Chapitre I. La forge à la catalane célèbre et mal connue : examen des topiques
p. 19-41
Texte intégral
1La forge à la catalane est omniprésente dans l’historiographie et pourtant le procédé sidérurgique proprement dit, ainsi que le système technique qu’il impulse, restent très largement méconnus. Des anthropologues, des ethnologues, des géographes et des historiens ont rencontré la sidérurgie à la catalane au cours de leurs travaux. Ils n’ont pas considéré la forge en elle-même, elle n’était pas leur centre d’intérêt, mais ils se sont focalisés sur l’impact de la sidérurgie sur la société pyrénéenne puisque la démarche d’un grand nombre d’entre eux concerne en priorité les interactions forêt-société. De cette constatation naît la nécessité d’une mise au point.
A/ La place de la forge dans l’histoire des Pyrénées
2La recherche s’est orientée vers une double direction : d’abord elle a pris en compte l’ensemble de la chaîne pyrénéenne, de l’Atlantique à la Méditerranée, tant il est vrai que l’on rencontre la forge à la catalane sur les deux versants. Ensuite, elle a scruté plus particulièrement les montagnes ariégeoises. Émergent alors deux idées-forces qui donnent naissance à un paradoxe : d’une part le terrain historique est « saturé » par l’omniprésence de cette forge. D’autre part, la description qui est donnée de cette usine est extrêmement incertaine, au point de rendre impossible toute compréhension. Enfin, les stéréotypes dégagés forment un réseau cohérent : cette cohérence naît de la notion d’archaïsme qui est attachée à la sidérurgie directe et qui brouille la vision et les temporalités.
1/ La société montagnarde et la sidérurgie
3Les historiens ont fait de l’économie agro-pastorale le pivot du monde pyrénéen, avec une agriculture vivrière prioritaire. Dans cette civilisation montagnarde, la forêt constitue une ressource indispensable de la vie à la montagne. Certains auteurs parlent de civilisation du bois, dans laquelle le paysan fabrique ce dont il a besoin en utilisant ce que lui offrent les arbres. Cette forêt, cependant, est menacée par les Pyrénéens, forts de leurs droits d’usage. Ils la considèrent comme une ressource inépuisable, coupant les arbres sans retenue, incendiant les taillis pour améliorer les pâturages, envoyant leurs troupeaux pacager dans les bois. En dernière analyse, les historiens et les géographes décrivent une économie qui tend à être autarcique, dans une vallée conçue comme une communauté de vie1.
4Dans cette vision classique du monde pyrénéen, l’industrie n’a jamais pu jouer un rôle décisif. Elle est dominée de très haut par la sidérurgie au bois qui fait du comté de Foix l’une des premières régions métallurgiques de France2. Et pourtant, les techniques locales de production sont jugées dépassées. Une constatation d’ordre général est alors avancée : l’industrie constitue un apport secondaire dans ce système agro-pastoral. Une place à part est, cependant, accordée aux Pyrénées ariégeoises où la forge constitue un élément important pour l’économie montagnarde. Elle apparaît comme l’annexe des grands domaines sylvo-pastoraux, unique activité à offrir des débouchés à la forêt. Mais, cette sidérurgie directe au bois est encore considérée comme une technique obsolète.
5Or, il est vrai que les industries extractives et métallurgiques, à quelques rares exceptions près (à l’exemple de Baïgorry), ont connu des échecs malgré le mythe de la richesse minérale des Pyrénées3. Seule la sidérurgie a eu un développement important sur la longue durée. Cette métallurgie du fer pyrénéenne doit sa réputation au procédé de réduction direct et à la forge à la catalane en particulier. D’abord, et c’est un truisme, si le fer est présent partout dans la chaîne des Pyrénées, seule l’existence de grands gisements a permis la naissance et le développement d’une sidérurgie durable. Les mines du Canigou ou celles de Somorrostro pour le Pays basque espagnol sont parmi les plus célèbres avec, dans les Pyrénées centrales, la mine de Rancié. L’importance de la sidérurgie à l’échelle des Pyrénées et l’attachement au procédé à la catalane sont justifiés par la richesse en minerai de qualité et en forêts de ces montagnes qui connaîtraient ainsi un déterminisme naturel. Si un très grand nombre de publications, du guide touristique aux livres et articles de la littérature scientifique, décrivent la métallurgie ancienne des Pyrénées, peu, en réalité, sont consacrées à ce seul thème. Toutes les études sur les Pyrénées, la moindre monographie de vallée, comportent un paragraphe ou un chapitre obligé sur la sidérurgie. La liste en est fort longue. Le lecteur s’aperçoit très rapidement que les auteurs utilisent toujours les mêmes références, d’ailleurs pas très nombreuses, pour étudier la métallurgie.
2/ La forge : un des éléments de la « dissidence »
6Le problème de l’approvisionnement en charbon de bois commande toute la vie de l’ancienne métallurgie et renforce la prépondérance des grandes familles aristocratiques de maîtres de forges, propriétaires de milliers d’hectares de forêt en montagne. Les forêts royales, communales, elles aussi, subissent le poids du ravitaillement des forges en combustible. Là réside une autre grave menace pour les bois. Menace d’autant plus grande que ces usines, dévoreuses de forêts, constituent de redoutables concurrentes pour les habitants des vallées dont les droits d’usage sont contestés par les maîtres de forges. La délinquance forestière, les révoltes, les troubles forestiers, si nombreux dans les Pyrénées, semblent un mal endémique. Ils font la célébrité de ces montagnes souvent présentées comme les montagnes du refus, de la résistance aux pouvoirs centraux. Or, la dissidence pyrénéenne, d’une façon ou d’une autre, met en jeu la sidérurgie à laquelle elle est étroitement liée par le charbonnage des forêts. La forge est toujours appréhendée par le biais des conflits entre les maîtres de forges et leurs charbonniers d’un côté, les communautés rurales de l’autre. Le nombre de délits forestiers constitue une sorte de baromètre de l’état moral des populations. L’exemple emblématique, toujours cité, est la « guerre des Demoiselles » dont la bibliographie est prolifique4. Bien que les enjeux de cette résistance au code forestier de 1827 dépassent de beaucoup la métallurgie, c’est toujours le binôme forge /forêt qui est mis en avant, avec les mêmes arguments, répétés d’un auteur à l’autre. Étrange destin que celui de cette forge rarement étudiée pour elle-même !
7Ce manque de curiosité pour les réalités de la sidérurgie et de la forge à la catalane est illustré par les « Bibliographic Essays » de l’ouvrage que l’historien Peter Sahlins consacre à la « guerre des Demoiselles ». Cette remarquable bibliographie critique n’offre pas la moindre entrée « forge » ou « sidérurgie », aucun ouvrage traitant du travail du fer stricto sensu n’y figure. Or, la forge à la catalane est omniprésente dans l’ouvrage. L’auteur se contente d’en donner une rapide définition qui est en même temps un jugement de valeur nécessaire à la démonstration qu’il désire conduire :
8« Les forges dites catalanes se multipliaient, avec leur technologie aussi sophistiquée qu’inefficace, comptant sur d’énormes quantités de charbon de bois pour produire le fer »5.
9La recherche bibliographique des rapports entre la société pyrénéenne et la forge a montré que la sidérurgie est partout présente, qu’elle est un des éléments-clefs de la connaissance de ces montagnes méridionales. Or, la description technique de cette activité est restée imprécise.
B/ La forge à la catalane : une image brouillée
10L’absence de description précise tient de façon générale à la méconnaissance de l’histoire sociale des techniques. Il est nécessaire de dresser un état des lieux de la forge à la catalane avant d’en donner une définition techniquement assurée et historiquement fondée. Le premier mouvement est de consulter dictionnaires et encyclopédies. Et d’abord, chronologie oblige, Furetière, et son Essai d’un dictionnaire universel publié en 1690, où les entrées : « acier », « fer » n’apportent pas de précisions. L’entrée « forge » est plus riche. Après avoir fait référence à Du Gange, la définition donnée par Furetière ne concerne vraisemblablement que le procédé indirect : « Grand fourneau où l’on fond le fer qui sort des mines, et où on le réduit en gueuse ». Littré, en 1877, dans les articles « catalane : terme de métallurgie. Forge à la catalane, bas fourneau dans lequel s’opère l’affinage immédiat du minerai de fer », ou « affinage : affinage du fer », et enfin, « feu : feu catalan, bas fourneau en forme de renardière » de son dictionnaire, ne nous renseigne guère. Même déception à la lecture de la Gran Enciclopèdia Catalana pour qui la méthode catalane fut pratiquée dans les pays de l’Europe occidentale dès le Moyen Âge jusqu’à la fin du XIXe siècle.
