Chapitre I. Une industrie paradoxale, puissante, mais avec des faiblesses structurelles
p. 605-639
Texte intégral
1La sidérurgie à la catalane, créatrice d’activités pour certains, de richesse pour d’autres est une industrie puissante dans une région montagneuse ingrate. Son histoire économique est celle d’une activité dont la production échappe aux Pyrénées. Ainsi, malgré sa vigueur, la sidérurgie directe présente des caractéristiques qui la minent. D’abord une grande sensibilité aux crises qui s’explique certes par les aléas de la conjoncture mais dont l’impact est multiplié par des faiblesses structurelles qui la fragilisent, la médiocrité de la fortune des maîtres de forges, la pauvreté du pays, le rôle essentiel de Toulouse et de ses marchands enfin. Dernier handicap : l’absence d’une industrie de transformation du métal réellement forte.
A/ Une forte sensibilité à la conjoncture
1/ De nombreuses crises scandent la période à la catalane
2Le manque de données fiables pour le XVIIe siècle ne permet pas une étude approfondie des mouvements qui parcourent la sidérurgie pyrénéenne. Au XVIIIe siècle par contre et surtout à partir de 1740, des moments de tension peuvent être analysés1.
- Crise de 1741-1747
3Une crise de mévente des fers est perceptible en 1741, les offres de métal sont supérieures à la quantité de fer que l’on fabrique en une année. La chute du commerce du fer a été causée par les « ventes à vil prix » que les maîtres de forges ont été forcés de faire2. En effet, les marchands de Foix, commissionnaires des négociants de Toulouse, ont imposé une diminution de 3 livres sur le prix d’une charge de fer, baisse importante puisque la charge était alors vendue à environ 31 livres 10 sols dans les forges3. Dans un premier temps, vraisemblablement en 1741-1742, il semblerait que les maîtres de forges du comté de Foix, du moins quelques uns d’entre eux, aient persuadé leurs confrères de s’associer et de ne vendre leurs fers « qu’au prix qu’ils jugeraient à propos de fixer ». Cette entente n’a pu être réalisée, mais le but poursuivi a été atteint : le prix du fer fuxéen est supérieur à celui des forges du Languedoc et à celui des fers étrangers débarqués à Bordeaux. Les marchands de Toulouse abandonnent alors les fers du comté et se tournent, en toute logique commerciale, vers le Languedoc voisin. Il s’agit d’une véritable lutte entre industriels ariégeois et marchands toulousains ! Les forces en présence ne sont pas égales, et, de fait, assez rapidement, les maîtres de forges qui, pour la plupart, ne disposent guère de réserves financières doivent renoncer à leurs prétentions et acceptent pour conserver leur clientèle les conditions des marchands de fer, une baisse de près de 10 % du prix4. Circonstance aggravante, forts de leur victoire, les marchands essaient de faire main basse sur le transport du métal en proposant, en 1743, aux voituriers un paiement supérieur à celui donné par les maîtres de forges, « s’attirant la préférence » à partir de Pamiers, cherchant à instaurer un monopole. L’affaire est d’importance puisque les États de Foix qui soutiennent les maîtres de forges, le parlement de Toulouse qui prend fait et cause pour les marchands, participent à ce conflit qui remonte jusqu’au contrôleur général à Versailles5. Ces coups de force se déroulent dans un contexte difficile, depuis 1741 le royaume subit une crise économique cyclique. Ce climat défavorable explique que la situation du comté de Foix en 1745 se transforme en crise qui n’épargne pas les marchands toulousains. Jusqu’à cette date, le commerce était ralenti, dix-huit mois ne suffisaient pas pour vendre la production annuelle de fer du comté. Dans les premiers mois de l’année, les maîtres de forges sont forcés de suspendre l’expédition de leur production parce que les magasins des marchands de Foix et de Toulouse « se trouvent tous remplis faute de débiter ». Les consuls de Vicdessos se plaignent en février 1745 que le fer soit très peu demandé. Cette crise risque de conduire à un arrêt de la fabrication. Cette crainte est d’autant plus fondée que la production du comté et du Languedoc est déjà trop importante6. De plus, les fers des Pyrénées ariégeoises doivent affronter non seulement la concurrence des autres forges de l’aire technique à la catalane dont certaines utilisent le minerai de Rancié, mais encore celle des fers d’autres régions françaises et même de l’étranger, Espagne, Suède, Danemark, qui transitent par le port de Bordeaux.
4Devant la gravité de la crise de surproduction, des solutions sont proposées, certaines draconiennes telle que la démolition des forges dont les propriétaires ne disposent pas de forêts, afin de diminuer l’offre de métal, ce qui ferait remonter le prix, c’est du moins l’espoir des maîtres de forges. La véritable réponse est la création d’un magasin général des fers, grâce au soutien actif des États de Foix qui, lors de la délibération du 28 janvier 1746, rédigent un règlement pour le commerce du fer favorable aux industriels à qui il impose, cependant, des sacrifices. L’intendant, qui veut lutter contre le monopole des marchands de Foix et de Toulouse, et contre la fraude sur les droits domaniaux, le soutient. Un arrêt du conseil du roi du 28 février 1747 confirme la délibération des États de Foix. Le but recherché est clairement annoncé : ce règlement et toutes les « précautions prises » doivent maintenir « l’équilibre entre la fabrique et la consommation », on ne fabriquera dans le pays de Foix que la quantité de fer que l’on peut vendre par Toulouse ; et cela pour un profit honnête. Un magasin général est créé à Foix où seront centralisés tous les fers exportés hors du comté. Les maîtres de forges sont tenus d’y remettre leur production, sans pouvoir vendre directement, sous peine d’une amende de 3 000 livres (article 2). La seule exception est faite pour les habitants proches de la forge (article 8). Chaque fabricant appose sa marque sur le fer qu’il a produit, moyen de contrôler les quantités déposées et leur qualité (article 4). C’est que la fabrique doit être uniforme, bonne, dépouillée de toute fraude (article 6). La vente se fait à prix égal, à proportion de la quantité et de la remise des fers (article 5). Il se crée ainsi une « égalité » entre tous les maîtres de forges qui ne sont plus seuls face aux marchands et qui, ainsi, sont plus forts pour résister à leurs pressions. De plus, les marchands doivent payer comptant les deux tiers de leurs achats (article 6). Les États de Foix décident d’emprunter cent mille livres pour faire des avances aux industriels, en proportion du fer livré (articles 3 et 11). Le but poursuivi est d’une part de protéger le maître de forges des marchands, et d’autre part de lui fournir des fonds à mesure qu’il fabrique pour lui permettre de s’approvisionner en matières premières sans interrompre son travail. L’obligation de passer par le magasin de Foix s’accompagne d’une « imposition » de 30 sols par charge de fer qui devra être acquittée pour payer les frais et le salaire des commissionnaires du magasin, nommés par les propriétaires et les fermiers de forges, un commissaire général, Labadie, aidé par plusieurs commissaires. Le fermier de la marque des fers trouve surprenant que, sur les 29 maîtres de forges du pays de Foix, seuls 21 aient approuvé ce règlement. D’après lui, les barons de Miglos, de Durban, d’Orgeix, d’Allens, qui pourtant avaient été nommés commissaires par les États chargés d’examiner le projet, ont refusé d’entrer dans l’association des maîtres de forges, se réservant la liberté du prix et de la vente des fers de leurs forges pour profiter « de la décadence des autres maîtres de forges occasionnée par l’effet du nouvel établissement ». Le syndic général des États de Foix lui rétorque que les hommes qu’il cite ont accepté ce règlement et que les délibérations ont été prises à l’unanimité7. Les négociants de Foix, et à travers eux les marchands toulousains, n’acceptent pas ce règlement, particulièrement l’établissement du magasin général, intermédiaire obligé entre eux et les maîtres de forges, qui les placent en position d’infériorité. De plus, l’obligation d’acheter au comptant les gêne beaucoup car « ils sont accoutumés à faire crédit à tous leurs correspondants ». S’ils ne se sont pas opposés à ces décisions, c’est, disent-ils, parce qu’ils sont menacés par le marquis de Gudanes, propriétaire de cinq forges, commandant pour le roi dans le pays de Foix8.
- Crise de 1751
5La création du magasin général, l’aide financière des États de Foix, l’union des maîtres de forges restent sans effet immédiat sur le commerce. La fabrication de métal demeure toujours trop importante, malgré les efforts soutenus des commissaires pour trouver des marchés, et malgré les quelques succès qu’ils remportent, principalement dans le bas Languedoc où ils parviennent à vendre 3 000 quintaux lors de la foire de Carcassonne, en dépit de la concurrence des forges languedociennes. Le magasin de Foix déborde de marchandises et commence à manquer de fonds pour payer les fabricants lorsqu’ils y déposent leur production. D’autant que les magasins des forges, comme ceux des marchands, regorgent de fer. Certains maîtres de forges vont jusqu’à affirmer que « le tiers des forges ont péri »9. Les États de Foix constatent que « l’argent ne circule plus dans la province… à cause de la décadence du commerce du fer : il est presque arrivé au dernier période de sa chute ». La paix qu’instaure le traité d’Aix-La-Chapelle (18 octobre 1748) fait naître dans les Pyrénées ariégeoises l’espoir d’une reprise, d’une augmentation de la demande.
6Mévente et surproduction durent, atteignant des proportions « sans exemple » pour les contemporains. Les marchands de Toulouse, déterminés à détruire le magasin général de Foix pour rétablir leur domination sur les industriels ariégeois, jouent un rôle considérable dans cette crise, en boycottant le magasin général et les fers du comté. Les commissaires, soutenus par le subdélégué, proposent, le 21 mars 1751, une limitation volontaire de la production, en faisant explicitement référence aux fabricants de draps de Carcassonne « qui se détruisant les uns les autres par la trop grande abondance de leurs manufactures » se sont vu imposer « par la sagesse et la capacité du ministère » une production proportionnée à la consommation. Trois articles sont ajoutés au règlement de 1746. Le premier fixe le but : « la fabrique des fers sera diminuée cette année d’une quatrième partie », mesure drastique, en faisant chômer toutes les forges pendant trois mois, à partir du mois d’avril. Le deuxième organise cette réduction. Les commissaires commenceront par dresser un état de tous les fers que chaque propriétaire ou fermier de forge pourra fabriquer dans une année. Puis ils se rendront dans les usines pour indiquer à chacun la quantité et la qualité des fers qu’il pourra produire. Le respect de ce programme est impératif sous peine de 3 000 livres d’amende. Un point de la situation à la fin de chaque année est prévu par le troisième article. Les commissaires vérifieront la quantité des fers remis au magasin général et celle qui reste après les ventes. Si la fabrication a excédé la consommation, de nouveaux règlements seront faits pour rétablir l’équilibre. Une certaine quantité de métal doit cependant rester dans le magasin pour répondre à la demande en cas d’hiver trop rude ou de trop grande sécheresse. Ce nouveau règlement est signé, le 21 mai 1751, par tous les propriétaires et maîtres de forges10. Cette mesure, pourtant énergique, se révèle elle aussi inefficace. Elle a été insuffisante pour enrayer la crise, la production demeure toujours supérieure à la consommation. Force est de constater, début octobre 1751, l’échec de la politique de réduction volontaire de la fabrication. Seule une diminution du nombre de forges peut permettre de restreindre l’offre de métal. Revient alors l’idée de détruire les « forges bâtardes », et de suspendre pendant 10 ans le travail des deux ou trois forges « les plus dépourvues de bois ». Les marchands toulousains persistent dans leur attitude, leur désir d’en finir avec le magasin général cache en réalité leur volonté de réduire les maîtres de forges à leur merci. Cette lutte sans concession, dans un contexte difficile, entraîne la plus forte vague de destructions de forges, même si d’une façon paradoxale, les années 1745-1750 voient naître des demandes de constructions.
