Au fil de la dévotion. Ornamenta des comtes de Toulouse dans les églises des ordres religieux-militaires toulousains (Temple et Hôpital)
p. 265-274
Texte intégral
1C’est là ce qui fait le sel de tout travail en équipe. Le programme commun de recherche sur l’ancien grand prieuré de Saint-Jean de Jérusalem1 m’a amené, depuis plusieurs années, à travailler avec Michelle Fournié et à échanger de fécondes réflexions dans des domaines qui ne sont pas obligatoirement nos champs de spécialité. Sa rigueur et sa précision, non dénuées d’humour, sont apparues dans cette quête effrénée qu’elle a suivie pour retrouver, entre autres, l’oratoire de Saint-Rémi2. La meilleure façon de lui rendre hommage aujourd’hui est de poursuivre l’œuvre collective en renforçant la trame de l’étoffe par quelques échantillons de text(il) es aux couleurs chatoyantes.
2Les médiévistes savent que la riche documentation conservée dans le fonds de Malte est particulièrement abondante. Chacun a le loisir d’y puiser à l’envi quelque précieuse denrée dont on peut faire son miel. Parmi ces archives, on peut citer trois inventaires mobiliers concernant les objets possédés par les Hospitaliers et déposés dans l’église Saint-Jean de Toulouse. Le premier a été réalisé en août 1347, le deuxième a été entrepris à une date ultérieure ; le dernier, rédigé en occitan, fut mis par écrit en juin 14283. Ces documents énumèrent ce qui constitue alors les différents trésors (thesauria) de l’établissement, à savoir pièces d’archives, privilèges, coffres, reliques, livres et ornements liturgiques. Parmi ces derniers, certains d’entre eux attirent plus singulièrement l’attention car ils mentionnent quelques éléments héraldiques et autres signes de propriété pouvant nous renseigner sur l’identité des généreux bienfaiteurs de l’ordre4. En 1347, à côté de quelques pièces porteuses d’armoiries dont les anciens propriétaires sont nommés5, sont répertoriés les ornements suivants6 :
- quoddam vestimentum completum cum capa missali, processionali et dalmaticis dyachoni et subdiachoni de samito de grana fina de rubeo quod fuit domini prioris de Gavaretto quondam7
- quedam capa missalis munita de samito cum stellis
- alia [capa missalis] de samito de grana cum armis comitis Tholosani
- quedam capa de panno aureo cum parvis avibus8
- [capa processionalis] quedam cum bovis rubeis et crusseis
- [capa processionalis] de panno coperto cum castris et floribus lilii una9
- alia de sindone rubeo cum signo comitis Tholosani
- unum paramentum de diasprat cum animalibus
3À ces diverses étoffes, le deuxième inventaire permet d’ajouter une mention supplémentaire : vestimenta completa de diaque et subdiaque cum capa processionali cum armis fratris Petri de Tillio10.
