Chapitre 5. Hiérarchies : maîtres et serviteurs
p. 159-188
Texte intégral
1Les sources dont nous disposons dans chacune des deux cités ne permettent pas de faire coïncider chronologiquement l’étude de la distribution de la population entre les principaux groupes sociaux. Si sur le versant espagnol le recensement de Floridablanca est le seul fiable et utilisable pour approcher l’ensemble de la société saragossane, du côté français le recensement de 1790 n’offre pas de données exhaustives pour appréhender la structure professionnelle de Toulouse1. Dans les deux chapitres qui suivent le tableau de la capitale aragonaise de 1787 est donc généralement mise en parallèle avec une image de la métropole languedocienne qui est reconstituée à partir de livres de capitation de datation diverse et correspondant approximativement au début des années 1770 (tableau 3 ; graphiques 2 et 3). Dans la mesure cependant où le censo de 1787 n’offre au plan socioprofessionnel qu’un classement sommaire, il faut se reporter en certains cas au recensement de 1723, très précis à cet égard, et dont les données sont disponibles à partir de l’étude réalisée par Jesús Maiso González et Rosa María Blasco Martínez2.
a) L’ubiquité de l’Église dans la ville
2Parmi les groupes que l’on peut distinguer au sein des sociétés d’Ancien Régime selon leur statut et leurs fonctions, l’Église, dont les attributions comprenaient, outre la fonction proprement religieuse, une pluralité de services qui se sont ensuite progressivement détachés des activités du clergé, restait au XVIIIe siècle la principale structure d’encadrement de la société, en même temps que les institutions qui la composaient prélevaient à différents titres une large fraction du produit économique. Le poids en milieu urbain du premier ordre constituait donc une composante essentielle du climat social et de la culture locale3 mais avait aussi un impact sur l’organisation économique de la cité.
1. L’invasion conventuelle
a) Un religieux sur treize actifs à Saragosse
3En ce qui concerne le clergé régulier, le pourcentages établi par Guillermo Pérez Sarrión pour la capitale aragonaise correspond approximativement aux nombre des religieux (962) et des religieuses (449) donnés par Juan-Jaime López González4, qui sont d’ailleurs très proche de celui proposé par R.M. Blasco Martínez à partir du censo de 17235. Cependant, Pérez Sarrión indique que, sur les 42 communautés religieuses que comprenait alors la ville, seules 20, réparties dans six paroisses, ont été à coup sûr prises en compte dans le recensement, tandis que 22 autres qui se répartissaient sur trois paroisses ne l’auraient peut-être pas été6. Ainsi, dans son tableau récapitulatif, cet auteur nous avertit que les valeurs absolues exprimant le nombre total d’habitants de chacune de ces paroisses et de l’ensemble de la ville ne comprennent peut-être pas tous les membres des communautés religieuses et les pensionnaires des diverses institutions7 qui y étaient installées. Dans l’analyse générale qu’il fait du censo pour l’ensemble de l’Aragon8, ce même auteur indique plus précisément que, sur les 3931 personnes vivant en communauté à Saragosse, l’omission porterait sur 1720 personnes, 2211 étant en tout état de cause comptabilisées dans les états de population des paroisses et donc incluses dans le total9. Même si l’effectif global de la population active est peut-être quelque peu minoré par cette distorsion, nous pouvons accepter les pourcentages fournis par Pérez Sarrión et les chiffres proposés par López González10, soit 7,7 % de religieux ou 8,9 % en incluant le personnel laïc des couvents.
b) Autant de couvents à Toulouse qu’à Saragosse mais en voie de dépeuplement
4Toulouse quant à elle comprenait au début de la Révolution un nombre de couvents pratiquement identique à Saragosse, avec 20 communautés masculines et 23 de femmes, selon Jean-Claude Meyer11. L’almanach Baour de 1786 donne à cet égard des indications presque concordantes12: 17 communautés de religieux ainsi que 17 de filles, auxquelles il faut ajouter les 4 abbayes (une d’hommes à Saint-Sernin, 3 de femmes à Saint-Sernin, Salenques et Saint-Pantaléon) et les 3 prieurés (la Daurade, occupée par des Bénédictins, Saint-Géraud et Saint-Quentin), soit 41 maisons, qui en 1789 auraient regroupé 1069 membres du clergé régulier, parmi lesquels 389 hommes et 680 femmes. Mais nous devons garder présent à l’esprit que les travaux de la Commission des réguliers, qui a siégé entre 1766 et 177013, ont entraîné une réduction du nombre des religieux entre le début des années 177014 et 1790. Selon Jean-Luc Laffont le recul représenterait de 25 à 30 % des effectifs des communautés masculines, celles-ci ayant regroupé au minimum 523 membres en 1768 d’après l’inventaire dressé justement à l’occasion de la Commission15. Une régression est également possible en ce qui concerne les couvents de femmes, mais aucune donnée précise n’est disponible à ce sujet16. Il semble donc préférable de présenter un état à peu près exact et dont les différents éléments sont en synchronie, même si l’époque est en décalage par rapport à la datation des autres secteurs du tableau.
2. Les institutions religieuses : un poids humain et économique considérable
a) Séminaires et collèges : le point fort de Toulouse
5Cependant dans chacune des deux cités, les couvents de réguliers ne formaient qu’une partie des institutions à caractère religieux. Ainsi à Toulouse 2078 personnes vivaient encore, à un titre ou à un autre, dans une communauté religieuse en 179017. Ce chiffre inclut la domesticité des couvents et surtout les pensionnaires des trois séminaires, soit au total 520 élèves et au minimum 550 personnes18. Dans la mesure où les étudiants ont été compris dans la population active à Saragosse comme à Toulouse, il semble légitime d’y inclure l’ensemble des séminaristes, que l’on est en droit de placer parmi les membres du clergé au sens large de l’expression. À Saragosse d’ailleurs le recensement inclut dans la population ecclésiastique les clercs qui n’avaient pas été ordonnés prêtres19. Par ailleurs plusieurs dizaines d’hommes d’Église appartenaient sans doute au personnel des hospices et des différentes maisons de bienfaisance : à Toulouse essentiellement l’hôpital de la Grave, qui lors du recensement de 1790 abritait 3980 personnes alors qu’à Saragosse la Real Casa de Misericordia n’en hébergeait en 1787 que 61120, et encore les deux collèges qui accueillaient entre 1500 et 2500 élèves21.
6Au total, si à la fin du XVIIIe siècle le nombre de gens d’Église vivant en communauté était, hors les séminaristes, moins élevé, surtout en valeur relative, à Toulouse qu’à Saragosse, l’écart était sans doute moins net au milieu du siècle et la disparité est de sens inverse si l’on prend en compte les séminaires. Il n’en existait pas en effet dans la capitale aragonaise, laquelle comportait en revanche 7 collèges universitaires dépendant d’ordres religieux, qui avaient pour fonction d’assister les étudiants pour l’obtention de leurs grades universitaires, mais dont les effectifs étaient semble-t-il réduits à quelques dizaines d’élèves en tout22. Au demeurant la situation de Toulouse semble avoir été pour ainsi dire unique en France, la ville ayant servi de refuge aux catholiques à l’époque des guerres de religion et étant devenue au début du XVIIe siècle un des principaux foyers de la Contre-Réforme, qui s’y est traduite par l’installation de plusieurs couvents, venus s’ajouter à ceux que la ville comptait déjà à la fin du Moyen Âge23, puis par la création de séminaires. Enfin l’influence de Toulouse sur son environnement et l’ampleur de son aire d’attraction ont été un facteur du développement des institutions charitables dans ses murs, la plus importante étant l’hôpital de la Grave qui aurait accueilli plusieurs milliers de pensionnaires à la fin de l’Ancien Régime. Ces établissements regroupaient un grand nombre de clercs et participaient à renforcer le poids démographique de la population communautaire et l’influence des maisons religieuses de vie commune dans la cité.
b) Une très forte emprise foncière dans et aux alentours des deux villes
7L’empreinte de toutes ces institutions communautaires se matérialisait d’ailleurs par une considérable emprise immobilière et foncière à l’intérieur des remparts, où au moins 35 % de la superficie leur appartenait à la fin du XVIIe siècle24, la situation n’ayant sans doute guère évolué avant le dernier tiers du siècle suivant. À Saragosse le censo de 1723, à défaut de procurer une mesure de la superficie, permet de constater que dans la ville 44 % des maisons étaient la propriété d’institutions ecclésiastiques, dont près de la moitié pour les maisons de réguliers25. Plus significatif est d’ailleurs dans la capitale aragonaise le fait que près de 31 % de la superficie cultivable de l’immense termino (territoire) municipal où s’étendait la fertile huerta était entre les mains des Cuerpos Inmortales en 180626. Encore faut-il remarquer qu’à cette date la proportion était certainement très inférieure à ce qu’elle avait été quelques décennies auparavant, avant que les finances de la monarchie espagnole aient commencé à subventionner leur déficit par la vente de biens de mainmorte27. Dans la métropole languedocienne, Yves Castan relève à ce sujet dans l’Histoire du diocèse de Toulouse que le clergé, propriétaire majeur dans la ville, n’occupait dans son gardiage que 15 à 20 % de la superficie, la proportion tombant à 6,5 % pour l’ensemble du Toulousain28.
3. La supériorité de Saragosse dans l’encadrement et le service paroissiaux
8Si la plus grande part des gens d’Église présents dans chacune des deux cités vivait en communauté, le clergé séculier, en prise plus directe avec la population et la vie urbaine, y était aussi fortement représenté. À Toulouse le nombre des séculiers est estimé à plus de 200 par les différents auteurs qui se sont penchés sur la question29. Les desservants des huit paroisses, curés et vicaires, n’étaient pourtant qu’au nombre de 25, mais bien d’autres charges honorifiques ou effectives incombaient aux clercs. Si mention doit être faite des juridictions ecclésiastiques, qui comprenaient une part plus ou moins grande de membres de l’Église30, le poids humain des chapitres était prépondérant. Celui de Saint-Étienne comprenait 82 chanoines et 26 prébendiers et celui de Saint-Sernin 25 canonicats et une vingtaine de prébendes31.
