent être distingués :

  • celles qui œuvraient déjà dans le champ de la toxicomanie : c’est le cas notamment de l’association marseillaise Le Tipi, généralement citée comme la première à intervenir dans les raves26 ;
  • les associations techno de santé communautaire, c’est-à-dire des associations qui sont issues du milieu techno, comme Technoplus, créée en 1995 ;
  • des associations généralistes comme Médecins du Monde, dont la mission rave date de 1997 ;
  • enfin, des associations axées initialement sur la prévention du sida, comme Aides.
  • 27 Voir la présentation sur le site internet de l’association : www.technoplus.org

40La prise de conscience des dangers de la consommation massive de drogues est donc au tout début le fait d’une association extérieure au mouvement, Le Tipi. Mais rapidement, on assiste à une forme de développement endogène de réduction des risques, puisque des membres du milieu techno décident de fonder des associations spécifiquement axées sur cette question : outre Technoplus, on peut citer Keep Smiling à Lyon, Spiritek à Lille, etc. La démarche de Technoplus peut être résumée ainsi27 :

  • 28 Il faut préciser qu’être membre de Technoplus aujourd’hui ne signifie pas automatiquement être con (...)

« Animée uniquement par des bénévoles (les volontaires), l’association a été créée par quelques personnes du mouvement Techno, consommatrices de drogues de synthèse28, qui découvrirent qu’il existait sur ces produits une somme d’informations importantes, essentielles pour leur santé, et pourtant cachées. Cet accès à l’information leur permit de comprendre des états antérieurs vécus (période de fatigue ou de dépression), et surtout d’adopter des stratégies de vies personnelles. Ils décidèrent de partager le plus largement possible toutes ces informations avec les autres consommateurs du milieu techno.
Ainsi naquit Techno +, association de militants, défendant la culture Techno et la mise en place d’une politique de réduction des risques liés à l’usage récréatif des drogues, c’est-à-dire une politique basée sur la responsabilisation des consommateurs et non sur l’interdit et la répression… »

  • 29 Entretien, 2007.

41D’autres associations de santé, mais non centrées sur un public spécifique, se sont également intéressées aux raves. C’est le cas notamment de Médecins du Monde, fondé par Bernard Kouchner : très connue pour son action humanitaire à l’étranger, cette organisation a commencé à développer ses activités en France dans les années 1980. Cet ancien responsable de la coordination nationale des missions rave à Médecins du Monde revient sur les raisons de l’engagement dans ces événements29 :

« Le premier objectif, c’était d’assurer une présence sanitaire de proximité dans cet espace où une population importante était regroupée ; or, dans tout lieu de regroupement, il y a une présence sanitaire, que ce soit pour un match de football… Il n’y a pas de regroupement festif, sportif ou culturel, sans présence sanitaire. En plus, les raves ont souvent lieu en rase campagne, à distance des hôpitaux, sans véhicule sanitaire de proximité de type ambulance. Notre objectif n’était pas de faire cette action ad vitam aeternam, mais d’interpeller, de témoigner, de promouvoir l’inscription d’un dispositif sanitaire en première ligne comme dans n’importe quel événement regroupant des individus ».

42Médecins du Monde est né, entre autres, du constat suivant : le droit à la santé n’est pas assuré partout et pour tous, l’accès aux structures de soins est inégalement réparti dans la population et sur le territoire. Pour l’association, il s’agit de combler la distance entre l’offre et la demande de soins, que cette distance soit sociale, culturelle, économique, ou géographique.

43Cependant, au-delà de ce constat général, ce sont aussi des individus qui ont sensibilisé Médecins du Monde à la question des raves, et/ou d’autres associations, comme l’explique l’ancien responsable de la mission rave :

« On n’a jamais été seuls, parce qu’il y a toujours eu le Tipi, qui préexistait à l’investissement de Médecins du Monde dans ce champ. C’est eux qui sont rentrés dans Médecins du Monde pour nous emmener dans ce champ-là aussi. Il y a une porosité. C’est une personne du Tipi qui est devenue salariée à Médecins du Monde qui a motivé, mobilisé des gens de Médecins du Monde dans ce genre d’espace. Spontanément, on n’y est pas allés. C’est le résultat d’une interpénétration associative ».

44L’intégration de Médecins du Monde au sein des raves s’est ainsi faite sans trop de difficultés. De fait, même si c’est une association généraliste, certaines de ses caractéristiques se retrouvent dans des associations techno :

« Ils ne demandaient rien, mais on y est allé et on a été fortement acceptés : parce qu’on respecte les codes culturels, parce qu’on fait de la santé communautaire (en méthode d’intervention, tout en ayant des objectifs de santé publique), c’est-à-dire avec et pour eux. Au sein de la mission rave, par exemple, il y a des sniffeurs ou des gobeurs. Sinon on ne serait pas entrés sur le terrain ».

45Il s’agit maintenant d’examiner plus en détail les pratiques de réduction des risques promues par ces différentes associations.

2. La réduction des risques en pratique

46Les méthodes et les outils de réduction des risques en matière de consommation de drogues sont les mêmes, ou presque, quelle que soit l’association qui les propose. Tout d’abord, compte-tenu des réflexions sur la notion d’accès aux soins évoquées supra, la localisation de ces associations au sein même des raves est bien entendu très importante. Dans les teknivals que j’ai observés, les stands de Médecins du Monde et/ou de Technoplus étaient très visibles, situés au cœur du site, pas nécessairement au centre, mais en tout cas à proximité immédiate des Sound-systems, dans ce qu’on appelle la « zone son ». Leur intégration est manifeste. Leur présence est considérée comme normale par les teufeurs.

47La réduction des risques proprement dite commence par l’information :

  • d’une part, de très nombreux documents sur les drogues et leurs effets sont immédiatement disponibles dans les stands. On trouve par exemple des fiches sur les différents produits illicites présents dans ces manifestations : en règle générale, des informations sont d’abord fournies sur les effets recherchés, de manière à crédibiliser le message de prévention qui suit (au lieu de n’informer que sur les dangers), puis sur les effets indésirables. Des conseils sont alors prodigués, par exemple sur les mélanges de produits à éviter, sur les comportements à proscrire après consommation (comme la conduite automobile), etc. Ces documents sont souvent communs à Médecins du Monde et à Technoplus, par exemple. Ils ont été avalisés par le ministère de la Santé. On trouve également d’autres documents, comme des questionnaires sur sa consommation de drogues, ou des brochures de prévention plus générales qui concernent d’autres aspects sanitaires (notamment la prévention du sida, les piercings…).
  • d’autre part, des membres de ces associations sont présents pour dialoguer avec le public et pour informer sur les drogues et la santé en général. Ces échanges interpersonnels sont très importants, ils permettent souvent de faire le lien entre la consommation de drogues et les autres dimensions de la vie des individus.