4Si l’on se tourne maintenant vers la maison toulousaine de la milice du Temple, l’inventaire dressé au cours de l’année 131311 permet de compléter la listefournie par les chevaliers de Saint-Jean :
- unum vestimentum seu garnimentum capellani cujus capa erat rubea cum castellis deauratis in campo livido
- aliud vestimentum cum capa de boccarano cum barra aurea in medio posita
- quodam vexillum cum signo rubei leonis
- unum parvum vexillum cum cruce rubea in medio
- aliud vestimentum munitum cum capa folcata panni viridi cum signo comitis Tolosæ
- aliam dalmaticam purpuream cum signo regis
- unam capam missalem deauratam cum signis de Pinhis
5Ces simples notations d’inventaire ne sont guère aisées à analyser. La mention d’une chape de samit composée d’étoiles désigne-t-elle des armoiries ou renvoie-t-elle plutôt à un façonné, tissu orné de dessins plus ou moins complexes dans laquelle la structure d’ensemble s’organise autour d’un réseau décoratif où les étoiles sont majoritairement représentées ? Il en est de même pour les oiseaux ou aigles peints sur la chape dorée. En revanche, on reconnaîtra aisément dans le petit étendard orné, en son centre, d’une croix rouge les armes de l’ordre des chevaliers du Temple : d’argent à la croix de gueules. À travers les brèves descriptions de vêture fournies précédemment, il apparaît que certaines armoiries sont placées sur les vêtements liturgiques sans respect des plus élémentaires conventions héraldiques, lesquelles préconisent de ne pas mettre « métal sur métal, ni couleur sur couleur»12. Cette règle d’emploi des émaux n’est pas observée ici puisque le bleu se superpose au rouge : « un vêtement de chapelain ou chape de couleur rouge avec des châteaux d’or sur un champ bleu » ; « une dalmatique pourpre aux armes du roi » [de France], c’est-à-dire portant d’azur semé de fleurs de lis d’or13. La référence aux armes (cum armis, cum signo) semble indiquer que ces pièces d’héraldique ont été cousues sur les vêtements liturgiques ou bien qu’elles proviennent d’anciens effets civils, textiles précieux que l’on a retaillé pour en faire des chapes14. Par ailleurs, les termes du blason sont assez restreints et peu développés (« une barre d’or placée au milieu ») pour permettre d’exploiter les données livrées par la documentation. En l’absence de leurs anthroponymes, l’identification des donateurs demeure difficile à établir sauf quand il s’agit des membres de l’ordre, comme certains grands prieurs, qui se trouvent cités : Sicard de Gavaret, Pierre d’Auterive ou Pierre du Til. Les figures repérées - barres jaunes et bœufs rouges - sont des meubles héraldiques d’un usage relativement courant, ils ne peuvent évoquer des figures parlantes ou allusives permettant de reconnaître avec assurance un quelconque lignage. Il faut donc se contenter du plus évident ici, à savoir les quelques mentions signalant la présence des armes comtales.
6Trois occurrences semblent faire référence aux princes de la lignée raimondine. Les inventaires énoncent des tissus portant les écus du comte de Toulouse (cum armis comitis Tholosani, cum signo comitis Tolosæ) sans en préciser les formes et les couleurs car, pour les hommes du temps, elles renvoient à des signes bien connus que sont les armoiries traditionnelles des princes de la ville, à savoir la croix ramondenque15. Cette dernière est présente sur leurs sceaux depuis les années 1160, mais cela faisait déjà une décennie qu’elle apparaissait sur les deniers raimondins frappés dans leurs ateliers provençaux16. Pour être plus précis, indiquons qu’il s’agit d’une figure représentée sous la forme d’une croix vidée (ajourée), pattée (aux branches élargies) et pommetée de douze globules et dont les couleurs sont de gueules à la croix d’or. Symbole prestigieux, certes, que cette croix comtale, mais dont le support demeure ici assez modeste. La qualité des étoffes offertes s’avère être quelque peu décevante : à côté de la riche vêture de samit17 sur laquelle les motifs dorés de la croix doivent prendre tout leur éclat sur la trame chaînée de la soie, la toile de lin rouge (sindon) et la chape doublée de drap vert font bien pâle figure18.
7Reste à établir le lien privilégié qu’aurait pu tisser l’un des derniers membres de la lignée raimondine avec les églises des deux ordres militaires. Au cours du XIIe siècle, ceux qui bénéficient de la dilection comtale sont assurément les Cisterciens, et notamment les moines de la maison de Grandselve dont le rayonnement est notable en Toulousain. Voilà un surprenant constat qui vient contrarier l’image traditionnelle d’une famille princière que l’on a bien voulu trop souvent voir nourrir une relation complice avec les Templiers et les Hospitaliers19. L’évidence est là : envers les moines-soldats, les comtes se contentent seulement de maintenir « une bienveillante distance»20. Parmi eux, s’illustre Raimond V (1149-1194), prince qui entretient de bons rapports avec les Hospitaliers et les Templiers qui résident dans leurs maisons de… Saint-Gilles ! Toutefois, à Toulouse, il paraît sensible au culte local de saint Rémi, patron de l’église de la préceptorie hospitalière, s’éloignant en cela de son grand-père Raimond IV de Saint-Gilles († en 1105), le célèbre croisé qui réservait ses prières à saint Robert, fondateur de l’ermitage bénédictin de La Chaise-Dieu, lequel s’avéra être son véritable patron tutélaire21. En septembre 1184, abandonnant tous ses droits sur le dîmaire de cet établissement, il demande au prieur Raimond Garsias que l’on fasse brûler chaque année, la veille de la saint Rémi, un cierge d’une livre devant l’autel de ce saint et d’y faire chanter, le jour de sa fête, la messe de la Sainte Trinité afin que le Père, le Fils, le Saint-Esprit, la Mère de Dieu, avec tous les saints, protègent le comte de tous ses ennemis et lui accordent la victoire22.