- Crise de 1771-1772
7Le mécanisme est classique : l’année 1771 connaît en France une montée du prix des grains qui fait naître une agitation populaire en Anjou, en Lorraine par exemple, comme à Foix. Les maîtres de forges n’hésitent pas à nourrir leurs ouvriers avec du blé acheté à perte par les États de Foix, grâce à une imposition qui ne pèse que sur les biens ruraux11. La montée des prix dans le comté est générale, concernant « toutes espèces de denrées » et la main-d’œuvre ; les forgeurs, forts de leur savoir-faire irremplaçable, obtiennent des hausses de salaires quand la cherté des vivres s’accentue. Cette situation n’est pas spécifique aux Pyrénées ariégeoises, les maîtres de forges français répondant à l’enquête de 1772 affirment que ces suppléments de dépenses pèsent sur le prix de vente du fer, au moment où le marché se restreint12. Le charbon de bois est à la hausse dans l’ensemble du royaume, mais il est porté si haut dans le comté que « le fer a si augmenté que les marchands n’en achètent plus ». Les industriels pyrénéens ajoutent une raison spécifique, la mauvaise qualité du minerai de Rancié qui « gâte leur travail ou produit peu de fer ». De plus, ils affirment que les quantités extraites sont insuffisantes. Il manquerait, d’après leur calcul, 886 quintaux de minerai par jour, créant ainsi une pénurie. Or, la mine de Rancié approvisionne 48 forges situées dans le Languedoc, la Guyenne et le comté de Foix. Le minerai, selon eux, devrait être réservé en priorité à ces dernières. Les maîtres de forges fuxéens emploient cet argument pour tenter d’éliminer des concurrents. Malgré une augmentation du prix du fer entraînée par la hausse générale des prix, les fabricants ariégeois prétendent travailler à perte depuis 1771. C’est que les marchands de Toulouse, fidèles à leur attitude traditionnelle, refusent toute augmentation du prix du métal, utilisant, comme d’habitude, la concurrence qui propose des prix plus bas, et abandonnent la production ariégeoise. Le fer reste invendu, les propriétaires et fermiers des forges, découragés, sont dans une grande détresse, « il n’y eut jamais… une révolution aussi singulière et aussi funeste ». Les industriels tentent de réagir, et d’abord le plus actif et le plus puissant d’entre eux, le marquis de Gudanes. À deux reprises pendant l’année 1772, il se rend à Foix où il rencontre le subdélégué. Puis, il réunit en assemblée les fabricants qui s’obligent tous, dans un premier temps, à remettre leur fer à une seule personne qui centralisera les ventes en s’associant à des marchands de Foix. Mais, en réalité, les maîtres de forges sont désunis, Rousse déclare qu’il a déjà vendu les fers de la forge de Junac, qu’il ne peut remettre que ceux de sa demi-forge de Siguer. La plupart d’entre eux sont dans le même cas, déjà engagés avec des marchands, au prix proposé par ces derniers. En définitive, rien ne ressort de ces réunions. Or, la situation est d’autant plus critique que l’on annonce à Toulouse de nouvelles arrivées de fers d’Espagne, de Suède, de Sibérie, par les ports de Bordeaux, Bayonne et Marseille. Il faut donc s’en remettre au gouvernement. La demande est simple et n’est pas spécifique aux maîtres de forges ariégeois : le gouvernement doit soit prohiber l’entrée des fers étrangers, soit imposer des droits qui élèvent leur prix au moins au niveau de ceux de France13.
- La fin de l’Ancien Régime (1783-1790)
8L’abbé de Gueydon écrit, dans un mémoire à Necker, en 1780, que les fers du pays de Foix supportent difficilement la concurrence des fers étrangers, avec pour conséquence que « l’exploitation baisse tous les jours ». Pour lui, l’explication est simple, le prix des fers ariégeois est trop élevé à cause du doublement du prix du charbon parce que « les forêts sont anéanties ». Quelques années plus tard, vers 1787, le haut prix du charbon a entraîné l’abandon du grillage, essentiellement donc pour des raisons économiques à en croire un industriel ariégeois des années 1840. Mais ce changement technique aurait eu pour conséquence que, en peu de temps, les consommateurs se seraient plaints de la qualité du métal, et que, à cette époque, toujours d’après lui, Villefranche-de-Rouergue et Figeac demandèrent à Limoges des fers qui depuis s’y sont vendus en concurrence des fers de l’Ariège14. Quelles qu’en soient les raisons, les importations de fer de Suède ont fait un bond en 1785-1789, entraînant une stagnation générale du commerce dans le royaume15. Les années 1780 connaissent de nombreuses destructions de forges, signe de conditions économiques difficiles.
- Le début du xixe siècle
9Le mouvement long durant la Révolution et l’Empire traduit une croissance de la sidérurgie des Pyrénées ariégeoises en dépit des difficultés d’approvisionnement, de transport et des aléas politiques. Le prix du fer a augmenté, des forges ont été construites, la production a progressé malgré les crises conjoncturelles. Les dernières années de la Révolution et les premières de l’Empire sont marquées par une stagnation du commerce pouvant aller jusqu’à une crise de mévente des fers. L’évolution générale du prix du fer, même si elle est orientée à la hausse, les variations rapides qu’il subit, ne sont guère favorables aux maîtres de forges pyrénéens. En effet, le prix des matières premières a fortement augmenté, « avant la Révolution les matières premières coûtaient moitié moins cher qu’aujourd’hui et le fer se vendait cependant 16 à 18 francs. Autrefois, spéculateurs et fabricants travaillaient sans inquiétude et faisaient des bénéfices certains » (1801, 1802, 1806). L’explication est simple, les maîtres de forges s’approvisionnent en minerai et charbon de bois un an à l’avance, ils achètent à un prix fort qui n’est pas toujours compensé par le prix du métal. C’est dire que leur bénéfice est réduit, que parfois ils vendent à perte. Que le prix baisse, et ils sont alors acculés à « une situation désastreuse », d’autant qu’ils doivent lutter contre des concurrents qui ont des coûts de production moindre. De 1804 à 1806, la mévente des fers qui « encombrent » les magasins des fabricants se perpétue, entraîne une surproduction, même si toutes les forges ne travaillent pas et si le temps de roulement est réduit, et occasionne une baisse du prix du fer, le commerce est « dans un état alarmant ». À partir de 1808, les forges du Couserans souffrent de la rupture avec l’Espagne et de la fermeture de la frontière. Dès 1812, le prix du fer redescend, la fabrication se ralentit en 1814. Cette évolution contrastée a de multiples causes : la rareté du numéraire, le manque de confiance, « le fléau de l’usure », les difficultés de roulement des usines, les faillites parfois frauduleuses, l’insuffisance et le mauvais état des routes, certains contemporains ajoutent la conscription et la routine qui fait que le système métrique rencontre une grande résistance16. Tous ces facteurs ont joué, mais plus directement, « l’augmentation considérable » des frais d’exploitation est la cause principale, d’autant plus que les maîtres de forges ne peuvent s’en défrayer, en partie ou en totalité, parce qu’ils doivent tenir compte de la concurrence17. Le mécanisme est classique : tassement de la demande, surcapacité productive, contradiction des prix des matières premières et de ceux du produit, ventes à perte18.
- Les difficultés autour de 1820
10Le commerce du fer brut connaît des difficultés car la demande est moins soutenue et se tourne vers des produits plus élaborés alors que, dans le même temps, la concurrence, en particulier celle des fers de la Loire, se fait plus rude. La conséquence est bien connue, le « bas prix » où sont tombés les gros fers dans le département. Cette baisse progressive des prix du métal explique l’urgente nécessité d’économiser le charbon de bois et l’obligation de proposer des produits plus élaborés19. Ces intentions, difficiles à mettre en œuvre, n’apportent guère de solutions réalistes dans le court terme. C’est pourquoi les maîtres de forges, reprenant les vieilles recettes d’un temps qui leur semble meilleur (1747, 1751), décident en 1823 la « centralisation de [leurs] produits », la réduction volontaire d’un tiers de leur travail annuel dans l’espoir d’enrayer la chute du prix des fers. Le résultat est une augmentation de 1,50 franc par 50 kg, que les fabricants qualifient de « mince bénéfice », peu en rapport avec les sacrifices qu’ils ont consentis20. Ces décisions se heurtent, comme de bien entendu, à la résistance active des marchands de Toulouse qui proclament ne pas pouvoir accepter une augmentation « de plus de 20 % ». Mais cette action volontariste des industriels qui ont organisé une pénurie artificielle de métal pour relancer les ventes et surtout pour faire remonter les prix du fer a aussi des effets pervers. Les cloutiers ariégeois se tournent alors vers l’extérieur. Devant l’inefficacité de leur manœuvre, les fabricants veulent reprendre les ventes, mais les cloutiers continuent à s’approvisionner à l’extérieur, parce qu’ils ont apprécié les qualités de ces fers étrangers dont le prix reste raisonnable malgré les frais de transport. À partir de cette année 1823, cependant, la situation s’améliore lentement. S’agit-il d’un effet rapide de ces mesures ? La production reste encore trop importante, le combustible encore trop cher et la vente encore ralentie. Une nouvelle réduction de la fabrication est envisagée alors que de nouvelles constructions d’usines sont pourtant autorisées. Plus préoccupant, les propriétaires d’aciéries érigent des forges à la catalane pour satisfaire eux-mêmes leurs propres besoins de métal, diminuant d’autant la demande. Au total, les maîtres de forges se sont imposé, de 1825 à 1827, une réduction de leur production d’abord d’un tiers, puis d’un quart « pour rétablir l’équilibre entre la fabrication et la consommation »21. L’année 1827 marque une embellie grâce à une demande plus soutenue. La situation n’est peut-être pas encore parfaitement rétablie puisque, en 1828, une personne anonyme rédige un nouveau projet pour « une maison de centralisation des fers de l’Ariège » dont le but est de soutenir le prix des fers « sans les porter trop haut afin de ne point augmenter l’arrivage des fers étrangers »22.
- Le marasme de 1830-1834
11Les événements politiques de juillet 1830 ont précipité la crise commerciale latente depuis 1828. La mise en place du nouveau Code forestier de 1827 déclenche, au printemps 1829, la « Guerre des Demoiselles » qui enflamme les Pyrénées ariégeoises. De telles circonstances ne sont guère favorables à l’activité industrielle et le marasme est général. Les propriétaires de forges éprouvent des difficultés à évacuer leurs fers « qui restent depuis quelques temps sans valeur », avec pour conséquence « l’état de langueur » des usines23. Le prix du fer baisse, mais les forgeurs parviennent à maintenir leur salaire. Dans ce contexte difficile, la concurrence des forges à l’anglaise est d’autant plus redoutable. Seules les commandes de l’industrie de l’acier maintiennent l’activité des forges ariégeoises et évitent l’effondrement du prix du fer au point que « plus on convertira du fer en acier, plus le prix du fer se soutiendra » ; à la condition de ne pas fabriquer plus d’acier qu’il ne peut s’en vendre. La situation économique semble s’améliorer en janvier 1832. Un frémissement est perceptible : la fabrication repart car le métal est plus recherché. Le prix du fer n’augmente pourtant pas et tend même à diminuer encore. Quelques maîtres de forges sont parvenus à imposer une légère diminution de salaire aux forgeurs, mais leur exemple n’est guère suivi car les ouvriers résistent, peu sensibles à l’argument des patrons qui estiment que les salaires sont non seulement « hors de proportion avec les petits bénéfices des fabricants », mais encore, dans cette situation de crise où les ventes sont réalisées à perte, « tout à fait déraisonnables ». Cette amélioration paraît cependant fragile dans la mesure où elle est, très certainement, due au chômage d’un grand nombre de forges par manque d’eau depuis l’été ou l’automne précédents. La conséquence est une baisse artificielle de l’offre, voire même un début d’insuffisance qui peut justifier le timide redémarrage de la fabrication. Quoi qu’il en soit, cette faible reprise des affaires est positive parce qu’elle rend moins visible la « disette de numéraire, au moins en matière d’argent » et qu’elle concourt à rétablir « la confiance financière »24. La reprise s’amorce en 1835, grâce à un véritable essor de la demande, en particulier des besoins de la cémentation.
12La demande reste orientée à la hausse jusque vers 1842, malgré un court arrêt en 1837-1838 alors que l’Ariège subit une grave disette. Le prix du fer, s’il ne retrouve pas son niveau du début du siècle, atteint son maximum en 1842 avec 58,50 francs le quintal grâce à la multiplication des commandes d’acier, liées au développement des chemins des fer. Mais la situation reste précaire, l’inquiétude demeure. La Société des maîtres de forges de l’Ariège multiplie les réunions et étudie les rapports de son secrétaire, l’ingénieur des Mines Jules François. Il est impératif de s’efforcer de sortir l’industrie métallurgique de la « crise funeste à laquelle elle est en proie » (rapport de François en 1838). Lors de la réunion du 31 octobre 1839, les membres de la Société constatent que « notre industrie métallurgique… est dans un état de souffrance ». L’opinion est constante, « aujourd’hui l’Ariège est débordée de toutes parts par les produits des usines de l’intérieur. Les marchés qu’elle approvisionnait sont envahis » (réunion du 30 juillet 1837). Le prix de revient du fer à la catalane est trop élevé si on le compare à ceux d’autres régions métallurgiques, à d’autres modes de production, bref face à la concurrence des usines de la Loire, de l’Isère et des Vosges, aux facilités croissantes de l’importation du fer de Suède. Le combustible est trop onéreux, les salaires des forgeurs trop forts, le coût du transport trop important. Ainsi, pour produire un quintal de fer du prix de 16 francs, « le chiffre du transport d’une seule matière première (le minerai de Rancié) s’élève à 2 francs 65 centimes, c’est-à-dire à 16,50 % du prix de la matière fabriquée ». La sidérurgie ariégeoise ne peut se maintenir et se développer que si le prix du fer est suffisamment élevé, or, « la concurrence active du Périgord, des Landes, de Bruniquel, et bientôt celle de la Corse et de l’Angleterre, … forceront avant peu à des réductions de prix que [les fabricants] ne pourront supporter tant [qu’ils] seront délaissés à [leurs] propres efforts » (réunion du 31 octobre 1839)25. La solution est évidente pour les maîtres de forges, le gouvernement doit protéger leur activité.
