1Ce chapitre vise à présenter des projets de formation conçus sur les bases d’une formation des enseignants aux pédagogies actives et coopératives :

• au niveau micro : une maquette de parcours spécifique pédagogies actives et coopératives, élaborée en 2008-2009, au début de la mastérisation de la formation des enseignants, qui n’a pas pu être finalisée ;
• au niveau macro : des propositions de cadrage national pour une réforme de la formation des enseignants.

2Une question de Philippe Watrelot1 nous interpelle : « Peut-on espérer le changement en faisant coopérer des structures marquées par le conservatisme et des enjeux de territoires exacerbés ? » Le projet de parcours spécifique « pédagogies actives et coopératives », porté par le secteur « crise, école, terrains sensibles », n’a pu voir le jour, pour diverses raisons, exposées dans le paragraphe suivant, mais peut-être aussi en lien avec cette question pertinente ! Un certain nombre des principes qui ont conduit à son élaboration ont été présentés dans cet ouvrage, et il paraît intéressant de la reprendre pour en tirer des pistes pour de possibles maquettes de master à construire, en tenant compte du contexte, et en intégrant de possibles avancées si des ajustements paraissent possibles.

Une maquette de parcours spécifique pédagogies actives et coopératives pour un master formation des enseignants

3Un projet prenant en compte ces paramètres avait été conçu en 2008 par Marie-Anne Hugon2 et Florence Saint-Luc, avec le secteur « crise école terrains sensibles », à l’université de Paris X-Nanterre.

4Le cadrage de l’université et le temps dévolu aux stages ont rendu impossible sa mise en œuvre. Un projet de ce type nécessite un temps sur le terrain beaucoup plus important, en particulier pour le stage prévu à l’étranger : sur le temps du master, un temps total de stage de 12 semaines serait un minimum, avec une alternance intégrative et projective, c’est-à-dire des possibilités d’accompagnement du stage par les TICE et par les mouvements pédagogiques au niveau local, en articulation avec l’université, en particulier à l’étranger.

Tableau 22 – Principes de base en lien avec le référentiel de compétences de la formation des enseignants en vigueur en 2008

5C’est à partir de ce travail fondé sur le référentiel de compétences pour les enseignants de l’école élémentaire en France, coopératives que le projet de parcours spécifique pédagogies actives et coopératives dans le cadre du master enseignement éducation formation que la proposition ci-dessous a été élaborée.

Proposition de parcours spécifique pédagogies actives et de coopératives professeurs des écoles

6Paris X-Nanterre sciences de l’éducation (SPSE)/ICEM

7Florence Saint-Luc et Marie-Anne Hugon, novembre 2008

8Dans le cadre de la maquette de master professeurs des écoles, il est proposé à l’initiative conjointe de l’ICEM et de l’équipe « crise, école, terrains sensibles » de construire un parcours spécifique international pédagogies actives et coopératives qui s’adressera à un ou deux groupes de 20 étudiants futurs professeurs des écoles.

9Ce parcours spécifique vise à :

• Préparer au concours de professeur des écoles ;
• Faire construire les compétences en jeu dans le référentiel officiel pour les professeurs des écoles ;
• Développer la responsabilisation et l’éthique professionnelle par l’intégration à un collectif de professionnels ;
• Assurer une cohérence entre théorie et pratique en proposant les apports théoriques en fonction des besoins apparus lors des périodes de pratiques, et la mise en œuvre des apports théoriques ;
• Développer la créativité, la capacité d’innover, par la construction d’un style éducatif et professionnel personnel ;
• Former dans un esprit de développement durable et de citoyenneté européenne et mondiale, dans la compréhension de l’humain face à la complexité des situations ;
• Développer la réflexivité dans une démarche de recherche ;
• Apprendre à gérer l’hétérogénéité et la diversité en la faisant vivre dans la formation.

10Le parcours vise des populations diverses d’étudiants :

1. des étudiants français titulaires d’une licence candidats au concours de PE qui souhaitent se préparer à travailler dans des établissements publics du 1^er degré en mettant en œuvre des pédagogies actives et coopératives ;
2. des étudiants étrangers ERASMUS qui souhaitent, dans le cadre de leur séjour dans une université française, s’initier aux pratiques et aux théories des pédagogies actives et coopératives ;
3. des enseignants de la communauté européenne diplômés dans leur pays souhaitant acquérir des compléments de formation pour travailler dans des écoles à projets particuliers : compte-tenu des différences importantes en Europe dans les systèmes de formation des enseignants, des validations des acquis de l’expérience seraient nécessaires en particulier pour la France, la Belgique, l’Allemagne, l’Espagne ;
4. Des maîtres-formateurs souhaitant obtenir un diplôme universitaire pour intervenir dans la formation3.

