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Les archives de l’invention

 | 
Marie-Sophie Corcy
, 
Christiane Douyère-Demeulenaere
, 
Liliane Hilaire-Pérez

Identifier l’invention dans les archives des institutions

Dynamique de l’innovation et brevets d’invention. Quelques exemples

Gérard Emptoz

Texte intégral

  • 1 Emptoz G. et Marchal V., Aux sources de la propriété industrielle. Guide des archives de l (...)

1Dans ce colloque où sont présentées des investigations réalisées dans des archives de l’invention de nature très variée, la présente communication porte sur l’utilisation des brevets d’invention déposés en France, en particulier sur les fonds du XIXe siècle. Déjà bien explorées, ces archives posent quelquefois des problèmes méthodologiques. La raison principale des difficultés rencontrées réside dans le fait que les brevets d’invention sont des sources techniques dont le contenu ne peut être aisément interprété, pour des recherches thématiques en particulier. Une autre raison a longtemps été l’absence d’outils d’accès à ces fonds. Avec la mise en place de la cellule « Archives et patrimoine » au sein de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), des inventaires complets des fonds existants ont été réalisés et un guide d’accès à ces fonds historiques vient d’être publié1.

  • 2 Caron F., « Pour une économie de l’innovation », dans Centre de recherche en histoire de l (...)

2Pour reconstituer la dynamique de l’innovation dans un secteur particulier, des études sur les brevets d’invention, comme l’a souligné François Caron, et en particulier des statistiques, sont très utiles2. S’appuyant sur de nombreux travaux au niveau international, François Caron a posé les questions à propos des statistiques de brevets en ces termes :

  • 3 Ibid., p. 14.

Si l’on admet la validité des statistiques de brevets comme mesure de l’activité créatrice, le nombre de questions qu’il est possible de poser est sans limites. Nous nous bornerons à trois d’entre elles, en observant que ces interrogations peuvent concerner aussi bien des firmes que des secteurs ou les nations elles-mêmes. Quelle est la relation entre l’effort de recherche et l’activité inventive ? Quels sont les déterminants économiques les plus caractéristiques de l’activité inventive ? Cette seconde question est d’importance : elle engage tout le débat sur les sources de l’innovation. Enfin quelle relation existe-t-il entre l’activité inventive et les performances économiques?3

  • 4 Les références aux publications des travaux cités sont données pour chacun des sujets évoq (...)

3À partir de travaux de recherche que nous avons menés depuis plusieurs années, nous voudrions faire part de nos réflexions sur l’utilisation des statistiques, des périodisations réalisées et des identifications de groupes d’inventeurs4.

4Il s’agit ici non seulement de construire des statistiques sur des thèmes particuliers, dont plusieurs exemples seront présentés plus loin, mais aussi d’extraire des informations présentes dans les documents originaux déposés par les inventeurs. L’ambition est donc plus grande que le seul établissement des contours d’un mouvement d’invention dans un domaine précis. Il s’agit en effet d’en identifier les acteurs, de déterminer les propositions techniques qu’ils ont faites et ainsi, de mieux déterminer les efforts inventifs situés aux origines de certaines innovations technologiques étudiées par l’historien.

5Il en résulte plusieurs contraintes. La première est d’établir des inventaires exhaustifs de dépôts de brevets pour une période donnée. Compte tenu des outils existants, la tâche s’avère souvent délicate. La seconde est de consulter les documents originaux et d’en extraire les données recherchées : références administratives du dépôt, nom et adresse des déposants, intervention ou non d’un intermédiaire (ingénieur-conseil en brevets), caractéristiques techniques de l’invention enfin. À partir de ces données objectives qui peuvent être comparées à celles des autres brevets, peuvent être créées des bases de données dont le contenu permet généralement d’aller au-delà du seul établissement de simples statistiques.

6Ainsi, dans notre propos, nous compterons les brevets, mais aussi nous essaierons de déterminer si tous les brevets sont valables et, ensuite, si ces inventions ont entraîné ou non des innovations. La reconstitution de la dynamique de l’innovation demande de croiser ensuite les informations réunies au niveau des brevets avec celles provenant de la consultation de la littérature technique, telle que les revues, périodiques et ouvrages spécialisés, les rapports des expositions industrielles nationales et internationales, les travaux des sociétés savantes, etc.

Combustibles industriels au XIXe siècle : charbon de bois et coke.

  • 5 Emptoz G. et Peyre P., « Brevets d’invention et histoire de l’innovation en matière de mot (...)

7La méthodologie suivie a comporté, comme pour d’autres recherches que nous avions menées sur les moteurs hydrauliques au XIXe et début du XXesiècles5, une étude des brevets d’invention déposés en France sur les combustibles, assortie d’une série d’investigations menées dans la littérature technique de la période correspondante. Cette démarche pose une problématique de l’innovation tournée vers les acteurs.

  • 6 L’inventaire des brevets porte ici uniquement sur ceux identifiés dans les Catalogues annu (...)

8Dans ce cadre, nous avons dressé un inventaire exhaustif des brevets d’invention déposés en France entre 1791 et 1900 sur la préparation du charbon de bois et du coke6, à partir d’un dépouillement effectué dans les archives de l’INPI. Dans ces deux exemples, la recherche visait à reconstituer le mouvement d’invention et ses acteurs autour des combustibles essentiels, non seulement pour la sidérurgie française au moment de la première industrialisation et, dans une moindre part, pour des industries du feu et pour la chimie organique industrielle.