- La crise de 1845-1848
13La conjoncture économique s’aggrave à nouveau, le souvenir de la disette de 1837 s’efface difficilement lorsque, en 1845, la maladie de la pomme de terre frappe les Pyrénées ariégeoises. Les pluies continuelles détruisent les deux tiers des récoltes, les céréales souffrent aussi. La crise agricole sévère se double d’une crise industrielle qui frappe une activité sidérurgique encore convalescente. La diminution du prix du fer touche de plein fouet les forges à la catalane, amorce d’une lente baisse. Le 22 décembre 1845, le préfet écrit que « la position du département de l’Ariège est des plus critiques, la misère est à son comble […] Je ne veux pas tromper le gouvernement par des exagérations… je ne crains point d’assurer que plus de 25 000 personnes touchent au moment de n’avoir plus d’aliments »26. L’année 1846 apporte quelque répit, mais l’hiver 1846-1847 remet tout en cause. Les habitants de la montagne quittent leurs village pour fuir la faim et la misère. Les bonnes récoltes de l’été 1847 offrent un répit à la population. À l’annonce des événements parisiens et à la proclamation de la République, les paysans se ruent dans les forêts et en chassent les gardes, dans le Donnezan, à Rabat, à Arnave, dans la Barguillère, dans l’ensemble de la haute Ariège. L’enquête de 1848 sur le travail porte les traces de la crise de la sidérurgie. Tous les cantons sidérurgiques font une analyse identique : « la prospérité des forges tenait aux prix élevés auxquels se vendaient les fers ». Ils mettent en avant des traits structurels et des éléments conjoncturels, leur « décadence » s’explique d’abord par la rareté du charbon de bois et son prix de plus en plus fort. Le « manque de forêt » empêche aussi d’augmenter la production, véritable frein structurel. La difficulté des transports complique le travail des usines. Puis vient le prix élevé de la main-d’œuvre. Autrement dit, fabriquer le métal revient de plus en plus cher alors que le prix de vente diminue. La hausse des coûts de production trouve son origine pour les informateurs de l’enquête dans « l’état d’immobilité dans le mode de fabrication » qui s’explique à son tour par la rareté des capitaux ou, à tout le moins, par des ressources financières limitées. De plus, lorsque la demande fléchit, que les prix baissent, les maîtres de forges accumulent les stocks d’invendus, réduisent leur production. La mévente accentue la chute des prix, avec pour conséquence l’arrêt des usines parce que les rares ventes se font alors à perte. Mais, en dernière analyse, la responsabilité de la crise est, une nouvelle fois, rejetée sur la concurrence de plus en plus vive, « soit de la France soit de l’étranger », qui tire les prix vers le bas alors que la demande se rétracte à la suite des rigueurs du climat, des mauvaises récoltes et de la situation politique. Cette concurrence, celle des produits étrangers et celle des fers à la houille des hauts fourneaux, est qualifiée « d’effrénée ».
14Les solutions préconisées sont, elles aussi, toujours les mêmes : l’appel au gouvernement pour limiter la concurrence étrangère et le rétablissement de la confiance. Or, bien au contraire, le Gouvernement Provisoire désire modifier les droits sur l’importation des fers au bois, en remettant en vigueur le décret du 15 décembre 1814, ce qui représenterait une diminution des droits d’entrée de 4 francs par 100 kg. Les promoteurs de ce rétablissement désirent faire « admettre les fers au bois du Nord pour la fabrication des aciers ». Ils estiment en effet que les fers au bois français sont impropres à la cémentation, qu’ils ne donnent que des aciers défectueux. Le prix des fers importés est trop élevé en France. Pour des raisons identiques, l’Angleterre importe des fers au bois de Suède. C’est pourquoi les « cémenteurs » estiment que l’État ne doit pas favoriser les fers au bois français, que le consommateur français gagnera sur le prix et que par conséquent les importations doivent se faire en franchise. Les maîtres de forges pyrénéens réfutent l’argument de la qualité supérieure des fers scandinaves. En 1824, disent-ils, les usines du Bazacle à Toulouse furent obligées d’acheter 2 ou 300 tonnes de fers de Suède parce que les aciéries avaient des difficultés à se procurer les fers des Pyrénées même en les payant fort chers. Les arsenaux se plaignirent du changement de qualité et la réprobation fut plus générale encore pour les faux et les limes. Il n’en reste pas moins que cette demande porte un coup funeste à l’industrie française des fers déjà si profondément atteinte par la crise de 1848, en particulier à la sidérurgie ariégeoise. Cette décision venant en discussion à l’Assemblée Nationale en juillet, les opposants s’organisent pour en empêcher la ratification qu’ils considèrent comme une grave menace. Les principaux groupes métallurgiques français, des chambres de commerce protestent. Le groupe des Pyrénées, premier producteur d’acier, sera le plus rudement touché. Il est indispensable que les maîtres de forges ariégeois se réunissent et proposent d’urgence les mesures propres à défendre l’industrie métallurgique nationale. La diminution des droits d’entrée a gravement perturbé les transactions renaissantes dans la mesure où les acheteurs ont exigé des réductions de prix auxquelles les fabricants pyrénéens ne peuvent souscrire sans risquer l’avenir de leurs forges. Ils ont absolument besoin de la protection de l’État27. Cette crise a provoqué un long temps d’arrêt dans l’accroissement de la production sidérurgique française. Elle a eu aussi pour résultat d’accélérer de façon décisive le déclin des hauts fourneaux au charbon de bois alors que le nombre et la capacité moyenne des hauts fourneaux au coke augmentent rapidement. Ainsi, vers 1860, la France a une production de fonte nettement supérieure à celle de tous les états allemands28.
2/ Ces crises témoignent de la fragilité de la sidérurgie à la catalane
15L’opinion générale dans le département est que l’industrie du fer se ressent peu du mouvement général de reprise qui se dessine fortement en 1849, la plupart des forges sont en chômage29. Ce discours pessimiste est conforté par le fait que les coupes de bois mises en vente par l’administration forestière dans le Couserans se vendent difficilement, la moitié d’entre elles n’a pas trouvé d’adjudicataires à des prix convenables. Il n’en reste pas moins vrai que la production de cette année 1849 est pourtant plus élevée que celle de 1848, même si le prix du quintal de fer n’est pas à son meilleur niveau. Au mois de mai 1850, Alexandre d’Orgeix écrit que malgré « le prix si bas du fer », il est nécessaire de faire travailler les forges « qui donnent le pain quotidien à nos pauvres populations ». En octobre, le préfet confirme, « depuis plusieurs années les fers de l’Ariège ont subi une dépréciation notable ; la ruine des maîtres de forges paraît imminente »30. La baisse de la production s’amorce dès 1854, alors que l’Ariège est l’un des départements français les plus touchés par l’épidémie de choléra. Le canton des Cabannes, un des trois cantons d’où sont originaires les forgeurs, est le plus durement frappé, perdant 16 % de sa population entre les recensements de 1851 et 1856. La production demeure cependant à un haut niveau, compris entre 64 872 et 51 450 quintaux. Des forges à la catalane sont encore érigées en 1855.
16Le basculement de la sidérurgie à la catalane des Pyrénées ariégeoises se produit en 1857-1858, années où la production retrouve son niveau de 1830 qui est, jusqu’alors, l’une des plus mauvaises années du siècle. Ses difficultés s’expliquent par l’encombrement des marchés. Le responsable dénoncé est toujours le même, la concurrence, principalement celle des fers de Suède, vendus « à plus bas prix et dans de meilleures conditions ». Certes, cela n’est pas nouveau, les fers suédois sont présents depuis longtemps sur les marchés français, « en raison des qualités spéciales qui les distinguent ». Cependant, les sidérurgistes français affirment que les quantités importées restent dans des limites « assez restreintes ». Ils considèrent que le décret du 22 novembre 1853 nivelle les droits de douane en ne faisant aucune distinction entre les fers au bois et les fers à la houille. On voit par là que cette question ne concerne pas seulement la sidérurgie ariégeoise. Les opinions divergent sur les conséquences de ce changement de taxation. Le ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics estime qu’il n’a eu que peu d’influence sur les importations puisque, toujours d’après lui, la France recevait en moyenne 32 000 quintaux de fer en barre de Suède avant le décret, et 34 000 quintaux en moyenne depuis, de 1854 à 1856. En revanche, le préfet de l’Ariège et les maîtres de forges sont d’un avis diamétralement opposé, habités par « la crainte de voir [les] forges à la catalane détruites successivement par suite de la législation actuelle ». Les fers au bois scandinaves sont par leurs qualités métallurgiques les rivaux directs des fers à la catalane sur le marché de la cémentation. Les fers suédois ne sont-ils pas la matière première de la puissante industrie anglaise des aciers cémentés ?
17Directement lié à l’évolution de la production, le nombre de feux de forges révèle aussi le mauvais état de la sidérurgie pyrénéenne. Sept usines se sont arrêtées avant 1839-1840, huit avant 1856. Nous nous trouvons vraiment à un moment charnière, les années 1857-1858 sont une véritable borne chronologique. Si le traitement direct n’est pas encore réellement remis en question, il s’agit de savoir si l’industrie à la catalane possède encore en elle suffisamment de vitalité, ou si, à l’inverse, le salut de la métallurgique des Pyrénées ariégeoises ne peut venir que des hauts fourneaux. Le but à atteindre est très clair, « relever… l’industrie du fer et de l’acier dans les Pyrénées » dont les souffrances sont extrêmes31. Un dernier élément, ayant de plus valeur de symbole, vient renforcer cette césure chronologique. En 1857, les propriétaires de l’usine de Pamiers demandent l’autorisation de construire deux hauts fourneaux au bois. Un seul est construit en 1858 et mis en feu au premier trimestre 1859, produisant 5 à 6 tonnes de fonte par 24 heures. Durant cette longue première partie de la période à la catalane, qui va du XVIIe siècle aux années 1857-1858, la croissance a été ponctuée de crises cycliques dont la chronologie n’est pas toujours évidente à établir, parfois spécifiques aux Pyrénées ariégeoises, parfois plus générales. Malgré un essor visible, la sidérurgie nationale ne parvient pas à suivre le rythme de l’augmentation de la demande intérieure. Le fer en barre surtout manque à la métallurgie légère. Au XIXe siècle, le fait d’avoir une croissance moins forte et moins rapide que d’autres régions sidérurgiques françaises, plus ou moins proches, aggrave les problèmes de l’industrie ariégeoise, en dépit de la puissante augmentation de la demande de fer à cémenter.
18Dans ce contexte de forte sensibilité à la conjoncture, la facilité avec laquelle la forge à la catalane s’éteint et se rallume, avec un minimum de pertes financières, contribue à la réitération du procédé direct. Cette sensibilité n’est certes pas spécifique à la sidérurgie à la catalane des Pyrénées ariégeoises, mais elle ne contribue pas à créer des conditions favorables à la naissance d’une véritable mentalité industrielle, d’un esprit d’entreprise d’envergure. Un scénario de crise identique se reproduit à plusieurs reprises, au delà des spécificités conjoncturelles, il dévoile ainsi des traits caractéristiques de la sidérurgie à la catalane qui sont autant de faiblesses structurelles.