48Il faut noter également l’existence d’un dispositif d’alerte sanitaire : en partenariat avec les pouvoirs publics, des associations comme Médecins du Monde récoltent des échantillons de produits illicites qui circulent dans les raves (entre autres) pour les analyser en laboratoire dans le cadre du dispositif SINTES (synthèse d’information nationale sur les toxiques et les substances). En retour, lorsque certains produits apparaissent comme particulièrement dangereux ou de composition anormale, l’information peut être diffusée via ces associations. J’ai pu constater l’existence de ce type d’alerte sanitaire lors du teknival du plateau du Larzac pendant l’été 2006.

  • 30 Il faut noter que pour les petits rassemblements, les associations n’ont pas toujours les moyens d (...)

49La réduction des risques comporte aussi un matériel spécifique, qui est mis à disposition dans les stands. On trouve par exemple des pailles pour sniffer, ou des kits d’injection (qui en général doivent être demandés par les usagers), destinés à limiter le risque de transmission de certaines maladies. Les préservatifs remplissent la même fonction. Des éthylotests sont également disponibles ; une distribution systématique de cet outil de prévention a par exemple été effectuée en 2006 à l’entrée du teknival de Brie-Champniers30.

50Une action de surveillance est en outre mise en place lors des raves : des « rondes » sont effectuées sur le site, de jour comme de nuit, par des membres de ces associations de prévention, de manière à repérer d’éventuelles détresses physiques, à vérifier l’état de certaines personnes, etc. J’ai observé des opérations de ce type lors des différents teknivals de 2006.

  • 31 Voir son site internet.

51Enfin, des soins sont également prodigués par les membres qualifiés de ces associations, notamment Médecins du Monde31 :

« Les équipes sont composées de médecins, infirmières, éducateurs, accueillants, psychologues qui effectuent des soins relevant surtout de la « bobologie » : maux de têtes, de ventre, de dents, vomissements, blessures de types coupures et brûlures, malaises dus à la fatigue et/ou à la consommation de substances psychoactives et d’alcool. La présence sanitaire consiste aussi à accompagner les personnes présentant des troubles psychiatriques aigus sous produits ou les « bad trip », ainsi qu’à les rassurer en cas d’angoisses liées aux réactions aux produits ».

52Il s’agit donc parfois simplement d’écouter et de rassurer une personne qui connaît une crise d’angoisse suite à la consommation de certains produits illicites. Mais des soins médicaux plus élaborés sont également susceptibles d’être effectués, y compris des évacuations d’urgence vers des structures plus adaptées.

3. Un rôle crucial de médiation

53Il faut souligner que l’activité des associations de réduction des risques qui œuvrent dans les raves n’est pas strictement sanitaire. De fait, elles jouent un rôle de médiation essentiel entre les teufeurs et les autorités, voire entre teufeurs et riverains.

  • 32 Sur la théorie de l’étiquetage, voir BECKER Howard, op. cit.
  • 33 Entretien cité.

54C’est le cas notamment de Médecins du Monde. Connue dans le monde entier, cette organisation bénéficie d’un « label » de sérieux et de professionnalisme auprès des administrations publiques32 : sa crédibilité est forte. En conséquence, face à un mouvement techno en grande partie inconnu et faiblement structuré, l’État et les collectivités locales se tournent souvent vers celui qui leur semble être le seul interlocuteur valable : Médecins du Monde. Pendant longtemps, l’absence de représentants du mouvement techno free a conduit les autorités à désigner un porte-parole par défaut, proche de celui-ci sans en faire tout à fait partie. C’est ce qu’explique le membre de ce Sound-system33 :

« Médecins du Monde, dans les réunions en préfecture, ils ont souvent eu aussi un rôle de médiation. Parce que mine de rien, les autorités les prenaient au sérieux, parce que c’était Médecins du Monde, c’était des médecins ; et quand ils prenaient les organisateurs, qui avaient souvent vingt, vingt-cinq ans, pour des abrutis, c’était plus facile des fois de passer par Médecins du Monde, qui faisait le relais, qui traduisait les mots du préfet à l’organisateur et de l’organisateur au préfet qui n’avaient pas forcément le même langage. Et là-dessus, ils se sont souvent impliqués, Technoplus aussi. Quand il y avait une compagnie de CRS qui débarquait, et tout le monde qui hurlait, souvent, c’est eux qui ont permis de temporiser. Ils ont eu une présence assez intéressante ».

  • 34 Entretien cité.

55Les associations de réduction des risques ont ainsi contribué à apaiser les tensions, à instaurer un dialogue, d’autant plus qu’elles sont habituées à négocier avec les pouvoirs publics. Dans de nombreux cas, ces associations ont même permis d’éviter des confrontations physiques probablement très violentes entre teufeurs et forces de l’ordre. C’est ce qu’explique ce membre de Technoplus34 :

« Technoplus a parfois fait office de tampon entre les forces de l’ordre et les sons. On a occupé ce rôle-là pendant un ou deux ans, en essayant à la fois de faire comprendre aux sons qu’il y avait une logique de responsabilisation, des valeurs qui étaient là (tout ce qui est écologie, nettoyer le site, avoir des lieux plus sécurisés, par exemple s’il y a un ravin), donc une sensibilisation par rapport à la sécurité d’un côté ; et de l’autre côté, une sensibilisation à la prévention – du côté des forces de l’ordre, donc : quand il y a une intervention policière et qu’il y a des gens qui sont sous état modifié de conscience, forcément, ça rend compliquées les interventions, ça peut choquer les gens, ça peut amener des traumatismes.
En plus, dans le milieu de la free, il y avait une volonté de pas avoir de leader. C’était toujours très difficile de repérer qui était à l’initiative de la fête. Donc finalement, ne sachant pas trop vers qui se tourner, les forces de l’ordre se sont tournées du côté des associations de réduction des risques (…).
On a été témoin de scènes d’affrontements entre les deux entités, parfois violentes, soit d’interventions des forces de l’ordre, soit de résistance, des choses violentes ; l’association se retrouve à devoir tempérer des conflits ».

56Les associations de réduction des risques ont donc une fonction de tampon qui n’est pas toujours facile à assurer. En un sens, on peut considérer que dans la mesure où elles refusent de définir la santé sous un angle uniquement médical, leur rôle social est lié à leur projet fondateur, à leur philosophie, même si cette mission s’est imposée à elles en raison des événements.

  • 35 Entretien cité.

