Pouvoirs des familles, familles de pouvoir
|Pouvoirs des familles, familles de pouvoir. Histoire et anthropologie
Texte intégral
1Le titre de ce colloque en forme de jeu de mots recouvre des réalités différentes. Sous l’expression Pouvoirs des familles, on peut entendre les pouvoirs spécifiques de l’institution familiale (au sens large) face à ceux d’autres institutions, politiques, judiciaires, religieuses. Mais l’expression renvoie dans le même temps aux pouvoirs qui s’exercent à l’intérieur de la structure familiale, restreinte ou étendue, ceux du père sur sa femme et ses enfants, de la mère sur ses enfants, des frères à l’égard des sœurs mais aussi dans la famille élargie, le pouvoir des ascendants sur les descendants. Familles de pouvoir, l’expression invite plutôt à se tourner vers les élites politiques et économiques constituées, et à s’interroger sur les modalités de l’intrication des multiples facettes du pouvoir, politique, économique et symbolique, et surtout, dans une perspective dynamique, à analyser les stratégies par lesquelles ces familles y accèdent, l’exercent, l’étendent, le conservent, en particulier par le biais des ressources propres de l’institution familiale.
2Ces deux aspects se recouvrent en partie de sorte qu’il est hasardeux de les distinguer pour en faire un principe de classement des problématiques adoptées ici. Classement par ailleurs très difficile compte tenu de la grande diversité des sociétés observées, parfois très éloignées, dans l’espace géographique, dans l’espace social et surtout dans le temps : il est question des familles des sociétés rurales et des sociétés urbaines, des familles de pauvres, forestiers ou agriculteurs et des familles de la haute noblesse, des familles des sociétés d’Europe (France, Belgique, Espagne) et des familles d’Amérique latine (Mexique, Argentine, Pérou, Brésil). L’éloignement dans le temps est tout aussi important puisque l’on va de l’étude de la terminologie de la parenté qu’autorise la lecture de sources mérovingiennes à l’importance de la socialisation familiale dans la constitution de l’identité personnelle et professionnelle des infirmiers et des travailleur sociaux dans la France contemporaine ! Sans doute cette diversité est-elle induite dans le projet même du colloque qui appelait à une réflexion sur la longue durée et au comparatisme entre sociétés en particulier, la France méridionale et le monde espagnol, pour parvenir à sortir du détail des configurations locales propres à chaque société et pour dégager des processus généraux.
3Bien que je n’aie rencontré qu’indirectement dans mes propres travaux la question des rapports entre familles et pouvoirs, si les organisateurs du colloque m’ont sollicitée pour cette ouverture, c’est sans doute en raison de mon expérience pluridisciplinaire dans le champ de la parenté que j’ai abordé par la démographie, l’histoire et l’anthropologie. Plusieurs problématiques témoignent d’un échange déjà ancien ou au contraire encore trop limité entre ces disciplines, et peut-être puis-je contribuer modestement à ouvrir entre elles des passerelles.
4Une constatation, qui pose d’ailleurs des questions à la fois théoriques et méthodologiques, permet de distinguer deux grandes sortes de problématiques, induites l’une et l’autre par le cadre de l’observation, c’est à dire, l’unité familiale observée et le temps retenu, le choix entre chacune d’elles étant en partie imposé par l’état des sources disponibles. Dans une grande partie des contributions, la problématique est centrée sur les liens entre famille et patrimoine, donc sur la question des transmissions matérielles et immatérielles d’une génération à l’autre parce que l’unité familiale observée est le groupe de résidence. Il peut être celui d’une famille exemplaire, celui d’un groupe social, des paysans, des familles urbaines, tel ou tel groupe professionnel. L’axe temporel retenu est généralement vertical et comprend une ou plusieurs générations. En anthropologie, on dirait qu’on est dans le champ de la filiation.
5Une autre partie des contributions s’est davantage intéressée à l’exercice des pouvoirs, en situant la ou les familles observées par rapport à un pouvoir institué, pouvoir économique et politique. Dans ce cas là, ce qui a été plutôt analysé est la parentèle, donc le réseau familial saisi à partir d’un individu et ses liens, qu’on pourrait qualifier d’horizontaux, avec les apparentés, consanguins et alliés, ses parents spirituels et amis proches. Liens que l’on tente de saisir dans leur réalité pratique, celle qui correspond à l’interconnaissance. Ici l’unité familiale observée est large, c’est la parentèle, mais le cadre temporel est plus restreint.
1- Groupe de résidence et reproduction sociale
La transmission du patrimoine matériel
- 1 Article paru dans l’important numéro double des Annales ESC sur la famille, cf. Bourdieu (Pierre), (...)
- 2 Bourdieu (Pierre) « De la règle aux stratégies » (Entretien réalisé par Pierre Lamaison), Terrain, (...)
6Faire du lien entre parenté et patrimoine le centre de son objet de recherche, c’est adopter un cadre théorique bien balisé, celui de la reproduction sociale. De nombreuses contributions se placent explicitement dans ce cadre, proposé par Bourdieu dans les années soixante, à partir de l’étude du système scolaire. Il l’a repris dans une adresse particulière aux historiens de la famille, dans un article célèbre1 qui portait sur la société paysanne béarnaise de la première moitié de ce siècle. Le commentant plus tard dans un entretien avec l’anthropologue Pierre Lamaison2, Bourdieu précise « qu’on ne peut dissocier les stratégies matrimoniales de l’ensemble des stratégies – je pense par exemple aux stratégies de fécondité, aux stratégies éducatives comme stratégies de placement culturel, aux stratégies économiques, investissements, épargne, etc., par lesquelles la famille vise à se reproduire biologiquement et surtout socialement, c’est à dire à reproduire ses propriétés qui lui permettent de tenir sa position, son rang dans l’univers social considéré ». Cette définition très simple de la reproduction sociale vaut, ajoute-t-il, aussi bien pour l’univers social de la paysannerie pyrénéenne béarnaise que pour celui de l’aristocratie française ou de la société kabyle. Elle vaut aussi manifestement pour des groupes sociaux ou professionnels de la société française, espagnole ou du Nouveau Monde à l’époque moderne puisque plusieurs auteurs de contributions s’y réfèrent dans leur titre, leur texte ou leur conclusion. L’historien s’intéresse à la manière dont, d’une génération à l’autre, s’organisent des transmissions matérielles, patrimoine, dot et des transmissions immatérielles au rang desquelles le prestige, l’honneur symbolisé par un nom, un blason, des prénoms, des dons, mais aussi bien sûr des pouvoirs religieux, politiques.
Groupes domestiques et transmissions matérielles : les coutumes successorales
7Ces biens matériels résident pour la majorité de la population, d’abord et avant tout dans la terre. Ceci explique que, parmi les contraintes qui définissent le jeu social, ajoute Bourdieu « les plus puissantes… sont celles qui résultent de la coutume successorale, c’est à travers elle que s’imposent les nécessités de l’économie et c’est avec elles que doivent compter les stratégies de reproduction, au premier rang desquelles les stratégies matrimoniales. Mais les coutumes, même fortement codifiées, ce qui est rarement le cas dans les sociétés paysannes, font l’objet elles-mêmes de toutes sortes de stratégies. Aussi faut-il en chaque cas revenir à la réalité des pratiques au lieu de se fier à la coutume codifiée, c’est à dire écrite, ou non… . ».
- 3 Goody (Jack), Thirsk (J.), Thompson (E.P.), Family and Inheritance. Rural Society in Western Europe (...)
- 4 Terrain, Famille et parenté, 5, 1985.
- 5 Voir Barthélémy (Tiphaine), « Les modes de transmission du patrimoine. Synthèse des travaux effectu (...)
- 6 Voir par exemple le Gévaudan étudié par Claverie (Elisabeth) et Lamaison (Pierre), L’impossible mar (...)
- 7 Burguière (André), « Pour une typologie des formes d’organisation domestique de l’Europe moderne (X (...)
8Nous ne reviendrons pas sur les acquis liés à l’interdisciplinarité (en particulier l’anthropologie, la démographie et l’histoire) sur la question de la dévolution de la terre et des autres outils de production depuis la parution du numéro des Annales ESC que nous venons d’évoquer et de l’ouvrage de l’école historique anglaise qui entretient des rapports étroits avec l’anthropologie, Family and Inheritance. Rural society in Western Europe, 1200-18003 publié en 1976. Dans les années qui suivent, paraît une floraison de monographies régionales sur la France moderne et contemporaine ainsi qu’en témoignent l’inventaire publié par Terrain en 19854, et celui de la revue Etudes rurales5 en 1988. Des travaux adoptant la même problématique concernent aussi l’Italie depuis la Renaissance, l’Espagne, et l’Angleterre. Ces recherches, qu’elles soient menées par des sociologues, des ethnologues ou des historiens, se caractérisent par leur problématique commune. Les questions, les outils analytiques et les sources utilisées sont souvent les mêmes : listes nominatives de recensements, registres paroissiaux et d’état civil, surtout actes notariés (testaments et contrats de mariage), sans compter les enquêtes orales aux quelles se livrent les historiens à la suite des ethnologues. On découvre alors que les structures familiales du Nord de l’Espagne, Catalogne, Aragon, Navarre, Galice, Asturies, sont très proches de celles des Pyrénées françaises, mais aussi d’une grande partie du Sud-Ouest, du Massif Central6 et des Alpes, alors même que les contextes juridiques, politiques et économiques sont parfois très différents. Elles se différencient beaucoup des familles simples de partage égalitaire de la région valencienne, de l’Andalousie, ou en France, de la Bretagne et de l’Anjou. Cette constatation pose la question de ce qui détermine la diversité de ces formes familiales7.
