Version classiqueVersion mobile

Le travail dans la ville

 | 
Georges Hanne

Première partie. Les données de la comparaison

Chapitre 4. Populations : habitants et foyers

Texte intégral

  • 1 Patrick Verley, L’Échelle du monde, Paris, Gallimard, 1997, p. 140.

1Le premier terme de la comparaison entre deux organismes urbains est d’ordre démographique. À une époque où activités de production et de service étaient largement confondues et où les difficultés et le coût des transports limitaient la spécialisation économique, la taille du marché de consommation urbain constituait un critère déterminant pour l’existence au sein d’une cité des activités les plus spécialisées1.

A) Un poids démographique d’un même ordre de grandeur

2En France comme en Espagne, le XVIIIe siècle a été une période de forte croissance de la population, l’Aragon et la région toulousaine participant tous deux à cette expansion.

1. Saragosse et l’Aragon

a) L’évolution démographique oscillante de l’Aragon à l’époque moderne

  • 2 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas para la historia urbana de Aragón en la (...)
  • 3 Ibid. d’après Henri Lapeyre, Géographie de l’Espagne morisque, Paris, SEVPEN, 1959. On observe que (...)
  • 4 José Antonio Salas Aúsens, « Economia y población en la Etad Moderna », Historia de Aragón – II. Ec (...)
  • 5 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas… », p. 285.

3L’évolution démographique générale de l’Aragon au long de l’époque moderne a vu se succéder plusieurs phases. La croissance, très modérée dans la première moitié du XVIe siècle, est devenue explosive dans sa seconde moitié, avec un taux de croissance de 40%2, la population aragonaise atteignant 300000 à 350000 habitants à la fin du XVIe siècle, selon que l’on affecte un coefficient quatre ou cinq au nombre de feux. Le recensement de 1648 donne un résultat à peu près équivalent, exprimant donc un ralentissement de la croissance naturelle dans les premières décennies du XVIIe siècle, l’expulsion de plus de 60000 morisques n’étant compensée qu’avec l’arrivée de nombreux colons français3. Le mouvement global de croissance qu’enregistre l’Aragon dans son ensemble entre les débuts du XVIe siècle et le milieu du XVIIe semble avoir été particulièrement prononcé dans les villes qui, selon l’interprétation la plus répandue, ont largement bâti leur essor sur une ponction des hommes et des ressources des campagnes4. À Saragosse même toutefois, la croissance dans l’intervalle compris entre les censos de 1495 et de 1646 aurait été de 41%5, soit à peine supérieure à celle observée pour l’ensemble de l’Aragon.

  • 6 Les historiens de l’Aragon mettent en avant le passage d’un développement autocentré à une position (...)
  • 7 José Antonio Salas Auséns, « La población aragonesa en la Edad Moderna (siglos XVI-XVIII) », Histor (...)
  • 8 Ángel Canellas López, « Aragón y el centralismo borbónico » in Aragón en su historia, Zaragoza, Caj (...)

4Comme dans la plus grande partie de l’Europe, les deux derniers tiers du XVIIe siècle se présentent comme une phase de difficultés. Aux raisons générales de nature épidémiologique ou climatique, mais aussi politique et financière, s’ajoutent des facteurs économiques propres à la région6. La fin du XVIIe siècle correspondrait toutefois à un nouvel élan, visible dans les courbes de baptêmes des registres paroissiaux, qui serait en partie impulsé par les mesures prises aux Cortes de 1678 et 16857. Mais ces efforts sont par la suite ruinés sous les effets conjugués des catastrophes naturelles et de la guerre, l’Aragon, du fait de sa situation géographique et de la façon dont s’est déroulé le conflit, ayant été particulièrement touché par la Guerre de Succession8. Ce fait s’ajoute au phénomène de marginalisation économique pour entraîner la démographie aragonaise dans une phase de régression ou du moins de stagnation jusqu’aux années 1720.

  • 9 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura y sociedad en el siglo XVIII – El Canal Imperial de Arag (...)
  • 10 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas… », p. 280.
  • 11 On est en doit de considérer qu’il est légitime de l’abaisser au terme d’une période de crise.
  • 12 José Antonio Salas Aúsens « Economia y población… », p. 110.

5Les différents recensements par feux dont nous disposons pour les lendemains de la guerre présentent des données contradictoires et sont sujets à caution pour évaluer le nombre d’habitants, qui varie notablement selon le coefficient adopté. Si l’on s’en tient aux chiffres proposés par G. Pérez Sarrión, qui s’est livré à un examen critique approfondi des censos du XVIIIe siècle9, celui de 1711, qui correspond à quelque 300000 habitants en Aragon, est sans doute le plus fiable mais doit être considéré comme une approximation maximale, les autres recensements de la même époque indiquant des nombres de feux inférieurs. Ainsi celui de 1718 débouche sur une population de 225000 habitants, en multipliant par cinq le nombre des vecinos10, alors que le coefficient multiplicateur choisi par Pérez Sarrión n’est que de quatre11. Toutefois les estimations les plus pessimistes servent de justification à ceux qui mettent en relief le processus de sous-développement subi par l’Aragon dès cette époque et qui veulent voir dans le niveau particulièrement bas atteint alors par la population la principale raison de la vigueur de la croissance au cours du XVIIIe siècle. Il est certain en tout cas que le taux de croissance aragonais au cours de cette période est supérieur à la moyenne nationale, la part des habitants de l’Aragon dans l’ensemble espagnol passant entre 1711 et 1787 de 4,18 à 5,72 % et leur nombre en valeur absolue de quelque 300000 (en retenant un estimation plutôt optimiste) à plus de 650000. Cet élan qui correspond presque exclusivement à la force du mouvement naturel et qui s’effectue dans un contexte politique, climatique et épidémiologique sensiblement moins défavorable que durant les décennies précédentes, s’appuierait essentiellement, selon l’historiographie aragonaise, sur des bases agraires et une meilleure utilisation des ressources traditionnelles de l’espace agricole, dont les potentialités auraient été largement sous exploitées, sans pour autant que s’inverse le processus de régression entamé au siècle précédent dans le domaine artisanal et manufacturier12.

b) La part de la capitale régionale : plus de quarante mille habitants à la fin du xviiie siècle

  • 13 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura..., p. 459-460.
  • 14 Ibid., p. 87.

6Dans le cadre de son travail consacré à la vallée de l’Èbre, Pérez Sarrión a étudié de façon détaillée l’évolution démographique des localités qui bordent le fleuve, y compris la ville de Saragosse, en mettant en parallèle trois chiffres, le premier correspondant au début du siècle, le second au recensement effectué sous l’égide d’Aranda en 1768 et le troisième à celui mis en chantier en 1787 par Floridablanca. Concernant la capitale de l’Aragon (tableau1 et graphique 1), on constate que la population comptait environ 30000 habitants en 1723, le nombre des Saragossans approchant 38000 en 1768, pour atteindre 42600 en 178713. Les deux premiers chiffres sont cependant sous-estimés par rapport au dernier car ils laissent de côté la population militaire. On peut supposer néanmoins que cette dernière était moins nombreuse en 1768 qu’en 1787, moment où un grand nombre de soldats étaient employés au travaux de construction du Canal Impérial14.

Tableau 1 : Évolution démographique et population active à Saragosse au XVIIIe siècle

Tableau 1 : Évolution démographique et population active à Saragosse au XVIIIe siècle

(1) Padrón de 1723 exploité par Rosa Marnez et Jesús Maiso González
(2) Recensement d’Aranda auquel fait référence Guillermo Pérez Sarrión
(3) Recensement de Floridablanca exploité par Guillermo Pérez Sarrón et Antonio Moreno Almárcegui et auquel se réfèrent Juan-Jaime López González ainsi que José Antonio Armillas Vicente et Fernando Solano Costa
(4) Chiffre donné par un ecclésistique saragossan auquel se réfère Antonio Dominguez Ortiz et Francisco Asín Remírez de la Esparza

  • 15 D’après Juan-Jaime López González, 2029 personnes étaient hospitalisées ou enfermées dans les diffé (...)
  • 16 Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Poblacion y estructura social de Zaragoza en  (...)

7Par ailleurs, si dans le recensement d’Aranda les malades et démunis accueillis dans les hôpitaux et la Casa de Misericordia semblent avoir été pris en compte15, la population conventuelle, représentant plus de 1600 individus supplémentaires, ne l’aurait pas été. En 1787 en revanche, l’incertitude existe quant à la prise en considération de la totalité des 3931 personnes formant la population communautaire, dont 1720 éléments n’auraient pas été comptabilisés selon Peréz Sarrión16.

  • 17 Guillermo Pérez Sarrión, « Poblacion y estructura... », p. 296-297.
  • 18 Cf. Antonio Domínguez Ortiz, Sociedad y Estado en el siglo XVIII español, Barcelona, Ariel, 1976 (1(...)
  • 19 Francisco Asín Remírez de Esparza, « Fernando IV de Aragón y la Guerra de la Independencia », in Ar (...)