57Ainsi, ces associations entrent en contact avec les autres acteurs en présence, notamment les riverains des manifestations, ou encore les agriculteurs. Elles expliquent et rassurent une population souvent inquiète, comme l’explique cet ancien responsable de la mission rave à Médecins du Monde35 :

« Lors de mon premier teknival, lorsque je voyais que la préfecture ne voulait pas emmener d’eau, j’ai essayé de trouver des agriculteurs qui voulaient bien emmener de l’eau, du côté de la Confédération paysanne, voire de suggérer à certains agriculteurs de signaler les champs en friche : c’est mieux que les sons se posent là que dans les champs qui doivent produire du grain ! Si vous voulez diminuer les risques de conflit entre personnes… La carte des friches, elle est connue, notamment des syndicats… Il faudrait la donner chaque année aux teufeurs pour qu’ils choisissent leur champ ! Ça, c’est de la médiation.
Et dans le village à côté, on a vécu beaucoup de choses, là… Il y avait un rassemblement de Harley-Davidson… Les villageois étaient effrayés. Les familles venaient nous voir : « qu’est-ce qu’on fait, tous ces jeunes qui viennent de Paris »… Or les plaques d’immatriculation montraient que c’était principalement des gamins de la région. Et les gens avec leurs Harley : on leur a dit qu’ils pouvaient aller faire la fête au teknival. On a dit aux villageois : « ne croyez pas que ce sont des étrangers qui font ça, c’est vos enfants ». Et les chiens des villageois avaient rejoint ceux des teufeurs sur le tekos ; on leur disait : pour retrouver votre chien, allez au teknival ! « Ah bon, vous croyez qu’on peut y aller… Les chiens, on nous les a volés »…
Et puis il y a des villageois qui ont retrouvé des teufeurs dans leur piscine en train de se laver parce qu’ils ne s’étaient pas lavés depuis deux jours. C’est de la médiation, c’est pas la peine d’appeler les forces de l’ordre… C’est toujours essayer de pacifier les choses, demander un peu de compréhension, et avant de juger, aller observer ; créer des passerelles ».

58Malgré leur rôle de médiation, le travail des associations de réduction des risques n’est pourtant pas toujours reconnu par les autorités politiques.

IV. CONTROVERSES AUTOUR DE LA SÉCURITÉ SANITAIRE

59Prévention et répression sont les deux volets de l’action publique en matière de drogues dans les raves. Ils peuvent être considérés comme complémentaires : ce sont les fondements de toute politique de lutte contre la délinquance. Mais ils s’avèrent également bien souvent contradictoires. Les tensions entre ces deux objectifs et ces deux techniques de l’intervention publique sont nombreuses ; elles sont criantes pour l’opinion publique.

1. Les raves, une zone de non-droit ?

  • 36 TESSIER Laurent, art. cité, p. 79.

60La consommation de drogues dans les raves et les teknivals est un fait bien établi, comme on l’a vu. Elle est d’ailleurs particulièrement visible dans ces fêtes, par opposition aux boîtes de nuit, dans lesquelles la drogue est également présente mais demeure cachée : « ce qui frappe avant tout l’observateur (…), c’est sans doute la vente et la consommation de drogues « au grand jour » (…). La prise de drogue n’a pas besoin d’être clandestine, elle fait explicitement partie de la fête »36. Jusqu’en 2002, cette caractéristique était bien entendu liée au caractère illégal de ces fêtes. Avec l’apparition des teknivals « officiels » et des raves encadrées, on aurait pu imaginer que ce type de pratique cesse. Or il n’en est rien : la consommation de drogues est toujours très visible dans ces manifestations. C’est ce qui explique le succès de l’expression « supermarché de la drogue » souvent reprise dans les médias (ou par les élus) pour qualifier et stigmatiser raves et teknivals.

  • 37 MOREAU Christophe, art. cité, p. 54.

61Si des contrôles sont bien effectués aux environs immédiats des lieux des raves, en revanche, cela n’a pas été pas le cas pendant longtemps à l’intérieur du périmètre qui délimitait, en quelque sorte, un dedans et un dehors, et qui agissait comme une frontière entre légalité et illégalité. « Le maintien de l’ordre public concerne les alentours des raves, mais la rave en elle-même reste une zone de « non-droit » », estime ainsi Christophe Moreau37.

  • 38 Entretien cité.

62Ce constat radical doit être aujourd’hui nuancé : comme on l’a vu, les forces de l’ordre n’hésitent plus à intervenir au cœur même des teknivals, par exemple, si nécessaire. Cependant, cette évolution, si elle est symboliquement importante, n’en demeure pas moins limitée dans ses effets quantitatifs ; selon ce colonel de gendarmerie, qui évoque le teknival de Vannes de 2006, l’efficacité de la répression est quasi-dérisoire38 :

« Il ne faut pas se leurrer, le volet judiciaire de la lutte contre les stupéfiants à l’intérieur de la rave-party, on l’estime à un pour cent de ce qui peut circuler au sein de la rave, pas plus. Vu les quantités qu’on saisit, vu les sommes d’argent qu’on peut parfois saisir à la sortie des raves…
On fait également des observations nocturnes à distance : on voit par exemple des dealers de région parisienne qui arrivent avec de la cocaïne (dont ils n’ont pas l’exclusivité, mais quasiment), qui sortent des pains d’un kilo de cocaïne sur le capot de la voiture, qui découpent les pains en morceau sur le capot, avec autour un dispositif à eux de sécurité, avec plus loin un dispositif de rabatteurs, et vous voyez arriver des clients qui sont maintenus à distance par le cercle de sécurité, etc. Quand le pain est terminé, un autre, etc. C’est quatre, cinq dans la nuit. Cinq kilos de cocaïne multipliés par X pôles (dix maximum) sur la zone de teknival… Et c’est hautement rentable pour ces dealers. Leur objectif étant eux de liquider leur marchandise le plus vite possible pour s’extraire avant la fin de la rave, parce qu’ils savent que les contrôles seront beaucoup plus serrés en fin que pendant les jours de gestion de la rave, où on a des effectifs qui sont dédiés à la gestion de l’événement en termes d’ordre public ».

  • 39 TESSIER Laurent, art. cité, p. 79.