9Cette profusion se retrouve dans la capitale aragonaise où une multitude de clercs gravitait autour de l’archevêque, principalement les membres du chapitre de la cathédrale (la Seo) qui comptait au XVIIIe siècle entre 30 et 50 chanoines, alors que le cabildo de la basilique du Pilar en comprenait un nombre encore plus important. Ainsi qu’on le verra, les juridictions ecclésiastiques y avaient, plus encore qu’à Toulouse, une place considérable et comportaient en leurs rangs nombre de membres du premier ordre. Avec ses 16 paroisses urbaines32, alors que la cité garonnaise n’en comptait que 7 avant la création de Saint-Michel en 178233, Saragosse offrait un maillage d’une bien plus forte densité, qui ne pouvait manquer d’influer sur le niveau de pratique religieuse des habitants, même si les ressorts des paroisses étaient de taille très inégale, celle de San Pablo correspondant à plus du tiers des habitants et de la surface urbanisée34. Au total, en 1723, le nombre d’ecclésiastiques exerçant leur sacerdoce dans la métropole de l’Èbre atteignait 388, ce qui donnait un ratio impressionnant d’un prêtre pour 77 habitants. Il semble qu’au cours du siècle l’encadrement des fidèles se soit quelque peu desserré, puisqu’en 1787 le nombre moyen d’âmes qu’avait en charge chaque prêtre saragossan était monté jusqu’à la centaine. Encore les43235 desservants pouvaient-ils compter sur l’assistance de 122 clercs n’ayant pas accédé à la prêtrise, mais disposant cependant des mêmes prérogatives, notamment en matière fiscale et juridique, que leurs supérieurs. Sans entrer dans la discussion concernant la réalité des fonctions sacerdotales des séculiers, particulièrement en Espagne, la moindre ubiquité du sacerdoce dans la métropole languedocienne est incontestable.
10Que l’on s’en tienne au chiffre rond, souvent repris dans l’historiographie toulousaine, de 200 prêtres à la veille de la Révolution36, ou qu’on choisisse de le majorer d’une cinquantaine de pasteurs supplémentaires eu égard à la multiplicité des bureaux liés aux fonctions épiscopale et métropolitaine de la ville, le coefficient multiplicateur, situé entre 200 et 300, traduit un encadrement sensiblement plus lâche qu’à Saragosse. Il est vrai que la fin du XVIIIe siècle constitue sans doute une période de basses eaux pour la présence cléricale dans la région toulousaine. Le nombre des ordinations y a en effet diminué à partir de 176037 et les chiffres de 1789 sont sans doute, proportionnellement du moins à la population, inférieurs à ceux du milieu du siècle. Les 200 prêtres et le millier de réguliers et autres communautaires mentionnés par l’historiographie apparaissent donc comme un minimum, et l’on peut approximativement évaluer le poids humain du clergé à environ 1500 individus vers 1770, sans compter les séminaristes. Mais la présence ecclésiastique était sensiblement plus forte dans la capitale aragonaise puisque l’effectif de 1900 aurait été largement dépassé pour une population moins nombreuse. Sur le plan de l’accaparement des richesses, l’écart est également manifeste, même si la surface détenue par les institutions religieuses dans l’enceinte urbaine était relativement plus importante à Toulouse. À Saragosse en effet la topographie urbaine était marquée par la présence d’une véritable couronne conventuelle autour du vieux casco (centre), les domaines des couvents s’étendant à partir du centre vers les vastes barrios rurales (parties non urbaines) que comprenait le término municipal38 (cf. annexes 85 et 86).
B) L’élite sociale laïque et ses marges
11L’Église encadrait et contrôlait le corps social, mais la domination qui s’exerçait sur ce dernier était au XVIIIe siècle aussi le fait d’une élite laïque dont la richesse se renforçait par la dynamique de la croissance. La structure ternaire du corps social conservait sa consistance et l’appartenance à la noblesse conférait une distinction qui n’était pas intrinsèquement attachée au niveau de richesse. Mais le prestige social dont était chargée la noblesse était presque impensable sans le soutien de la rente foncière qui conditionnait le mode de vie nobiliaire. Ce dernier était assez largement déconnecté des fonctions traditionnelles et théoriques de la noblesse et était devenu en soi un élément de l’identité aristocratique, à la fois pour les vielles familles, les anoblis de fraîche date et tous ceux qui s’efforçaient de s’insérer dans le second ordre. À côté de l’assise foncière et de la vie châtelaine, et la recoupant assez largement, les fonctions administratives et judiciaires dépendant du pouvoir monarchique prenaient de plus en plus de place dans la hiérarchie sociale.
1. Noblesse et rente foncière
12Une approche quantitative comparée de la structure sociale doit prendre en considération le fait que la question du statut de l’aristocratie, des privilèges et des marques de distinction qui la définissent se pose en termes différents de part et d’autre des Pyrénées.
a) Ampleur mais hétérogénéité de la noblesse aragonaise
13À première vue la part du second ordre paraît plus consistante sur les bords de l’Èbre que sur ceux de la Garonne, les nobles formant plus de 5 % des actifs recensés à Saragosse39 et moins de 2 % à Toulouse40. La disparité s’explique en partie par l’importance du rôle militaire de la capitale aragonaise, la métropole languedocienne n’étant pas une place militaire avant la Révolution et n’accueillant de garnison que de façon épisodique41. Cependant, exclusion faite de la parroquia castrense (paroisse spécifique à la garnison)42, les 454 nobles comptés dans la population civile saragossane constituaient encore plus de 3 % de celle-ci. Cet ordre de grandeur est d’ailleurs corroboré par les données du cadastre analysées par Antonio Peiró qui, à la date de 1806, identifie 412 propriétaires résidents43, dont la plupart appartenaient au second ordre ou y prétendaient. Le poids numérique de ce dernier à Saragosse renvoie aux conditions historiques de la formation de la noblesse aragonaise à l’époque de la reconquête, mais aussi à la transposition résultant de la politique d’uniformisation des Bourbons, de la notion assez confuse d’hidalguía depuis la Castille aux pays de l’ancienne couronne d’Aragon44. Ces différents processus ont abouti à la formation de deux niveaux au sein l’état nobiliaire, l’étage inférieur rassemblant une couche d’une certaine épaisseur démographique, mais jouissant d’un statut aux bénéfices surtout honorifiques et d’une condition économique et sociale parfois fort modeste.
14Cependant en 1723, à l’issue de la Guerre de Succession, la capitale aragonaise n’aurait compris que 122 familles nobles45. On peut certes incriminer pour une part les mesures de bannissement qui avaient frappé la fraction de la noblesse aragonaise qui s’était engagée dans le conflit aux côtés du prétendant autrichien, ainsi que de probables pertes au cours de la guerre46, mais ces seules raisons ne sauraient à elles seules être à l’origine d’un écart aussi flagrant. En réalité, en 1723 la basse noblesse n’a pas fait l’objet d’un recensement en tant que telle en raison de la finalité tributaire de l’opération qui avait pour objectif principal d’assujettir à l’impôt tous ceux qui percevaient une rente personnelle du fait de leurs fonctions, de leurs occupations ou de leur profession47. Toutefois, si l’on considère que les hidalgos et infanzones n’étaient que 78 à cette époque48, il semble que la définition du terme hidalgo a évolué entre 1723 et 1787 ou du moins que les responsables des deux opérations de recensement n’ont pas adopté les mêmes critères.
b) La domination de la robe à Toulouse
15À Toulouse les registres du vingtième des biens fonciers de 1750 font apparaître la présence dans le diocèse civil de la ville de 226 familles appartenant au second ordre. Ce chiffre est comparé par Robert Forster49 au nombre de cotes de capitation correspondant à des nobles sur les registres toulousains de l’impôt personnel de 1789, soit 204, mais il y a lieu de penser que cette valeur est sensiblement inférieure à l’effectif réel50, qui devait approcher plutôt de 300. Si une grande partie de cette aristocratie, celle qui jouissait sans doute du plus grand prestige et avait le plus haut niveau de richesse, était constituée des familles de parlementaires, il faut aussi faire la part de la noblesse municipale de fonction, composée des capitouls en charge ainsi que de leurs prédécesseurs et de leurs descendants51, les premiers étant d’ailleurs largement associés à la gestion de la cité52. Les membres de cette noblesse locale qui apparaissent sur les registres de capitation, 9 étant en fonction53 et 55 l’ayant été dans le passé, doivent être rajoutés à l’effectif de l’état nobiliaire et, par l’image que leurs cotes d’imposition donnent de leurs fortunes, méritent en tout cas d’être compris dans les rangs de l’oligarchie urbaine54.
c) Difficulté d’appréhension de la rente bourgeoise
16On rencontre également sur les rôles de l’impôt personnel un nombre important de rentiers non nobles, dont une fraction seulement déclarait un état ou une fonction. Ainsi apparaissent plus d’une centaine de bourgeois, dont la cote d’imposition moyenne est 4 fois supérieure à celle de l’ensemble des contribuables déclarant une profession ou un état. L’absence de mentions équivalentes sur les feuilles du recensement de 1787 outre-Pyrénées tient d’abord à l’hétérogénéité des sources, une catégorie de cette nature n’ayant pas été prévue par les agents du recensement à Saragosse55. Il est donc assez probable, que les membres de l’élite aient appartenu dans leur quasi-totalité à la catégorie des hidalgos ou du moins y aient été assimilés56. La frontière entre l’état nobiliaire et la roture était en effet plus floue en Espagne qu’en France et surtout moins significative socialement, la couche très restreinte de la haute noblesse formant en revanche un monde à part, très éloigné de la simple hidalguía. Les cabreos de industria (répertoires industriels) font cependant apparaître deux catégories de rentiers qui ne se manifestent pas à l’occasion du recensement. Les arrendadores de derechos dominicos, dont le nombre dépassait 80 au début des années 1770, et les administratores de señorios y agentes, qui étaient quant à eux plus de 130 à la même époque57, font en effet figure de bénéficiaires indirects de la rente foncière et seigneuriale. Les individus qui étaient imposés pour ce type de revenus ont donc dû déclarer une autre occupation professionnelle aux agents du recensement en 1787 et se répartissent parmi d’autres groupes de niveaux sociaux variés58.