8En résumé la métropole de l’Èbre abritait en 1723 une population globale avoisinant 32000 individus tandis qu’à la fin des années 1760 le nombre des habitants peut être estimé à 41600 , y compris un nombre très approximatif de 2000 militaires et détenus. En 1787 enfin le recensement comptabilise une population globale de 42600 habitants17, dont 38973 civils. Toutefois la correction de l’omission supposé d’une part de la population vivant en communauté permet d’atteindre le chiffre de 44320 ou de 40693 si l’on ne compte pas les troupes stationnées en grand nombre dans la capitale aragonaise ainsi que les prisonniers qui y étaient incarcérés, groupes qui relevaient tous deux du fuero militaire. L’accroissement global de la population civile au cours des deux décennies ayant précédé le recensement de 1787 serait donc seulement d’un peu plus d’un millier d’habitants, soit 2,76 % par rapport au chiffre du recensement d’Aranda. Mais la croissance de la population s’est accélérée dans les années qui ont précédé l’invasion française puisqu’en 1803 un padrón municipal dénombrait 45179 Saragossans, sans compter la garnison et le clergé18 et que le territoire municipal comprenait au total quelque 55000 âmes19

2. Toulouse et sa région

a) L’évolution démographique de la région toulousaine entre xvie et xviiie siècle

  • 20 Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des Lumières (1670-1789), Paris, Cuja (...)
  • 21 Emmanuel Le Roy Ladurie, « Difficulté d’être et douceur de vivre : le XVIe siècle », chapitre VIII (...)
  • 22 Ibid., p. 282.
  • 23 Bartolomé Bennassar, Bruno Tollon, « Le siècle d’or (1463-1560) », chapitre VI de Histoire de Toulo (...)
  • 24 Ibid., p. 298.

9L’évolution démographique suivie par la région toulousaine est plus difficile à retracer que celle de l’Aragon dans la mesure même ou elle ne forme pas une entité clairement définie20. Si l’on s’en tient à celle enregistrée par le Languedoc, les deux premiers siècles de l’époque moderne apparaissent avec du recul comme une longue phase de croissance qui s’étend aproximativement entre 1490 et 168021. Cet essor qui fait passer le nombre des Languedociens de nettement moins d’un million à la fin du XVe siècle à un bon million et demi au milieu du règne de Louis XIV n’est cependant guère qu’une récupération par rapport au niveau atteint au début du XIVe siècle. Cette dilatation du peuplement persiste pratiquement pendant près de deux siècles, à la différence de l’Aragon où la croissance, plus lente au démarrage, se trouve aussi plus rapidement stoppée par l’expulsion des morisques, tandis qu’en Languedoc le dernier tiers du XVIe siècle subit l’impact négatif des guerres de religion. De la conjoncture languedocienne, le Toulousain et la capitale participent largement, par la grâce du pastel, qui durant l’espace de deux générations, entre 1515 et 1560, donne à la cité garonnaise un rôle économique international22. Vers 1570, la ville qui a été la grande bénéficiaire à la fois de la révolution pastelière et de la fondation du parlement, se trouve à l’étroit dans ses murs23. Mais dans les décennies qui vont suivre la conjoncture se retourne sous l’effet de trois facteurs essentiels : l’affrontement entre huguenots et papistes, le déclin de l’économie du pastel concurrencé par l’indigo, le retour de la peste enfin qui sévit en 1628-31, puis en 1652-53 où l’épidémie emporte en quelques mois 10 % de la population24. Ainsi la persistance de la croissance en Languedoc jusque vers 1680 ne se vérifie pas à Toulouse et dans ses environs, qui traversent un siècle de stagnation économique s’accompagnant d’une tendance au repli démographique.

  • 25 Georges Frêche, Toulouse et la région…
  • 26 L’impact de la crise des années 1693-95 par exemple est visible par la mise en relation des enquête (...)
  • 27 Ibid., p. 45.
  • 28 Ibid., p. 47.
  • 29 Ibid., p. 49-50.

10Pour la période suivante, jusqu’à la Révolution, le travail de Georges Frêche25 permet de mieux cerner les contours de l’aire d’influence de Toulouse et d’envisager quelle a été sa conjoncture démographique propre par le croisement des enquêtes par généralité et des études sérielles menées sur des échantillons de communautés. Les deux dernières décennies du règne de Louis XIV ont été marquées dans le Toulousain par le retour en force des crises de subsistance26. Pour l’ensemble de la généralité de Toulouse, la poussée démographique par rapport au niveau atteint vers 1680 ne se produit guère qu’au-delà de 1730. Dans les quatre diocèses de Toulouse, de Rieux, de Lavaur et d’Albi, qui représentent l’essentiel du cœur de la région toulousaine, la progression est de 44 % entre 1734 et 179027 et il en est à peu près de même au nord et au nord-est de la métropole languedocienne28. Les études portant sur des échantillons de communautés confirment le mouvement général, avec une tendance au recul entre 1690 et 1730 suivie d’une poussée très forte qui en quelques décennies porte la population à un niveau bien supérieur à l’optimum du siècle précédent29.

  • 30 Ibid., p. 56-57.
  • 31 Ibid., p. 58-59.

11L’examen des courbes de naissance et de décès réalisé par Frêche sur un échantillon d’une trentaine de localités du Toulousain permet de préciser la datation des principales inflexions de l’évolution. La première date-clef est celle de 1715 qui marque la fin de la phase de crise caractérisant le dernier tiers du règne du Grand Roi et le début d’une envolée remarquable qui permet de dépasser le niveau atteint vers 1670. Cette progression, à peine freinée par quelques accidents épidémiologiques (la variole) ou frumentaires, se poursuit jusque vers 1777, qui constitue la seconde rupture importante, puisqu’il semble bien que les quinze dernières années de l’Ancien Régime aient été marquées par un léger recul de la population, dont en tout cas la progression subit incontestablement un coup d’arrêt30. La conclusion qu’en tire G. Frêche est qu’en dépit de la hausse spectaculaire des années centrales du siècle, on ne peut parler de l’avènement d’une nouvelle structure démographique31, mais simplement d’une bonne conjoncture qui s’étend sur deux générations, sans pour autant que les conditions économiques aient connu une modification en profondeur qui aurait mis la région à l’abri des poussées de mortalité.

Tableau 2 : Évolution démographique et population active à Toulouse au XVIIIe siècle(1)

Tableau 2 : Évolution démographique et population active à Toulouse au XVIIIe siècle(1)

(1) à partir des registres de la capitation et du recensement de 1790
(2) d’après les hypothèses de Jean Coppolani pour 1750 et 1770
(3) hypothèse médiane

b) Près de soixante mille Toulousains au début de la Révolution

  • 32 Jean Rives, « L’évolution démographique de Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin d’histoire économi (...)
  • 33 Pour un bilan et une révision des travaux anciens qu’on vient d’évoquer, cf. Jean-Luc Laffont, Poli (...)
  • 34 Jean Coppolani, Toulouse – Étude de Géographie urbaine, Toulouse, Privat, Paris, Didier, 1954, p. 9 (...)
  • 35 Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 933. Cf. AMT, CC 2859 et 2860.

12La démographie toulousaine du XVIIIe siècle a fait l’objet d’une étude assez approfondie de la part de Jean Rives à partir des registres paroissiaux, mais si cette source offre quantité d’indications sur les comportements démographiques, elle est d’utilisation assez lourde pour retracer l’évolution démographique globale d’une ville de l’importance de Toulouse32. Sur cet aspect il faut se reporter à la thèse de Jean-Luc Laffont33 qui a révisé les travaux de Jean Coppolani. Ce dernier se fondait sur l’examen des premiers registres de la capitation, réalisés au moment de l’instauration de cet impôt en 169534, puisqu’à cette occasion un décompte très sérieux, non seulement des foyers, mais aussi de leur composition, avait été effectué qui permet de comptabiliser plus de 38200 habitants (tableau2 et graphique 1). Le chiffre de 44000 habitants, dont 2000 comptés à part, donné par cet auteur pour le milieu du siècle est également basé sur la capitation, mais il s’agit d’une projection des résultats correspondant alors à 6 seulement des 8 capitoulats puisque les registres de la Dalbade et de Saint-Étienne n’ont pas été conservés pour les années méridiennes du siècle. L’estimation proposée doit donc être prise avec une certaine prudence, d’autant plus qu’il s’agit d’une reconstitution à partir d’un coefficient par feu dont le calcul reste approximatif et qui, si l’on en croit Georges Frèche et Jean-Luc Laffont, serait assez sensiblement inférieur à la réalité, compte tenu des variations qu’il aurait enregistré depuis la fin du XVIIe siècle35.

  • 36 Ibid., p. 936, note 74.
  • 37 Jean Coppolani, « Bilan démographique de Toulouse de 1789 à 1815 », Contributions à l’étude démogra (...)
  • 38 Jean Coppolani, Toulouse – Étude…, p. 101-102.
  • 39 Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 940,
  • 40 Ibid., soit bien plus que l’estimation proposée par Jean Rives, « L’évolution démographique... », p (...)