11André Leroi-Gourhan, dans le domaine de recherche qui est le sien, n’hésite pas à écrire que « le terme de méthode catalane est à rejeter du vocabulaire ethnographique » lorsqu’il ne s’agit pas « du vieux four proprement catalan » sans préciser plus en détails la description de ce fourneau. Mais il s’agit d’un véritable pas en avant, il a senti intuitivement la distinction irréductible entre la filière technique et la géographie. Il conseille d’utiliser le terme de « fonte à basse température » pour tous les procédés antérieurs à l’état industriel actuel. Ainsi, le procédé connu sous le nom de méthode catalane consisterait en une fonte au charbon de bois à température relativement basse, perfectionnée en Europe par l’amélioration des souffleries qui ont permis, de 1500 à 1700°, d’obtenir des fontes homogènes. Ce n’est donc pas la construction du four sur un plan uniforme, qui serait le plan « catalan », qui la caractérise6. Une telle définition est bien difficile à comprendre, d’autant que l’emploi du terme de « fusion » renforce la confusion.
12Un premier travail de recension est obligatoire car il n’est pas possible de faire l’économie de l’étude de cette locution dans la banalité de ses utilisations les plus communes. Cette recherche ne prétend pas à l’exhaustivité qui se révélerait sans grand intérêt. Il suffit de présenter une typologie succinctement dressée qui n’a pour seul but que de montrer les principaux stéréotypes qui s’attachent à la forge à la catalane, à la fois dans le temps et dans l’espace7.
1/ Une chronologie et un espace en expansion
13Il n’est pas question de montrer du doigt des archéologues et des historiens dont les travaux sont pour la plupart d’entre eux de grande qualité, mais de mettre en exergue les « topoi » sur la forge à la catalane et les difficultés rencontrées pour obtenir une définition documentée. Il est nécessaire de définir d’abord les limites chronologiques de cette usine. Les forges à la catalane sont pour certains « héritées de la préhistoire », leur exploitation date « de la plus haute antiquité »8. Un auteur écrit à propos de la Lorraine, « huit siècles avant notre ère, nos vallons et nos collines rougeoient déjà du feu des fours catalans »9. Elles peuvent aussi bien remonter à l’époque des Gaulois ou des Romains, « quant à l’âge de ces forges, il n’est pas douteux : on les qualifie habituellement de forges gauloises ; mais elles sont presque toujours romaines »10. « L’exploitation à la catalane, c’est-à-dire par ce procédé, le seul connu des Anciens, au moyen duquel le fer était tiré directement du minerai »11. Bien plus, certains auteurs expliquent que le four catalan est né « probablement de la confluence de la technique préromaine avec celle des Wisigoths - au travers du four franc, héritier du four mérovingien, que les Wisigoths ont modifié »12. Elles font florès au Moyen Âge, par exemple « Durant le Moyen Âge, la sidérurgie a connu un très fort essor entre le XIe et le XIVe siècle, en Espagne, le procédé Catalan était développé »13. Lors des fouilles d’un village de Toscane occupé du XIe au XIVe siècle, les archéologues ont découvert « un bâtiment… constitué de deux pièces. Dans l’une se trouvaient les soufflets et dans l’autre un bas-fourneau "à la catalane" pour la réduction du fer »14. Jean Sermet, dans l’étude exhaustive qu’il a réalisée sur la frontière hispano-française des Pyrénées, considère que la forge à la catalane a fait son apparition au Moyen Âge15. Il donne comme référence la thèse de Daniel Gomez Ibanez sur les deux versants des Pyrénées occidentales16. Autre fourchette chronologique proposée, « les dates précises de son existence seraient du Xe siècle jusqu’à 1878 »17. Ces formules se rencontrent constamment à l’époque contemporaine. Incertitude identique pour leur terminus ad quo. Dans un contexte très particulier, bien loin des Pyrénées, dans l’Indochine coupée de la France par la guerre, en 1943, les Français obtiennent du fer avec le minerai local dans des fours « selon le système à la catalane »18. Un autre exemple choisi dans les Pyrénées suffira, « l’industrie des forges catalanes reste particulièrement vivante »19 en 1952 ! Bien d’autres dates pourraient être citées.
14L’absence de bornes chronologiques s’accompagne d’un manque de localisation de la forge à la catalane. Elle serait présente des Pyrénées à l’ensemble de l’Europe et jusqu’en Amérique20.
2/ Une forge au visage incertain et un procédé indéterminé
15Une chronologie aussi étendue et un espace aussi vaste expliquent que la forge à la catalane soit caractérisée autant par l’utilisation de l’énergie humaine que par l’énergie hydraulique, de la forge à bras ou forge volante au moulin à fer qui s’installe, au Moyen Âge, sur les rives des torrents et rivières. « On voit donc que c’étaient des forges à bras, analogues à celles que nous nommons forges à la Catalane et qui restent encore [en 1860] en usage dans quelques forêts des montagnes »21. Face à un changement d’énergie aussi fondamental, à une telle révolution technique, il n’est pas possible d’accepter l’idée que l’atelier et le procédé soient restés inchangés. La forge hydraulique elle-même est victime du syncrétisme catalan, la mouline assimilée à la forge à la catalane. Les souffleries et les marteaux étaient actionnés par les torrents, de là l’appellation fréquente de « mouline » ou moulin à fer pour reprendre l’expression utilisée par Jules François22. Banalisation, peut-être même négation d’un temps fort de l’histoire des techniques qui ouvre l’ère de la mécanisation du travail du fer. La description de la mouline reste vague : « Les actes de l’époque [de 1300 à 1550] ne donnent aucun détail technique sur ces « molines » mais l’on peut penser que les plus importantes devaient se présenter à peu près comme nous les décrit Jules François (document 5) avec son soufflet et son marteau mus par l’énergie hydraulique, avec sa rangée de parsons ». Or, le document 5 de Jules François est un croquis de forge qui porte comme titre : « forge catalane », sans aucune ambiguïté. De plus, il ne présente pas un soufflet mais une trompe, exemple supplémentaire de confusion23.
16La soufflerie de la forge à la catalane est tout aussi imprécise. Elle peut avoir des soufflets de forme et de dimensions indéterminées dont le nombre est variable, d’un seul « gros soufflet » à « sept gros soufflets c’est-à-dire l’équipement pour une grosse forge à la catalane »24. Elle peut aussi disposer de soufflets en trompe et enfin d’une trompe qui peut être des Pyrénées. De plus, certains auteurs indiquent des trompes au Moyen Âge et des soufflets en cuir ou en bois aux XVIIIe et XIXe siècles. Pour d’autres enfin, la soufflerie suffit à elle seule à définir le procédé : « chaque forge dispose aussi d’une installation hydraulique complexe dont la fonction est de mouvoir le pesant marteau et d’insuffler l’air, soit de façon directe (procédé catalan) soit en actionnant les soufflets (système basque) » et ceci au XVIe siècle25.
17Quant au marteau, sa présentation connaît beaucoup moins de variations. Les divers types de marteaux hydrauliques sont beaucoup moins nombreux et ils ont connu peu d’innovations au cours des siècles. Cependant, certains historiens utilisent les termes « mail » et « martinet » comme des synonymes alors qu’ils désignent, dans les Pyrénées, deux appareils dont les dimensions, le poids et les utilisations sont différents, même si leur principe de fonctionnement est rigoureusement identique26.
18Que dire à propos du bas fourneau lui-même, élément caractéristique d’une méthode métallurgique ? La palette des descriptions est large : un simple trou creusé dans le sol ; un bas foyer ou creuset, de près d’un mètre de diamètre ; « des fours à cavité de forme tubulaire garnie de terre réfractaire » ou un four de forme arrondie surmontée d’un dôme27. On remarque aussi « les fragments de grossiers creusets d’argile, percés de petits trous à leur sommet pour l’écoulement du laitier ». Les planches décrivant les appareils des XVIIIe et XIXe siècles sont utilisées pour présenter les ateliers médiévaux.
19Quant à la méthode de réduction directe mise en œuvre, elle reste, elle aussi, très floue. « Dès que le fer avait atteint un début de fusion, il coulait par un trou pratiqué au fond du fourneau ». Une autre description peut être relevée : « évidemment ces creusets, après avoir été remplis de minerai, étaient recouverts de bois ; on activait le feu avec des soufflets à bras, et on livrait immédiatement la fonte, encore rouge, au marteau du forgeron »28. Cette méthode peut aussi désigner « la vieille fonte au bois en forges volantes »29. Ou encore le « procédé ancestral qui permettait de fondre directement un minerai riche en fer au-dessus d’un bas foyer. Par un long martelage on cherchait ensuite à éliminer les scories incluses dans la loupe de fer obtenue »30. Il est important de souligner que le terme de fusion participe à la confusion et la renforce. Un autre point est particulièrement intrigant : la description très répandue du chargement du bas fourneau à la catalane en couches horizontales alternées minerai-charbon de bois alors qu’une telle disposition n’est jamais documentée par une source de première main. Cette erreur est née de la confusion entre réduction et grillage du minerai, puis, répétée, elle est devenue prédominante. Henri Polge, étudiant les techniques préindustrielles en Gascogne, écrit : « grâce à l’Encyclopédie, nous savons de façon précise comment étaient conçus les fours à la catalane du Pays de Foix. En haut, vue extérieure du four qu’on chargeait de lits alternés de minerai et de charbon de bois et qu’on allumait par la petite baie inférieure ; au milieu, coupe verticale du four chargé ; en bas, plan à la base »31. Or, cette figure 1 de l’Encyclopédie montre non pas un bas fourneau mais bien un four de grillage qui, lui, est bien chargé en couches alternées minerai-charbon de bois ! Il s’agit de la partie droite de la planche IV du recueil de planches intitulé « Forges, 1ère section, calcination de la mine ». Il n’existe aucune ambiguïté dans la légende de cette planche. Les explications sont, elles aussi, très claires. Il n’est jamais question de réduction, mais bien de calcination (c’est-à-dire du grillage) du minerai tel qu’on le pratique dans le pays de Foix. Au reste, une comparaison même rapide avec la planche IV de la 2ème section de ce même recueil permet d’éviter cette confusion32.
