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Mine claire

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Hélène Morin-Hamon

Avant-propos

Texte intégral

1La découverte du métal et sa maîtrise constituent une révolution technologique affectant à tous les sens du mot la vie des hommes comme les paysages. De la Protohistoire au Moyen Age et au-delà, les techniques d'extraction ont connu des mutations profondes pour accroître les quantités produites. Parmi les représentations premières du fer métal figurent les mines et l’industrie métallurgique.

2À travers l’étude d’une phase clef du processus métallurgique ; la préparation des minerais, et en prenant pour exemple le Nord de la Franche-Comté cet ouvrage rend compte d’un programme inédit de recherche en archéologie et en histoire des techniques.

3La Franche-Comté possède un vaste gisement de fer dispersé dans les formations quaternaires : le minerai pisolithique ou minerai en grains, une spécificité et un minerai de grande qualité très tôt utilisé dans la métallurgie. L’étude présentée à travers cet ouvrage apporte un éclairage nouveau sur une étape de la métallurgie du fer. Elle démontre qu’il existait une véritable industrie minéralurgique au cœur du processus.

4Mine claire ; cette expression désignait autrefois le minerai – ou mine – trié, lavé prêt à être dirigé vers le haut fourneau, un produit valorisé au terme de techniques souvent complexes et d’une mécanisation représentée par le patouillet, une machine à laver hydraulique, symbole de cette activité originale. Points de captage, réseaux hydrauliques, réservoirs, aires de lavage, espaces de stockage des minerais, zones de rejets des déchets, zones d’épuration des eaux issues du lavage ont structuré l’espace et marqué de leur empreinte un territoire déjà largement défiguré par l’extraction des terres à mines. Au fur et à mesure de leur éloignement des gisements, les ateliers de lavage se structurent et prennent de l’ampleur. Ils s'organisent alors à partir des bassins versants et se déploient dans un paysage qu'ils contribuent à façonner et à modifier de manière significative.

5D'abord limitées et concentrées sur le lieu même de l'extraction, les unités de lavage vont bénéficier d'innovations étroitement liées à la maîtrise de l'hydraulique ; leur implantation s’effectue progressivement sur le cours principal des rivières et pour finir dans l’enceinte même des usines métallurgiques.

6Les textes qui évoquent les conditions de travail et l’origine des ouvriers préposés à cette activité méconnue sont rares. Le travail à la mine, aux lavoirs ou à l’usine reste ainsi tributaire du cycle des saisons : l’hiver à la mine et aux lavoirs, l’été aux champs, dans un monde largement dominé par les communautés rurales.

7Les modalités de la recherche sont exposées dans une première partie dans le cadre général des travaux développés en métallurgie. L’ouvrage expose ainsi les techniques minéralurgiques connues à travers les sources et les recherches archéologiques depuis l’apparition de la métallurgie. Le cadre général de l’étude est présenté en indiquant les limites géographiques et les méthodes de recherches employées. Les principes de la préparation mécanique des minerais de fer d’après les textes font l’objet d’un développement particulier.

8Dans une seconde partie, l’étude démontre l’étendue et la diversité des mines de fer ; elle décrit l’évolution des techniques de concentration et leurs relations étroites avec l’hydrologie et la géomorphologie.

9L’étude archéologique des ateliers retrouvés sur le terrain et dont un certain nombre représentatifs ont été topographiés occupe une place centrale. Elle permet d’évaluer l’importance des activités de valorisation des terres à mines. Près de 500 ateliers de lavage ont été ainsi répertoriés sur un territoire couvrant 130 communes pour le département de Haute-Saône. Les prospections mettent en évidence l’ampleur et la diversité de ces vestiges qui ont imprimé le paysage.

10La variété du corpus archéologique présenté prend en compte cette réflexion. L’interprétation géomorphologique des paysages marqués par l’implantation de cette industrie et le rôle clé du bassin-versant clôturent cette partie

11Le croisement des données de terrain et des sources textuelles permet dans une troisième partie de reconstituer l’organisation technique de ces ateliers. Car il s’agit de déterminer in fine les relations qui peuvent exister entre les vestiges encore lisibles au sol et les processus mis en œuvre autrefois. Au-delà d’une certaine variabilité dans les aménagements, l’objectif est aussi d’établir la direction des flux et d’identifier les unités fonctionnelles à l’intérieur de chaque ensemble en mettant en relation sources documentaires et relevés de terrain afin de révéler l’organisation des ateliers, les minerais utilisés et la place faite à l’épuration des eaux et au traitement des déchets.

12L’observation et l’étude des traces laissées dans les paysages, permet désormais de cerner l’ampleur et la diversité des techniques mises en œuvre et de percevoir au travers de sites tests représentatifs l’évolution des dispositifs utilisés et leur adaptation au contexte tant hydrologique que géomorphologique. Loin d’être une activité annexe, cette recherche montre que le traitement des minerais constituait une industrie à part entière. La démarche intègre de multiples approches méthodologiques actuellement testées sur d’autres régions comme en Champagne-Ardenne et en Midi-Pyrénées ou sur des sites aussi prestigieux comme le Laurion (Attique, Grèce), le massif du Dartmoor (Devon, Royaume-Uni) dans des contextes géologiques et minéralogiques différents. Prospections au sol, relevés topographiques, études géophysique et sédimentaire complètent ici une enquête minutieuse à travers les rapports des ingénieurs des Mines dans les archives nationales et départementales.

13Les vestiges de lavage des minerais de fer et leur accumulation de déchets apportent un éclairage inédit sur l’occupation de l’espace. Leur prise en compte dans les recherches futures devrait apporter nombre de renseignements sur l’emprise de ces exploitations et leur impact sur le paysage.

14Cet ouvrage issu d’une thèse soutenue en 2003 apporte autant d’informations sur cette activité que d’orientations méthodologiques pour les investigations à venir. Il s’agit donc d’un travail privilégiant l’observation et une lecture affinée du paysage, doublé d’une approche historique et archéologique diachronique et pluridisciplinaire.

15Les méthodes d’investigation présentées consistent aussi dans l’art de mobiliser des sources complémentaires, où souvent les informations recueillies se complètent les unes par rapport aux autres. Les enquêtes de terrain conduisent ainsi à proposer des clés de lecture pour appréhender ces vestiges de terre et de boues et interpréter les structures qui les composent. Cette étude a pour objectif d’ouvrir de nouvelles pistes de recherches, en proposant une réflexion méthodologique sur le thème de la minéralurgie, des informations jusqu’ici éparpillées dans les sources ou totalement inédites.

16A travers l’interprétation et la restitution d’un maillon essentiel de la chaîne opératoire en sidérurgie, cet ouvrage se veut aussi un témoignage et une contribution inédite à l’histoire générale des techniques. Cette étude, fondée sur une démarche originale de l'archéologie, ouvre des perspectives novatrices sur la connaissance des sites hydrauliques et des paysages livrés à l’industrie minière. Elle devrait constituer un modèle pour des recherches similaires dans le domaine de l’histoire des techniques industrielles.

17Pour atteindre ces objectifs un corpus iconographique permet d’illustrer la plupart des techniques évoquées. Il comporte un grand nombre de photographies de sites, vues générales et de détail, associées à des topographies détaillées. Un glossaire de termes techniques utilisés au XIXe siècle complète ce dispositif.

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

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