13Concernant la fin du siècle, nous avons l’opportunité de disposer d’un recensement des habitants qui constitue le pendant de celui de Floridablanca à Saragosse. En 1790, une enquête démographique réalisée probablement dans la perspective des élections totalise 52863 habitants dont 50785 pour la population municipale et 2078 pour la population comptée à part, c’est-à-dire les membres des communautés religieuses. Selon Jean-Luc Laffont cependant un certain nombre de décomptes partiels seraient faux et le total s’établirait en réalité à 5786936. Même en retenant le total mentionné dans le document il faut y ajouter la frange la plus pauvre de la population, les 3980 mendiants et orphelins de l’hôpital de la Grave37, ainsi que la population scolaire secondaire placée en pension au collège royal et au collège de l’Esquille, ce qui doit amener la population jusqu’à 58000 habitants. Quant au chiffre de 60283, proposé par le journal toulousain en novembre 1790, il correspondrait à une surévaluation dont la finalité était d’atteindre le seuil de 60000, qui permettait d’avoir un effectif plus nombreux dans les nouvelles institutions municipales38. Cependant les calculs de Jean-Luc Laffont qui, outre les révisions déjà indiquées, tiennent compte par ailleurs de la population de l’Hôtel-Dieu et de celle des 5 prisons que comptait la ville le conduisent au contraire à un résultat nette ment supérieur (63869)39. Quoi qu’il en soit, la croissance globale de la population dans les quatre décennies précédant la Révolution aurait été au moins de 25%40 ce qui représente un rythme considérablement plus soutenu que celui observé à Saragosse à la même époque.

3. Les organismes urbains dans leur environnement à la fin du xviiie siècle

a) Deux positions nationales assez similaires

  • 41 Jean-Pierre Dedieu, L’Epagne de 1492 à 1808, Paris, Belin, 1994, p. 186.
  • 42 Bernard Lepetit, Les villes dans la France moderne (1750-1830), Paris, Albin Michel, 1988, p. 450- (...)
  • 43 Rappelons que la France de Louis XVI étant presque trois fois plus peuplée et deux fois et demie pl (...)

14Les deux cités représentaient dans la seconde moitié du XVIIIe siècle des masses démographiques d’un ordre de grandeur comparable. Vue de Saragosse, la cité garonnaise a cependant 30 % d’habitants supplémentaires, tandis que si l’on envisage la différence depuis Toulouse, la population de la capitale aragonaise est inférieure de 23 % au nombre des Toulousains. Cet écart, sans être négligeable, ne fausse pas pour autant les termes de la comparaison. Si l’on considère les deux populations dans leur contexte national, Saragosse vient en 7e position tandis que la capitale languedocienne est au 8e rang. La capitale aragonaise, qui fait jeu égal avec Murcie et Grenade, est probablement dépassée par Malaga et se trouve loin des chiffres de Séville, de Valence et même de Cadix. La cité de l’Èbre dépasse en revanche très largement Tolède et Valladolid, toutes deux presque deux fois moins peuplées qu’elle.41. Toulouse est à un niveau à peine supérieur à celui de Nîmes ou Orléans et de peu inférieur à celui de Lille ou Nantes42, si bien que sa place dans la hiérarchie urbaine nationale est moins singulière que celle de Saragosse. Dans les deux cas le décalage démographique entre les deux cités doit de toutes façons être considéré à l’aune de la différence de niveau d’urbanisation entre les deux monarchies43.

b) Une macrocéphalie plus marquée en Aragon

  • 44 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 457.
  • 45 Soit 1464270 habitants selon Georges Frêche, Toulouse et la région…, p. 61. Encore faut-il s’entend (...)
  • 46 Soit 689400 en se fondant sur les calculs de Léon. Dutil, L’état économique du Languedoc à la fin d (...)
  • 47 Une superficie de 14332 km2 pour la généralité toulousaine (Georges Frêche, Toulouse et la région…, (...)
  • 48 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas... », p. 285.
  • 49 Bernard Lepetit, Les villes dans…, p 250-253.
  • 50 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas... », p. 285.
  • 51 Georges Frêche, Toulouse et la région…, p. 64.
  • 52 Marc Marti, Ville et campagne…, p. 25.
  • 53 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas... », p. 281.

15Plus significatif encore est le poids démographique de chacune des deux cités au sein de la région qui les entoure (annexe 82). Les Saragossans constituaient à la fin du XVIIIe siècle un peu plus du quinzième de la population de l’Aragon (614000 habitants)44, tandis que Toulouse ne représentait pas le vingt-cinquième (4 %) de la région qui, selon G. Frêche, aurait constitué son hinterland et dont le nombre des habitants s’élevait à près d’un million et demi45. Au sein du Haut Languedoc, qui a l’avantage d’avoir été une réalité administrative, Toulouse aurait représenté environ un douzième (plus de 8 %) des quelque 700000 habitants46 de la Généralité. Mais il faut observer que la superficie de cette dernière était à peine le tiers de celle de l’intendance aragonaise mise en place par Philippe V dans les limites de l’ancien reino47 (annexes 83 et 84). Par ailleurs au XVIIIe siècle le poids de Saragosse était déjà écrasant par rapport aux autres localités aragonaises dont aucune n’atteignait les 10000 habitants en 177648. Avec Montauban, la région toulousaine comprenait quant à elle un autre centre urbain de haut niveau, situé qui plus est à proximité de Toulouse et qui représentait presque la moitié de sa puissante voisine. Carcassonne, avec plus de 14000 habitants, en constituait encore le quart, tandis que dans les dernières décennies du XVIIIe siècle Castres dépassait aussi le seuil des 10000 habitants et que des villes comme Cahors ou Albi étaient en train de le franchir49. De l’autre côté des Pyrénées, la ville la plus peuplée d’Aragon après Saragosse était Tarazona, qui ne correspondait qu’au cinquième du poids démographique de la capitale régionale, Huesca, Alcañiz ou Caspe en formant à peine le sixième50. Qui plus est, à la dissemblance dans la taille des noyaux de population secondaires, s’ajoute un décalage complet sur le plan des densités : soit 53habitants/km2 pour l’ensemble de la région toulousaine définie par Georges Frêche51 contre moins de 14 seulement en Aragon52, le chiffre correspondant au corregimiento de Saragosse n’étant que de 17 malgré la présence de la capitale53.

B) L’activité : essai d’approche quantifiée

1. La population active : une notion impropre au contenu flou

16L’analyse le monde du travail à la fin de l’époque moderne suppose une approche préalable des contours que l’on attribue à l’activité. La transposition de cette dernière notion et l’application du taux qui en découle aux sociétés préindustrielles sont des opérations a priori contestables. La définition de la place des individus dans la société ne répondait pas à une ordonnance fonctionnaliste du même type que celle qui s’est instaurée à l’époque contemporaine et qui est fondée prioritairement sur les statuts professionnels individuels. Les qualifications des personnes qui figurent dans les documents de nature fiscale ou démographique présentent donc des distorsions significatives par rapport à une grille socioprofessionnelle type. Elles désignent plus un état dépendant de l’appartenance à un groupe qu’une activité par laquelle un individu valorise ses compétences et qui est susceptible d’évoluer au cours de son existence. La noblesse peut notamment figurer dans les documents parmi les qualités qui permettent de caractériser quelqu’un, mais aussi la bourgeoisie. Il reste que la volonté du pouvoir administratif de reconnaître et de classer les sujets et la nécessité fonctionnelle de ces opérations ont inscrit dans les sources une nomenclature dont l’historien doit rendre compte.

17Son utilisation sérielle suppose d’envisager quels en étaient les principaux déterminants. Le premier d’entre eux est certainement le fait que l’appréhension des individus passait par la médiation du groupe familial, de la maison et plus généralement de la communauté de résidence au sein de laquelle ils vivaient. Il en est ainsi dans la plupart des dénombrements effectués au XVIIIe siècle, mais également dans la documentation fiscale, dans laquelle le foyer reste l’unité de base essentielle. D’une façon générale, tant dans les registres fiscaux, même quand il s’agit d’impôt par tête, que dans les recensements, même individuels, c’était d’abord la qualité, professionnelle ou non, du chef de foyer qui était prise en considération, celui-ci étant le plus souvent un homme, mari ou père, mais pouvant être aussi une femme, principalement en cas de veuvage ou de célibat. Les autres membres de la maison n’étaient pas considérés comme exerçant une profession si leur occupation principale résidait dans les tâches ménagères ou leurs fonctions parentales, même si en réalité ils servaient souvent d’auxiliaire professionnel ou effectuaient des travaux qui n’avaient pas de statut professionnel reconnu mais qui n’en procuraient pas moins un second revenu au foyer. Ainsi le travail des femmes, mais aussi des enfants, même arrivés à l’âge adulte, se trouve généralement occulté derrière celui du père, du mari et plus généralement de l’adulte qui tient le rôle de chef de foyer. La communauté de résidence était loin cependant de se limiter au groupe de parenté. Les domestiques, qui constituaient une part importante de la population, demeuraient chez leur patron, mais aussi la majorité de ceux qui étaient en situation d’employé. Leur statut subalterne suffisait souvent pour les caractériser sans mention de leur nom, mais leur activité était imposée et donc socialement reconnue. Par ailleurs l’ambivalence de la population communautaire est à souligner : couvents ou casernes gonflent fortement le nombre des actifs alors qu’inversement les institutions charitables ou répressives n’en comportent en apparence qu’une proportion très faible, même si dans les faits beaucoup des pauvres recueillis ou des prisonniers incarcérés étaient mis au travail et assumaient des tâches productives. Au delà de ces remarques générales, il reste que l’étendue du champ déclaratif peut varier notablement dans le temps et dans l’espace, et plus encore selon la nature du relevé.

