Sources sérielles et prix au Moyen-Âge
|Des actes à la reconstitution fidèle de la vie passée : lire les séries documentaires
Retour au Toulousain. Famines graves, exode et persistance de la famine en Catalogne à l’époque du comte Raimond Borell (1000-1018)*
Texte intégral
I. Marché de la terre, crédit foncier et circulation des céréales
- * Cet article fait partie du projet de recherche Famine and Death in Western Europe, 1000-13 (...)
- 1 Pour une analyse détaillée de l’évolution des échanges fonciers payés en nature, voir Pie (...)
1Dans les comtés catalans, une partie non négligeable des transactions de la première moitié du xie siècle stipulent en échange le versement de denrées alimentaires. Cette caractéristique remarquable distingue ces années de l’époque précédente plutôt que la proportion des paiements exprimés en équivalents monétaires ou le nombre des transactions foncières conservées. L’expression in rem valentem, courante dès le début du xe siècle, depuis 993 est de plus en plus précise ; le produit alors utilisé demeure le plus souvent des céréales – par ordre d’importance quantitative, orge et forment – parfois du vin, très rarement des têtes de bétail et des draps1.
- 2 Pour une critique de cette interprétation : Fèlix Retamero, « Els primers comptes catalan (...)
- 3 P. Bonnassie, La Catalogne, I, 364-371.
- 4 Ibidem, I, 372-398 ; A. M. Balaguer, Del mancús a la dobla. Or i paries d’Hispània, Barce (...)
- 5 Voir graphique n° 1.
2La généralisation de versements en nature dans les transactions de cette époque a été généralement interprétée comme une expression de l’incapacité de l’offre monétaire en circulation à satisfaire une activité économique en croissance2. Ce principe général, cependant, ne serait applicable, d’après Pierre Bonnassie, qu’à la Catalogne entre 940 et 985, période qu’il a définie comme « l’âge archaïque de l’économie d’échanges »3. L’offre limitée de métaux précieux se terminerait à partir de 985, lorsque les prix des transactions commencèrent à être consignés en monnaie d’or, dans une proportion très variable selon les comtés, mais de façon croissante jusqu’à environ 1020, en raison de l’affluence massive d’or et d’argent provenant d’Al-Andalus. Après une diminution durant les années 1020-1050, les paiements en or et argent reprirent jusqu’à atteindre un point culminant vers 1052-10884. Or, dans le marché foncier, la monnaie d’or circule au moment et dans l’espace mêmes où les céréales sont employées plus intensivement comme moyen d’échange : entre la fin du xe siècle et 1080 environ dans les comtés de Barcelone, Gérone et Osone5.
- 6 Pour les équivalences de ces unités, voir P. Bonnassie, La Catalogne, I, pp. 376 – 389 : (...)
- 7 C’est la conclusion de F. Retamero, « Els primers comptes catalans », 107-115, dans le ca (...)
- 8 1032 janvier 28, vente d’une demie modiata de vigne située, dans le comté de Manresa, à M (...)
- 9 1005, vente d’un alleu situé dans le comté de Manresa, dans le lieu de ipso Bugo par la s (...)
- 10 Sinon, comment doit-on interpréter les « eminas VII de annona in rem valentem » que Doder (...)
3Il semblerait donc qu’à priori n’existe aucune contradiction entre les versements en numéraire d’or ou d’argent et les paiements en nature, mais plutôt un rapport de complémentarité. Le prix des transactions est fixé d’habitude en mesures de poids de métaux précieux (onces – uncias – et pensas) et en unités de monnaie d’or (mancusos et mancusatas) et d’argent (sous ou solidées – solidatas, deniers ou dénariées – denariatas)6, qui agissent presque toujours comme des unités à valeur comptable7. Le versement se fait parfois entièrement en numéraire circulant, parfois en nature (en blé, vin, têtes de bétail)8, mais très souvent de façon mixte : partie en monnaie d’or ou d’argent en cours, partie en blé et autres denrées alimentaires, selon les proportions exprimés (ou non) dans l’acte de vente9. D’ailleurs, si les céréales et le vin paraissent parfois aussi transcender le rôle de moyen d’échange pour fonctionner comme valeur d’échange10, comme c’est le cas de la monnaie, c’est que ponctuellement leur place dans le marché foncier ne doit guère s’éloigner de celle du métal précieux.
- 11 Voir graphiques n° 1 et 2.
4La question à se poser est donc : pourquoi les céréales ont-elles joué un rôle si important comme moyen d’échange dans le marché de la terre entre 993 et 1068, et de façon plus remarquable dans les années 1004-1048, dans les environs de la ville de Barcelone11 ? Cette affluence de céréales dans le marché foncier catalan ne doit-elle pas être mise en rapport avec l’importance et la fréquence de la famine pendant cette période ?
Graphique 1 Le blé comme moyen d’échange : ventes et mises en gage en échange d’orge et de froment en Catalogne (991-1050)

5A priori, il serait un peu expéditif de répondre à cette question simplement à partir d’une enquête sur le nombre et le pourcentage de paiements en céréales et du volume du blé mobilisé dans les actes de vente de terres et dans les gages à garantie immobilière. L’expression in rem valentem, courante au xe siècle dans les transactions foncières, recouvre une grande diversité de possibles paiements, y compris en céréales. Elle continue à être, d’ailleurs, l’expression la plus usitée au cours de la première moitié du xie siècle, notamment dans les comtés intérieurs de la Catalogne, Osone et Manresa. Le fait qu’à partir de la fin du xe siècle, les actes précisent de plus en plus des versements en nature entraîne un resserrement de l’éventail de possibilités de paiement, une limitation du choix de la part de l’acheteur et des préférences des vendeurs pour certaines denrées, notamment de céréales commercialisables et panifiables par intérêt ou par besoin. Que cette préférence pour l’orge ou pour le froment comme moyens d’échange, spécialement marquée dans les actes barcelonais, soit en rapport avec la montée de leur valeur dans le marché urbain me paraît hors de question, mais elle ne prouve pas à elle seule une augmentation de la fréquence et une aggravation de la famine pendant cette période, même si elle en est un indice.
- 12 Le chapitre IVe du titre IIIe du livre IVrt de la Lex Wisigothorum autorisait les tuteurs (...)
- 13 1004, vente d’une maison avec terres située dans le comté de Barcelone, à Albinyana, lieu (...)
6Plus significatif s’avère le fait que l’éclosion de versements en céréales coïncide avec la parution des premières aliénations explicitement effectuées « à cause de la famine ». Il s’agit, d’une part, des ventes propter necessitatem famis accordées par des veuves usufruitières du patrimoine marital ou par des tuteurs dans le but de subvenir aux besoins des enfants mineurs orphelins, dont la loi gothique protégeait les droits. Les circonstances exceptionnelles qui poussent ces femmes à aliéner une partie ou la totalité du patrimoine marital – la famine, tout d’abord, mais parfois aussi des adversités météorologiques ayant provoqué la destruction des récoltes – sont invoquées par impératif légal12, mais il est significatif que ce genre de mentions ne se retrouve pas dans la documentation antérieure à l’an 1000 alors qu’elles se multiplient à partir de cette date13.
- 14 ACA, CSC, f. 202, doc. 631, éd. Rius, II, pp. 88 –89, doc. 442 ; ACB, 1-1-331.
- 15 ACB, 1-4-187.
- 16 ACB, 1-1-876
7D’autre part, les exceptionnelles aliénations de patrimoine de l’abbaye de Sant-Cugat-del-Vallès, en janvier 1012, et de la cathédrale de Barcelone deux mois après, in tempore gravi sterelitatis aflicxo14, et celle de l’abbaye de Ripoll, en décembre 1054, à cause du défaut du blé et du vin dans les domaines de ce monastère15, sont extrêmement significatives, la législation canonique ne permettant la dilapidation des domaines ecclésiastiques qu’en cas de grave crise économique. Elles sont d’ailleurs à rapprocher des interventions du pouvoir comtal vis-à-vis des abbayes protégées, dont l’acte signé par la comtesse Ermessende en décembre de 1052, avec l’accord du comte Ramon Berenguer I et de l’évêque Berenguer de Gérone, nous fournit un bel exemple ; les 25 mancusos d’or obtenus de l’aliénation d’un jardin sont destinés à subvenir aux besoins des moines de Saint Paul del Maresme, opprimés par la famine, et à la restauration du bâtiment abbatial16.
- 17 Pere Benito i Monclús, « “Et hoc facimus propter necessitatem famis…” Possibilitats de le (...)
8C’est avec ces actes, et non à travers des annales monastiques, que les mots de la famine (fames, sterilitas), absents de la documentation carolingienne, apparaissent dans les sources catalanes. La Catalogne devient ainsi un cas inverse de celui des régions du nord de l’Europe, vivement éclairées par l’historiographie monastique. Deux familles d’annales seulement, les chroniques Rivipullenses et Barcinonenses, ne parviennent à nous transmettre que six notices de disettes, celles des années 1094, 1172 et 1194-1196, 1226, 1333-1334 et 1375, correspondant toutes à des famines qui ont eu un impact extraordinaire sur l’économie et la population au cours du Moyen Âge17. Les transactions foncières sont les sources quasi exclusives qui se font l’écho des crises frumentaires du xie siècle.
II. Mouvements des prix des céréales et marché de la terre
9Il est donc légitime de se demander si ces aliénations « à cause de la famine » ne sont pas la pointe d’un iceberg, un indice de l’importance qu’atteindrait le problème frumentaire pendant la période d’emploi le plus intensif des céréales comme moyen et valeur d’échange, entre 1004 et 1060 environ. Pour vérifier cette hypothèse, il faut procéder à une enquête systématique sur l’ensemble des transactions foncières et des emprunts à garantie immobilière conservés. Il s’agit essentiellement de se servir du marché de la terre et du crédit immobilier comme outil pour établir fréquence, durée et importance relative des disettes pendant cette période.
- 18 Pierre Bonnassie, La Catalogne, II, 539-680, 875-876.
10La période que je vais considérer ici, les deux premières décennies du xie siècle, n’est qu’une partie de cette longue phase. Ces années recouvrent en Catalogne la majeure partie du gouvernement du comte de Ramon Borrell (996-1017) et le début du cogouvernement de la comtesse Ermessenda devenue veuve et de son fils Berenguer Ramon I (1017-1035) dans les comtés de Barcelone, Gérone et Osone. Selon P. Bonnassie, celle-ci a été une période de croissance économique, d’essor de la production et d’accélération des échanges, qui a été possible grâce surtout à l’affluence massive d’or d’al-Andalus ; or qui – d’après Ramon d’Abadal – aurait était opportunément investi par les groupes dirigeants de la société catalane dans les travaux de fortification et colonisation de la frontière sud occidentale. Cette phase de prospérité aurait précédé la conjoncture critique de 1020-1059 et le bouleversement d’ordre social qui a donné lieu à la naissance d’une nouvelle société féodale, hiérarchisée autour de la figure du comte de Barcelone, dont le pouvoir serait définitivement restauré à partir de 105918.
- 19 Ibidem, I, 364-409, II, pp. 883 –916.
- 20 José Enrique Ruiz Domènec, « Introducción al estudio del crédito en la ciudad de Barcelo (...)
11On doit à P. Bonnassie la première analyse systématique de ces actes dans le but de situer le changement social dans le cadre de l’évolution générale de l’économie, notamment du dynamisme du marché de la terre et du crédit foncier19. Les recherches ultérieures de José Enrique Ruiz Doménec et Antoni Udina sur le crédit barcelonais du xie-xiie siècles et de Josep Maria Salrach sur le marché de la terre ont notablement enrichi la cadre d’analyse et la perspective d’ensemble de cette évolution20. Le point de vue que je vais adopter ici, cependant, diffère essentiellement de ces travaux, le marché de la terre et le crédit paysan n’étant pas envisagés comme objets de recherche, mais comme moyens pour l’étude des disettes et famines.
12La méthode choisie repose sur une démarche préalable largement démontrée par l’historiographie : le lien direct et étroit entre les mouvements des prix des céréales et des produits alimentaires, d’une part, et la dynamique du crédit foncier et du marché de la terre, de l’autre.
13La disette entraîne toujours, dans une mesure ou autre, des difficultés économiques chez les couches inférieures et moyennes de la société rurale et urbaine. Pour faire face aux besoins d’argent, de nourriture ou de semailles, une partie des paysans ayant-droits sur la terre, alleutiers ou tenanciers, ont recours au crédit à gage immobilier – emprunts garantis sur leurs propriétés – et à l’aliénation partielle ou totale de leur patrimoine. Ils commencent par emprunter de l’argent ou des céréales contre la mise en gage (impignoratio) des parcelles spécialement rentables de leur patrimoine – vignobles, jardins – qu’ils devront abandonner s’ils ne peuvent pas rendre la somme empruntée dans le délai accordé (normalement d’une année). Ils continuent en vendant les parcelles périphériques ou moins productives de leur patrimoine et, dans des cas extrêmes, finissent par se dessaisir l’ensemble de l’exploitation agraire.
14Les constitutions de gage et les aliénations de patrimoine se produisent pendant l’hiver et le printemps, lorsque la montée des prix des céréales se fait ressentir plus fortement, et se poursuivent parfois jusqu’au moment même de la soudure, en juillet-aout. Si la perspective d’une bonne récolte ne se réalise pas ou si, même quand localement une récolte se révèle acceptable, le contexte global de famine se prolonge au-delà de l’été, les difficultés reprennent plus fortement dès le début du nouveau cycle agraire, en automne.
- 21 Les rapports entre endettement paysan, crédit et marché de la terre ont fait l’objet de (...)
- 22 François Menant, « Comment le marché de la terre est devenu un thème de recherche pour l (...)
- 23 Maurice Berthe, Famines et épidémies dans les campagnes navarraises à la fin du Moyen Âge(...)
- 24 Maurice Berthe, « Marché de la terre et hiérarchie paysanne dans le Lauragais Toulousain (...)
- 25 M. Berthe, « Marché de la terre… », p. 306. Plus récemment, Julien Demande, dans un conte (...)
15Le lien entre la disette, l’endettement paysan, le crédit foncier et le marché de la terre est depuis longtemps bien connu par l’historiographie du crédit paysan et du marché foncier, notamment en Angleterre et en Italie21, mais c’est dans les dernières décennies que le rapport entre marché foncier et famine est devenu une matière spécifique d’analyse22. Maurice Berthe figure parmi les pionniers de l’utilisation du marché de la terre comme méthode indirecte pour reconstruire l’histoire des disettes, une problématique qui, dans un contexte très différent, avait était au centre de sa recherche de doctorat23. Dans sa statistique sur les lausimes de la commanderie hospitalière de Caignac, dans le Lauragais Toulousain, il apparait nettement, entre 1270 et 1320, une corrélation entre les oscillations du marché de la terre et les hauts et bas des prix des céréales avec un décalage attribué à l’effet du crédit : le transfert foncier se produit au moment où le paysan s’avère incapable de rembourser l’emprunt contracté au moment de la disette24. Le lien entre la disette – la hausse des prix des céréales – et le moment où les paysans transfèrent une partie ou la totalité de leur patrimoine n’est pas nécessairement immédiat, synchronique, malgré la concentration des ventes pendant les mois les plus durs de l’année agricole, en janvier-mai25.
III. Indices pour une enquête
- 26 Sur l’hétérogénéité de la notion « marché de la terre » et sa prope genèse dans l’histori (...)