- 8 Le Play (Frédéric), Les Mélouga. Une famille pyrénéenne au XIXe siècle, Paris, Saint Michel, 1871.
- 9 Sur la critique apportée par Butel à l’analyse de Le Play, voir la postface d’André Chenu à la rééd (...)
- 10 Sur le pays de Sault, par ordre chronologique, voir Le Roy-Ladurie (Emmanuel), Montaillou, village (...)
- 11 Sur les Baronnies, voir les travaux de R. Bonnain et G. Augustins dans I. Chiva et J. Goy (dir), Le (...)
- 12 Sur le Capcir, voir Assier-Andrieu (Louis), Coutume et rapports sociaux, Etude anthropologique des (...)
- 13 Sur la vallée de Barèges, voir Rieu-Gout (Anne Marie) et Sauzéon-Broueilh, (Marie-Laure), Le choix (...)
- 14 Sur le village de Saint Engrâce en Pays basque, voir Ott (Sandra), The circle of mountains : a Basq (...)
- 15 Lisón-Tolosana (C), « La casa en Galicia », Ensayos de antropologia social, Ayuso, 1973.
- 16 Les actes paraissent en 1986 sous le titre Los Pirénéos, Estudios de antropologia social e historia(...)
9On ne s’étonnera pas, dans le cadre de ce colloque comparatiste, de la grande place que tient l’analyse de la famille-souche pyrénéenne, étudiée en Aragon, Navarre, ou autres régions d’Espagne du Nord et du Sud-Ouest de la France. Ainsi se poursuit l’intérêt pour un objet qui, depuis plus de 150 ans est au centre de la réflexion des sciences sociales, depuis les premiers travaux de F.Le Play sur la famille Mélouga du Lavedan8 dans la première moitié du XIXe siècle en passant par les travaux du juriste Butel9, ceux de Bourdieu sur le Béarn, puis les recherches pluridisciplinaires menées sur le Pays de Sault10, les Baronnies11, le Capcir12, la vallée de Barèges13 et le pays basque14 dans les années 1970-90. Même profusion de recherches du côté espagnol. Dès 1981, à l’initiative de l’anthropologue espagnol C. Lisón-Tolosana qui, lui-même, avait analysé la maison galicienne15, un colloque franco-espagnol réunissait à la Casa Velazquez des chercheurs sur le thème de la maison pyrénéenne16. Les problématiques tournaient autour de la question de la reproduction sociale, celle de la maison détentrice de biens privés mais aussi de droits sur des biens communaux ; le choix du successeur selon le rang de naissance et le sexe ainsi que les stratégies matrimoniales le concernant, le devenir des cadets et l’émigration, analysée comme effet de structure et non de conjoncture. Certaines des contributions présentées aujourd’hui s’inscrivent dans ces traditions problématiques et historiographiques.
- 17 Augustins (Georges), Pourquoi se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans le (...)
- 18 Par exemple en Bretagne, dans le pays Bigouden, voir Ségalen (Martine), Quinze générations de Bas-B (...)
10En 1989, l’ethnologue Georges Augustins publie une synthèse de tous ces travaux qu’il avait lui-même poursuivis et approfondis dans les Baronnies17. Il cherche à construire « un modèle comparatif classificatoire intégrant l’héritage, la succession et la résidence, et sur lequel se greffe le modèle matrimonial ». Reprenant la distinction très utile entre héritier et successeur, il la fait jouer dans le cadre des différents systèmes successoraux. Le fait que l’héritage soit égalitaire ou inégalitaire relève de l’énoncé d’une règle tandis que l’examen du choix du successeur se situe plutôt du côté de la pratique. Dans le cas de la famille-souche, par exemple, héritier et successeur sont confondus. Mais dans les cas de système égalitaire, si tous les enfants viennent à l’héritage, plusieurs d’entre eux peuvent être successeurs (cas de la frérèche), ou un seul (cas le plus fréquent). Il y a alors place pour des manipulations familiales dans le choix de l’élu appelé à remplacer la génération aînée18. Georges Augustins repère trois types principaux de système, le système à maison (ou « famille-souche »), le système à parentèle et le système à lignage, qui lui semblent renvoyer à deux principes de parenté différents et irréconciliables. Le premier met en avant la résidence autour de laquelle s’organise tout le système social, et les deux autres privilégient la parenté, dans son organisation soit horizontale soit verticale. Tout individu est en effet inscrit à la fois dans un groupe domestique et dans une constellation de parents, deux entités porteuses de tensions et de contradictions ; dans le système à maison, la résidence domine, dans la système à parentèle ou le lignage, c’est le principe parental. Cette typologie a été bien sûr critiquée mais elle aide à penser le cadre possible des stratégies éducatives, matrimoniales et successorales et donc, non seulement les processus de reproduction sociale, mais aussi les relations de pouvoirs dans la structure familiale elle-même. De très nombreuses publications ont porté sur les stratégies matrimoniales envisagées dans cette perspective. Citons par exemple le numéro des Annales de Démographie Historique 1998 qui porte sur « Les mariages, règles et pratiques ».
La hiérarchie aînés/cadets
11Repérer les différences régionales des modalités d’accès aux biens fonciers permet de poser les questions suivantes : comment s’organisent les relations familiales lorsque la coutume locale impose un partage égalitaire des biens entre tous les enfants, quels que soient le sexe et le rang ? Quelles sont-elles lorsque le système est inégalitaire et que le patrimoine doit être transmis à l’un d’entre eux ? Dans ce cas comment est désigné le successeur et que reçoivent les autres enfants de la fratrie, filles et garçons ? Qui dans la fratrie est amené à émigrer et quelle est la fonction des migrations dans la reproduction des systèmes sociaux ? Les analyses mettent en lumière l’inégalité entre enfants, en particulier la hiérarchie entre aîné et cadet, garçon et fille.
- 19 Ravis-Giordani (Georges) et Ségalen (Martine) (dir.), Les cadets, Paris, éd. CNRS, 1994.
- 20 Fauve-Chamoux (Antoinette), « Mariages sauvages contre mariages souches : la guerre des cadets », L (...)
- 21 Lancien (Didier), « Le sort des cadets dans les grandes familles de l’aristocratie et de la bourgeo (...)
- 22 Voir leurs contributions dans ce volume.
12Cette question est reprise d’une autre manière dans le livre collectif dirigé par G. Ravis-Giordani et M. Segalen19 (1994) centré sur les cadets. Le fait de changer de focale d’observation permet de vérifier les études précédentes mais aussi de les enrichir et de les nuancer. Le livre voudrait estomper l’image du cadet floué, victime de l’inégalité d’héritage qui lui est faite. « Ainsi dans l’aristocratie anglaise du XVIIe siècle, les cadets sont le plus souvent les artisans de la grandeur de leur lignage, lorsque, prélats de haut rang, ils contribuent à renflouer le patrimoine familial grâce aux revenus de leur nouveaux bénéfices et nouvelles pensions ; dans les Baronnies (Pyrénées centrales), les cadets refusent les traditions coutumières qui leur sont défavorables, et profitent d’une conjoncture économique relativement prospère au plan local pour s’installer, menant l’ordre social de l’ostal à la ruine ». Ici, les auteurs font allusion à l’étude d’A. Fauve-Chamoux sur Esparros dans les Baronnies (Pyrénées)20, encore une contribution sur les Pyrénées à laquelle il faut ajouter celle de Andres Barrera Gonzalez sur la Catalogne. Didier Lancien traite du sort des cadets dans les familles aristocratiques et bourgeoises britanniques au tournant des XIXe et XXe siècles, tandis que Renata Ago étudie le destin ecclésiastique des cadets de la noblesse italienne du XVIIe siècle21, deux questions très proches de celles qui s’intéressent ici à l’histoire des grandes familles en Espagne, en Argentine, Mexique ou Pérou. A ces cadets des grandes familles, font écho les « cadets de Dieu » des familles lozériennes des XIXe et XXe siècle, selon la belle expression de Patrick Cabanel qui note que, de génération en génération, se détache une lignée secondaire, sacerdotale ou religieuse, une lignée oblique, d’oncle à neveu, de tante à nièce dans les familles catholiques, alors que la vocation de pasteur elle, se transmet de père en fils. La production de prêtres serait elle une des spécificités des familles-souches des montagnes, se demande Serge Brunet22 ?
- 23 Les cadets, op.cit., p. 17-18.
- 24 Sur ce point, voir Cicirelli (V.G.), « Sibling relationships in Cross-Cultural Perspective », Journ (...)
13La conclusion du livre collectif met l’accent sur le caractère complexe des résultats de recherche et atténue le contraste entre les zones préciputaires et les régimes de partage égalitaire. Dans les premières, « le cadet ne serait pas seulement ce personnage exclu de l’héritage, parfois du mariage, un être au statut second s’il reste dans sa communauté d’origine ou un être promis à l’exclusion et au rôle d’étranger s’il quitte les lieux ». Ce statut particulier peut être aussi parfois une chance dans certaines conditions économiques et sociales. Il peut devenir un personnage innovant, parfois mieux éduqué que son frère aîné, doté d’une plus grande liberté. Dans les secondes, égalitaires, certaines inégalités resurgissent sous la forme d’avantage à l’un des enfants lié aux soins qu’il est censé prodiguer à ses parents âgés. Il existe aussi des aînesses cachées. En Corse par exemple, « l’aîné sans être privilégié sur le plan du patrimoine assume les fonctions de chef de lignage, en ce qu’il représente un réseau de frères et de cousins. Il occupe donc une place prépondérante non pas dans l’ordre domestique mais dans l’ordre social villageois. D’autres études statistiques dans des sociétés qui ignorent la loi de primogéniture, montrent également dans des contextes socio-économiques et culturels différents, que l’ordre des naissances influe nettement sur l’âge au mariage, sur les chances de s’établir loin ou près des parents, sur la richesse et la fécondité des familles fondées par les enfants »23. Ces observations confirment l’importance de l’aînesse dans les sociétés européennes, ce qui n’a rien d’étonnant dans une perspective d’anthropologie comparative générale, la hiérarchie aîné/cadet existant dans la plupart des sociétés24. Les auteurs insistent pour finir sur le constat que la véritable hiérarchie concerne les frères et leurs sœurs, quels que soient la société et les régimes de transmission.