2. Un taux d’activité apparemment plus élevé dans la capitale aragonaise

a) Les données du recensement de 1787 à Saragosse

  • 54 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura..., p. 464 ; Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pére (...)
  • 55 José Antonio Armillas Vicente, Fernando Solano Costa, Historia de Zaragoza - II. Edad Moderna, Zara (...)
  • 56 Il est évalué par nos soins à 211 individus à partir des pourcentages de Antonio Moreno Almárcegui, (...)
  • 57 Celle-ci serait de 1720 personnes selon, Guillermo Pérez Sarrión, « El censo de Floridablanca en Ar (...)

18En ce qui concerne la capitale aragonaise, où le recensement de 1787 a déjà fait l’objet d’une exploitation approfondie, l’approche de la population active se fonde sur les résultats présentés par l’historiographie. Selon G. Pérez Sarrión la population active représente 42,7 % de la population totale, soit approximativement 18190 habitants sur les 42600 qu’aurait comptés la ville54. Cet ordre de valeur est recoupé par les chiffres exprimés en valeur absolue proposés par deux autres auteurs55 et qui permettent d’aboutir à un total de 17938 actifs, auquel il convient probablement de rajouter le personnel domestique des couvents56 pour atteindre le chiffre de 18149 , soit un taux d’activité de 42,6 % . Toutefois cette évaluation ne prend pas en considération la probable sous-estimation de la population communautaire dans le total de la population recensée57, sans laquelle les actifs ne représentent que 40,9 % de l’ensemble des habitants. Quoi qu’il en soit, le niveau très élevé du taux d’activité résulte en partie du fait que la capitale aragonaise était une ville à la fois militaire et religieuse, ce qui tend à accroître fortement la proportion des actifs et des célibataires et à diminuer celle des enfants et des épouses.

  • 58 Cette valeur est fournie par José Antonio Armillas Vicente, Fernando Solano Costa, Historia de Zara (...)
  • 59 Le cabreo de 1772 est le seul à fournir un décompte des membres des gremios et permet une comparais (...)

19Si le second de ces caractères était largement partagé par la métropole languedocienne, le rôle militaire de Toulouse à la fin du XVIIIe siècle était en revanche sans commune mesure avec celui de Saragosse à la même époque. Dans une perspective comparative il n’est donc pas aberrant de prendre aussi en considération la proportion de 37 % d’actifs sur une population civile de 38813 personnes, en faisant abstraction des 378758 militaires encasernés et prisonniers incarcérés, soit 14362 individus. Ce calcul biaise toutefois la réalité sociale et institutionnelle qui caractérisait la ville, même si la population militaire était effectivement plus ou moins coupée du reste de la population et, pour une part, n’avait ses quartiers à Saragosse que temporairement. L’effectif de la population active peut par ailleurs être aussi reporté au total précédemment mentionné de 40533 civils, compte tenu de la probabilité d’une sous-estimation de la population communautaire, le taux d’activité s’établissant alors à 35,4 %. Concernant le début des années 177059, compte tenu des chiffres du recensement de 1768 et des remarques faites ci-dessus, on peut admettre que la population civile de Saragosse se montait alors à 39600 habitants, dont 14018 actifs si l’on garde la proportion de 35,4 %, auxquels s’ajoutaient au moins deux milliers d’individus avec fuero militar, soit une population active de 16018 individus, représentant 38,5 % des 41600 personnes abritées dans la ville.

b) Données brutes et corrigées de la capitation toulousaine

  • 60 Cf. Jean Coppolani, « Bilan démographique… », art cit.
  • 61 Cf. Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 935, note 67.
  • 62 Cf. AMT, CC 1005 [la Dalbade 1776-78] ; 1026 [la Daurade : 1773] ; 1052 [la Pierre 1772] ; 1066 [Po (...)
  • 63 Nous ne tiendrons pas compte ici de la mise au point de Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, dans l (...)
  • 64 Soit 13065 sur 48000.
  • 65 Soit 13065 sur 53000.

20À Toulouse, le recensement de janvier 179060, qui constitue le pendant opportun de celui réalisé en 1787 en Espagne, ne fournit pas d’indication précise quant aux occupations des personnes recensées61. Pour saisir la part des actifs dans la population à la fin du XVIIIe siècle, les registres de capitation constituent donc la source la plus appropriée. Dans les années 177062 le nombre de personnes ayant déclaré une activité au personnel chargé de la mise à jour des rôles se monte à 13065. Dans la mesure où l’on ne dispose pas de recensement antérieur à 1790, il faut se satisfaire d’une évaluation qui se fonde sur le taux de croissance de la population au cours des trois décennies qui ont précédé la Révolution63. Si l’on retient avec Jean Coppolani que la population totale, y compris les élèves et les pauvres ou malades hébergés dans les institutions, était d’environ 48000 habitants vers la valeur moyenne entre cette estimation et le chiffre du recensement de 1790 (58000) est de 53000 habitants vers 1770. La population active déclarée sur les registres de capitation datant approximativement de la même époque représenterait donc 27,2%64 de la population municipale et seulement 24,6%65 de l’ensemble des personnes résidant à Toulouse. Mais cette proportion, remarquablement faible par rapport à celle de Saragosse, est en fait très sous-estimée pour plusieurs raisons.

  • 66 Toulouse aurait ainsi compté 45500 habitants en 1735 et l’accroissement jusqu’en 1770 aurait représ (...)

21En premier lieu les données disponibles pour le capitoulat de Saint-Étienne datent de 1735. Or l’effectif des habitants de ce quartier a certainement augmenté au cours des décennies suivantes, à un rythme que l’on suppose identique à celui qu’a connu l’ensemble de la ville entre 1735 et 1770. À cet égard s’il est certain que les Toulousains étaient moins nombreux en 1735 qu’en 1750, la croissance a cependant sans doute été moins forte dans le second quart du siècle que dans le troisième et n’a de toutes façons vraiment débuté qu’après 1720. Adopter pour 1735 une valeur centrale entre les 43000 habitants de 1695 et les 48000 de 1750 paraît donc une estimation acceptable, dont il résulte que la croissance entre 1735 et 1770 aurait été de 16,5%66, valeur qui, rapportée aux 2337 actifs déclarés du capitoulat de Saint-Étienne en 1735, débouche sur un croît de 386 personnes pour ce quartier. Celles-ci peuvent donc être rajoutées aux 13065 individus ayant déclaré une profession sur l’ensemble des registres analysés pour aboutir au total de 13451 actifs à la fin des années 1760, représentant 25,4 % de la population globale.

  • 67 Il existait bien une capitation pour la noblesse et les non-taillables, en pays de taille personnel (...)
  • 68 Ainsi le comte de Fumel qui réside dans le 27e moulon du capitoulat de Saint-Étienne imposé pour 24 (...)
  • 69 Il y a aussi le cas des couvents : si les Jacobins sont bien repérables dans le capitoulat de la Da (...)
  • 70 Insérés dans les 13065 actifs initialement fichés.

22La nature même de la fiscalité d’Ancien Régime entraîne par ailleurs une distorsion par rapport à un recensement, puisqu’un des privilèges les plus importants des deux premiers ordres résidait justement dans les exemptions dont ceux-ci bénéficiaient67. Comme le fait remarquer Jean Coppolani, de nombreux membres du clergé et de la noblesse sont toutefois décelables sur les registres de capitation, en raison de la présence de leurs domestiques, les aristocrates qui tenaient le haut du pavé à Toulouse pouvant avoir plus d’une dizaine de personnes à leur service, et un modeste tenancier de paroisse ou abbé ayant généralement une servante pour s’occuper de son logis68. La détection reste cependant aléatoire car la qualité du maître n’est pas toujours mentionnée69. On ne peut donc pas considérer la cinquantaine d’ecclésiastiques et la centaine de nobles repérables70 sur les rôles des huit capitoulats comme représentatifs de la place occupée par les deux ordres privilégiés dans la ville.

  • 71 Cf. infra chapitre 5.
  • 72 Soit 14902 sur 53000 (les 49 ecclésiastiques qui apparaissent indirectement dans l’exploitation des (...)
  • 73 Bien qu’on ne puisse être sûr qu’aucune femme n’ait été comprise au bord de l’Èbre parmi les hidalg (...)
  • 74 Cf. Jacques Godechot, « L’histoire sociale et économique de Toulouse au XVIIIe siècle », Annales du (...)
  • 75 Soit 15002 (la dernière valeur à laquelle nous nous étions arrêtés était de 14902 actifs) sur un to (...)