16Il va sans dire que pour mesurer les difficultés paysannes et établir, dans la mesure du possible, les rapports entre ces difficultés et l’évolution des prix céréaliers, une simple statistique des ventes de terres et des emprunts ne suffit pas. Il faut envisager un ensemble de données et d’indices de signification très variable, qui nous serve à la fois comme moyen permettant de déceler la nature, parfois cachée, des opérations, comme critère de sélection de l’échantillon pour l’enquête, enfin comme moyen indirect pour établir le cycle et l’importance relative des disettes. Analyser de manière distincte la signification des ventes et des emprunts, et mieux encore leur nature formelle, puis comprendre celle des informations qu’ils renferment, s’avère d’autant plus nécessaire que, aussi bien dans le monde rural que dans le monde urbain, au cours du Moyen Âge, il n y a pas un seul marché de la terre et du crédit, mais plusieurs marchés impliquant différents agents, différents objets et opérations de nature différente26. Seule une analyse serrée des actes peut nous permettre de déceler leur nature et signification et d’établir dans quelle mesure ils doivent être mis en rapport avec l’évolution du marché des céréales, aux difficultés et à l’endettement paysan et à la famine. Examinons donc rapidement les éléments principaux à considérer dans cette analyse.
1. La condition sociale ou institutionnelle des acteurs
17a) Les emprunts ou les ventes de parcelles ou exploitations agraires accordés par des couples, avec ou sans enfants, sont très souvent des actes motivés directement par la disette. Ils sont pour la plupart à ranger à côté des aliénations de patrimoine effectuées « à cause de la famine » par des veuves avec des enfants mineurs ou par des tuteurs agissant comme usufruitiers d’un héritage.
18b) L’intervention des comtes ou vicomtes comme acheteurs ou prêteurs vis-à-vis des abbayes protégées ou des paysans de leurs domaines témoignent d’une politique visant à atténuer les effets les plus nuisibles de la famine, notamment à éviter l’émigration des paysans et l’abandon des terres, et donc une catastrophe du système productif. Sous la forme de la vente se cachent parfois des prêts « amicaux », dont le but est de subvenir aux besoins impérieux d’argent, nourriture ou semailles des familles paysannes. Ces interventions du pouvoir public sont plutôt exceptionnelles et se repèrent dans la phase plus critique du cycle.
- 27 Voir notre étude « Entre la beneficencia y la “familiaritas” : la contratación del “victu (...)
19c) Les institutions ecclésiastiques, notamment les abbayes, les hôpitaux et institutions de charité, opèrent de façon plus systématique dans cette direction. Les achats des parcelles ou exploitations paysannes contre la cession de prêts en nature ou en argent, témoignent autant d’une politique de protection de la paysannerie que de la volonté d’élargissement du domaine et d’extension des réseaux de familiarité. La menace de la famine dans les moments plus critiques pousse les paysans endettés à contracter le victum et vestitum offert par les abbayes contre l’abandon de leurs propriétés27.
20d) Les aliénations de patrimoine ecclésiastique sont des actes exceptionnels qui se produisent généralement à la suite de certaines crises spécialement graves et persistantes.
2. Le temps de formalisation des actes
21La concentration des emprunts et des ventes pendant l’hiver et le printemps, de décembre à mai, lorsque le manque de céréales se faisait ressentir plus fortement à la suite de des mauvaises récoltes ou à un offre insuffisante dans le marché, est normalement une manifestation du rapport entre la disette et les difficultés paysannes.
3. L’objet mis en gage ou aliéné.
22La nature et l’importance du bien transféré est un indice à privilégier au moment de mesurer les difficultés des familles paysannes et d’établir le cycle et l’importance relative des disettes.
- 28 Sur le mécanisme des emprunts et des mises en gage dans la Barcelone du xie et du xiie si (...)
23a) La mise en gage de parcelles spécialement productives – jardins, vignobles et champs de labour – est la manière habituelle de rémunérer le prêteur, puisque les rendements de la parcelle représentent l’intérêt du prêt. Très peu de propriétaires sont dépossédés de leurs gages dans le cas où ils ne rendent pas l’emprunt dans le délai accordé qui est généralement d’une année ; habituellement, on renouvelle le contrat jusqu’au remboursement de l’emprunt. La vente de la terre se présente comme une solution exceptionnelle pour la liquidation de la dette28.
24b) Par contre, il faut noter de grandes différences entre les ventes de parcelles – jardins, vignobles, champs – et les aliénations d’alleux dont la description paraît correspondre à des exploitations agraires alors que le mot « manse » n’est pas encore en usage. Ces liquidations du patrimoine sont la conséquence de processus irréversibles d’endettement des familles paysannes et un indice de la persistance et sévérité de la famine. Les aliénations de moulins et des droits sur des moulins sont aussi exceptionnelles et se placent d’habitude dans des moments critiques.
4. Localisation du bien foncier
25La localisation de l’objet d’échange est un élément essentiel pour établir la géographie des difficultés en rapport au cycle de la disette et mesurer l’impact différentiel des crises. Les aliénations de parcelles et exploitations situées dans le territoire de Barcelone et dans les contrées environnantes, en Vallès, Maresme et Llobregat, signalent le moment où la disette faisait peser ses effets sur la ville et son hinterland. Ce moment correspond, en règle générale, à la phase critique du cycle. Il faut rappeler que la ville visait à conjurer la disette en ayant recours aux réserves de grain de son comté et de l’espace politique qu’elle contrôlait. Cependant, lorsque ces réserves ne suffisaient pour garantir l’approvisionnement, la ville et son hinterland souffraient directement des effets de la famine.
5. Créances et moyen d’échange
- 29 J. E. Ruiz Domènech, « Introducción al estudio del crédito… », p. 28 ; P. Bonnassie, La C (...)
26a) Les céréales comme créance et comme moyen d’échange dans les transactions foncières représentent des données précieuses pour l’histoire des crises frumentaires. Le nombre de mises en gage et de transferts de terres en échange de blé et le volume d’orge et de froment mobilisé en l’occurrence, dans la mesure où ils sont en rapport avec la montée des prix des céréales et aux besoins de blé dans le marché, nous permettent de réaliser des approches de reconstitution du cycle et de l’importance relative des disettes. Emprunts pour la consommation et ventes forcées font partie d’un seul marché destiné à satisfaire les besoins de réserves alimentaires des familles paysannes29.
- 30 « quia hodie potest venundari quarta una ordei mancusum unum » (ACB, 1-1-2431).
- 31 P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 431.
27b) Certaines opérations, cependant, ne semblent pas pouvoir se justifier par des besoins d’autoconsommation, mais plutôt par le souci de l’emprunteur ou du vendeur de se procurer de réserves de blé en gros pour les revendre au détail. Elles doivent être distinguées du groupe des nombreux « emprunts de famine » et des ventes forcées, et être rattachées à l’intervention d’agents intermédiaires dans le marché des céréales au cours de la disette. Un seul exemple – déjà relevé par P. Bonnassie – suffira pour illustrer ce phénomène. En janvier 1021 le juif barcelonais Benvingut emprunte à Ermeniarda l’incroyable quantité de 38 cafices d’orge, soit 3 648 quarteres, pour laquelle il met en gage deux pariliatas de terre situées près des remparts de Barcelone, à Santa Maria del Pi et à l’Estany. Nul doute sur la nature spéculative de cette opération, contractée au moment où le prix de l’orge atteint des niveaux spectaculaires sur le marché barcelonais : 1 mancus le quartanum, mesure équivalente à une dixième partie de la quartera30. Il va sans dire que Benvingut n’achète pas pour sa consommation familiale, mais pour revendre dans le marché urbain en tirant profit de la hausse des prix des céréales. L’emprunt cache un achat à crédit de la part du revendeur31. Formalisées peu après de la récolte ou au début de l’automne, ces opérations sont le révélateur des mouvements spéculatifs du marché des céréales responsables du prolongement et aggravation des disettes.
28Il est aussi évident que la remise de la terre ne joue qu’un rôle secondaire par rapport à ce qui est la vraie nature de l’opération : une vente à crédit de réserves de blé. Elle en est essentiellement une garantie. La disproportion entre l’importance du bien foncier vendu ou engagé et la valeur de l’achat – le « prix » – ou de l’emprunt est, en effet, le principe général permettant de discerner ces opérations à allure spéculative, des prêts pour la consommation et de ventes forcées.
29c) Cette disproportion peut aussi se vérifier, à l’opposé, dans des prêts ou ventes « amicaux » dont le but est de fournir des victuailles aux affamés en situation extrême. On s’éloigne à nouveau du marché de la terre et du crédit foncier pour entrer dans le domaine des politiques menées depuis le pouvoir et par les institutions ecclésiastiques face à la famine, bien qu’elles se présentent parfois de façon indissociable des politiques seigneuriales de gestion du domaine foncier.
30C’est sur la base de la signification différentielle des actes, à partir de la confrontation de ces différents aspects, que l’on peut procéder à la quantification des données, les magnitudes quantitatives contribuant elles mêmes à renforcer ou donner signification aux indices dont on dispose. Les informations ont donc été intégrés dans un modèle statistique pertinent ; compte tenu de sa signification différentielle, elles ont été réduites statistiquement dans un graphique chronologique avec une précision au niveau du mois, ce qui était une démarche nécessaire pour établir les cycles interannuels des crises.
- 32 G. Feliu ; J. M. Salrach, Els pergamins de l’Arxiu Comtal de Barcelona de Ramon Borrell a (...)
- 33 G. Feliu i Montfort, « La cronología según los reyes francos en el condado de Barcelona ( (...)
31Par la suite, la datation des actes et, plus précisément, les problèmes posés par les systèmes chronologiques et chorographiques employés ont été au cœur du choix de la méthode statistique. Bien que nous ne puissions jamais être absolument assurés de la datation des actes catalans de la période comtale32, le principal problème que ceux-ci posaient, celui du style employé dans le comput des actes datés par les années des rois francs, est, depuis les travaux d’Anscari Mundo, Gaspar Feliu et Josep Baucells, résolu pour la période postérieure à l’an 1000. Bien que des incertitudes subsistent pour les actes carolingiens et ceux des premières années du royaume de Robert, ces avancées nous permettent, en conservant une étroite marge d’erreur, d’affronter la datation des actes barcelonais produits avant le concile de Tarragone 1180 qui adopte le cycle de l’Incarnation33.
- 34 F. Curschmann, Hungersnöte in Mittelalter. Ein Beitrag zur Deutschen Wirtschaftsgeschicht (...)
32L’enquête qui en résulte nous offre une image de la réalité assez précise, en tout cas plus précise que celle qui nous fournissent les annales et chroniques européennes34. Ansi pouvons-nous affirmer que pour la Catalogne du xe-xiie siècles, les documents de transactions foncières et les actes de constitution de gage foncier représentent, non seulement une source sur la disette, alternative à des sources narratives pauvres, mais même une source privilégiée, qui permet des approches d’une précision impossible à obtenir dans des régions pauvres en sources de la pratique, où l’approximation doit se fonder, essentiellement, sur des annales.
- 35 Sur les équivalences des mesures de céréales dans la Barcelone du début du xive siècl (...)
Graphique 2 Volume de blé mobilisé dans des ventes et mises en gages à Barcelone et dans son comté (1001-1020). Les valeurs ont été réduites a la quartera de Barcelone d’après le système d’équivalences suivant35

IV. Disettes et famines de la période 1000-1018
1. La disette de 1001-1002
- 36 ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 41, éd. Puig i Ustrell, pp. 764 – 766, doc. 104 ; (...)
33À partir de l’an 1000, on peut signaler une première période critique entre les mois de décembre 1001 et avril 100236. Il s’agit d’une disette grave si l’on considère le nombre de transferts repérés, l’objet des aliénations – moulins, droits sur des moulins et manses – la nature de la valeur de l’échange – froment et orge – ou la géographie des difficultés.
- 37 ACA, CSC, f. 239, doc. 745, ed. Rius, II, p. 23, doc. 376.
- 38 ACA, CSC, f. 243, doc. 758, ed. Rius, II, pp. 13 – 14, doc. 366 ; ACA, CSC, f. 242v, doc. (...)
34Pendant l’hiver de 1002 la disette frappe de façon particulière les paysans alleutiers de Sant Joan Despí et Sant Feliu del Llobregat, qui se voient obligés de céder leurs alleux à l’abbaye Sant Cugat del Vallès, dont ils deviennent des tenanciers. Les premières difficultés de ce collectif se repèrent peu après la moisson de 100137. La relative densité de donations d’alleux localisés dans la plaine du Llobregat permet de repérer le moment culminant des difficultés entre le 19 mars et le 6 avril38.
- 39 ACS, parch. 26, éd. Llorens, p. 341, doc. 29 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 21 ; (...)
35En mai 1002 la disette est déjà surmontée, bien qu’en février-avril 1003 des difficultés persistent dans la Catalogne intérieure (Manresa, Osona)39.
2. La famine de 1004-1005
- 40 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 29 et 30.
36Les difficultés reprennent en juillet 1003 dans le comté de Manresa et dans le Vallès40, mais c’est pendant l’hiver de 1004 qu’elles culminent, lorsqu’elles frappent l’Osona, le Vallès et le territoire de Barcelone. Le recours aux céréales comme moyen d’échange pendant l’hiver de cette année confirme la sévérité de la disette, dont les effets se laissent sentir aux alentours de la ville de Barcelone.
- 41 ADG, Cartoral de Carlemany, pp. 267b – 268a, éd. Marquès, Cartoral, pp. 164 – 165, doc. 7 (...)
- 42 ACV, caisse 6, n° 1325, éd. Ordeig, pp. 37 – 38, doc. 691 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, (...)
- 43 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 43, 45 et 48.
- 44 ADG, Cartoral de Carlemany, pp. 335b – 336a, éd. Marquès, Cartoral, p. 167, doc. 74.
37Les mois de mars et avril 1005 sont encore difficiles dans le nord-est de la Catalogne, le Vallès et le territoire de Barcelone41. Après la récolte de 1005, les difficultés reculent à Barcelone, alors que pendant l’automne de 1005 et l’hiver de 1006 elles persistent dans la Catalogne intérieure, Manresa et Osona, et le Penedès – où l’abbaye de Sant Cugat profite des difficultés des paysans pour acquérir leurs propriétés en échange de prêts et aides –42, et au delà, pendant les mois de janvier-avril 1007 dans le Bages43, et la ville de Gérone44.
38La phase culminante de la crise frumentaire doit donc être placée en janvier-mars 1004 et mars-avril 1105, lors qu’elle frappe l’hinterland de Barcelone.
3. La famine de 1007-1009
- 45 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 57, 59, 60, 61, 62, 65 et 66.
- 46 ACV, caisse 6, n° 811, éd. Ordeig, p. 49, doc. 704.
- 47 AHCT, parch. I-15, éd. Puig-Ruiz-Soler, p. 230, doc. 16 ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrel (...)
- 48 ACA, CSC, f. 180, doc. 577, éd. Rius, II, p. 63, doc. 417.
- 49 ACB, LA, II, f. 194, doc. 584.
- 50 ACV, caisse 6, n° 812, éd. Ordeig, p. 52, doc. 708 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. (...)
- 51 ACV, caisse 6, n° 1333, éd. Ordeig, pp. 52 – 53, doc. 709 ; ACA, Chancellerie, Ramon Borr (...)
- 52 ACS, parch. 35, éd. Llorens, p. 347, doc. 38.