d) L’accaparement du sol
17Quoi qu’il en soit, il ne fait pas de doute qu’à Saragosse une grande part de la rente foncière était accaparée par l’oligarchie locale, qui occupait les fonctions supérieures de l’administration et de la justice, était parfois impliquée dans certaines activités économiques, de nature surtout commerciale, et se prévalait d’une hidalguía plus ou moins réelle. Au début du XIXe siècle, près de 36 % de la terre lui revenait sur le territoire de la capitale59. Quant à la propriété urbaine nobiliaire, une mesure nous en est fournie par le recensement de 1723, selon lequel la noblesse reconnue comme telle, soit 122 foyers, possédait 15 % des maisons de la ville, qui représentaient certainement une part bien plus grande de la valeur globale du patrimoine immobilier de la cité60. À Toulouse, l’étude de l’emprise foncière des différents groupes sociaux dans le gardiage n’est évidemment pas aussi significative qu’à Saragosse car le territoire municipal, avait une bien moindre extension que celui de la capitale aragonaise61. L’assise foncière de l’aristocratie reposait essentiellement sur les localités environnantes, ainsi qu’on peut le constater sur le cadastre ou les livres de la taille. Les données recueillies par G. Frêche dans 14 localités situées dans la moyenne vallée de la Garonne62 montrent qu’environ la moitié de la superficie agraire était aux mains de la noblesse. À Grenade-sur-Garonne, à 26 kilomètres de Toulouse, environ les deux cinquièmes de la fortune foncière imposable revenaient à des nobles63. Par ailleurs dans les déclarations de successions auprès de l’Enregistrement entre 1791 et l’An VII, la noblesse représente plus de 36 % de l’ensemble des immeubles d’habitation toulousains transmis64 et près des 2/3 (63,1 %) de la richesse totale de la ville65, la proportion s’élevant à plus de 71 % en ce qui concerne les biens fonciers ruraux66, tandis que près du dixième revenait à la grande bourgeoisie selon les calculs du même auteur67. Au sein de cette catégorie, Jean Sentou a distingué ceux qui exerçaient une activité des rentiers à proprement parler, qui correspondent assez bien aux bourgeois des rôles de capitation et qui ne représentent guère que 3,5 % du patrimoine foncier. L’élite sociale laïque restait donc incontestablement à Toulouse à la fin de l’Ancien Régime essentiellement nobiliaire et accaparait le sol et les richesses dans une proportion qui était nettement plus élevée que dans la capitale aragonaise.
2. Envergure et richesse du monde judiciaire toulousain
18L’écart tient en grande partie à l’étendue du ressort du Parlement toulousain, dont les membres dominaient socialement la métropole languedocienne et la région qui l’environnait dans un cercle de plusieurs dizaines de kilomètres de rayon68. Le monde judiciaire était loin cependant de se limiter à la seule cour de justice supérieure, la ville abritant de très nombreuses juridictions de rang inférieur, royales comme la cour des monnaies, ecclésiastiques, et même seigneuriales comme celle du Canal des Deux Mers69. De cette concentration d’institutions judiciaires résulte la présence de près d’un millier (983) de gens de justice et d’administration, ces deux notions étant de fait assez largement confondues sous l’Ancien Régime70. La strate supérieure du monde judiciaire toulousain, les présidents et conseillers au parlement, formait au XVIIIe siècle une aristocratie parlementaire pratiquement fermée71, qui exerçait son influence sur la plupart des aspects de la vie urbaine. Outre le fait que l’élection des capitouls était en partie contrôlée par les magistrats de la cour souveraine72, on doit relever que celle-ci disposait de pouvoirs réglementaires dans le domaine économique et commercial, ainsi que l’a montré Jack Thomas à propos des foires et marchés du la région toulousaine73. La police et le contrôle des métiers lui revenaient par ailleurs en concurrence avec l’administration des capitouls. L’influence des parlementaires se doublait d’une richesse considérable, qui les plaçait très largement en tête des fortunes toulousaines, puisqu’à eux seuls ils forment près de 44 % du montant total des successions enregistrées74. En somme le Parlement, par ses fonctions qui débordaient le cadre proprement judiciaire, mais aussi par l’étendue des fortunes de ses membres, comme par leur niveau de consommation et leur train de vie, constituait le véritable centre du pouvoir et de la richesse dans la ville et même dans l’ensemble du Toulousain.
19La place de l’Audiencia à Saragosse était incontestablement de bien moindre envergure. En 1723 l’institution comportait 71 offices, y compris les charges subalternes comme celle d’alguacil ou de portero (huissier)75, alors que les parlementaires toulousains, présidents, conseillers et membres du parquet auraient été environ 140 avant la réforme de 1775 et encore une bonne centaine en 1789 et que près de 300 avocats étaient inscrits au barreau de la ville76. Le poids démographique du monde administratif et judiciaire était donc globalement bien moins lourd à Saragosse, les 511 personnes recensées parmi les professions juridiques et administratives en 1787 représentant 2,8 % de la population active alors que leur part était comprise entre 5,2 et 5,6 % à Toulouse vers 177077. L’absence de vénalité et d’hérédité officielles dans l’attribution les charges judiciaires en Espagne diminuait par ailleurs l’homogénéité sociale du groupe des magistrats. La composition des professions judiciaires et administratives dans la capitale aragonaise était au demeurant d’une nature assez différente de la cité garonnaise. L’ensemble des individus à la solde de la monarchie n’étaient en effet que 274 dans la première78, soit environ 1,5 % des actifs recensés, le nombre des avocats se limitant à 9779, soit un tiers seulement du barreau toulousain, tandis que les affaires des diverses institutions à caractère religieux, comme les ordres ou l’Inquisition, mobilisaient 56 administrateurs laïcs, dont un groupe de 30 procureurs (demandantes) qui étaient chargés de les représenter devant les tribunaux80. Ce n’était donc pas une réputation usurpée pour Saragosse que d’être une cité profondément marquée par l’influence du clergé, dans un pays où le poids de l’Église était déjà sensiblement supérieur à ce qu’il était en France.
3. Élites et capacités de consommation
20De façon globale la part dans la population active déclarée de ceux qui n’étaient pas directement impliqués dans la vie économique représentait 22,4 % de l’ensemble des actifs à Saragosse et simplement 17,4%81 à Toulouse, ces deux chiffres sont ramenés respectivement à 17,6 et 16, 2 % si l’on prend en compte les militaires dans le premier cas et les indigents dans le second (tableau3)82. Toutefois ces dernières proportions sont en définitive moins significatives, si l’on entend mesurer le rapport entre les éléments producteurs de richesses et les couches vouées à leur consommation, puisque les indigents sont privés de revenus du fait justement de leur absence de fonction économique, tandis que l’armée pèse surtout sur le secteur agricole pour assurer la subsistance des troupes et fonctionne largement comme isolat en ce qui concerne les autres secteurs. Ainsi peut-on dire que les élites et plus largement les responsables des structures d’encadrement de la société pesaient un peu plus lourd dans la capitale de l’Aragon que dans celle du Languedoc. Ce poids peut être envisagé de façon négative, comme un des fondements du prélèvement global qui s’effectuait sur l’économie réelle au bénéfice des couches improductives, mais il ne faut pas négliger que dans une société foncièrement inégalitaire, la présence d’un nombre important de membres des catégories privilégiées au fort pouvoir d’achat constituait la condition la plus nécessaire au développement d’un secteur artisanal.
21Que le volume de l’emploi correspondant aux activités de transformation ait été plus important à Toulouse qu’à Saragosse83 peut signifier que les capacités de consommation par tête étaient plus élevées la première que dans la seconde ou que les produits toulousains étaient dans une plus large mesure destinés à des clients extérieurs. La première hypothèse revient à dire que la richesse des couches non laborieuses était globalement supérieure dans la métropole languedocienne, ce qui renvoie avant tout au fait que les revenus tirés de la rente foncière étaient plus substantiels dans le Toulousain que dans l’Aragon médian et en dernière analyse traduit l’existence de conditions naturelles et sociales qui permettaient de tirer un meilleur profit de l’activité agricole. La seconde proposition signifie que l’économie était plus ouverte à Toulouse qu’à Saragosse et qu’une plus grande partie des productions industrielles était, soit vendue à une clientèle venue des campagnes ou des petites et moyennes villes voisines pour faire ses achats dans la cité garonnaise, soit exportée hors de la région et proposée, notamment à travers le réseau national et international des foires, à des acheteurs lointains. Les deux hypothèses ne sont d’ailleurs pas contradictoires et peuvent se superposer pour donner une explication au fait que la moindre ampleur relative des couches supérieures et des groupes voués à l’encadrement de la société à Toulouse, non seulement n’y ait pas réduit les débouchés de l’industrie locale comparativement à ce qu’il en était au bord de l’Èbre, mais encore que ceux-ci y aient été de fait plus importants.
C) Une domesticité pléthorique
22L’importance et l’envergure des élites sociales dans une ville à l’époque moderne, se mesure notamment à travers le nombre des domestiques, la prise à gages de personnel de maison étant signe extérieur de richesse et de rang social et condition indispensable d’un certain confort d’existence.
1. Une comparaison difficile
a) L’incertitude de la terminologie
23La définition de la domesticité pose cependant des problèmes84 qui rendent délicate la démarche comparative. Le terme renvoie d’abord à la cellule sociale de base, celle du vecino ou feu, sur la base duquel étaient effectués les anciens dénombrements et les répartitions d’impôts et qui correspondait à une maison dont l’ensemble des habitants formaient une famille au sens large du terme. Il ne fait pas de doute qu’au XVIIIe siècle les domestiques, dans leur très grande majorité, vivaient dans la demeure de leur maître ou dans un logement attenant85. Cependant cette caractéristique n’était pas suffisante à la fin de l’Ancien Régime, ou du moins ne l’était plus, pour définir le statut de domestique. Progressivement à partir du XVIe siècle en effet les employés de l’artisanat ou du commerce ont cessé d’être placés sur le même plan que les serviteurs.