La hiérarchie entre frère/sœur : la dot
- 25 Peristiany (John G) (dir.), Dote y matrimonio en los paises mediterraneos, Centro de investigacione (...)
- 26 Ravis-Giordani (Georges) (dir), Femmes et patrimoines… op.cit.
- 27 Plusieurs historiens se sont intéressés à la dot des femmes en Italie où existe depuis longtemps le (...)
- 28 Contrairement au pays bigouden et à la Bourgogne analysés respectivement par Martine Ségalen, Quinz (...)
- 29 A Athènes à l’âge classique, les garçons héritent à part égale des biens immobiliers tandis que leu (...)
- 30 Vernier (Bernard), « La circulation des biens, de la main d’œuvre et des prénoms à Karpathos. Du bo (...)
14En dépit de son importance, la hiérarchie entre frère et sœur a été beaucoup moins souvent étudiée. A la suite de l’ethnologue J. Peristiany25, G.Ravis-Giordani26 réunit des spécialistes des sociétés rurales méditerranéennes, historiens, y compris de l’Antiquité grecque et romaine, et ethnologues pour échanger d’une part, sur la place relative et comparée des frères et de leurs sœurs face au patrimoine de leurs parents, d’autre part sur la manière dont les femmes contribuent à la constitution des biens de leur propre famille conjugale. Les situations sont très variées d’une société à l’autre et selon les époques27, mais de toute évidence « les formes de dévolution des biens et les régimes matrimoniaux entretiennent certaines relations d’interdépendance, qui ne sont pas sans rapport avec la hiérarchisation des sexes et la différenciation de leur rôle dans chaque culture ». Là encore, la situation diffère entre systèmes égalitaires et systèmes inégalitaires. Parmi les premiers, il est rare que l’égalité entre les frères concerne aussi leurs sœurs28. Parfois certains biens (par exemple la terre) ne peuvent jamais être transmis aux filles. Les femmes héritent assez rarement du statut de chef de maison en présence de frères. En revanche elles héritent toujours d’une part du patrimoine des parents, même si leur part est très inférieure à celle de leurs frères, surtout dans les régions dotales29. Dans les systèmes de transmission inégalitaire, hiérarchie entre aîné et cadet et hiérarchie entre sexes se combinent pour faire de la cadette l’exclue par excellence. Dans l’île grecque de Karpathos par exemple, étudiée par Bernard Vernier30 à la fin des années 1970, les aînés filles et garçons jouissent d’un statut exceptionnel. Les garçons héritent d’un patrimoine indivisible transmis en ligne paternelle, les filles d’un matrimoine indivisible transmis en ligne maternelle. Les frères cadets exclus de l’héritage sont contraints d’émigrer pour se marier. Quant aux cadettes, si elles n’ont pas la chance d’être dotées par un autre membre de leur parenté (une tante ou un oncle sans héritier), elles sont le plus souvent réduites au célibat et dans ce cas, vivent dans la famille de l’aînée en qualité de domestiques. Les rapports d’exploitation économique entre aîné et cadet sont d’autant plus efficaces qu’ils sont occultés par une idéologie familiale du dévouement de tous à un objectif commun, la perpétuation de la lignée.
- 31 Fine (Agnès), « Hommes dotés, femmes dotées dans la France du Sud », art.cit.
15L’imbrication entre hiérarchies d’aînesse et de sexe est parfois beaucoup plus complexe qu’à Karpathos. Dans les maisons pyrénéennes, il existe des héritières, maîtresses de maison, au pouvoir considérable et des hommes dotés, dont le statut dévalorisé a fait l’étonnement des premiers folkloristes et juristes31. Mais statistiquement, les mâles sont plus souvent les successeurs de leur père et les filles cadettes sont le plus souvent dotées ou constituent elles même leur dot en se plaçant. Plus largement, la question de la dot permet d’envisager de manière plus précise les liens des femmes avec leur patrimoine, angle d’attaque très productif pour comprendre l’organisation familiale et le statut des femmes : celui des sœurs par rapport à leurs frères pour l’accès au patrimoine de leurs parents d’une part, les rapports patrimoniaux entre époux d’autre part.
- 32 Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, Femmes, dot et patrimoines, 7, 1998.
- 33 Fine (Agnès) et Leduc (Claudine), « La dot, Anthropologie et histoire. Cité des Athéniens, VIe-IVe (...)
- 34 Testart (Alain), « Pourquoi la dot ici et là son contraire ? Exercice de sociologie comparative des (...)
16Pour une historiographie de la question, je me permets de renvoyer à l’éditorial du numéro de Clio, Histoire, Femmes et Sociétés32, paru en 1998, ainsi qu’à l’article que j’ai signé avec Claudine Leduc33. En comparant deux systèmes dotaux dans des sociétés n’ayant pas grand-chose à voir l’une avec l’autre (Athènes à l’époque classique et les Pyrénées audoises aux XIXe et XXe siècles), nous avons voulu faire dialoguer anthropologie et histoire, avec l’ambition de préciser la notion de dot ou plutôt de système dotal et de discuter l’importante réflexion de l’anthropologue Alain Testart sur dot et bridewealth34. Les autres contributions du numéro donnent au lecteur des éléments plus descriptifs et plus riches sur le statut concret des filles face à leurs frères, des femmes face à leurs époux, statut qui varie parfois considérablement d’une ville à l’autre, dans les élites sociales italiennes de la fin du Moyen-Age et de l’époque moderne, à Florence, à Venise, Rome et Bologne. Signalons aussi un article sur les dots dans la noblesse et la bourgoisie normandes à l’époque moderne.
- 35 Voir ces trois contributions dans ce volume.
17Les contributions sur le rapport des femmes à leur patrimoine présentées ici même montrent qu’il s’agit là d’un chantier riche et largement ouvert. Christine Dousset analyse ce qui se passe sur le plan matériel pour la femme pendant la période qui suit immédiatement le décès de son mari. Quel patrimoine garde-t-elle ? Qui gère celui des enfants ? Questions encore peu abordées. Une autre contribution s’intéresse aux pouvoirs des maîtresses de maison en temps de crise, cela dans les familles de la Navarre à l’époque moderne. Une autre, originale, s’intéresse au pouvoir de la mère de donner un père légitime à son enfant bâtard, en l’imposant dans la filiation et la maison du géniteur dans le Gévaudan médiéval35.
Patrimoine immatériel et pouvoir
- 36 Sur ce point la bibliographie est très importante. Signalons seulement deux étapes importantes du d (...)
- 37 Le Wita (Béatrix), « La mémoire familiale des Parisiens appartenant aux classes moyennes », Ethnolo (...)
- 38 Voir Burguière (André), « La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme », Annales ESC, 1991, 4, p. (...)
- 39 La généalogie entre science et passion. Textes réunis et présentés par Tiphaine Barthélémy et Marie (...)
- 40 Klapisch-Zuber (Christiane), L’ombre des ancêtres, Essai sur l’imaginaire médiéval de la parenté, P (...)
18La transmission des biens matériels va presque toujours de pair avec des transmissions immatérielles comme le nom, le prénom, la mémoire familiale, la généalogie et nous ne les distinguons des premiers que pour les besoins de l’exposition. Plusieurs contributions insistent sur le poids symbolique et politique de patronymes prestigieux et sur le lien entre le nom et l’identité lignagère, thème sur lesquels ethnologie et histoire dialoguent de manière féconde36. Même intérêt des deux disciplines pour l’analyse de la mémoire familiale, son contenu, sa profondeur en ascendance, qui semble être l’apanage des groupes dominants aujourd’hui37. Même constatation en ce qui concerne la fonction symbolique du récit généalogique dont l’apparition en France est liée à l’ascension d’un groupe social38. Ce thème est exploré de multiples et riches manières dans plusieurs contributions de l’ouvrage collectif sur La généalogie. Entre science et passion39, ainsi que dans les deux beaux livres de C. Klapish-Zuber sur l’histoire des représentations de l’arbre généalogique40, qui nous instruisent entre autres choses sur l’imaginaire de la parenté et sur l’art de ses manipulations au Moyen-Age.
- 41 Pedroso de Lima (Antonia), Grandes familias, Grandes Empresas. Ensaio antropologico sobre uma elite (...)
19En outre, chacun de nous hérite d’un ensemble de biens symboliques qui peuvent être attachés à son histoire familiale, mais aussi d’une éducation et de valeurs qui nous préparent à épouser notre destin. Selon mes interlocuteurs âgés du Pays de Sault (Pyrénées audoises), l’éducation reçue par le garçon pressenti pour être le futur cap d’ostal était différente de celle que recevait son frère cadet ou sa jeune sœur, surtout s’ils appartenaient à une famille nombreuse. Les cadets savaient « qu’ils étaient pour partir » selon leur propre expression et ils s’y préparaient mentalement, le garçon pour devenir dans le meilleur des cas, prêtre ou instituteur, ou bien plus fréquemment agent de l’administration (EDF, Poste, douane, armée), la fille pour « se placer » comme bonne en ville. C’est toute la question de la vocation ou du choix d’un métier, l’amor fati, dont Bourdieu montre qu’il est la rencontre entre une disposition et les contraintes sociales objectives. La famille est le lieu de transmission de valeurs et d’habitus qui font que chacun choisit ce à quoi il est réellement destiné, par exemple aujourd’hui le métier d’agriculteur, ou celui d’infirmier ou de travailleur social, comme le montrent les deux contributions d’anthropologues à ce colloque. Dans la reproduction des élites des entreprises industrielles, l’investissement familial dans la formation des fils, neveux et gendres aux fonctions de manager, tient encore aujourd’hui une place considérable qu’a analysée l’anthropologue Antonia Pedroso de Lima41, à propos des grandes firmes portugaises.