- 53 BC, Arxiu, parch. 2034, éd. Puig i Ustrell, doc. 128.
39Un nouveau mauvais cycle débute après la moisson de 1007 et atteint son moment critique en automne de la même année et en hiver et printemps de 1008. Les difficultés ne touchent pas uniquement le Bages45 et l’Osona46, mais aussi, ainsi qu’elles l’avaient fait déjà en 1005, les alentours de Barcelone47 et le Penedès48. L’orge et le forment sont employés à nouveau comme moyen d’échange dans les ventes d’alleux localisés dans la plaine du Bages et dans le territoire et comté de Barcelone, signe manifeste du caractère frumentaire de la crise et indice additionnel de son intensité. En octobre 1008 des difficultés se repèrent à nouveau près de Barcelone49, mais le gros des transferts de terres se concentre entre janvier et juillet 1009 et concernent à nouveau les comtés de Manresa50 et Osona51, la marque du Penedès52 et le Vallès53.
- 54 ACB, LA, I, f. 232, doc. 630, reg. : Mas, Rubrica, doc. 283.
- 55 ACB, 1-4-26.
40D’après son impact sur le marché de la terre – du nombre de ventes d’alleux et de la géographie des difficultés – la crise de 1007-1008 apparaît nettement plus grave que celle de 1004-1005. En outre, on est face à une disette qui a privé des larges secteurs de la population urbaine de l’accès aux ressources de subsistance. Dans l’acte de restauration et dotation de la collégiale de Barcelone le 29 mars 1009, où les legs de Trubau, frère du marchand Robert sont consignés, on parle de 100 pauvres, entre pèlerins, aveugles et boiteux qui recevaient tous les jours des aumônes54. La publication du testament du prête Guilarà, décédé après octobre 1010, énumère plusieurs legs de biens fonciers, draps, orge et vin à l’hôpital de pauvres et pèlerins de la cathédrale de Barcelone ad victum pauperum peregrinorum vel ut melius vidissent55.
4. La trêve de 1010-1011
- 56 ACV, caisse 6, n° 191, éd. Ordeig, pp. 58 – 59, doc. 712 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, (...)
- 57 ACA, CSC, f. 73, doc. 285 ; ACA, OM, origine indéterminé, n° 110 ; ACA, OM, parch. 54, éd (...)
41Pendant l’automne de 1009 et l’hiver de 1010 les difficultés reculent dans la Catalogne intérieure56, alors qu’elles continuent à se manifester dans le Vallès, où plusieurs ventes sont accordées suite au versement de sommes respectables d’or et d’orge57. L’extinction des difficultés et le retour à la normalité, après la grave disette de 1008-1009, a pu être la conséquence aussi bien d’une récolte excellente que des mesures de choc mises en place par les institutions ecclésiastiques pendant l’hiver de 1009. L’automne de 1010 est nettement marqué par une rupture par rapport à la grave crise de 1007-1009. La normalisation des marchés rendait possible l’organisation pendant l’hiver et le printemps de 1010 de l’expédition militaire sur Cordoue.
42La disparition de la disette était une condition nécessaire pour organiser et garantir l’approvisionnement d’une grande armée qui devrait parcourir plus de deux mille kilomètres et se tenir en alerte au moins deux mois, même si le chiffre de 9 000 combattants, que fournissent les sources arabes, est, bien entendu, exagéré. Il est, donc, significatif, dans un contexte de disette permanente, quasi structurelle, que l’organisation de cette armée pendant l’hiver et le printemps de 1010 n’ait pas provoqué une hausse brusque des prix alimentaires, ce qui ne semble pas être advenu si l’on en croit les données du marché de la terre et du crédit. L’organisation de l’expédition de Cordoue dans cet interlude n’a pas été fortuite : elle aurait été impensable l’année précédente, en 1009, et deux années après, en 1012.
- 58 ACA, CSC, f. 122, doc. 404. Sur l’expedition de Ramon Borrell à Cordoue, voir Salvador Sa (...)
43Comme c’est bien connu, l’expédition militaire est partie le mois de mai 1010. Les militaires se sont dirigés par la route Lleida-Saragosse-Medinaceli vers Toledo, pour rejoindre al Wadih, qui prétendait imposer son candidat Muhammad al-Mahdi au trône califal contre son rival, le prince omeyad Sulaiman, installé à Cordoue en 1009 avec le soutien de Barbaresques et de Castillans. Les armées d’al-Mahdi et les barbaresques de Sulaiman se sont affrontés vers la mi-juin à une distance de quatre lieues de la ville de Cordoue, au lieu-dit Aqabat al-baqar, aujourd’hui Castillo de Bacar. La victoire a ouvert les portes de capitale califale à l’armée catalane. Le 21 juin a eu lieu une deuxième bataille à l’embouchure du Guadiaro, où nombre de catalans, trois mille d’après les sources arabes, ont perdu la vie, et l’armée a dû se retirer à Cordoue. Parmi les victimes se trouvait l’évêque Aeci de Barcelone, alors que l’évêque Odó de Gérone et l’évêque Arnulf de Vic avaient été blessés à mort. Le 29 juillet, les survivants étaient déjà revenus en Catalogne58.
5. Les graves difficultés de l’hiver 1012
- 59 Adalbert, fils du vicomte Guitard de Barcelone, décédé le mois de juin 1010 dans la deuxi (...)
- 60 P. Bonnassie a bien documenté les bénéfices rapportés par l’expédition, en considérant, d (...)
44Devons-nous mettre en rapport le recul des difficultés dans les comtés catalans pendant l’automne 1010 et l’hiver 1011 avec le butin remporté par les expéditionnaires de Cordoue ? C’est possible. Le décès de certains personnages puissants dans l’expédition du comte Ramon Borrell a permis la libération de réserves59 et nul doute que le retour des survivants avec les mains pleines d’or a dû faire sentir ses effets sur l’économie catalane, du moins pendant un certain temps60.
45Or, il ne semble guère que les bénéfices matériels de l’expédition aient finalement profité aux conditions de vie des Catalans, si nous en jugeons par la réapparition des difficultés près de Barcelone en octobre 1011, qui ont abouti, cette fois, à une famine très grave en janvier-avril 1012.
- 61 ACV, caisse 6, n° 2139, éd. Ordeig, p. 79, doc. 731 ; ACB, 1-1-1919.
- 62 AHCT, I-16, éd. Puig-Ruiz-Soler, pp. 231 – 232, doc. 17.
46Bien que moins nombreuses que les années antérieures, les opérations de crédit et les transferts de terres formalisés pendant l’automne de 1011 et l’hiver de 1012 reflètent à nouveau le souci des couples de paysans alleutiers et des veuves avec enfants de s’approvisionner en victuailles et réserves d’orge et de froment pour se prémunir de la disette61. De ces actes, il faut excepter toutefois l’emprunt de 616 quarteres d’orge et 8,5 mancusos fait le 31 octobre 1011 par Ised et son épouse Olvígia au barcelonais Trasoer contre l’engagement d’un manse situé à Reixac, dans la villa de Ventenago62. Le volume de l’emprunt ne paraît pas se justifier par les besoins de ravitaillement de ce couple de propriétaires ruraux ; on dirait, plutôt, qu’ils agissent au début de la disette avec des réflexes spéculatifs, achetant des réserves de blé pour les revendre plus tard sur le marché local à des prix beaucoup plus élevés à des paysans aux abois.
- 63 ACA, CSC, f. 255, doc. 783, Rius, II, p. 91, doc. 445 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, par (...)
- 64 « et insuper addedisti nobis in nostra necessitate in tempore caro ad nostra sustentacion (...)
47Dans la phase critique de la disette, le mois d’avril 1012, les abbayes de Sant Cugat del Vallès et de Sant Benet del Bages ont acquis la propriété d’alleux, moulins et manses de paysans alleutiers en difficulté en échange d’aides ponctuelles ou de la fourniture de victuailles et de réserves de céréales63. On ne s’étonnera donc pas de voir ces abbayes souffrir elles-mêmes des effets de la famine, aussi bien à la suite de la diminution de leurs revenus qu’à l’accroissement des besoins auxquels elles devaient faire face. Le 26 janvier 1012 l’abbé Guitard de Sant Cugat cède en alleu au prêtre Guadall la moitié du château de Clariana avec la mission de le repeupler ; les 5 onces d’or qu’il reçoit de lui in tempore caro sont destinés aux besoins et à l’entretien de l’abbaye64.
48Il paraît, donc, que les institutions ecclésiastiques n’ont pas été les principales bénéficiaires du butin d’al Andalus, car si, d’une part, elles étaient en condition d’acheter les alleux de certains paysans, de l’autre, elles ont dû renoncer partiellement à la propriété de ses apprissions à des personnages solvables capables d’en organiser la défense et les repeupler pour subvenir à leurs propres besoins et aider leurs dépendants en temps de famine.
- 65 ACB, 1-1-331.
49Mais la preuve concluante de l’intensité de la famine de 1012 et des difficultés subies par les grandes institutions ecclésiastiques nous est fournie par un acte tout à fait exceptionnel. Le 4 mars 1012, in tempore gravi sterelitatis aflicio, l’évêque de Barcelone Deusde, avec l’ensemble de chanoines de la cathédrale, aliène une partie du patrimoine que l’Église de Barcelone possédait dans le Vallès à un personnage noble du lignage comtal appelé Guitard Arnau. Ce ric hom, survivant sans doute de l’expédition militaire à Cordoue, a versé à l’évêque de Barcelone une partie de son trésor : exactement la somme de terquinas uncias auri concti pleniter trutinatas, lesquelles seront destinées pro alimonie sumptibus in ipsa cannonica sustentationis gratie65.
- 66 ACA, OM, origine indeterminée, n° 123 ; ACA, OM, parch. 63, éd. Puig i Ustrell, doc. 147.
- 67 ACV, caisse 6, n° 822, éd. Ordeig, p. 83, doc. 737.
- 68 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 95 et 96.
50Ce n’était que le début d’une grave crise frumentaire. Après la récolte de l’été de 1012 les difficultés n’ont cessé d’augmenter. Les ventes d’alleux, manses et parcelles se sont multipliées pendant les mois de février-mai 1013 dans le Vallès66, les comtés d’Osona67 et de Manresa68.
51Dans ces contrées, les difficultés ont repris presque sans trêve en automne et ont culminé pendant l’hiver de 1014, lorsque les effets de la disette se font sentir pleinement aux environs de Barcelone.
52On peut donc repérer en février-mai 1013 et octobre 1013-mars 1014 les maxima des effets de la grave crise qui a démarré l’hiver de 1012.
- 69 ACB, 1-1-2251 b ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrell, parch. 111, éd. Feliu-Salrach, p. 399 (...)
- 70 ACV, caisse 6, n° 1346, éd. Ordeig, pp. 97 –98, doc. 752 ; ACV, caisse 6, n° 1373 bis, éd (...)
53Pendant l’automne de 1014 le blé manquait encore dans le comté de Manresa et dans la marche du comté de Barcelone69. L’hiver de 1015 a été à nouveau mauvais dans le comté de Manresa, où des nombreuses ventes de manses et moulins se concentrèrent entre février et juin et, dans une moindre mesure, dans le territoire de Barcelone70, mais la situation s’est améliorée après la moisson de cette année.
6. La grande famine de 1017-1018
- 71 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 121 ; ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 17 [avant c (...)
- 72 ACV, caisse 6, n° 189, ed. Ordeig, p. 110, doc. 767 ; ACB, 1-1-2420 ; ACV, caisse 6, n° 1 (...)
- 73 ACS, parch. 41, éd. Llorens, p. 353, doc. 45 ; ACA, OM, parch. 131, éd. Rius, II, p. 108, (...)
54En 1016 les difficultés, concentrées entre les mois de janvier-avril, ont reculé dans les comtés de Manresa et Osona71, mais ont réapparu dans le comté de Barcelone, dans le Vallès et le Maresme, où plusieurs emprunts de blé et orge sont documentés72, et dans le bas Llobregat et le Penedès73.
- 74 Le 26 setembre 1016 Martès et son épouse Ermetruda ont mis en gage à Sendred deux modiata (...)
- 75 ACV, caisse 6, n° 1331, éd. Ordeig, p. 114, doc. 772.
55La récolte de 1016 a été nettement insatisfaisante et, peu après le mois de septembre, des opérations spéculatives entre propriétaires de Manresa et prêteurs barcelonais74 anticipaient les besoins en céréales pour les semailles et pour le ravitaillement des paysans75.
- 76 ACA, CSC, f. 312, doc. 936, éd. Rius, II, pp. 118 – 119, doc. 469.
- 77 ACB, LA, II, f. 189, doc. 561.
- 78 ACA, OM, Sant Cugat del Vallès, parch. 133, éd. Rius, II, p. 114, doc. 465.
- 79 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 130.
56La crise frumentaire est arrivée à son point culminant entre avril et août 1017 où elle a frappé le Maresme76, le Vallès77, les environs de Barcelone, le Penedès78 et le Bages, région où la situation paraît avoir été particulièrement grave79.
- 80 ACV, Episcopologe, VIII, n° 83, éd. Ordeig, pp. 126 – 127, doc. 787 ; ACV, caisse 6, n° 1 (...)
57Pendant les mois de février-mai 1018 la situation est redevenue critique dans l’Osona, le Bages, le Vallès et le Penedès80.
- 81 ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 78 v°, éd. Puig i Ustrell, pp. 862 –863, doc. 178 (...)
- 82 ACV, caisse 6, n° 1362, éd. Ordeig, pp. 137 – 138, doc. 801 ; ACV, caisse 6, n° 190, éd. (...)
58Les difficultés ont réapparu en novembre 101881 et pendant l’hiver et le printemps de 1019 dans le Vallès, le Bages et l’Osona82, bien qu’elles aient été d’intensité inférieure par rapport aux années précédentes. Le fantôme de la famine s’est évanoui pendant la deuxième moitié de l’an 1019 et toute l’année 1020.
V. Conséquences de la famine de 1017-1018 : campagne et ville
- 83 Le 30 mai ils ont prêté une eimina d’orge et une eimina de froment à un homme appelé Joan (...)
59La crise de 1017-1018 a eu de graves conséquences, aussi bien dans la campagne que dans la ville de Barcelone. Dans la campagne, elle a provoqué l’endettement et la paupérisation des paysans qui ont dû largement faire appel au crédit garanti sur les terres. Au moment le plus critique, mois de mai 1017, peu après la mort de Ramon Borrell, la comtesse veuve Ermessenda et son fils Berenguer Ramon I ont agi comme prêteurs de blé pour subvenir aux besoins des paysans en difficultés83. Cette mesure, visant à garantir les conditions des récoltes futures et, en dernier ressort, éviter la paupérisation des paysans et leur émigration en ville ou dans d’autres pays, mérite d’être remarquée, l’intervention du pouvoir public dans les disettes étant plûtot exceptionnelle avant le xiiie siècle.
- 84 « Et ipsos debitos de auro quod mihi debent homines de Durrios et de Valledexio, unde hab (...)