23Compte tenu de ce qu’on sait de la fonction religieuse de la métropole languedocienne71, le nombre des membres du clergé à Toulouse peut être évalué à quelque 1500 personnes. La comptabilité des actifs atteint alors la proportion de 28,1%72, soit encore très nettement moins qu’à Saragosse en 1787. Quant aux chefs de foyer de la noblesse, recensés à Saragosse sous la rubrique hidalgos, ils n’étaient pas à Toulouse exemptés du payement de la capitation au titre de leur état. Si le titre d’écuyer est pratiquement le seul à figurer sur les registres, la plupart de ceux qui le portaient étant lourdement imposés. Mais, en plus des 112 nobles (dont 108 écuyers) inclus dans notre relevé sous mention de leur titre, 73 membres du deuxième ordre sont repérables parmi les titulaires de fonctions de nature administrative ou judiciaire, notamment au Parlement, même si celle-ci les dispensait de capitation. D’une façon plus générale, la haute aristocratie est aisément identifiable sur les registres, car les patronymes sont généralement inscrits en tête des maisons composées d’une nombreuse domesticité soumise à imposition. En plus des 185 occurrences déjà relevées, on est ainsi en mesure de repérer environ 150familles nobles, dont une cinquantaine correspondent à des foyers féminins que l’on a choisi d’exclure du décompte dans la perspective d’une comparaison avec le recensement saragossan de 178773. En majorant de cent éléments supplémentaires le nombre des actifs, la proportion de foyers nobles se trouve portée à 2 % du total des actifs, ce qui est conforme à ce que nous apprend l’historiographie locale74, et le taux d’activité se relève à hauteur de 28,3%75.

  • 76 Une seule cote fait apparaître la mention étudiant sur l’ensemble des huit registres.
  • 77 Cf. Michel Taillefer, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 2000, p. 366. Si l’on s (...)
  • 78 À Saragosse le millier d’étudiants semble avoir été largement dépassé durant les trois dernières dé (...)
  • 79 Soit 30,1 %, proportion obtenue en retirant 84 au chiffre des actifs (ce qui donne 15918) et à celu (...)
  • 80 Il est vrai qu’à partir de 1748 les habitants de Toulouse durent accepter le passage et le logement (...)

24Autre élément de sous-estimation des actifs dans les registres de capitation toulousains par rapport aux données du recensement espagnol, la population estudiantine76. Or l’historiographie nous indique que les étudiants approchaient sans doute le millier à Toulouse77, soit malgré tout assez sensiblement moins qu’à Saragosse78. Discutable sur le principe mais effective dans l’historiographie espagnole, leur insertion au sein des actifs amène ceux-ci jusqu’au nombre de 16002 ou 30,2 % de la population globale, soit encore nettement moins que dans la capitale aragonaise. La persistance du décalage après corrections renvoie d’abord à la présence, peut-être assez largement circonstancielle, de nombreux militaires au bord de l’Èbre, puisque sans eux la proportion de la population active n’atteint plus que 36,6 % tandis qu’elle reste pratiquement inchangée à Toulouse79. Reste que cette opération n’est pas absolument justifiée, car le stationnement de troupes à Saragosse reflète une fonction qui lui est propre80 et constitue un de ses caractères essentiels. L’omission de la parroquia castrense ou du moins de sa plus grande part ne fait pas de toutes façons disparaître complètement l’écart avec Toulouse.

3. Décalage ou distorsion dans les taux d’activité ?

a) Disparité ou analogie des structures démographiques ?

⮚ L’écart quant à la taille moyenne des foyers : une hypothèse à éliminer

  • 81 Le calcul de Jean Coppolani, Toulouse – Étude de…, p. 100, selon lequel le nombre d’individus par f (...)
  • 82 Jesús Maiso González, Rosa Maria Blasco Martínez, Las estructuras de Zaragoza en el primer tercio d (...)
  • 83 Marc Marti, Ville et campagne…, p. 73, montre en s’appuyant sur l’exemple de Léon (cf. Jean Marc Br (...)
  • 84 Ibid., p. 40-41.
  • 85 Maria Rosa Blasco Martínez dans Zaragoza en el siglo XVIII (1700-1770), Zaragoza, Librería General, (...)

25Faut-il y voir la traduction d’une disparité des structures démographiques ? En ce domaine, le taux d’activité devrait varier en sens contraire à celui de la taille moyenne des familles. La somme des foyers imposés figurant sur les registres de capitation utilisés se monte à 9557, soit un coefficient de près de 5,681, tandis qu’à Saragosse le recensement de 1723 qui comporte la composition détaillée de tous les foyers fait apparaître que le nombre moyen d’habitants par vecino, imposé ou non, était de 4,682. Le différentiel peut surprendre si l’on considère que l’importance de l’activité agricole à Saragosse, les attaches terriennes d’une grande fraction de la population, son caractère campagnard sont des éléments qui jouent plutôt dans le sens d’une extension de la dimension du foyer à l’inverse de Toulouse qui semble plus citadine83. Il est vrai que le censo de 1723 ne comprend pas les résidents qui n’étaient dans la ville que de façon temporaire, à l’hôpital des pèlerins ou dans les auberges, pas plus que les enfants recueillis, les militaires et les détenus84. Même en laissant de côté ces deux dernières catégories, l’incidence de leur présence ayant déjà été mentionnée et estimée, le coefficient de 4,6 est donc un minimum et l’historiographie aragonaise retient plutôt le chiffre de 4,985, qui semble plus acceptable, a fortiori en 1787, à l’issue de sept ou huit décennies de croissance quasiment ininterrompues, alors que le recensement de 1723 était intervenu après une longue période de crise, parachevée par la douloureuse guerre de Succession. Ainsi, à la fin du XVIIIe siècle, le vecino saragossan moyen ne pesait, selon toutes probabilités, pas beaucoup moins lourd que le foyer type toulousain. L’écart est-il néanmoins suffisant pour qu’on lui impute la différence des taux d’activité ?

⮚ Détour par les comportements démographiques

  • 86 Ignacio Jordán de Asso, Historia de la economia politica de Aragón, Zaragoza, (Zaragoza, Guara Edit (...)
  • 87 Rapporté aux 42600 habitants du censo de 1787, non compris les pensionnaires des institutions chari (...)
  • 88 Cf. Jean Rives, « L’évolution démographique de Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin d’histoire éco (...)

26Quoi qu’il en soit, il n’est pas dépourvu d’intérêt de s’interroger quelques instants sur les raisons de cette disparité concernant la dimension moyenne des foyers. Renvoie-t-elle à une disparité des taux de natalité qui auraient été moins élevés en Aragon que dans le Midi toulousain ? Si l’on suit Ignacio de Asso qui récapitule le nombre de naissances par année à Saragosse entre 1786 et 179586, la moyenne s’établit à 1339 naissances par an, soit un taux de 31,4‰87, mais qui atteint 34,4‰ si l’on retire les sujets ayant fuero militaire du total des habitants. À Toulouse en 1790 les registres paroissiaux mentionnent 1936 naissances88, qui sur une population maximale de 58000 habitants donnent un taux de natalité de 33,4‰. Il n’y aurait donc pas à cet égard de différence significative à la fin du XVIIIe siècle entre les métropoles de l’Aragon et du Midi toulousain, mais bien plutôt une grande similitude qui traduit l’équivalence de beacoup de caractères économiques, sociaux et institutionnels des deux villes.

  • 89 Le total des décès figurant sur les registres paroissiaux au cours de la décennie 1786-1795 se mont (...)
  • 90 Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 23-24, d’après le journal de Faustino Casamayor (...)
  • 91 Concernant la mortalité de l’hôpital, il est possible de minorer le nombre des défunts de 1786 d’un (...)
  • 92 Selon Ignacio Jordán de Asso, Historia de la economia…, p. 209, le nombre moyen des personnes de la (...)
  • 93 Soit le total (1181,5) du nombre moyen des sépultures dans les paroisses (556,5) et des saragossans (...)
  • 94 Il faut alors retirer 2211 éléments à l’effectif de la population civile (cf. sur ce point infra., (...)
  • 95 Soit le total précédemment indiqué (1181,5) majoré de 150 décès supplémentaires (1331,5) ramené à l (...)

27Du côté de la mortalité, la moyenne des décès sur la période étudiée par Asso se traduit par un taux extrêmement bas de 14,2‰89 mais ne comprend pas les sépultures de l’hôpital de Nuestra Señora de Gracia, qui ont été de 1540 en 1786 et ont toujours dépassé 1100 dans les trois années antérieures90. Il est vrai que la période 1783-86 fut particulièrement morbide du fait d’une épidémie de fièvre tierce91. Si l’on s’en tient aux estimations de Asso, le nombre d’habitants de la ville qui rendaient l’âme dans l’enceinte de l’hôpital aurait tourné en année moyenne autour de 62592. Au total, sans tenir compte des militaires, des étrangers, des déments et des enfants trouvés, le taux de mortalité aurait donc été de 30,6‰ à Saragosse à la fin du XVIIIe siècle93. Pour deux raisons cette approximation est cependant un minimum. D’abord les décès survenus au sein de la population conventuelle n’ont pas été comptabilisés alors qu’une partie au moins de celle-ci est comprise dans le total de la population civile. Ici la sous-estimation peut être compensée en faisant totalement abstraction de la population communautaire94, le taux étant alors de 32,5‰. Par ailleurs l’exclusion de l’ensemble des aliénés et des enfants abandonnés n’est pas légitime puisqu’une grande partie d’entre eux était certainement originaire de la ville. En considérant que la part propre de la population saragossane est de l’ordre de la moitié dans cet ensemble de 300 décès trop rapidement exclus du décompte par l’économiste aragonais, le taux de mortalité atteint 36,6‰ dans la population civile non communautaire de la capitale aragonaise95.

