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1895 Durkheim

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Jean-Michel Berthelot

Avant-propos. Les fausses transparences de la raison

Texte intégral

1En 1895 Émile Durkheim publie chez Alcan Les Règles de la méthode sociologique. L’ouvrage était en fait paru l’année précédente dans la Revue philosophique. Seul un nombre limité de variantes distingue les deux textes.

  • 1 G. Davy : « Émile Durkheim », in Revue de métaphysique et de morale, 1919.

2Durkheim a alors trente-sept ans. Il est né en 1858 à Épinal. Issu d’une famille de rabbins « on le destinait à être rabbin, par tradition familiale et par droit, pour ainsi dire immémorial »1. C’est cependant vers l’École normale supérieure et la philosophie que se dirigeront ses pas. Il intègre l’École de la rue d’Ulm en 1879 et est reçu à l’Agrégation de philosophie en 1882. Nommé au lycée de Sens, puis à celui de Saint-Quentin, Durkheim se passionne vite pour les sciences sociales naissantes. Il dépose auprès d’Edmond Boutroux, professeur de philosophie moderne à la Sorbonne, un sujet de thèse sur la division du travail social, se frotte aux travaux allemands à l’occasion d’une mission d’études en 1885, et est nommé en 1887 à l’Université de Bordeaux, sur une chaire de sciences sociales spécialement créée pour lui.

  • 2 « Cours de science sociale, leçon d’ouverture », in J.C. Filloux (éd.) La Science sociale et l’act (...)

3Dès sa leçon d’ouverture, Durkheim, brossant à grands traits l’histoire de la sociologie, s’emploie à ancrer la discipline naissante du côté de la science. Il ne s’agit pas d’enseigner une quelconque doctrine, mais une science positive, tant « il est nécessaire pour la sociologie de clore enfin l’ère des généralités »2. Ainsi se définit une orientation dont Durkheim ne déviera plus, illustrée par sa thèse soutenue en 1893, et dont Les Règles de la méthode sociologiques constituent le noyau.

4Bref, un texte fondateur. Un texte de rupture, cherchant à dégager la sociologie naissante de sa gangue idéologique et rhétorique et à l’inscrire dans la rigueur du rationalisme expérimental dont Claude Bernard avait donné une si brillante illustration dans son Introduction à la médecine expérimentale. Mais un texte également contesté, attaqué, dénié, institué en représentant caricatural d’une sorte de réductionnisme sociologique et positiviste.

  • 3 L’École de Columbia, dans la lignée de Paul Lazarsfeld, s’intéressera essentiellement aux structur (...)

5Il y a là une complexité qui mérite d’être dénouée. La voie à suivre peut être diverse. L’historiographie durkheimienne, terriblement abondante, oscille entre deux positions : l’une consiste à établir une sorte de bilan, à séparer le bon grain de l’ivraie, à révéler, sur le fond poussiéreux et empesé d’une rhétorique universitaire de début de siècle, des lignes de force fécondes. Selon les traditions et les appartenances, ce seront alors Le Suicide ou Les Formes élémentaires de la vie religieuse qui retiendront l’attention3, et permettront d’opposer la sûreté d’analyse dont y fait montre Durkheim à la rigidité des positions qu’il exprime dans Les Règles. Ces dernières seront, au mieux, dotées d’un intérêt relatif, comme l’exprime très bien Steven Lukes :

  • 4 Introduction à E. Durkheim, The Raies of Sociological Method, and Selected Texts on Sociology and (...)

« Les Règles ne sont pas un ouvrage profond de théorie ou de meta-théorie, ni l’œuvre la meilleure de Durkheim. Elles ne sont pas davantage un guide fidèle de sa propre pratique sociologique. Elles constituent, cependant, un texte hautement instructif si on le lit précisément à la lumière de cette pratique.4 »

  • 5 Comme exemples de ces points de vue, on peut se référer aux divers articles de Victor Karady (Durk (...)
  • 6 Cf. infra, chap. 5.

6L’autre position, prenant comme objet la complexité même de l’entreprise durkheimienne, en cherchera le principe, le noyau, la forme séminale : selon le point de vue adopté, ce seront l’état du champ universitaire et des luttes de reconnaissance en son sein, les spécificités d’une biographie intellectuelle ou l’emprise d’un projet idéologique et politique précoce qui seront tour à tour évoqués5. Les Règles ne seront alors au mieux qu’une étape, une trace, tendant à se résumer dans la citation rituelle et fausse6 : « Il faut traiter les faits sociaux comme des choses ».