60Souvent c’étaient les seigneurs et leurs batlles qui agissaient comme prêteurs dans leurs territoires, mais après la crise de 1017 il a fallu prendre des mesures supplémentaires, telles que la remise de redevances, intérêts et dettes pour éviter la paupérisation de la population rurale, l’émigration et l’effondrement de la production agraire. Ainsi, le 24 septembre 1018, le levite Guillem au moment où il laissait par testament la tour de Dosrius au chapitre de chanoines de l’église de Barcelone, avec tous ses alleux et moulins, commandait à ses exécuteurs la tâche ardue de récupérer les « sommes d’or » prêtées aux hommes de Dosrius et de Valldoreix avec des instructions précises : les chanoines devraient annuler les intérêts aux débiteurs et même remettre leurs dettes s’ils voyaient que ceux-ci étaient si pauvres qu’ils ne pouvaient pas rembourser les emprunts. En outre, ces dettes une fois récupérées seraient destinées avec l’ensemble de redevances de Dosrius et Valldoreix pour moitié aux prêtres et pour moitié aux pauvres84.
- 85 ACA, Chancellerie, Ramon Berenguer I, parch. 4, éd. Feliu-Salrach, pp. 415 – 417, doc. 12 (...)
- 86 P. de Bofarull, Los condes de Barcelona vindicados, Barcelone, 1836, t. I, p. 220 : « ecc (...)
61Dans la ville, où la fraction de la population exclue de l’accès aux ressources alimentaires s’était notablement élargi à cause des problèmes d’approvisionnement, ces mesures n’avaient d’autre sens que la charité et l’assistance les plus élémentaires, activités que les institutions ecclésiastiques exerçaient de façon quasi monopolistique. Le décès de certains bénéficiaires de redevances seigneuriales et du butin d’Al Andalus, de prêteurs et spéculateurs, qui formaient un groupe hétérogène composé par les ecclésiastiques, nobles, seigneurs et grands propriétaires urbains, a rendu possible la libération de réserves de blé et facilité la tâche caritative des institutions ecclésiastiques qui ont canalisé opportunément ces réserves pour leur propre bénéfice et au bénéfice des pauvres qu’elles nourrissaient. Le noble barcelonais Trasoer, par exemple, dans son testament dicté le 30 novembre 1017, a laissé 3 cafices d’orge vieux et un tonneau de vin aux pauvres, en plus d’une once d’or au chantier de Sant Pere de les Puelles avec son cheval et ses armes85. Mais le cas le plus spectaculaire est celui du comte Ramon Borrell qui, au mois d’avril de 1017, peu avant de décéder, a légué tout son or à la cathédrale de Barcelone86.
VI. Famine et exode paysan
62Au-delà de l’impact de la famine de 1017-1018 sur l’économie paysanne et ses conséquences sur les revenus seigneuriaux, nous avons connaissance de certaines expériences individuelles et collectives qui révèlent ses aspects les plus dramatiques.
- 87 L’acte est daté de l’année 23 du roi Robert [1018 juin 24-1019 juin 23] : « et facio hoc… (...)
63Pendant les années 1017-1018, la Catalogne intérieure a vécu des situations caracteristiques des crises alimentaires plus graves : angoisse, famine et rupture des solidarités familiales. Le témoin d’Olovara, que l’écrivain enregistre à dessein, est tout à fait éloquent : en 1018-1019 elle a fait donation, avec son mari, d’un alleu à l’abbaye de Santa-Maria de Sarrateix « par peur à la famine, parce que l’angoisse s’est emparée de moi et mes fils, mes filles et tous mes parents m’ont abandonné et j’ai été abandonnée jusqu’à la mort, jusque Reinard, abbé et moine de Santa Maria, m’a pris »87. Les crises de subsistances ont provoqué la rupture des solidarités familiales immédiates, mais il ne faut pas nécessairement considérer ce phénomène tel que nous le présentent certains actes monastiques : comme la conséquence d’un acte immoral de désaffection des fils envers leurs géniteurs. Dans le contexte d’un grave famine, l’abandon des parents pouvait obéir tout simplement à la difficulté ou à l’impossibilité de la génération adulte pour assurer sa propre subsistance et garantir l’exploitation des terres. Ces difficultés ont pu pousser les paysans à abandonner la terre et, avec elle, les êtres plus aimés, et émigrer vers la ville ou vers des régions où le problème de la famine ne se posait pas de façon aussi aigüe. Le soin des géniteurs restait confié aux abbayes, qui disposaient d’institutions spécialisées dans ce type d’assistance. D’ailleurs, peut chaud à des héritiers dépossédés de perdre la propriété de terres qu’ils n’étaient pas en mesure d’exploiter.
- 88 ACB, LA, II, f. 179r-v, doc. 521.
64En dehors de ces épisodes dont, du fait de la nature des sources, on ne peut évaluer exactement le caractère exceptionnel, nous apprenons par une vente accordée après la moisson de 1017 que la famine avait provoqué l’exode d’une partie des habitants du comté de Barcelone. Le 21 octobre de cette année, Especiosa et son fils Bonhom ont vendu à Goltred une pièce de terre de sa propriété située dans le Vallès, dans les terroirs d’Albinyana et de Reixac, pour le prix d’un mancus et 4 sous de deniers, que celui-ci leur avait prêté, ajoute le document, « pro ipsa necessitate qui fui in ipso anno quando homines exierunt de comitato Barchinona et fuerunt in alias regiones »88.
- 89 P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 403.
65Mais quand a eu lieu cet exode collectif ? À quelle année se rapporte le document ? Comme la plupart de prêts à garantie immobilière formalisés pendant l’automne, l’hiver et le printemps étaient accordés à un délai inférieur à une année – souvent entre 3 et 6 mois – et que la date habituelle de remboursement était la Saint Feliu, le 1 août89, nous ne pouvons pas écarter la possibilité d’un exode forcé dont témoignerait cette vente, motivée par l’impossibilité des paysans de rembourser l’emprunt, qui eut lieu la même année de 1017, pendant les mois d’avril-août, au moment critique de la famine. Le temps verbal employé semble cependant renvoyer à une date antérieure, bien que pas très éloignée, peut-être la famine de 1012-1014.
66La notice soulève d’autres questions, d’autant plus importantes que les sources conservées ne nous permettent malheureusement pas de répondre de façon directe : quelle a été la portée du mouvement migratoire ? Qui est parti, les paysans ou les habitants des villes ? Quelle a été la destination des faméliques, les comtés septentrionaux de la Catalogne, les terres occitanes ou les taifas andalouses ? S’agissait-il d’un exode temporaire, d’un départ transitoire avec le but de s’approvisionner de réserves de grain dans des marchés lointains, ou d’une émigration sans perspectives de retour ?
- 90 En 1015 il avait déjà reçu de mains de l’Église de Vic les châteaux de Calaf, Calafell et (...)
- 91 « Manifestum est enim quia haccidit sterilitas famis et inopia siccitatis huic nostre reg (...)
- 92 Ramon d’Abadal, L’abat Oliba, bisbe de Vic i la seva època, Barcelone, 1962, pp. 180 – 18 (...)
- 93 ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 19 (copie du 17 août 1166), éd. Ordeig, pp. 101 – 102, (...)
67Un document postérieur, l’acte de concession des châteaux de Montbui, Ocelló et Tous, dans la marche du comté d’Osona, accordé en 1023 par l’évêque Oliva de Vic au fils du vicaire d’Oló, le lévite Guillem, qui était seigneur de Mediona90, afin de les restaurer et édifier « contre les paysans, les chrétiens perverses et insidieux et les ennemis des possessions de l’Église » apporte, cependant, un peu d’éclairage à ces questions. La concession de 1023 raconte que ces territoires s’étaient dépeuplés parce qu’une grave disette, occasionnée par une sécheresse estivale, avait poussé nombre de paysans à partir en pays toulousain91. R. d’Abadal a situé la sécheresse aux alentours de 990, durant l’épiscopat de Fruià, entre 972 et 995, puisque c’était lui qui avait élevé une tour et une église au sommet de la butte de Montbui pour entreprendre ensuite la restauration du lieu92. Cette hypothèse soulève néanmoins maints problèmes. Le premier et le plus important est de savoir, pourquoi la cathédrale de Vic aurait attendu si longtemps avant de reprendre le repeuplement de ce terroir ? L’acte de 1023 nous informe que les châteaux de la marche d’Osona s’étaient ruinés suite au dépeuplement, hormis la tour que Fruià avait fait bâtir au sommet de Montbui. Il n’y donc pas, a priori, de raison pour situer ces événements à une époque proche de celle de la construction de la tour de Montbui, mais plutôt l’inverse. Il s’agissait de remarquer que la construction de l’évêque, grâce à sa solidité toute spéciale, avait résisté au passage du temps et aux coups des adversaires . On sait, d’autre part, que peu avant de 1023 l’évêque de Vic avait déjà tenté de repeupler ces terres. En effet, le 18 août 1015 l’évêque Borrell avait accordé à un certain Ató une butte avec une terre inculte située dans le terme de Tous, dans le lieu-dit coma de Riquer, pour y édifier une tour et exploiter les terres93.
68Ató est-il parvenu à accomplir sa mission ? La famine ayant provoqué l’exode des colonisateurs des domaines épiscopaux de la marque du comté d’Osona a-t-elle précédé ou suivi la concession de 1015 ? Et est-ce bien la même « nécessité » qui, d’après la vente d’octobre de 1017, poussa les habitants du comté de Barcelone à partir vers d’autres régions ? Il y a des raisons pour penser qu’il pourrait s’agir d’un seul et synchronique mouvement de population, bien qu’elles ne soient pas concluantes. La géographie des deux exodes coïncide avec celle des difficultés repérées à partir de l’analyse du marché de la terre : les contrées rurales du comté de Barcelone, Vallès, Penedès, et le Bages. On peut argüer que le « comté de Barcelone » de l’acte de 1017 comprenait aussi les territoires gouvernés par les comtes de Barcelone ou que, même si on le rapporte au comté au sens strict du mot, le phénomène a outrepassé ses frontières et a touché aussi les comtés avoisinants.
- 94 D’après l’hypothèse suggestive d’A. Benet i Clarà, « Immigració ultrapirinenca a Cataluny (...)
69En tout cas, l’essentiel est que la notice de 1023 concernant les territoires de la marche du comté d’Osona, si elle ne se rapporte pas au même exode que le document de 1017, nous offre du moins certaines clés d’interprétation. Ceux qui sont partis étaient des paysans qui fuyaient la famine et qui quittaient les fronts de colonisation pour s’établir dans d’autres régions où le problème de la disette n’était pas aussi grave qu’en Catalogne, où il revêtait un caractère quasi structurel du moins depuis 1002. Les paysans des domaines épiscopaux de la marche du comté d’Osona sont partis vers le Toulousain, où vraisemblablement se situaient leur origine ou celle de leurs ancêtres94.
- 95 P. Bonnassie, La Catalogne, I, 351-354.
- 96 Dans la ville de Manresa, par exemple, à partir de 1021, est apparu le quartier de Sarago (...)
- 97 Une vente de 1055 se rapporte à une dette engagée au moment où les hommes de la région de (...)
70Cette région n’a été pas été la seule destination possible des hommes affamés du comté de Barcelone. Une autre possibilité se trouvait en Espagne musulmane, notamment les taifas voisines de Lleida, Saragosse, Tortosa, València et Dènia, avec lesquelles les comtes catalans avaient noué des liens étroits, politiques et commerciaux95, et qu’ils ont parfois appelées pour repeupler les villes désertes96 ou s’approvisionner en blé et en victuailles en temps de cherté97.
VII. Famines catalanes, famines européennes
- 98 Voir graphique 2.
71En conclusion, pendant l’époque du comte Ramon Borrell postérieure à l’an 1000, les comtés catalans ont connu cinq disettes d’intensité croissante : les années 1002, 1004-1005, 1007-1009, 1012-1014 et 1017-1018. La tendance à l’augmentation des difficultés peut se vérifier à partir de plusieurs indices en rapport avec le marché de la terre et le crédit à gage immobilier, mais c’est le volume d’orge et de froment engagé dans les opérations de crédit foncier et les transferts de terres qui nous en fournissent l’image la plus expressive. Ce volume n’a pas cessé d’augmenter à chaque mauvais cycle entre 1004 et 101698.
72De cet ensemble de cinq disettes, les deux dernières méritent une mention dans le classement des « grandes famines » subies par la Catalogne au cours du Moyen Âge, selon les évidences dont nous disposons. Nous insisterons sur cette observation car sur ce point on peut signaler des différences remarquables entre une histoire des famines catalanes dressée à partir d’une analyse des sources documentaires conservées et l’image, sans doute partielle, que nous offrent les annales et les chroniques européennes contemporaines.
73Les sources narratives montrent que dans les deux premières décennies du xie siècle, l’Europe occidentale a subi deux grandes famines à caractère général.
- 99 « 1001. Famis valida » (Annales Masciacenses, MGH, III, 170, 20.
- 100 « 1003. Carum tempus. Modius frumenti 8 libris emebatur » (Annales Mosomagenses [Mosomagu (...)
74Les annales de l’abbaye de Massai, près de Bourges, enregistrent une grande famine l’année 100199, et en 1003 les annales de l’abbaye de Mouzon se font écho du prix record atteint par le muid de blé sur le marché de Reims100. Ces deux notices, sans rapport apparent l’une avec l’autre, restent cependant isolées.
- 101 « Anno 1006 magna fame illam terram pressam esse testantur » (Annales Leodienses, MGH, IV (...)
- 102 « 1006. Fames valida, apparente longo tempore comete » (Annales Marchianenses, MGH, XVI, (...)
- 103 Vita Heriberti archiepiscopi Coloniensis auctore Lantberto, c. 7, MGH, IV, 745, 27. « A.D (...)
- 104 « 1006. Fames valida pene in universa terra » (Annales Hildesheimenses, MGH, III, 93, 12- (...)
- 105 Elle est rapportée par une lettre envoyée en 1005 par l’abbé de Tegernsee, en Bavière, à (...)
- 106 « 1005. Ecce fames qua per saecula non servior ulla » (Annales Sangallenses Maiores, MGH, (...)
- 107 « 1004. Romae fuit magna pestilentia et fames porter scelera Romanorum » (Chronicon Caven (...)
- 108 « Post hinc triennium quam rex in solium regni sublimatus est, commetes horribili specie (...)
- 109 F. Curschmann, Hungersnöte in Mittelalter, pp. 108 – 110.
75Par contre, les années 1004-1006 une grande famine est attestée de façon indépendante à Liège101, Marchiennes, près de Reims102, Cologne103, Hildesheim (Saxonie)104, Tegernsee (Bavière)105, Saint Gall106, ainsi que, par plusieurs sources narratives, dans le Latium, la Campanie, la Pulie et la Calabre107. La famine, suivie d’une épidémie et d’une grande mortalité (1007)108, frappe donc les Pays Bas, le nord de la France, l’Allemagne et le centre et le sud de la Péninsule Italienne109.
- 110 Le Chronicon Cavense rapporte qu’en 1011 les plantes se sont séchées, et les moutons, les (...)
- 111 « Anno ab incarnatione Domini 1011, indictione 14, fames valida Italiam optinuit » (Romoa (...)
76Entre les années 1011 et 1013 une autre grande famine, sans doute provoquée par une sécheresse estivale110, frappe l’Italie centrale et méridionale111.
- 112 E. Margaret Crawford, « William Wilde’s Table of Irish Famines 900-1850 », E. Margaret Cr (...)
- 113 « 1011 […]. Pestilentia et mortalitas, inaudita tempestate ubique gentium monasteria, cas (...)
- 114 « Pestilentia gravis, quae subitanea morte populum late vastabat » (Brèves Annales, Bouqu (...)
- 115 François Vincent, Essai sur l’histoire des famines et disettes à Paris, Thèse de doctorat (...)