11Ce parcours spécifique s’appuie sur un partenariat avec le réseau de classes de praticiens ICEM français et international (et sur des mouvements pédagogiques) qui accueilleront et accompagneront les stagiaires, et avec un réseau d’universitaires français et étrangers spécialisés en didactique, proche du courant des pédagogies actives et coopératives.

12L’insertion de ce parcours spécifique dans la maquette actuelle pose trois problèmes, présentés ci-dessous avec des propositions pour les résoudre :

131) Le principe de la séparation entre contenus disciplinaires et compétences psychologiques et pédagogiques qui ordonne la maquette.

14Pour la cohérence du projet de parcours spécifique, il importe en effet qu’un lien fort soit créé entre les contenus disciplinaires et l’organisation pédagogique des enseignements.

15Proposition de résolution du point 1 (ce lien sera construit, par les moyens suivants) :

16* des réunions associant les responsables des contenus disciplinaires, les étudiants, les praticiens accompagnateurs, et les responsables des enseignements de psychologie et de sciences de l’éducation ;

17* La participation de praticiens de l’ICEM ou d’autres mouvements pédagogiques à des séances de formation disciplinaires afin de montrer des applications pratiques des contenus exposés ;

18* Concernant la didactique des disciplines, si des besoins précis ne pouvaient être couverts par les ressources disponibles de l’université de Paris X- Nanterre, il serait fait appel à des intervenants extérieurs, enseignants-chercheurs d’autres universités, proches des options de ce parcours pour des apports spécifiques.

192) La faible place accordée à la dimension pédagogique et l’absence de la question de l’évaluation et de la docimologie dans la maquette actuelle. La dimension de la relation pédagogique et éducative ne représente qu’1,5 ECTS dans la grille actuelle en semestre 1 et 2. Or, dans ce parcours spécifique, quatre catégories de thèmes doivent être traités :

• Le rapport entre théorie et pratique, avec mise en situation (conseils de coopérative, pour la gestion des projets et la régulation des conflits, l’articulation entre individus, groupes, et collectif par la mise en commun des expériences) et théorisation ;
• La dimension psychologique de la relation éducative, sous la forme de groupes Balint4 permettant de structurer la personnalité des futurs enseignants pour la partie rapport à l’autorité et les relations individu/groupe ;
• La connaissance de différents types de pédagogies ;
• Une connaissance de l’évaluation pour construire des dispositifs pertinents et cohérents d’évaluations diagnostique, formative, formatrice, sommative, certificative.

20La connaissance des publics représente 3 ECTS. Cette unité d’enseignement permet de traiter deux aspects importants dans l’exercice de la profession, le partenariat et la coopération avec les acteurs de l’éducation, liés à la professionnalisation.

21Proposition de résolution du point 2 :

22* Les étudiants issus d’une licence en sciences de l’éducation ou en psychologie, les enseignants déjà diplômés n’ont besoin que d’un court rappel des questions de psychologie de l’enfant et du pré-adolescent. Les étudiants issus de licence disciplinaire pourraient avoir une mise à niveau proposée, avec un mode de validation spécifique, qui comptera pour 1,5 ECTS. 3 ECTS seront dévolus au premier semestre à la dimension psychologique de la relation éducative par l’intermédiaire de groupes Balint ;

23* Au second semestre, l’étude de l’évaluation et de la docimologie seront l’objet d’un TD correspondant à 1,5 ECTS ;

24* Le contenu de l’unité d’enseignement « Relation pédagogique » en S2 sera consacré à l’étude de différentes pédagogies, pour un crédit de 1,5 ECTS ;

25* La maquette actuelle ne laisse aucune place à la maîtrise des TICE, qui fait partie pourtant d’une des 10 compétences du référentiel officiel pour la formation des enseignants de premier degré. L’obtention d’un C2I préalable à l’entrée en master certifie la connaissance des TIC (technologies de l’information et de la communication), mais pas la maîtrise des TICE (technologies de l’information et de la communication à l’école).

26Proposition de résolution du point 3 :
Une unité d’enseignement comportant un crédit de 1,5 ECTS sera intégrée dans le semestre 1 et évaluée sous la forme de la mise en œuvre lors du semestre 2, dans la communication lors des périodes de stage (lien entre les stagiaires, et avec les formateurs, en France et à l’étranger, sous la forme de l’utilisation d’une messagerie, d’un forum, d’une plate-forme informatique, de blogs ou sites web, de journaux), et pour la mise en commun.

Validation

27Les jurys de ce parcours spécifique seront composés d’universitaires et de professionnels de l’école travaillant dans des mouvements pédagogiques.

28Dans les deux pages suivantes sont proposées le parcours de master en deux ! années, soit quatre semestres.