B/ Des maîtres de forges dans une société modeste qui se paupérise
19L’ingénieur en chef des Mines d’Aubuisson dresse un portrait saisissant du groupe des industriels ariégeois : « De toutes les provinces du Royaume le pays de Foix est peut-être celle où les maîtres de forges, pris en général, sont les moins fortunés, et retirent les moindres intérêts des capitaux qu’ils employent dans leurs établissements. Un ou deux peuvent avoir fait des gains considérables ; mais c’est par des spéculations commerciales, et non à l’aide des seuls produits de leurs fabriques : quelques propriétaires de forêts peuvent encore retirer, par la vente des fers qui se fabriquent dans leurs forges, un revenu qui les met dans l’aisance ; mais c’est plutôt le produit de leurs propriétés foncières que celui de leurs usines ; quant aux autres, en somme et en définitif, au bout de l’année, leurs profits sont en général bien petits, et bien peu propres à les mettre dans le cas d’étaler aucune espèce de luxe. Nulle part je n’ai été moins frappé que dans l’Ariège de celui des ameublements et des habitations »32. Pendant toute la première moitié du XIXe siècle, les résultats économiques des forges à la catalane d’Asson, de Nogarot et de Béon, dans les Pyrénées-Atlantiques, apportent aussi un éclairage cru sur la sidérurgie ariégeoise. Les maîtres de forges béarnais en tirent des bénéfices confortables, très supérieurs à ceux de leurs confrères ariégeois33. Faiblesse relative des fortunes dans un pays pauvre certes, mais les maîtres de forges ariégeois font montre de traits de caractères et adoptent de comportements peu favorables à l’industrie.
1/ Leurs attitudes mentales
20Le système à la catalane se contente d’un capital familial, de méthodes d’autofinancement qui suffisent à la création d’une forge, à son roulement et à sa modernisation. Mais, peut-être plus que le montant des investissements, l’état d’esprit dans lequel ils sont réalisés est essentiel, dans la mesure où il donne un éclairage révélateur aux comportements plus ou moins rationnels des maîtres de forges. Le portrait physique et moral de l’industriel idéal est dressé par l’un d’entre eux, dans les années 1770. Cette profession exige d’abord une bonne santé pour résister aux tâches pénibles, à la fatigue, à la chaleur et à la poussière. Le maître de forges (propriétaire ou fermier) doit être toujours présent et ne peut être remplacé par personne. Son caractère doit lui permettre de repousser la facilité, les douceurs de la vie, « la mollesse ». Il doit avoir l’esprit droit, de la bonne volonté, faire preuve de zèle dans l’accomplissement de sa fonction. Il doit être à la fois doux, juste, ferme et rigoureux. Dans ses rapports avec les forgeurs et les paysans, il ne doit « jamais faire ni tort ni grâce » parce que « la nature leur a refusé en général le sentiment et la reconnaissance. La maxime parait dure, mais elle est vraie ». Le bon régisseur ne doit pas faire crédit ni prêter de l’argent trop facilement. Il considère les hommes avec qui il traite comme honnêtes, mais il ne suppose cette qualité chez aucun d’entre eux en particulier, restant constamment sur ses gardes. Cette description dessine en creux un certain nombre de manquements. Les grands seigneurs abandonnent leurs forges à des fermiers, et ne connaissent guère leurs usines. Nombre de fermiers ne s’intéressent à la sidérurgie, qui leur est absolument étrangère, que pour faire des bénéfices grâce à leur bail. Quant à ceux qui résident sur leur usine et qui en surveillent le roulement, ils ne sont guère au courant de la méthode de fabrication, au mieux ils connaissent celle qu’ils voient pratiquer par les forgeurs. Ils ne cherchent pas à la corriger et à la perfectionner, ce qui demande des connaissances étendues et variées que peu d’entre eux réunissent34.
2/ Absence d’un véritable esprit industriel
21Les attitudes des maîtres de forges, principaux acteurs économiques, leur faible dynamisme dans la conquête de marchés, les rapports qu’entretient le système avec l’extérieur, puisent leurs racines dans les mentalités et dans une culture rurale ancienne et profonde. Les industriels ne restent pas en marge du comportement général des élites et acquièrent à ce titre de nombreux domaines. Les raisons à l’origine de l’acquisition de domaines sylvo-pastoraux sont sans conteste à rechercher dans le désir de réaliser des profits, essentiellement celle de domaines forestiers qui sont les plus intéressants comme fournisseurs de charbon de bois à meilleur compte. À rechercher surtout dans le désir de la notabilité, de l’orgueil et du prestige qui s’attachent à la possession de la terre. Grâce à ces placements sûrs, les maîtres de forges espèrent assurer la pérennité de leur fortune, en protégeant le patrimoine familial des aléas de la conjoncture et des mutations de l’industrie. Il faut y voir aussi l’influence du modèle social du propriétaire foncier, fortement ancré dans les Pyrénées ariégeoises, et qui bénéficie de la hausse de la rente foncière au XVIIIe siècle. Loin de l’esprit d’entreprise indispensable à l’essor industriel, les fabricants font montre d’une attitude de conservation qui n’incite guère au dynamisme. L’immobilisation des fortunes en biens fonciers est cependant à l’origine d’une nécessaire compensation des faiblesses des ressources de ce patrimoine rural. La sidérurgie apporte une réponse plus que satisfaisante. Ainsi, il ne s’agit pas d’un choix délibéré en faveur de l’industrie qui exige un capital fixe et des liquidités commerciales. L’activité métallurgique apparaît souvent comme un choix par défaut pour tirer le meilleur parti des possibilités offertes par l’écosystème pyrénéen. La vallée de Vicdessos se singularise encore une fois. Face à la puissance de la communauté favorisée par le comte de Foix, il n’est pas possible de créer de grands domaines ruraux. La bourgeoisie des maîtres de forges qui monopolise le pouvoir financier et politique dans la vallée a imposé aux habitants de se fournir en produits de première nécessité dans ses magasins. Elle associe ainsi la forge au négoce. En 1856 encore, un ingénieur des Mines, dans un rapport officiel, parle de ces maîtres de forges « qui considèrent les forges comme une annexe forcée d’un magasin d’épicerie et paient le minerai et la main-d’œuvre de denrées vendues à 50 % de bénéfice »35. Incontestablement, le fait que la forge soit considérée comme l’annexe d’un domaine sylvo-pastoral ou d’un magasin n’est pas très favorable au développement industriel. Souvent, la gestion des forges obéit aux mêmes règles de prudence que celles des domaines agricoles. L’usine assimilée à un revenu quasi foncier, ou centre et source d’une fortune, est un des critères de partage entre la sidérurgie directe avec ses petites unités de production et la sidérurgie indirecte avec ses établissements de grandes tailles. Les dimensions de l’atelier illustrent aussi l’absence d’un esprit industriel chez les entrepreneurs : la forge à la catalane reste un établissement isolé, mal préparé à subir de grandes transformations techniques ou économiques. En résumé, à côté des inconvénients qu’on peut leur reprocher, les forges à la catalane paraissent offrir des avantages importants, surtout dans certaines localités. On y obtient du fer de très bonne qualité, au moyen d’un établissement peu dispendieux, sans courir les risques d’une grande entreprise. Ainsi, la méthode directe convient à un pays où les fortunes sont médiocres et où les capitaux s’engagent avec peine dans les opérations industrielles36. Dans un pays d’agriculture pauvre, lorsque les capitaux disponibles s’investissent, faute de mieux, dans des activités industrielles, il ne s’agit presque jamais d’un choix délibéré en faveur de l’industrie, mais, bien davantage, de la nécessité de compenser les ressources insuffisantes d’un patrimoine rural de faible rapport37.
22Absence d’esprit industriel ne signifie pas manque d’habileté. Les maîtres de forges des Pyrénées ariégeoises sont conscients des progrès de la sidérurgie. Ils ont parfaitement assimilé le discours moderniste des ingénieurs et savent en jouer pour parvenir à leur fin plus traditionnelle. Lors des demandes de construction d’usine, ils mettent en avant un discours progressiste pour obtenir l’autorisation de l’administration. La forge à la catalane y apparaît comme un élément parmi d’autres plus essentiels, comme les fours de cémentation, les laminoirs. Le service des Mines justifie son avis favorable en insistant sur la nouveauté du projet, et précise que la forge seule ne l’aurait pas convaincu d’accorder la permission d’édification. Or, lorsque l’usine autorisée est construite, le procès-verbal de récolement indique qu’en réalité seule la forge à la catalane a été érigée. L’industriel a su utiliser le discours innovant, sans réellement adopter l’innovation. Autre cas pouvant se présenter : l’ensemble de l’usine, forge à la catalane comprise, n’est pas construit. Projet trop ambitieux, absence de volonté ou manque de capitaux ? Toujours est-il que l’usine moderne reste dans les cartons malgré les intentions affichées. Cette absence de véritable esprit industriel a de graves conséquences. Elle crée des blocages d’ordre psychologique et accentue les handicaps nés de certaines attitudes des industriels.
3/ Des traits de caractère mal adaptés à l’activité industrielle
23Le manque de goût des maîtres de forges pour les questions industrielles renforce leur inertie, leur manque de dynamisme, le plus souvent qualifiés de routine. Ceci transparaît à travers les demandes de construction d’usine du XIXe siècle. La plupart des postulants, même ceux qui sont instruits, se contentent d’une forge à la catalane, sans proposer la moindre amélioration, y compris lors des demandes les plus tardives. Autre exemple de leur négligence et de leur manque d’intérêt : aucun maître de forges n’assiste aux essais conduits par Richard, même ceux qui avaient mandat pour le faire, alors que leurs intérêts financiers sont directement engagés dans ces expériences. D’une façon plus générale, le travail de la forge est souvent arrêté à cause de l’imprévoyance du maître qui n’a pas pris la précaution de se fournir à l’avance en matériaux pour les réparations, pierre ou manche du mail, bogue. Certains ne font pas d’approvisionnements suffisants en matières premières. Négligence ou refus d’immobiliser des capitaux, surtout si l’industriel n’a pas une grosse fortune ? Cette inertie est renforcée par l’amour-propre des maîtres de forges qui « les a toujours induits à masquer » les difficultés de leur position38. Un autre reproche leur est constamment fait et répété tout au long de la période à la catalane : leur ignorance des questions techniques. Tous les commentateurs stigmatisent leur manque d’intérêt. Le baron Dietrich écrit qu’il n’a pas rencontré un seul maître de forges « qui eût des principes sur cette construction, qui en connût même les dimensions, pour lesquelles on s’en rapporte à ces ouvriers ». Il en excepte Vergniès Bouischère, « le maître de forges le plus instruit du comté de Foix ». Cette reconnaissance du notable de Vicdessos se perpétue, puisque Richard écrit encore dans les années 1830 qu’il « a laissé dans ce pays une réputation de maître de forges instruit et de bonne foi ».
24Moins connu que le maître de forges de Vicdessos, moins passionné par les questions techniques, un autre praticien mérite cependant d’être cité, Raymond Lin Capdeville (1765-1849). Il a voulu transmettre ses connaissances et son expérience en rédigeant un mémoire pour former « un bon maître de forges ». Fils d’un commis de forges de Luzenac, Raymond Lin possède une grande expérience du travail du fer, non pas en tant que technicien, mais comme régisseur de forge. Là est la grande différence avec Vergniès Bouischère. Sa démarche est rationnelle, elle exige des « connaîssances préliminaires » théoriques en physique, géométrie, minéralogie et métallurgie. Pour cette dernière discipline, l’apprenti doit se procurer « tous les ouvrages qui traitent des forges tant à la catalane ou pyrénéenne qu’à haut fourneau ou à la wallone et à l’allemande ». Pour les premières, Raymond Lin ne connaît que les écrits de Tronson du Coudray, auxquels il ajoute l’ouvrage en espagnol de Bernardo Villaréal, ce qui permet de dater son mémoire de la fin des années 1770 ou du début des années 1780, avant les publications de Dietrich et de Picot de Lapeyrouse en 1786. Quant à la méthode indirecte, il renvoie aux publications de l’Académie royale des Sciences. L’apprenti régisseur doit passer plusieurs mois dans une forge où il « descendra dans le détail de chaque chose en particulier, et ne laissera rien sans l’examiner à fond ». Il étudiera ensuite la manière dont on se sert des appareils et des outils « et les modifications dont elle est susceptible ». Enfin, il doit poser de nombreuses questions aux forgeurs, « sans accorder une entière croyance aux effets qu’ils leurs attribuent que lorsque plusieurs expériences lui en auront démontré la vérité ». Capdeville préconise aussi une grande rigueur sur le plan économique. Il encourage le postulant à apprendre à tenir des livres de comptabilité en partie double, par débit et crédit. Ce n’est pas une pratique courante dans les forges pyrénéennes. Les forges les mieux régies sont, pour lui, celle du marquis de Portes et celles de Campredon et de Queille. Capdeville explique que les commis du marquis de Mirepoix rendent compte toutes les semaines sur « un carré de papier de tout le travail de la forge, lequel fait voir d’un coup d’œil tout ce que la forge a reçu, dépensé et produit, en sorte qu’à commencer au premier de l’an, on voit d’abord le compte de huit jours, quinze jours, du mois, jusqu’à la fin de la campagne. Par ce moyen les comptes sont pour ainsi dire rendus tous les huit jours, et, par là, on peut aisément voir si l’on va droit ou non »39. On ne peut qu’admirer un tel programme de formation, d’autant que cette démarche révèle la hauteur de vue d’un maître de forges et permet de nuancer l’opinion sévère que l’on a généralement sur les industriels ariégeois. Il ne faut pas oublier enfin que les maîtres de forges ont été capables d’accompagner l’évolution du procédé direct, de soutenir au moins financièrement le passage à la forge à la catalane puis ses modernisations successives. C’est dire que, s’ils sont ignorants et s’ils manquent de dynamisme, ils ne sont pas totalement fermés à l’innovation.