77Il est difficile de rapporter cette famine méridionale à la grande pénurie (gorta) de blé et de victuailles qui en 1011 a touché l’Irlande, d’après une notice isolée des annales de l’abbaye de Clonmacnoise112. D’autre part, les annales de Quedlinburg, en Allemagne, évoquent en 1011 une peste et une grande mortalité qui a ravagé des abbayes, châteaux et villes113, épidémie que les Annales Breves de Saint-Gall rapportent à l’année 1013114, mais il est significatif que ces deux sources ne font mention de la famine, qui n’est d’ailleurs pas attestée par d’autres sources septentrionales connues115.
78Ni la famine de 1001 ni la grande famine de 1005-1006, largement attestée par les sources narratives du nord au sud de l’Europe, ne semblent avoir été particulièrement graves en Catalogne, bien que le marché de la terre en enregistre les effets. Par contre, la crise de subsistances de 1007-1009 n’a pas laissé de traces dans la chronistique et l’annalistique européenne.
- 116 « Post Iohannem vero Silvester Tiburtinus, qui vocatur Osporco, Romanum suscepit pontific (...)
- 117 P. Bonnassie, La Catalogne, I, 331-332 ; Thomas Deswarte, « Rome et la spécifité catalane (...)
79La grave sterilitas de 1012-1014 elle non plus n’est consignée dans aucune source narrative septentrionale, mais peut être mise en rapport avec la pessima fames qui, d’après les annales de l’archevêque Romuald de Salerne, a frappé l’Italie sous le pontificat de Serge IV, dit groin de Porc (entre le 24 août 1009 et sa mort en 1012, avant le 6 juillet)116 et au début du pontificat de son successeur, Benoît VIII. La famine catalano-italienne de 1012-1014 serait vraisemblablement une disette méditerranéenne, provoquée sans doute par des mêmes conditions climatiques et répandue par l’interconnexion mercantile des villes du bassin occidental de Mare Nostrum. Il faut rappeler aussi que cette famine a prospéré au moment où les rapports entre l’Église catalane et la Saint-Siège, initiés durant la deuxième moitié du xe siècle, se trouvaient dans un moment plus paisible117.
- 118 « Venit autem Heribertus Arnulfi successor secundi […]. In cuius tempore fames non tantum (...)
80Enfin, la famine de 1017-1018 n’a pas laissé de traces dans la chroniqueur du nord d’Europe, mais en raison de sa virulence il est difficile de croire qu’elle a eu exclusivement une portée régionale. En tout cas, pour le chroniste Landolf le Vieux, qui écrit son « Histoire de Milan » vers 1060, la succession d’Arnolf II par Aribert au front de l’archevêché (29 mars 1018), signale le début d’une terrible famine qui a frappé l’Italie pendant plus de vingt ans118.
VIII. Famine et échec du repeuplement : pour un bilan économique de la période de gouvernement du comte Ramon Borrell
- 119 P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 398.
81Tout cela nous mène à dresser un bilan du gouvernement du comte Ramon Borrell beaucoup moins optimiste que celui que nous a transmis l’historiographie de la période, depuis R. d’Abadal jusqu’à P. Bonnassie : celui du succès politique du comte de Barcelone, que manifeste la « très glorieuse et très rentable » expédition militaire de 1010 à Cordoue119, et celui de la croissance économique postérieure, rendue possible par l’affluence massive d’or d’Al-Andalous investi dans les travaux de repeuplement et fortification de la frontière méridionale.
82Dans le contexte péninsulaire, il est difficile de séparer les trois dernières famines de l’expédition à Cordoue de 1010 et de leurs conséquences sur la société et l’économie des comtés catalans, même si les rapports entre l’entreprise militaire et la famine ne sont pas mécaniques. Si la grave disette de 1007-1009 a pu pousser les élites politiques, civiles et ecclésiastiques, catalanes à planifier une intervention militaire motivée par la soif de butin, il ne semble pas, contrairement à ce que l’on pourrait attendre, que l’or andalou ait amélioré la vie quotidienne de la population ni soit directement utilisé pour conjurer la disette.
- 120 La famille vicomtale de Barcelone avait déjà entrepris le repeuplement du Penedès avant l (...)
- 121 R. d’Abadal, L’abat Oliba, pp. 168 – 184 ; S. Sobrequés, Els grans comtes, pp. 24 – 25.
83D’après la thèse classique de Ramon d’Abadal et de Santiago Sobrequés, une partie importante des bénéfices de l’expédition de 1010 aurait été investie dans la construction et reconstruction de tours et châteaux et dans la colonisation et repeuplement des marches des comtés de Barcelone et Osone. Cette entreprise aurait été dirigée, d’ailleurs, par les successeurs de certaines personnalités qui ont participé à l’expédition : les évêques de Vic, les vicomtes de Barcelone120 et les abbés de Sant Cugat121.
84R. d’Abadal avait raison : les comtes, les vicomtes, les évêques et les abbés possesseurs des droits supérieurs sur les apprisions des marches étaient les plus intéressés par le repeuplement et sont donc ceux qui l’ont promu et ordonné. Mais ceux qui l’ont entrepris matériellement, investissant de grandes sommes d’or, d’argent et de victuailles dans la construction et reconstruction de châteaux, dans le déplacement de paysans et la mise en exploitation des terres incultes, étaient autres. C’étaient des hommes riches, des entrepreneurs appartenant aux couches moyennes et inférieures du groupe militaire et ecclésiastique et aux couches supérieures de la paysannerie : ce sont eux qui se sont impliqués dans cette mission et ceux qui ont ensuite négocié avec les puissants et obtenu par écrit la confirmation de leurs droits sur les territoires colonisés.
- 122 ACA, OM, Sant Cugat del Vallès, parch. 122, éd. Rius, II, pp. 94 –96, doc. 449.
- 123 ACA, CSC, f. 202, doc. 631, éd. Rius, II, pp. 88 –89, doc. 442.
- 124 ACA, CSC, f. 85, doc. 319, éd. Rius, II, pp. 98 – 100, doc. 452.
- 125 ACA, CSC, f. 142, doc. 459, éd. Rius, II, pp. 105 – 106, doc. 458.
85Immédiatement après l’expédition, en juillet 1011, un baron appelé Isembert, que R. d’Abadal suppose enrichi à Cordoue, a obtenu de l’abbé Guitard de Sant Cugat, avec l’approbation du comte Ramon Borrell et des évêques catalans, peut être réunis en assemblée, la charte qui sanctionnait ses droits sur le terroir du château de Santa Oliva, dont il en avait entrepris la colonisation auparavant. D’après ce document, Isembert s’était déplacé avec sa famille et ses paysans, vaches, bœufs, juments et troupeaux, et cum magnis suis expensis auri et argenti vel panem, carnis et vini avait bâti une tour de pierre pour y loger des colons d’origines diverses122. De la même façon, en janvier 1012, en pleine disette, l’abbé Guitard, ayant besoin de numéraire, a accordé au prêtre Guadall la moitié du château de Clariana avec la mission de le reconstruire et repeupler cum tuis donis vel expensis avec des hommes provenant ex longinquis terrarum. Selon les temps verbaux employés dans l’acte, il semble aussi que ce riche ecclésiastique – autre bénéficiaire de l’or andalou ? – avait déjà fortifié et entrepris auparavant la colonisation de cet endroit123. La même abbaye a signé un pacte tout à fait homologue avec Adelaida, veuve de Guillem, fils du vicaire Galí de Sant-Martí (Sarroca), l’une des victimes de l’expédition de Cordoue, qui réclamait la propriété intégrale de l’étang et des terres du terroir de Calders que son beau-père et son mari l’avaient défriché ; le 31 mars 1013 elle lui a accordé en alleu la moitié de ce terroir avec la mission d’y bâtir une tour124. Une année après, au mois d’avril 1014 l’abbé Guitard de Sant-Cugat a accordé à un couple de colonisateurs, Elemar et Emma, deux pariliatas dans le terroir d’Olèrdola, à Torres Beces, pour les cultiver et pour y édifier une tour125.
- 126 R. d’Abadal, L’abat Oliba, p. 180.
- 127 ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 16, éd. Font Rius, Cartas, I, doc. 12, pp. 23 – 25, et (...)
- 128 ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 19, éd. Font Rius, Cartas, I, doc. 13, pp. 25 – 26, et (...)
- 129 R. d’Abadal, L’abat Oliba, pp. 186 – 187.
86Quant à la frontière occidentale, les confins du Bages et de la Segarra, puis après 1010 la région de Calaf, que le comte Borrell avait donné à la maison vicomtale de Cardona, elle a été attribuée à l’évêque Borrell et à l’église de Vic, peut être parce que les vicomtes n’avaient pas pris soin d’aménager les territoires comme le suggère R. d’Abadal126. Mais les évêques d’Osona n’ont pu commencer le repeuplement jusqu’à la fin de la disette de 1012-1014. En effet, en avril 1015 l’évêque Borrell a accordé au lévite Guillem, châtelain de Mediona et de Clariana, les montagnes de Calaf, Calafell et Ferrera, dans la marche de la Segarra, pour les cultiver et les repeupler127, et quelques mois après à Ató la coma de Riquer du terroir de Tous pour y bâtir une tour128. Bernat Sendred de Gurb et Hug de Cervelló, de son côté, se sont occupés de la colonisation des châteaux de Roqueta, entre Miralles et Tous, et de Queralt129.
87Le repeuplement des terroirs des marches de Barcelone et Osone, juste après l’expédition de Cordoue, pendant et immédiatement après la grave famine de 1012- 1014, suggère une politique délibérée des élites du pouvoir civil et ecclésiastique visant à développer une céréaliculture excédentaire fondée sur l’exploitation de grandes étendues de terre de labour, avec le but de corriger le déficit structurel d’approvisionnement frumentaire de Barcelone et des petites villes de l’arrière-pays. Le repeuplement aurait été, donc, plus une urgence économique que politique.
- 130 ACA, CSC, f. 83v, doc. 317, éd. Rius, II, pp. 110 – 113, doc. 464.
88Néanmoins, il y a des indices prouvant que cette entreprise n’a pas entièrement réussi. Un jugement tenu le 16 avril 1017 dans le palais comtal de Barcelone, où Adelaida de Sant-Martí et l’abbaye de Sant-Cugat se disputaient la propriété du terroir du château de Calders et de Santa-Oliva, dévoile que l’abbé avait dépossédé pour négligence Isembert du terroir de Calders, pour l’accorder à nouveau à un certain Bonet, qui s’est engagé à y édifier une tour130.
89Mais la preuve concluante de l’échec du repeuplement provient justement des nouvelles sur l’émigration des paysans colonisateurs de la marque du comté d’Osona vers le Toulousain et l’exode des habitants du comté de Barcelone « à d’autres régions » à cause, non pas du danger de la frontière, mais de la famine, et, plus précisément, des graves famines de 1012-1014 et de 1017 déjà évoquées. Ces migrations collectives de paysans qui fuyaient la famine ont condamné à l’échec l’entreprise du repeuplement de la frontière méridionale de la Catalogne pendant la décennie de 1011-1020.
- 131 S. Sobrequés, Els grans comtes, pp. 20 – 23.
90L’expédition de Cordoue de 1010, tenue pour marquer un tournant entre l’hégémonie militaire cordouane de la période amiri et la prépondérance catalane, a fait pencher le bilan du règne de Ramon Borrell du côté du succès131. Néanmoins, celui-ci n’a pas été une période d’expansion territoriale, mais plutôt de sérieuses difficultés du repeuplement de la frontière dérivées, comme on a vu tout à l’heure, des problèmes pour garantir l’approvisionnement de la population rurale. Ces problèmes se sont énormément aggravés après l’expédition de Cordoue, mettant en évidence l’incapacité des classes dirigeantes catalanes à faire face à la disette.
91Par conséquent, non seulement le repeuplement n’a pas offert les conditions d’une éradication de la disette endémique dans laquelle les populations rurales de l’arrière-pays étaient installées, mais, en outre, l’appauvrissement de la population urbaine et l’exode des paysans qui fuyaient la famine n’a fait qu’aggraver le problème du déficit frumentaire structurel et augmenter la dépendance de Barcelone et des comtés catalans à l’égard du marché extérieur de céréales.
- 132 AHCT, parch. I-15 et I-16, éd. Puig-Ruiz-Soler, pp. 230 – 232, docs. 16 et 17.
- 133 Testament publié le 2 décembre 1017 (ACA, Chancellerie, Berenguer Ramon I, parch. 4, éd. (...)
- 134 ACB, LA, II, f. 179r-v, doc. 521, f. 189, doc. 561, f. 199, doc. 606.
- 135 ACV, caisse 6, n° 189 et 1331, éd. Ordeig, p. 110, doc. 767, p. 114, doc. 772.
- 136 « Hec omnia suprascripta advenerunt mihi per cartam impignerationis quam mihi fecerunt Ar (...)
- 137 ACB, 1-1-2251 (a).
92Mais ce serait excessif d’attribuer aux classes dirigeantes, aux comtes et vicomtes, aux évêques et abbés, la responsabilité directe de la disette, et donc, de l’échec du repeuplement rural. Ci-dessus j’ai apporté des indices d’actes de mise en gage et de transferts fonciers qui dissimulaient des opérations à allure spéculative entre prêteurs et propriétaires ruraux. Certains de ces prêteurs-spéculateurs ont pu être identifiés à partir des actes. Par exemple, Trasoer, qui en échange de biens fonciers situés dans le terroir de Reixac, a fourni de grosses sommes de blé (1 cafice et 1 setier d’orge en octobre 1007 et 6 cafices et 5 setiers d’orge le mois d’octobre de 1011) qui ne semblent pouvoir se justifier exclusivement par le besoin des propriétaires132, et qui dans son testament édicté avant le 30 novembre 1017 a laissé 3 cafices d’orge vieux « qu’il avait dans sa maison de Barcelone » et un tonneau de vin aux pauvres pour la rédemption de son âme133. Sur le même terroir, un propriétaire rural est intervenu en achetant des parcelles à des familles paysannes en difficulté en échange de quantités moyennes d’orge (5 setiers en deux occasions) destinées, cette fois si, à couvrir les besoins des vendeurs134. Près d’ici, dans les terroirs de Canalies et de Fontanet (Polinyà), en 1016, Gelmir a prêté des sommes respectables d’orge à des paysans à problèmes135. Gelmir agissait, sans aucun doute, comme revendeur, puisqu’au mois de mars de 1019, il a vendu une propriété confisquée à Guillem Adalbert pour impayé, par la somme de 10 setiers d’orge et 3 eiminas de froment, somme que lui a permis, d’ailleurs, de recommencer un nouveau cycle de crédit avec d’autres paysans136. Enfin, on évoquera le cas de Martès et Ermetruda, lesquels en septembre 1016, devançant la grave famine de 1017, ont mis en gage à Sendred deux modiatas d’un vignoble située dans le comté de Manresa, dans le terroir de Sant-Martí, pour l’extraordinaire somme de 8 cafices d’orge137.
93Pour finir, il faudrait se demander si les bénéfices de l’expédition de Cordoue, l’entrée massive d’or andalou et l’enrichissement soudain des participants à l’expédition, n’auraient pas eu quelque chose à voir avec l’intensité des disettes, c’est à dire, avec les réflexes spéculatifs autour du commerce des céréales panifiables qui se constatent sur le marché, parallèlement à la spirale des prix de la terre, à partir de 1012, réflexes qui ont provoqué, d’ailleurs, le transfert d’un grand nombre de propriétés rurales, l’appauvrissement de larges couches de la population rurale et urbaine et l’enrichissement d’un groupe hétérogène composé par nobles, ecclésiastiques, marchands urbains et grands propriétaires ruraux. Mais cela serait aller trop loin et désigner les responsables des graves famines subies par la société catalane au début du xie siècle, causes que nous avons seulement suggérées.