8Mais le moins distant de tous les dynastes à la croix d’or est sans aucun doute le comte Raimond VI (1195-1222), bien connu pour s’être affilié à l’ordre de l’Hôpital pendant les heures sombres de la croisade contre les Albigeois. Son action apparaît au grand jour, un quart de siècle après sa disparition. Privé de l’absolution et de l’extrême onction, le prince était décédé sans avoir reçu les derniers sacrements. Il était donc voué à demeurer éternellement privé de sépulture. D’où les efforts de son fils Raimond VII (1222-1249) pour permettre à son père de reposer en terre consacrée. Deux demandes, en 1230 et en 1234, furent formulées auprès du pape Grégoire IX. Sans effets immédiats. En juillet 1247, une enquête est enfin ouverte pour écouter la vie et les mœurs de Raimond VI. Le dossier constitué en vue du pardon pontifical est très riche pour percevoir les relations privilégiées qui lient Raimond VI aux institutions ecclésiastiques du comté de Toulouse23. À l’ouverture de l’information, Raimond VII produit logiquement la charte de juillet 1218, attestant la volonté de son géniteur d’être reçu parmi les frères de l’Hôpital. Puis, les trois commissaires délégués par le pape Innocent IV reçoivent les témoignages des 120 déposants convoqués dans la maison des Templiers de Toulouse. Ce document donne un bel aperçu de la piété de ce prince et des spectaculaires gestes de dévotion qui l’accompagnent24. Figurent également quelques considérations sur les bienfaits accordés. Sont ainsi énumérés les divers biens et privilèges cédés aux établissements religieux : argent, cierges, pain, vin, céréales, restitution de troupeaux volés. Autant de faveurs et de munificences qui ne sont pas toujours sanctionnées par la transmission écrite et qui échappent parfois aux domaines couverts par la documentation diplomatique : aucune de ces donations n’a été retrouvée dans les archives comtales ou ecclésiastiques.
9Parmi les nombreux représentants de l’Église, seuls quatre Hospitaliers de Saint-Jean viennent apporter leur contribution à la réhabilitation de Raimond VI. Le témoignage le plus touchant est celui de Raimond de Paliers, précepteur de la maison de Garidech, qui déclare que le comte est venu prier chez les Hospitaliers, en l’église saint Rémi, la veille de sa mort : orasse in ecclesia Sancti Remigii Hospitalorium Sancti Ioannis Ierosolimitani die ante suum obitum25. Cet indice assez ténu semble à nouveau illustrer l’existence de cette dévotion singulière qu’entretenaient les comtes de Toulouse en faveur d’un saint que les frères vénéraient dans leur sanctuaire, à quelques encablures du palais princier, le château Narbonnais. Dans toutes leurs entreprises, les maîtres de Toulouse doivent pouvoir compter sur l’aide du ciel. Aussi, depuis les berges de la Garonne, derrière les remparts de la cité jusqu’aux monts de l’Aubrac parcourus par les vents, on prie et on chante pour le repos des Raimond26. Oraisons que reprennent en chœur les moniales de La Grâce-Dieu et de Lespinasse, ainsi que les frères de Grandselve : Raimond VI leur demandait à l’occasion de prier pour lui27.