24En France le terme de valet ou varlet a laissé peu à peu la place à celui de compagnon ou de garçon, indépendamment du fait que l’employé ait été hébergé par son patron86. En Espagne le terme de criado, qu’on peut considérer comme équivalent à celui de domestique, avait à la fin du XVIIIe siècle une acception moins limitée que ce dernier et était encore utilisé pour désigner les employés de l’artisanat87, de la même façon que le mot valet en France au XVIe siècle et parfois au XVIIe siècle. La persistance de cet usage signifie probablement que la séparation entre la sphère privée et familiale d’un côté et le domaine de l’activité professionnelle de l’autre n’était pas aussi avancée outre-Pyrénées qu’en France et que la famille au sens large continuait en Espagne de tenir une place centrale dans le processus productif. Par ailleurs, si à Toulouse la nature de la source et son utilisation directe permettent d’identifier et d’exclure les valets de ferme de la catégorie du personnel de maison88, la part des criados qui travaillaient sur les domaines agricoles reste inconnue à Saragosse89, même si l’on peut supposer qu’elle n’était pas négligeable compte tenu de la place importante qu’y tenaient les activités liées à la terre.
b) Un léger décalage : moins et plus d’un actif sur quatre
25Outre les difficultés qu’il constitue pour l’analyse comparative, le double biais qu’on vient de mentionner, joint à une forte représentation de la noblesse dans la cité de l’Èbre, devrait logiquement y grossir la place tenue par la domesticité. L’examen des chiffres montre pourtant que le groupe des serviteurs rassemblait au moins autant de monde à Toulouse qu’à Saragosse. Si l’on fait abstraction de la présence de troupes dans la capitale aragonaise, l’ensemble des criados constituait à peine plus de 24 % des actifs (tableau3)90. Dans la cité garonnaise la domesticité, dans le sens plus restreint qu’on lui connaît, était une condition vécue par près de 27 % de la population active occupée, la proportion étant proche du quart par rapport à la population active globale91. Cependant les valeurs sont respectivement de plus de 28 et de 26 %, si l’on y incorpore les domestiques agricoles et les quelques bergers92 dont les homologues aragonais sont noyés dans la masse des criados. Par ailleurs, bien que la différence économique et sociale traduite par la disparité du vocabulaire ne soit pas entièrement réductible, les valets embauchés par les professionnels de l’économie urbaine et les commis répertoriés avec leur employeur93 présentaient une condition de nature proche de la domesticité. Le monde de la domesticité atteint à ce compte là 30 % des actifs dans la métropole languedocienne et avoisinerait encore 28 % en admettant la présence de nombreux indigents94.
c) La question de la domesticité féminine
26Cependant, sachant qu’à Toulouse la domesticité était presque aux deux tiers composée de femmes95, une comptabilisation exhaustive des servantes parmi les actifs dans le recensement saragossan de 1787 est-elle avérée ? Il est clair en effet que dans les registres de capitation toulousains les domestiques de sexe féminin ont été répertoriées de façon aussi systématique que le personnel masculin. Les servantes et autres femmes de service forment d’ailleurs plus des quatre cinquièmes des cotes féminines, le reste correspondant pour l’essentiel à des foyers dont le chef de famille est une femme célibataire ou veuve. La question se pose au demeurant de savoir si la domesticité était aussi féminisée en Aragon que dans le Toulousain. À cet égard, le fait que le taux de célibat des femmes dans la tranche d’âge 25-40 ans soit deux fois plus élevé que celui des hommes dans le groupe des paroisses du centre96, à l’intérieur desquelles la proportion élevée de criados renvoie très probablement à l’importance du personnel de maison, semble bien indiquer que l’emploi de servantes était privilégié par rapport à celui de serviteurs de sexe masculin. Cette observation tend aussi à prouver que les agents du recensement ont compris les criadas sous l’appellation générale de criados. Sur ce point il n’y a d’ailleurs pas d’explication satisfaisante qui permettrait de considérer que les servantes habitant chez leur maîtres, et donc généralement célibataires, n’auraient pas été incluses par les agents recenseurs dans le groupe des criados au même titre que leurs homologues de sexe masculin.
2. La répartition de la domesticité dans la ville
27L’analyse de la distribution des groupes socioprofessionnels entre les paroisses à Saragosse permet-elle de préciser l’acception de la terminologie espagnole ? Trois des paroisses du centre, où se concentrent les élites citadines, font ainsi apparaître une proportion de domestiques qui atteint presque le double de la moyenne97. Mais un autre groupe de paroisses comprend une proportion à peu près équivalente d’élites et deux fois moins de criados. Le cas de figure inverse se présente également avec le faubourg d’Altabás, quartier populaire qui se singularise par l’ampleur de la catégorie des criados98. Il semble donc très aléatoire de déterminer à partir de l’importance des autres catégories du recensement, souvent elles-mêmes fort hétérogènes, quelle était la nature des tâches dont devaient s’acquitter les criados et quelle fraction d’entre eux effectuait des services de type personnel, pour autant que cette distinction corresponde à une différenciation significative.
28À Toulouse, à l’intérieur de la cité, la confrontation des distributions par capitoulats de la domesticité et de l’ensemble des individus impliqués dans l’économie urbaine est assez significative. Dans trois capitoulats, la Pierre-Saint-Géraud, Saint-Barthélémy et Saint-Étienne, le nombre des domestiques est sensiblement plus élevé que la moyenne, alors que dans deux autres, celui de Saint-Pierre et surtout celui de la Daurade, ce sont au contraire les acteurs de l’économie marchande qui sont en forte proportion, l’effectif de la domesticité étant nettement inférieur à la moyenne. La Dalbade présente de son côté une répartition assez conforme à celle de l’ensemble de la cité. Au Pont-Vieux et à Saint-Sernin enfin l’opposition de la distribution des deux catégories ne s’observe pas, mais, alors que dans le premier cas celles-ci sont toutes deux mieux représentées que la moyenne, c’est le contraire dans le second. Dans l’ancien Bourg Saint-Sernin, la présence d’un grand nombre d’institutions religieuses réduit la part de la domesticité. Dans le capitoulat du Pont-Vieux, domestiques et acteurs de l’économie urbaine sont en revanche tous deux assez bien représentés. Mais, parmi les seconds, les artisans sont assez peu nombreux, alors que la marchandise, dont les tenants, d’un niveau social plus élevé, ont généralement à leur service au moins une servante, est au contraire très présente, en liaison avec la proximité immédiate du marché de la Pierre, situé dans le capitoulat éponyme99.
29Il reste que les différences entre quartiers dans la part tenue par la domesticité dans la population active sont plus fortes à Saragosse, où ils varient entre 3,3 et 41,1%100, qu’à Toulouse où la variation n’est guère que du simple au double (tableau5) ce qui pourrait signifier que les clivages sociaux étaient plus accentués dans la capitale aragonaise. Il est vrai que l’homogénéité sociale d’un espace tend à varier en sens inverse de sa taille et que les capitoulats toulousains étaient deux fois moins nombreux que les paroisses saragossanes, qui étaient quant à elles très disparates par leurs superficies et par leurs chiffres de population101. Il semble bien cependant que les couches intermédiaires, celles qui avaient juste assez d’aisance pour avoir une servante, étaient moins fournies dans la cité de l’Èbre que dans la métropole languedocienne, où l’examen de la composition des foyers montre qu’au niveau des milieux de l’artisanat et du petit commerce, la présence d’une servante était très courante102.
3. Les leçons du censo de 1723
a) Féminité et domesticité des criados
30Dans leur interprétation les chiffres du recensement de 1787 gagnent à être mis en relation avec les données du censo de 1723 qui ont été exploitées de façon détaillée par Jesús Maiso González et Rosa María Blasco Martínez103. Or le nombre de criados recensés en 1723 est de 3342 individus des deux sexes vivant au foyer de leur maître, auxquels s’ajoutent environ 120 autres qui résidaient et travaillaient dans les monastères et couvents (tableau4). Dans l’optique d’une mise en parallèle avec le chiffre de 1787, il semble logique d’y inclure également les lacayos (laquais), mayordomos (majordomes), cocheros (cochers) et tous les autres domestiques qui étaient affectés à des tâches spécialisées et étaient désignés par des appellations plus précises, soit en tout 79 personnes, ainsi que les 62 domestiques ayant leur propre domicile. Au total, le nombre en valeur absolue104 des criados et autres domestiques était un peu supérieur à celui que propose le recensement de 1787, ce qui compte tenu de l’évolution démographique ascendante représente une diminution assez sensible de l’importance de la domesticité. Celle-ci formait plus de 11 % de la population civile en 1723, tandis que la proportion n’atteignait pas 9 % à la fin du siècle. Autre observation instructive, les femmes constituaient au minimum une bonne moitié de l’ensemble des criados en 1723105. La similitude de l’ordre de grandeur de la domesticité aux deux dates et l’importance de la place du personnel féminin en 1723 s’additionnent donc pour invalider l’hypothèse selon laquelle les servantes n’auraient pas figuré dans la catégorie des criados.
31Le rapport entre domesticité et nombre d’habitants est par ailleurs à peu près le même qu’à Toulouse106, même en prenant le terme dans sa définition la plus large. La différence concernant la part des domestiques dans la population active tient surtout au fait que dans la métropole languedocienne le ratio d’actifs est inférieur d’environ un point à ce qu’il est au bord de l’Èbre.
