Introduction
p. 605
Texte intégral
1Tout aussi intéressante que l’innovation est la persistance d’un procédé technique, même s’il adopte au fil du temps des formes différentes. Or l’historiographie privilégie les ruptures à la durée, elle s’attache essentiellement à l’innovation et, reprenant le discours des contemporains, disqualifie la continuité sous le nom de routine. D’autre part, la technique qui disparaît est souvent négligée au profit de celle qui s’installe. Et pourtant, l’extinction d’un procédé, surtout lorsqu’il a tenu six siècles, ce qui ne peut être dû au seul hasard, est une irrésistible invitation à l’étude du processus de fin. La disparition de la forge à la catalane, très brutale comparée à la longue durée de l’utilisation conjointe du procédé de réduction directe et de l’énergie hydraulique, est une véritable question pour l’histoire des techniques et permet, dans le même temps, de dépasser le cadre de l’innovation, en prenant en compte le cycle de vie d’un procédé sidérurgique dans sa totalité, de sa naissance à sa mort. Les années 1860 constituent pour la France une césure reconnue par la plupart des historiens de l’économie. Le traité de libre échange de 1860, honni par l’ensemble des industriels français comme par les maîtres de forges ariégeois, puis la dépression agricole vers 1870, la crise des années 1880 qui connaissent un freinage et une réorientation de la croissance industrielle, constituent le contexte général dans lequel évolue la forge à la catalane avec son propre rythme, sa propre chronologie. Au niveau national, dès les années 1855- 1860, la sidérurgie à la catalane apparaît bien modeste. Résiduelle vers 1870, elle se survit dans les années 1875 qui préfigurent sa disparition définitive au milieu des années 1880. Avant de décrire la chute du système à la catalane, il convient d’analyser ses forces et faiblesses, de s’arrêter sur le diagnostic posé par les contemporains et sur les solutions qu’ils préconisent pour prolonger la vie du procédé de réduction directe le plus célèbre.
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