  • 7 Recherches menées dans le cadre d’études collectives portant sur les relations entre énerg (...)

9Sans vouloir entrer dans les détails de cette histoire de techniques qui se complètent, il faut toutefois préciser le rôle joué par les sous-produits des filières de fabrication des combustibles. Par pyrolyse, ou chauffage en vase clos, le bois conduit à la production de gaz (procédé d’éclairage inventé par Philippe Lebon), de liquides et de goudrons, laissant du charbon de bois en fin d’opération. De son côté, au cours de la pyrolyse, la houille produit aussi des produits gazeux (le gaz d’éclairage industriel), des liquides ammoniacaux et des goudrons, laissant du coke en fin d’opération. Ainsi notre recherche visait à prendre en compte ces deux filières mises au point au cours du XIXe siècle7.

Le cas du charbon de bois

  • 8 Emptoz G., « La carbonisation du bois et la naissance de la chimie du bois : inventions, a (...)

10Les brevets pour la production du charbon de bois représentent un corpus de taille moyenne – cent quarante brevets entre 1798 et 1880 –, dont nous donnerons ici les principaux résultats8.

  • 9 INPI, brevet d’invention de 15 ans, déposé le 11 novembre 1799, et certificat d’addition d (...)
  • 10 Voir notamment Mariller C., Carbonisation des bois, lignites et tourbes, Paris, Dunod, 192 (...)

11La filière s’organise après le brevet de Philippe Lebon déposé en 17999 (éclairage au gaz de bois), suivi d’un nombre très limité de dépôts. Un mouvement inventif plus net se manifeste sous la monarchie de Juillet et se maintient jusqu’en 1853, mais le rythme reste modéré (environ deux brevets par an en moyenne). La poussée des dépôts a lieu dans les années 1850-1860, atteignant un maximum de douze brevets déposés en 1860 (la moyenne se situe vers six brevets par an sur la décennie concernée). On note que l’intérêt pour le domaine ne faiblit pas au moment même du passage massif de la sidérurgie française au coke, et il se poursuit jusqu’en 1870. On retrouve ensuite le rythme des années 1840. Dans l’ensemble, les procédés déposés tendent à perfectionner la filière pour améliorer les rendements, avec des fours de forme diverse et des procédés de chauffage par récupération d’énergie notamment sur des sites sidérurgiques. Le procédé en forêt, bien connu avec les meules, n’est pas abandonné puisqu’on voit des machines légères pouvant être installées loin des usines consommatrices10.

  • 11 La filière a été inaugurée par l’industriel Jean-Baptiste Mollerat (brevet d’invention en  (...)

12Cependant, la tendance est de fabriquer sur place le combustible, avec l’intérêt de pouvoir récupérer les sous-produits chimiques, en particulier l’acide pyroligneux. Cet acide permet, après traitement par la chaux, d’obtenir de l’acétate de calcium dont la décomposition donne lieu à la production d’acide acétique. Cet acide devient rapidement un produit d’intérêt industriel, notamment pour le traitement des textiles (acidification, préparation de mordants)11.

  • 12 Baud P., L’industrie chimique en France, Paris, Masson, 1932, p. 232-236.

13L’intérêt des inventeurs est à relier à leurs professions, celles-ci figurant sur la majorité des dépôts. Il s’agit de professionnels des combustibles, tels charbonniers, marchands de bois, maîtres de forge, chimistes. Quant à la localisation géographique des déposants, elle est fortement parisienne comme c’est très souvent le cas pour les dépôts français au XIXe siècle pris après consultation de cabinets d’ingénieurs-conseils en brevets et auprès des bibliothèques techniques existantes. Mais on note cependant que la répartition départementale fait apparaître des localisations qui correspondent assez bien aux grandes régions forestières de l’époque12.

  • 13 Benoît S., « La consommation de combustible végétal et l’évolution des systèmes techniques (...)

14En résumé, la statistique fait ressortir une recherche régulière autour de la fabrication du charbon de bois et des produits chimiques dérivés de la filière tout au long du XIXe siècle. Ceci n’était pas très connu des historiens dont l’attention s’était surtout focalisée sur la sidérurgie au bois, filière en rapide déclin à partir du début des années 1860 en France13. C’est la chimie organique qui a, en quelque sorte, pris le relais à cette époque historique.

Le cas du coke

  • 14 Notamment les ouvrages suivants : Walter de Saint-Ange C. A. J., Métallurgie pratique du f (...)

15Nous présenterons ici les résultats recherchés avec les mêmes approches que pour le charbon de bois. L’une des questions posées dans ces recherches était de savoir si des inventions avaient eu lieu au moment où le changement technique a été très marqué pour la sidérurgie. La littérature technique consultée ne fournit pas d’étude sur cet aspect des inventions14.

16Avec un corpus de taille comparable, soit cent quarante brevets déposés entre 1798 et 1880, on peut tracer une courbe des dépôts très différente de celle du charbon de bois. Elle indique un très fort mouvement situé entre 1850 et 1870, qui caractérise une grande concentration des efforts de recherche à un moment décisif de changement technique dans la sidérurgie française.