25L’ignorance des maîtres de forges est-elle réellement caractéristique de la sidérurgie directe des Pyrénées ariégeoises ? Nombre de maîtres de forges sont uniquement préoccupés de négoce et sont bien incapables de contrôler le savoir-faire des forgeurs, de discerner les problèmes techniques. Là réside la garantie d’une authentique autonomie des forgeurs. En effet, l’industriel qui ignore l’art de la fabrication abandonne à ses ouvriers tous les détails du traitement et se met ainsi à leur merci. Cela change avec l’arrivée de maîtres de forges bourgeois, anciens fermiers de forges ou plus simplement négociants en fer. Les nouvelles conditions sociales et économiques, le recours généralisé au commerce pour les approvisionnements en charbon de bois, l’état physique de la montagne et de la forêt, tout cela concourt à modifier la perception de la forge qui n’est plus du tout considérée comme élément d’un domaine sylvo-pastoral. Les acheteurs de biens nationaux, désireux de tirer le meilleur profit de leurs investissements, suivent de plus près la marche de l’usine. Cette conception est plus moderne, la forge est considérée pour elle seule, dispensatrice de plus grands revenus grâce à une gestion plus rationnelle. Les maîtres de forges contrôlent avec plus de rigueur le travail des forgeurs, la qualité des matières premières. Quelques maîtres de forges ont mis beaucoup de soins « à éclairer la pratique des forgerons »40. Beaucoup de ces anciens fermiers de forges ou marchands de fer sont plus compétents que les anciens propriétaires, plus présents aussi. Mais cet état d’esprit assez nouveau atteint rapidement ses limites. Les industriels sont rapidement englués dans la « vieille routine », d’autant que leurs possibilités financières et la faiblesse des bénéfices dégagés par les usines ne permettent pas de faire des investissements suffisamment conséquents pour réaliser une réelle modernisation. Cette mentalité, davantage tournée vers la vie industrielle, constitue, pourtant, un fragment d’explication du maintien du procédé direct au XIXe siècle.
26Un dernier trait de caractère enfin aggrave les dispositions d’esprit des maîtres de forges pyrénéens : l’individualisme et son corollaire, un étroit esprit de rivalité. On élève forge contre forge sans se préoccuper des améliorations à introduire, et de l’avenir des bois. « C’est là de la guerre en industrie, c’est-à-dire ruine et désordre »41. Parfois même, certains demandent l’autorisation de construire une usine, sans avoir la moindre intention de le faire effectivement, mais simplement par spéculation ou pour gêner un autre postulant. Cet esprit d’antagonisme divise les maîtres de forges et les met dans l’impossibilité d’unir leurs efforts lorsque la situation l’exige. Les démarches communes à tous les fabricants sont très rares dans un pays où l’individualisme est la règle générale42. La passivité que l’on reproche aux maîtres de forges est générale. Cela est d’autant plus grave que les Pyrénées ariégeoises n’ont pas bénéficié de l’initiative des Grands, des intendants, comparable à l’action de Poulpry dans la sénéchaussée voisine de Limoux. Bien au contraire, les intendants se désintéressent totalement de ce pays rude et pauvre. « L’apathie » générale des habitants est un signe de l’esprit de routine de la population montagnarde dans son ensemble. Les maîtres de forges ont l’habitude d’honorer sans trop de difficultés les contrats portant sur un métal brut réputé qui dispose de débouchés assurés et s’en contentent.
27Le cliché traditionnel d’un âge d’or des maîtres de forges au XIXe siècle, lorsque, dans les années 1820-1840, ils auraient bénéficié de « l’extrême rentabilité des forges », doit être retouché pour mettre en valeur une situation contrastée43. L’étude de ce groupe social et des revenus apportés par la forge, malgré ses insuffisances, montre que la méthode directe convient au niveau des fortunes et à l’esprit d’entreprise des maîtres de forges ariégeois, sans jamais oublier le très faible pouvoir d’achat des populations rurales habituées à vivre en économie fermée. Le procédé direct offre des possibilités intéressantes à un pays pauvre en numéraire, où les fortunes sont médiocres et où les capitaux s’engagent avec peine dans l’industrie, ce qui ne correspond guère aux exigences de la grande industrie sidérurgique. Ces caractéristiques expliquent aussi pourquoi ces maîtres de forges qui disposent d’un fer de qualité n’ont pas développé une industrie de transformation importante.
C/ Une industrie de transformation trop faible
28Le fer et l’acier naturel quittent les Pyrénées ariégeoises « sans être parés, et rarement bien forgés »44. Les élites pyrénéennes, et cela dès le Moyen Âge, ont été incapables ou n’ont pas voulu organiser la transformation sur place, contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions sidérurgiques, d’un produit d’une grande qualité sur lequel elles auraient pu dégager une plus-value importante. La présentation du métal est-elle à mettre en cause ? Il est souvent pailleux, crevassé avec des gerçures et surtout « inégal », une barre présente du fer doux à une extrémité et du fer fort à l’autre. Ces défauts expliquent l’absence dans les Pyrénées ariégeoises de tréfileries qui nécessitent un métal tendre, tenace, jamais cassant ; de fabriques de tôles qui ont besoin de fer doux, nerveux et facilement malléable, alors que le fer ariégeois est réputé pour sa dureté. Mais cette explication est insuffisante, d’autres transformations sont possibles qui bénéficieraient des caractéristiques des fers à la catalane. Or, la raison de cette absence ne réside pas dans le manque d’habileté des ouvriers pyrénéens. Les forgeurs de Niaux en administrent la preuve lorsque, dans les années 1780, ils préparent les éléments d’une grille commandée par les États de Languedoc pour remplacer une porte d’un des quais de Toulouse. Les différents éléments de cette barrière sont profilés avec une grande précision45. L’absence « d’esprit industriel » est mise en avant par les observateurs du XIXe siècle. Il faut aussi chercher du côté des structures de l’industrie à la catalane.
29Il y eut bien, cependant, transformation du fer dès le Moyen Âge. La production de socs et d’outillage agricole par les forgerons de Foix, qui obtiennent du comte le monopole de la finition des outils élaborés dans le haut Sabarthès, en est la première illustration. Mais une telle situation ne pousse guère à se lancer dans d’autres fabrications sur un marché concurrentiel46. Une autre activité de transformation, la clouterie, particulièrement dans la vallée de la Barguillère et à Villeneuve d’Olmes, perdure jusqu’au XXe siècle, mais garde une forme artisanale. On assiste à partir du XVIe siècle à un lent développement des martinets47. La première mention de martinet dans les archives ariégeoises date d’août 1527. Jacques Pérignon, armurier et canonnier du roi, originaire du Périgord mais domicilié à Toulouse, obtient l’autorisation de construire à Lavelanet, dans la seigneurie de Mirepoix, « un martynet à la mode genevoyse », associé à une forge pour fabriquer « des harnays », c’est-à-dire les pièces d’une armure48. Le terme martinet persistera dans les Pyrénées ariégeoises, mais pour désigner des installations qui n’ont rien à voir avec le martinet de Lavelanet : ateliers à clous, ateliers de parage du fer ou véritables ateliers de taillanderie49.
1/ Martinets, martinets à clous, boutiques de cloutiers
30Le martinet, qui utilise l’énergie hydraulique, dispose le plus souvent d’un feu et d’un petit marteau (martinet), mais il peut en avoir deux ou trois, parfois plus. Le fourneau à réchauffer le fer des martinets du comté de Foix est très petit, Dietrich le compare au feu de cloutier. On l’établit au milieu de l’aire, sous une cheminée conique ou contre un mur de l’atelier. Parfois, comme à Brassac ou à Queille par exemple, il sert en même temps aux cloutiers qui profitent du même feu pour y travailler. Un petit bassin fait agir une trompe souvent à un seul arbre. Les ouvriers ne laissent entrer l’eau qu’à mi-hauteur du bassin et ne mettent pas le canon du bourec droit, afin de pouvoir, lorsqu’ils ne chauffent pas de grosses masses, boucher une partie de l’ouverture avec une pointe de fer, dont le bout est en forme d’olive. Le martinet, plus petit que le mail de la forge, pèse de 80 à 100 kg. Les arbres tournants ont quatre, cinq ou six cames. Deux hommes suffisent à faire marcher cet atelier. Le premier s’occupe du marteau, il est aidé par un autre ouvrier qui réchauffe le métal, le présente au martinéteur lorsque, à l’œil, il estime que la température convient au martelage. L’aide tire enfin sur la chaîne d’admission de l’eau sur la roue du marteau et règle la vitesse de frappe grâce aux signes que fait son compagnon. On accorde à ces ouvriers 5 % de perte sur le fer, moins quand ils travaillent de bons fers, jusqu’à 7 à 8 % quand ils en travaillent de mauvais. Ils emploient un demi-sac de charbon de bois au quintal50. Puis, de 1808 à 1812, le charbon de terre est substitué au combustible végétal, houille de Carmaux (Tarn), de Saint-Etienne, de Rive-De-Gier (Loire). Jusqu’aux années 1820, l’emploi exclusif du charbon de bois du domaine du demandeur est toléré par l’administration. Mais, très rapidement, l’utilisation du combustible minéral devient la condition sine qua non pour obtenir l’autorisation de construction ou de roulement. Les martinéteurs, spécialistes du parage des fers, font plusieurs espèces de petits fers dont les dimensions varient. Le petit carreau, de section carrée, la rondelle ou verge ronde, de différents diamètres, la verge crénelée, que Dietrich juge infiniment moins bien forgée que celle d’Alsace, de Lorraine ou de Franche-Comté, constituent les principales fabrications. Ce n’est là qu’une faible partie des différents modèles dont les formes et les dimensions sont très nombreuses. Autres productions, les dessus de balcons et surtout les outils agricoles dont les reilles de charrues.
31En 1560, un martinet est implanté à Foix, l’arrentement de celui de Nalzen est passé en 1573. La mouline de Montgailhard est transformée en martinet à clous en 1580 parce qu’elle manque de charbon de bois51. En 1669, Froidour en signale dix dans le comté de Foix, le Couserans et le marquisat de Mirepoix52. Ces ateliers se multiplient au XVIIIe siècle. Jean de Montaut, seigneur de Brassac, en donne la raison en 1769 : « la fabrique du fer est le seul objet de commerce du pays de Foix », il est « essentiel de le soutenir et de lui donner toute l’extension dont il est susceptible, et l’on ne peut y parvenir qu’en multipliant les moyens de mettre en œuvre le fer brut puisque le travail en augmente considérablement la valeur »53. Autre argument en faveur des martinets : leur faible consommation de charbon de bois, un atelier n’emploie que 650 sacs par an. De plus, un martinet à clous fait travailler « constamment » onze hommes. En 1772, le comté de Foix, à lui seul, en compte neuf54. Ils se trouvent pour la plupart concentrés dans la Barguillère, à proximité de Foix, héritiers du monopole médiéval. La forge de Manses, sur l’Hers, propriété du marquis de Portes, en possède un. La terre de Mirepoix fait exception parce que ses seigneurs, grands du royaume, construisent presque systématiquement un martinet à proximité de leurs forges dès le début du XVIIIe siècle. C’est le cas à Queille, Villeneuve d’Olmes, Campredon (deux ateliers) et Bélesta. Dans le Couserans, on rencontre les martinets d’Alos, de Castelnau-Durban, de Sentenac de Sérou, un martinet à faux travaille à Oust. Au total, dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, vingt martinets sont comptés dans les Pyrénées ariégeoises. La production (parages, outils agricoles et clous) des martinets du comté de Foix est en moyenne de 1 521 quintaux par an. La production de fer est alors de 16 640 quintaux. Cette comparaison montre bien le peu d’importance de l’industrie de transformation du fer qui travaille essentiellement pour le marché local en plein essor. Circonstance aggravante, le « haut prix » des fers des Pyrénées ariégeoises constitue un fort handicap pour les clouteries. Or, le commerce des clous est lui aussi entre les mains des marchands de Toulouse. Vers 1770, les Toulousains préfèrent acheter des clous venant du Forez qui, de qualité inférieure, sont meilleur marché. La perte est très grande pour le comté de Foix, au point que de nombreux ouvriers partent travailler à Bayonne, Bordeaux et en Espagne55.