20Un article paru en 1903, il s’agit certes d’un article déjà très ancien et il est injuste de le montrer du doigt parce qu’il reste de qualité, est exemplaire pour comprendre le glissement de la pensée dans l’atmosphère d’intemporalité et d’imprécision qui entoure la forge à la catalane. Après avoir constaté que les chartes médiévales relatives aux moulins à fer ne sont pas « très explicites », l’auteur n’hésite pas à écrire : « elles le sont assez toutefois pour permettre de croire qu’ils offraient déjà tous les appareils qui caractérisent les forges à la catalane ». « Croire », supposition très vite dépassée puisque, quelques lignes plus bas, l’auteur « admet » que le moulin à fer médiéval possède « une trompe catalane »33. L’hypothèse devient certitude. La pertinence de la formule « à la catalane » pour le Moyen Âge ne sera plus remise en question avant longtemps.
21L’expression « forge à la catalane », enfin, a été parfois étendue à l’ensemble de la métallurgie au bois. Le haut fourneau au bois est ainsi qualifié de « catalan »34, mieux « [au XIIIe siècle] les pièces d’archives signalent… les nouveaux appareils [les hauts fourneaux] dans le comté d’Orlus (Ariège) »35.
22Le tableau dressé ci-dessus n’est certes pas exhaustif. Mais la forge à la catalane est unanimement peinte avec les couleurs obligées que le plus grand nombre lui donne. Cette répétition agit comme un multiplicateur d’opinion. Le mécanisme est en place. La preuve par l’usage sert de source et de méthode historique. Les auteurs qui emploient l’expression « à la catalane » renvoient à des écrits qui extrapolent à partir des documents utilisés. Beaucoup se contentent de faire référence à des ouvrages de seconde main qui ne citent jamais leurs sources. Les plus rigoureux, conscients qu’il y a là une pierre d’achoppement, utilisent les planches d’Agricola36 et de l’Encyclopédie sans aucune étude historique préalable. Mais comment accepter raisonnablement une description du XVIe siècle germanique ou du XVIIIe pour des périodes plus anciennes et pour d’autres régions ? S’il est impossible de se faire une idée claire et précise, c’est que l’on s’éloigne des sources. Pour s’approcher réellement de la forge à la catalane, il est impératif d’écarter ces lieux communs, ces descriptions de seconde main et de privilégier le témoignage direct des archives de l’époque. Il faut aussi se demander quand, comment et pourquoi est née cette vision « syncrétique », dans quelle société. Parce que, non seulement « on ne peut dire, sans injustice, que les forges catalanes n’avaient pas évolué depuis le Moyen Âge »37, mais encore, on peut penser qu’elles méritent un véritable travail historique.
C/ « Forge et forêt » : une connaissance encore inachevée
1/ L’histoire des forêts
23La littérature sur l’histoire de la forêt pyrénéenne est immense. La tentation est grande de se livrer, ici aussi, à un bibliographic essay pour les études les plus récentes en montrant la part belle prise par les travaux interdisciplinaires axés sur l’histoire de l’environnement, c’est-à-dire celle de l’impact de l’activité des hommes sur leur milieu de vie. Mais alors, la forge, encore omniprésente, ne bénéficie toujours pas d’études qui la prennent, véritablement, comme objet de recherche singulier. Pour les Pyrénées, un état de la question très détaillé a été réalisé par Jérôme Bonhôte. Il tire une conclusion pessimiste : on ne peut pas dire que la problématique propre à la sidérurgie, de loin l’activité proto-industrielle la plus consommatrice de bois, ait trouvé un traitement adéquat. Les analyses les plus poussées se limitent aux besoins du prélèvement métallurgique38.
24En effet, la thèse de géographie de Michel Chevalier consacrée à La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises (1956) comporte de remarquables chapitres sur le rapport forge/forêt, qui gardent, encore, toute leur actualité. Michel Chevalier décrit le déboisement de la forêt pyrénéenne : « l’histoire de la forêt ariégeoise depuis le Moyen Âge est bien moins celle de son recul que de sa dégradation ». La métallurgie au bois est la première responsable de la déforestation. Cette thèse présente encore aujourd’hui une étude de grande qualité sur les activités passées des Ariégeois39. Christian Fruhauf, à la fin des années 1970, grâce aux sources de la Réformation des Forêts menée par de Froidour dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, a dressé une cartographie régressive des forêts du plateau de Sault. Dans ce travail tout à fait neuf, il a mis en lumière le rôle des sociétés et le poids des activités économiques dans l’évolution de l’écosystème40. Associé à Jérôme Bonhôte, cet historien a conduit une étude comparée de « La métallurgie au bois et les espaces forestiers dans les Pyrénées de l’Aude et de l’Ariège » qui a mis en valeur et explicité des choix économiques opposés faits par les forestiers privilégiant des essences d’arbres et des modes d’exploitation différents dans deux régions voisines41. Denis Woronoff dans un article intitulé « Forges prédatrices, forges protectrices », étudie la contradiction qui existe dans les rapports entre la sidérurgie ancienne et la forêt. Deux discours se heurtent. Le premier, le plus répandu, banalisé, rend les forges responsables de la disette de bois qui menacerait la France de la fin de l’Ancien Régime et de la Révolution. Par contre, les maîtres de forges, mais aussi des ingénieurs, des administrateurs expliquent que ces usines valorisent les forêts et les protègent. La montée des coûts du combustible incite les sidérurgistes à économiser le bois et à gérer prudemment leurs forêts42.
2/ « La mémoire des charbonnières »
25Une orientation pionnière a été donnée par la thèse de Jérôme Bonhôte qui a cherché à travers l’exemple des vallées sidérurgiques ariégeoises d’Orgeix, d’Ascou et de l’Aston à décrire l’influence de l’activité métallurgique sur l’évolution des paysages sylvo-pastoraux pyrénéens. Le lien entre métallurgie et forêts était anciennement établi. La forge, grosse consommatrice de charbon de bois, était souvent rendue responsable de la déforestation. L’idée novatrice de Jérôme Bonhôte a consisté à utiliser « la mémoire des charbonnières » pour reconstituer l’histoire du couvert végétal des vallées montagnardes et mettre en évidence une ancienne forêt (pinède par exemple) située à une altitude plus élevée que la limite supérieure actuelle de la forêt. Véritable travail interdisciplinaire unissant l’histoire la mieux documentée à la biogéographie, à la botanique et à l’anthracologie, sa thèse remet en cause les analyses trop générales qui uniformisent les évolutions des vallées43. Cette thèse a été à l’origine de nombreux travaux autour du thème « activités des hommes/forêt », dont le couple forge/forêt constituait un pivot essentiel, dans le cadre de l’Université de Toulouse-Le Mirail. Il faut noter les thèses de Didier Galop44, de Bernard Davasse45 pour les Pyrénées centrales et celle de Véronique Izard pour les Pyrénées méditerranéennes46. Tous ces travaux pour une histoire de l’environnement montraient par défaut la nécessité d’une histoire de la sidérurgie qui demeurait, malgré tout, la grande absente de la plupart de ces recherches. La forêt et son évolution étaient mieux connues, l’impact de la forge également. Mais cette démarche biogéographique était encore insuffisante, la forge y était toujours en retrait.
D/ L’historiographie récente de la sidérurgie pyrénéenne : des apports fondamentaux
26Chercher à répondre à l’étonnement de Bertrand Gille, c’est d’abord chercher la véritable forge à la catalane, puis formuler une question le plus simplement possible : le maintien du procédé direct répond-il à des logiques techniques dans un écosystème particulier ? Le cas des Pyrénées offre une possibilité de jauger la qualité de différentes variantes du procédé direct de production de fer (à la biscayenne, à la navarraise et à la catalane) et de prendre la mesure de leur complexité et de leurs spécificités dans le temps et dans l’espace. Leurs caractéristiques propres ont été jusqu’alors très souvent niées, et pas seulement pour les Pyrénées. Pourquoi s’acharner à différencier tel ou tel procédé direct alors que tous obéissent aux mêmes lois physico-chimiques ? Or, si l’oxydoréduction « peut être considérée comme un trait d’union incontestable, la diversité des « savoir faire » associée aux nombreuses variantes régionales (typologie des fours, nature des minerais…), comme c’est le cas en Europe, impose de relativiser [nos] conclusions »47. C’est alors que doit intervenir l’historien et qu’il peut jouer sa propre partition. Le premier Simposi Internacional sobre la Farga Catalana qui s’est tenu à Ripoll en 1993 aurait pu être l’occasion de clarifier la définition de ce procédé sidérurgique et de la forge dans laquelle il est mis en œuvre48. En réalité, très peu de travaux ont abordé ce problème pourtant essentiel.