63Pour l’opinion publique, ce lien entre drogue et fêtes techno (hors clubs) est indéniablement un problème majeur. Bien entendu, les raves et les teknivals ne sont pas, loin s’en faut, l’unique lieu de consommation de drogue du territoire national. Mais ce qui choque bon nombre de citoyens, c’est le caractère visible, ostentatoire, de cette consommation : comme le dit Laurent Tessier à propos des free-parties, « le fait d’assumer et de revendiquer l’usage de stupéfiants place les adeptes des Free-parties (…) dans une position de « déviance » par rapport à une grande partie de la population. Leur groupe est plus stigmatisé que les groupes consommateurs qui préfèrent ne pas « revendiquer » cet usage »39. De ce point de vue, l’implication également très visible de l’État est problématique pour un segment important de l’opinion publique, car tout se passe comme si l’État cautionnait des pratiques ouvertement illégales. La volonté répressive de l’État ne résiste pas au constat d’une consommation massive de drogues illicites que peut faire très facilement n’importe quel citoyen. C’est donc bien la légitimité de l’intervention publique qui est en cause ici.

  • 40 Entretien cité.

64Il faut noter également que ce type d’événements est jugé problématique par de nombreux acteurs publics. Ainsi, cette conseillère « musiques actuelles » de la DRAC Ile-de-France a occupé la fonction de médiatrice rave-party pour le département de l’Essonne il y a quelques années. Elle a suivi l’organisation d’une rave et n’a pas tellement apprécié cette expérience40 :

« C’était une rave de cinq mille personnes, en juillet 2003 ; il y avait plus de personnes que prévu, la sécurité n’était pas bien… On n’avait pas évalué la logistique à ce point-là, au niveau du parking ; ça peut être gênant, mais c’est pas le plus grave. Il y avait plein de jeunes (entre quinze et trente ans), j’espérais qu’ils ne soient pas sourds en sortant, qu’ils n’aient pas trop d’acouphène, surtout avec une longue durée d’exposition. Et puis tout ce qui est stupéfiants, qui n’est pas très simple à gérer, d’autant plus quand vous avez de la vente libre. Ça m’a interpellée, en tant qu’agent d’État, de me trouver au milieu de tout ça et de cautionner, de manière indirecte ou directe, ce système. Donc j’ai fait remonter l’info au cabinet du ministre, en faisant une note, en disant que je m’interrogeais sur le rôle du ministère de la Culture. Pas sur le fait qu’il y ait un projet artistique ; parce que ça, la qualité, vous savez, vous allez voir un concert, parfois c’est pas bon ; au moins sur l’ordonnance de 1945, de respecter ça ; et par rapport à tout ce qui est santé publique, comment on se positionne, même si ça relève pas du ministère de la Culture. Quand vous êtes garant, enfin, médiateur d’une soirée, vous vous trouvez un peu dans un entredeux, vous êtes là en tant que représentant de l’État, et vous savez qu’au bout de la rue, à tout moment, les gamins peuvent être pris par les flics, avec plein de choses dans leurs poches. C’est un peu schizophrène. Donc moi, ça m’a profondément gênée, et j’ai posé la question.
Suite à ça (…), je me suis retirée du poste de médiateur. Ça m’arrangeait, quelque part. Le travail en lui-même m’intéressait, je trouvais ça très sympa, de faire l’interface, mais…
C’était une expérience nouvelle pour moi : je découvrais comme ça se passait, ce qu’il fallait faire. Et moi, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à une équipe pas pro. Enfin, toute l’équipe n’était pas comme ça, mais… Les descentes d’acide, ça a été à peu près, m’enfin… après, je discute avec un responsable qui me dit : oui, il y a eu trop de consommation ; je lui dis : mais c’est à vous de gérer ça ! Quand on est responsable, on s’en occupe ! En gros, j’étais une ringarde, la casse-pied chiante et ringarde… pour moi c’était pas assez pro. C’était un peu on se fait plaisir. Le problème, dans ces soirées-là, c’est que vous avez plein de choses à gérer au niveau de la santé publique et vous ne pouvez pas vous faire plaisir. C’est pas possible. Moi j’ai vu des gens scotchés devant les enceintes ! des trucs… je me disais mais c’est pas vrai ! J’allais me promener au milieu de tous ces gens, et il y a des fois, je me disais il y a des morts. J’allais voir les gens, la nuit, je voyais rien, ils étaient pas terre… je regardais comment ils étaient, parce que quand même, il y en avait qui étaient limite… ils avaient bu, plein de mélanges… donc vous savez pas ! Et puis c’est surtout dans la nuit que tout se complique, les fins de soirées ou les petits matins ! »

65Les médiateurs départementaux rave-party sont donc parfois les premiers à déplorer le positionnement incertain de l’État sur ce plan.

2. Un trafic de drogue supplémentaire dans les teknivals encadrés

66Toute politique publique produit des effets inattendus ; il est donc difficile d’envisager toutes les conséquences de l’action des autorités, même dans un domaine précis. Il n’en reste pas moins que la ligne politique suivie depuis 2002-2003 en ce qui concerne les grands rassemblements a produit un effet pervers majeur, au sens où il est en contradiction évidente avec les objectifs affichés : le renforcement du trafic de drogue.

  • 41 Sur le rôle du trafic du drogue dans l’économie souterraine des cités HLM, cf. par exemple SAUVADE (...)
  • 42 Entretien cité.

67De manière générale, on peut en effet considérer que la médiatisation très importante des teknivals encadrés crée une opportunité pour deux types de trafiquants : les dealers de banlieue parisienne41, d’une part, et des trafiquants locaux, d’autre part (ces derniers varient par définition selon la localisation du teknival). Ce colonel de gendarmerie confirme en ces termes42 :

« On a plusieurs phénomènes qu’on ne connaît pas sur les raveparties « spontanées », on va dire :

  • on attire des trafiquants de stupéfiants qui ne font pas partie du mouvement des rave-parties, qui sont des dealers en particulier issus de la couronne parisienne, qui sachant qu’il y a une grosse manifestation organisée, autorisée, vont se préparer pour y venir, de manière à écouler dans un temps assez court une grande quantité de stupéfiants ;
  • on a des trafiquants de stupéfiants locaux, plus petits, qui profitent de cette occasion pour organiser des réseaux qu’ils vont alimenter ensuite tout au long de l’année ».

68La présence de trafiquants locaux est un élément assez peu connu, mais qui n’est pas négligeable, dans la mesure où elle a des conséquences dans la durée, comme l’explique notre interlocuteur :

« Concernant l’identification des petits réseaux locaux, trois ans de suite, on a arrêté les trafiquants de stup’ locaux, pendant les saisons estivales consécutives au teknival de l’été, qui étaient venus vivre sur le département et qui payaient leurs vacances avec ce qu’ils avaient acheté à bas prix (puisque les prix sont cassés) pendant le teknival et qu’ils revendaient au prix normal du marché sur les plages. Un teknival autorisé est générateur d’un trafic qui n’existe pas sinon. On a arrêté deux bandes de trafiquants qui nous ont clairement déclaré qu’ils avaient organisé leur clientèle pendant le teknival de l’année d’avant. Ils avaient capté leur clientèle. Et après, le reste de l’année, c’était des clients réguliers ».