17Amorcé en 1838 avec un premier brevet déposé, le mouvement inventif qui prend alors forme est d’abord marqué par le dépôt de six brevets en 1845, puis s’étend jusqu’en 1848, soit dix années. En 1849, on ne voit aucun dépôt de brevet et il faut attendre l’année 1850 pour voir le mouvement repartir vigoureusement. La moyenne annuelle sur cette courte période est de2,8 brevets par an, ce qui est modéré. Néanmoins cela contraste nettement avec le début du siècle.

18À partir de 1850, une reprise très rapide et très forte caractérise le mouvement inventif français pour les procédés de cokéfaction. Ce mouvement atteint un maximum historique en 1857 avec la moyenne annuelle de 8,6 brevets. En fait, les dépôts les plus élevés se situent entre 1853 et 1855, avec la valeur absolue maximale de dix brevets déposés au cours de l’année 1854. Cette valeur déjà exceptionnelle pour le corpus de la cokéfaction n’a jamais été atteinte pour la préparation des autres combustibles que nous avons étudiés par ailleurs (charbon de bois, tourbe). Ce mouvement très soutenu pour le coke, et arrêté momentanément en 1870, ne reprend que progressivement en 1871 et se poursuit dans la décennie suivante où l’on observe une nouvelle poussée inventive en 1881-1882.

  • 15 Ce nombre représente pratiquement la moitié du total des brevets (211 dépôts) inventoriés (...)

19La courbe obtenue permet de dégager une périodisation, dans laquelle émerge un mouvement important d’invention d’une vingtaine d’années, entre 1838 et 1870, durant laquelle cent neuf brevets ont été déposés15.

  • 16 Emptoz G., « Transferts d’innovation et développement industriel : les échanges entre la B (...)

20En ce qui concerne les aspects techniques, on note que les inventeurs proposent des dispositifs de fours de constitution de plus en plus compliquée. Partant de fours de boulanger à une porte, puis à deux portes pour faciliter le chargement et le déchargement, c’est-à-dire un fonctionnement en continu, on passe, à partir des années 1840, à des fours dont le chauffage a lieu sur les parois avec des dispositifs destinés à répartir et aussi économiser l’énergie. Plus précisément, on voit pénétrer une technologie d’origine belge dans les inventions françaises et dont l’usage s’est rapidement diffusé pour la production de coke à l’usage des locomotives à vapeur16. Cet intérêt marqué pour le chemin de fer en tant qu’utilisateur du coke ne se démentit donc pas durant la poussée inventive étudiée ici.

  • 17 D’après les tables conservées à l’INPI, on trouve seulement six déposants dont les adresse (...)
  • 18 Ibid. ; pour des périodes antérieures, voir Douchamps-Lefevre C., « Les premiers essais de (...)

21Enfin, sur la carte géographique qui peut être dressée à partir des adresses des déposants, on constate que les inventeurs étrangers sont pleinement associés à ce mouvement en faveur des chemins de fer, intéressés de tirer bénéfice en France de leur brevet souvent déjà déposé dans leur pays d’origine. Pour l’essentiel, on compte des inventeurs français, tous liés directement aux combustibles : marchands de charbon et négociants, métallurgistes, chimistes, directeurs de houillères pour l’essentiel. On remarque enfin une présence étrangère assez forte pour la période considérée. Deux pays sont représentés : la Grande-Bretagne avec huit brevets et la Belgique avec treize brevets17. Les déposants anglais apparaissent en 1846 et surtout au milieu des années 1850. Quant aux déposants belges, ils se manifestent à partir de 1844 et de manière très régulière. Leur stratégie consiste souvent à déposer leurs brevets dans deux pays la même année18. Ceci constitue un repère intéressant sur les échanges technologiques entre pays voisins.

22En conclusion, le mouvement d’invention pour l’obtention du coke directement destinée à produire plus de combustibles pour les chemins de fer français est le résultat d’échanges multiples entre plusieurs pays. Ce mouvement est manifestement superposé à une demande résultant au même moment de la croissance de l’industrie sidérurgique, et dont le tournant est aussi situé dans la deuxième partie des années 1850. Ces deux demandes simultanées sont en fait étroitement liées. L’étude des brevets permet de mettre au jour cette complexité des filières au moment de changements techniques majeurs. La variété des acteurs de ces mouvements montre aussi la complexité des échanges internationaux et l’imbrication des différentes politiques industrielles.

Un produit chimique pour les arts : la céruse

  • 19 Pour une mise au point récente, voir Lefort A.-C. et Lestel L. éd., La céruse : usages et (...)

23Dans un cadre différent, nous nous sommes intéressés à l’industrie chimique de la céruse, carbonate basique de plomb, dont un des développements industriels en France se situe sous le Premier Empire. Le premier domaine d’application est lié au développement urbain, l’entretien et la restauration des bâtiments civils et militaires ou d’autres applications des peintures pour le revêtement des surfaces. Dans ses applications artistiques, la peinture nécessite des quantités de céruse moindres, mais des qualités de pureté et de blancheur meilleures que pour les autres usages19.

  • 20 Sur Louis-Jacques Thenard (1777-1857), voir notamment la notice par Crosland M. P. « Thena (...)
  • 21 Sur Jean-Louis Roard (1775-1853), voir notamment la notice biographique par Le Maistre M. (...)