  • 96 Jacques Godechot, Bruno Tollon, « Ombres et lumières sur Toulouse (171-1789) », chapitres IX de His (...)
  • 97 Cette approximation résulte de la mise en relation du nombre moyen annuel des décès survenus au cou (...)
  • 98 Soit 2043 décès (nombre moyen pour la seconde moitié du XVIIIe siècle, indiqué par Jean Rives, « L’ (...)
  • 99 Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 88
  • 100 Cf. sur ce point Jean Jean Coppolani, Toulouse – Étude…, p. 101-2. Ainsi selon cet auteur la sous-é (...)
  • 101 Les membres de Société Économique Aragonaise ont parmi leurs objectifs celui de réduire la mendicit (...)
  • 102 Emmanuel Le Roy Ladurie (sous la direction de), La ville des temps modernes de la Renaissance aux r (...)

28À Toulouse, les données dont on dispose pour 1790 expriment un taux bien plus élevé, qui atteint 54‰96, mais l’année correspond sans doute à une surmortalité par rapport à la moyenne des dernières décennies de l’Ancien Régime. Si l’on fait porter le calcul sur la décennie 1781-1790, le taux peut de façon approximative être évalué à 36‰97, tandis que si l’on prend en considération l’ensemble de la seconde moitié du siècle, le chiffre de 38,5‰ serait atteint98. Pourtant l’historiographie admet généralement que la mortalité était particulièrement élevée dans la cité garonnaise et dépassait largement 40‰ en année moyenne99, alors que la population totale telle qu’elle apparaît sans correction à travers la documentation fiscale et le recensement de 1790 est selon toute probabilité assez nettement sous-évaluée100. L’insalubrité de la métropole garonnaise, leitmotiv des observateurs locaux contemporains, l’entassement des habitants à l’intérieur des murs, l’ampleur considérable de l’immigration sont autant de caractères mis en avant pour justifier la profusion des décès à Toulouse au XVIIIe siècle. Il n’est pas improbable au demeurant que le premier et le troisième de ces traits puissent s’appliquer à la même époque à la métropole de l’Èbre101. Cependant, dans la mesure où la ville des temps modernes fait presque figure de mouroir par rapport aux campagnes102, la relative ruralité de la capitale aragonaise, en raison notamment de l’immensité de son término municipal, est une donnée à prendre en considération dans le possible différentiel des taux de mortalité. Quoi qu’il en soit, s’il existe ce dernier tendrait à élever la dimension moyenne du foyer à Saragosse relativement à Toulouse, jouant donc dans un sens inverse à ce qu’on peut observer.

b) Encore la dissymétrie des sources

29Cependant, à côté de la différence des coefficients familiaux, la disparité des sources, au-delà de la correction des biais les plus évidents, peut encore être évoquée pour expliquer le niveau assez sensiblement inférieur du taux d’activité à Toulouse relativement à Saragosse.

⮚ L’incidence de la fonction scolaire à Toulouse

  • 103 Jean Coppolani, Toulouse – Étude de…, p. 101-102.
  • 104 Selon Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 137-141, ces collèges, dont aucun n’a rang (...)
  • 105 Cf. Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 324.

30Un élément à prendre en compte est que, dans le nombre total de 53000 Toulousains, les pensionnaires des collèges sont évalués à plus de 2000103. Or la fonction éducative ne semble pas être présente à un niveau équivalent à Saragosse où les colegios, institutions qui n’étaient pas d’ailleurs homologues aux collèges français, étaient en pleine décadence au XVIIIe siècle104. L’attraction des établissements toulousains augmente d’autant le nombre des jeunes gens qui y résidaient et a donc pour effet de grossir la part des inactifs, alors que la fonction militaire et la localisation d’un centre de détention important gonflent au contraire à Saragosse les effectifs de la population active de plus de 3300 soldats et détenus. En revanche, toujours dans le domaine de l’enseignement, la présence d’au moins 500 séminaristes dans la métropole languedocienne105, joue en sens contraire. Ceux-ci, proches par leur âge des étudiants, doivent en effet être compris au même titre que ces derniers parmi les actifs, dont le chiffre atteint alors 16502, soit 31,1 % des habitants.

⮚ L’occultation fiscale de l’activité

  • 106 Cette proportion correspond à celle qui s’observe dans le capitoulat de la Daurade qui a fait l’obj (...)
  • 107 En ce cas cependant l’enregistrement ne se faisait peut-être que sur le brouillard (brouillon) et n (...)

31Il faut par ailleurs prendre garde au fait qu’une fraction non négligeable, de l’ordre du 7%106, des contribuables ne déclarait aucune activité et n’est donc pas comprise dans la population active. Parmi eux, certains, qui n’occupaient pas une position de chef de famille, étaient enregistrés sans spécification d’état ou de profession sans doute parce qu’ils partageaient la situation de l’occupant principal de la maison et qu’une partie du revenu correspondant leur incombait. Il y avait aussi des foyers isolés et surtout des femmes, la plupart du temps veuves, vivant parfois avec un enfant célibataire ou un autre parent, généralement de sexe féminin. Dans tous les cas de figure, la part correspondant à des omissions volontaires est impossible à estimer, mais sans doute plus importante que celle qu’on peut trouver dans un véritable recensement sans finalité fiscale et sans fichage nominal des individus. Les déclarants pouvaient craindre qu’une mention professionnelle, même correspondant à un état modeste, ne se traduise par un prélèvement sur le revenu qu’il leur procurait. Certains n’avaient pas d’activité permanente clairement définie et ne pouvaient pas spécifier d’occupation professionnelle, même vague, comme manœuvre ou travailleur. Par ailleurs, bien que les contribuables aient eu la possibilité de se faire décharger au moment de l’inscription sur les rôles107 en se faisant décerner un billet de pauvreté il n’est pas improbable que la population laborieuse flottante et ne jouissant pas d’un revenu assuré ait échappé dans une certaine mesure, non seulement à l’imposition, mais aussi à l’enregistrement. La part des plus pauvres et des plus marginaux tend bien évidemment à être sous-estimée dans une source fiscale, et particulièrement de tous ceux qui sont fraîchement immigrés et qui n’ont pas acquis une situation relativement stable, même en mettant de côté tous ceux qui étaient hébergés dans les hôpitaux et institutions de bienfaisance qui, à Saragosse comme à Toulouse, ont été compris parmi les inactifs.

⮚ La part incertaine de l’indigence

  • 108 Jean Coppolani, Toulouse – Étude de Géographie…, p. 100. Les personnes vivant en communauté, religi (...)
  • 109 Ils sont en effet compris dans le total estimé de la population toulousaine vers 1770, soit quelque (...)
  • 110 La population municipale, composée des seuls ménage ordinaires, est appréciée pour 1770 à une valeu (...)

32À cet égard, sur les 42000 habitants qu’aurait comptés la cité garonnaise vers 1750, J. Coppolani comprend plus de deux mille familles de miséreux qu’il a ajoutés aux foyers enregistrés108. Cet ajout résulte d’une observation concernant le quartier populaire de Saint-Cyprien, où les miséreux non imposables, mais néanmoins recensés en 1695 et en 1790, formaient à ces deux dates la majorité des habitants. Or en 1751 le registre de la Daurade ne mentionne pour ce faubourg qu’un nombre de familles très inférieur à celui, non seulement de 1790, mais également de 1695. L’auteur en conclut que les plus démunis n’ont plus été portés sur les rôles de capitation après 1695. Près du cinquième des familles se trouverait ainsi gommé dans les registres fiscaux, diminuant d’autant la part des actifs dans la population globale109. En conservant le coefficient de 3,5 retenu par l’auteur, qui est pourtant selon toutes probabilité très inférieur à la réalité, et en respectant approximativement le taux global de croissance de la population entre 1750 et 1790, il faut alors considérer qu’aux alentours de 1770, ce sont 2453 foyers, comptant pour 8586 individus110, qui n’étaient pas compris dans les rôles de l’impôt personnel.

  • 111 Elle intervient à la suite de la réduction du nombre de soldats mobilisés et résulte de la signatur (...)
  • 112 En 1786 l’hôpital aurait hébergé 2600 adultes et 1300 orphelins, selon l’auteur (p. 102) qui s’appu (...)