  • 43 Entretien cité.

69Mais ce sont avant tout les gros dealers qui posent problème, en raison des quantités de drogues qu’ils apportent. Cet ancien responsable de la mission rave de Médecins du Monde apparaît scandalisé43 :

« Le gros ratage du mouvement électronique, c’est les teknivals. Le premier teknival auquel j’ai assisté, quand j’ai vu ça, j’ai dit stop, ne faîtes pas ça ! Vous rendez extrêmement visible en population générale ce qui a toujours été plus ou moins underground, plus ou moins en périphérie (…). Vous allez avoir des gros trafiquants qui vont débarquer ! J’ai vu des gros trafiquants débarquer, en décapotable avec le coffre ouvert plein de coke ! C’était scandaleux ! Et passant devant les gendarmes ! Il y avait des gendarmes autour des teknivals, mais qui n’intervenaient même plus (…) ! Est-ce qu’il fallait qu’ils aillent jusqu’à laisser passer les gros trafiquants dans les teknivals ? Du coup, on s’est retrouvé avec des distributions massives de drogue, comme rarement – tous les gens du mouvement électro pourraient vous le dire – ils n’en avaient vu auparavant.
Je leur ai dit : vous faîtes une grosse erreur. On va rester en tant qu’intervenant sanitaire, mais… Le système d’approvisionnement en drogue ne sera pas le même qu’auparavant (…) ; et puis à la place des réseaux communautaires de distribution de drogue, vous allez avoir des vrais revendeurs. À mon deuxième teknival, c’est devenu encore plus criant ».

70Il convient de préciser que la médiatisation des rassemblements techno de masse à l’origine de l’afflux de gros trafiquants est antérieure à la LSQ et aux teknivals encadrés. Néanmoins, ces derniers sont toujours extrêmement médiatisés (y compris au niveau national), voire davantage qu’auparavant, dans la mesure où on connaît désormais souvent très à l’avance leur localisation. Dès lors, on peut imaginer que la préparation et la planification des opérations s’est trouve facilitée pour les trafiquants. Tout ceci renforce l’analyse récente que le ministère de l’Intérieur fait des teknivals encadrés, dont il souhaite voir diminuer l’ampleur.

  • 44 Entretien cité.

71De plus, la volonté répressive affichée depuis 2002 n’empêche pas le trafic de stupéfiants de prospérer. On peut noter, cependant, des évolutions à la marge : le phénomène de « vente à la criée », notamment, semble en voie de diminution depuis 2002-2003, comme le remarque ce membre de Technoplus44 :

« Dans les fêtes, la vente est présente. Mais il y a des choses qui ont évolué, quand même. La LSQ, elle a quand même un effet là-dessus : pendant un moment, c’était la vente à la criée, c’était le marché. À l’heure actuelle, c’est quand même beaucoup plus discret. Dans les grands rassemblements type teknivals, c’est plus compliqué… Pourtant, il y a les douanes qui sont présentes, il y a quand même beaucoup de barrages ; et les choses passent. Toutes les voitures ne sont pas vérifiées ».

72Pour autant, même si ce phénomène est en nette diminution, il est loin d’avoir entièrement disparu, comme j’ai pu m’en rendre compte personnellement lors des teknivals de 2006 auxquels j’ai assisté.

Le flou des objectifs du ministère de l’Intérieur

73Plus généralement, c’est la position du ministère de l’Intérieur, voire du ministre de l’Intérieur lui-même, qui apparaît problématique. Les objectifs affichés au regard de la question des drogues sont beaucoup moins clairs qu’on ne pourrait le penser au premier abord :

  • d’un côté, les différents interlocuteurs du ministère de l’Intérieur que j’ai rencontrés comme le ministre ont tous affirmé à plusieurs reprises leur volonté de tout mettre en œuvre pour éviter que les raves, et les teknivals avant tout, soient des « supermarchés de la drogue » ; de même, les textes officiels (circulaires, instructions envoyées aux préfets…) rappellent sans arrêt cet objectif de sanction des comportements illicites en matière de drogues ;
  • d’un autre côté, le ministre de l’Intérieur a pu expliquer à l’occasion du teknival de Vannes, en 2006, que la drogue circulait dans bien d’autres espaces que les raves, et donc que si l’on devait fermer tous les lieux où elle est présente, alors il faudrait fermer des lycées, par exemple, ce que personne n’envisage de faire.

74Cette démonstration par l’absurde, en quelque sorte, de la légitimité des rassemblements techno laisse songeur : la cohérence de l’action de l’État en la matière de semble pas véritablement fondée. Face aux drogues, le ministère de l’Intérieur paraît en effet combiner une forme de pragmatisme avec une doctrine d’application stricte et ferme de la loi : ce curieux mélange ne permet pas d’asseoir la légitimité politique de l’action publique qui est menée. Il ne donne pas de règles claires à ceux qui doivent mettre en œuvre cette politique. Il révèle donc plutôt les incertitudes et les tâtonnements des autorités.

75D’une certaine manière, cette forme d’incohérence peut cependant être résolue si l’on distingue deux volets de la politique des drogues : le trafic et la consommation. On peut considérer en effet que la cible de la répression est d’abord et avant tout, voire uniquement, le trafic, comme l’indiquent les extraits d’entretien analysés et les textes officiels. Inversement, la consommation de drogues, sans être explicitement acceptée, est tolérée, précisément au sens où elle n’est pas ou peu réprimée ; dans cette optique, elle relève donc davantage, voire exclusivement, de la prévention.

76Quelle que soit la pertinence de cette dichotomie, il reste que cela ne résout pas véritablement la question pour l’opinion publique, qui s’alarme au moins autant de la consommation et de ses effets sur la santé des participants (voire des conséquences en termes de comportements déviants ou délinquants susceptibles de générer des troubles chez les riverains) que du trafic proprement dit. De plus, cette dichotomie a des limites, puisque de nombreuses tensions existent entre les impératifs de répression et de prévention.

3. La réduction des risques, une politique qui manque de soutien

77De manière générale, en France, on peut considérer que la politique de réduction des risques en matière de consommation de drogues manque de soutien. De nombreux éléments témoignent de la faiblesse de la légitimité politique de cette approche des drogues.

  • 45 Entretien cité.