Notes
1 Pour une analyse détaillée de l’évolution des échanges fonciers payés en nature, voir Pierre Bonnassie, La Catalogne du milieu du xe à la fin du xie siècle. Croissance et mutations d’une société, Toulouse, 1975-1976, I, 369-371, et II, tableau VI.– Pourcentage des actes de vente dans la documentation originale (p. 893), VII.– L’évolution des moyens de paiement aux xe et xie siècles (pp. 902 –906) et graphiques VIII-XII (907-910).
2 Pour une critique de cette interprétation : Fèlix Retamero, « Els primers comptes catalans. Els números primerencs del feudalisme », M. Barceló, G. Feliu, A. Furió, M. Miquel, J. Sobrequés (éds.), El feudalisme comptat i debatut. Formació i expansió del feudalisme català, Valencia, 2003, pp. 103 – 118.
3 P. Bonnassie, La Catalogne, I, 364-371.
4 Ibidem, I, 372-398 ; A. M. Balaguer, Del mancús a la dobla. Or i paries d’Hispània, Barcelone, 1993, pp. 50 – 53.
5 Voir graphique n° 1.
6 Pour les équivalences de ces unités, voir P. Bonnassie, La Catalogne, I, pp. 376 – 389 : G. Feliu, « Activitats econòmiques », Història de Barcelona, vol. 2. [La formació de la Barcelona medieval], Barcelone, 1992, pp. 226 – 227.
7 C’est la conclusion de F. Retamero, « Els primers comptes catalans », 107-115, dans le cadre d’une révision du sens et de l’emploi des unités monétaires et de l’expression in rem valentem dans les transactions catalanes des xe et xie siècles.
8 1032 janvier 28, vente d’une demie modiata de vigne située, dans le comté de Manresa, à Montpeià, par une mancusade d’orge (ACA, OM, Sant Benet del Bages, parch. 209). 1035 février 1, vente d’une terre avec vignoble, figuier et olivier, située dans le comté de Gérone, terroir de Villareto, par le prix de 2 mancusades de blé (ADG, Cartulaire de Charlemagne, pp. 265a – 266a, éd. Marquès, Cartoral, pp. 199 – 200, doc. 90 ; Martí, doc. 211). 1039 mars 17, vente d’une pièce de vigne située dans le comté de Besalú, terroir de Matarons, lieu-dit Coronella, par le prix d’une mancusade d’orge et 8 dénariées d’orge (ADG, Cartulaire de Charlemagne, pp. 248b – 249b, éd. Marquès, Cartoral, pp. 212 – 213, doc. 99 ; Martí, doc. 227). 1041 mars 1, vende d’un jardin avec maison, arbres et vigne, situé dans le comté de Barcelone, terroir de Piera et de Fontanet, par le prix d’une mancusade d’orge (ACA, Chancellerie, Ramon Berenguer I, parch. 51, éd. Feliu-Salrach, pp. 648 – 649, doc. 291).
9 1005, vente d’un alleu situé dans le comté de Manresa, dans le lieu de ipso Bugo par la somme de deux « pesas inter aurum et alium abere in rem valentem » (ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 33). 1005, vente d’un alleu situé dans le comté de Barcelone, terroir de Reixac, lieu-dit Porcià, par le prix de « mancusos iiiior de auro cocto et mancos adai, inter fermento et ordeo et vino » (ACA, CSC, f. 74, doc. 291, ed. Rius, II, p. 45, doc. 397). 1013, vente d’un alleu (maisons, tour, pigeonnier, jardin, terres et vignobles) situé dans le comté de Manresa, dans le terroir du château de Maians, lieu-dit Querós, par le prix de 100 s. entre or, toiles et blé, in rem valentem (ACA, OM, Sant Benet del Bages, parch. 96). 1052, vente d’un alleu situé dans le comté d’Urgell, dans les châteaux de Llanera et de Sant Sadurní, par le prix de 100 s. « in rem valentem, et est manifestum, in aurum et argentum, in bestias, in victum et vestitum et omnia que necessaria est michi in hoc seculo » (ACS, parch. 99, éd. Llorens, pp. 397 – 398, doc. 104).
10 Sinon, comment doit-on interpréter les « eminas VII de annona in rem valentem » que Doderan et son épouse Emma devront verser à Bonfill pour le prix de deux parcelles dans le comté d’Osone, terroir de Socarrats, lieu-dit la Boada, en 1004 (ACV, caisse 6, n° 1318, éd. Ordeig, p. 30, doc. 683) ou les 13 setiers de blé « placibiles in res valentem » que, en plus de 7 sous, les comtes de Pallars Jussà Ramon V et Valence devront payer à Galí Bradila en 1066 (ACA, Chancellerie, Ramon Berenguer I, parch. 365, ed. Feliu-Salrach, pp. 1203 – 1204, doc. 682) ? Pour le vin, on pourrait évoquer la vente en 1032 d’un vignoble situé dans le comté d’Osone, terroir du château d’Oristà, lieu-dit Cabanes, jouxtant le torrent Gavarresa, « propter precium quarta i de vino in res valentem » (ACV, caisse 6, n° 857, éd. Ordeig, pp. 222 – 223, doc. 898).
11 Voir graphiques n° 1 et 2.
12 Le chapitre IVe du titre IIIe du livre IVrt de la Lex Wisigothorum autorisait les tuteurs des fils pupilles à aliéner une partie de leur héritage dans le cas où leur vie se voyait menacée par la famine : « Manifestum est enim quia precepit lex privilegia de pupillis et eorum tutoribus constituta, que continetur libro IIII°, titulo III°, capitulo IIII°, quod si proveniat ut pupillus dum in tuitione est mortali languore vexetur quod de sibi debitis rebus iudicare elegerit, a decimo etatis suae anno habeat plenissimam potestatem… » (ACA, Chancellerie, Ramon Berenguer I, parch. 339, éd. Feliu-Salrach, pp. 1174 – 1175, doc. 657). Karolus Zeumer (éd.), « Leges Visigothorum Antiquiores », MGH, Legum sectio I, Tomus I, XXIII, Hannover, 1894.
13 1004, vente d’une maison avec terres située dans le comté de Barcelone, à Albinyana, lieu-dit Ventenac, accordée par Iseid et son fils Ademir « pro nostra necessitate quia in ipso anno abuimus et fecimus hec per consultu de bonisque hominibus per ipsa tempestate qui in ipso anno nobis occurrerit in ipso anno duas vices » (ACB, LA, II, f. 203v-204r, doc. 627). 1017, vente d’une terre située dans le comté de Barcelona, à Albinyana et Reixac, accordée par Especiosa et son fils Bonhom « pro ipsa necessitate qui fui in ipso anno… » (ACB, LA, II, f. 179r-v, doc. 521). 1031, vente de l’héritage de Sendred, frère du vendeur, situé dans le comté de Barcelona, dans le terroir de Caldes, lieu-dit Gascons, accordée par Ató et sa femme Ermengarda « per ista fame et per ista grande necessitate que illum [Sendred] ad fame ne pereat ad iudicium de bonis ominibus » (ACB, 1-1-2304). On repère d’autres exemples en 1037 (Archives Fidel Fita, parch. 3), 1038 (ACB, 1-2-1276 ; LA, II, f. 82, doc. 240), 1039 (ACB, LA, II, f. 84r, doc. 247), 1043 (ADB, carton 3A, parch. 109, fond de Santa Eulàlia del Camp, éd. Jesús Alturo i Perucho, L’arxiu antic de Santa Anna de Barcelona del 942 al 1200 (aproximació històrico-lingüística), Barcelone, 1985, pp. 51 – 52, doc. 48), 1052 (ACA, OM, origine indeterminée, n° 252) et 1066 (ACB, LA, I, f. 114, doc. 286).
14 ACA, CSC, f. 202, doc. 631, éd. Rius, II, pp. 88 –89, doc. 442 ; ACB, 1-1-331.
15 ACB, 1-4-187.
16 ACB, 1-1-876
17 Pere Benito i Monclús, « “Et hoc facimus propter necessitatem famis…” Possibilitats de les fonts documentals catalanes per a l’estudi de les crisis alimentàries dels segles x-xiii », Acta Historica et Archaeologica Mediaevalia, 25 (2003-2004), pp. 39 – 62.
18 Pierre Bonnassie, La Catalogne, II, 539-680, 875-876.
19 Ibidem, I, 364-409, II, pp. 883 –916.
20 José Enrique Ruiz Domènec, « Introducción al estudio del crédito en la ciudad de Barcelona durante los siglos xi y xii », Miscellanea Barcinonensia, XLII (décembre 1975), pp. 17 – 33 ; Antoni Udina Abelló, « Els empenyoraments al Pla de Barcelona en els segles xi i xii », Historia urbana del Pla de Barcelona. Actes del II Congrés d’Història del Pla de Barcelona celebrat a l’Institut Municipal d’Història els dies 6 i 7 de desembre de 1985, Barcelone, 1989, vol. 1, pp. 261 – 275. Josep M. Salrach, « El mercado de la tierra en la economía campesina medieval. Datos de fuentes catalanas », Hispania, LV, 191 (1995), pp. 921 –952.
21 Les rapports entre endettement paysan, crédit et marché de la terre ont fait l’objet de plusieurs réunions scientifiques internationales : Maurice Berthe (éd.), Endettement paysan et crédit rural dans l’Europe médiévale et moderne : actes des XVIIes Journées Internationales d’Histoire de l’Abbaye de Flaran, Septembre 1995, Toulouse, 1998 ; Simonetta Cavaciocchi (dir.), Il mercato della terra. Atti della « Trentacinquesima Settimana di studi » (5-9 maggio 2003), Grassina, Istituto di storia economica F. Datini, Prato, 2004, notamment les communications de : Eric Thoen, Tim Soens, « Appauvrissement et endettement dans le monde rural. Étude comparative du crédit dans les différents systèmes agraires en Flandre au bas Moyen Âge et au début de l’Époque Moderne » (pp. 703 – 720) ; Phillipp R. Schofield, « Credit and the Peasant Land Market in the Medieval English Countryside » (pp. 785 – 796) ; Antoni Furió, « El mercado de la tierra en la Valencia de los siglos xiii al xv. Crédito, endeudamiento y compraventa de parcelas » (pp. 797 –812) ; Mercedes Borrero Fernández, « El papel de la tierra en el mercado del crédito rural. Andalucía siglos xv y xvi » (pp. 901 –914). Pour l’Angleterre, voir aussi : Phillipp. R. Schofield ; Nicholas J. Mayhew (éds.), Credit and Debt in Medieval England, c.1180-c.1350, Oxford, 2002.
22 François Menant, « Comment le marché de la terre est devenu un thème de recherche pour les historiens du Moyen Âge », Laurent Feller, Chris Wickham (dir.), Le marché de la terre au Moyen Âge, Rome, 2005, pp. 196 – 199 ; « Crisis de subsistencias y crisis agrarias en la Edad Media : algunas reflexiones previas », Hipólito Rafael Oliva Herrer ; Pere Benito i Monclús (éds.), Crisis de subsistencia y crisis agrarias en la Edad Media, Séville, 2007, pp. 51 – 53. Pour l’Angleterre, il faut signaler les travaux de Phillipp R. Schofield, « Dearth, Debt and the Local Land Market in a Late Thirteenth-century Village Community », Agricultural History Review, 45 (1997), pp. 1 – 17.
23 Maurice Berthe, Famines et épidémies dans les campagnes navarraises à la fin du Moyen Âge, Paris, 1984, I, pp. 199 – 305.
24 Maurice Berthe, « Marché de la terre et hiérarchie paysanne dans le Lauragais Toulousain vers 1270- vers 1320 », Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, 1995, pp. 297 – 306.
25 M. Berthe, « Marché de la terre… », p. 306. Plus récemment, Julien Demande, dans un contexte très différent, celui des domaines de l’hôpital de Nuremberg à la fin du Moyen Âge, a démontré l’étroite corrélation entre le nombre des transactions foncières concernant de tenures agraires – liées au cycle de vie – et le niveau de la production et des prix frumentaires ainsi qu’entre la répartition des transactions au cours de l’année agricole et l’évolution des prix du seigle. Ces tenanciers, cependant, n’agissent pas contraints par la disette mais plutôt profitant des opportunités du marché frumentaire. Ils utilisent stratégiquement les moments où les prix du seigle sont plus élevés pour accumuler plus efficacement l’argent nécessaire à leurs transactions : Julien Demade, « Transactions foncières et transactions frumentaires : une relation de contrainte ou d’opportunité ? L’exemple des tenanciers de l’Hôpital de Nuremberg (1432-1527) », Laurent Feller ; Chris Wickham (dir.), Le marché de la terre au Moyen Âge, Rome, 2005, 341-403.
26 Sur l’hétérogénéité de la notion « marché de la terre » et sa prope genèse dans l’historiographie, voir l’excellent état de la question de François Menant, « Comment le marché de la terre est devenu un thème de recherche pour les historiens du Moyen Âge », L. Feller, Ch. Wickham (dir.), Le marché de la terre au Moyen Âge, Rome, 2005, 196-199. Les réflexions de Laurent Feller à propos la tendance à considérer les actes de vente comme des éléments constitutifs de séries économiques homogènes sont aussi pertinentes : « Pour une étude du fonctionnement des marchés fonciers durant le haut Moyen Âge. Éléments d’une problématique », Hélène Débax (éd.), Les Sociétés méridionales a l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France, xe-xiiie siècles). Hommages à Pierre Bonnassie, Toulouse, 1999, pp. 27 – 31.
27 Voir notre étude « Entre la beneficencia y la “familiaritas” : la contratación del “victum et vestitum” en los monasterios catalanes durante los siglos xi-xiii. Una respuesta institucional alternativa ante el hambre como problema social », Anuario de Estudios Medievales, 34/1 (Barcelone, 2004), pp. 3 – 29.
28 Sur le mécanisme des emprunts et des mises en gage dans la Barcelone du xie et du xiie siècle, voir P. Bonnassie, La Catalogne, I, pp. 402 – 409 ; J. E. Ruiz Domènec, « Introducción al estudio del crédito… », pp. 22 – 27.
29 J. E. Ruiz Domènech, « Introducción al estudio del crédito… », p. 28 ; P. Bonnassie, La Catalogne, I, pp. 404 – 405.
30 « quia hodie potest venundari quarta una ordei mancusum unum » (ACB, 1-1-2431).
31 P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 431.
32 G. Feliu ; J. M. Salrach, Els pergamins de l’Arxiu Comtal de Barcelona de Ramon Borrell a Ramon Berenguer I, Barcelona, Fundació Noguera, 1999, vol. I, pp. 145 – 172.
33 G. Feliu i Montfort, « La cronología según los reyes francos en el condado de Barcelona (siglo x) », Anuario de Estudios Medievales, 6 (1969), pp. 441 – 463 ; A. M. Mundó, « La datació pels documents del rei Robert a Catalunya », Anuario de Estudios Medievales, 4 (1967), pp. 13 – 34 ; El concili de Tarragona de 1180 : dels anys dels reis francs als de l’Encarnació, « Analecta Sacra Tarraconensia. Actes del I Congrés d’Història de l’Església Catalana », 1994, pp. XXIII – XLIII ; J. Baucells i Reig, « La cronologia a Catalunya en general i a Barcelona en particular », Rubrica, Palaeographica et diplomatica studia, VII (1998), pp. 7 –99.