- 42 Thibon (Christian), Pays de Sault…, op.cit.
- 43 Pourcher (Yves), Les maîtres de granit, Paris, Olivier Orban, 1987.
- 44 Abelès (Marc), « Avoir du pouvoir politique », M. Ségalen (dir), Jeux de familles, 1987, p. 79-97.
- 45 L’héritage des fonctions politiques concerne aussi le niveau national et la magistrature suprême. U (...)
20La succession héréditaire dans un métier, une charge, un office, nous amène à réfléchir sur un aspect fondamental de la transmission de pouvoirs, matériels mais aussi immatériels, au nombre desquels le pouvoir politique. Le pouvoir politique se transmet-il comme un patrimoine ? M. Justafré décrit la manière dont la fonction seigneuriale de baille est transmise héréditairement dans une des bonnes maisons d’une communauté du Vallespir sous l’Ancien Régime. Serait-ce aussi le cas même dans les temps de suffrage universel masculin ? Christian Thibon a montré comment les bonnes maisons pyrénéennes et leurs chefs sont la clef de voûte de la vie politique locale au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle42. De même, s’agissant des dynasties politiques lozériennes depuis le début du XIXe siècle jusqu’à nos jours, l’ethnologue Yves Pourcher43, est frappé par la permanence de certaines maisons dans le champ de la représentation politique. Comme si, écrit-il, « l’idée de continuité et la confiance en quelques familles avaient pu largement transcender les rivalités politiques pour imposer un vote, et souvent plus, un nom ». Il met au jour les stratégies familiales à l’œuvre dans chaque circonscription administrative, la commune, le canton, l’arrondissement ou le département. Ces analyses sur la Lozère rejoignent celles d’autres ethnologues qui ont mis également en lumière en quoi l’héritage familial fonde l’éligibilité. Que l’héritage soit économique, dans le cas des propriétaires lozériens, ou des familles aristocratiques dont les électeurs sont dépendants économiquement, ou qu’il soit symbolique. L’ethnologue Marc Abelès44 souligne l’actualité du phénomène en s’appuyant sur les résultats d’enquêtes sociologiques : dans les communes moyennes du Nord de la France, 50 % des maires sont fils ou descendants d’élus (contre 20 % aux USA)45.
- 46 Pourcher (Yves), op.cit., p. 280.
21A noter que la conscience de leur éligibilité peut alimenter chez les représentants de ces familles d’élus le sentiment du « devoir » de se faire élire et motiver une socialisation particulière. La prédisposition à hériter d’un mandat est le fruit d’une longue éducation politique commencée dès la prime enfance au sein des familles déjà détentrices de mandats électoraux. Yves Pourcher la décrit ainsi : « Enfant, le futur élu a vu défiler au domicile familial les nombreux visiteurs et solliciteurs. Il a dû alors interrompre ses jeux pour serrer interminablement les mains des invités, donner des baisers aux parents et amis, esquisser des sourires, prêter attention à sa tenue et à ses propos. Il a alors entendu distraitement les bribes des conversations politiques, assisté aux veillées électorales dont le rythme scande la vie familiale. A la messe dominicale, il a senti les nombreux regards, furtifs, curieux d’apercevoir le petit maître entre ses frères et sœurs. Il est alors connu, même si alors il ne connaît pas… »46. Plusieurs contributions confortent ces analyses, par exemple celle de Rémy Cazals sur les six barons Reille (le père, trois fils, deux petits-fils) qui occupèrent un siège de député du Tarn, presque sans interruption de la fin du Second Empire à la fin de la Quatrième République.
- 47 Sagnes (Sylvie), Racines et enracinement. Parenté et localité dans la France contemporaine. Thèse p (...)
22Les ethnologues ont tendance à établir une corrélation entre les formes locales du pouvoir et le système de parenté qui fait fonction de « moule » dans lequel se coule le pouvoir local : par exemple en Corse où l’organisation bipartiste du fait politique emprunte les chemins du factionnalisme traditionnel, lui-même généalogiquement défini, ou bien dans les sociétés à maison, qui ont été étudiées sous cet angle par P. Bidart et C. Thibon. Cependant, cette grille de lecture indispensable, ne permet pas de rendre compte de tous les aspects du pouvoir local aujourd’hui. L’ethnologue S. Sagnes47 note par exemple que le phénomène de territorialisation du politique, c’est-à-dire la pratique localisée du pouvoir (dans la commune, le canton, le département, la région, la nation) définit un cadre qui ne coïncide pas exactement avec celui dans lequel s’ancre le champ de la parenté. Le politique dans nos sociétés modernes donne l’illusion d’une autonomie que matérialisent ses institutions multiples.
II - Parentèle, réseaux familiaux et pouvoir
23Ici, on quitte la problématique des transmissions au sein de cellules conjugales ou des unités de résidence et l’axe vertical du temps, pour s’attacher à un autre objet saisi dans un temps court : l’analyse de la parentèle d’un individu, c’est-à-dire les réseaux actifs de sa parenté, consanguine, alliée, spirituelle, susceptibles d’être mobilisés à certains moments importants de la vie, en particulier pour accéder au pouvoir ou pour le conserver.
Les solidarités familiales
- 48 Levi (Giovanni), Le pouvoir au village, Paris, Gallimard, 1989.
- 49 Voir Levi, op.cit., p. 201.
24L’historien italien Giovanni Levi est l’un des premiers à avoir adopté cette problématique48. Il analyse le pouvoir local de quelques familles de notables dans un petit village de la région de Turin, Sarténa, dans la deuxième moitié du XVIIe siècle. « Le rôle des notables locaux comme médiateurs entre la périphérie et l’Etat est un aspect fondamental de la réalité politique de nombreuses nations modernes et c’est l’un des aspects sur lesquels ce livre entend mettre l’accent », écrit-il. Dans cette perspective l’analyse du réseau de la parentèle de son protagoniste principal est essentielle. Il met au jour ce qu’il appelle « le front familial », problématique résumée ainsi par Jacques Revel dans son introduction au livre : « … les stratégies familiales ne sauraient être comprises au niveau de la famille prise comme unité de résidence (c’est à dire de la réalité que les archives fiscales ou paroissiales prennent pour objet de leur attention, enregistrent et nous permettent par conséquent de reconstruire). Ces stratégies mettent en jeu, et c’est là un des ressorts les plus puissants de ce livre, des « fronts familiaux », formés par des unités qui ne sont pas corésidentielles, mais « unies par des liens de parenté consanguine, par des alliances ou des relations de parenté fictive ». Giovanno Levi s’attache à proposer une formalisation qui résume les lignes stratégiques d’une famille exemplaire du groupe des notables villageois dont il étudie les formes de pouvoir49. Il souligne quatre points dont le premier semble une vraie trouvaille de portée plus générale : quatre professions reviennent de génération en génération : marchand de grain, chirurgien ou médecin ou apothicaire, prêtre, paysan. Il existe donc une diversification professionnelle au sein d’une même ligne générationnelle (consanguine et alliée) qui ouvre une palette de possibilités en cas de besoin : ceci est particulièrement important compte tenu des vicissitudes de l’existence à cette époque. Les autres points concernent plus spécifiquement cette société là de partage égalitaire. Les biens circulent avec une grande fluidité à l’intérieur de la famille avec une indifférence relative au choix de qui les cultive directement et au nom qui figure sur le cadastre.
25Dans le cas de Sarténa, il ne s’agit pas pour ce groupe de notable d’accéder à des institutions de pouvoirs. Pour J. Revel, le grand mérite de cette étude est justement de ne pas réifier le pouvoir dans des institutions clairement identifiables, mais de partir d’une hypothèse inverse. « Le pouvoir n’est pas une chose », écrit-il. « A Sarténa, le système apparaît bien différent : il s’identifie à un réseau relationnel constamment mobile ». Réseau identifiable grâce à la méthode de la prosopographie qu’autorise la profusion de mentions nominatives livrées par des sources abondantes.
- 50 Karnoouh (Claude), « La démocratie impossible. Parenté et politique dans un village lorrain », Etud (...)
26En fait, le réseau relationnel constamment mobile est sans doute le lot des sociétés de partage égalitaire dans lesquelles les clivages ne sont pas liés à des clans, ou à des groupes de maisons, qui se reproduisent de génération en génération, mais à la mobilisation de parentèles, mobilisation d’autant plus efficace pour conquérir le pouvoir politique au XIXe et au XXe siècle qu’elle est numériquement importante. L’ethnologue Claude Karnoouh50 a montré qu’en Lorraine, zone de partage égalitaire, les lignes de partage et de recomposition de ces coalitions de parentèles se profilent à partir et autour des conflits fonciers entre collatéraux.
- 51 Rosental (Paul-André), « Les liens familiaux, forme historique ? », Les solidarités familiales en q (...)