1/ D’une étude des techniques à l’histoire des techniques
27À l’instar de l’histoire des forêts, la forge à la catalane a donné naissance à une littérature prolifique. La thèse de Michel Chevalier, bien qu’elle commence à être ancienne, mérite un sort particulier49. D’abord, parce qu’elle nous rappelle qu’il est indispensable d’apprécier la sidérurgie dans le contexte de la vie humaine de la montagne et qu’elle offre généreusement les éléments de cette étude. Enfin et surtout, elle est la première à s’attacher à donner une description complète de la sidérurgie ariégeoise et de son évolution sur la longue durée. Ses analyses sont utilisées par les personnes écrivant sur les Pyrénées pour présenter la métallurgie du fer de l’ensemble de la chaîne, tout au moins sur le plan technique.
28La bibliographie de Michel Chevalier, à l’époque de sa publication en 1956, est exhaustive, d’autant que l’auteur prend en compte les deux versants des Pyrénées. Il paraît nécessaire d’en extraire certains ouvrages qui méritent un commentaire particulier. Michel Chevalier appuie, pour l’essentiel, sa démonstration sur un ouvrage du XIXe siècle, celui de l’ingénieur des Mines Jules François. Cet ingénieur est le seul, jusque dans les années 1980, à avoir réellement cherché à écrire une histoire de la sidérurgie directe dans les Pyrénées, unique tentative, réalisée avec les outils et les perspectives de son siècle. Ce travail est systématiquement repris par tous ceux, ingénieurs, métallurgistes ou historiens qui ont écrit et écrivent sur un sujet où la forge à la catalane impose sa présence, bien souvent sans le citer50. D’autres auteurs sont constamment utilisés lorsqu’il s’agit de décrire la vie quotidienne des mineurs et des forgeurs : Toussaint Nigoul, membre d’une famille de forgeurs de Rabat, qui a prononcé en 1886 une conférence sur ce thème51, et surtout Philippe Morère dont les deux articles sur « les mineurs de Rancié » (1912) et « les forgeurs » (1915) ont été publiés dans le Bulletin de la Société Ariégeoise Sciences, Lettres et Arts. Enfin, André Armengaud a étudié « la fin des forges à la catalane dans les Pyrénées Ariégeoises »52. Tous ces auteurs se penchent sur la technique. Plus récemment, Robert Lapassat a publié une étude sur la forge à la catalane dans les Pyrénées orientales et ariégeoises53. L’auteur limite son étude au XIXe siècle, et développe les aspects techniques en faisant un grand usage du chapitre sur la forge à la catalane de Percy54. Professeur de métallurgie de l’École des Mines de Londres, cet ingénieur a réalisé en 1865 une synthèse des travaux de Jules François et d’un autre ingénieur du XIXe siècle, Tom Richard55.
29La valeur de la thèse de géographie de Michel Chevalier permettait de considérer l’histoire de la sidérurgie ariégeoise comme réalisée. Seuls quelques points de détails paraissaient susceptibles d’être approfondis. Or, les différentes sources disponibles dans les Pyrénées comme ailleurs, les travaux récents de disciplines aussi différentes que l’archéologie industrielle, l’histoire de l’environnement, et bien sûr l’histoire des techniques, autorisent aujourd’hui à reprendre l’étude de la sidérurgie pyrénéenne. Soulever le voile « catalan » met en lumière une complexité du procédé de réduction directe dans les Pyrénées ariégeoises sur la longue durée, qui avait été peu perceptible jusqu’à aujourd’hui.
30Les recherches d’archéologie industrielle menées sur la métallurgie ariégeoise, en 1985, s’attachaient à reconstituer l’histoire des forges à la catalane mais aussi à présenter les ateliers de transformation du métal, martinets, clouteries et usines à faux56. La sidérurgie indirecte était présente, elle aussi, avec l’étude des hauts fourneaux, laminoirs, fours à puddler. Ainsi, en creux, étaient évoquées les questions que pose la coexistence de la forge à la catalane et du haut fourneau. Mais cette étude reste trop superficielle : le cadre d’une monographie d’établissement est à la fois trop contraignant et inadapté à la description d’une activité industrielle étroitement insérée dans une région montagneuse. Ce travail initial a été complété par la réalisation, en collaboration avec Jérôme Bonhôte, d’un Inventaire des vestiges de la métallurgie ariégeoise au XIXe siècle (1985-1987), dont le titre, dicté par le cadre administratif dans lequel il a été réalisé, est trompeur. Il s’agissait, en réalité, de reconstituer l’histoire des sites sidérurgiques en activité au XIXe siècle (59 au total) depuis les premières mentions des usines dont certaines remontent au Moyen Âge, de dresser le plan des vestiges qui subsistent sur le terrain et de les photographier57.
31Une démarche synthétique, ou plus exactement une première esquisse, a été réalisée dans le catalogue d’une exposition sur la forge à la catalane qui s’est tenue aux Archives départementales de Foix en 198858. L’idée était de revisiter, succinctement, l’histoire de la sidérurgie pyrénéenne, en montrant les différents types d’archives qu’utilise l’historien dans son travail. En outre, une tentative pour dresser une chronologie plus détaillée était conduite dans le but d’illustrer la complexité de la réduction directe. Ainsi, l’accent était mis d’une part sur l’utilisation de l’énergie hydraulique, au début du XIVesiècle, grâce à l’apparition de la mouline, et d’autre part sur l’apparition tardive au XVIIe siècle de la forge à la catalane59. Cette première approche révélait les promesses et la richesse de la démarche d’histoire des techniques pour les périodes moderne et contemporaine. La confirmation est apportée, dans un premier temps, en 1992, par une étude sur un point essentiel de la marche de la sidérurgie ancienne, le combustible : « Évolution technique et charbonnage des forêts. L’exemple des forges à la catalane dans les Pyrénées »60 qui sera, par la suite, complétée par un travail sur : « Le charbon de terre : un combustible de remplacement pour la forge à la catalane (XVIIIe-début XIXesiècle) ? »61. Ou encore, en 1995, par une recherche sur les notions d’innovation et d’archaïsme dans « La société pyrénéenne, la forge à la catalane et le haut fourneau (XVIIe-XIXe siècle) »62. La question des rapports avec l’État et le rôle des ingénieurs des Mines en particulier sont étudiés dans « Politique d’autorisation d’usines et évolution de la métallurgie ariégeoise aux XVIIIe et XIXe siècles »63. Le point commun à tous ces travaux est de se situer à l’interface technique/écosystème, la forge, objet technique dans son milieu. Une étude conduite en 1993, plus globale, mais portant sur un temps court défini par l’histoire politique, « Les hommes et le fer en Ariège pendant la Révolution » préfigurait ce que serait une recherche sur une durée plus longue, que l’on pourrait qualifier de « période à la catalane »64.
32Empruntant les chemins de l’histoire des techniques pour la période médiévale, Catherine Verna définit un objet technique : la mouline. Élargissant son propos à l’objet historique, ses travaux éclairent d’un jour nouveau la sidérurgie pyrénéenne au Moyen Âge. La mouline s’installe le long des torrents ariégeois, à partir du XIVe siècle. Il semblerait que cette forge de réduction directe, à un ou plusieurs foyers, se diffuse à partir de la Montagne Noire, vers 1300 dans le haut comté de Foix, en 1314 dans le Roussillon ; puis dans la terre de Mirepoix, dans le Couserans et l’Aspet. Elle utilise l’énergie hydraulique pour mouvoir le marteau et actionner les soufflets. Cette mécanisation du travail du fer est à l’origine d’un accroissement sensible de la production de métal (fer et acier naturel). La thèse de Catherine Verna, Le temps des moulines. Le fer et son exploitation du comté de Foix à la vicomté de Béarn (fin du XIIe siècle-fin du XVe siècle), doit être considérée comme un travail de recherche exemplaire dans l’historiographie des Pyrénées65. Cette historienne reprend et précise certains points particuliers comme par exemple les rapports entre l’innovation et les changements sociaux en examinant les conditions sociales de l’extraction du minerai de fer et leurs conséquences. Ou encore elle explicite la politique sidérurgique complexe et habile des comtes de Foix66. Les travaux de Catherine Verna constituent un socle solide sur lequel il devient possible de bâtir pour les périodes plus récentes une histoire de la sidérurgie pyrénéenne en l’insérant dans la continuité d’un procédé technique. Les moulines sont suffisamment performantes pour être, encore au XVIe siècle, érigées dans les Pyrénées centrales67. L’étude sur la longue durée prend alors toute sa signification, une première mise en perspective de l’évolution de cette activité industrielle montagnarde a été réalisée68.