10Les dépositions recueillies dans le cadre de cette enquête montrent également que les dons effectués par ce prince consistent parfois en des livraisons d’étoffes et de tissus. Frère Bernard, prêtre de l’Hôpital, assure que Raimond VI avait fait acheter des vêtements liturgiques pour faire célébrer des messes dans la chapelle de Notre-Dame de Rocamadour : dixit etiam quod dominus comes fecit emi prætio 130. Liv. vestes sacerdotales pro missis celebrandis in capella Beatæ Mariæ de Rupe Amatoris. Frère Pierre Raimond, prieur des moniales de Lespinasse, affirme que le comte contulisset quemdam pannum sericum valentem trecentas libras tolosanas et alia exennia valentia centum solidos tolosanos, bienfait confirmé par Raimonde de Natalis, prieure du lieu, et plusieurs sœurs de ce monastère28. Dès lors, il n’est pas inopportun de penser que Raimond VI a pu, éventuellement, donner aux prieurs hospitaliers, hommes avec qui il était souvent en contact29, des soieries ornées de ses armes, étoffes qu’il était toujours possible de ravauder avantageusement pour transformer le tissu d’origine en vêtement liturgique. Par la matérialité de ces vêtures armoriées, le comte espérait entretenir sa présence, réelle et symbolique, dans un lieu de culte que sa dynastie appréciait mais aussi s’agréger directement, par l’itération de la prière, à la communauté qui avait accepté de l’accueillir définitivement en 1218.
11À la différence de son père, Raimond VII n’entretint guère de relations privilégiées avec les frères. Son testament et le codicille qui lui a été adjoint, rédigés à Millau en septembre 1249, ne contiennent aucune clause relative aux ordres militaires30. Le temps des milites Christi était en train de passer de mode. Mais pas pour tous les comtes de Toulouse. Désireux sans doute de s’inscrire dans la continuité dynastique, le successeur de ces princes, Alphonse de Poitiers (1249-1271), doit être également cité au nombre des bienfaiteurs de l’Hôpital. Le dernier comte de Toulouse, époux de Jeanne, l’unique héritière directe des Raimondins, se trouvait, à la mort de Raimond VII, à la tête du Poitou et de l’Auvergne, deux principautés qui constituaient son apanage. Fils puîné du roi de France dont il était le huitième enfant, ce benjamin ne pouvait porter en totalité l’écu aux armes des Capétiens. Il fut donc obliger de les briser en combinant dans un parti les armoiries de son père Louis VIII (1223- 1226) et celles de sa mère Blanche de Castille (1223-1252). Par conséquent, il arborait un parti au 1 : d’azur semé de fleurs de lis d’or ; au 2 : de gueules semé de châteaux d’or. On reconnaîtra aisément dans la description d’une des chapes processionnelles, taillée dans un drap couvert de châteaux et de fleurs de lis d’or, les armes françaises et castillanes du frère de Louis IX.
12Les liens entretenus entre le dernier comte de Toulouse et les établissements religieux de sa principauté sont assez distants. Celui-ci est même parvenu à casser le testament de son beau-père qui avait adressé de nombreuses promesses de dons à diverses communautés de frères et de sœurs situées dans la région. Passant l’essentiel de son temps en Île-de-France, dans la royale proximité de son parent31, il ne vint que peu de fois à Toulouse : en mai 1251, après son retour de captivité en Égypte, pour y recevoir les hommages de ses vassaux toulousains ; en mai 1270 quand il y tint une grande assemblée, juste avant de partir pour l’expédition tragique qui le mena à Tunis. Durant son existence, la piété du prince est au diapason de celle de son frère : on peut relever qu’il se trouve aux côtés du souverain au moment du pèlerinage qu’entreprend la famille royale au sanctuaire marial de Rocamadour, le 2 mai 124432. Il est fort probable que son don à l’Hôpital, non attesté par la documentation diplomatique, a pu se produire lors de ses deux séjours toulousains ou qu’Alphonse le fit parvenir directement à l’établissement concerné par l’un de ses représentants locaux33.