32L’indication détaillée de la composition des foyers en 1723 permet d’évaluer approximativement quelle était la fraction des criados qui n’était pas affectée au service domestique107, soit approximativement 16 %. En projetant cette proportion en 1787, le personnel de maison ne représente plus alors à cette date qu’un cinquième de la population active civile108. Si l’on admet à titre d’hypothèse cette transposition, au demeurant très aléatoire à plus de soixante ans d’intervalle, la moindre ampleur à Saragosse du monde des serviteurs, au sens le plus restrictif, peut s’interpréter comme l’indice d’un niveau global de richesse inférieur par rapport à Toulouse.
b) D’importantes disparités dans la structure de la domesticité
33La composition du personnel de maison selon le censo de 1723 peut également faire l’objet d’une comparaison avec Toulouse. D’après les rôles de capitation les domestiques désignées comme servantes représentent à elles seules 55 % de la domesticité et plus de 85 % du personnel féminin, pour lequel la caractérisation offre fort peu de diversité. Les occurrences de désignations équivalentes au terme de servante se réduisent à 7 filles de service et à une souillarde, tandis que les mentions de services plus spécialisés correspondent aux femmes ou filles de chambre (212), aux cuisinières (132) et aux gouvernantes (44). À Saragosse les seules spécialisations qui apparaissent chez les domestiques de sexe féminin concernent 11 gouvernantes (amas) et 13 femmes de chambre (ayudas de cámara)109, l’absence la plus notable étant celle du personnel de cuisine, caractère qui se confirme à l’examen de la composition de la domesticité masculine. On peut y voir l’effet d’une moindre valorisation en Espagne de l’activité culinaire, qui se trouverait assimilée aux tâches domestiques ordinaires, tandis qu’en France l’importance accordée aux plaisirs de la table singulariserait de façon plus manifeste les serviteurs qui étaient occupés à la confection des mets. Cette attention apportée à Toulouse à la préparation des nourritures n’était pas propre aux foyers aristocratiques, ainsi que le montre le nombre relativement élevé des cuisinières (132) et la diversité des positions sociales de leurs patrons, les grandes maisons préférant avoir recours à leurs homologues masculins.
34La domesticité masculine, moins nombreuse, apparaît d’ailleurs plus diversifiée. À Toulouse, trois types de serviteurs représentent les deux tiers de l’effectif total. Ceux qui sont désignés sous le terme générique de domestiques, réservé semble-t-il aux hommes, bien qu’en quelques cas une incertitude sur le sexe subsiste à la lecture des registres, forment déjà près du tiers du total ; les valets en constituent près du quart ; les laquais enfin, encore 15 %. Cette dernière catégorie est représentée à Saragosse au début du siècle, mais de façon presque dérisoire comparativement à l’effectif figurant sur les registres fiscaux toulousains110. Une frange importante de domestiques encore plus spécialisés apparaît dans la cité garonnaise. Parmi ceux-ci, les plus nombreux – porteurs, cochers, postillons et palefreniers, auxquels il faut adjoindre quelques valets d’écurie – étaient chargés de pourvoir aux déplacements de leurs maîtres111. À Saragosse en revanche, aucune mention n’est faite de porteurs, alors qu’ils étaient plus de 170 à Toulouse, où l’utilisation de la chaise semble avoir connu un succès inconnu outre-Pyrénées. Quant aux cocheros saragossans, ils étaient proportionnellement deux fois moins nombreux que leurs homologues toulousains. Enfin la centaine de domestiques de sexe masculin affectés à Toulouse aux cuisines aristocratiques, en concurrence avec leurs homologues de sexe féminin, n’ont aucun équivalent à Saragosse, pas plus que la petite cinquantaine qui étaient occupés dans la première à la surveillance du logis et à l’accueil des visiteurs. Au total les domestiques spécialisés n’étaient que 79 dans la capitale aragonaise en 1723, alors qu’ils étaient presque 10 fois plus nombreux dans celle du Languedoc un demi-siècle plus tard112.
35Il est vrai que la date de 1723 peut être défavorable à Saragosse, puisque la guerre de Succession ne s’y était achevée que moins d’une décennie auparavant. Toutefois, si une fraction de la noblesse aragonaise avait été contrainte à l’exil à la suite de la défaite du prétendant autrichien, il semble que le nombre des émigrés ait été relativement réduit et que la durée de bannissement ait été assez brève113. Cependant les difficultés économiques et financières résultant d’un conflit dévastateur ont pu jouer de façon négative sur le niveau de vie de l’aristocratie et donc sur l’effectif de la domesticité qu’elle était en mesure d’avoir à son service. Quoi qu’il en soit, a fortiori si 1723 représente un étiage, le personnel domestique a vu son effectif sensiblement diminuer au cours du siècle.
36Il faut également tenir compte de la disparité des coutumes locales ou nationales, le nombre de serviteurs spécialisés n’étant pas nécessairement partout l’indicateur le plus pertinent pour mesurer la richesse ou la munificence des maisons aristocratiques. Ainsi les 17 maisons saragossanes relevant de la haute noblesse titrée, comportaient plus de 200 domestiques, qui avaient eux-mêmes à leur propre service plus de 70 personnes114. Mais, même en ajoutant les caballeros et quelques veuves, la haute aristocratie ne représentait en tout au bord de l’Èbre qu’une cinquantaine de foyers, la catégorie des ciudadanos n’affichant qu’un ratio inférieur à trois domestiques par foyers115. À Toulouse, les maisons aristocratiques auraient été près de 300, mais leur domesticité pour nombreuse qu’elle fut n’atteignait pas les dizaines de serviteurs qui se pressaient chez certains titulados aragonais. Les contrastes sociaux étaient donc apparemment plus marqués à Saragosse, dominée par la présence d’une haute aristocratie très peu nombreuse mais particulièrement opulente et au train de vie fastueux. La noblesse toulousaine formait quant à elle une couche plus ample et qui avait peut-être un moindre souci d’apparat dans la ville, tournée qu’elle était à la fois vers la gestion de ses domaines et l’entretien de ses châteaux dans les environs et vers l’exercice des charges parlementaires.
37Aux étages sociaux inférieurs, la disparité entre les deux cités est moins manifeste, si l’on se fie au nombre des domestiques de sexe féminin, qui peut servir d’indicateur pour estimer l’épaisseur et la fortune des couches moyennes. En 1723 à Saragosse les femmes de condition domestique représentaient au minimum 6 % de la population civile116, proportion non atteinte à Toulouse vers 1770 si l’on prend en compte les indigents et à peine dépassée si l’on fait le choix contraire. Mais, en admettant que les femmes représentaient toujours au moins 52 % de l’ensemble des criados en 1787, la proportion de servantes n’aurait plus été à cette époque que de 4,6 % de la population civile117. L’écart observé par rapport à la situation quelque six décennies plus tôt peut signifier que les couches moyennes supérieures de la société, loin de s’étoffer au long du siècle, ont au contraire eu tendance à se contracter, au moins proportionnellement à l’ensemble de la population. La différence avec Toulouse pourrait être interprétée comme l’indice d’une envergure plus faible de la bourgeoisie commerciale saragossane. Ville encore plus terrienne que la cité garonnaise, la capitale aragonaise n’était-elle pas en effet gênée dans son développement économique à la fois par la relative pauvreté de la région qui l’environnait et par le dynamisme de sa rivale catalane qui captait à son profit l’essentiel des investissements industriels et commerciaux dans le Nord-Est de l’Espagne ?
Conclusion : la ville, espace du pouvoir et du service
38Si l’on accepte l’opposition bien connue entre un modèle de développement urbain propre aux villes maritimes, ouvertes aux entreprises coloniales, où s’affirment au XVIIIe siècle les appétits et la puissance d’une grande bourgeoisie négociante et une sorte de contre modèle qui fonctionne moins sur un principe de dynamisme que d’accumulation, où la terre et l’office délivrent aux élites aristocratiques la rente matérielle et le prestige social sur lesquels se fonde leur domination, Saragosse comme Toulouse appartiennent sans conteste au second type118. Ces sociétés citadines restaient structurées au siècle des Lumières par une hiérarchisation apparemment rigide de la société qui était d’abord fondée sur le statut des individus et sur leur appartenance à des groupes sociaux dont l’ordre de préséance semblait fixé par la coutume119. Bien entendu la richesse était un élément fondamental de la position sociale des individus et conditionnait leur possibilité de la modifier pour eux-mêmes ou pour leurs descendants. Mais pour l’essentiel la fortune était fondée sur la rente et non sur le profit, tandis qu’aux échelons inférieurs, ceux qui en étaient privés devaient pour beaucoup d’entre eux trouver dans la protection et la domination des élites leurs moyens d’existence et d’insertion sociale. Ainsi, si l’on s’en tient à l’importance de la domesticité, Toulouse et Saragosse semblent rejoindre le cas de villes moyennes, terriennes, judiciaires et cléricales120 qui étaient peu tournées vers le changement et qui vivaient matériellement et mentalement de la domination de leur hinterland rural. Le chapitre suivant doit nous permettre de voir dans quelle mesure leur position de métropole régionale leur conférait un rayonnement et un dynamisme qui les distinguaient des petites capitales de pays et dans quelle mesure elles participaient aussi du « royaume de l’échange»121, mais il ne fait pas de doute que Toulouse et Saragosse restaient dans les dernières décennies du XVIIIe siècle des cités au sein desquelles une grande partie de la vie sociale s’organisait autour des institutions ecclésiastiques et des foyers de l’aristocratie judiciaire. La richesse et le pouvoir de ces élites traditionnelles étaient renforcés par la masse de ceux qui étaient attachés à leur au service. Reste à savoir dans quelle mesure ce modèle de dépendance122, qui concernait une part considérable de la population et donnait une tonalité spécifique aux rapports sociaux, était au cours du XVIIIe siècle contourné et subverti par la sphère de l’économie marchande et le monde du travail.
Notes de bas de page
1 Cf. AMT, CC 2859 et 2860. Il s’agit d’un recensement opéré le même jour dans tous les moulons, dont la finalité est de connaître la totalité de la population. Cf. pour l’exploitation de ce document les travaux de Jean-Luc Laffont, Policer la ville – Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, Thèse d’Histoire, Université de Toulouse-Le Mirail, 1997 et « Relecture critique de l’évolution de la population toulousaine sous l’Ancien Régime », Histoire, Économie et Société, 1998, n° 3, p. 455-478.
2 Las estructuras de Zaragoza en el primer tercio del siglo XVIII, Saragosse, Diputación Povincial - Institución Fernando el Católico, 1984.
3 Cette emprise a été par exemple examinée dans le cas particulièrement saisissant d’Angers. Cf. J. Mac Manners, French Ecclesiastical Society under the Ancient Regime, a Study of Angers in the Eigtheenth Century, Manchester, 1960, p. 7.
4 Zaragoza a finales del siglo XVIII (1782-1792), Zaragoza, Diputación Provincial-Institución Fernando el Católico, 1977, p. 12-13.