29La première page présente le master 1 (semestres 1 et 2), la page suivante le master 2 (semestres 3 et 4) :

Tableau 23 – Maquette parcours spécifique pédagogies actives et coopératives master 1 MEEF5

Tableau 22 – Maquette parcours spécifique pédagogies actives et coopératives master 2 MEEF6

Des propositions pour un cadrage national de la formation initiale des enseignants

30À partir de points positifs dans différents systèmes éducatifs, dont le système finlandais, il est possible d’établir des propositions pour la formation initiale des enseignants en France.

Des écoles d’application en premier et en second degré

31Des écoles d’application seraient organisées dans le premier comme dans le second degré. Les enseignants de ces écoles suivraient un master de formation de formateurs dans le cadre de la formation continue : ce travail se ferait en partenariat avec l’université, avec des groupes d’analyse de pratiques de deux types : mentors, et mentor/stagiaires. Des locaux proposant un matériel didactique varié seraient ouverts à la fréquentation de classes et d’étudiants en formation initiale.

Des partenariats internationaux entre universités et écoles de formation des enseignants

32La refondation du cursus de formation des enseignants au niveau européen pourrait permettre des passerelles peu coûteuses à mettre en œuvre pour des stages à l’étranger. Des accords de coopération pourraient être passés avec des pays africains pour des échanges dans le cadre des stages.

Pré-recrutement et validation des acquis de l’expérience

33Un pré-recrutement fondé sur la motivation, avec possibilité de validation des acquis de l’expérience, pourrait être proposé, pour une entrée dans la formation à différents niveaux. L’expérience d’assistants d’éducation, d’animateurs, d’éducateurs de jeunes enfants ou d’éducateurs spécialisés pourrait ainsi être reconnue.

Formation des enseignants du premier degré

34Pour la formation des futurs enseignants de primaire, la formation serait polyvalente dès la première année. Un portfolio d’apprentissage permettrait d’assurer une démarche réflexive sur les processus de formation pour chacun, avec une volonté d’établir une introspection en même temps que des liens entre les observations et les apports théoriques. La dimension coopérative trouverait une large place dans le processus, avec la possibilité de présenter régulièrement son portfolio à des groupes de travail.

Formation des enseignants du second degré

35Pour la formation des futurs enseignants de secondaire, une séance de trois heures par semaine devrait rassembler les étudiants dans diverses disciplines pour aborder les questions transversales, dès la troisième année. Elle serait animée en lien avec les écoles d’application secondaires et l’université, avec de possibles coopérations entre mentors et formateurs universitaires. Des séances d’observation de pratiques dans une discipline pourraient être analysées avec l’approche simultanée d’au moins un professeur de la discipline (enseignant-chercheur), d’un enseignant-chercheur de didactique de la discipline, et d’un enseignant-chercheur avec une vision plus transversale (sciences de l’éducation, par exemple).

36La formation comporterait au minimum une véritable bivalence (voire une trivalence). Une véritable formation à des aspects transversaux du métier serait proposée : la validation comporterait, comme en Finlande, 35 ECTS pour l’aspect disciplinaire, et 25 ECTS pour les aspects didactiques et transversaux.

37Le portfolio d’apprentissage serait intégré dans la partie des aspects didactiques et transversaux.

Place de la pratique dans la formation et progressivité

38Pour les futurs enseignants de primaire et de secondaire, durant la première année, des stages d’observation permettraient de prendre conscience des réalités du terrain, et de constituer un corpus d’observations, avec des visites dans des écoles traditionnelles, chez des enseignants-formateurs, dans des écoles alternatives, et à différents niveaux d’enseignement, pour prendre une vue globale du système éducatif. De courtes séquences pourraient être animées par les stagiaires, avec une préparation coopérative par une équipe d’étudiants, l’animation par un ou deux d’entre eux, et la critique coopérative de la séance par le groupe d’étudiants qui auraient au préalable tous préparé la séance. Chaque groupe ayant préparé pourrait être tiré au sort pour la réalisation pratique. Les groupes n’animant pas de manière pratique seraient chargés d’un critère précis dans l’observation. Les groupes d’observateurs échangeraient de manière coopérative en présentant leurs observations et en discutant avec les animateurs de la séance. Chaque stage pourrait ainsi servir de support au développement de la capacité d’observer le réel. Cela permettrait également d’aborder l’analyse institutionnelle : compréhension des contextes institutionnels et des contraintes propres à chaque niveau, avec des apports théoriques en complément, développement de questionnement, et choix d’options en fonction de ce questionnement pendant les deux premières années. Les évaluations sous forme d’examens assureraient l’acquisition des connaissances théoriques issues de ces deux années.