7Outre ces deux positions, dont la légitimité et les mérites sont évidents, on cherchera cependant à en distinguer une troisième : il s’agira cette fois de partir du texte en tant que tel. Non de tel ou tel de ses passages cité parfois jusqu’à la satiété, mais du texte dans son ensemble, dans la complexité de son économie interne, oserons-nous cette apparente tautologie ? du texte dans sa textualité. Qu’exige et qu’autorise une telle perspective ?

  • 7 Cette expression est de Descartes. Il invite les lecteurs des Méditations métaphysiques à en respe (...)
  • 8 On désigne par cette formule les affirmations rectrices, non démontrables, qui peuvent structurer (...)

8Elle implique tout d’abord la saisie du texte dans sa totalité et l’application d’une grille d’analyse susceptible de laisser le moindre résidu possible. Ni les approches thématiques, voire critiques, opérant par sélection et négligeant systématiquement des pans entiers de texte, ni les approches descriptives, se contentant d’en résumer à grands traits les développements ne sont à cet égard satisfaisantes. Les analyses de type structural sont à l’inverse les plus attentives à la construction d’un schéma sous-jacent susceptible de rendre compte de l’économie interne d’un texte. En revanche elles se laissent souvent prendre au piège de la cohérence qu’elles modélisent, et peuvent tendre à minorer les éléments textuels qui s’en écartent. Face à cette très réelle difficulté, il faut cependant trancher. L’une des voies élaborée par l’analyse philosophique des textes est d’en reconstituer la texture argumentative, d’en dénouer systématiquement « l’ordre des raisons »7, d’y repérer aussi bien les continuités que les ruptures, les contraintes logiques que les engagements métaphysiques8. C’est cet exercice qui est tenté dans le premier chapitre de cet ouvrage.

  • 9 II cite en tout et pour tout dix-sept auteurs (hors lui-même) dans Les Règles, ce qui est excessiv (...)

9L’image ainsi construite – l’instauration du rationalisme expérimental en sociologie – ne prétend ni épuiser le texte, ni en constituer « la vérité ». Un texte n’est pas seulement une organisation, une texture. C’est également une association d’éléments souvent disparates, de termes, de concepts, de références, d’exemples, empruntés à des traditions et des registres divers. Son sens ne résulte pas uniquement de sa construction, de cette alchimie du multiple et de l’un ; il s’éparpille, se dissémine, se cèle dans la diversité des échos qu’il évoque et suscite. Le texte est toujours l’élément d’un intertexte où diachronie et synchronie se mêlent en permanence ; il répond explicitement à d’autres textes, antérieurs et contemporains, qu’il convoque en son sein pour les analyser, les contester, s’en réclamer ; il s’inscrit, implicitement, dans un univers dont la part que l’auteur maîtrise est infime par rapport à tous les liens, toutes les associations, que ses lecteurs actuels et futurs pourront établir : Durkheim, avare de références9, cite, dans Les Règles, Comte, Spencer, Mill, pour ceux qui l’on précédé, Tarde, Espinas, Garofalo parmi ses contemporains. Mais ses lecteurs et ses analystes le confronteront à Marx, Simmel, Weber, Saussure, Freud, sans que la liste n’ait, bien évidemment, de fin assignable.

10Ces jeux d’intertextualité se construisent dans trois dimensions et à divers niveaux. Le plus souvent, ils ne concernent plus le texte dans le détail de son économie interne, mais l’une des positions globales à laquelle il permet de ramener l’auteur – l’objectivisme, le positivisme, le rationalisme, l’holisme, le causalisme... de Durkheim – ou, à l’inverse, tel ou tel élément : la notion de « contrainte », la rupture avec les « prénotions », la distinction du normal et du pathologique, la notion « d’espèce sociale », le schème des « variations concomitantes », le statut de l’histoire... À chacun de ses niveaux, le regard de l’analyste peut se porter aussi bien vers les textes antérieurs et contemporains que vers ceux qui, postérieurs, en porteront la trace, en continueront le fil, s’obstineront à en contester la pertinence.

  • 10 Cf. infra chap. 4.
  • 11 Voir par exemple, à ce sujet, le livre que Mike Gane a consacré aux Règles et aux lectures qu’elle (...)