13La présence des armoiries comtales dans le trésor des Hospitaliers du grand prieuré de Toulouse vient renforcer le lien particulier que Raimond V et son fils avaient su tisser avec cet établissement dans le cadre d’une dévotion singulière manifestée en faveur de saint Rémi34. Cette proximité symbolique est d’ailleurs renforcée par la présence, selon l’inventaire de 1428, d’un coffret daurex en qe es la mitra de sant Remissi35. En 1637, le texte d’une visite évoque « deux petits coffres argentés » dont l’un contient la « mitre et les gants de saint Rémy » : accessoirement, la garde-robe du saint s’est enrichie d’une paire de gants36. Ces vénérables reliques sont mentionnées dans toutes les visites postérieures sans qu’il soit pourtant possible de savoir si elles font l’objet d’une dévotion particulière dans le sanctuaire. Lorsque l’édifice est désaffecté, au début du XIXe siècle, seuls les gants sont conservés et versés dans le trésor de Saint-Sernin où ils se trouvent toujours.
14Quant aux Hospitaliers, pendant très longtemps, ils n’ont cessé de s’enorgueillir de posséder la dépouille de Raimond VI, leur malheureux confrère. Il constitue d’ailleurs l’une des plus belles pièces de leur trésor. Au XVIIe siècle, les chevaliers sont fiers de montrer à leurs honorables visiteurs la tête du comte qu’ils gardent précieusement en leur tour des archives. Le parlementaire et historien de la ville, Guillaume de Catel (1560-1626), consigne l’anecdote suivante : « Bertrandi qui vivoit il y a environ cent ans et plus dit, que l’on tenoit les os de Raimond Comte de Tolose, dans une biere ou caisse de bois, fort nonchalament, dans l’Eglise de saint Jean, lesquels il a souvent veu, et que de son temps les os à cause de la viellesse se mirent en poudre excepté le crane ou os de la teste, laquelle les susdits Freres garderent curieusement à cause qu’elle est marquée naturellement d’une fleur de lys, qui estoit une marque certaine, que la Comté devoit estre unie à la couronne. Et encores aujourd’huy les Chevaliers de Hierusalem la gardent dans leur thresor dans une armoire parmi leurs joyaux les plus precieux, et n’y a pas long temps que je l’ay veuë, sans qu’elle soit gastée»37. Étrange relique au stigmate si éloquent ! Ainsi, dans l’enceinte de l’hôtel de l’ordre de Malte, par un merveilleux raccourci de l’Histoire, saint Rémi, l’évêque faiseur de roi, côtoyait Raimond VI, le comte excommunié et honni de l’Église. À l’intérieur de l’antique donjon, à proximité de l’insigne mitre du prestigieux pontife, brillaient sans doute encore les reflets du samit à la croix d’or…
Notes de bas de page
1 Le caractère exceptionnel des vestiges sauvegardés, la qualité des archives, l’opportunité rare d’une recherche sur un établissement hospitalier urbain sont à la source de ce programme de recherche diachronique et pluridisciplinaire dirigé par Nelly Pousthomis. L’étude du grand prieuré de l’Hôpital de Toulouse et du moulon qu’il occupe, depuis l’Antiquité jusqu’à la période contemporaine, prend en compte les aspects historiques, archéologiques, architecturaux et anthropologiques. Il associe une trentaine de chercheurs issus d’horizons différents et complémentaires (universités, CNRS, DRAC). Les recherches historiques ont commencé en 2000 et un programme triennal de fouille court depuis 2004, coordonné avec une fouille préventive menée par les services de l’INRAP.
2 M. FOURNIÉ, « L’oratoire Saint-Rémi et les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem : les miracles de 1496 à Toulouse », Mémoires de la Société archéologique du Midi de la France, t. LXV, 2005, pp. 105-113.