39La troisième année proposerait un minimum de deux fois sept semaines de stages de pratique accompagnée dans différents contextes : deux niveaux différents d’enseignement. L’auto-confrontation simple et/ou croisée serait une modalité de travail entre pairs, avec le mentor, et avec des groupes coopératifs d’analyse de pratique, intégrés aux périodes de travail universitaire. La prise en compte de la pratique accompagnée ferait partie de la validation au niveau de la licence, en complément des aspects disciplinaires, didactiques, et transversaux. Elle serait la première validation essentielle nécessaire à la poursuite des études en master.

40La quatrième et la cinquième année proposeraient une forme d’alternance intégrative et projective7 : des stages de pratique autonome dans une école quelconque, dans deux niveaux différents d’enseignement, avec des groupes d’analyses de pratique. Les questions dégagées seraient traitées dans le cadre de cours. C’est à ce niveau qu’interviendraient la possibilité de séjours dans un système éducatif étranger, à partir d’un projet précis (aspect culturel et/ou développement de la maîtrise d’une langue étrangère). Des accords de coopération seraient passés avec des universités étrangères pour faire des échanges d’étudiants au même niveau (échanges d’appartements, de participation aux cours, d’intégrations aux processus d’organisation de stages sur le terrain). Des cours de méthodologies de la recherche, ainsi qu’un travail en séminaire de recherche devrait déboucher sur la rédaction d’un mémoire professionnalisant de recherche soutenu à l’issue du master 2, en complément d’une évaluation de la pratique.

Formation des tuteurs, mentors et formateurs

41Les mentors devraient se former avec un niveau minimum de master 2 pour l’accompagnement des futurs enseignants sur le terrain, dans le cadre de masters couplés avec la formation initiale ; ils accueilleraient un groupe maximum de 4 stagiaires, avec une pratique accompagnée et une progressivité dans la prise en charge des élèves. La pratique avec plusieurs stagiaires, après quelques semaines, pourrait conduire les stagiaires à se filmer entre eux, pour réaliser ensuite des auto-confrontations croisées sous la conduite de leur mentor, qui pourrait se former à l’université pendant ces moments de pratique du groupe de stagiaires (par exemple à des techniques comme la conduite de séquences d’auto-confrontations, avec une auto-confrontation simple et ou croisée avec ces collègues mentors et des enseignants chercheurs universitaires).

42Un niveau intermédiaire entre le master 2 et la thèse serait organisé pour les formateurs (de terrain, les mentors, et universitaires). Il correspondrait au CAPAES (Certificat d’aptitude pédagogique approprié à l’enseignement supérieur) proposé en Belgique. Il constituerait une formation correspondant à un master recherche 2 pour les formateurs sur le terrain, et à une formation pédagogique pour l’enseignement supérieur pour les enseignants universitaires. Les parcours seraient spécifiques, des groupes hétérogènes, fonctionnant avec un effet de co-formation et de coopération organisé dans le cadre du processus d’apprentissage. Les effets de dynamique de groupe serviraient de base à un travail de métacognition. La recherche-action serait proposée comme base du processus de formation, intégrée dans un portfolio d’apprentissage, pour constituer un lien entre théorie et pratique, et développer une démarche d’investigation scientifique et de praticien-chercheur, aussi bien dans la participation aux processus d’apprentissage dans la formation que dans le contexte de travail. Un autre type de méthodologie de recherche serait possible pour l’élaboration d’un mémoire. Les formateurs universitaires dans le processus de formation pour la validation du CAPAES pourraient travailler sur le développement des compétences d’accompagnement avec un recul réflexif avec un travail de co-tutelle pour la formation à la recherche des mentors.

Validation et accompagnement des débuts professionnels

43La validation au niveau licence, nécessaire à l’entrée en master, conduirait à des temps de pratiques autonomes rémunérés avec un statut de stagiaire dès la 4^e année.

44La validation en master 2, donnerait la possibilité d’intégrer une équipe dans un établissement scolaire à projet (par exemple à partir du ou des stages et du travail du mémoire professionnalisant de recherche), ou d’effectuer des remplacements, avec un véritable salaire mensuel assuré. La première année de pratique sur le terrain serait accompagnée par un travail reconnu et certifié avec des mouvements pédagogiques.

Pérennisation du statut

45L’obtention d’un statut de fonctionnaire serait possible à partir :

• d’une partie sur dossier incluant la prise en compte du portfolio d’apprentissage, qui continuerait la première année de pratique professionnelle, du mémoire professionnalisant de recherche, des projets développés et des relations construites dans le cadre du contexte professionnel, de la participation à des réunions de travail avec des mouvements pédagogiques ;
• d’une partie d’épreuves sur concours après une pratique minimum d’une année sur le terrain.