33Cependant, si la sous-estimation de Saint-Cyprien paraît avérée, l’évaluation globale du nombre de foyers non recensés du fait de leur trop grande misère est beaucoup plus arbitraire. L’existence de 3000 foyers de ce type en 1795 qui lui sert de base, renvoie à une époque de crise générale, qui pourrait avoir été temporairement accentuée au cours de cette même année par la contraction de l’activité des industries de guerre111. La transposition de cette situation quarante ans en arrière est pour le moins hasardeuse, même en minorant le nombre d’indigents d’un millier de familles. La très forte baisse du nombre des feux à Saint-Cyprien entre 1695 et le milieu du XVIIIe siècle peut avoir d’autres causes que le non enregistrement des foyers d’indigents vers 1750. Si toutefois il en est ainsi, la sous-estimation est peut-être en partie compensée par le fait qu’une plus grande part des miséreux trouvait refuge à La Grave112 et sont à ce titre déjà comptés dans la population globale. Dans ce cas cependant l’ensemble de la population scolaire et internée est sans doute plus nombreuse que le chiffre approximatif de 4000 personnes qui a été jusqu’à présent retenu.

  • 113 Les données ne concernent que six des huit capitoulats.
  • 114 Cela correspond aux 2200 foyers miséreux, distraction faite de ceux qu’on peut comprendre dans la p (...)
  • 115 On peut plutôt supposer que la concentration des miséreux à Saint-Cyprien reflète un processus de s (...)

34Enfin et surtout, puisque c’est justement la concentration des plus pauvres sur la rive gauche de la Garonne qui est à l’origine de la sous-estimation supposée, on ne peut en déduire une minoration de la population de tous les quartiers de la ville. Globalement, et pour autant qu’on puisse l’apprécier113, les effectifs des autres capitoulats se seraient en effet maintenus sur les registres des années 1750 par rapport à ceux établis en 1695. Considérer que dans ce laps de temps ces quartiers ont en réalité accru leur population d’environ 1800 familles114 ou 6300 individus n’est qu’une supposition gratuite115 qui repose sur l’idée que la population de Toulouse doit nécessairement être plus importante au milieu du XVIIIe siècle qu’à la fin du XVIIe. Or une équivalence approximative est tout à fait concevable entre ces deux époques, séparées par une phase de déclin suivie elle-même de deux ou trois décennies de croissance. Que la période suivante, jusqu’à la Révolution est donné lieu à une expansion d’une grande ampleur ne doit pas surprendre au regard des courbes de naissances et de décès, car elle résulte pour l’essentiel du solde migratoire.

4. Les hypothèses retenues et leurs résultats

  • 116 En ce cas bien sûr le chiffre retenu pour la population globale resterait 53000.

35En résumé, deux hypothèses démographiques sont en présence en fonction desquelles varient le taux d’activité et l’effectif des actifs à Toulouse. La première revient à accepter les suppositions faites par J. Coppolani et à considérer qu’il faut majorer de plus de 2453 individus, correspondant aux chefs de familles indigents, l’effectif de la population active qui se monterait alors à 18955 , soit 35,8 %116. Si l’historiographie saragossane indique qu’il existait bien une population de même nature à Saragosse, il y a lieu de croire que celle-ci a été recensée. Pour les raisons indiquées plus haut, mais également à la lumière de l’exemple de Toulouse, où les enquêtes démographiques approfondies ont manifestement réussi à circonscrire une frange de pauvreté qui n’apparaît pas sur les registres fiscaux courants, il est probable que les habitants les plus pauvres n’aient que dans une faible mesure échappé au recensement de Floridablanca. En ce cas il paraît logique que les chefs de famille, pour le moins, soient inclus dans les pourcentages de population active indiqués par Pérez Sarrión, et plus précisément parmi des jornaleros, car on ne voit pas dans quelle autre catégorie ils pourraient trouver place. Les proportions d’actifs seraient en ce cas très semblables à Toulouse et à Saragosse, et même un peu plus élevées dans la première, compte tenu de la spécificité militaire de la seconde. La deuxième hypothèse ne tient pas compte des familles indigentes dans l’effectif de la population globale toulousaine : De quelque 53000 habitants, celle-ci est alors ramenée à 44414 , les 16502 actifs en représentant alors 37,2 %, chiffre à mettre en parallèle avec la proportion de 36 % pour la capitale aragonaise, hors population militaire avec laquelle le taux atteint 40,8 %.

  • 117 Soit 16502 plus 1227 foyers indigents.
  • 118 Soit 44414 plus 4293 personnes dans l’indigence. Dans ces deux cas de figure on considère que la po (...)
  • 119 Ces chiffres ont été artificiellement revus à la baisse en retranchant l’ensemble des personnes app (...)

36Pour les raisons mentionnées ci-dessus le premier de ces scenarii semble surévaluer le nombre des miséreux et n’a donc pas été retenu. Si le second, qui fait l’impasse sur la question de l’indigence, est pris en considération dans les chapitres qui suivent, il semble nécessaire de proposer parallèlement des chiffres qui fassent une part à la frange la plus misérable de la population. À cet égard le plus probable est que la réalité se situait quelque part entre les deux éventualités extrêmes, ce qui tout en augmentant le nombre des actifs ne modifie d’ailleurs que de façon marginale le taux d’activité. Dans cette hypothèse médiane celui-ci se situerait à 36,6 %, soit 17729117 actifs pour une population globale de 48707 habitants118 (tableau2). Cependant pour apprécier le poids des groupes professionnels et des branches d’activité, il n’y a pas lieu de prendre en considération dans l’ensemble des actifs les 386 individus qui ont été rajoutés au chiffre du capitoulat de Saint-Étienne de l’année 1735. Concernant la structure interne de la population active à Toulouse, deux valeurs seront donc retenues dans les chapitres qui suivent pour exprimer son effectif global : 16116 personnes ou 17343 si l’on y inclut la part probable des indigents que semble avoir compris la cité garonnaise, chiffres correspondant respectivement à une population globale de 43063 et 47356 individus119.

Notes

1 Patrick Verley, L’Échelle du monde, Paris, Gallimard, 1997, p. 140.

2 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas para la historia urbana de Aragón en la Edad Moderna », Estado actual de los Estudios sobre Aragón, IV, Zaragoza, 1982, p. 279-285, p. 280.

3 Ibid. d’après Henri Lapeyre, Géographie de l’Espagne morisque, Paris, SEVPEN, 1959. On observe que les morisques étaient essentiellement concentrés dans la vallée de l’Èbre (cf. José Antonio Salas Auséns, « Una población reducida » in Historia de Aragón - VI. Fernando el Católico – La monarquía de los Austrias : Carlos I y Felipe II, Zaragoza, Guara Editorial, 1985, p. 19-48, p. 27.

4 José Antonio Salas Aúsens, « Economia y población en la Etad Moderna », Historia de Aragón – II. Economia y sociedad, Zaragoza, Institución Fernando el Católico, 1992, p. 101-112, p. 107.

5 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas… », p. 285.

6 Les historiens de l’Aragon mettent en avant le passage d’un développement autocentré à une position économique périphérique au sein d’un ensemble national élargi où l’ancien royaume se trouve progressivement confiné dans le rôle de producteur de matières premières. Cf. José Antonio Salas Aúsens, « Economia y población… », p. 109, ainsi que Jaume Torras Elías, « La economia aragonesa en la transición al capitalismo. Un ensayo », in Tres estudios de Historia economica de Aragón, Zaragoza, Universidad de Zaragoza (Facultad de Ciencias Económicas y Empresariales), 1982, p. 9-32.

7 José Antonio Salas Auséns, « La población aragonesa en la Edad Moderna (siglos XVI-XVIII) », Historia de Aragón – I. Generalidades, Zaragoza, Institución Fernando el Católico, 1992, p. 189-198, p. 197.

8 Ángel Canellas López, « Aragón y el centralismo borbónico » in Aragón en su historia, Zaragoza, Caja de Ahorros de la Inmaculada, 1980, p. 319-322, p. 320.

9 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura y sociedad en el siglo XVIII – El Canal Imperial de Aragón 1766-1808, Zaragoza, Institución Fernando el Católico, 1984, p. 74-82.

10 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas… », p. 280.

11 On est en doit de considérer qu’il est légitime de l’abaisser au terme d’une période de crise.

12 José Antonio Salas Aúsens « Economia y población… », p. 110.

13 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura..., p. 459-460.

14 Ibid., p. 87.

15 D’après Juan-Jaime López González, 2029 personnes étaient hospitalisées ou enfermées dans les différents centres sanitaires ou de bienfaisance en 1787. Zaragoza a finales del XVIII (1782-1792), Zaragoza, Diputación Provincial - Institución Fernando el Católico, 1977, p. 12.

16 Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Poblacion y estructura social de Zaragoza en 1787 : la distribución por estados y profesiones », I Estado de los estudios sobre Aragón, (1978), Zaragoza, 1979, p. 293-301, p. 294 ; Agua y agricultura..., p. 464, note 3 et Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 12.

17 Guillermo Pérez Sarrión, « Poblacion y estructura... », p. 296-297.

18 Cf. Antonio Domínguez Ortiz, Sociedad y Estado en el siglo XVIII español, Barcelona, Ariel, 1976 (1e édition 1955), p. 244, qui s’appuie sur un document annoté par le frère José de la Huerta, Descripción de Zaragoza, manuscrit de la Bibliothèque nationale (n° 2721).