11Mais ce jeu d’échanges informe et reconstruit en permanence l’image initiale du texte. Les Règles ne sont plus seulement l’ouvrage que découvraient les contemporains, et dont Lapie, Brunschvicg ou Pillon faisaient les premières recensions10. Elles existent, continuellement grossies de commentaires que le fil du temps filtre et renouvelle. Ce que l’on appelle classiquement la « réception » de l’œuvre, la manière dont elle est accueillie, lue, commentée, constitue, selon la belle expression de Harald Weinrich, une « négociation sémantique » permanente où aux « instructions » de l’auteur répondent les lectures du public. Pour une œuvre de méthodologie et d’épistémologie des sciences sociales, prise au paradoxe de viser l’universel à travers la spécificité d’une tradition linguistique et culturelle, se joue là le défi herméneutique d’interprétations que démultiplient les contextes scientifiques nationaux11. Mais l’analyse de la réception n’épuise pas le devenir ultérieur d’un texte. Celui-ci se joue plus profondément dans la nature et les modalités des références qu’il suscite : explicites, implicites, allusives, analytiques, ces dernières tissent le réseau des significations par lesquelles une discipline non seulement se réapproprie perpétuellement son histoire, mais construit sa légitimité et son actualité dans cette réappropriation. Citer – ou ne pas citer – Les Règles, les citer de telle ou telle manière, acquiert un sens, non plus seulement analytique et argumentatif, mais pragmatique et politique. Le texte vit et continue de vivre des débats, même rituels et académiques, qu’une discipline éprouve la nécessité de relancer périodiquement pour réasseoir sa spécificité.

12Parler des Règles ce n’est donc pas seulement, selon une tradition littéraire, parler d’un auteur, d’un genre, d’un courant, d’une époque. C’est, à travers la fragilité d’une construction à la fois close et ouverte, cristallisée et évanescente, saisir l’un des modes d’être d’une activité de connaissance instituée en discipline.

13Car le texte, livré à l’infini des lectures, est tout autant miroir et opérateur. Miroir d’un moment disciplinaire, d’une période intellectuelle, reconstruisant le sens à la lumière de ses démons et de ses passions ; opérateur d’un projet – en l’occurrence analytique et programmatique – dont l’inachèvement disciplinaire et les aléas historiques, réactivent périodiquement l’interpellation.

14Les textes que le centenaire des Règles nous donne ici l’occasion de rassembler illustrent cette complexité dont nous n’avons dénoué que les mailles les plus grossières. Ils sont réunis autour de trois thèmes : le premier (chapitre 1) consacré à l’économie d’un texte fondateur, s’attache à la reconstitution, fil après fil, de la texture des Règles. Il met en évidence la rigueur et la force d’un principe recteur – l’application du raisonnement expérimental aux faits sociaux – et les procédés, voire les subterfuges, utilisés pour résoudre les problèmes conceptuels et argumentatifs posés par cette orientation. Le deuxième thème (chapitres 2 et 3) traite de la causalité et de son espace de rationalité et vise ce qui constitue l’engagement épistémologique fondamental de l’œuvre de Durkheim. Il opère une confrontation textuelle dans deux des multiples directions évoquées plus haut : du côté des autres œuvres de Durkheim d’une part, afin de mettre à l’épreuve cette idée si souvent rappelée d’un décalage entre le dire et le faire, entre les positions épistémologiques et les analyses concrètes ; du côté des conceptions weberiennes d’autre part, si fréquemment opposées, dans la tradition sociologique à celles de Durkheim. Le troisième, enfin, explore les figures d’une réception troublée. Il ne relève plus, comme les précédents, d’une épistémologie analytique, mais de la sociologie de la science : il s’agit d’y saisir, en deux coups de sonde précis, celui de la réception des Règles à leur parution, celui du jeu des références qu’elles ont suscitées dans la sociologie française contemporaine, le sens et les effets disciplinaires de leur lecture et relecture. La conclusion, enfin, s’efforce, à l’occasion des Règles, de préciser le statut des textes dans la construction de la sociologie.