33Une description de la sidérurgie audoise est donnée par quatre articles récents concernant l’Aude où la forge à la catalane a une très forte présence. Certains portent sur l’ensemble du département et sur la très longue durée, de l’Antiquité au XIXe siècle, d’autres se contentent d’étudier l’activité métallurgique d’un territoire plus restreint sur une période plus courte69. La thèse de Pierre Machot sur la métallurgie des Pyrénées-Occidentales au XIXe siècle permet de comparer le travail d’une forge à la catalane et de ses forgeurs ariégeois avec l’activité d’un haut fourneau et de ses ouvriers venus de Franche-Comté70. En Andorre, les remarquables fouilles archéologiques de la farga Rossell s’accompagnent d’un travail historique de fond sur la sidérurgie de cette principauté, dans le cadre de la thèse d’Olivier Codina, intitulée Du fer et de laine. Économie et société des vallées andorranes de 1575 à 1875, ainsi que dans celui du Service de Recherche du Ministère de la Culture du Gouvernement d’Andorre71. Pour le versant espagnol, les publications se sont multipliées, particulièrement en Catalogne, parmi lesquelles l’étude de Carlos Mas sur la vall Ferrera mérite d’être retenue72. Les travaux des historiens basques sont de qualité, que ce soit la thèse de Raphael Uriarte ou celle d’Ignacio Carrion pour ne citer que quelques exemples73. Il n’est, cependant, pas possible de rendre compte de façon exhaustive d’une bibliographie bien trop vaste, intéressant de trop nombreux pays.
34Cet état des lieux nous a montré que la forge à la catalane est un facteur déterminant de l’histoire des montagnes pyrénéennes, ce qui justifie, in fine, sa présence obsédante dans l’historiographie, quel que soit le sujet traité. C’est reconnaître que l’étude de l’histoire des techniques est indispensable parce qu’elle oblige à donner une définition techniquement précise et historiquement fondée de l’objet technique : la forge. Cette approche fournit des outils à coup sûr efficaces pour comprendre ce procédé direct jugé « archaïque ». L’objet technique est aussi un objet historique. L’histoire des techniques offre alors une grande richesse d’analyse.
2/ L’industrie à la montagne
35Il s’agit de poser la question du maintien du procédé direct dans le cadre plus vaste de l’industrialisation du Sud-Ouest, question qui a été traitée par de nombreux géographes et historiens qui, tous, ont évoqué l’exemple de la forge à la catalane.
- Une proto-industrie ?
36La chronologie de la forge à la catalane peut, tout d’abord, être prise comme une invitation à traiter la sidérurgie des Pyrénées ariégeoises selon le schéma de la proto-industrialisation74. Quoi qu’il en soit des discussions théoriques sur les modèles proto-industriels, Denis Woronoff remarque avec justesse que « la proto-industrialisation est un outil commode d’analyse, tant qu’il s’agit de définir la voie de passage vers l’industrie proprement dite… Mais elle doit aussi affronter le mystère de trajectoires différentes ». Un bel exemple de réussite proto-industrielle est proposé par Alain Dewerpe qui étudie le développement de l’Italie du Nord sur une courte période, 1800- 1880. Il démontre que le phénomène de proto-industrialisation peut représenter un mode de développement en lui-même et non pas seulement une phase préparatoire à l’industrie moderne. La diffusion des industries à la campagne, la faiblesse des concentrations d’usines, les entrepreneurs obligés de s’adapter à un marché, souvent international, qu’ils ne contrôlent pas, la main-d’œuvre rurale attachée à la défense de la communauté familiale paysanne ne sont pas les signes d’un retard économique, mais constituent un système logique et cohérent qui fait la spécificité de l’industrialisation de l’Italie du Nord. La démonstration repose essentiellement sur les activités textiles, mais « la petite métallurgie » est aussi présente. Il s’agit d’une métallurgie de type ancien (« ici, toutes les forges sont à la catalane ») aux limites de la proto-industrialisation, dans les Apennins ou dans le val d’Aoste75.
37La situation industrielle du Midi de la France et son évolution économique offrent un cas particulièrement passionnant de ces « trajectoires différentes ». De nombreux historiens de l’économie et des géographes se sont intéressés et s’intéressent à la problématique de l’industrialisation du Sud-Ouest, sujet souvent visité et revisité. Leur constat est, à quelques nuances près, identique : cette région connaît un retard industriel76. Après Roger Brunet et sa thèse sur les campagnes toulousaines, publiée en 196577, un autre géographe, Robert Marconis, reprend le dossier et propose une explication qui remet en cause certaines des interprétations avancées sur les origines de ce retard économique. Il propose la thèse selon laquelle « en Midi-Pyrénées, seuls ont bénéficié d’un début d’industrialisation effective pendant la première moitié du XIXe siècle, les pays dans lesquels les placements fonciers ne présentaient pas un attrait suffisant pour attirer la quasi-totalité des capitaux locaux disponibles qu’aucun réseau bancaire efficace ne pouvait encore drainer vers des spéculations lointaines »78. L’étude qu’il fait de la sidérurgie à la catalane semble conforter sa thèse : « en ces pays d’agriculture pauvre, si les capitaux disponibles s’investissaient, faute de mieux, dans des activités industrielles, il ne s’agissait presque jamais d’un choix délibéré en faveur de l’industrie, mais, bien davantage, de la nécessité de compenser les ressources insuffisantes d’un patrimoine rural de faible rapport. Le plus souvent, la gestion de ces forges ariégeoises obéissait d’ailleurs aux mêmes règles de prudence et de routine que celle des domaines agricoles. Ainsi, pendant la première moitié du XIXe siècle, la croissance de la production des forges à la catalane ne saurait s’expliquer par une quelconque politique de modernisation ou par des innovations techniques majeures »79. Il ajoute que, à l’arrivée du chemin de fer, seule une réaction rapide permit d’éviter la disparition de la métallurgie « brutalement soumise aux rigueurs de la concurrence. La confrontation des deux modes de production lui imposa une mutation sans précédent et l’adoption de l’organisation et des méthodes du capitalisme moderne »80. L’auteur a beau s’en défendre, son argumentation sur la sidérurgie ariégeoise reste fidèle à l’analyse communément admise et ne rend pas compte des réalités de cette activité industrielle.
38Plus récemment, Jean-Michel Minovez a étudié une activité industrielle, le textile, dans un cadre géographique plus limité que les travaux précédents, le Comminges et le diocèse civil de Rieux, voisins du comté de Foix, dans les Prépyrénées, et sur une période plus longue, de 1661 à 1914, avec d’autres outils conceptuels81. Il pose lui aussi la question de « l’impossible croissance en Midi toulousain ? » L’auteur apporte une réponse nuancée : la région a connu « un moindre développement » qu’il explique « par le refus des élites sociales de participer à la révolution industrielle. Ces élites préfèrent perpétuer un mode de représentation sociale qu’elles ne retrouvaient pas dans l’exercice de la direction d’une entreprise industrielle »82. « Aussi, les anciens grands propriétaires, pas plus que les nouvelles bourgeoisies foncières, n’apparaissent victimes d’événements qui les dépassent, mais, au contraire, semblent choisir délibérément de maintenir un modèle social multiséculaire de légitimation élitaire sans que cette attitude puisse être assimilée à une totale immobilité comme l’atteste l’adaptation des bourgeoisies foncières qui demeurent, par la constitution de leur patrimoine et le redéploiement partiel de leur activité »83. Là réside, probablement, l’explication majeure de l’absence de passage à l’industrie moderne. Il est important de noter que tous les auteurs ont, à des degrés divers, mis en avant la force du modèle social de propriétaire foncier (insistance sur la rente foncière) pour justifier le peu de réaction des élites du Midi toulousain face aux profondes mutations économiques du XIXe siècle. Cependant, le patronat mazamétain qui, malgré son dynamisme industriel, est resté attaché à la terre, montre qu’il n’existait aucune fatalité84.
- Pourquoi pas une industrie ?
39Un syndrome atteint les historiens à propos de la notion d’industrie. Prisonniers de la définition de l’industrie donnée par les économistes qui réservent ce terme à la période postérieure à la révolution industrielle, ils en ont limité l’utilisation à la période contemporaine. Certains pourtant remettent en cause une définition qu’ils considèrent comme trop restrictive. Ils reprennent les éléments qui concourent à définir une industrie et montrent qu’ils se retrouvent aussi dans des périodes plus anciennes. L’existence d’un produit de masse reconnu, porteur d’une marque, de qualité suivie, sur un marché plus ou moins lointain, la capacité d’innover, se décèlent dès le Moyen Âge85. Il est intéressant de noter que Paul-Louis Pelet dépasse cette interrogation sur l’industrie, en remarquant que l’adoption de cette notion pour les périodes anciennes met en évidence un phénomène général qui n’a guère été pris en considération ni par les économistes, ni par les historiens : « la longue survivance de techniques » jugées dépassées86.