Les martinets des Pyrénées ariégeoises au XVIIIe siècle
32Les martinets se multiplient au cours du XIXe siècle pour parer le fer brut et ainsi livrer au commerce un produit mieux fini. Plus nombreux sont les maîtres de forges qui désirent transformer eux-mêmes le fer qu’ils produisent en fers parés. Le martinet est l’annexe de la forge. Les industriels exposent clairement les raisons qui les poussent à construire ces ateliers. Jusqu’alors, les Pyrénées ariégeoises avaient livré un fer brut. Mais, devant la montée de la concurrence des autres régions sidérurgiques, ils sont conscients de l’obligation de donner à leur production « des formes moins repoussantes ». Mieux, ils comprennent la nécessité de « varier la forme et la manipulation de [leurs] fers » pour répondre aux demandes du commerce. N’est-il pas évident que le forgeron « aimera mieux acheter un fer bien paré qui n’a besoin que d’être coupé dans les dimensions demandées qu’un fer qu’il faut aplatir, égaliser, élargir ou rétrécir sur l’enclume ? » Mais encore, la « consommation », en général, « les besoins » de la société exigent une fabrication soignée. De plus, le parage des fers est un moyen de contrecarrer la baisse du prix du fer et de lutter contre les difficultés de la vente, tout en apportant une plus-value à la production56. L’accroissement du nombre de martinets est d’autant plus important que ce type d’usine n’exige que peu de capitaux. De 1800 à 1857, on comptabilise une quarantaine de martinets dans les Pyrénées ariégeoises. Plusieurs vagues de constructions viennent s’ajouter aux ateliers qui travaillent « de temps immémoriaux ». L’essentiel des nouvelles érections est réalisé de 1810 à 1825, période où une vingtaine de demandes sont faites, au point que le maître de la forge de Montgailhard renonce en 1824 à son projet malgré l’autorisation qui lui a été accordée, à cause du « prodigieux accroissement des martinets »57. Vingt-deux martinets travaillent dans l’Ariège en 1818. En 1825, trente-six ateliers fonctionnent de 5 à 9 mois de l’année. Un second mouvement d’intensité bien plus réduite se produit vers 1830-1840, où l’on note six constructions. En 1836, on compte vingt-trois martinets dans l’Ariège, quatre dans l’Aude et cinq dans le haut Vallespir. Un atelier est mis en marche en 1850. En 1869, les martinets sont au nombre de onze. Trois de ces usines, installées entre Vicdessos et Tarascon, fabriquent des feuillards, chacune en produit annuellement 1 000 à 1 500 quintaux dont une partie est vendue à Bordeaux. Quatre ou cinq fabriquent de 90 à 100 kg de pelles par jour, soit environ 300 quintaux par an. Deux martinets, près de Tarascon et de Saint-Paul, travaillent pour outils agricoles et outils divers. Il s’agit d’un commerce de détail, essentiellement local. Deux autres, enfin, étirent le fer en barres marchandes.
33Il faut immédiatement relativiser cette impression de nombre. La production des martinets est faible. Dans le meilleur des cas, un martinet à un feu et un marteau peut fabriquer annuellement de 100 à 500 quintaux environ de fers parés. Une comparaison du martinet avec la forge dont il est l’annexe donne la mesure de cette activité. Les fers parés sont vendus dans le département, à Toulouse et à Bordeaux, au prix de 60 à 78 francs le quintal. Un négociant de Bordeaux tient un martinet de Foix pour son propre compte, il en sort environ 500 quintaux de parages. Les transports ont lieu à dos de bêtes de somme ou par charrettes. Enfin, l’aspirant des Mines du département de l’Ariège précise : « la quantité d’objets et d’outils divers n’a pu surtout être établie que par apperçue. Les ouvriers qui les exécutent sont pour la plupart illettrés, ne conservent point d’état de leur travail, ne font pas d’ailleurs d’expérience pour connaître la quantité de combustible nécessaire à la conversion d’un quintal de fer en divers outils ». Si on consulte le tableau de la production de parages et des outils ou objets divers dressé usine par usine pour cette année 1818, on obtient un total de 8 450 quintaux58. La multiplication des martinets au XIXe siècle se traduit par la part grandissante des fers bruts transformés en fers parés. En 1825, 15 % de la production de fer de la forge de Laprade, à Vicdessos, sont transformés en parages ; 25 % pour la forge du Castelet et jusqu’à 42 % de la production totale de la forge à deux feux de Rabat dans un martinet à deux marteaux. Mais le martinet de Saint-Paul pare seulement 8 % de la fabrication de la forge du lieu. En 1839-1840, le prix des fers parés varie de 53 à 60 francs, alors que le quintal de fer brut vaut 43 francs en moyenne59. De 1835 à 1842, la production de l’ensemble des martinets du département représente 13,9 % des fers à la catalane, soit une valeur de 61 960 francs alors que la vente des fers se monte à 850 451 francs, soit environ 7 % du chiffre d’affaires de la sidérurgie à la catalane60. Les débouchés des fers parés, outre le marché local, sont essentiellement Toulouse et Bordeaux.
34L’essor des martinets révèle-t-il l’apparition d’une mentalité nouvelle ? Les maîtres de forges réagissent face aux crises de mévente du fer brut et y voient un moyen de lutter contre la baisse du prix du métal. Il ne s’agit pas de promouvoir une activité nouvelle, susceptible d’un véritable développement industriel. En réalité, les maîtres de forges adoptent une attitude défensive, aux effets limités, et ne font pas preuve d’un véritable esprit d’entreprise que l’on trouve peut-être dans l’installation de trains de laminoirs et d’usines de fabrication de faux et de limes. Ces activités nouvelles sont intimement liées à la cémentation du fer à la catalane dont nous connaissons le rôle dans le développement de la sidérurgie directe au XIXe siècle.
2/ Le laminoir : un espoir déçu
35Le laminoir, forme moderne du parage, offre-t-il une chance de développer l’industrie de transformation des fers ariégeois ? Jules François le pense, grâce en particulier aux débouchés offerts par les chemins de fer (essieux et bandages de roues et de locomotives). Il émet pourtant des réserves dont les plus importantes sont un approvisionnement en charbon de terre et en métal à des prix pas trop élevés et la réalisation d’économies de combustible. De 1827 à 1837, quatre laminoirs, à Bruniquel (Tarn), Belvianes (Aude), Ria (Pyrénées-Orientales) et Saint-Antoine (Ariège), ont été élevés au voisinage des forges à la catalane.
36En novembre 1825, Biallé et Cie, de Foix, veulent construire une usine avec deux laminoirs et une mécanique de leur invention propre à couper le fer à froid. Leur intention est de préparer du métal pour les clouteries voisines et pour l’exportation hors du département. Quelques mois plus tard, ils ajoutent un train de laminoirs et une refenderie à chaud. L’ordonnance du 19 décembre 1827 accorde l’autorisation parce que cette usine « aura l’important avantage de fournir un nouveau débouché aux fers des forges [à la catalane] et de contribuer par la concurrence et la simplification des procédés à une baisse dans le prix des fers de petites dimensions et des objets qui en sont fabriqués, que tous ces avantages rentrent trop dans l’intérêt général pour qu’on puisse s’arrêter à la considération que l’usine dont il s’agit pourra faire tord aux martinets à parer le fer qui sont en ce moment en activité ». Un four de cémentation est très rapidement construit. Puis, en 1831, une forge à la catalane est installée dans cette usine. Le propriétaire, M. Garros, déclare avoir mis au point un système qui permettra aux maîtres de forges de ne plus « éprouver le reproche de mal fabriquer leurs fers, ce qui leur donne une certaine défaveur dans le commerce ». Le mail de la forge ne sert qu’à diviser le massé qui passe immédiatement au laminoir d’où il sort pour être livré au commerce61. Bel exemple de solution mixte, mélange d’ancien et de nouveau, qui n’apporte pas de véritable réponse aux problèmes et faiblesses de la sidérurgie à la catalane. L’usine de Saint-Antoine, à Saint-Paul-de-Jarrat, est un projet d’une tout autre envergure parce qu’il associe, dès sa création, cémentation et laminoirs. L’aciérie est construite en 1837 grâce à une initiative et à des capitaux locaux, ceux de Victor Lamarque, de Paul et Adolphe Garrigou de Tarascon, membres d’une même famille, auxquels viennent s’ajouter les capitaux d’une vingtaine d’associés qui créent une société anonyme. Or, Lamarque et les frères Garrigou ont des liens familiaux et commerciaux très forts avec Toulouse, où leur oncle a créé les usines de faux du Bazacle avec l’aide du technicien autrichien Jaegerschmid, puis, quelques années plus tard, la fabrique du Saut-du-Tarn à Saint-Juéry62. Adolphe a été voyageur de commerce pour l’usine de Toulouse. Ces hommes exposent clairement leurs buts, en précisant qu’ils ne cherchent pas à concurrencer les fers parés au martinet. Ils veulent, d’abord, « adoucir, en le décarburant, le fer produit par le système catalan », puis le soumettre ensuite « à l’action des cylindres, après l’avoir manipulé, pour lui donner de plus belles formes. Or, cette manipulation est bien autre chose que le travail du parage sous le marteau ». Ils considèrent qu’il n’existe « aucune parité entre les fers de l’Ariège parés et les fers de l’Ariège laminés », s’ils avaient pensé le contraire, « les fondateurs du laminoir nouveau auraient fait la plus folle des entreprises ». Après un bon départ, Saint-Antoine obtient, la première année de son existence, une médaille d’argent à l’Exposition générale et ses fers sont agréés par les arsenaux qui passent de forts marchés avec elle. Ses produits sont vendus dans toute la France. Mais, assez rapidement, les affaires périclitent et l’usine est rachetée par la Société Métallurgique de l’Ariège dans les années 187063. L’histoire de l’usine de Saint-Antoine illustre les limites des efforts de modernisation de la sidérurgie des Pyrénées ariégeoises. Elle a du mal à confirmer les espoirs de ses promoteurs. Les solutions que cette entreprise propose sont insuffisantes. L’Ariège a pourtant joué, grâce à la qualité du fer à la catalane, un rôle pionnier dans une branche d’avenir de la métallurgie de transformation, la fabrication d’outils, en particulier agricoles, en acier.
3/ Les usines à faux
37Dans les premières décennies du XIXe siècle, la complémentarité traditionnelle forge/martinet n’est plus le seul choix offert aux maîtres de forges. Certains comprennent les possibilités offertes par la cémentation. Ils prennent conscience des débouchés qu’elle ouvre sur des marchés à saisir, du fait de l’absence de production française d’outils en acier. Des usines modernes sont érigées, fabriques de faux et de limes qui placent l’Ariège parmi les régions pionnières pour ce type de fabrication. Les capitaux toulousains se retrouvent associés aux capitaux locaux dans un grand nombre de ces nouvelles usines. La première usine de fabrication de limes et de faux est construite à Planissoles, près de Foix, par Jean Ruffié, maître de forges, né à Foix mais habitant Toulouse. Le 24 mai 1817, il demande l’autorisation d’installer à côté de sa forge construite en 1799 deux fourneaux à cémentation et une usine pour le parage de « toutes sortes de fers et d’aciers » et pour la fabrication des limes, faux et autres objets de taillanderie. L’accord lui est donné le 9 septembre 1818. Les ouvriers sont originaires d’Allemagne et sont passés, pour la plupart d’entre eux, par Toulouse. En 1825, 5 800 faux et 5 900 paquets de limes sont produits ; en 1839-1840, 50 000 faux à 2 francs pièce. Les ventes se font dans toute la France64. Une autre usine, par l’ambition de ses promoteurs, mérite d’être présentée : l’usine de Pamiers, le seul véritable exemple de réussite industrielle relayant la sidérurgie à la catalane. Cette aciérie de cémentation est créée en 1817 avec des capitaux locaux et toulousains. Elle ne s’est développée techniquement et économiquement que grâce à des capitaux extérieurs aux Pyrénées ariégeoises qui, terre de la forge à la catalane, basculent alors dans un autre temps de la sidérurgie, celui de la sidérurgie indirecte et de la grande industrie.