24Un mouvement d’invention est encouragé dès 1801, lors du lancement de ses tout premiers prix par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, créée la même année. Comme on le verra, des chimistes, dont Louis-Jacques Thenard20 fait partie, se lancent dans la mise au point de nouveaux procédés. Un procédé industriel voit ainsi le jour en particulier avec le procédé dit « de Clichy » développé par le chimiste Jean-Louis Roard dans son usine21.

  • 22 Lestel L., « Production et producteurs de céruse en France au XIXe siècle », dans Lefort A (...)

25Cependant, par la suite, malgré les efforts des chimistes français et les encouragements officiels, de nouvelles difficultés surgissent, dans les années 1820, avec l’émergence de méthodes concurrentes, tant en France qu’à l’étranger. Les brevets d’invention déposés en France signalent l’arrivée de procédés étrangers. Et même Roard devra s’y plier, au moment où un mouvement d’invention très actif apparaît en plusieurs pays et en particulier en Hollande dans les années 1830. Dans les années qui suivent, le procédé Roard, ou de l’usine de Clichy, est progressivement concurrencé au profit d’autres méthodes dont les produits correspondaient mieux à la demande des consommateurs de céruse22.

  • 23 Nous remercions Valérie Marchal, de l’INPI, pour son aide dans cette recherche.

26Lorsqu’on fait un inventaire des brevets d’invention déposés en France au cours de la période étudiée ici, on ne peut que constater la faiblesse des dépôts23. On trouve au total vingt-deux brevets déposés entre 1791 et 1844. L’émergence d’un mouvement est nettement située tardivement, dans les années 1830. Mais on constate alors une très forte présence étrangère, en particulier anglaise. Là encore, les brevets permettent d’identifier les acteurs du mouvement d’innovation. La production française est en partie contrainte du fait que le plomb, matière première, est un produit d’importation et aussi que les procédés concurrents sont étrangers, en particulier celui de la Hollande.

  • 24 Homburg E. et Vlieger J. H. de, « A victory of practice over science : failed innovations (...)

27La comparaison qui peut être faite en matière de brevets avec ce pays initiateur souligne, comme en France, une grande activité à partir des années 183024. Notre comparaison s’arrête à ce niveau, la Hollande ayant adopté une législation sur les brevets en 1817, les deux premières décennies de notre investigation en France n’y figurent donc pas. De nouvelles tendances dans l’industrie chimique émergeant avec ces événements survenus autour de la céruse qu’il semble utile de souligner ici.

  • 25 Rapport sur les prix proposés en l’an X, Bulletin de la SEIN, t. I, p. 113-114.
  • 26 Bibl. Sorbonne, ms2083, procès verbaux des séances de la Société philomathique, n° 525.
  • 27 INPI, brevet d’invention français de 15 ans, déposé le26 août 1808. L’avis manuscrit, prés (...)

28Après cinq remises en concours, c’est en 1809 que le prix est décerné25. Entre temps, Thenard avait publié en 1803 une méthode d’obtention d’acétate de plomb, qui pouvait ensuite être transformé en blanc de céruse26. Cependant, Thenard n’a déposé aucun brevet pour ce procédé, ni ne participera au concours de la Société d’encouragement. Cette présence en arrière-plan de Roard, alors directeur des teintures à la Manufacture des Gobelins, est confirmée par le brevet d’invention déposé par Lesueur et Bréchoz. Officiellement, le rapport pour le prix mentionne que les deux inventeurs ont déposé l’année précédente un brevet. Or les listes de brevets déposés sur la céruse, le blanc de plomb ou le blanc de céruse ne font aucunement mention d’un dépôt en 1808 à ces deux noms. Par contre, on y trouve les noms de Gabriel Lesure, maire de Pontoise, et Claude Brechoz, pharmacien à Pontoise, sur ce brevet pour des « appareils et procédés propres à fabriquer l’acide carbonique, et procédé propre à fabriquer le blanc de plomb»27. Manifestement, ces deux personnes ont agi pour le compte de Roard, qui ne pouvait personnellement participer au concours.

  • 28 Rapport sur la fabrication du blanc de plomb, Bulletin de la SEIN, t. VIII (1809), p. 275.

29Quoi qu’en dise le rapport publié en 1809 par la Société d’encouragement sur les résultats du concours28, les résultats obtenus n’indiquent pas, en matière de dépôts de brevets, une activité particulièrement forte au cours de cette période.

30Ainsi la consultation des brevets a permis de préciser plusieurs aspects de l’innovation survenue au début du XIXe siècle. Ces archives ont permis en particulier de compléter certains aspects que la littérature technique n’avait pas mentionnés.

Les transports terrestres : la bicyclette

  • 29 INPI, brevet français d’importation déposé le 17 février 1818 par Louis Joseph Dineur au n (...)

31Lorsqu’on aborde l’histoire du vélo, une machine toujours en évolution près de deux siècles après l’apparition de sa forme primitive, la draisienne, dont le brevet a été déposé en 1818 en France par un baron allemand, Drais von Sauerbronn29, on trouve peu de références précises sur les brevets d’invention qui ont constitué les étapes déterminantes de l’évolution de cet objet de consommation. Le secteur industriel du cycle est né au XIXe siècle. Cette période a vu la mise en place d’industries en France, en Grande-Bretagne, dans le reste de l’Europe et aux États-Unis.