15Ce parcours thématique n’est pas seulement l’illustration d’une analytique rationnelle de la complexité. Il a, lui aussi, les fragilités historiques d’une intertextualité diachronique, d’une confrontation sur la durée. Les divers textes rassemblés ont été écrits sur les dix dernières années. Ils manifestent un déplacement d’intérêt qui exprime à la fois une évolution disciplinaire et personnelle. Le souci de reconstituer l’économie interne des Règles, révèle, en sociologie, un rapport aux textes fondateurs sinon totalement nouveau, du moins marqué par une exigence et une rigueur renouvelées. Il est, de ce fait, relativement intéressant de constater que le travail parallèle, bien que différent, de Mike Gane en Grande Bretagne est rigoureusement contemporain de la publication de ce premier texte. Le glissement qui, ensuite, s’opère d’une épistémologie analytique à la sociologie de la science, doit être mis en relation avec le développement et l’audience accrue de ce champ de la sociologie et à son ouverture aux autres sciences que celles de la nature. Il est également, dans ce cadre, contemporain d’un intérêt renouvelé pour le type de constructions sociales, d’institutions complexes, que constituent les disciplines.

16Mais tous ces déplacements sont simultanément inséparables d’une biographie intellectuelle : une génération forgée comme la nôtre à la philosophie et inspirée dans les années 1968 par le retour à Marx et les promesses d’horizons nouveaux, pouvait ne voir dans le texte des Règles qu’une sombre élucubration d’une sociologie irrémédiablement bourgeoise. Revenue, quelles années plus tard, des ravages de l’opposition entre science prolétarienne et science bourgeoise, elle pouvait encore à bon droit le trouver empesé, incompréhensible dans ses développements sur le normal et le pathologique, terriblement daté dans sa typologie des espèces sociales, abstrait dans ses références au traitement de l’objet. Il fallait quitter la philosophie, se frotter à la longue ascèse des codages de questionnaires et des perforations de cartes mécanographiques, aux difficultés d’enseigner la méthodologie aux étudiants sans la ramener à un déploiement creux de techniques et de recettes, aux doutes inspirés par l’extraordinaire diversité de travaux se réclamant de la sociologie et s’en voulant à chaque fois l’unique et exemplaire illustration, pour dépasser les préventions antérieures et rechercher l’inspiration profonde du texte de Durkheim. Il fallait, simultanément, une distance suffisante pour pouvoir reposer la question de la preuve, qui dès lors s’imposait, sans risquer de sombrer immédiatement dans les travers d’un positivisme étroit, toujours prompt à ramener l’exigence générique de la justification à la mise en œuvre d’une technique spécifique de validation. Fort de ce passé et de ses errances successives, c’est avec un intérêt renouvelé et une attention aiguë à l’économie du texte, que fut saisie l’opportunité d’une lecture systématique dont l’exposition occupe la première section du présent ouvrage.

17Mais, à côté de la thématique de la preuve, le texte révélait, plus en profondeur, une thématique de la causalité, articulant scientificité, méthode expérimentale, corrélations statistiques. La tradition de lecture de Durkheim issue de l’École de Columbia et dont Raymond Boudon était en France à l’époque le plus illustre représentant, rattachait cette thématique au Suicide et stigmatisait dans Les Règles un langage inadéquat, emprunté à la logique de Stuart Mill. L’étude systématique du texte peut révéler, à l’inverse, une rigueur et une clarté n’exigeant pas de traduction particulière et définissant même un programme de recherche particulièrement net. Il s’agissait alors de prendre au pied de la lettre le texte et le programme qu’il esquissait et de les confronter, du point de vue de la méthode d’analyse, aux grandes œuvres de Durkheim. C’est le résultat de ce travail qui constitue le premier chapitre du deuxième thème. Il vise à démontrer la cohérence du projet épistémologique et analytique de Durkheim dont il cherche par ailleurs les racines historiques dans la philosophie de l’époque. Cette étude était menée au moment où notre réflexion épistémologique s’élargissait et cherchait à trouver la racine logique du pluralisme explicatif en sociologie. S’exprimant dans L’Intelligence du social (1990) puis dans La Construction de la sociologie (1991), cet approfondissement invitait en retour à confronter le programme d’analyse de Durkheim à ceux de ses contemporains et successeurs et notamment à celui de Weber. Le deuxième chapitre de ce thème, écrit à cette époque, manifeste cette ouverture. Les trois derniers textes ont été écrits en 1995. Ils se rattachent davantage à une sociologie de la sociologie : déjà esquissée précédemment, dans le fil de l’épistémologie post-positiviste et de son attention au rôle des manuels et des textes dans la constitution des communautés scientifiques, elle n’était cependant présente qu’en pointillés. Son intérêt s’est renouvelé et aiguisé au contact des travaux récents de la sociologie de la science.