3 A.D.H.G., H Malte 240. Ces inventaires ont été publiés dans le DEA de Stéphanie Dumay, L’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem dans le prieuré de Toulouse (début du XIVe siècle-premières décennies du XVIe siècle), Université de Toulouse-Le Mirail, 2002, dir. M. Fournié. Le deuxième inventaire porte la date de juin 1347 (fol. 9) mais mentionne par la suite un commandeur, Pierre du Til, qui a vécu au début du XVe siècle ; en outre, il serait plus ancien que le premier document réalisé en août 1347… Sans doute faut-il voir un lapsus calami du scribe qui aurait omis le chiffre C et restituer la date de juin 1447. Quant au texte occitan, il a pu être recopié en fin de manuscrit à partir d’un original détruit par la suite. Ce ne sont ici que pures conjectures pour tenter de comprendre les incohérences constatées.
4 Pour autant, les paramètres descriptifs des documents d’archives (noms, couleurs, ornementations tissées, brodées ou peintes) limitent sensiblement notre appréhension des informations fournies, ils ne peuvent se substituer à l’analyse visuelle quand celle-ci demeure possible (F. Piponnier, « Étoffes neuves ou de réemploi. Les matières premières des vêtements liturgiques à la fin du Moyen Âge », dans Ch. Aribaud (éd.), Destins d’étoffes. Usages, ravaudages et réemplois des textiles sacrés (XIVe-XXe siècles), Toulouse, 2006, p. 17).
5 Sont cités un reliquaire et une croix d’argent : quoddam sanctuarium argenti cum armis domini de Caumonte ; quedam cruce argentea cum armis domini de Petri de Altaripa (fol. 5 r°). Ce dernier est aussi le généreux donateur d’un missel : I missale quod fecit fieri dominus Petrus de Altaripa ; liber missalis quem contulit domini Petri de Altaripa (fol. 4 v°, 13 r°). La fin de l’inventaire contient l’obit d’un Pierre d’Auterive, décédé le 12 août 1392 (fol. 27 v°). Il s’agit ici de celui qui a été prieur de l’établissement toulousain de 1380 à 1390 (M. A. Du Bourg, Histoire du Grand Prieuré de Toulouse et des diverses possessions de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem dans le Sud-Ouest de la France, Toulouse, 1883, p. 25).
6 Fol. 5 r°-6 r°.
7 Dans le deuxième inventaire, ce même habit est ainsi décrit : vestimentum rubeum cum armis domini Cicardi de Gavarreto condam (fol. 11 v°). Sicard de Gavaret fut prieur de l’Hôpital en 1331.
8 L’inventaire de 1428 donne une information complémentaire, les oiseaux en question sont des aigles : una capa de drap d’aur pins d’iglas (fol. 20 v°).
9 Le texte de 1428 la désigne de la sorte : una capa processional de drap cubierta an castels et flors de lys d’aur (fol. 21 r°).
10 Fol. 12 v°. Le texte occitan indique qu’il s’agit de drap d’aur (fol. 21 r°). Pierre du Til fut grand commandeur de 1412 à 1427 (Du Bourg, op. cit., p. 25).
11 Inventaire partiellement publié par Du Bourg, op. cit., P. J. n° XXIII, pp. XV-XVII.
12 M. PASTOUREAU, Traité d’héraldique, Paris, 19973, p. 108.
13 En ce début de XIVe siècle, le semé n’a pas encore laissé place aux trois grosses fleurs de lis qui, à partir des années 1375, caractériseront les armes trinitaires des Valois et rappelleront leur lien, légendaire, avec le baptême de Clovis (M. Pastoureau, « Une fleur pour le roi. Jalons pour une histoire médiévale de la fleur de lis », dans Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, 2004, pp. 102-103 et pp. 106-107). Le terme purpurea est difficile à interpréter : il peut désigner la couleur pourpre mais également le drap d’areste, soierie façonnée plus légère que le samit, tissée en Languedoc (à Alès ?) et en Espagne au XIIIe siècle (S. Desrosiers, Soieries et autres textiles de l’Antiquité au XVIe siècle, Musée national du Moyen Âge, Thermes de Cluny, Paris, 2004, pp. 217-219 et p. 480).