32Le passage à la bicyclette, ou plus exactement au bicycle de sécurité (safety bicycle), s’est fait au cours des trois dernières décennies du XIXe siècle. La machine qui devait emporter les suffrages du public et connaître un grand succès technologique avait été inventée en 1885, en Angleterre, par John Starley. Le succès de cette innovation, déclinée sous de multiples variantes par la suite, reste toujours reconnu plus d’un siècle plus tard.

  • 30 Sur l’histoire du cycle, voir Baudry de Saunier L., « Le cyclisme », dans Histoire de la l (...)

33C’est sur la période du changement technique qui a donné naissance à la nouvelle machine que nous avons mené l’étude des brevets d’invention déposés pour des cycles, pour la période allant du milieu des années 1860 jusqu’en 1905. Parallèlement, nous avons utilisé les rapports faits aux expositions universelles par les experts des jurys internationaux, la littérature technique, des études réalisées pour des histoires de certaines entreprises ou du secteur industriel concerné30.

34Le rythme des dépôts qui apparaît avec la statistique générale permet, comme pour les autres cas présentés dans cette communication, de décrire ici le mouvement général de l’invention. À la différence des exemples vus plus haut, le nombre des brevets est considérable, dépassant plusieurs centaines selon les années (voir plus loin).

  • 31 Les frères Peugeot se lancent dans la construction de grands bis en 1882 à l’usine de Beau (...)
  • 32 Barjot D., Chaline J.-P. et Encrevé A., La France au XIXe siècle, 1814-1914, Paris, PUF, 1 (...)

35Des moments de grande activité inventive sont identifiés : d’abord les trois années 1868, 1869 et 1870, marquées par un dépôt important par rapport aux périodes précédentes, avec trois cent deux brevets et certificats d’addition. Après la guerre de 1870, on observe une sorte de léthargie des inventeurs français, avec à peine 5,7 brevets en moyenne pendant dix années jusqu’en 1880. Durant cette période, on compte seulement cinquante-sept dépôts. Les années 1880 sont marquées par la reprise progressive de la créativité technique. Elles connaissent la fondation de grandes entreprises de construction de cycles : les frères Peugeot à partir de 188231, la Manufacture française d’armes et cycles de Saint-Étienne en 1885 et Clément en 189032.

  • 33 En 1897, le service des brevets a séparé les brevets déposés pour l’« Automobilisme », soi (...)
  • 34 Une poussée similaire peut être observée dans les brevets américains déposés pour des vélo (...)

36Alors qu’en 1890, 101 dépôts sont enregistrés (brevets et additions), l’année 1897 est marquée par 974 dépôts pour des vélocipèdes33, ce qui est un chiffre élevé comparé aux 217 brevets déposés pour l’automobile, machine encore toute nouvelle, mais déjà en expansion. Le rythme élevé des dépôts des années 1890 pourrait signaler une période de développement industriel dans lequel, comme dans d’autres domaines, la recherche technique n’est plus l’affaire d’inventeurs isolés, mais d’entreprises parties à la conquête de marchés importants34. Ainsi, on décompte 5282 dépôts entre 1890 et 1900, ce qui donne 480 dépôts par an en moyenne.

  • 35 Baudry de Saunier L., op. cit. note 30, p. 189-190.

37Cette vague d’invention correspond à la montée en puissance de la consommation des cycles35. Menée jusqu’en 1907 pour quelques inventeurs, notre enquête confirme une régularité des dépôts à cette date (avec cent quatre-vingt dix-neuf brevets) et indique une certaine maturité du tissu industriel. Les brevets ne sont plus seulement le fait d’inventeurs anglais ou français, mais d’autres nationalités (allemande et américaine surtout), ce qui indique une diffusion du processus de création dans plusieurs pays industrialisés.

  • 36 INPI, brevet n° 285 180, déposé le 21 janvier 1899 par Henri Gérard (capitaine d’infanteri (...)
  • 37 Le dépôt de la marque « Peugeot Frères », avec un lion marchant sur une flèche, a lieu le (...)

38La bicyclette, telle que nous la connaissons, a pratiquement pris sa forme définitive dans les années 1890. Elle a nécessité la mise au point de nouvelles technologies de construction, avec l’assemblage de pièces métalliques en très grand nombre et l’intégration d’autres dispositifs étrangers à la mécanique de précision (sellerie, matériel d’entretien, accessoires divers). L’exemple le plus significatif est celui de la pénétration du pneumatique pour le bandage des roues, entraînant l’essor de Goodyear et de Michelin avant même l’apparition de l’automobile. Enfin, on assiste à la réponse aux besoins militaires ce qui donne naissance en 1899 au vélo pliant dont l’usage perdure encore36. Le tourisme viendra soutenir la nouvelle industrie et, à la différence de la compétition, le confort du passager devient un autre facteur d’invention. Toute une série d’accessoires (selles, pneumatiques, lampes, cale-pieds, sonnettes, etc.) vont donner lieu à des dépôts de brevets de la part d’une multitude de petits inventeurs aux côtés des entreprises. Les brevets en sont des témoins. L’exemple des frères Peugeot est particulièrement représentatif d’une telle reconversion. Lorsqu’on fait l’inventaire des brevets français déposés par Les Fils de Peugeot Frères, entre 1870 et 190937, le total est de trente huit brevets, soit 1,6 brevet par an en moyenne. L’activité inventive est nette à partir de 1894-1895, puis à peu près régulièrement maintenue jusqu’à la fin de la période abordée ici.