38Le XIXe siècle connaît une révolution de l’industrie de transformation des Pyrénées ariégeoises. Mais cette révolution est liée aux aciéries et à la cémentation plus qu’aux forges à la catalane. La production la plus innovante, celle de la fabrication des faux et limes, contribue au maintien tardif de la sidérurgie directe. L’acier cémenté et les faux « dopent » la sidérurgie à la catalane. Mais l’historien sait que la cémentation n’est qu’une solution provisoire à la fabrication massive d’acier. En comparaison avec d’autres régions sidérurgiques françaises, les Pyrénées ariégeoises souffrent de l’absence d’incitation de l’État. Elles ne bénéficient pas du formidable moteur que constituent les commandes de fabrication d’armes, celles de la Marine, pour le Nivernais, le Berry, le Périgord par exemple. L’absence d’une véritable industrie de transformation à la hauteur de la qualité des fers à la catalane ne s’explique pas seulement par les carences des élites ariégeoises ou par le manque éventuel de dextérité de la main-d’œuvre. Un autre élément de réponse doit être cherché à Toulouse. L’expérience industrielle est aussi toulousaine. Cette situation, si elle illustre le dynamisme certain de quelques notables ariégeois, consolide l’influence de Toulouse. Finalement, les efforts du XIXe siècle pour implanter et développer des activités de transformation modernes, les usines à faux, parmi les premières édifiées en France, les laminoirs, pour tirer un bénéfice supplémentaire de la présence de fours de cémentation et de l’acier qu’ils produisent, tous ces efforts ne sont pas parvenus à renverser les habitudes prises dès le Moyen Âge. Fers parés, faux et limes, outillage de toutes sortes représentent peu face à la production de fer brut. Le soin avec lequel le jeune métallurgiste basque Munibe décrit le martinet et son fonctionnement illustre une différence essentielle entre la sidérurgie de la Biscaye et celle des Pyrénées ariégeoises : l’importance du travail des fers bruts avant commercialisation. Cette différence est un héritage de l’histoire métallurgique singulière de ces deux régions pyrénéennes65.
D/ La commercialisation du fer des Pyrénées ariégeoises aux mains de Toulouse
39La plus grande partie de la production de fer des Pyrénées ariégeoises est commercialisée sur un marché interrégional par Toulouse. Au début du XVIIe siècle, l’historien Catel dans ses Mémoires de l’histoire du Languedoc, publiés en 1633, écrit que le fer forgé aux montagnes de Foix est employé dans une bonne partie de la France. On le porte de Foix à Toulouse qui le répartit entre d’autres provinces. En 1786, encore, les 9/10 du fer pyrénéen sont exportés vers la capitale languedocienne. En 1820, le marquis d’Orgeix justifie sa demande de construction d’une forge à Bénagues, dans la plaine de Pamiers, en arguant de sa proximité avec Toulouse, « lieu de l’entrepôt ou de la consommation de tous les fers de l’Ariège »66. Plus grave, les prix du métal « sont généralement déterminés par les traités qui se font chaque année entre les maîtres de forges et les marchands de fer de Toulouse »67.
1/ Toulouse a capté le marché des fers ariégeois
40Les crises que la sidérurgie à la catalane a subies ont clairement établi le rôle prépondérant de Toulouse dans la commercialisation des fers des Pyrénées ariégeoises. Elles ont aussi révélé l’incapacité des maîtres de forges ariégeois à se libérer de l’emprise de Toulouse. Les marchands toulousains font échouer toutes leurs tentatives. La plupart des industriels ne disposent pas de finances suffisantes pour tenir sans vendre leur production. Ils vivent au jour le jour, et doivent écouler leur production au fur et à mesure de sa fabrication afin de se procurer les fonds nécessaires pour approvisionner leur forge en matières premières. Au XIXe siècle, il existe un double marché. Si les marchands toulousains sont peu présents sur le nouveau marché des fers pour cémentation, marché en plein essor qui leur a échappé, ils conservent par contre, contrairement à ce que l’on dit, la mainmise sur le marché traditionnel des fers à la catalane. En 1812, il n’existe plus à Foix de maison de commerce spécialisée, l’acheminement des fers à Toulouse se fait désormais sans intermédiaire68. En 1863, les statistiques industrielles constatent encore que « la vente des fers, telle qu’elle se produit depuis longtemps n’est jamais difficile ». L’explication reste toujours la même, les industriels ariégeois « en général besogneux n’ont qu’à se présenter sur la place de Toulouse toujours avide de concessions, et là tout en faisant leurs propositions subir une loi que leur position ne leur permet pas d’éviter »69. Le désintérêt, mais s’agit-il réellement d’un manque d’intérêt, des notables ariégeois pour la commercialisation du fer qu’ils produisent explique-t-il la captation du fer pyrénéen par Toulouse ? Comment les marchands toulousains ont-ils pu s’emparer et conserver à leur profit la mainmise sur ce fer réputé ? Ne faut-il pas remonter au Moyen Âge et à la politique comtale relayée par l’aristocratie qui, en s’appropriant les taxes sur le commerce du métal, en multipliant les péages, ont en fait encouragé l’exportation du fer brut, tout en ne maîtrisant pas le commerce extérieur du comté ? Toujours est-il que se met alors en place un système qui convient à tous, élites, en particulier maîtres de forges, mais aussi marchands de fer fuxéens en relation avec leurs confrères toulousains70. Chacun estime trouver son compte dans cette organisation. Des dynasties de maîtres de forges, nobles comme bourgeois, se mettent en place et gardent les habitudes et les traditions de leurs ancêtres. La gestion de la forge est abandonnée à un fermier qui, à son tour, essaie de devenir membre de cette élite. Et certes, la bourgeoisie locale aux moyens limités, immobilisés en biens fonciers, ne manifeste pas un grand esprit d’entreprise, handicapée par une organisation financière médiocre. L’horizon des notables déjà installés et celui de la classe montante reste limité aux montagnes ariégeoises. Il s’agit, dans le premier cas, de tirer le meilleur parti possible d’un domaine et dans le second d’accéder à la propriété sylvo-pastorale. La place est ainsi laissée libre pour Toulouse, ses marchands et sa tradition commerciale multiséculaire. Le mode de commercialisation des fers à la catalane des Pyrénées ariégeoises est favorable aux Toulousains. Les maîtres de forges ne disposent pas, pour la plupart d’entre eux, de capitaux suffisants pour faire à l’avance leurs approvisionnements en matières premières. Ils doivent recourir au crédit qui leur est accordé par les marchands toulousains ou leurs représentants qui achètent, à l’avance, la production future. Il se crée ainsi une forte dépendance et le modèle né au Moyen Âge se perpétue, même si les conditions du commerce ont changé. Les explications doivent aussi être cherchées du côté de la capitale languedocienne. Les maîtres de forges pyrénéens ne peuvent pas s’émanciper de la tutelle toulousaine, ils ne contrôlent pas le marché de leurs fers que dominent parfaitement les marchands toulousains.
2/ Les atouts de Toulouse
41La Bourse des Marchands de Toulouse affirme, à la fin du XVIIe siècle, que la ville est l’entrepôt et le centre de redistribution des fers des forges ariégeoises71. Le cas de la sidérurgie n’est pas exceptionnel, la draperie offre un autre exemple de cette emprise toulousaine. En 1786, confirmation d’une longue tradition, Toulouse est considérée comme « l’entrepôt naturel » des Provinces de Languedoc et du pays de Foix pour tous les objets de commerce et d’industrie. Elle absorbe l’essentiel du fret et contrôle le commerce d’entrepôt, au point que certains historiens comparent la situation de l’amont de la Garonne à un marché dominé de type colonial. C’est reconnaître que la ville dispose d’atouts de premier ordre. D’abord sa situation géographique de carrefour, comme le précise l’intendant de Basville, à la fin du XVIIe siècle, « il n’y avait point de ville mieux située que Toulouse pour le commerce »72. L’abondance des eaux de la Garonne qui permet un transport facile vers Bordeaux, le canal du Midi qui facilite le transport à bon compte vers le bas Languedoc. Sa tradition commerciale et ses marchands constituent une autre force de la capitale languedocienne. En 1698, le commerce des laines d’Espagne est entre les mains des marchands toulousains, assurant à la ville son négoce principal. Les laines de Catalogne et de l’Andorre arrivent par Ax73. Il n’est guère nécessaire de revenir en détails sur la fonction commerciale de Toulouse très souvent étudiée. Sa tradition marchande et les moyens financiers de ses négociants donnent à la ville une capacité économique importante, au service d’une culture commerciale ancienne disposant de réseaux créés pour d’autres produits, réseaux souvent internationaux dont ne bénéficie pas le fer pyrénéen. Un dernier facteur est favorable à Toulouse. Le commerce entre la capitale languedocienne et les Pyrénées ariégeoises est déséquilibré. Les marchandises transportées lors du retour vers les montagnes sont plus importantes, au moins en valeur, que le métal voituré jusqu’à la ville : « le poids des fers que l’on envoie à Toulouse est inférieur à celui des autres objets qu’on en fait venir ». L’essentiel du retour se fait avec des grains, indispensables à la vie dans la montagne, confirmation de la toute puissance des céréales dans la plaine toulousaine. La description des rapports entre les maîtres de forges ariégeois et les marchands de Toulouse révèle les pratiques commerciales habituelles et illustre les rapports de force entre ces deux groupes, montrant clairement que les Toulousains mènent le jeu.
3/ Mais Toulouse ne dynamise pas la sidérurgie à la catalane
42À la fin du XVIIIe siècle, Toulouse, avec 53 000 habitants, est la plus grande ville entre Marseille (environ 100 000 habitants) et Bordeaux (plus de 110 000). Sa structure sociale est assez particulière. Le Parlement, jouissant d’un grand prestige, domine la ville et la vaste région qui va des rives du Rhône aux limites du Béarn, de l’Auvergne aux Pyrénées. C’est dans la noblesse parlementaire que se recrutent les Toulousains les plus riches, mais leur fortune n’atteint pas le niveau de celles que l’on trouve à Bordeaux, Marseille ou Lyon. Seules deux ou trois familles disposent d’un capital de plus d’un million de livres en biens immobiliers. La noblesse, dans son ensemble, qui représente moins de 1 % de la population, possède les deux tiers de la richesse totale de la ville. La bourgeoisie, en y incluant les artisans et les petits propriétaires exploitants agricoles, regroupe 72 % de la population, mais détient seulement un peu plus du tiers de la richesse. On ne rencontre pas de riches marchands comme à Bordeaux, Marseille ou Lyon. La bourgeoisie toulousaine est pauvre. Les classes populaires, petits artisans, compagnons, journaliers agricoles, forment un quart de la population et ne possèdent pas même 1 % de la richesse, confirmant l’impression de pauvreté que donne la ville. Si l’on consulte les cotes de capitation de la capitale languedocienne à la fin du XVIIe siècle, on relève quinze marchands de fer sur les 210 marchands figurant sur les registres, soit le cinquième rang de l’ensemble de cette profession74. Certains marchands de fer peuvent figurer dans la moyenne bourgeoisie, à la fin du XVIIIe siècle. Parmi les fortunes élevées, on note celle de Bernarde Jourdan, veuve d’Antoine Marin-Gousse, marchand de fer, qui se monte à 10 500 francs. Louis Thomassin, autre marchand de fer, laisse une succession de 6 659 francs75.
43L’intendant de Basville, en 1698, remarque que « bien que cette ville soit l’une des plus grandes du royaume, on peut dire qu’elle est une des moins riches »76. De plus, Toulouse est une ville dont les élites ne rêvent que d’intégration dans la bourgeoisie parlementaire, d’anoblissement, et ne placent pas leur fortune dans l’industrie mais dans les charges et les terres anoblissantes. L’intendant le constate pour le critiquer fortement, « c’est un mal pour le commerce parce que les enfants de ces marchands se croyant nobles quittent la profession de leurs pères où il serait important qu’ils puissent persévérer »77. Les perspectives d’enrichissement par la rente foncière détournent les capitaux de l’industrie. La prospérité agricole du XVIIIe siècle et du premier tiers du XIXe pèse lourd sur l’absence de placements industriels et sur la mentalité des notables. Avec un tel état d’esprit, la capitale languedocienne ne peut être un moteur de développement mais au contraire pousse au maintien du statu quo. Elle se contente d’une simple redistribution d’un produit connu sur un marché qu’elle maîtrise depuis longtemps. De façon générale, elle crée autour d’elle une zone où les capitaux se mobilisent difficilement pour l’industrie. Si peu de dynasties commerciales sont remarquables, que dire de dynasties industrielles qui sont inexistantes ? En réalité, ce manque d’initiative industrielle confirme le caractère agricole de Toulouse. La rentabilité des placements fonciers et le prestige social que confère la possession de domaines ruraux suffisent à expliquer l’absence d’aventure industrielle, quelles qu’aient pu être en ce domaine les potentialités78. Toulouse développe surtout les activités commerciales d’un important foyer de consommation et d’un grand marché régional. Les opérations bancaires concernent le négoce plus que l’industrie. Ainsi la ville présente l’aspect d’un « grand village » et les mentalités des notables restent imprégnées des valeurs rurales. Les activités industrielles ne sont pourtant pas négligeables. Les industries qui y sont créées conservent un caractère dispersé, mais montrent des formes discrètes et efficaces de dynamisme entrepreneurial fondé sur des productions à forte valeur ajoutée qui se passe du développement d’un système usinier et bancaire79.