40Alors que l’historien, comme l’économiste, privilégie la rupture, c’est-à-dire l’innovation, la continuité et la durée sont négligées, disqualifiées parfois sous le nom de routine. Cette notion de routine n’est peut-être pas aussi simple à analyser qu’il y paraît au premier abord, tant il est vrai qu’elle est utilisée pour décrire des situations très différentes87. Or, il est possible d’en donner une définition bien moins péjorative. La reproduction d’un modèle technique, l’usage et le banal, n’empêchent en rien son adaptation à des conditions nouvelles, adaptation qui est éloignée de la répétition mécanique, plus proche d’aménagements certes simples mais susceptibles de déboucher, réellement, sur des renouvellements et pourquoi pas sur des innovations (d’un autre type ?) qui font le quotidien d’une technique88. Fascinés par l’innovation, le « phénomène mystérieux de l’innovation »89, les historiens, de la même façon qu’ils avaient négligé la permanence d’un procédé sur la longue durée, ne se sont guère penchés sur sa disparition, se contentant le plus souvent de la notion d’archaïsme comme explication : condamné par le progrès technique.
- Une sidérurgie dans un écosystème particulier
41Une démarche plus pragmatique, moins ambitieuse mais plus ouverte est proposée par Enzo Baraldi et Manlio Galegari. Elle paraît mieux adaptée à l’étude de la sidérurgie pyrénéenne, dans la mesure où leur problématique est très proche de celle de la forge à la catalane. La forge à la génoise, du XVe au XVIIIe siècle, objet des recherches des ces deux historiens italiens, est considérée comme un facteur de l’écosystème des Apennins en Méditerranée septentrionale90. Les particularités de la forge, de son implantation, de sa permanence ou de son abandon ne doivent pas être cherchées seulement dans la technique employée ou la gestion économique. La recherche doit associer plus étroitement les structures physiques, les pratiques, les entrepreneurs, la culture91 : des aspects qui sont tous liés à l’usine dans une dimension locale, géographique, spécifique du point de vue social et économique. On peut dire que la forge ne fait qu’un avec son écosystème92. Dans le même temps, il faut chercher à savoir quelle est l’opinion des contemporains sur les différents systèmes de production du procédé direct : à la génoise, à la biscayenne ou à la navarraise, à la lucquoise, à la bresciane, à la catalane pour ne rien dire de la sidérurgie directe du nord ou de l’est de l’Europe. Il faut aussi connaître l’origine de ces différentes appellations. Quels sont les critères retenus par les contemporains ? Des critères sociaux, économiques ou plus simplement techniques ? Ce type d’études, s’il n’est guère facilité par l’existence de nombreuses sources, permet de pénétrer dans la culture et les mentalités des hommes du fer, si l’on parvient à les déterminer.
42Dans le cas des Pyrénées ariégeoises, il s’agit de comprendre pourquoi ces montagnes méridionales restent fidèles à la sidérurgie directe jugée dépassée, alors qu’elles se révèlent capables d’innover. Le haut fourneau ne s’installe définitivement en triomphateur en France qu’au XVIe siècle ; la surprise et peut-être même l’incompréhension, déjà mentionnées, surgissent lorsque l’on constate le maintien du procédé direct jusqu’au XIXe siècle, période pendant laquelle la sidérurgie directe se réduit comme une peau de chagrin en Europe. Il est impératif d’être vigilant à ne pas privilégier le milieu physique pour trouver un déterminisme dans les conditions naturelles nécessaires à l’implantation de l’activité industrielle. Un même milieu naturel peut fournir des ressources différentes selon la technique employée : ainsi, dans un même lieu, y aurait-il un jeu de possibilités correspondant à un jeu de systèmes techniques. Il est aussi indispensable de tenir compte d’un système socio-économique qui obéit à des logiques locales et régionales qu’il convient d’explorer, à des rationalités économiques et à des systèmes de pensée qu’il convient de reconstituer. Le procédé direct n’y a pas persisté aussi longtemps par défaut. Cette continuité est rythmée par l’apparition d’usines nouvelles qui constituent, indéniablement, une chronologie facile à dresser, ou facilitant la recherche, « le temps de la mouline » auquel pourrait répondre le temps de la forge à la catalane pour les périodes plus récentes, avec un entre-deux, au XVIe siècle, offrant des techniques qui n’ont pas toutes été exploitées.
43L’étude historiographique a montré que la forge est, dans la plupart des cas, appréhendée par le biais de ses rapports avec la forêt. Le manque de bois expliquerait que l’on continue à employer le procédé direct93. Lorsque l’on quitte, rarement, la forêt, « les méthodes ancestrales » continuent à se perpétuer à la faveur des pesanteurs rurales94. Il importe, avant de chercher à savoir si des logiques techniques, sociales, économiques, sous-tendent la fidélité au procédé direct, de bien définir l’objet technique appelé : forge à la catalane.
Notes de bas de page
1 Une bibliographie exhaustive se trouve dans J.-F. Soulet, Les Pyrénées au XIXe siècle, Toulouse, 1987, t. II, p. 659-673.
2 M. Chevalier, L’Ariège, Rennes, 1985, p. 44.
3 Mines et établissements métallurgiques de Banca, textes réunis par Pierre Machot, Biarritz, 1995, 406 p.
4 Pour une bibliographie commentée, voir P. Sahlins, Forest Rites. The war of the Demoiselles in Nineteenth-Century, France, Cambridge, Massachusetts, 1994, p. 138-159.
5 Ibidem, p. 13.
6 A. Leroi-Gourhan, L’Homme et la Matière, Paris, réédition de 1971, p. 198.
7 C. Verna, « Réduction du fer et innovation : à propos de quelques débats en histoire sociale des techniques », Techniques : les paris de l’innovation, Médiévales, 39, 2 000, p. 79-95.
8 H. Guiter, « Les gisements miniers et la toponymie pré-romane des Pyrénées-Orientales », Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées-Orientales, 1952, p. 195.
9 G. Goury, La Lorraine avant l’Histoire, Nancy, 1939, p. 9 et ss.
10 E. Thévenot, Histoire des Gaulois, Paris, 1987, p. 62 ; F. De Verneilh, « Architecture civile du Moyen Âge. Construction des ponts », Annales archéologiques, tome 20, 1860, p. 116.
11 Citation de J.M. Gueux, 1872, donnée par M. Mangin, Mines et Métallurgie chez les Éduens, p. 245.
12 L. M. Diez de Salazar, Ferrerias en Guipuzcoa. Siglos XIV-XVI, San Sebastian, 1982, p. 61, qui fait référence à M. Lombard, Les métaux de l’Ancien Monde du Ve au XIe siècle, Paris, 1974, p. 92, qui ne dit rien de tel.
13 G. Magnusson, « Ironmaking in a long-time perspective. Some important questions », The importance of Ironmaking. Technical innovation and social change, papers presented at the Norberg Conference on May 8-13, 1995, edited by G. Magnusson, Stockholm, 1995, t. 1, p. 33 ; N. Björkenstam, « The blast furnace in Europe during medieval times. Part of a new system for producing wrought iron », The importance of Ironmaking, op. cit., t. 1, p. 147.
14 Cité par M. Ch. Bailly-Maître, « Mines et forges au Moyen Âge et au début des Temps Modernes. Réflexion autour de l’exemple de Brandes », Paléométallurgie du fer et Cultures, sous dir. P. Benoit et P. Fluzin, Belfort, 1995, p. 334.
15 J. Sermet, « La frontière hispano-française des Pyrénées et les conditions de sa délimitation », Pyrénées, n° 116, p. 321.
16 D. A. Gomez Ibanêz, The Western Pyrenees, Oxford, 1975, 162 p., 24 fig., 4 planches.
17 P. Molera, « La farga catalana, Investigacion y Cienca », Madrid, 1982, p. 20-27.
18 B. Dupaigne, « La métallurgie dans l’ancien Cambodge. Travail des Dieux, travail des hommes », Études Rurales, n° 125-126, 1992, p. 17.
19 H. Guiter, « Les gisements miniers et la toponymie pré-romane des Pyrénées-Orientales », op. cit., p. 215.
20 Voir La farga catalana en el marc de l’arqueologia siderùgica. Simposi internacional sobre la Farga Catalana, Ripoll, 1993, E. Tomàs i Morera dir., Andorre, 1995, 511 p.
21 F. de Verneilh, « Architecture civile du Moyen Âge. Construction des ponts », op. cit., p. 116.
22 M. Chevalier, L’Ariège, op. cit., p. 44.
23 Ph.-J. Hesse, « Les mines roussillonnaises de 1300 à 1550 », C.E.R.C.A., n° 26, 1964, p. 297 et n° 27, p. 24.
24 J. Bousquet, « Mines et travail du fer en Rouergue et à l’entour au début du Moyen Âge. Problème de documentation », Mines et mineurs en Languedoc-Roussillon (et régions voisines) de l’Antiquité à nos jours, Actes du XLIXe congrès de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, Montpellier, 1977, p. 114.
25 S. Pallaruelo Campo, « El hierro en los valles de Bielsa y Gistau en el siglo XVI », Revista del Centro de Estudios del Sobrarbe, Huesca, 1994, p. 144.