39À titre de comparaison, le décompte des brevets de la firme anglaise alors au premier rang pour la fabrication de cycles, dont John Starley est le fondateur, donne quatre-vingt trois brevets anglais durant la période 1870- 1900, à un rythme régulièrement soutenu dont le maximum est atteint entre 1891 et 1894 (trente six brevets déposés en quatre ans seulement). Sur ce point, la supériorité anglaise en matière de cycles et de bicyclettes est confirmée par les brevets.

  • 38 Cependant, la Manufacture de Saint-Etienne dépose des brevets pour la construction des arm (...)

40Enfin, lorsqu’on compare les dépôts de ces deux firmes avec ceux de constructeurs français connus à l’époque, on est surpris de la faiblesse de leurs dépôts de brevets. La maison Clément, qui est souvent récompensée aux expositions internationales (elle est notamment Hors concours en 1889), dépose dix-sept brevets entre 1879 et 1901 ; le constructeur Truffault (Médaille d’argent en 1889) dépose huit brevets entre 1887 et 1897, c’est-à-dire moins que les deux concurrents précédents. Quant à la Manufacture française d’armes et cycles de Saint-Étienne, elle ne dépose aucun brevet pour des cycles sous ce nom38.

  • 39 La création de la société Hutchinson date de 1898 ; elle fait suite à l’entreprise que Hir (...)
  • 40 La Compagnie française de pneumatiques Dunlop est créée en 1893, à Levallois (Seine). Aupa (...)
  • 41 Michelin se lance avec succès dans la fabrication de pneumatiques équipés de chambres à ai (...)

41Le caoutchouc pour les cycles suscite une vague importante de dépôts de brevets à partir des années 1890. Parmi les principaux déposants, on trouve A. Hutchinson et Cie39, (avec huit brevets déposés entre 1890 et 1897), John Boyd Dunlop40, avec douze brevets déposés en France entre 1888 et 1900, relayé par la société française Dunlop, avec vingt-trois brevets entre 1893 et 1911 et la société Michelin41, qui se fait vite remarquer par une politique active en matière de brevets. Entre 1891 et 1901, on compte vingt-trois brevets, ce qui situe cette entreprise au premier rang des caoutchoutiers dès cette époque. C’est bien la bicyclette qui a lancé la marque et le succès est passé bien vite vers l’automobile.

  • 42 Peyre P., « Les Armengaud, la Petite Ecole et le développement de l’innovation », Les Cahi (...)

42En conclusion, ces exemples d’exploitation systématique des archives des brevets d’invention français permettent de montrer l’intérêt présenté par ces fonds techniques, en particulier pour ceux du XIXe siècle, constitués de documents manuscrits pour l’essentiel. Dans ce patrimoine, il est possible de recueillir des données non seulement sur le contenu, mais aussi sur les inventeurs, leurs professions et adresses, ainsi que sur leur culture technique. C’est en particulier le cas pour les brevets déposés directement par les inventeurs. Lorsque les inventeurs ont pris conseil auprès de cabinets d’ingénieurs conseillers en brevets, des données sur la méthode de travail de ces ingénieurs et leur style technologique peuvent être aussi réunies. On a ainsi un accès indirect à ces cabinets qui n’ont cessé d’ouvrir à Paris, dès la Restauration, près du service des brevets au ministère ou du Conservatoire des arts et métiers. Comme lieu d’information avec la fonction d’intermédiaire, le cabinet créé par Eugène Armengaud est certainement l’un des plus anciens et des plus connus en ce domaine42.

43Grâce à de telles études qui s’appuient sur les brevets d’invention et leur contenu, la dynamique de l’innovation peut être solidement étoffée au niveau de la première étape, celle de l’inventivité et de la recherche technique.

Notes

1 Emptoz G. et Marchal V., Aux sources de la propriété industrielle. Guide des archives de l’INPI, Paris, INPI, 2002. Cet ouvrage réunit une analyse des différentes législations, ainsi que l’étude des différentes sources imprimées historiques et des tableaux synthétiques pour leur consultation.

2 Caron F., « Pour une économie de l’innovation », dans Centre de recherche en histoire de l’innovation, Les brevets, leur utilisation en histoire des techniques et de l’économie, Paris, IHMC, 1985, p. 7-18.

3 Ibid., p. 14.

4 Les références aux publications des travaux cités sont données pour chacun des sujets évoqués dans la présente communication. Le lecteur pourra s’y référer pour de plus amples détails.

5 Emptoz G. et Peyre P., « Brevets d’invention et histoire de l’innovation en matière de moteurs hydrauliques dans la France du XIXe siècle », dans Centre de recherche en histoire de l’innovation, op. cit. note 2, p. 101-117.

6 L’inventaire des brevets porte ici uniquement sur ceux identifiés dans les Catalogues annuels de brevets (consultés à l’INPI, à Paris) sous la rubrique relative aux combustibles, à l’exception des brevets déposés uniquement pour la fabrication du gaz d’éclairage.

7 Recherches menées dans le cadre d’études collectives portant sur les relations entre énergie et industrialisation, recherches initiées par Denis Woronoff et poursuivies en relation avec Serge Benoit.