34 F. Curschmann, Hungersnöte in Mittelalter. Ein Beitrag zur Deutschen Wirtschaftsgeschichte des 8. bis 13. jahrhundert, Leipzig, 1900, pp. 82 –85.
35 Sur les équivalences des mesures de céréales dans la Barcelone du début du xive siècle, voir Pere Ortí i Gost, « El forment a la Barcelona baixmedieval : preus, mesures i fiscalitat (1283-1345) », Anuario de Estudios Medievales, 22 (1992), pp. 393 – 395. Bien que la valeur des mesures frumentaires change au cours du Moyen Âge d’après le type de blé (forment ou orge) et, surtout, dans chaque ville et terroir, le système d’équivalences, fort ancien, paraît être commun au comté de Barcelone. Tout au moins, on en repère des traces dans les domaines ruraux de l’église de Barcelone et de l’abbaye de Sant Cugat del Vallès aux xiie-xiie siècles : ACB, LA, IV, f. 118r v, doc. 308 (1123, Fontrubí) ; ACB, LA, III, f. 56r v, doc. 162 (1153, Cardedeu) ; Rius, III, p. 348, doc. 1218 (1197, Moja).
36 ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 41, éd. Puig i Ustrell, pp. 764 – 766, doc. 104 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 11 ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrell, parch. 60, éd. Feliu-Salrach, p. 335, doc. 61 ; ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 42, ed. Puig i Ustrell, pp. 766 – 767, doc. 105 ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrell, parch. 63, ed. Feliu-Salrach, pp. 338 – 339, doc. 64 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 14 ; ACV, caisse 6, n° 1314, éd. Ordeig, p. 12, doc. 665 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 15.
37 ACA, CSC, f. 239, doc. 745, ed. Rius, II, p. 23, doc. 376.
38 ACA, CSC, f. 243, doc. 758, ed. Rius, II, pp. 13 – 14, doc. 366 ; ACA, CSC, f. 242v, doc. 757, ed. Rius, II, pp. 14 – 15, doc. 367 ; ACA, CSC, f. 261, doc. 803, ed. Rius, II, p. 15, doc. 368 ; ACA, CSC, f. 264, doc. 817, éd. Rius, II, p. 16, doc. 369 ; ACA, CSC, f. 242v, doc. 756 ; ACA, OM, Sant Cugat del Vallès, parch. 92, éd. Rius, II, pp. 17 – 18, doc. 371.
39 ACS, parch. 26, éd. Llorens, p. 341, doc. 29 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 21 ; ACV, caisse 6, n° 1315, éd. Ordeig, p. 23, doc. 673.
40 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 29 et 30.
41 ADG, Cartoral de Carlemany, pp. 267b – 268a, éd. Marquès, Cartoral, pp. 164 – 165, doc. 72 ; ACA, CSC, f. 74, doc. 291, éd. Rius, II, p. 45, doc. 397 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 41.
42 ACV, caisse 6, n° 1325, éd. Ordeig, pp. 37 – 38, doc. 691 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 33 ; ACA, CSC, f. 167v, doc. 542, éd. Rius, II, pp. 48 – 49, doc. 401 ; ACA, CSC, f. 134, doc. 436, éd. Rius, II, pp. 49 – 40, doc. 402.
43 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 43, 45 et 48.
44 ADG, Cartoral de Carlemany, pp. 335b – 336a, éd. Marquès, Cartoral, p. 167, doc. 74.
45 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 57, 59, 60, 61, 62, 65 et 66.
46 ACV, caisse 6, n° 811, éd. Ordeig, p. 49, doc. 704.
47 AHCT, parch. I-15, éd. Puig-Ruiz-Soler, p. 230, doc. 16 ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrell, parch. 88, éd. Feliu-Salrach, pp. 368 – 370, doc. 91 ; ACA, CSC, f. 179v, doc. 576, éd. Rius, II, pp. 60 – 61, doc. 413 ; ACA, CSC, f. 73, doc. 286, éd. Rius, II, pp. 61 – 62, doc. 415 ; ACA, CSC, f. 74v, doc. 295, éd. Rius, II, pp. 62 – 63, doc. 416.
48 ACA, CSC, f. 180, doc. 577, éd. Rius, II, p. 63, doc. 417.
49 ACB, LA, II, f. 194, doc. 584.
50 ACV, caisse 6, n° 812, éd. Ordeig, p. 52, doc. 708 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 74, 76 et 77.
51 ACV, caisse 6, n° 1333, éd. Ordeig, pp. 52 – 53, doc. 709 ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrell, parch. 98, éd. Feliu-Salrach, pp. 379 – 380, doc. 99.
52 ACS, parch. 35, éd. Llorens, p. 347, doc. 38.
53 BC, Arxiu, parch. 2034, éd. Puig i Ustrell, doc. 128.
54 ACB, LA, I, f. 232, doc. 630, reg. : Mas, Rubrica, doc. 283.
55 ACB, 1-4-26.
56 ACV, caisse 6, n° 191, éd. Ordeig, pp. 58 – 59, doc. 712 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 80.
57 ACA, CSC, f. 73, doc. 285 ; ACA, OM, origine indéterminé, n° 110 ; ACA, OM, parch. 54, éd. Puig i Ustrell, doc. 131.
58 ACA, CSC, f. 122, doc. 404. Sur l’expedition de Ramon Borrell à Cordoue, voir Salvador Sanpere y Miquel, « El año de los catalanes », Revista de Ciencias históricas, IV (1886) ; Santiago Sobrequés i Vidal, Els grans comtes de Barcelona, Barcelona, 1961, pp. 20 – 23 ; Ramon d’Abadal, L’abat Oliba, bisbe de Vic i la seva època, Barcelona, 1962, pp. 87 –89 ; Pierre Bonnassie, La Catalogne, I, pp. 348 – 349.
59 Adalbert, fils du vicomte Guitard de Barcelone, décédé le mois de juin 1010 dans la deuxième bataille, dans son testament dicté avant de partir, a laissé plusieurs cafices d’orge qu’il possédait à Sant Pere de Castellet, dans le Penedès. La publication du testament est du 28 novembre 1010 : ACA, CSC, f. 97, doc. 337, éd. Rius, II, pp. 74 – 76, doc. 431.
60 P. Bonnassie a bien documenté les bénéfices rapportés par l’expédition, en considérant, d’une part, la masse d’or en circulation qui a afflué immédiatement après elle et, de l’autre, la rémunération des centaines de soldats mercenaires qui ont participé à l’armée. Cf. P. Bonnassie, La Catalogne, I, pp. 382 – 384.
61 ACV, caisse 6, n° 2139, éd. Ordeig, p. 79, doc. 731 ; ACB, 1-1-1919.
62 AHCT, I-16, éd. Puig-Ruiz-Soler, pp. 231 – 232, doc. 17.
63 ACA, CSC, f. 255, doc. 783, Rius, II, p. 91, doc. 445 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 90.
64 « et insuper addedisti nobis in nostra necessitate in tempore caro ad nostra sustentacione atque alimenta… » (ACA, CSC, f. 202, doc. 631, éd. Rius, II, pp. 88 –89, doc. 442).
65 ACB, 1-1-331.
66 ACA, OM, origine indeterminée, n° 123 ; ACA, OM, parch. 63, éd. Puig i Ustrell, doc. 147.
67 ACV, caisse 6, n° 822, éd. Ordeig, p. 83, doc. 737.
68 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 95 et 96.
69 ACB, 1-1-2251 b ; ACA, Chancellerie, Ramon Borrell, parch. 111, éd. Feliu-Salrach, p. 399, doc. 112.
70 ACV, caisse 6, n° 1346, éd. Ordeig, pp. 97 –98, doc. 752 ; ACV, caisse 6, n° 1373 bis, éd. Ordeig, pp. 98 –99, doc. 753 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 112 a, 112 b, 114 et 115 ; ACV, caisse 6, n° 1610 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 125, éd. Ordeig, p. 182, doc. 850.
71 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 121 ; ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 17 [avant caisse 6, n° 175], éd. Ordeig, pp. 107 – 108, doc. 764.
72 ACV, caisse 6, n° 189, ed. Ordeig, p. 110, doc. 767 ; ACB, 1-1-2420 ; ACV, caisse 6, n° 1350, éd. Ordeig, pp. 110 – 111, doc. 768.
73 ACS, parch. 41, éd. Llorens, p. 353, doc. 45 ; ACA, OM, parch. 131, éd. Rius, II, p. 108, doc. 461.
74 Le 26 setembre 1016 Martès et son épouse Ermetruda ont mis en gage à Sendred deux modiatas du vignoble qu’ils possédaient dans le comté de Manresa, dans le terroir de Sant Martí, au lieu-dit Porquers, par la somme de 8 cafices d’orge (= 768 quarteres) (ACB, 1-1-2251 a).
75 ACV, caisse 6, n° 1331, éd. Ordeig, p. 114, doc. 772.
76 ACA, CSC, f. 312, doc. 936, éd. Rius, II, pp. 118 – 119, doc. 469.
77 ACB, LA, II, f. 189, doc. 561.
78 ACA, OM, Sant Cugat del Vallès, parch. 133, éd. Rius, II, p. 114, doc. 465.
79 ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 130.
80 ACV, Episcopologe, VIII, n° 83, éd. Ordeig, pp. 126 – 127, doc. 787 ; ACV, caisse 6, n° 1358, éd. Ordeig, p. 127, doc. 788 ; ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 135 ; ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 73, éd. Puig i Ustrell, pp. 860 –861, doc. 175 ; ACA, Chancellerie, Ramon Berenguer I, parch. 6, éd. Feliu-Salrach, p. 419, doc. 127 ; BC, Arxiu, parch. 2045, éd. Puig i Ustrell, pp. 861 – 862, doc. 176.
81 ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 78 v°, éd. Puig i Ustrell, pp. 862 –863, doc. 178 ; ACV, caisse 6, n° 192, éd. Ordeig, p. 136, doc. 799.
82 ACV, caisse 6, n° 1362, éd. Ordeig, pp. 137 – 138, doc. 801 ; ACV, caisse 6, n° 190, éd. Ordeig, pp. 130 – 140, doc. 804 ; ACA, OM, Sant Llorenç del Munt, parch. 75, éd. Puig i Ustrell, pp. 865 – 867, doc. 180 ; London, British Library, parch. 62628, éd. Puig i Ustrell, pp. 868 –869, doc. 182.
83 Le 30 mai ils ont prêté une eimina d’orge et une eimina de froment à un homme appelé Joan du terroir de Castellar, dans le Bages, qui leur a mis en gage une modiata d’un vignoble de sa propriété, s’engageant à leur rembourser l’emprunt avec son intérêt avant la Saint Feliu (ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 133).
84 « Et ipsos debitos de auro quod mihi debent homines de Durrios et de Valledexio, unde habet Gaucefredus presbiter, fidelis meus, brevis, et Onofredus, ministralis meus, habet inpignorationes, rogo vos elemosinarios meos ut quantum eis accomodavi vel accomodare iussi, tantum de eis accipiatis ; ipsum lucrum pro amore Dei eis concedo. Et si videritis de meis debitoribus nimis paupertate habere ut non possint reddere mihi, dimitto ego illis propter Deum et remedium anime mee. De iam dictos debitos de aureo iubeo medietate dari in sacerdotibus, alia medietate in pauperibus, pro redemptione peccatis meis. Et debet mihi Oliba de ipsa Granada mancusos IIII. Et debet mihi Amalrigo de ipsa Granada kaficios duos de ordio inter se et fratri suo ; et iubeo illos dari ad pauperibus. Et ipsum panem et vinum quod habeo in Durrios et in Valledexio, totum ab integre, concedo medietatem in sacerdotibus, alia medietatem in pauperibus, pro anima mea » (ACA, Chancellerie, Bamon Berenguer I, parch. 24, éd. Feliu-Salrach, pp. 431 – 433, doc. 138).
85 ACA, Chancellerie, Ramon Berenguer I, parch. 4, éd. Feliu-Salrach, pp. 415 – 417, doc. 125.
86 P. de Bofarull, Los condes de Barcelona vindicados, Barcelone, 1836, t. I, p. 220 : « ecclesiam Barchinone suo testamento numeravit et magnam partem suo auri dimissit. » Quant à la date du decès du comte, il existe des divergences entre les historiens. La date traditionnellement admise (1017) a été refusée par P. Bofarull, Ibidem, p. 216, qui a proposé comme alternative le 25 février 1018. Certains documents, cependant, n’acceptent pas cette datation. Le plus ancien, signé ensemble par la comtesse Ermessende et son fils Berenguer Ramon, agissant en tant que comte et marquis (ACA, CSC, f. 83v, n° 317, éd. Rius, II, pp. 110 – 113, doc. 464), est daté du 26 avril 1017 (année 21 du roi Robert), d’après S. Sobrequés, Els grans comtes, p. 27, à tort. Cependant, l’acte du 30 mai 1017 (21 de Robert) évoque ci-dessus, dans lequel la comtesse Ermessenda et son fils Berenguer Ramon I apparaissent ensemble accordant un prêt (ACA, OM, Sant Benet de Bages, parch. 133) avalise pleinement la cohérence de la datation de l’acte précédent. En revanche, il faut tenir pour inexacte la datation de l’an 22 du royaume de Robert de l’acte de confirmation du château de Santa Oliva que le 29 mars, probablement de l’an 1017, le comte Ramon Borrell et son épouse ont accordé à l’abbaye de Sant Cugat del Vallès (ACA, CSC, f. 111, n° 373, éd. Rius, II, pp. 114 – 115, doc. 466). D’où on peut conclure que la mort de Ramon Borrell a eu lieu avant le 26 avril de 1017 et, très probablement, après le 19 mars de cette année.
87 L’acte est daté de l’année 23 du roi Robert [1018 juin 24-1019 juin 23] : « et facio hoc… propter metum famis, quia venit super me angustia et dereliquerunt me filii mei et filiae et omnes propinqui mei, et deffecta sum usque ad mortem donec aprehendit me domnus Rainardus abba et monachi Sanctae Mariae in helemosina Sanctae Mariae. » (J. L. Villanueva, Viage literario a las iglesias de España, VIII, Valencia, 1821, p. 138).
88 ACB, LA, II, f. 179r-v, doc. 521.
89 P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 403.
90 En 1015 il avait déjà reçu de mains de l’Église de Vic les châteaux de Calaf, Calafell et Ferreria : ACV, Episcopologe, II, n° 16. À propos de la personnalité de Guillem, voyez Ramon d’Abadal i de Vinyals, Dels visigots als catalans, Barcelone, 1986, II, pp. 238 – 242.
91 « Manifestum est enim quia haccidit sterilitas famis et inopia siccitatis huic nostre regioni ; propterea plurimi ex cultoribus petierunt Tolosanum, et pro hac necessitate maxima pars terre nostre venit in vastatione heremi, maxime que ipsa marcha prefate sedis nostre, scilicet chastrum Montebovi et Tous, cum terminis et adiacenciis illorum In tantum ut chastra funditus everterentur preter quod Fruia episcopus incoavit facere in turrim Monteboi. » (ACV, VIII, n° 114 ; caisse 9, Episcopologe II, n° 30, copie du 30 novembre 1176, éd. Eduard Junyent, Diplomatari i escrits literaris de l’abat Oliba, Barcelone 1992, pp. 121 – 126, docs. 77 i 78) ; Ordeig, pp. 172 – 174, doc. 838.