26 La définition du terme « martinet » est beaucoup plus complexe que le sens qui lui est attribué dans les Pyrénées : taillanderie. J. Cantelaube, C. Verna, « Les forges à la génoise dans les Pyrénées ariégeoises au XVIe siècle : quel transfert d’innovation ? », Il ferro nelle Alpi, Giacimenti, miniere e metallurgia dall’antichità al XVI secolo, Atti del Convegno, a cura di C. Cucini Tizzoni e M. Tizzoni, Breno, 1998, p. 158-159.
27 E. Thévenot, Histoire des Gaulois, op. cit.
28 F. de Verneilh, « Architecture civile du Moyen Âge. Construction des ponts », op. cit., p. 116.
29 P. Wolff, Commerce et marchands de Toulouse (vers 1350-vers 1450), Paris, 1954, p. 287 ; J. Vial, L’Industrialisation de la sidérurgie française 1814-1864, Paris, 1967, t. 1, p. 72-75.
30 A. Laurant, Des fers de Loire à l’acier Martin. Maîtres de forges en Berry et Nivernais, 1995, p. 198.
31 H. Polge, « Les techniques pré-industrielles en Gascogne gersoise », Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, 1965, p. 167-221, en particulier p. 189.
32 Encyclopédie, recueil des planches sur les Sciences, les arts libéraux et les arts mécaniques, avec leur explication, « Forges ou l’Art du fer », planche IV, 1ère section, « calcination de la mine », et son explication, p. 2, colonne 2. Et planche IV, 2ème section, « fourneau à fer, Trompes du Pays de Foix », et son explication, p. 9, colonne 2 et p. 10, colonne 1.
33 E. Cabié, « Forges ou moulins à fer de la Montagne Noire du XIIIe au XVIIIe siècles », Revue du Tarn, 1903, p. 237-248.
34 L. Laffitte, Essai sur les scories de la Montagne Noire, 1935, p. 13, Arch. dép. Aude, Q 357.
35 J. Lelainville, L’Industrie du fer en France, Paris, 1922, p. 21.
36 Agricola, De re metallica, Bâle, 1556.
37 D. Woronoff, L’industrie sidérurgique en France pendant la Révolution et l’Empire, Paris, 1984, p. 314.
38 J. Bonhôte, Forges et Forêts dans les Pyrénées ariégeoises. Pour une histoire de l’environnement, Aspet, 1998, p. 19-25.
39 M. Chevalier La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, Paris, 1956, p. 493-539.
40 Ch. Fruhauf, Forêt et Société. De la forêt paysanne à la forêt capitaliste en pays de Sault sous l’ancien régime (vers 1670-1791), Toulouse, 1980, 301 p.
41 J. Bonhôte, Ch. Fruhauf, « La métallurgie au bois et les espaces forestiers dans les Pyrénées de l’Aude et de l’Ariège », Forges et Forêts. Recherches sur la consommation proto-industrielle de bois, D. Woronoff éd., Paris, 1991, p. 151-211.
42 D. Woronoff, « Forges prédatrices, forges protectrices », Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, t. 55, 1984, p. 213-218.
43 J. Bonhôte, Forges à la catalane et évolution forestière dans les Pyrénées de la haute Ariège. Pour une histoire de l’environnement, thèse de doctorat de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1992, 2 tomes, 433 p, dactylographié.
44 D. Galop, La forêt, l’homme et le troupeau. Six millénaires d’anthropisation du massif pyrénéen de la Garonne à la Méditerranée. Contribution palynologique à l’histoire de l’environnement et du paysage pyrénéens, thèse de doctorat de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1997, 322 p, dactylographié.
45 B. Davasse, La forêt du charbonnier et les forêts des paysans dans l’espace des Pyrénées de l’Est (du Moyen Âge à nos jours). Étude d’écologie historique : aspects biogéographiques, écohistoriques et anthracologiques. Contribution à une histoire de l’environnement, thèse de doctorat de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1998, 434 p, dactylographié.
46 V. Izard, Les montagnes du fer : éco-histoire de la métallurgie et des forêts dans les Pyrénées méditerranéennes (de l’Antiquité à nos jours). Pour une histoire de l’environnement, thèse de doctorat de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1999, 2 tomes, 550 et 192 p, dactylographié.
47 P. Fluzin, P. Benoit et autres, « Apports de l’archéométrie à la restitution de la chaîne opératoire des procédés sidérurgiques directs à partir des vestiges archéologiques ; intérêts des comparaisons ethnoarchéologiques », The Importance of Ironmaking, op. cit., 1995, t. I, p. 61.
48 La farga catalana en el marc de l’arqueologia siderurgica, op. cit.
49 M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, op. cit., p. 576-594.
50 J. Francois, Recherches sur les gisements et le traitement direct des minerais de fer dans les Pyrénées et en particulier en Ariège suivies de considérations historiques, économiques et pratiques sur le travail du fer et de l’acier dans les Pyrénées, Paris, 1843, 404 p. et un atlas.
51 T. Nigoul, Les Forges à la Catalane, Société Amicale des Ariégeois, Foix, 1886, 18 p.
52 A. Armengaud, « La fin des forges à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises », A.E.S.C., 1953, p. 62-66 ; voir aussi du même auteur, « La fin d’une industrie rurale traditionnelle au XIXe siècle : les forges à la catalane dans l’Ariège », Communautés du Sud, sous la dir. de D. Fabre et J. Lacroix, Paris, 1975, t. 1, p. 289-311.
53 R. Lapassat, « L’industrie du fer dans les Pyrénées orientales et ariégeoises au XIXe siècle. I - Les forges à la catalane », Conflent, n° 120, Prades, 1983, 95 p.
54 J. Percy, Traité complet de métallurgie, t. deuxième, Paris et Liège, 1865, 593 p.
55 T. Richard, Étude sur l’art d’extraire immédiatement le fer de ses minerais sans convertir le métal en fonte, Paris, 1838, 370 p. et 1 atlas.
56 J. Cantelaube, Recherches d’archéologie industrielle dans l’Ariège, spécialement dans la métallurgie, 1750-1900, mémoire de maîtrise, Université de Toulouse-Le Mirail, 1985, 312 p., dactylographié.
57 J. Bonhôte, J. Cantelaube, P. Drillaud, Inventaire des vestiges de la métallurgie ariégeoise au XIXe siècle (1985-1987), 613 p., avec photographies et rapport de synthèse de 41 p. déposé au Service Régional de l’Inventaire Midi-Pyrénées à Toulouse et aux Archives départementales de l’Ariège.
58 J. Bonhôte, J. Cantelaube, en collaboration avec Ch. Rouaix, Forges et Forgeurs de l’Ariège au XIXe siècle, catalogue de l’exposition, Foix, Archives départementales de l’Ariège, 1988, 47 p.
59 J. Cantelaube, « Apparition et évolution de la forge à la catalane dans l’est des Pyrénées françaises, XVIIe-XIXe siècles », La farga catalana en el marc de l’arqueologia, op. cit., p. 27-36.
60 Id., « Évolution technique et charbonnage des forêts. L’exemple des forges à la catalane dans les Pyrénées », Protoindustries et histoire des forêts, Toulouse, Les Cahiers de l’Isard, n° 3, 1992, p. 73-83.
61 Id., « Le charbon de terre : un combustible de remplacement pour la forge à la catalane (XVIIIe-début XIXe siècles) ? », Le charbon de terre en Europe occidentale avant l’usage industriel du coke, sous la dir. de P. Benoit et C. Verna, 1999, Turnhout, p. 177-185.
62 Id., « La société pyrénéenne, la forge à la catalane et le haut fourneau (XVIIe-XIXesiècle) », The importance of Ironmaking, op. cit., t. 1, p. 194-202.
63 Id., « Politique d’autorisation d’usines et évolution de la métallurgie ariégeoise aux XVIIIe et XIXe siècles », Pays pyrénéens et Pouvoirs centraux (XVIe-XXe s.), Actes du colloque international, Foix, 1-2-3 octobre 1993, sous la dir. de M. Brunet, S. Brunet, Cl. Pailhès, Foix, 1995, t. 1, p. 87-106.
64 Id., « Les hommes et le fer en Ariège pendant la Révolution », Bulletin de la Société Ariégeoise Sciences, Lettres et Arts, 1993, p. 55-148.
65 C. Verna, Le temps des moulines. Le fer et son exploitation du comté de Foix à la vicomté de Béarn (fin du XIIe siècle-fin du XVe siècle), thèse de doctorat de l’Université de Paris I, 1994, 2 volumes, 492 et 195 p., dactylographié. Thèse publiée sous le titre : Le Temps des Moulines. Fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (XIIIe-XVIe siècles), Paris, 2001, 425 p.
66 C. Verna, « Innovation and social changes : The case study of the Vicdessos valley (XIVth-XVth Centuries) », The importance of Ironmaking, op. cit., 1996, t. II, p. 185-189 ; C. Verna, « Fer et pouvoir : la politique sidérurgique des comtes de Foix (XIIIe-XVe siècles) », Mélanges C. Domergue, Pallas, 46, 1997, p. 297-309.