78Tout d’abord, le principe même de la réduction des risques en milieu festif techno a été attaqué en justice : Jean-Marc Priez, président de Technoplus, a fait l’objet de poursuites judiciaires en 2002 pour incitation à l’usage de stupéfiants, en raison même de la diffusion des documents (mentionnés supra) décrivant les effets de certains produits illicites. La loi de 1970 sur les drogues interdit en effet d’évoquer ceux-ci sous un angle positif. Comme le dit aujourd’hui ce membre de l’association45 :

« Il y a quand même eu un procès qui montre aussi que finalement, son rôle de réduction des risques était mal compris, puisque l’accusation porte sur l’information qui est donnée dans ce mouvement-là ».

79Même si l’accusé a été finalement relaxé, le procès en lui-même montre la fragilité de la légitimité de la réduction des risques, notamment dans le cas des raves. Un autre outil de cette politique est l’objet d’une bataille récurrente entre associations et pouvoirs publics : le testing.

L’interdiction du testing

  • 46 Voir le site internet de l’association.

80Le testing est sans doute l’outil de réduction des risques sur lequel l’attention des autorités politiques s’est le plus focalisée. Cette technique consiste à effectuer une analyse rapide des drogues qui permet de vérifier la « qualité » des produits, en tout cas l’absence de dangerosité excessive. Elle a été introduite par Médecins du Monde, qui la justifie en ces termes46 :

« Médecins du Monde pratique des analyses qui donnent une première indication sur la nature du produit que l’usager a acheté. Ces analyses sont aussi et surtout l’occasion pour les ravers de dialoguer avec des membres de la mission. Il ne s’agit pas de dire si une drogue est bonne ou non, mais d’informer les usagers sur ce qu’ils s’apprêtent à consommer. Les membres de Médecins du Monde sont donc présents afin de prodiguer les conseils fondamentaux et prévenir des risques liés à l’usage des substances : ils insistent sur l’importance de fractionner les prises de substances, de boire beaucoup d’eau, de ne pas mélanger les produits et l’alcool et préviennent les populations particulièrement fragiles comme les femmes enceintes des risques potentiels ».

81Il apparaît ainsi nettement que le testing peut difficilement être considéré de manière isolée : c’est un outil parmi d’autres, qui s’inscrit dans une démarche globale de prévention. L’argument essentiel de Médecins du Monde est que le testing permet d’accéder aux usagers et d’enclencher une réflexion sur leur consommation de drogues. Cette technique a donc beaucoup été utilisée dans les raves, et elle a connu un grand succès.

  • 47 EPSTEIN Renaud et FONTAINE Astrid, « De l’utilité des raves : consommation de psychotropes et acti (...)
  • 48 Décret du ministère des Solidarités, de la santé et de la famille du 14 avril 2005, approuvant le (...)

82Pourtant, le testing a été interdit par décret en 2005. Le texte en question est d’ailleurs révélateur des incertitudes qui entourent le statut de la réduction des risques en France : le principe de la réduction des risques est approuvé, les intervenants sont censés être protégés « du risque d’incrimination d’usage ou d’incitation à l’usage au cours de leurs interventions »47, et dans le même temps, le testing est rejeté48.

83Néanmoins, il faut noter que Médecins du Monde a bravé ou contourné cette interdiction à plusieurs reprises, y compris de manière explicite, en s’adressant aux médias. C’était le cas au teknival de Chavannes, par exemple, en 2006, ce qui a déclenché de vives tensions avec la préfecture. L’association a également tenté de trouver une parade en utilisant une autre technique, la chromatographie sur couches minces, qui nécessite plusieurs heures (alors que le testing « traditionnel » ne dure que quelques minutes) ; j’ai pu observer qu’elle a été mise en œuvre au teknival de Vannes en 2006.

84Cette question du testing ne semble donc pas réglée. Médecins du Monde a d’ailleurs obtenu à un moment donné un accord de principe de la part du ministère de la Santé pour une reprise du testing dans le cadre d’une démarche évaluative. Plus généralement, ceci met en évidence les divergences qui peuvent exister entre une logique sanitaire et une logique sécuritaire.

Les soupçons à l’égard des associations de réduction des risques

  • 49 Entretien cité.

85De fait, le cas du testing est révélateur d’un ensemble de difficultés importantes qui pèsent sur l’action des associations de réduction des risques. Comme on l’a évoqué, celles-ci sont régulièrement soupçonnées de favoriser la consommation de drogues, et ce, malgré l’évolution des textes officiels. C’est ce qu’explique ce membre de l’association Technoplus49 :

« Parfois, il y a une incompréhension quand on arrive sur les lieux de la fête : on est obligés d’expliquer toute notre démarche de prévention, et la nécessité qu’on soit dedans, même si les forces de l’ordre veulent refuser l’accès. Forcément, on peut attirer les suspicions étant donné qu’on trimballe du matériel de prévention (seringues…), ça peut prêter à confusion ; donc on a toujours des ordres de mission, les papiers de l’association, pour bien expliquer ce rôle-là. Des fois, les gens sont très compréhensifs, et des fois c’est plus compliqué : c’est déjà arrivé qu’on déballe tout le camion parce que les douanes nous suspectaient. On se promène maintenant avec le décret, parce qu’il faut absolument qu’on explique ce rôle-là qui n’est pas toujours compris de tous ; il y a peut-être encore un manque d’harmonisation du côté des forces de l’ordre sur notre rôle ».

  • 50 Entretien cité.

86Les autorités politiques semblent à la recherche d’un équilibre qui permette d’assurer grosso modo la sécurité sanitaire, tout en envoyant un message très clair qui s’oppose à l’incitation à la consommation de drogues. Les obstacles que rencontrent les associations de réduction des risques ne sont donc pas fortuits ; en règle générale, ils témoignent d’une orientation politique claire : refuser de faciliter la consommation de drogues. Ce colonel de gendarmerie explique ainsi50 :

« Par exemple, il y a le litige récurrent des Médecins du Monde dans les teknivals : on vous annonce que vous allez avoir sur les teknivals cinquante Médecins du Monde. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’on aura deux, trois médecins, un ou deux pharmaciens, et trois à quatre infirmiers diplômés, et tout le reste, ce sont des teknivaliers bénévoles de l’association Médecins du Monde, badgés par Médecins du Monde, et qui n’ont comme avantage que la connaissance parfaite des accidents dus aux stupéfiants et à la fatigue des teknivals parce qu’ils les pratiquent depuis, certains, une dizaine d’années ; et aucune autre référence.
Et on nous fait un chantage à Médecins du Monde en disant : « mais vous ne les laissez pas accéder aux zones réservées », alors qu’en fait ce sont des teknivaliers comme les autres, à part qu’ils ont le badge. La gestion du teknival par Médecins du Monde n’est absolument pas celle du SAMU ni celle des pompiers. Et là encore, je crois que la meilleure solution c’est la complémentarité, c’est-à-dire arriver à trouver un moyen terme avec les avantages et la connaissance que peuvent amener Médecins du Monde, et d’un autre côté les impératifs de sécurité publique attendus de l’État, du SAMU et des pompiers, ce n’est pas le même métier. C’est pas la même attitude vis-à-vis des stupéfiants ; on est avec Médecins du Monde dans la mouvance du mouvement libertaire, le SAMU et les pompiers du département, c’est pas le cas, ils font leur travail de secours. On est en permanence dans un rapport de force, qui est arbitré au final par le préfet, voire même plus haut que le préfet, au niveau du cabinet lui-même ».