14 Piponnier, art. cit., p. 21.
15 Cette dénomination de crotz ramondenca apparaît dans le premier tiers du XIIIe siècle (L a Chanson de la croisade albigeoise, E. Martin-Chabot (éd.), Paris, 1961, t. I, laisse 109, v.5, pp.242-243).
16 L. Macé, Les comtes de Toulouse et leur entourage (XIIe-XIIIe siècles). Rivalités, alliances et jeux de pouvoir, Toulouse, 2000, p. 292 et p. 295.
17 Il s’agit d’un type de soierie épaisse, façonnée ou unie, à armure complexe produisant un effet décoratif (Desrosiers, op. cit., p. 484). Certains samits proviennent d’Andalousie, à l’instar de la chasuble de saint Exupère, soie façonnée du XIIe siècle qui appartenait au trésor de Saint-Sernin (ibid., pp. 249-251).
18 Toutefois, l’effet chromatique produit par le contraste des couleurs qui est établi entre la doublure et la surface du vêtement n’est pas à négliger (Piponnier, art. cit., p. 20).
19 Pour l’ensemble de ce paragraphe, voir L. Macé, « “Pour la rémission de mes péchés et pour que la victoire me soit accordée”. Les comtes de Toulouse et l’ordre de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem (XIIe-XIIIe siècles) », dans Les ordres religieux militaires dans le Midi (XIIe-XIVe siècle), Cahiers de Fanjeaux, n° 41, 2006, pp. 295-318.
20 D. Carraz, L’Ordre du Temple dans la basse vallée du Rhône (1124-1312). Ordres militaires, croisades et sociétés méridionales, Lyon, 2005, p. 112.
21 Raimond IV est parti en Terre sainte en emportant une insigne relique : le calice du saint, à qui il devait son accession au comté de Toulouse (L. et J. Hill, Raymond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse, Toulouse, 1959, p. 1, p. 6, n. 7 et p. 19).
22 L. Macé, Catalogues raimondins (1112-1229). Actes des comtes de Toulouse, ducs de Narbonne et marquis de Provence, Sources de l’Histoire de Toulouse, n° 1, Archives Municipales de Toulouse, 2008, acte n° 197.
23 Monumenta conventus Tolosani ordinis fratrum prædicatorum primi ex vetustissimis manuscriptis originalibus transcripta et sanctorum ecclesie patrum placitis illustrata, éd. J. Percin, Toulouse, 1693, II. Opusculum de hæresi Albigensium. Appendix : Inquisitio de Raymundo comite Tolosano, p. 78, col. B ; p. 79, col. A ; p. 80, col. A-B.
24 Cette enquête montre que la présence franciscaine en Toulousain peut être attestée dès le premier quart du XIIIe siècle. Visiblement, le comte semble avoir été très sensible à la prédication des frères mineurs. Il en rencontre treize une première fois, durant son exil, en Catalogne, à Peralada (comté d’Empúries, diocèse de Gérone) ; puis il en accueille dix à Toulouse, dans la maison de son ami Huc Jean, dans le bourg Saint-Sernin, et deux à Verdun-sur-Garonne. La pieuse attitude du prince est exemplaire : duxit ad hospitium suum et procurauit eos in mensa et abluit eis pedes et osculatus fuit illorum pedes et stabat tunc genibus flexis ; in die Cene parauit illis mensam in domo Hugonis Iohannis et osculatus est eis pedes (J. Percin, op. cit., p. 79, col. A ; p. 81, col. A).