44Ce diagnostic une fois posé, les faiblesses repérées, il faut se demander quelle a été la position des hommes du fer, s’ils ont cru à la possibilité d’améliorer ce système direct. Et d’abord, il est indispensable de prendre en compte l’opinion des maîtres de forges et des métallurgistes, et de voir s’ils ont agi d’une façon plus ou moins volontariste pour corriger les défauts de la forge à la catalane.
Notes de bas de page
1 Arch. dép. Ariège, 1 C 162.
2 Arch. dép. Ariège, 3 J 16, délibérations des États de Foix du 28 janvier 1746.
3 Arch. dép. Ariège, 1 C 42, affaire de la voiture des fers du pays de Foix, 1737-1743.
4 Arch. dép. Ariège, 1 C 41, mémoire des États du pays de Foix, 31 janvier 1746.
5 Arch. dép. Ariège, 1 C 42 ; Arch. dép. Ariège, 3 J 3, procès-verbaux des États de Foix.
6 Arch. dép. Ariège, 1 C 164, requête du marquis de Montgailhard pour le rétablissement d’une forge, 1745.
7 Arch. dép. Ariège, 3 J 7 ; Arch. dép. Ariège, 3 J 16 ; Arch. dép. Ariège, 1 C 40 ; Arch. dép. Ariège, 1 C 41 ; Arch. dép. Ariège, 1 C 161.
8 Arch. dép. Ariège, 3 J 16, mémoire des commerçants en fer de Foix, 1746.
9 Arch. dép. Ariège, 1 C 164, forge de Niaux.
10 Arch. dép. Ariège, 1 C 41, mévente des fers du magasin de Foix.
11 Acoquat, Mémoire pour le tiers état de la province et le pays de Foix, 1789, p. 39.
12 D. Woronoff, Histoire de l’industrie en France, op. cit., p. 169.
13 Arch. dép. Ariège, 1 C 165, état des forges, fourneaux, bouches à feu, observations, 1er avril 1772 ; lettres du marquis de Gudanes, 12 juin, 15 juin, 16 juin 1772 ; observations de l’évêque de Pamiers, 30 juillet 1772 ; observations, forge de Bonnac, octobre 1772 ; observations, forge de Mijanès, octobre 1772 ; B. Gille, Les forges françaises en 1772, op. cit., p. 144.
14 Le directeur des usines de Saint-Antoine, à messieurs les maîtres de forges du département de l’Ariège, imprimé, p. 4, note A.
15 D. Woronoff, L’industrie sidérurgique en France, op. cit., p. 510.
16 A. Sirgant, « Contribution à l’étude du commerce sous le Ier Empire », Bulletin de la Société Ariégeoise Sciences, Lettres et Arts, 1933, p. 139-150 et 1937, p. 412-423 ; Arch. nat., FIC V Ariège I ; Arch. dép. Ariège, 1 Mi 12, R 1.
17 Arch. dép. Tarn-et-Garonne, 219 S 1, fonderie de Bruniquel, 1809-1834, lettre de l’ingénieur en chef des Mines d’Aubuisson au préfet du Tarn-et-Garonne, le 27 septembre 1812, après une visite à Bruniquel.
18 D. Woronoff, L’industrie sidérurgique en France, op. cit., p. 510-526.
19 Arch. dép. Ariège, 138 S 30, martinet du Sauzeil à Vicdessos, mars 1823.
20 Arch. dép. Ariège, 138 S 13, Montgailhard.
21 Arch. dép. Ariège, 137 S 3, 1827-1828.
22 Arch. dép. Ariège, 1 J 85.
23 Arch. dép. Ariège, 138 S 2, Vicdessos, 1830.
24 Arch. dép. Ariège, 14 M 17, canton de Tarascon ; octobre 1832, sous-préfet de Saint-Girons.
25 Arch. dép. Ariège, 137 S 2, 1835-1839, 1838-1842.
26 Cité par Louis Claeys dans Histoire de Foix et de la Haute Ariège, op. cit., p. 211.
27 Arch. dép. Ariège, 5 M 2, lettre de Jules François, ingénieur en chef des Mines, au préfet de l’Ariège, 12 juillet 1848 ; lettre du maître de forges de Saint-André au préfet, 15 juillet 1848.
28 J.-Ch. Asselain, Histoire économique de la France, Paris, Le Seuil, 1984, tome I, p. 146.
29 Arch. dép. Ariège, 5 M 2.
30 Arch. dép. Ariège, 102 S 172, Orgeix, 1850 ; Arch. dép. Ariège, 138 S 6, Capoulet-Junac, 1842-1851.
31 Arch. dép. Ariège, 8 S 2, 1857 ; Arch. dép. Ariège, 14 M 181, 1857, le ministre au préfet de l’Ariège, réponse du préfet, le 16 décembre 1857 ; Arch. dép. Ariège, 137 S 2, 1858 ; Arch. dép. Ariège, 137 S 1, 1858, lettre de l’ingénieur des Mines au préfet.
32 D’Aubuisson de Voisins, Observations sur les mines et les mineurs de Rancié, op. cit., p. 41-42.
33 E. Pujolle, P. Machot, « Asson et Nogarot : deux forges à la catalane en Béarn au XIXe siècle », L’obtencio del ferro pel procediment directe entre els segles IV i XIX, op. cit., p. 144-145.
34 Picot de Lapeyrouse, Traité sur les mines de fer, op. cit., p. IX.
35 M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, op. cit., p. 588.
36 Héron de Villefosse, De la richesse minérale, op. cit., tome III, p. 397 ; J. François, Recherches les gisements, op. cit., p. 54.
37 R. Marconis, Midi-Pyrénées, XIXe-XXe siècles. Transports-Espace-Société, op. cit., tome I, p. 255.
38 Arch dép. Ariège, 1 C 165, lettre du marquis de Gudanes, le 16 juin 1772.
39 Raymond Lin Capdeville, Mémoire instructif pour quelqu’un qui veut se mettre au fait de la conduite et régie des forges à la pyrénéenne et devenir ce qu’on appelle bon maître de forges, archives privées.
40 Arch. dép. Ariège, Z° 2226, État des forges du département de l’Ariège, 1810.
41 J. François, Recherches sur les gisements, op. cit., p. 327.
42 Le directeur des usines de Saint-Antoine, à messieurs les maîtres de forges du département de l’Ariège, imprimé de 7 p., vers 1845 ; Mémoire de MM. les maîtres de forges de l’Ariège à monsieur le ministre du Commerce et de l’Agriculture sur la question d’importation des fers au bois du nord de l’Europe, Foix, 1845.
43 F. Baby, La Guerre des Demoiselles en Ariège, op. cit., p. 34-36.
44 Arch. dép. Ariège, Z° 2226, État des forges du département de l’Ariège, 1810.
45 Picot de Lapeyrouse, Traité sur les mines de fer, op. cit., p. 178.
46 C. Verna, Le temps des Moulines. Fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (XIIIe-XVIe siècles), op. cit., p. 287-305.
47 Sur les différents sens de martinet, voir J.-F. Belhoste, « Martinetus et Fusina dans la sidérurgie alpine au XIIIe et XIVe siècles. Réflexions philologiques », Il ferro nelle Alpi, op. cit., p. 146-151.
48 Arch. dép. Ariège, 46 J 242, registre n° 36, fol. 14.
49 J. Cantelaube, C. Verna, « Les forges à la génoise dans les Pyrénées centrales au XVIe siècle : quel transfert d’innovation ? », Il ferro nelle Alpi, op. cit., p. 152, 154, 158.
50 El Tratado de Metalurgia, op. cit., p. 87-93 ; Dietrich, Description des gîtes de minerai, op. cit., p. 72-73.
51 Foix, Bibliothèque municipale de Toulouse, ms 638, p. 304 ; Arch. dép. Ariège, E 6, fol. 474. Nalzen, Arch. dép. Ariège, E 656, fol. 261-263. Montgailhard, Arch. dép. Ariège, 1 C 164.
52 Arch. dép. Ariège, 2 B 31, fol. 138.
53 Arch. nat., K 1162 ; Arch. dép. Ariège, 1 Mi 2, R 14, le 10 juillet 1775, requête de Jean de Montaut, seigneur de Brassac, qui demande en 1769 à être autorisé à construire un martinet à fabriquer des clous à Brassac.
54 Arch. dép. Ariège, 1 C 165 ; B. Gille, Les forges françaises en 1772, op. cit., p. 135-151.
55 Arch. dép. Ariège, 1 C 165, observations de l’état des martinets, 1772.
56 Arch. dép. Ariège, 14 M 17, 1825, Engomer, 1832, Tarascon ; Arch. dép. Ariège, 138 S 22, Saurat, forge de La Mouline, 1821 ; Arch. dép. Ariège, 138 S 29, Vicdessos, martinet de L’Oratoire, 1821-1831 ; Arch. dép. Ariège, 102 S 178, Oust, 1820.
57 Arch. dép. Ariège, 138 S 13.
58 Arch. dép. Ariège, 137 S 1, document 24, 1818.
59 Arch. dép. Ariège, 14 M 17 ; Arch. dép. Ariège, 137 S 1.
60 J. François, Recherches sur les gisements, op. cit., p. 334-335.
61 Arch. dép. Ariège, 138 S 9.
62 J. Bonhôte, « Le site métallurgique du Saut-du-Tarn. Tarn », Itinéraires du Patrimoine, n° 107, 1996.
63 Arch. dép. Ariège, 102 S 218 ; Arch. dép. Ariège, 7 S 7 ; Arch. dép. Ariège, 14 M 18 ; Le directeur des usines de Saint-Antoine, à messieurs les maîtres de forges du département de l’Ariège, imprimé de 7 p, Foix, s. d., rédigé par Adolphe Garrigou.
64 Arch. dép. Ariège, 138 S 9 ; Arch. dép. Ariège, 137 S 1 ; Arch. dép. Ariège, 14 M 5 ; Arch. dép. Ariège, 14 M 17.
65 La relation de Munibe est le premier témoignage détaillé tant sur le plan technique qu’économique sur ce sujet.
66 Arch. dép. Ariège, 138 S 4, Bénagues, 1820-1825.
67 Arch. dép. Ariège, Z° 2226, état des forges du département de l’Ariège, 1810.
68 Arch. nat., F14 1269.
69 Arch. dép. Ariège, 14 M 182, statistiques industrielles.
70 C. Verna, Le temps des Moulines. Fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (XIIIe-XVIe siècles), op. cit., p. 161-183.
71 M.-Th. Chartrou, Quelques aspects de l’industrie et du commerce toulousains (1681-1700), D.E.S., Université de Toulouse-Le Mirail, p. 51 ; archives de la Bourse des Marchands, D1, f° 52 r° et v°.
72 Ibidem, p. 15.
73 Bibliothèque Municipale de Toulouse, mss 604, mémoire de Basville, 1698, f° 193.
74 M. Thoumas-Schapira : « La bourgeoisie toulousaine à la fin du XVIIe siècle », Annales du Midi, tome XVII, 1955, p. 313-329.
75 J. Sentou, Fortunes et groupes sociaux à Toulouse sous la Révolution, 1789-1799. Essai d’histoire statistique, op. cit., p. 352-353, 367.
76 Ibidem, f° 248.
77 M.-Th. Chartrou, Quelques aspects de l’industrie et du commerce toulousains (1681-1700), op. cit., p. 20.
78 R. Marconis, « Midi-Pyrénées, déclin et renouveau. Pour une relecture de l’histoire contemporaine de la région », Toulouse et le Midi toulousain entre terre et ciel du Moyen Âge à nos jours, Actes du 47e congrès de la Fédération des sociétés académiques et savantes Languedoc, Pyrénées-Gascogne, Toulouse, Les Amis des Archives de la Haute-Garonne, 1993, p. 268.
79 J.-M. Olivier, « Un « grand village » industrieux (1852-1914) », Nouvelle histoire de Toulouse, sous la direction de Michel Taillefer, Toulouse, 2002, p. 225-233.
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