18L’occasion d’un centenaire invite à suspendre momentanément cette histoire et à en produire le bilan. Mais ce tissage serré d’interrogations disciplinaires et de trajectoires de recherche ne peut que se perpétuer, aussi longtemps que ne sera pas épuisé l’intérêt de connaissance qui l’anime. Il y a peu à parier que pour le bicentenaire des Règles de nouveaux éclairages et de nouveaux enseignements n’attestent de ce devenir. Que le lecteur nous pardonne d’avoir quelques difficultés à honorer ce prochain rendez-vous...

Notes

1 G. Davy : « Émile Durkheim », in Revue de métaphysique et de morale, 1919.

2 « Cours de science sociale, leçon d’ouverture », in J.C. Filloux (éd.) La Science sociale et l’action, Paris, PUF, 1970.

3 L’École de Columbia, dans la lignée de Paul Lazarsfeld, s’intéressera essentiellement aux structures causales explorées par Durkheim dans Le Suicide et Raymond Boudon saluera de façon appuyée cet apport dans sa thèse (cf. infra, chap. 5). À l’inverse, Claude Lévi-Strauss, amené à rédiger un bilan de la sociologie française pour l’ouvrage de Georges Gurvitch, La Sociologie au xxe siècle, Paris, PUF, 1947, s’appuiera sur la lignée rattachant Les Formes élémentaires de la vie religieuse aux apports de Marcel Mauss (cf. infra idem). Plus récemment, dans une perspective compréhensive, Michel Maffesoli s’efforce également de montrer la complexité d’une œuvre qui ne se ramène pas à ce qu’une vulgate positiviste a pu vouloir en faire, et qui trouve dans Les Formes son illustration la plus claire (Présentation des Formes élémentaires de la vie religieuse. Livre de poche, 1991).

4 Introduction à E. Durkheim, The Raies of Sociological Method, and Selected Texts on Sociology and its Method, Stephen Lukes (ed), Londres, The Macmillan Press Ltd, 1982, p. 23.

5 Comme exemples de ces points de vue, on peut se référer aux divers articles de Victor Karady (Durkheim, « Les sciences sociales et l’université : bilan d’un semi-échec »), Jean-Claude Filloux (« Il ne faut pas oublier que je suis fils de rabbin ») et de Bernard Lacroix (« La vocation originelle d’Émile Durkheim »), rassemblés dans le numéro spécial de la Revue française de sociologie, À propos de Durkheim, vol. XVII, no 2, 1976.

6 Cf. infra, chap. 5.

7 Cette expression est de Descartes. Il invite les lecteurs des Méditations métaphysiques à en respecter « l’ordre et la liaison des raisons » sous peine de n’en tirer aucun profit. C’est en respectant à la lettre cette injonction que Martial Gueroult a fourni du texte l’analyse incontournable exposée dans son Descartes selon l’ordre des raisons, Paris, Aubier, 1958.

8 On désigne par cette formule les affirmations rectrices, non démontrables, qui peuvent structurer un discours. Est de ce type l’énoncé « le tout n’est pas identique à la somme des parties », sous-jacent à toute la pensée systémique, et auquel Durkheim fait référence dans Les Règles pour fonder le social, à l’image du vivant, sur « l’association ». Gerald Holton a appelé thémata ce type d’énoncés (in L’Imagination scientifique, trad. Paris, Gallimard. 1982) dont nous avons par ailleurs montré le rôle structurant en sociologie (in L’Intelligence du social Paris, PUF, 1990, chap. IV).

9 II cite en tout et pour tout dix-sept auteurs (hors lui-même) dans Les Règles, ce qui est excessivement peu, surtout si l’on prend en compte l’étendue du champ couvert par ces références. Il s’agit de Francis Bacon (4), Auguste Comte (14), Étienne de Condillac (1), James Darmesteter (1), René Descartes (1), Alfred Espinas (1), Raffaele Garofalo (5), Charles Gide (1), Thomas Hobbes (2), John Locke (1), John Lubbock (1), Nicolas Machiavel (1), John Stuart Mill (5), Montesquieu (1), Jean Jacques Rousseau (1), Herbert Spencer (16) et Gabriel Tarde (3). (Les chiffres entre parenthèses indiquent le nombre de références à l’auteur. Pour plus de détails, voir l’édition des Règles dans la collection Champs, de Flammarion, pp. 239-243.)

10 Cf. infra chap. 4.

11 Voir par exemple, à ce sujet, le livre que Mike Gane a consacré aux Règles et aux lectures qu’elles ont suscitées, notamment en Grande Bretagne On Durkheim’s Rules of Sociological Method, Londres, Rootledge, 1988.

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