92 Ramon d’Abadal, L’abat Oliba, bisbe de Vic i la seva època, Barcelone, 1962, pp. 180 – 181.
93 ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 19 (copie du 17 août 1166), éd. Ordeig, pp. 101 – 102, doc. 756.
94 D’après l’hypothèse suggestive d’A. Benet i Clarà, « Immigració ultrapirinenca a Catalunya a l’Edat Mitjana (segles ix-xiii) », Actas del congreso internacional de estudios del Pirineo (Cervera, 1988), Madrid, 1991, pp. 121 – 142.
95 P. Bonnassie, La Catalogne, I, 351-354.
96 Dans la ville de Manresa, par exemple, à partir de 1021, est apparu le quartier de Saragosse (barrio Cesaraugustano), peuplé par des mossarabes émigrés de la capitale de l’Ebre, d’après Albert Benet, suite à l’expédition punitive que devers 1014 le comte Ramon Borrell a dirigé contre le roi de Saragosse. Cette expédition s’achève avec l’accord de mariage de l’héritier du comté de Barcelone, Berenguer Ramon I, avec Sancha, fille du comte Sanç Garcia de Castille. Cf. Catalunya Romànica, vol. XI [El Bages], Barcelone, 1984, p. 53.
97 Une vente de 1055 se rapporte à une dette engagée au moment où les hommes de la région de Barcelone sont parti vers Lleida pour s’approvisionner en blé et en victuailles : « Agnosco quia debeo tibi illum de diebus illis quando pergebant homines nostre patrie ad Leritam per annonam usque nunc […] » (ACB, LA, IV, f. 126r, doc. 323).
98 Voir graphique 2.
99 « 1001. Famis valida » (Annales Masciacenses, MGH, III, 170, 20.
100 « 1003. Carum tempus. Modius frumenti 8 libris emebatur » (Annales Mosomagenses [Mosomagus, Mosomense monast. S. Mariae o. S.B., Mouzon (d. Reims)], MGH, III, 161, 17).
101 « Anno 1006 magna fame illam terram pressam esse testantur » (Annales Leodienses, MGH, IV, 18, 18). « 1006. Fames valida, apparente longo tempore comete » (Annales Parchenses, MGH, XVI, 601, 31 ; Annales Sancti Iacobi Leodiensis, MGH, XVI, 638, 3 ; Annales Floreffienses, MGH, XVI, 622, 55. « Cum ex sterilitate terrae, aiunt, fames aliquando eius tempore accidisset, concurrebat ad elimosinam fratrum omnis sexus et aetas importune et miserabiliter » (Rodulfi Gesta abbatum Trudonensium [S. Trudonis, monast. o. S.B., St.-Trond (d. Lüttich)], lib. I, cap. 1, MGH, X, 229, 30- 31).
102 « 1006. Fames valida, apparente longo tempore comete » (Annales Marchianenses, MGH, XVI, 613, 60). abbaye de Marchiennes, d. Cambrai-Arras, Reims
103 Vita Heriberti archiepiscopi Coloniensis auctore Lantberto, c. 7, MGH, IV, 745, 27. « A.D. 1004. Fames magna facta est » (Annales Colonienses Maximi, MGH, XVII, 741, 45 ; Ekkehardi chronicon universale, MGH, VI, 193, 8 ; Annales Stadenses, MGH, XVI, 313, 10 ; Herimanni monachus Augiensis chronicon, MGH, V, 118, 37 ; Lamberti Annales, MGH, III, 93, 10). « 1006. Fames et mortalitas tam graviter per totum orbem invaluit ut tedio sepeliendi vivi obruerentur cum mortuis » (Annales Remenses et Colonienses, MGH, XVI, 731, 29).
104 « 1006. Fames valida pene in universa terra » (Annales Hildesheimenses, MGH, III, 93, 12-13).
105 Elle est rapportée par une lettre envoyée en 1005 par l’abbé de Tegernsee, en Bavière, à l’évêque de Freising. Cf. R. Doehaerd, Occidente durante la Alta Edad Media : economía y sociedades, Barcelone, 1984, pp. 34 – 35.
106 « 1005. Ecce fames qua per saecula non servior ulla » (Annales Sangallenses Maiores, MGH, I, 81).
107 « 1004. Romae fuit magna pestilentia et fames porter scelera Romanorum » (Chronicon Cavense, L. A. Muratori, RIS, VII, part II, Bologne, 1937, p. 913 ; « 1006. Anno 25 domni Pandolfi et 19 anno domini Landolfi, filii eius, clarísima stella effulsit et siccitas magna per tres menses fuit » (Annales Beneventani, MGH, Scriptorum, III, 177, 29-31). Alfonso Corradi, Annali delle epidemie occorse in Italia dalle prime memorie fino al 1850, Bologne, 1865-1894, p. 88. Par contre, l’histoire d’une grande famine, suivie d’une grande mortalité qui touchá pendant cinq années l’Occident chrétien, racontée par Raoul Glaber dans ses « Histoires » est trop imprécise pour qu’elle puisse se rapporter avec surété à ces années (Raoul Glaber, Historiae, II, cap. 9, i IV, cap. 4, éd. Maurice Prou, Raoul Glaber. Les cinq livres de ses histoires (900-1044), Paris, 1886, pp. 44 i 99 – 101).
108 « Post hinc triennium quam rex in solium regni sublimatus est, commetes horribili specie flammas hac illacque iactans, in australi parte coeli visus est. Sequenti anno fames et mortalitas gravissima per totum orbem factae sunt, ita ut in multis locis prae multitudine mortuorum et taedio sepelientium vivi adhuc spiritum trahentes, vi qua poterant renitentes, cum mortuis obruerentur » (Alpertus de diversitate temporum, lib. I, c. 6, IV, 704). « 1007. Pestilentia gravis quae subitanea morte populum late vastabat. » (Annales Sangallenses Maiores, MGH, I, 81).
109 F. Curschmann, Hungersnöte in Mittelalter, pp. 108 – 110.
110 Le Chronicon Cavense rapporte qu’en 1011 les plantes se sont séchées, et les moutons, les porcs et les bœufs sont morts de faim. La moisson a été misérable « et quasi omnes pro fame comedebant herbas agrestas » (Chronicon Cavense, L. A. Muratori, RIS, VII, part II, Bologne, 1937).
111 « Anno ab incarnatione Domini 1011, indictione 14, fames valida Italiam optinuit » (Romoaldi Annales, MGH, XIX, 402, 15). « 1011. Sol defecit et fames valida fuit » (Annales Casinenses [monast. S. Benedicti, Mons Casinus, Monte Cassino], MGH, XIX, 305, 37). « M°IX. Sergius annis II, men. XX. Sol defecit et fames valida fuit » (Cronica apostolicorum et imperatorum Basileensia, MGH, Scriptorum, XXXI, part I, 289, 23). « 1013 ind. 11. Solis defectus et fames valida fuit » (Annales Ceccanenses [Ceccanum, castrum, Ceccano (Prov. Lazio)], MGH, XIX, 281, 23).
112 E. Margaret Crawford, « William Wilde’s Table of Irish Famines 900-1850 », E. Margaret Crawford (éd.), Famine. The Irish Experience 900-1900. Subsistence Crises and Famines in Ireland, Edinburgh, 1989, p. 3.
113 « 1011 […]. Pestilentia et mortalitas, inaudita tempestate ubique gentium monasteria, castella et oppida devastantes, desaeviunt » (Annales Quedlinburgenses, MGH, Scriptorum, III, 80, 28-30).
114 « Pestilentia gravis, quae subitanea morte populum late vastabat » (Brèves Annales, Bouquet, R.H.G., X, Paris, 1874, p. 193).
115 François Vincent, Essai sur l’histoire des famines et disettes à Paris, Thèse de doctorat dactylographiée, 1943, p. 8, Histoire des famines à Paris, Paris, 1946, p. 32, évoque une grande famine suivie, d’une grave épidémie d’ergotisme et d’une grande mortalité, qui aurait frappé la ville de Paris entre 1010 et 1014, sans signaler la source d’où il tire cette information.
116 « Post Iohannem vero Silvester Tiburtinus, qui vocatur Osporco, Romanum suscepit pontificatum qui sedit annis quatuor. Suo quidem tempore fuit pessima fames » (Romoaldi Annales, MGH, XIX, 402, 1-2).
117 P. Bonnassie, La Catalogne, I, 331-332 ; Thomas Deswarte, « Rome et la spécifité catalane. La papauté et ses relations avec la Catalogne et Narbonne (850-1030) », Revue Historique, 595 (juillet-septembre 1995), pp. 19 – 35.
118 « Venit autem Heribertus Arnulfi successor secundi […]. In cuius tempore fames non tantum terribilis per viginti tenens Italiam annos, populos universos invadens, graviter arripuit » (Landulphi Senioris Mediolanensis Historiae libri quatuor, L. A. Muratori, RIS, IV, pars II, 55, 9-10).
119 P. Bonnassie, La Catalogne, I, p. 398.
120 La famille vicomtale de Barcelone avait déjà entrepris le repeuplement du Penedès avant l’expédition de Cordoue. Dans son testament dicté avant de partir, Adalbert a laissé à l’abbaye de Sant Cugat, en plus de la tour de Moja, une vaste région entre le Foix et le Gaià et au-delà de ce fleuve (ACA, CSC, f. 97, doc. 337, éd. Rius, II, pp. 74 – 75, doc. 431).
121 R. d’Abadal, L’abat Oliba, pp. 168 – 184 ; S. Sobrequés, Els grans comtes, pp. 24 – 25.
122 ACA, OM, Sant Cugat del Vallès, parch. 122, éd. Rius, II, pp. 94 –96, doc. 449.
123 ACA, CSC, f. 202, doc. 631, éd. Rius, II, pp. 88 –89, doc. 442.
124 ACA, CSC, f. 85, doc. 319, éd. Rius, II, pp. 98 – 100, doc. 452.
125 ACA, CSC, f. 142, doc. 459, éd. Rius, II, pp. 105 – 106, doc. 458.
126 R. d’Abadal, L’abat Oliba, p. 180.
127 ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 16, éd. Font Rius, Cartas, I, doc. 12, pp. 23 – 25, et Ordeig, doc. 754, pp. 99 – 101.
128 ACV, caisse 9, episcopologe II, n° 19, éd. Font Rius, Cartas, I, doc. 13, pp. 25 – 26, et Ordeig, doc. 756, pp. 101 – 102.
129 R. d’Abadal, L’abat Oliba, pp. 186 – 187.
130 ACA, CSC, f. 83v, doc. 317, éd. Rius, II, pp. 110 – 113, doc. 464.
131 S. Sobrequés, Els grans comtes, pp. 20 – 23.
132 AHCT, parch. I-15 et I-16, éd. Puig-Ruiz-Soler, pp. 230 – 232, docs. 16 et 17.
133 Testament publié le 2 décembre 1017 (ACA, Chancellerie, Berenguer Ramon I, parch. 4, éd. Feliu-Salrach, pp. 415 – 417, doc. 125).
134 ACB, LA, II, f. 179r-v, doc. 521, f. 189, doc. 561, f. 199, doc. 606.
135 ACV, caisse 6, n° 189 et 1331, éd. Ordeig, p. 110, doc. 767, p. 114, doc. 772.
136 « Hec omnia suprascripta advenerunt mihi per cartam impignerationis quam mihi fecerunt Ariofredus et uxor sua Anna pro sestariis X et emina I et pugnariis IIII de ordeo et eminis III de frumento et quartera I et media, quod debuerant mihi reddere ad placitum constitutum, et minime fecerunt et ammonui eos pluribus vicibus et nihil mihi profuit. Idcirco, insistente iudice Bonofilio Marco, vendo prescriptas modiatas duas de terra et arbores et casale… » (ACV, caisse 6, n° 190, éd. Ordeig, pp. 130 – 140, doc. 804).
137 ACB, 1-1-2251 (a).
Notes de fin
* Cet article fait partie du projet de recherche Famine and Death in Western Europe, 1000-1350 : Origins and Internationalization of the European Subsistence and Mortality Crises, financé par une bourse intra-européenne Marie Curie accordée par la Commission Européenne, dans le cadre du programme « Structuring the European Research Area » du 6e Programme-cadre européen de recherche et développement technologique (contrat MEIF-CT-2006-040079 entre la Comission Européenne et l’Université de Paris I-Panthéon-Sorbonne).
Abréviations : ACA = Archives de la Couronne d’Aragon ; ACB = Archives Capitulaires de Barcelone ; ACS = Archives Capitulaires de Solsone ; ACV = Archives Capitulaires de Vic ; ADG = Archives Diocesaines de Gérone ; AHCT = Arxiu Històric Comarcal de Terrassa ; BC = Bibliothèque de Catalogne ; CSC = Cartulaire de Sant Cugat del Vallès ; Feliu-Salrach = Gaspar Feliu ; Josep Ma Salrach (dirs.), Els pergamins de l’arxiu dels comtes de Barcelona de Ramon Borrell a Ramon Berenguer I (992-1076), 3 vols., Barcelone, 1999 ; Font Rius, Cartas = José M.a Font Rius, Cartas de población y franquicia de Cataluña, vol. I, Madrid-Barcelone, 1969, vol. II, Madrid-Barcelone, 1983 ; LA = Libri Antiquitatum ; Llorens = A. Llorens, « Els documents dels segles x i xi de l’Arxiu Capitular de Solsona », Urgellia, t. 11 (1992-1993), pp. 301 – 486 ; Marquès, Cartoral = Josep M. Marquès, Cartoral, dit de Carlemany, del bisbe de Girona (s. ix-xiv), Barcelone, 1993 ; Martí = Ramon Martí, Col lecció diplomàtica de la Seu de Girona (817-1100), Barcelone, 1997 ; MGH = Monumenta Germaniae Historica ; OM = Ordres Monastiques ; Ordeig = Ramon Ordeig i Mata, Diplomatari de la catedral de Vic. segle xi, Vic, 2000 ; Puig-Ruiz-Soler = Pere Puig i Ustrell ; Vicenç Ruiz i Gómez ; Joan Soler i Jiménez, Diplomatari de Sant Pere i Santa Maria d’Ègara. Terrassa, 958-1207, Barcelone, 2001 ; Puig i Ustrell = Pere Puig i Ustrell, El monestir de Sant Llorenç del Munt sobre Terrassa. Diplomatari dels segles x i xi, 3 vols., Barcelone, 1995 ; R.H.G. = Recueil des Historiens de Gaules et de la France ; R.I.S. = Rerum Italiarum Scriptores ; Rius = José Rius Serra (ed.), Cartulario de Sant Cugat del Vallés, 3 vols., Barcelone, 1945-1947.
Table des illustrations
![]() | |
---|---|
Titre | Graphique 1 Le blé comme moyen d’échange : ventes et mises en gage en échange d’orge et de froment en Catalogne (991-1050) |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/37381/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 32k |
![]() | |
Titre | Graphique 2 Volume de blé mobilisé dans des ventes et mises en gages à Barcelone et dans son comté (1001-1020). Les valeurs ont été réduites a la quartera de Barcelone d’après le système d’équivalences suivant35 |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/37381/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 17k |
![]() | |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/37381/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 66k |
© Presses universitaires du Midi, 2009