25 PERCIN, op. cit., p. 78, col. B ; p. 79, col. A.
26 Vers 1128, les « seigneurs » de La Daurade promettent au comte Anfos de chanter chaque année une messe pour le repos éternel de l’âme de son père et de ses parents, et de prier pour le salut du comte durant son existence. Les Cisterciens de Bonnefont s’engagent, en mai 1175, à prier du vivant du prince et pendant sa mort (L. Macé, Catalogues raimondins…, actes n° 13 et n° 147). En mai 1246, le domp de l’Hôpital d’Aubrac, en remerciement des bienfaits concédés par le viguier comtal, déclare : promittimus… tenere quendam sacerdotem qui assidue oret et cantet missas pro ipso domino comite et pro antecessoribus et etiam successoribus suis, in perpetuum, ad altare beate Marie Magdalene (J.-L. Rigal et P.-A. Verlaguet, Documents sur l’ancien Hôpital d’Aubrac, Rodez, 1913-1917, n° 35, p. 64).
27 moniales Gratia Dei asseruerunt quod rogabat eas ut orarent pro eo ; se commendabat devote orationibus monialium ; se commendabat orationibus abbatis et monachorum (J. Percin, op. cit., p. 78, col. B ; p. 80, col. A ; p. 81, col. A).
28 J. PERCIN, op. cit., p. 78, col. B ; p. 80, col. A-B.
29 Au début de la croisade contre les Albigeois, durant l’hiver 1209, le prieur de l’Hôpital de Toulouse, Pierre Barrau, fait partie de la délégation composée de quatre ecclésiastiques mandatés par Raimond VI pour aller plaider sa cause auprès du pape (L. Macé, art. cit., p. 304).
30 Cl. Devic et J. Vaissète, Histoire Générale de Languedoc, 3e éd., Toulouse, 1879, t. VIII, col. 1255- 1259.
31 J. Le Goff, Saint Louis, Paris, 1996, p. 271 et p. 723.
32 J. Le Goff, op. cit., p. 539.
33 Pour asseoir leur autorité dans les nouvelles principautés méridionales qu’ils ont acquises au cours du XIIIe siècle, les frères du roi de France consolident leurs liens avec les établissements religieux où reposent leurs prédécesseurs. En avril 1278, le comte de Provence, Charles d’Anjou, envoie plusieurs reliques et des ornements liturgiques à l’église de l’Hôpital de Saint-Jean d’Aix (J. Delaville Le Roulx, Cartulaire général de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1100-1310), Paris, 1894-1906, t. II, n° 3657).
34 Cet indice, ajouté à l’hypothèse que la première église Saint-Rémi a sans doute été bâtie dans le courant du IXe siècle pour signifier le rattachement des premiers Raimond au parti de Charles le Chauve qui lui vouait une vénération certaine (Ph. Depreux, « Imbuendis ad fidem prefulgidum surrexit lumen gentibus. La dévotion à saint Rémi de Reims aux IXe et Xe siècles », Cahiers de Civilisation Médiévale, n° 138, 1992, pp. 111-129), pourrait indiquer son éventuelle origine comtale. Saint du pouvoir et de la légitimité dont le culte s’est développé à partir de Louis le Pieux, Rémi est également associé au légendaire de l’histoire toulousaine (P. Demouy, « Saint Rémi et la jeune fille de Toulouse », dans Famille, violence et christianisation au Moyen Âge. Mélanges offerts à Michel Rouche, M. Aurell et Th. Deswarte (éd.), Paris, 2005, pp. 163- 169). Saint-Rémi, fondation raimondine ? La piste, qui n’est pas si invraisemblable, reste à explorer…
35 Fol. 21 v°.
36 « Visite du grand prieuré de Toulouse duquel est grand prieur… frère Georges de Castellane d’Aluis », datée du 4 Juin 1637 (A.D.H.G., H Malte Toulouse, registre 413, fol. 475).
37 G. de Catel, Histoire des Comtes de Tolose, Toulouse, 1623, pp. 318-319. Ce témoignage est confirmé par G. de La Faille qui releva les dimensions de la fameuse fleur de lis (Annales de la ville de Toulouse, depuis la réunion de la comté de Toulouse à la Couronne, Toulouse, 1687, t. I, p. 126), et par J. Percin qui, le 18 septembre 1692, s’empressa d’aller l’observer à son tour (Monumenta, p. 82).
Auteur
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Laurent Macé
Université Toulouse II Le Mirail - Framespa
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