5 Ibid., p. 94-95 : 1034 hommes et 475 femmes.
6 Antonio Moreno Amárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Población y estructura social de Zaragoza en 1787 : la distribución por estados y profesiones », IV Jornadas sobre el Estado de los estudios sobre Aragón (1982), Zaragoza, 1983, p. 293-301 p.296-297.
7 Il faut comprendre dans la population communautaire les pensionnaires des deux hôpitaux, des cinq collèges, de la Casa de Recogidas ainsi que de la Real Casa de Misericordia.
8 « El censo de Floridablanca en Aragon : un análisis general », Revista de Historia Económica, año II, n° 3, 1984, p. 263-286, p. 267.
9 Ibid., p. 268. Le résumé régional imprimé du censo récapitule en annexe la population des couvents et autres institutions, ce qui a permis à Peréz Sarrión d’inclure systématiquement les religieux dans la population active de toutes les paroisses, au risque de gonfler le poids de celle-ci par rapport à l’ensemble de la population des trois paroisses ou l’incertitude existe et par rapport à la population totale de la ville.
10 Relevons toutefois que pour cet auteur c’est l’ensemble de la population conventuelle que laisse de côté l’effectif de 42600 habitants (Zaragoza a finales…, p. 12).
11 La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801), Toulouse, Publications de l’Université de Toulouse-Le Mirail, 1982, p. 582 et 589.
12 Jean-Florent Baour, Almanach historique du Languedoc, 1786 (entreposé aux ADHG). C’est également Baour, imprimeur de profession, qui en 1775 prit en main les Affiches et Annonces de Toulouse à partir de 1775 (une première tentative avait eu lieu entre 1759 et 1764), feuille hebdomadaire, qui parut jusqu’à la Révolution, sauf entre 1778 et 1781 à la suite d’une interdiction (cf. Jacques Godechot, Bruno Tollon, « Ombres et… », in Histoire de Toulouse, p. 369).
13 Cette commission était d’ailleurs présidée par l’archevêque de Toulouse, Loménie de Brienne (cf. Guy Cabourdin, Georges Viard, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1990 (1e édition 1980), p. 240).
14 C’est le moment de référence approximatif pour les autres catégories socioprofessionnelles.
15 Jean-Luc Laffont, Policer la ville – Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, Thèse d’Histoire, Université de Toulouse-Le Mirail, 1997, 3 vol., p. 287 et 1815-1816.
16 Ibid., p. 291-292.
17 Jean Coppolani, « Étude sur la population de Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin de la Société Marc Bloch de Toulouse, n° 2 (1950-51), p. 2-3.
18 Le séminaire de Caraman, repris par les lazaristes en 1753 en accueillait 160 en 1790 ; celui de la rue Valade, qui était le séminaire diocésain et avait été repris par les sulpiciens après 1762 en aurait compté à la même date 200, enseignés par six professeurs ; celui dit de Calvet, en hommage au fondateur, en auraient hébergé 160, qui venaient de différents diocèses méridionaux faire sanctionner leur formation à l’Université, ce qui ne l’empêchait pas d’avoir 7 enseignants dans ses murs (cf. Philippe Wolff (sous la direction de), Histoire du diocèse de Toulouse, Paris, Beauchesne, 1983, p. 155-158 et Jean-Claude M eyer, La vie religieuse..., p. 8).
19 Sacristains, acolytes, ordonnés à titre patrimonial et titulaires des ordres mineurs représentaient plus du cinquième de l’ensemble des séculiers à Saragosse (cf. Guillermo Pérez Sarrión, Antonio Moreno Almárcegui, « Población y… : la distribución… », p. 296-297).
20 Cf. Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 87 (note 62), qui relève par ailleurs que 85personnes ont été recensées à l’hospice des enfants orphelins. Juan-Jaime López González, Zaragoza à finales…, p. 251, indique quant à lui pour la Casa de Misericordia le chiffre de 700 personnes recueillies dont 400 de sexe féminin, l’établissement ayant toutefois une capacité d’accueil bien supérieure, de l’ordre de 1200 pensionnaires. Il faut cependant ajouter les enfants abandonnés qui étaient admis à l’hôpital de Nuestra Señora de Gracia jusqu’à l’âge de cinq ans avant (pour ceux qui survivaient) d’être adoptés ou dirigés vers l’une des deux institutions précédemment mentionnées (ibid., p. 242-243). À Toulouse également les enfants abandonnés faisaient l’objet d’un transfert entre l’hôpital (l’Hôtel-Dieu) et l’hospice (la Grave) qui intervenaient à deux ou sept ans selon les conditions dans lesquelles l’enfant avait été recueilli (Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 127-128).
21 Jean Coppolani, « Bilan démographique de Toulouse de 1789 à 1815 », Contributions à l’étude démographique de la révolution française, 2e série, Paris, 1965, p. 220-235, p. 221-222, considère qu’en 1789 les deux collèges accueillent 2500 élèves et les comptabilisent tous en tant qu’internes en sus de la population municipale. Selon Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 359, le nombre des élèves n’est guère que de 700 à 800 pour chacun des deux établissements, qui n’hébergent en tout qu’une soixantaine de pensionnaires.
22 Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 138-140, qui indique par ailleurs l’existence de cinq collèges séculiers qui n’avaient probablement plus d’élèves dans la seconde moitié du siècle.
23 Sur cet accroissement de la présence conventuelle, une mise au point a été faite par Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 241-259.
24 Ibid., p. 257-58, d’après Christian et Monique Cau, « La propriété dans le centre de Toulouse d’après le cadastre de 1680 », Mélanges historiques Midi-pyrénéens, Toulouse, 1992, p. 71-72.
25 Jesús Maiso González, Rosa María Blasco Martínez, Las estructuras de Zaragoza…, p. 217- 225.
26 Antonio Peiró Arroyo, Regadio, transformaciones económicas y capitalismo - La tierra en Zaragoza. 1766-1849, Zaragoza, Diputación General de Aragón, 1988, p. 40. L’expression Cuerpos Inmortales est utilisé dans les répertoires fiscaux pour désigner les propriétaires des biens de mainmorte.
27 Ibid., p. 36. On peut distinguer plusieurs phases dans le processus de dépossession de l’Église en Espagne, celle lancée par le favori de Charles IV constituant la première séquence importante en la matière, l’expulsion des Jésuites ayant cependant déjà été suivie de la mise en vente des biens de l’ordre au profit de la couronne.
28 Histoire du diocèse de Toulouse, p. 150. Concernant le Toulousain, l’auteur s’appuie sur la thèse de Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au Siècle des Lumières (1670-1789), Paris, Cujas, 1974. Parmi les propriétés ecclésiastiques, même à l’intérieur de la ville, la part des institutions séculières était faible, contrairement à ce qu’on observe à Saragosse.
29 Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 325.
30 Outre l’officialité métropolitaine (au moins 2 ecclésiastiques), l’officialité diocésaine (11 personnes dont au moins 4 ecclésiastiques), la chambre souveraine du clergé dont la compétence s’étendait sur 27 diocèses et où siégeaient, sous la présidence de l’archevêque, 9 abbés et 1 chanoine, l’Almanach historique du Languedoc de Baour de 1786 (ADHG) indique aussi l’existence du bureau diocésain et du temporel du diocèse.
31 Il faut toutefois observer que les fonctions diocésaines étaient souvent occupées par des chanoines ou des clercs ayant un bénéfice par ailleurs.
32 Certaines d’entre elles situées sur le pourtour du casco urbain s’étendait cependant assez loin au-delà de la limite de l’espace urbanisé (cf. Rosa María Blasco Martínez, Zaragoza en el siglo XVIII (1700- 1770), Zaragoza, Librería General, 1977, p. 22).
33 Deux autres paroisses seront créées intra muros par redécoupage en 1791, Saint Exupère et Saint Augustin. Il existait cependant 8 autres paroisses de banlieue, mais elles ne concernaient en définitive qu’une petite minorité d’habitants, les neuf dixièmes de la population résidant à l’intérieur des murs. Par ailleurs la paroisse Saint-Michel, incluse dans les sept paroisses urbaines, comprenait déjà tout le faubourg du même nom. Cf. Jean Rives, « L’évolution démographique de Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin d’histoire économique et sociale de la Révolution française, 1968, p. 85-146, p. 89-92.
34 Ibid., p. 83-84 pour le censo de 1723 et Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… : la distribución… », p. 296-297 pour celui de 1787.
35 Ibid., dont 33 curés et 10 vicaires. Plus de la moitié (245) du clergé séculier de la cité dépendait des deux églises cathédrales (cf. Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 109).
36 Jacques Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, Privat, 1986, p. 21.
37 Jean-Claude Meyer, La vie religieuse..., p. 15 et Jean-Luc Laffont, Policer la ville..., p. 278. L a remontée des ordinations intervenue dans les années précédant la Révolution n’a probablement pas permis de rattrapage, surtout en valeur relative, par rapport l’ensemble de la population.
38 Rosa María Blasco Martínez, Zaragoza en el siglo…, p. 18 notamment.
39 Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Peréz Sarrión, « Población y… : la distribución… », p. 296-297.
40 L’historiographie mentionne parfois une valeur plus basse, moins de 1 % (cf. Jacques Godechot, La Révolution française dans…, p. 26) mais, en affectant un coefficient de 3,5 au nombre des chefs de foyers nobiliaires (285) que l’on peut déduire de l’examen attentif des rôles de capitation et en rapportant le résultat au chiffre de la population supposé dans les années 1770 (53 000), la part de la noblesse dans la population totale monte jusqu’à 1,9 %.
41 Cf. sur ce point Jean-Luc Laffont, « La présence militaire à Toulouse dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Annales du Midi, n° 229, janvier-mars 2000, p. 41-64 et la thèse de Pascal Roux, Société militaire, société civile à Toulouse au XVIIIe siècle : de l’Ancien Régime à la Révolution (vers 1740-1799), Université de Toulouse-le Mirail, 1998.
42 Celle-ci comprenait 290 hidalgos Cf. Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… : la distribución… », p. 296-297. Sauf mention contraire, en ce qui concerne la capitale aragonaise les effectifs des groupes socioprofessionnels donnés en valeur absolue ont été calculés à partir des pourcentages présentés sous forme de tableau dans cet article et repris de façon moins détaillée et dans une perspective comparative avec Tudela dans la thèse de Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 474.