8 Emptoz G., « La carbonisation du bois et la naissance de la chimie du bois : inventions, acteurs et entreprises », Sciences et techniques en perspectives, n° 31, 1995, p. 9-17.

9 INPI, brevet d’invention de 15 ans, déposé le 11 novembre 1799, et certificat d’addition du 25 août 1801.

10 Voir notamment Mariller C., Carbonisation des bois, lignites et tourbes, Paris, Dunod, 1924 ; Lichtenberger J., « Technique de la carbonisation », dans Grignard V. dir., Traité de chimie organique, t. VIII, Paris, Masson, 1938, p. 1047-1059.

11 La filière a été inaugurée par l’industriel Jean-Baptiste Mollerat (brevet d’invention en 1804). Sur ce sujet, voir Jobert P., « Jean-Baptiste Mollerat, pionnier de la chimie française », Histoire, économie et société, n° 2, 1991, p. 245-268.

12 Baud P., L’industrie chimique en France, Paris, Masson, 1932, p. 232-236.

13 Benoît S., « La consommation de combustible végétal et l’évolution des systèmes techniques », dans Woronoff D. dir., Forges et forêts : recherches sur la consommation proto-industrielle de bois, Paris, Ed. EHESS, 1990, p. 87-150.

14 Notamment les ouvrages suivants : Walter de Saint-Ange C. A. J., Métallurgie pratique du fer, ou Description méthodique des procédés de fabrication de la fonte et du fer…, Paris, L. Mathias, 1835- 1838 ; Flachat E., Barrault A. et Petiet J., Traité de la fabrication du fer et de la fonte envisagée sous les rapports chimique, mécanique et commercial, Paris, L. Mathias, 1842; Debette F., article « Coke », dans Laboulaye C., Dictionnaire des arts et manufactures, de l’agriculture, des mines, Paris, L. Comon, 3e éd., 1857 ; Pelouze E., Traité méthodique de la fabrication du coke et du charbon de tourbe, Paris, Masson, 1842; Babu L., Traité théorique et pratique de la métallurgie générale, t. II : Combustibles, Paris, C. Béranger, 1906; Lecocq E. et L., Les fours à coke, Paris, H. Dunod et E. Pinat, 19 19 ; Baud P., Traité de chimie industrielle, Paris, Masson, 1951, vol. 2. Périodiques consultés : Le Génie industriel, les Mémoires des ingénieurs civils et le Bulletin de l’industrie minérale. Études récentes relatives au coke dans les locomotives : Caron F., Histoire de l’exploitation d’un grand réseau : la Compagnie du chemin de fer du Nord, 1846-1937, Paris-La Haye, Mouton, 1973 ; Daumas M., Histoire générale des techniques, Paris, PUF, t. III, 1972, et t. IV, 1979 ; Ribeill G., La révolution ferroviaire : la formation des compagnies de chemins de fer en France, 1823-1870, Paris, Belin, 1993. Sur la production du gaz par la Compagnie parisienne du gaz, voir Williot J.-P., L’industrie du gaz à Paris au XIXe siècle, thèse, Université de Paris IV-Sorbonne, 1995.

15 Ce nombre représente pratiquement la moitié du total des brevets (211 dépôts) inventoriés pour la période 1791-1900.

16 Emptoz G., « Transferts d’innovation et développement industriel : les échanges entre la Belgique et la France sur les combustibles des chemins de fer au XIXe siècle », dans Guillerme A. éd., De la diffusion des sciences à l’espionnage industriel XVIe-XXe siècles, Cahiers d’histoire et de philosophie des sciences, n° 47, 1999, p. 240-264.

17 D’après les tables conservées à l’INPI, on trouve seulement six déposants dont les adresses sont situées en Belgique. Nous avons revu ce chiffre à la hausse grâce au travail d’identification des brevetés belges réalisé par A. Dony, « Les débuts de l’industrie du coke en Belgique d’après l’examen des brevets belges octroyés de 1830 à 1900 », Bulletin de l’Association des gaziers belges, Bruxelles, s.d., 23 p.

18 Ibid. ; pour des périodes antérieures, voir Douchamps-Lefevre C., « Les premiers essais de fabrication du coke dans les charbonnages du Nord de la France et de la région de Charleroi à la fin du XVIIIe siècle », Revue du Nord, n° 196, 1968, p. 25-34.

19 Pour une mise au point récente, voir Lefort A.-C. et Lestel L. éd., La céruse : usages et effets, Xe-XXe siècles, actes du colloque du 30 novembre 2000, Documents pour l’histoire des techniques, n° 12, 2003.

20 Sur Louis-Jacques Thenard (1777-1857), voir notamment la notice par Crosland M. P. « Thenard, Louis Jacques », dans Gillispie C. C. éd., Dictionary of scientific biography, New York, Charles Scribner’s sons, 1972, p. 309-314 (et références citées) ; Déré A.-C. et Emptoz G., ouvrage en préparation.

21 Sur Jean-Louis Roard (1775-1853), voir notamment la notice biographique par Le Maistre M. (BnF, 8-LN27-23092).

22 Lestel L., « Production et producteurs de céruse en France au XIXe siècle », dans Lefort A.-C. et Lestel L. éd., op. cit. note 19, p. 61-81.