27L’intensité des liens et des solidarités concerne également les parentèles des citadins. P.A. Rosental51 a observé les résidents d’une petite rue dans un faubourg de Lille au XIXe siècle. Il est frappé par l’hétérogénéité des structures relationnelles des familles : à des ménages isolés s’opposent de véritables « fronts de parenté » qui font coexister sur un espace réduit des grappes de ménages apparentés. Les échanges et les marques de solidarité y sont intenses : travail en commun, circulation quasi exclusive des professions dans la parenté, hébergement des parents mais aussi des frères et sœurs au moment de la vieillesse. Les déterminations économiques sont impuissantes à justifier la diversité qu’il constate. Les fronts de parenté descendent de couples pionniers à qui l’installation précoce dans la rue a conféré une avance irrattrapable dans l’usage des ressources locales. La logique de la diversité des familles apparaît ici historique.
- 52 Petitfrère (Claude), Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l’Antiq (...)
28Ces solidarités économiques permettent l’exercice de pouvoirs informels, mais aussi de pouvoirs institués, en particulier le pouvoir municipal. Reportons-nous aux analyses des parentèles dans les processus d’accès ou de conservation du pouvoir municipal dans des grandes villes à l’époque moderne dont témoignent quelques contributions présentées ici : Nantes, Toulouse, Rodez, Bergerac, Salamanque. Il s’agit de repérer les réseaux de parents et d’amis dont disposent les familles dominantes. S’inspirant de travaux de sociologues, plusieurs historiens ont mis au point des méthodes sophistiquées (en particulier graphiques) pour repérer des réseaux sociaux dont ils cherchent à préciser les caractéristiques52. Plusieurs contributions de ce colloque s’en inspirent.
- 53 Bonvalet (Catherine) et alii, « Proches et parents », Population, 1993, I, p. 83-110.
- 54 Annales de Démographie Historique : Les réseaux de parenté, 1995.
- 55 Bonvalet (Catherine) et Lelièvre (Eve), « Du concept de ménage à celui d’entourage : une redéfiniti (...)
29Je me suis attachée particulièrement à l’une d’entre elles parce qu’elle fait écho à des travaux anthropologiques ou sociologiques que je connais davantage. S. Mouysset et J. Thomas proposent de partir des livres de raison pour faire une analyse des réseaux de parents et des partenaires économiques d’un individu, dont on connaît bien par ailleurs le statut de pouvoir. La méthode se rapproche de celle qu’utilisent couramment les ethnologues consistant à repérer la parentèle d’un individu (ego) à partir de la nomenclature qu’il en fait. C’est en procédant de cette manière que les démographes de l’INED ont établi le réseau des « Proches et parents » des Français d’aujourd’hui dans une vaste enquête statistique dont les objectifs étaient d’approfondir la connaissance de la famille étendue, d’explorer le réseau des affinités et d’étudier les usages sociaux du réseau familial et amical. L’enquête met en lumière le rôle des réseaux pour trouver un logement ou un travail par exemple53 ; elle a inspiré aussi les historiens démographes qui ont fait de ce thème l’objet de leurs entretiens annuels en 199454. Aujourd’hui, démographes et sociologues reprennent en l’affinant ce type d’analyse en adoptant un nouveau concept, celui d’entourage, plus large que celui de ménage et moins que celui de parentèle puisqu’il comprend des proches et amis55.
- 56 Les ego documents à l’heure de l’électronique : nouvelles approches des espaces relationnels, étude (...)
- 57 Klapisch-Zuber (Christiane), « Parrains et filleuls, une approche comparée de la France, l’Angleter (...)
30Cependant, les livres de raison posent aux historiens des problèmes spécifiques. En principe, les scripteurs donnent les informations nécessaires pour distinguer consanguins alliés et parents spirituels puisque généralement sont notés les événements familiaux, naissances, baptêmes, mariages, décès. On connaît ainsi les parrains et marraines choisis pour chacun des enfants, ce qui permet de saisir les liens de compérage. L’utilisation de ces ego documents (livres de raison, correspondances) ouvre des voies extrêmement fécondes. Cependant, comme le rappelle Jean Boutier, ce qui est écrit peut correspondre davantage à une logique de gestion familiale qu’à la réalité des liens du scripteur qui peut ne rien écrire sur ses proches les plus importants56. En même temps, on sait tout le profit que Christiane Klapisch-Zuber a tiré des Ricordanze pour l’étude du compérage à Florence à la Renaissance57.
Compères et amis, patrons et clients
- 58 Les amis et les autres, Mélanges en l’honneur de John Peristiany, Textes réunis par S. Damianikos, (...)
- 59 Fine (Agnès), Parrains, marraines. La parenté spirituelle en Europe, Paris, Fayard, 1994.
31Les ethnologues de leur côté s’intéressent depuis longtemps au contenu très varié de la relation d’amitié, entre complicité affective et alliance politique, dans les différentes sociétés européennes58. L’un des cadres privilégiés est le compérage de baptême que j’ai particulièrement étudié. On me pardonnera de m’y attarder un peu59, mais il s’agit d’un des domaines où l’apport de l’anthropologie à l’histoire est déterminant et qui concerne tout particulièrement les rapports entre parenté et pouvoirs.
- 60 Lynch (Joseph), Godparents and Kinship in Early Medieval Europe, Princeton, Princeton University Pr (...)
- 61 Jussen (Bernard), « Le parrainage à la fin du Moyen Age : savoir public, attentes théologiques et u (...)
32La tradition anthropologique (analysant le compérage en Amérique centrale), distingue le compérage intensif, lorsque les parrains sont pris dans la parenté, et le compérage extensif, lorsqu’ils sont pris hors de la parenté, parce que dans ce cas, il étend les relations sociales hors de la famille. Entre le VIe siècle où les parrains ne peuvent plus être les parents de l’enfant et la fin du Moyen Age, le compérage est extensif, c’est-à-dire que chaque baptême crée un lien spécifique entre parents et parrains. J. Lynch60 a épluché les sources franques pour saisir la réalité et le contenu du lien de compérage dans la partie occidentale de l’Europe médiévale pendant le haut Moyen Age. Les normes qui régissent la relation consistent à se protéger l’un l’autre, ne pas se refuser mutuellement une requête, enfin s’aimer, avoir de l’affection l’un pour l’autre. Le compérage permet de se créer des alliés sur le plan politique, économique et personnel dans un contexte social où il existe des clans familiaux rivaux. Il s’agirait de liens personnels pacifiques à replacer dans un ensemble plus large où se pratiquent fréquemment l’usage des serments, et le regroupement des individus dans des ghildes et des confréries de prières61. Selon Lynch, il existait des rites créateurs de parenté dans la société mérovingienne, par exemple, la première coupe de cheveux d’un garçon. mais tous ces rites de parenté parallèle ont été évincés par la parenté spirituelle, le parrainage de baptême multipliant les occasions de se créer des amis dans la mesure où il concerne aussi bien les filles que les garçons. Les nombreux conciles qui, de la fin du IXe siècle au concile de Trente, cherchent à limiter le nombre des parrains, témoignent de l’engouement pour ce type de liens. Au baptême s’ajoutent en effet d’autres occasions de se créer des compères : la confirmation dans l’Ouest de la chrétienté, le mariage dans l’Est (mais aussi dans une bonne partie de l’Espagne). S’ajoutent aussi des compérages non reconnus par l’Eglise et qu’elle dénonce parce qu’ils créent, en même temps que des liens de parenté, des interdits de mariage.
33Des liens d’amitié s’entrelacent entre les familles un peu partout en Europe, mais sans doute de manière une peu différente à l’Ouest et à l’Est. En effet, à partir de la fin du Moyen Age, la distinction entre les deux parties de la chrétienté devient évidente lorsque peu à peu, dans l’Ouest, on choisit les parrains dans la parenté proche. C’est ainsi que le compérage comme lien rituel susceptible de créer des liens d’amitié tombe en désuétude. Pourquoi cette évolution ici, alors que le compérage perdure dans l’Europe méridionale ?
- 62 Mintz (Sydney) and Wolf (Eric), « An analysis of Ritual Co-Parenthood », Southwestern Journal of An (...)
- 63 Voir sur ce point, Pitt-Rivers (Julian), « La decadencia del Compadrazgo », Conférence do Museo do (...)
34Je n’évoquerai pas sur ce point les hypothèses des différents chercheurs, mais j’en exposerai au moins une, parce qu’elle touche au problème du rapport entre parenté et pouvoir qui nous occupe. Mintz et Wolf62 ont souligné qu’à la fin du Moyen Age, avec l’extension du commerce et le démarrage d’une civilisation industrielle, les mécanismes de contrôle social fondés sur la parenté de sang et la parenté rituelle avaient décliné progressivement pour laisser place à d’autres formes de contrôle et d’association, Dans l’Europe de l’Ouest, le poids de l’Etat aurait instauré un ordre social stable entre groupes familiaux ou sociaux antagonistes qui ne rendait plus nécessaires les alliances pacificatrices créées par les compérages. Le compérage ne se serait maintenu en Europe que dans les régions où la désintégration des structures de la parenté était moins complète, en particulier dans l’Europe méridionale, hypothèse confirmée par la coexistence entre amitié formalisée et hostilité formalisée entre groupes, compérage et vendetta63.
- 64 Voir la synthèse de Nutini (Hugo), Ritual Kinship. Ideological and Structural Integration of Compad (...)
- 65 Hammel (Eugène E.), Alternative Social structure and Ritual relations in the Balkans), Englewood Cl (...)
35S’il existe une floraison d’études anthropologiques sur l’Amérique latine64, elles sont plus rares en Europe. Citons cependant l’étude pionnière de E. Hammel pour les Balkans et celle de B. Palumbo sur le compérage italien65. Du côté des historiens, compte tenu de la disparition de l’institution évoquée plus haut, ce sont surtout les médiévistes qui ont pu en analyser le fonctionnement concret quand ils disposaient de sources assez abondantes. Il me semble qu’il devrait y avoir matière à ce type de recherches pour les historiens de l’Amérique latine à l’époque moderne, mais peut-être existe-t-il des travaux récents que j’ignore. En tous cas, j’ai été surprise de ne pas trouver de contribution portant précisément sur cette question.