43 Le Catastro saragossan fait apparaître 48 titulos nobles, regidores y ministros, ainsi que 364 hacendados dont le nom était précédé du titre de Don et qui étaient en grande partie des hidalgos et des infanzones. Il y avait également parmi les propriétaires 10 nobles forasteros (forains) et 27 hacendados forestaros qui possédaient plus de 4 % de la terre (cf. Antonio Peiró Arroyo, Regadio, transformaciones…, p. 40).
44 Jean-Pierre Dedieu, L’Epagne de 1492 à 1808, Paris, Belin, 1994, p. 49-50.
45 Rosa María Blasco Martínez, Zaragoza en el…, p. 91. Ce chiffre ne correspond que très approximativement à ceux qui figurent dans l’analyse détaillée du recensement qu’a effectué cet auteur en collaboration avec Jesús Maiso González, Las estructuras..., et doit comprendre les 63 chefs de foyers recensés comme ciudadanos. Les auteurs en comptent 64 (p. 203) mais il n’y en a que 63 qui figurent sur le tableau récapitulatif (p. 207-208), dont on nous dit par ailleurs que beaucoup appartenaient à la catégorie des hidalgos et infanzones.
46 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 101, indique que la majorité de la noblesse s’est en fait ralliée au prétendant Bourbon, mais la question est controversée.
47 Rosa María Blasco Martínez, Jesús Maiso González, Las estructuras..., p. 184 et 202-203. Sur l’instauration du système de la Unica Contribución en Aragon, voir Antonio Peiró Arroyo, « La Hacienda aragonesa en el siglo XVIII. Una aproximación al sistema recaudatorio », Cuadernos Aragoneses de Economía, Zaragoza, 1979, p. 119-131.
48 Rosa María Blasco Martínez, Zaragoza en el siglo…, p. 91. Ce chiffre provient sans doute de l’empadroniamento de 1720 et coïncide assez bien avec le relevé de 69 infanzones sur le vecindario de 1642 (Rosa María Blasco Martínez, Jesús Maiso González, Las estructuras de Zaragoza..., p. 184).
49 The Nobility of Toulouse in the eigteenth Century - A Social and Economic Study, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1960, p. 36-37, note 51.
50 Outre les difficultés déjà mentionnées dans le dénombrement des nobles d’après la capitation, on observera qu’il n’existe que 4 registres pour l’année 1789 et qu’il manque notamment celui du capitoulat de Saint-Étienne. Or ce quartier était de loin le plus lourd au plan démographique, particulièrement sans doute en ce qui concerne la noblesse (le registre disponible le plus tardif est celui de 1735 qui a été ici utilisé). Ma propre évaluation, à savoir 285 personnes (112 nobles figurant sur les registres, 73 titulaires d’offices et une centaine de foyers dont le chef de famille est exempté), qui a le défaut de ne pas être synchronique, s’appuie au moins sur des données provenant des huit capitoulats.
51 Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 65-66. Dans ces conditions et compte tenu du fait que plus de 200 familles ont accédé à la noblesse par ce canal pour la seule période qui va de 1661 à 1715 (ibid.), il y a bien lieu de croire que le poids humain du second ordre a été sous-estimé par l’historiographie.
52 Ibid. p. 69.
53 La discordance entre le nombre des capitouls en exercice figurant sur les rôles et celui des capitoulats tient au fait que les registres ne coïncident pas chronologiquement.
54 La moyenne de la somme exigée est dix fois plus élevée que celle qui correspond à l’ensemble des actifs imposés, ce qui montre d’ailleurs que leur noblesse ne les déchargeait pas du paiement de l’impôt personnel à l’inverse de la plupart des autres nobles.
55 Sur ce plan il semble que la catégorie des « indifférents » qui était censée correspondre à la fois aux rentiers (non nobles) et aux personnes à charge des chefs de famille, n’ait pas été prise en considération à Saragosse. Cf. à propos de la conception générale du recensement de Floridablanca et de sa traduction concrète en Catalogne, Pierre Vilar, La Catalogne dans l’Espagne moderne : Recherches sur les fondements économiques des structures nationales, Paris, SEVPEN, 1962, p. 32-40. En 1723 la catégorie des ciudadanos pourrait par contre correspondre assez bien à celle des bourgeois que l’on trouvait dans certaines villes françaises.
56 Ainsi tous ceux qui faisaient précéder leur nom d’un Don ont pu être considérés comme hidalgos.
57 Respectivement 82 pour les premiers qui prenaient à bail la perception des droits seigneuriaux et 132 pour les seconds, qui étaient des administrateurs seigneuriaux (d’après le cabreo de industria de 1772, AMZ. Libro n° 241).
58 Certains peuvent avoir été exploitants agricoles (Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 123), d’autres avoir exercé une activité de type commercial ou industriel ou encore appartenir aux groupes des administrateurs et des gens de loi. Parmi eux enfin se trouvaient peut-être des membres de la petite noblesse.
59 Sans compter les quelque 4 % qui étaient détenus par des membres des mêmes couches sociales résidant dans d’autres localités. À titre indicatif les terres cultivables incluses dans des seigneuries laïques représentaient selon José Cangua Argüelles (Diccionario de Hacienda, con aplicación a España, Madrid, Imprenta de don Marcelino Calero y Portocarrero, 1833-34, vol. 2, p. 599) plus de 40 % de toutes les terres cultivées en Aragon (cf. Guillermo Peréz Sarrión, Agua, agricultura…, p. 107). Cependant, en ce qui concerne les nobles titrés tout du moins, les biens ruraux possédés sur le territoire saragossan ne représentaient qu’une fraction, sans doute souvent très minoritaire, de leur fortune foncière (Rosa María Blasco Martínez, Jesús Maiso González Las estructuras..., p. 187).
60 Rosa María Blasco Martínez, Zaragoza el el…, p. 92.
61 Soit environ un douzième.
62 Toulouse et la région…, p. 123-442.
63 Georges Hanne, La société à Grenade-sur-Garonne au début de la Révolution - Positions sociales et niveaux de fortune, maîtrise, Université de Toulous-le Mirail, 1986, p. 42. Dans les biens de la noblesse sur le territoire grenadain, on ne sait pas exactement quelle part revenait aux aristocrates toulousains. On relève par contre la présence à Grenade, parmi les bien-tenants non domiciliés, d’un président à mortier, Jean-François de Tournier, baron de Launac. Quant au conseiller de la Cour des Aides de Montauban, autre grand propriétaire du bourg, il y avait son domicile, ce qui montre que la capitation occulte parfois la présence effective et la place tenue par telle famille de l’élite nobiliaire dans la cité. En réalité une grande partie de la noblesse partageait son temps entre au moins deux résidences : d’une part un hôtel particulier en ville, à proximité du lieu d’exercice de l’office, le parlement toulousain dans un bon nombre de cas ; d’autre part un château à la campagne, d’où il était possible de surveiller et parfois de diriger directement l’exploitation du domaine tout en recevant les bénéfices matériels et honorifiques liés à la possession d’une seigneurie.
64 Jean Sentou, La fortune immobilière des Toulousains et la Révolution française, Paris, Commission d’histoire économique et sociale de la révolution française (Mémoires et documents, XXIV), 1970.
65 Jean Sentou, Fortunes et groupe sociaux à Toulouse sous la Révolution (1789-1799), Essai d’histoire statistique, thèse d’État, Toulouse, Privat, 1969, p. 469. Il faut cependant observer que la source ne comprend pas les successions d’un montant peu élevé ou nul, qui étaient sans doute la majorité, et que la part des biens des couches supérieures de la société se trouve de ce fait majorée.
66 Ibid., p. 81.
67 Ibid., p. 151.
68 Cf. sur ce point Philippe Péguilhan de Larboust, Le Parlement de Toulouse (1715-1790), mémoire de DES. Université de Toulouse – le Mirail, 1965 et Jacques Godechot, Bruno Tollon, « Ombres et lumières sur Toulouse (171-1789) », chapitres IX de Histoire de Toulouse dirigée par Philippe Wolff, Toulouse, Privat, 1974 (1e éd. 1958), p. 337-388, p. 346-347.
69 Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, dresse un panorama aussi clair que possible de l’écheveau juridictionnel que constituait la ville de Toulouse. Il constate aussi qu’un certain nombre de ces juridictions sont en décadence au XVIIIe siècle et que certaines disparaissent avant la fin de l’Ancien Régime. Cf. aussi la contribution de Jean Bastier, « Le parlement de Toulouse et les justices subalternes au XVIIIe siècle », in Les Parlements de Province - Pouvoirs, justice, société du XVe au XVIIIe siècle (textes réunis et présentés par Jacques Poumarède et Jack Thomas), Toulouse, Framespa, 1996, p. 407-423, p. 407-423.
70 Les personnes figurant comme telles sur les registres de capitation vers 1770 sont à rapprocher des quelque 800 foyers qui figurent au même titre dans les premiers registres de l’imposition personnelle datant de 1695 Cf. Jack Thomas, « Gens de justice à Toulouse au temps de Louis XIV », Recueil des travaux de J. Thomas, tome 2. Compte tenu de l’essor démographique et de la tendance générale à la démultiplication des offices, le premier chiffre semble même proportionnellement moindre, mais il s’agit d’une construction composite dans laquelle les données concernant le capitoulat de Saint-Étienne datent de 1735. Or il y avait une concentration de gens de justice plus forte dans ce capitoulat que partout ailleurs dans la ville.
71 Jean Sentou, Fortunes et groupes sociaux..., p. 84, s’appuie sur l’étude de Philippe Péguilhan de Larboust, Le Parlement de Toulouse…
72 Cf. Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 75.
73 Jack Thomas, « Le Parlement de Toulouse et la vie économique du ressort, 1735-1789 », in Les Parlements de province…, p. 537-553.
74 Jean Sentou, Fortunes et groupes…
75 Jesús Maiso González, Rosa Maria Blasco Martínez, Las estructuras de Zaragoza..., p. 245- 251.
76 Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 466-467.