23 Nous remercions Valérie Marchal, de l’INPI, pour son aide dans cette recherche.

24 Homburg E. et Vlieger J. H. de, « A victory of practice over science : failed innovations in the white lead industry (1780-1850) », Archives internationales d’histoire des sciences, vol. 46, n° 136, 1997, p. 107-112.

25 Rapport sur les prix proposés en l’an X, Bulletin de la SEIN, t. I, p. 113-114.

26 Bibl. Sorbonne, ms2083, procès verbaux des séances de la Société philomathique, n° 525.

27 INPI, brevet d’invention français de 15 ans, déposé le26 août 1808. L’avis manuscrit, présent dans le dossier du Comité consultatif des arts et manufactures, mentionne la profession des deux déposants. Il est certain que la retranscription du nom de « Lescure » en « Lesueur », ou « Lesure » est possible car les calligraphies en sont proches.

28 Rapport sur la fabrication du blanc de plomb, Bulletin de la SEIN, t. VIII (1809), p. 275.

29 INPI, brevet français d’importation déposé le 17 février 1818 par Louis Joseph Dineur au nom du baron Drais, pour une « machine dite vélocipède ».

30 Sur l’histoire du cycle, voir Baudry de Saunier L., « Le cyclisme », dans Histoire de la locomotion terrestre, Paris, L’illustration, 1942, p. 155-210 ; Durry J., « Le cycle est un art », dans Cycles d’art, Arcueil, Anthèse, 1996, p. 13. ; Delarozière O., Jeux de vélos, Paris, Musée des arts et métiers, 1992. Parmi les travaux récents sur l’histoire du vélo, Durry J. (dans Cycles d’art, op. cit., p. 13) indique que le désastre de 1870 « stoppe net » l’industrie française ; sur l’histoire de la région de Saint-Étienne, voir Burdy J.-P., « L’arme et le cycle, un autre Saint-Étienne (XVIIIe-XXe siècles) », dans Lequin Y. dir., Rhône-Alpes, 500 années-lumière, Paris, Plon, 1991 ; Emptoz G., communication au colloque « Les brevets dans l’histoire », Paris, octobre 2001 (actes à paraître).

31 Les frères Peugeot se lancent dans la construction de grands bis en 1882 à l’usine de Beaulieu (Doubs).

32 Barjot D., Chaline J.-P. et Encrevé A., La France au XIXe siècle, 1814-1914, Paris, PUF, 1995, 2e éd., 1997, p. 623.

33 En 1897, le service des brevets a séparé les brevets déposés pour l’« Automobilisme », soit 217, de ceux de la catégorie « Voitures et vélocipédie » au nombre de 1375 (INPI).

34 Une poussée similaire peut être observée dans les brevets américains déposés pour des vélocipèdes au cours de la même période (INPI).

35 Baudry de Saunier L., op. cit. note 30, p. 189-190.

36 INPI, brevet n° 285 180, déposé le 21 janvier 1899 par Henri Gérard (capitaine d’infanterie), pour « Nouveau système de pliage, réglage et de fermoir des cadres de bicyclettes ». La machine a été construite par la firme Peugeot pour l’infanterie.

37 Le dépôt de la marque « Peugeot Frères », avec un lion marchant sur une flèche, a lieu le 20 novembre 1858 (INPI). En 1891, les différentes activités sont regroupées sous la raison sociale Les Fils de Peugeot Frères et, en 1897, Armand Peugeot fonde la Société des Automobiles Peugeot qui, en 1910, deviendra par regroupement familial (Armand et les trois fils d’Eugène) la Société anonyme des automobiles et des cycles Peugeot.

38 Cependant, la Manufacture de Saint-Etienne dépose des brevets pour la construction des armes à feu (INPI). Sur cette entreprise, voir Burdy J.-P., dans Lequin Y. dir., op. cit. note 30.

39 La création de la société Hutchinson date de 1898 ; elle fait suite à l’entreprise que Hiram Hutchinson (américain d’origine britannique) avait installée près de Montargis en 1853.

40 La Compagnie française de pneumatiques Dunlop est créée en 1893, à Levallois (Seine). Auparavant, Gustave Clément avait acquis la licence de fabrication de pneumatiques Dunlop en 1889, soit un an après l’invention par l’écossais John B. Dunlop, brevetée en France sous le n° 193281, pour « garniture de jante applicable aux roues de véhicules » et en Grande-Bretagne sous le n° 10607, pour « tyres of wheels for bicycles, tricycles, etc. » (INPI).

41 Michelin se lance avec succès dans la fabrication de pneumatiques équipés de chambres à air démontables, à partir d’un brevet français n° 214 958, déposé le 18 juillet 1891, pour « Perfectionnements aux bandes pneumatiques pour roues de vélocipèdes et autres véhicules » (INPI). Sur l’histoire de Michelin, voir notamment Darmon O., Le grand siècle de Bibendum, Paris, Hoëbeke, 1997.

42 Peyre P., « Les Armengaud, la Petite Ecole et le développement de l’innovation », Les Cahiers d’histoire du CNAM, juillet 1994, p. 93-142. Sur les agents de brevets, voir aussi, dans le présent volume, la contribution de Gabriel Galvez-Behar intitulée « Des médiateurs au cœur du système d’innovation : les agents de brevets en France, 1870-1914 ».

© Presses universitaires du Midi, 2006

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