- 66 Klapisch-Zuber (Christiane), « Le comparatico à Florence : parenté spirituelle et relations familia (...)
36On peut se demander quel est le contenu exact des liens entre compères ? Lorsque le compérage est « horizontal », c’est-à-dire quand les parrains sont choisis dans le même groupe social que les parents du filleul, les compères sont un peu comme des alliés. Comme le fait le mariage, le compérage crée la paix, des liens de solidarité, et éventuellement des échanges entre individus et groupes. Les analyses de C. Klapisch-Zuber révèlent que les marchands florentins de la fin du Moyen Age pratiquaient un compérage « multiplicateur » d’alliances. Les compères, surtout des hommes, apparaissent généralement par groupe de deux ou trois personnes (soit près de 70 % de l’échantillon étudié par l’auteur) ou même davantage, la palme revenant à un enfant Petrucci doté en 1445 de 22 parrains et trois marraines. Ces compérages étaient monnaie courante chez les patriciens qui requéraient systématiquement le compérage des collègues avec lesquels ils exerçaient des fonctions politiques. Si l’on ajoute aux parrains de leurs propres enfants les compères acquis par les baptêmes auxquels ils prenaient part en tant que parrains, les Florentins se trouvaient ainsi alliés à un nombre impressionnant de personnes, des parentèles de plus de 200 personnes66.
37Lorsque le compérage est vertical, c’est-à-dire quand les parrains sont choisis dans un autre groupe social, généralement supérieur, il crée plutôt des relations de patrons/clients, le compérage impliquant un échange inégal de biens et de services contre la reconnaissance, le prestige, l’honneur, caractéristique de la relation de patronage. Plusieurs contributions évoquent cette relation, en particulier au sein de la domesticité. Ces relations inégales semblent bien éloignées du modèle de l’alliance, a fortiori de celui de la fraternité qui en est au cœur. Pourtant elles ne sont possibles que parce que le compérage implique une égalité qu’implique la réciprocité du terme compère. Les titres liés au statut social s’effacent devant celui de compère comme si le compérage annulait la hiérarchie sociale. La conclusion que propose C. Klapisch-Zuber sur le compérage florentin de la Renaissance peut être étendue à d’autres sociétés. Même lorsque le compérage lie des individus qui n’ont pas le même statut social, « il se distingue du pur clientélisme par la nature affective des liens qu’il est censé créer entre compères, l’égalité entre parents spirituels étant comme sous-entendue tout au long de leurs rapports ». L’affection fait en effet partie de la relation de compérage, elle est requise comme l’amour dans le mariage l’est aujourd’hui.
- 67 Elle a souvent été empruntée avec profit par les historiens. On ne peut pas les citer tous. Voir pa (...)
38On reviendra sur la question des rapports patrons/clients. Mais auparavant, on peut s’interroger sur l’intérêt d’étudier les parrainages dans nos sociétés à l’époque moderne, époque où le lien rituel de compérage a disparu au profit d’un lien personnel dont le contenu est parfois plus difficile à définir. Cependant l’analyse des choix des parrains paraît une voie privilégiée pour analyser les réseaux entre familles de pouvoirs67. J. Thomas et S. Mouysset montrent qu’il y a très souvent coexistence de choix des parrains dans et hors de la parenté, et que si les choix dans la parenté répondent à des normes qui deviennent très pesantes, grand-père paternel et grand-mère maternelle pour l’aîné, l’inverse pour le cadet, puis les oncles et tantes consanguins et alliés, dans la pratique les choix sont plus souples, tiennent compte de la proximité géographique, du prestige social et des stratégies personnelles des pères de famille. Quand on peut, on choisit des parrains prestigieux. Au Pays de Sault, par exemple, entre 1737 et 1792, les parrains sont systématiquement pris dans la parenté. Cependant, dans le village où résidait le notaire, lui-même et son épouse ont été sollicités une dizaine de fois par les habitants du village, ce qui a eu pour effet d’y introduire durablement son prénom composé, Jean-Pierre, signe de distinction sociale.
- 68 Pegeot (Pierre), « Un exemple de parenté baptismale à la fin du Moyen Age : Porrentruy 1482- 1500 » (...)
39Pour analyser de plus près l’évolution générale des pratiques, il faut les étudier de manière statistique, dans des unités, assez grandes pour qu’il y ait diversification sociale, mais pas trop pour que la manipulation de l’information nominative soit possible : la reconstitution des familles selon la méthode de L. Henry est seule susceptible de donner des informations sur les relations de parenté entre parents et parrains lorsqu’elles ne sont pas indiquées par le curé. P.Pégeot a réalisé des recherches sur Porrentruy68, une petite ville de marchands et d’artisans, à partir de registres paroissiaux parmi les plus anciens d’Europe. Ce sont les prêtres d’abord puis les nobles et les bourgeois, surtout les plus riches, qui sont les parrains les plus recherchés. Les parents s’adressent à des notables, à la fois dans un souci de recherche de prestige et de protection efficace. En revanche, les nobles choisissent pour leurs enfants des personnes de leur propre groupe social. L’auteur note aussi que toutes les familles de notables ne sont pas liées entre elles, et il repère des clans, avec chacun son réseau de clients.
- 69 Rajkay (Barbara) et Reihnard (W.), « Le choix des parrains et marraines à Oettingen (XVIe-XVIIIe) » (...)
- 70 Schlumbohm (Jürgen), « Quelques problèmes de micro-histoire d’une société locale. Construction de l (...)
40Une autre étude très fouillée porte sur la communauté d’Oettingen, ville bi confessionnelle située au Nord de la Souabe69. Les auteurs montrent que l’on passe d’un compérage vertical à un compérage horizontal. Au XVIe siècle, les membres de la famille du comte catholique sont parrains d’enfants issus de plus de 50 familles différentes de tous les niveaux sociaux, et ce type de compérage s’observe dans des classes sociales élevées et moyennes : un meunier est ainsi parrain d’enfants issus de 26 familles. Peu à peu on passe de ce compérage asymétrique à un compérage horizontal, tendance renforcée par la législation princière. Il est dit entre autres que « le pauvre, pour ainsi dire, rançonne le riche par les parrainages ». Les conseillers municipaux restent malgré tout des parrains préférés ; les artisans restent dans leur classe sociale mais les journaliers essaient de prendre des représentants d’un bon métier ou au moins les serviteurs des gens bien situés en ville. Cette recherche ouvre des pistes très intéressantes sur la prise de distance entre groupe sociaux qui se fait à cette époque de montée du pouvoir d’Etat et de l’absolutisme. L’asymétrie des relations de parrainage se vérifie également à la fin du XVIIIe et au milieu du XIXe siècles, dans la paroisse de Belm70 (Nord-Ouest de l’Allemagne), un ensemble de villages et hameaux très stratrifiés socialement, où les parrains sont presque toujours choisis dans des groupes sociaux égaux ou supérieurs. Les Heverlinge (fermiers) sollicitent assez souvent le parrainage du propriétaire chez lequel ils vivent et travaillent, ce qui est d’autant plus remarquable que des tensions sociales souvent assez vives traversent ces deux groupes sociaux.
41Dans le courant du XXe siècle, dans les pays méditerranéens, les liens de compérage se retrouvent fréquemment dans le patronage politique. En Corse au début du siècle, les parrainages des notables étaient recherchés autant par les personnes défavorisées que par ceux qui y voyaient un moyen de se créer une clientèle fidèle. Les anciens de Sartène m’ont expliqué comment, après la première guerre mondiale, deux hommes politiques se servaient du compérage pour étendre leur sphère d’influence. Ils avaient des filleuls si nombreux qu’ils ne se souvenaient ni de leur nom ni de leur nombre, L’un d’eux, m’a t-on dit, en avait 300, ce qui l’assurait de leurs votes, car, bien entendu, « on ne peut pas voter contre un cumpà » ! Le compare politico reste un phénomène important dans la Calabre d’aujourd’hui. Les petites gens sollicitent le parrainage d’un notable dans l’espoir que celui-ci les aidera à trouver un emploi, à obtenir des allocations ou des autorisations diverses. De leur côté, les notables sont flattés d’être sollicités et acceptent d’autant plus volontiers de devenir parrains que leur promotion à l’intérieur de leur parti politique, dépend du nombre de leurs compères, c’est-à-dire des votes que leur candidature est assurée de recueillir. Et eux-mêmes, font parrainer leurs propres enfants par des hommes politiques de rang national, ce qui permet de créer des liens personnels à chacun des niveaux du pouvoir politique (liens qui s’emboîtent les uns les autres comme des poupées russes !).
- 71 Lenclud (Gérard) « De bas en haut, de haut en bas. Le système des clans en Corse », Etudes rurales, (...)
42On voit comment le compérage se coule dans le clanisme corse71 dont les deux caractéristiques essentielles, selon G. Lenclud, sont le bipartisme politique (partitu et contra-partitu, ou partitone et partitellu) et l’affiliation obligée (ou la neutralité impossible) sur la base de solidarités familiales, celles de la consanguinité et de l’alliance. Pour lui, « cette logique de représentation de la société consacre la communauté de sang, au moins jusqu’au troisième degré inclus, en seule entité au sein de laquelle la guerre est impossible et la solidarité obligatoire ». C’est pourquoi l’analyse de l’hostilité entre clans, de la guerre et du conflit politique est une voie privilégiée pour mettre à nu les solidarités et les alliances. Sa remarque peut-être étendue de manière plus générale à l’analyse des tensions et conflits familiaux comme manière de comprendre les normes familiales.