77 Cette part monte jusqu’à 5,7 ou 6,1 % si l’on inclut les magistrats appartenant à la noblesse.
78 José Antonio Armillas Vicente, Fernando Solano Costa, Historia de Zaragoza – II…, p. 335.
79 Juan-Jaime López González (Zaragoza a finales…, p. 162) indique que le collège des avocats comprenait 86membres en 1791. Ce recul est toutefois loin de se vérifier pour l’ensemble du siècle puisque le nombre des abogados figurant sur le censo de 1723 n’est que de 18, chiffre qui doit cependant être inférieur à la réalité car une partie des individus exerçant cette profession et appartenant au collège a pu être recensée sous un autre titre (Jesús Maiso González, Rosa Maria Blasco Martínez, Las estructuras de Zaragoza..., p. 266).
80 José Antonio Armillas Vicente, Fernando Solano Costa, Historia de Zaragoza – II…, p. 335.
81 Soit 2806 sur 16116. Les séminaristes ne sont pas ici pris en compte dans les effectifs du clergé, sinon la proportion serait de 20,5 % car leur statut est plutôt comparable à celui des étudiants. Les militaires sont inclus dans la population active toulousaine, mais la faiblesse de l’effectif ne produit pas de distorsion importante. Les enseignants pourraient en revanche y figurer, mais dans la mesure où leur ventilation dans les groupes socioprofessionnels définis par les organisateurs du recensement espagnol est incertaine, il n’est pas nécessairement pertinent de les inclure dans le total des élites, qui avec eux aurait atteint 2889 personnes, soit 17,9 % des actifs civils.
82 Les valeurs proposées dans le tableau concernant la population active saragossane ne coïncident pas parfaitement avec celles que l’on a données au chapitre précédent en raison du fait que Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión (« Población y… : la distribución… », p. 296-297) ne proposent que des valeurs relatives tandis que Juan-Jaime López González, (Zaragoza a finales…, p. 12-13) ainsi que José Antonio Armillas Vicente et Fernando Solano Costa, (Historia de Zaragoza, II, Edad Moderna, Zaragoza, Edición del Excmo. Ayuntamiento de la Ciudad, 1976, p. 334-335) donnent des valeurs absolues sur lesquelles nous nous sommes fondés en ce qui concerne les effectifs des différents groupes sociaux.
83 Cf. infra.
84 Jean-Pierre Gutton, Domestiques et serviteurs dans la France de l’ancien régime, Paris, Aubier, 1981, p. 11-15. Voir aussi Sarah Maza, Servants and Masters in Eighteenth-Century France : The Uses of Loyalty, Princeton, Princeton University Press, 1983 et Jacqueline Sabatier, Figaro et son maître - Les Domestiques au XVIIIe siecle, Paris, Perrin, 1984.
85 La notion originelle, qui prévaut au moins jusqu’au XVIIe siècle, sur laquelle s’appuie la définition du domestique est celle de la maison où celui-ci demeure plus que de la position subalterne qu’il occupe, puisque le terme englobe tous ceux qui vivent dans un foyer, soit les membres de la famille, mot qui avait une acception plus large que celle, génétique ou parentale, qu’on lui réserve aujourd’hui.
86 Jean-Pierre Gutton, Domestiques et serviteurs…, p. 11-15.
87 Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 125 notamment pour le cas des métiers du textile, de la confection et du traitement des fibres à Saragosse en 1723. Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión, « Población… : la distribución… », p. 300, relèvent que la forte représentation de l’artisanat dans un quartier s’accompagne, de même que celle du clergé ou de la noblesse, de la présence d’une masse importante de criados.
88 La capitation permet le plus souvent de départager les serviteurs des individus employés et attachés à l’exploitation du domaine, en fonction du lieu d’enregistrement (la cité, les faubourgs ou le gardiage) et de la condition du maître.
89 Cf. infra, chapitre 6.
90 On compte 3249 criados recensés parmi la population « municipale » (cf. José Antonio Armillas Vicente et Fernando Solano Costa, Historia de Zaragoza – II…, p. 335), auxquels s’ajoutent ceux qui vivaient dans les couvents dont le nombre a été évalué à 211 d’après le pourcentage proposé par Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… : la distribución… », p. 296-297, sur une population civile occupée de 14382 individus.
91 Si l’on considère la part des la domesticité dans l’ensemble de la population, celle-ci est de près de 10 % (9 % en admettant qu’il y avait une masse importante d’indigents), chiffre assez nettement supérieur à celui généralement admis. Cf. Jean-Pierre Gutton, Domestiques et serviteurs…, p. 8, qui se fonde sur Bernard Marcoul, Les domestiques à Toulouse au XVIIIe siècle, mémoire de D.E.S., Faculté de Lettres de Toulouse, 1960), la différence avec notre propre estimation provenant très probablement de la surestimation de la population globale. Sur la domesticité à Toulouse cf. également Cissie Fairchilds, « Masters and Servants in Eighteenth Century Toulouse », Journal of Social History, vol. 12, n° 3, Spring 1979, p. 368-393, qui étudie notamment l’origine sociale et géographique des domestiques. Il en ressort que le recrutement des serviteurs est massivement rural et qu’il n’y a guère qu’un vingtième d’entre eux qui soit natif de la ville.
92 On compte 235 domestiques agricoles et 17 bergers, soit 252 personnes de condition domestique ou proche de la domesticité dans le secteur agricole, donnant un total de 4532 domestiques.
93 On compte 78 valets et 229 commis, soit 307 individus considérés comme plus ou moins attachés à la maison de leur patron dans le secteur de l’économie urbaine et qui, ajoutés aux domestiques agricoles, font un total de 4839 domestiques.
94 Les 559 éléments précédemment identifiés s’ajoutent aux 4280 domestiques pour atteindre le chiffre global de 4839 que l’on rapporte aux 15616 actifs occupés ou aux 16843 individus formant la population active globale.
95 Exactement 64,3 %, soit 2753 sur un total de 4280. À titre de comparaison le taux de féminité était de 60, 1 % à Dijon en 1784 (cf. Jean-Pierre Gutton, Domestiques et…, p. 73).
96 Soit 39,5 % contre 19,7 dans le groupe composé par les paroisse de la Seo, du Pilar et de San Lorenzo (cf. Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión, « Población y estructura de Zaragoza en 1787 : análisis demográfico », I Estado de los estudios sobre Aragón, (1978), Zaragoza, 1979, p. 303-311, p. 310).
97 Ibid., p. 304.
98 Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… : la distribución… », p. 300-301.
99 La sociotopographie de Toulouse n’est ici qu’envisagée dans une perspective comparative avec Saragosse où nous ne disposons que de peu de données. Pour plus de précisions sur cet aspect cf. Georges Hanne, « Approche spatiale de la société toulousaine au XVIIIe siècle », Annales du Midi, n° 254, octobre-décembre 2003, p. 535-562.
100 Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… : la distribución… », p. 296-297.
101 Au sein des premiers, la part relative de la domesticité ne descend en tout cas jamais en dessous d’un cinquième des actifs imposés, tandis qu’à Saragosse elle se place nettement en dessous du dixième dans plusieurs paroisses. En revanche si l’on au niveau de l’analyse par moulons la disparité
102 Selon Jean-Pierre Gutton, Domestiques et…, p. 73-74, il y avait en 1695 dans le capitoulat de Saint-Pierre, pourtant assez populaire et où l’artisanat tenait une grande place, près d’un foyer sur deux qui comprenait une servante (d’après Bernard Marcoul, Les domestiques à Toulouse…, p. 134).
103 Las estructuras de Zaragoza…
104 Soit 3655 individus.
105 Le sexe n’est toujours précisé par les auteurs de l’analyse du recensement.
106 Le personnel de maison représente 9 ou 10 % de la population totale selon que l’on inclut ou non dans celle-ci les indigents. Pour la domesticité au sens large que nous avons défini ci-dessus, les proportions sont respectivement 10,2 et 11,2 %.
107 Cf. Jesús Maiso González, Rosa Maria Blasco Martínez, Las estructuras... Pour de plus amples développements sur la question, cf. infra, à propos des autres catégories professionnelles.
108 Soit 2906 individus ou 20,2 %, alors que la proportion est du quart à Toulouse (cf. supra).
109 Cette dernière mention ne concerne que des domestiques vivant hors du domicile de leur maître. Il est probable que celles qui étaient au contraire domiciliées chez leur employeur aient été simplement désignées comme criadas, mais cette indifférenciation peut être interprétée comme la marque d’une moindre considération qu’à Toulouse.
110 Soit 11 lacayos contre 236 laquais à Toulouse.
111 Soit 286 individus, y compris 5 valets d’écurie.
112 Soit 697 personnes, dont 522 hommes en y incluant les 236 laquais.
113 Jesús Maiso González et Rosa Maria Blasco Martínez, La estructuras..., p. 185-186. Selon ces auteurs leur situation personnelle et celle de leurs biens se trouve d’ailleurs favorablement réglée deux ans plus tard.
114 Ibid., p. 189.
115 Ibid., p. 207-208.
116 Soit 1859 criadas (y compris les ayudas de camara ayant leur propre domicile).
117 Soit 1810 femmes domestiques pour une population de 39288 individus, soustraction faite des 3312 personnes de fuero militar qui étaient encasernées, 475 autres se répartissant dans les différentes paroisses de la ville.
118 Daniel Roche, La France des Lumières, p. 168-172.
119 Émmanuel Le Roy Ladurie (sous la direction de), Histoire de la France urbaine – III. La ville des temps modernes de la Renaissance à la Révolution, Paris, Le Seuil, 1998 (1e édition 1980), p. 393- 409.
120 Daniel Roche, La France des Lumières, p. 173-174, cite l’exemple d’Angers qui comprend un quart de domestiques parmi les actifs.
121 Ibid., p. 127.
122 Michael Sonenscher a montré à partir des archives judiciaires que s’affranchir de ce modèle domestique représentait un enjeu essentiel pour les compagnons (Work and Wages, Natural Law, politics and the eighteenth century French trades, Cambridge, Cambridge University Press, 1989) et comment l’imagerie et les discours liés aux sans-culotte en portent l’empreinte (« Les sans-culotte de l’an II : repenser le langage du travail dans la France pré-révolutionnaire », Annales ESC, septembre-octobre 1985, p. 1087-1108).
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