87Pour les autorités politiques, il apparaît clairement que les associations de réduction des risques sont accusées de prosélytisme. Les relations de ces associations avec les services traditionnels de secours méritent d’ailleurs un examen attentif.

Les services de secours dans les raves

88Depuis 2002, les raves et les teknivals encadrés sont entourés par un dispositif sécuritaire, mais aussi sanitaire. Ainsi, les associations de réduction des risques, qui ont été pendant longtemps le seul intervenant sanitaire présent dans ces rassemblements, ont été rejointes notamment par les pompiers, la Protection civile, ou encore la Croix-Rouge, à l’instigation de l’État.

89Il apparaît cependant que la coordination de ces différents acteurs n’est pas toujours bien assurée. Les services de secours classiques ont en effet un déficit de connaissance important en matière de gestion des effets des drogues. Ce manque peut avoir des conséquences importantes, puisque des méthodes traditionnelles de soins sont parfois contre-productives lorsqu’elles sont appliquées à des individus qui ont consommé des drogues.

  • 51 Entretien cité.

90Un exemple bien connu concerne la gestion de ce que les teufeurs appellent le bad trip, c’est-à-dire la crise qui peut survenir quand l’effet souhaité du produit est passé. Il s’agit alors en général de parler avec la personne, de la rassurer, et le malaise s’estompe dans un délai relativement rapide. Or, face à ce type de problème, les services de secours classiques, qui n’ont pas d’expérience dans ce domaine, ont parfois tendance à appliquer des techniques d’intervention énergiques qui renforcent la crise. C’est ce qu’explique ce membre de Technoplus51 :

« La Croix-Rouge et la Protection civile sont arrivées après la LSQ. Le décret précise qu’il faut une présence sanitaire, ce qui montre qu’on avait oublié qu’il y en avait déjà une ! Mais ils ont conscience quand même d’avoir des limites : c’est pas des gens qui sont issus du milieu festif. Ils ne connaissent pas forcément les effets des produits. Des fois, ils ont des attitudes à l’égard des teufeurs qui sont limite dangereuses (par exemple les attacher…). Donc on est aussi là pour dire : c’est peut-être pas la bonne manière ».

  • 52 Entretien cité.

91De la même façon, les teufeurs sont en général reconnaissants envers les associations de réduction des risques, dont ils apprécient le savoir-faire en matière de gestion des effets des drogues, à la différence des services de secours classiques. Le membre de ce Sound-system indique ainsi52 :

« Médecins du Monde, sur les gros événements, les teknivals, ils y étaient à chaque fois. La présence de Médecins du Monde, avec une mission rave spéciale, c’était vachement mieux sur les événements que le SAMU du coin, parce que les mecs, ils savaient de quoi ils parlaient. Surtout pour les trucs psychédéliques, LSD, amphétamines, etc., il faut grave mieux avoir des mecs qui savent de quoi ils parlent. Un médecin, il a beau être super compétent, s’il ne sait pas ce que c’est qu’un psychédélique, il n’a vraiment pas beaucoup de chances d’apporter la réponse cohérente. J’ai vu ça mille fois, même dans des salles de concert justement, des pompiers qui voulaient évacuer absolument un mec alors qu’il aurait fallu juste le laisser tranquille, ou à qui il fallait parler pendant un quart d’heure et c’était bon, au contraire, ils se jetaient sur lui, ils l’attachaient parce qu’il bougeait, et le mec il partait hyper loin. Ou alors un mec qui dit « j’ai bouffé des champignons », et le pompier qui dit mais c’est quoi ces champignons, ça c’est un peu embêtant. Médecins du Monde, heureusement qu’ils étaient là. Apparemment, c’était pas tout le temps gagné pour eux ».

  • 53 Entretien cité.

92Les associations de réduction des risques et les services de secours traditionnels ont donc des compétences distinctes, mais les accidents ne sont pas toujours traités par le bon interlocuteur sanitaire. On pourrait ainsi imaginer des échanges de savoirs spécifiques entre ces deux types d’acteurs pour améliorer la prise en charge des malades ; cela a été envisagé, mais sans succès jusqu’à présent, comme en témoigne cet ancien responsable de la mission rave de Médecins du Monde53 :

« La Croix-Rouge ne semble pas très habituée à ce public… – Ça fait depuis 2001 qu’on leur propose une formation. On a le classeur de formation… On a fait un travail énorme, bénévole… pour rien. Je crois qu’ils le font du bout des doigts (sauf à quelques endroits). Ils le font vraiment en tant qu’auxiliaire des pouvoirs publics, je ne pense pas qu’ils le fassent selon une dynamique volontaire. On leur dit : pas de lumière flashy dans les yeux des personnes, surtout quand elles sont déjà en train d’halluciner, parce que ça peut être mal vécu, créer une parano, un délire persécutif… Il ne faut pas que la tente soit hyper éclairée mais un peu obscure pour la réassurance ; non, n’évacuez pas systématiquement les gens vers les hôpitaux, vous pouvez faire aussi de la réassurance qui vous évite d’évacuer ; en trois à six heures, ça suffit. Arrêtez d’entuber… Ça n’a jamais pris. Je ne pense pas qu’ils le fassent « en vrai » ».

93De ce point de vue, on peut à nouveau s’interroger sur les objectifs réels des autorités en matière de consommation de drogues dans les raves. En un sens, on a parfois l’impression que les pouvoirs publics tentent d’effrayer les consommateurs via une gestion inadaptée des secours. D’autres initiatives, cependant, invitent à nuancer ce constat.

La prévention assurée par les forces de l’ordre

  • 54 VIDELIN Jean-Christophe, art. cité, p. 1074.
  • 55 Entretien cité.

94Dans certains cas, on observe que les forces de l’ordre peuvent également suivre une logique de réduction des risques envers le public. Cette préoccupation concerne notamment la circulation routière : les forces de l’ordre peuvent par exemple avoir reçu comme consigne de « dissuader de partir ceux qui [ne sont] pas en état de conduire », comme le note Jean-Christophe Videlin54. De nombreux observateurs ont noté cette pratique. C’est le cas de cet ancien responsable de la mission rave de Médecins du Monde55 :

« Les gendarmes venaient nous voir en disant qu’est-ce qu’on fait ? On leur disait : maintenant c’est trop tard, ils ont déjà consommé donc c’est pas la peine de les envoyer sur la route ».