43Lors d’une émission radiophonique diffusée juste avant ce colloque, une femme corse (dont je n’ai pas retenu le nom), présentée comme une militante antiraciste, ancienne résistante, déportée, a parlé des « valeurs corses » et dénoncé les pratiques honteuses qui ont cours dans son île à laquelle elle est profondément attachée. Elle a évoqué rapidement les fraudes électorales et dénoncé le système des clans qui lui paraît contraire aux principes de la démocratie pour laquelle elle s’est toujours battue avec conviction. « Le vote doit émaner d’un choix personnel et non d’une consigne de groupe clanique », expliquait-elle. Son témoignage était d’un grand intérêt historique et anthropologique en ce qu’il posait la question de la définition de l’individu dans un système social. La démocratie, née avec la modernité, repose en effet sur une certaine idée de l’individu, pris dans sa singularité, détaché des liens familiaux. Or dans beaucoup de sociétés holistes, l’individu n’est pas grand chose en lui-même, il est d’abord et avant tout membre d’un groupe, et d’abord de son groupe de parenté. Cette personne disait qu’en Corse, on ne demandait pas à quelqu’un « qui es-tu ? mais de qui es-tu ? » Or il faut se souvenir que la loi du 5 mai 1855, interdisait pour les communes de plus de 500 habitants, aux ascendants, descendants, frères et alliés du même degré de siéger simultanément dans le même conseil municipal. Les liens politiques familiaux seraient-ils contradictoires avec l’idéal démocratique ? Les contributions sur le vote familial peuvent-elles s’inscrire dans cette problématique anthropologique ? Telles sont, entre autres, les questions que les anthropologues du pouvoir et de la parenté peuvent poser aux historiens des pouvoirs de la famille. Mais il y en a bien d’autres qui émergent de la lecture des riches contributions qui suivent.
Bibliographie
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Notes
1 Article paru dans l’important numéro double des Annales ESC sur la famille, cf. Bourdieu (Pierre), « Les stratégies matrimoniales dans le système de reproduction », Annales ESC, 1972, 4-5, p 1105-1127.
2 Bourdieu (Pierre) « De la règle aux stratégies » (Entretien réalisé par Pierre Lamaison), Terrain, 4, mars 1985.
3 Goody (Jack), Thirsk (J.), Thompson (E.P.), Family and Inheritance. Rural Society in Western Europe, 1200-1800, London, Cambridge UP, 1976.
4 Terrain, Famille et parenté, 5, 1985.
5 Voir Barthélémy (Tiphaine), « Les modes de transmission du patrimoine. Synthèse des travaux effectués depuis quinze ans par les ethnologues de la France », Etudes Rurales, 110- 111-112, La terre : succession et héritage », avril-déc, 1988. Voir aussi Transmettre, hériter, succéder, sous la dir de R. Bonnain, G. Bouchard, J. Goy, Paris, 1992.
6 Voir par exemple le Gévaudan étudié par Claverie (Elisabeth) et Lamaison (Pierre), L’impossible mariage, Paris, Hachette, 1983.
7 Burguière (André), « Pour une typologie des formes d’organisation domestique de l’Europe moderne (XVe-XIXe siècles), Annales ESC, 3, 1986 ; un bon exemple du dialogue histoire/anthropologie : les trois tomes de l’Histoire de la famille, dirigés par Burguière (André), Klapisch-Zuber (Christiane), Ségalen (Martine) Zonabend (Françoise), Paris, A.Colin, 1986 ; voir également Goody Jack, The development of the family and marriage in Europe, Cambridge University Press, 1983.
8 Le Play (Frédéric), Les Mélouga. Une famille pyrénéenne au XIXe siècle, Paris, Saint Michel, 1871.
9 Sur la critique apportée par Butel à l’analyse de Le Play, voir la postface d’André Chenu à la réédition de l’ouvrage de F. Le Play, Paris, Nathan, 1994.
10 Sur le pays de Sault, par ordre chronologique, voir Le Roy-Ladurie (Emmanuel), Montaillou, village occitan, Paris, Gallimard, 1975 ; Fine (Agnès), « A propos de la famille-souche pyrénéenne », Annales ESC, 1977, p 478-487 ; Meunier (H) et Villeneuve (A), Famille et patrimoine dans cinq communes de l’Aude, mémoire de maîtrise d’histoire, Paris 1, 1978 ; Vu Tien Khang (Jacqueline), Sevin (André), Choix du conjoint et patrimoine génétique, Etude de quatre villages au Pays de Sault de 1740 à nos jours, CNRS, 1977 ; Fine (Agnès), « Hommes dotés, femmes dotées dans la France du Sud », dans G. Ravis Giordani (dir), Femmes et patrimoines dans les sociétés rurales de l’Europe méditerranéenne, Paris, CNRS, 1987, p 39-59 ; Thibon (Christian), Pays de Sault. Les villages et l’Etat dans les Pyrénées audoises, Toulouse, CNRS, 1988
11 Sur les Baronnies, voir les travaux de R. Bonnain et G. Augustins dans I. Chiva et J. Goy (dir), Les Baronnies des Pyrénées. Anthropologie et histoire, Paris, Ed. de l’EHESS, 2 vol., 1981 et 1986 ; Fauve-Chamoux (Antoinette), « Le fonctionnement de la famille-souche dans les Baronnies des Pyrénées avant 1914 », Annales de Démographie historique, 1987.
12 Sur le Capcir, voir Assier-Andrieu (Louis), Coutume et rapports sociaux, Etude anthropologique des communautés paysannes du Capcir, Toulouse, CNRS, 1981.
13 Sur la vallée de Barèges, voir Rieu-Gout (Anne Marie) et Sauzéon-Broueilh, (Marie-Laure), Le choix du conjoint et la transmission du patrimoine dans la vallée de Barèges. Thèse de doctorat de sociologie, Toulouse, 1979.
14 Sur le village de Saint Engrâce en Pays basque, voir Ott (Sandra), The circle of mountains : a Basque shepherding community, Oxford, Clarendon, 1981 ; Etchelecou (André), Transition démographique et système coutumier dans les Pyrénées occidentales, Paris, INED, 1999.
15 Lisón-Tolosana (C), « La casa en Galicia », Ensayos de antropologia social, Ayuso, 1973.
16 Les actes paraissent en 1986 sous le titre Los Pirénéos, Estudios de antropologia social e historia, Madrid, 1986.
17 Augustins (Georges), Pourquoi se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysanneries européennes. Société d’ethnologie. Nanterre, 1989.
18 Par exemple en Bretagne, dans le pays Bigouden, voir Ségalen (Martine), Quinze générations de Bas-Bretons. Mariage, parentèle et société dans le pays bigouden sud. Paris, PUF, 1985.
19 Ravis-Giordani (Georges) et Ségalen (Martine) (dir.), Les cadets, Paris, éd. CNRS, 1994.
20 Fauve-Chamoux (Antoinette), « Mariages sauvages contre mariages souches : la guerre des cadets », Les cadets, op.cit.
21 Lancien (Didier), « Le sort des cadets dans les grandes familles de l’aristocratie et de la bourgeoisie britanniques (entre 1890 et 1920), Ago (Renata), « Destin des cadets et carrière ecclésiastique dans la noblesse italienne du XVIIe siècle », in Ravis-Giordani (Georges) et Ségalen (Martine), Les cadets, op.cit.
22 Voir leurs contributions dans ce volume.
23 Les cadets, op.cit., p. 17-18.
24 Sur ce point, voir Cicirelli (V.G.), « Sibling relationships in Cross-Cultural Perspective », Journal of Marriage and the Family, 1994, 56, p. 7-20. L’aînesse a des effets, y compris dans la société française contemporaine où domine la norme de l’égalité entre enfants. Etudiant plusieurs cohortes de femmes nées entre 1910 et 1949, le statisticien Guy Desplanques a montré que les aînées font en moyenne plus d’études que leurs cadettes. Voir « La chance d’être aîné », Economie et statistique, 1981, 137, p. 53-56.
25 Peristiany (John G) (dir.), Dote y matrimonio en los paises mediterraneos, Centro de investigaciones sociologicas, Madrid, 1987.
26 Ravis-Giordani (Georges) (dir), Femmes et patrimoines… op.cit.
27 Plusieurs historiens se sont intéressés à la dot des femmes en Italie où existe depuis longtemps le régime dotal. Voir par exemple l’article de Delille (Gérard), « Dots des filles et circulation des biens dans les Pouilles aux XVIe-XVIIe siècles », Melanges... MEFRM., 95, 1, 1983, p. 195-224 ; voir aussi Martini (M.), « Doti e successioni a Bologna nell’Ottocento. I comportamenti patrimoniali del ceto nobiliare », Quaderni Storici, 92, 1996, p. 269-304.
28 Contrairement au pays bigouden et à la Bourgogne analysés respectivement par Martine Ségalen, Quinze générations… op.cit., et Pingaud (Marie-Claude), « Investigation généalogique et transmission égalitaire », La généalogie entre science et passion, ed du CTHS, 1996, p. 231-246.
29 A Athènes à l’âge classique, les garçons héritent à part égale des biens immobiliers tandis que leurs sœurs sont exclues de ce type de biens et dotées, leur dot représentant une part minime de l’héritage de leurs parents. Voir Leduc (Claudine), « Comment la donner en mariage ? La mariée en pays grec, VIIIe-IVe siècle av. J.-C. », Histoire des femmes en Occident, sous la direction de G. Duby et M. Perrot, 1, L’Antiquité, p. 259-316.
30 Vernier (Bernard), « La circulation des biens, de la main d’œuvre et des prénoms à Karpathos. Du bon usage des parents et de la parenté », Actes de la recherche en sciences sociales, 1980, 31 ; « Stratégies matrimoniales et choix d’objet incestueux. Dot, diplôme, liberté sexuelle, prénom », Actes de la recherche en Sciences Sociales, 1985, 57/58, p. 3-27.