67 C. Verna, « Aux origines de la forge à la catalane : les moulines du comté de Foix vers 1300-1349 », La farga catalana en el marc de l’arqueologia, op. cit., 1995, p. 51-59.
68 J. Bonhôte, J. Cantelaube, C. Verna, « De la mouline à la forge à la catalane : six siècles de sidérurgie directe dans les Pyrénées ariégeoises (XIIIe-XIXe siècles) », Les Hommes et leur patrimoine en Comminges, Actes du LIIe Congrès de la Fédération des Sociétés académiques et savantes Languedoc-Pyrénées-Gascogne, Saint-Gaudens, juin 1999, textes réunis par J.-M. Minovez et R. Souriac, Saint-Gaudens, 2000, p. 749-792.
69 C. Raynaud, « Moulins à fer et forges catalanes : mise en place d’une proto-industrie dans les Pyrénées audoises (XIIIe-XIXe siècles) », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, XCV, 1995, p. 129-143 ; M.-C. Marty-Ferriol, « Les forges à la catalane dans l’Aude XVIIe et XIXe siècles », et « Les forges catalanes dans l’Aude : les forges de la Montagne Noire », Mémoires de l’Académie des Arts et des Sciences de Carcassonne, années 1997-1998, 5e série, t. VII, 1999, p. 227-290 ; G. Langlois, « L’exploitation du fer à Villerouge et Palairac (Aude, XVIIIe-milieu XIXe) », Les techniques minières de l’Antiquité au XVIIIe siècle, Actes du colloque international sur les ressources minières et l’histoire de leur exploitation de l’Antiquité à la fin du XVIIIe siècle, réunis dans le cadre du 113e Congrès des sociétés savantes, Strasbourg, 5-9 avril 1988, Paris, 1992, p. 205-214 ; G. Langlois, « L’exploitation minière de l’Antiquité à nos jours dans le canton de Durban », Canton de Durban dans les Corbières, Opération Vilatges al Pais, 1ère partie, Carcassonne, 1999, p. 92-107.
70 P. Machot, L’industrie sidérurgique dans les Pyrénées occidentales (1803-1868), thèse de doctorat de l’Université Paris I, 2000, 2 volumes, 607 p., dactylographié.
71 J.-M. Bosch, O. Codina i A. Vila, « Hipotesis i reflexions sobre la produccio del ferro als Pireneus (segles XVII-XIX). De la farga de Puntal (1619-1639) a la farga Rossell (1842-1876) », Actes del II congrés Internacional dels Pireneus, 11 al 13 de novembre de 1998, Girona, sous presse ; J.- M. Bosch, O. Codina i A. Vila, « Le dernier bas fourneau. L’obtention du fer par le système direct à la fin du XIXe siècle », Le fer dans les Alpes du Moyen Âge au XIXe siècle, Montagnac, 2001, p. 155-166 ; La Farga Rossell. El zenith de l’obtencio del ferro pel sistema directe, 1842-1876, Andorre, 2001, 216 p. ; L’obtencio del ferro pel procediment directe entre els segles IV i XIX, Actes del 6è curs d’Arqueologia d’Andorra 2000, Patrimoni Cultural d’Andorra, Àrea de Recerca Historica, 2002, 388 p. ; O. Codina, De fer et de laine. Économie et société des vallées andorranes de 1575 à 1875, thèse de doctorat de l’Université de Perpignan, 2003, 4 volumes, 770 p.
72 C. Mas, Historia de la Farga catalana. El cas de la vall Ferrera, al Pallars Sobirà (1750-1850), Lleida, 2000, 393 p.
73 R. Uriarte Ayo, Estructura, desarollo y crisis de la siderurgia tradicional vizcaina (1700-1840), Universidad del Pais Vasco, Bilbao, 1988 ; I. Carrion Arregui, La Siderurgia Guipuzcoa en el siglo XVIII, Universidad del Pais Vasco, Bilbao, 1991, 393 p.
74 J.-M. Minovez, L’Impossible croissance en Midi Toulousain ? Origines d’un moindre développement 1661-1914, 1997, p. 13-14 ; J.-P. Rioux, La révolution industrielle 1780-1880, Paris, 1989, p. 20-29.
75 A. Dewerpe, L’industrie aux champs. Essai sur la proto-industrialisation en Italie du Nord (1800-1880), Rome, 1985, p. 103-106 et 476-477.
76 F. Crouzet, « Les origines du sous-développement industriel dans le Sud-Ouest », Annales du Midi, t. LXXI, 1959, p. 71-77 ; A. Armengaud, Les populations de l’Est-Aquitain au début de l’époque contemporaine. Recherches sur une région moins développée (vers 1845-vers1871), Paris, 1961, p. 126 ; Id., « La fin des forges à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises », op. cit., p. 62- 66 ; « La fin d’une industrie rurale traditionnelle au XIXe siècle : les forges à la catalane dans l’Ariège », op. cit., t. 1, p. 289-311 ; Y. Lamy, « Une image inattendue. Le Périgord sidérurgique », Société Historique et Archéologique du Périgord, t. CXII, 1985, p. 3-24 ; Y. Lamy, Hommes de fer en Périgord au XIXe siècle, Lyon, 1987, 315 p.
77 R. Brunet, Les campagnes toulousaines, Faculté des Lettres de Toulouse, 1965, 727 p.
78 R. Marconis, Midi-Pyrénées, XIXe-XXe siècles. Transports, espace, société, Toulouse, 1985, t. I, Génèse et fonctionnement de la région, p. 248.
79 Ibidem, t. I, p. 255.
80 Ibidem, t. I, p. 432-433 ; R. Marconis, « Midi-Pyrénées : déclin et renouveau. Pour une relecture de l’histoire contemporaine de la région », Annales du Midi, t. 108, n° 215, juillet-septembre 1996, p. 366.
81 J.-M. Minovez, L’Impossible croissance en Midi Toulousain ?, op. cit., 286 p.
82 Ibidem, p. 238.
83 Ibidem, p. 238.
84 R. Cazals, Avec les ouvriers de Mazamet dans la grève et l’action quotidienne, 1909-1914, Paris, 2e édition revue et augmentée, 1995, p. 20-22.
85 P. Braunstein, « L’industrie à la fin du Moyen Âge : un objet historique nouveau ? », La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ?, sous dir. de L. Bergeron et P. Bourdelais, Paris, 1998, p. 25-40.
86 P.-L. Pelet, « L’archéologie industrielle, science ou fiction ? Une question de définition », Revue Suisse d’Histoire, 31, 1981, p. 32-42 ; P.-L. Pelet, « Le fer en Suisse et la recherche en archéologie et archéométrie sidérurgiques », La Sidérurgie ancienne de l’Est de la France dans son contexte européen, Actes du colloque de Besançon, 10-13 novembre 1993, Paris, 1994, p. 373-379.
87 J. Cantelaube, « La société pyrénéenne, la forge à la catalane et le haut fourneau (XVIIe-XIXe siècle) », The importance of Ironmaking, op. cit., p. 194-202.
88 C. Verna, « Réduction du fer et innovation : à propos de quelques débats en histoire sociale des techniques », Techniques : les paris de l’innovation, Médiévales, op. cit., p. 79-95 ; D. Woronoff, « Le quotidien des techniques : de la répétition aux aménagements », Les Entreprises et leurs Réseaux : Hommes, Capitaux et Pouvoirs, XIXe-XXe siècles, Mélanges en l’honneur de François Caron, sous la direction de Michèle Merger et Dominique Barjot, Paris, 1998, p. 785-791 ; A.-F. Garçon, « L’innovation au regard du complexe technique minéro-métallurgique armoricain », Mines, Carrières et Sociétés dans l’Histoire de l’Ouest de la France, textes réunis par Jean-Luc Marais, Annales Bretagne et Pays de l’Ouest, tome 104, 1997, n° 3, p. 34-36 ; A.-F. Garçon, Mine et Métal. 1780-1880, Les non-ferreux et l’industrialisation, Rennes, 1998, p. 82.
89 V. Serneels, « La chaîne opératoire de la sidérurgie ancienne », Recherches sur l’économie du fer en Méditerranée nord-occidentale, sous dir. Michel Feugère et Vincent Serneels, Montagnac, 1998, p. 40.
90 M. Calegari, E. Baraldi, « La forge à la génoise comme facteur de l’écosystème des Apennins en Méditerranée septentrionale (XVe-XVIIIe siècle) », La farga catalana en el marc de l’arqueologia siderurgica, op. cit., p. 483-489.
91 J. Cantelaube, « La société pyrénéenne, la forge à la catalane et le haut fourneau (XVIIe-XIXe siècle) », The importance of Ironmaking, op. cit., p. 194-202.
92 J.-M. Olivier, « L’industrialisation rurale douce : un modèle montagnard ? », Ruralia, n° 4, 1999, p. 11-22.
93 R. Sprandel, « La production du fer au Moyen Âge », Annales E.S.C., 2, 1969, p. 313.
94 J.-Y. Andrieux, Les travailleurs du fer, Paris, 1991, p. 31, 92.
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