  • 56 Entretien cité.

95Les associations de réduction des risques et les forces de police ou de gendarmerie peuvent donc travailler ensemble sous certaines conditions. Ce membre de l’association Technoplus confirme56 :

« L’État a une pratique qui est à dominante répressive, même s’il y a quand même de la prévention, on a vu des choses se faire vachement intéressantes. Par exemple, lors du teknival de Bretagne 2005 : les gens qui avaient un taux d’alcoolémie supérieur à la moyenne, les forces de l’ordre leur ont juste dit de ne pas prendre leur véhicule, sans que ça aille jusqu’à l’amende. Il y avait quand même une forme de prévention qui était là ».

96Il convient d’ailleurs de noter que cette logique de prévention peut s’appliquer aux drogues licites ou illicites.

*

  • 57 Sur ce point, cf. aussi MOREAU Christophe, La jeunesse à travers ses raves. L’émergence à la perso (...)

97L’usage massif de drogues illicites dans les raves a donc suscité une action publique à deux faces. D’un côté, les autorités politiques ont mis en œuvre une répression axée notamment sur le trafic, et qui s’est fortement intensifiée depuis 2002 ; pour autant, ses limites quantitatives sont manifestes. D’un autre côté, les associations de réduction des risques ont développé une politique de prévention appréciée des teufeurs, et qui comporte une dimension de médiation sociale incontestable. Or, ces deux logiques sont susceptibles d’entrer en tension57. L’encadrement des manifestations techno décidé en 2002 n’a d’ailleurs pas permis de trancher le débat.

Notes

1 Comme on l’a vu dans le premier chapitre.

2 Cf. par exemple RACINE Etienne, op. cit. ; FONTAINE Astrid et FONTANA Caroline, op. cit. ; MABILON-BONFILS Béatrice (dir.), op. cit. ; QUEUDRUS Sandy, Un maquis techno. Modes d’engagement et pratiques sociales dans la free-party, Nantes/Paris, Mélanie Seteun et IRMA éditions, 2004 (2000).

3 Cf. par exemple COLOMBIÉ Thierry, LALAM Nacer, Les filières de produits psychotropes à partir des soirées de musique techno, OFDT, 1999.

4 BELLO Pierre-Yves et al., Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003, op. cit., p. 17.

5 Sur ce point, cf. FONTAINE Astrid et FONTANA Caroline, op. cit.

6 EHRENBERG Alain, Le culte de la performance, Paris, Calmann-Lévy, Hachette/Pluriel, 1996 (1991).

7 Sur ce point, voir FONTAINE Astrid, Double vie. Les drogues et le travail, Paris, Les Empêcheurs de penser en rond, 2006.

8 MILDT, Drogues et dépendance. Le livre d’information, éd. INPES, 2006.

9 DIAZ Frédéric, Coproduction de la sécurité : un nouveau mode de contrôle et de régulation sociale. La gestion des risques dans les espaces privés lors de manifestations sportives et culturelles, thèse de sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2003.

10 On retrouve un phénomène analysé en détail dans le cas des fumeurs de marijuana par Howard Becker dans Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, 1985 (1963).

11 BENSO Vincent, Les usages de drogues en free-parties, mémoire de Master 1, Université Paris V, 2006.

12 Entretien cité.

13 MOREAU Christophe, « La jeunesse à travers ses raves : la singularité juvénile accentuée et la négociation intergénérationnelle compromise », Sociétés, no 90, 4/2005, p. 48.

14 Cf. premier chapitre.

15 NOR INTD0200158C.

16 Entretien cité.

17 Entretien cité.

18 BELLO Pierre-Yves et al., Phénomènes émergents liés aux drogues en 2003, op. cit., p. 38.

19 Entretien cité.

20 Entretien cité.

21 Entretien cité.

22 Entretien cité.

23 Présentation générale de la mission rave de Médecins du Monde sur le site internet de l’association : voir www.medecinsdumonde.org/terrain/thematiques/reductiondesriques/rdr_raves

24 Voir le premier chapitre.

25 Entretien, 2006.

26 Le Sud de la France, et notamment la région PACA, sont un terrain de développement important des raves à cette période. On rappelle d’ailleurs que Thierry Mariani, à l’origine de l’amendement sur les raves dans la LSQ, est député du Vaucluse.

27 Voir la présentation sur le site internet de l’association : www.technoplus.org

28 Il faut préciser qu’être membre de Technoplus aujourd’hui ne signifie pas automatiquement être consommateur de drogues.

29 Entretien, 2007.

30 Il faut noter que pour les petits rassemblements, les associations n’ont pas toujours les moyens de se déplacer. Dans ce cas, un kit de prévention est fourni aux organisateurs.

31 Voir son site internet.

32 Sur la théorie de l’étiquetage, voir BECKER Howard, op. cit.

33 Entretien cité.

34 Entretien cité.

35 Entretien cité.

36 TESSIER Laurent, art. cité, p. 79.

37 MOREAU Christophe, art. cité, p. 54.

38 Entretien cité.

39 TESSIER Laurent, art. cité, p. 79.

40 Entretien cité.

41 Sur le rôle du trafic du drogue dans l’économie souterraine des cités HLM, cf. par exemple SAUVADET Thomas, Le capital guerrier. Concurrence et solidarité entre jeunes de cité, Paris, Armand Colin, Sociétales, 2006 (notamment la dernière partie du livre).

42 Entretien cité.

43 Entretien cité.

44 Entretien cité.

45 Entretien cité.

46 Voir le site internet de l’association.

47 EPSTEIN Renaud et FONTAINE Astrid, « De l’utilité des raves : consommation de psychotropes et action publique », Mouvements, op. cit., p. 21.

48 Décret du ministère des Solidarités, de la santé et de la famille du 14 avril 2005, approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue et complétant le code de la santé publique.

49 Entretien cité.

50 Entretien cité.

51 Entretien cité.

52 Entretien cité.

53 Entretien cité.

54 VIDELIN Jean-Christophe, art. cité, p. 1074.

55 Entretien cité.

56 Entretien cité.

57 Sur ce point, cf. aussi MOREAU Christophe, La jeunesse à travers ses raves. L’émergence à la personne et sa régulation par le monde adulte : le cas des fêtes techno, thèse de doctorat de sociologie, Université Rennes II, 2002, p. 123.

The text and other elements (illustrations, imported files) may be used under OpenEdition Books License, unless otherwise stated.

Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search