31 Fine (Agnès), « Hommes dotés, femmes dotées dans la France du Sud », art.cit.
32 Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, Femmes, dot et patrimoines, 7, 1998.
33 Fine (Agnès) et Leduc (Claudine), « La dot, Anthropologie et histoire. Cité des Athéniens, VIe-IVe siècle, Pays de Sault (Pyrénées audoises), fin XVIIIe siècle-1940 », Clio, Histoire, Femmes et Sociétés, 1998, 7, p. 19-50.
34 Testart (Alain), « Pourquoi la dot ici et là son contraire ? Exercice de sociologie comparative des institutions », Droit et Cultures, 1996, 32, p. 7-35 ; 1996, 33, p. 117-138 ; 1998, 34.
35 Voir ces trois contributions dans ce volume.
36 Sur ce point la bibliographie est très importante. Signalons seulement deux étapes importantes du dialogue entre anthropologie et histoire, démographie et histoire, avec le numéro thématique de L’Homme, 1980, 20 (4) ainsi que Le prénom, Mode et Histoire. Entretiens de Malher, 1980, sous la direction de J. Dupâquier, A. Bideau et M.E. Ducreux, Paris, 1984 ; voir aussi Nassiet (Michel), « Nom et blason. Un discours de la filiation et de l’alliance (XIVe-XVIIIe siècle) », L’Homme, 129, 1994, XXXIV (1), p. 5-30.
37 Le Wita (Béatrix), « La mémoire familiale des Parisiens appartenant aux classes moyennes », Ethnologie française, 14, 1984.
38 Voir Burguière (André), « La mémoire familiale du bourgeois gentilhomme », Annales ESC, 1991, 4, p. 771-787.
39 La généalogie entre science et passion. Textes réunis et présentés par Tiphaine Barthélémy et Marie-Claude Pingaud, Editions du CTHS, Paris, 1997.
40 Klapisch-Zuber (Christiane), L’ombre des ancêtres, Essai sur l’imaginaire médiéval de la parenté, Paris, Fayard, 2000 et L’arbre des familles, Paris, éd. de la Martinière, 2003.
41 Pedroso de Lima (Antonia), Grandes familias, Grandes Empresas. Ensaio antropologico sobre uma elite de Lisboa, D. Quixote, 2003 ; voir aussi en collaboration avec Pina-Cabral (Joào) (dir), Elites ; Choices, Leadership and Succession, Berg, 2002.
42 Thibon (Christian), Pays de Sault…, op.cit.
43 Pourcher (Yves), Les maîtres de granit, Paris, Olivier Orban, 1987.
44 Abelès (Marc), « Avoir du pouvoir politique », M. Ségalen (dir), Jeux de familles, 1987, p. 79-97.
45 L’héritage des fonctions politiques concerne aussi le niveau national et la magistrature suprême. Un documentaire diffusé en octobre 2004 sur Arte, la « Dynastie Bush », montre comment le pouvoir économique, conquis par Georges Bush (père) dans l’industrie pétrolière au Texas, a permis son accession à la présidence des USA ainsi que celle de ses deux fils, Georges W. et Jeb, aux fonctions de gouverneurs des Etats du Texas et de Floride, puis pour Georges W. à celle de président des Etats-Unis.
46 Pourcher (Yves), op.cit., p. 280.
47 Sagnes (Sylvie), Racines et enracinement. Parenté et localité dans la France contemporaine. Thèse pour le doctorat d’anthropologie sociale et historique de l’Europe, EHESS, 2000, à paraître aux éditions de la Maison des sciences de l’Homme en 2005.
48 Levi (Giovanni), Le pouvoir au village, Paris, Gallimard, 1989.
49 Voir Levi, op.cit., p. 201.
50 Karnoouh (Claude), « La démocratie impossible. Parenté et politique dans un village lorrain », Etudes Rurales, 1973, 52, p. 24-56.
51 Rosental (Paul-André), « Les liens familiaux, forme historique ? », Les solidarités familiales en questions, coord. par D. Debordeaux et P. Strobel, Paris, LGDJ, 2002.
52 Petitfrère (Claude), Construction, reproduction et représentation des patriciats urbains de l’Antiquité au XXe siècle, Tours, CEHVI, 1999 ; voir également Castellano (Jean-Louis) et Dedieu (Jean-Pierre), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS, 1998 ainsi que Bertrand (Michel), Configuraciones y redes de poder. Un análisis de las relaciones sociales en América Latina, Fondo Editorial Tropykos, Caracas, 2002.
53 Bonvalet (Catherine) et alii, « Proches et parents », Population, 1993, I, p. 83-110.
54 Annales de Démographie Historique : Les réseaux de parenté, 1995.
55 Bonvalet (Catherine) et Lelièvre (Eve), « Du concept de ménage à celui d’entourage : une redéfinition de l’espace familial », Sociologie et sociétés, vol. XXVII, 2, 1995, p 177-190 ; Bonvalet (Catherine) et Maison (Dominique), « Famille et entourage : le jeu des proximités », in Bonvalet C., Gotman, A., Grafmeyer, Y. (éd.), La famille et ses proches, Paris, INED, PUF, 1999, p. 27-67.
56 Les ego documents à l’heure de l’électronique : nouvelles approches des espaces relationnels, études réunies par P.Y. Beaurepaire et D. Taurisson, Actes du colloque de Montpellier d’octobre 2002, Mercure/ed, Montpellier, 2003 avec la postface de Jean Boutier, « Sources, objets, outils. Quelques remarques pour éviter de conclure ».
57 Klapisch-Zuber (Christiane), « Parrains et filleuls, une approche comparée de la France, l’Angleterre et l’Italie médiévale », Medieval Prosopography, 1985, 6 (2), p. 467-502 ; du même auteur, « Compérage et clientélisme à Florence (1350-1520) », Ricerche storiche, 15, 1985, p. 61- 76.
58 Les amis et les autres, Mélanges en l’honneur de John Peristiany, Textes réunis par S. Damianikos, M.E. Handman, J. Pitt-Rivers, G. Ravis-Giordani, Athènes, 1995 ; voir également, Ravis-Giordani (Georges), Amitiés. Anthropologie et histoire, Publications de l’Université de Provence, 1999.
59 Fine (Agnès), Parrains, marraines. La parenté spirituelle en Europe, Paris, Fayard, 1994.
60 Lynch (Joseph), Godparents and Kinship in Early Medieval Europe, Princeton, Princeton University Press, 1986.
61 Jussen (Bernard), « Le parrainage à la fin du Moyen Age : savoir public, attentes théologiques et usages sociaux », Annales ESC, mars-avril 1992, 2, p. 467-502.
62 Mintz (Sydney) and Wolf (Eric), « An analysis of Ritual Co-Parenthood », Southwestern Journal of Anthropology, VI, 1950, p. 341-368.
63 Voir sur ce point, Pitt-Rivers (Julian), « La decadencia del Compadrazgo », Conférence do Museo do Pobo Galego, Santiago de Compostela, Texte dactylographié. Pour ma part, j’ai proposé d’autres hypothèses de type moins sociologique mais complémentaires de celles-ci.
64 Voir la synthèse de Nutini (Hugo), Ritual Kinship. Ideological and Structural Integration of Compadrazgo System in Rural Tlaxcala, Princeton, 1980 et 1984.
65 Hammel (Eugène E.), Alternative Social structure and Ritual relations in the Balkans), Englewood Cliffs, NJ. Printice Hall, 1968 ; Palumbo (Berardino), Madre, madrina. Rituale parentela e identità in un paese del Sannio, Milano, Franco Angeli, 1991.
66 Klapisch-Zuber (Christiane), « Le comparatico à Florence : parenté spirituelle et relations familiales avant la Contre-Réforme (XIVe-XVIe siècles), Actes du Convegno internazionale stutture e rapporti familiari in epoca moderna, Trieste, 1983.
67 Elle a souvent été empruntée avec profit par les historiens. On ne peut pas les citer tous. Voir par exemple le réseau de parrainage des six familles appartenant à la Compagnie du corail à Marseille, société de négoce, dont le rôle économique considérable se double d’une influence politique importante au sein du conseil de ville. Cf. Kaiser (W.), Marseille au temps des troubles, 1559-1596. Morphologie sociale et lutte des factions, Ed de l’EHESS, Paris, 1992 ; voir aussi les liens de parenté spirituelle entre les consuls de Rodez aux XVIe et XVIIe siècles, Mouysset (Sylvie), Le pouvoir dans la bonne ville. Les consuls de Rodez sous l’Ancien Régime, Rodez, CNRS, 2000.
68 Pegeot (Pierre), « Un exemple de parenté baptismale à la fin du Moyen Age : Porrentruy 1482- 1500 », Les entrées dans la vie. Initiations et apprentissages, Presses Universitaires de Nancy, 1981, p. 53-70.
69 Rajkay (Barbara) et Reihnard (W.), « Le choix des parrains et marraines à Oettingen (XVIe-XVIIIe) », Aux sources de la puissance. Sociabilités et parentés. Actes du Colloque de Rouen. Textes réunis par F. Thélamon, Publications de l’Université de Rouen, 1989.
70 Schlumbohm (Jürgen), « Quelques problèmes de micro-histoire d’une société locale. Construction de liens sociaux dans la paroisse de Belm (XVIIe-XIXe siècles), Annales HSC, Juillet-août 1985, p. 775-802.
71 Lenclud (Gérard) « De bas en haut, de haut en bas. Le système des clans en Corse », Etudes rurales, 1986, 101-102, p. 137-173.
© Presses universitaires du Midi, 2005