19 Francisco Asín Remírez de Esparza, « Fernando IV de Aragón y la Guerra de la Independencia », in Aragón en su historia, sous la direction de Ángel Canellas López, Zaragoza, Caja de Ahorros de la Inmaculada, 1980, p. 367-390, p. 370. La différence entre les deux chiffres correspond à trois ensembles démographiques, le clergé, les militaires et la population des hameaux situés sur le territoire municipal (ou de la plupart d’entre eux), dont les parts respectives seraient très approximativement de 2000 pour le premier et de 4000 pour chacun pour les deux autres.

20 Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées au siècle des Lumières (1670-1789), Paris, Cujas, 1974, p. 1-11, souligne l’opposition entre Haut et Bas-Languedoc, à côté desquels il faut encore distinguer un Languedoc septentrional (Gévaudan, Velay et Vivarais) qui a ses caractères propres. A contrario la région toulousaine ne se limite pas au Languedoc, incluant les pays situés entre la cité et les Pyrénées, notamment le Comminges rattaché à la généralité d’Auch et le pays de Foix intégré au Roussillon.

21 Emmanuel Le Roy Ladurie, « Difficulté d’être et douceur de vivre : le XVIe siècle », chapitre VIII de Histoire du Languedoc dirigée par Philippe Wolff, Toulouse, Privat, 1967, p. 265-311, p. 265.

22 Ibid., p. 282.

23 Bartolomé Bennassar, Bruno Tollon, « Le siècle d’or (1463-1560) », chapitre VI de Histoire de Toulouse dirigée par Philippe Wolff, Toulouse, Privat, 1974 (1e éd. 1958), p. 223-270, p. 245.

24 Ibid., p. 298.

25 Georges Frêche, Toulouse et la région…

26 L’impact de la crise des années 1693-95 par exemple est visible par la mise en relation des enquêtes de 1693 et de 1696 pour les diocèses civils où les données sont comparables. C’est le cas pour ceux d’Albi et de Rieux, qui mettent en évidence un recul d’environ un feu sur cinq (ibid., p. 42-43).

27 Ibid., p. 45.

28 Ibid., p. 47.

29 Ibid., p. 49-50.

30 Ibid., p. 56-57.

31 Ibid., p. 58-59.

32 Jean Rives, « L’évolution démographique de Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin d’histoire économique et sociale de la Révolution française, année 1968, 1969, p. 85-146.

33 Pour un bilan et une révision des travaux anciens qu’on vient d’évoquer, cf. Jean-Luc Laffont, Policer la ville – Toulouse, capitale provinciale au siècle des Lumières, Thèse d’Histoire, Université de Toulouse-Le Mirail, 1997 ainsi que sa mise, « Relecture critique de l’évolution de la population toulousaine sous l’Ancien Régime », Histoire, Économie et Société, 1998, n° 3, p. 455-478.

34 Jean Coppolani, Toulouse – Étude de Géographie urbaine, Toulouse, Privat, Paris, Didier, 1954, p. 98-105.

35 Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 933. Cf. AMT, CC 2859 et 2860.

36 Ibid., p. 936, note 74.

37 Jean Coppolani, « Bilan démographique de Toulouse de 1789 à 1815 », Contributions à l’étude démographique de la révolution française, 2e série, Paris, 1965, p. 220-235, p. 221-222 : 38237 habitants dont 36303 répartis entre 10378 familles et 1934 comptés à part. La population de l’hospice et du dépôt de mendicité de la Grave est confirmée par l’étude d’Anne Boyer, L’assistance et la vie médicale à Toulouse au XVIIIe siècle, Thèse de Médecine, Faculté de Toulouse, 1982.

38 Jean Coppolani, Toulouse – Étude…, p. 101-102.

39 Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 940,

40 Ibid., soit bien plus que l’estimation proposée par Jean Rives, « L’évolution démographique... », p. 130.

41 Jean-Pierre Dedieu, L’Epagne de 1492 à 1808, Paris, Belin, 1994, p. 186.

42 Bernard Lepetit, Les villes dans la France moderne (1750-1830), Paris, Albin Michel, 1988, p. 450- 453.

43 Rappelons que la France de Louis XVI étant presque trois fois plus peuplée et deux fois et demie plus dense que l’Espagne de Charles IV (cf. supra, chapitre 1).

44 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura…, p. 457.

45 Soit 1464270 habitants selon Georges Frêche, Toulouse et la région…, p. 61. Encore faut-il s’entendre sur les contours d’une région toulousaine qui ne verra véritablement le jour qu’au XXe siècle.

46 Soit 689400 en se fondant sur les calculs de Léon. Dutil, L’état économique du Languedoc à la fin de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris, Hachette, 1911, p. 59.

47 Une superficie de 14332 km2 pour la généralité toulousaine (Georges Frêche, Toulouse et la région…, p. 63) et de 47669 pour l’Aragon dans les limites de la région actuelle qui a approximativement la même superficie que la province au XVIIIe siècle.

48 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas... », p. 285.

49 Bernard Lepetit, Les villes dans…, p 250-253.

50 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas... », p. 285.

51 Georges Frêche, Toulouse et la région…, p. 64.

52 Marc Marti, Ville et campagne…, p. 25.

53 José Francisco Forniés Casals, « Estimaciones cuantitativas... », p. 281.

54 Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura..., p. 464 ; Antonio Moreno Almárcegui et Guillermo Pérez Sarrión, « Poblacion y estructura… », p. 293-301, p. 296-297. Il est regrettable que les auteurs ne fournissent pas une valeur absolue de la population active car le calcul de pourcentages sur une valeur elle-même donnée en pourcentage renforce le caractère approximatif des résultats et peut provoquer une mauvaise interprétation des données sans possibilité de vérification.

55 José Antonio Armillas Vicente, Fernando Solano Costa, Historia de Zaragoza - II. Edad Moderna, Zaragoza, Edición del Excmo. Ayuntamiento de la Ciudad, 1976, p. 334-335 et Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, 1977, p. 12-13.

56 Il est évalué par nos soins à 211 individus à partir des pourcentages de Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… », p. 296-297, qui, il est vrai, mélangent les domestiques à proprement parler et les enfants recueillis par les communautés religieuses.

57 Celle-ci serait de 1720 personnes selon, Guillermo Pérez Sarrión, « El censo de Floridablanca en Aragón : un analisis general », Revista de Historia Económica, año II, n° 3, 1984, p. 263-286, p. 267-268 (cf. supra et infra, chapitre4).

58 Cette valeur est fournie par José Antonio Armillas Vicente, Fernando Solano Costa, Historia de Zaragoza – II., comme total des militaires recensés en 1787. Antonio Moreno Almárcegui, Guillermo Pérez Sarrión, « Población y… : la distribución... », p. 296 (note 2) donnent le chiffre de 3627 pour l’ensemble de la parroquia castrense (paroisse militaire), la différence entre les deux, soit 160 personnes, correspond aux individus qui tout en relevant du fuero militaire ont été recensés dans les paroisses urbaines. Ces deux auteurs indiquent par ailleurs que les nobles, les ecclésiastiques et les domestiques compris dans la parroquia castrense ont peut-être été comptabilisés également dans les différentes paroisses urbaines, ce qui laisse supposer qu’ils étaient mieux insérés dans la ville. On pourrait donc à ce titre considérer que le chiffre des militaires qui vivent dans leurs casernes à l’écart de la cité n’est que de 3312. En France les militaires n’étaient certainement pas pris en compte dans les registres de capitation, mais leur nombre était de toute façon faible à Toulouse en règle générale.

59 Le cabreo de 1772 est le seul à fournir un décompte des membres des gremios et permet une comparaison avec les données exploitées à Toulouse pour saisir la population active et sa structure interne.

60 Cf. Jean Coppolani, « Bilan démographique… », art cit.

61 Cf. Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, p. 935, note 67.

62 Cf. AMT, CC 1005 [la Dalbade 1776-78] ; 1026 [la Daurade : 1773] ; 1052 [la Pierre 1772] ; 1066 [Pont-vieux 1773] ; 1074 [Saint-Bartélémy 1762] ; 1101 [Saint-Pierre 1773] ; 1122 [Saint-Sernin 1767]). La date moyenne pour ces 7 capitoulats est 1771, mais en ce qui concerne le huitième, Saint-Étienne il n’y a plus de registre au delà de 1735 (CC 1077), la date moyenne étant alors 1766-67.

63 Nous ne tiendrons pas compte ici de la mise au point de Jean-Luc Laffont, Policer la ville…, dans la mesure où celle-ci porte essentiellement sur le recensement de 1790 et que la population semble avoir fortement augmenté au cours des deux dernières décennies. À titre indicatif, on peut toutefois considérer que la répartition tirée du recensement de 1790 entre la population citadine et celle qui résidait hors les murs (1/3) correspond à celle des foyers soumis à la capitation.

64 Soit 13065 sur 48000.

65 Soit 13065 sur 53000.

66 Toulouse aurait ainsi compté 45500 habitants en 1735 et l’accroissement jusqu’en 1770 aurait représenté 7500 individus supplémentaires, soit effectivement 16,5 % de plus.

67 Il existait bien une capitation pour la noblesse et les non-taillables, en pays de taille personnelle du moins, mais elle était extrêmement modique par rapport à celle qui était acquittée par le commun des contribuables. Cf. Marcel Marion, Dictionnaire des institutions de la France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Picard, 1989 (réimpression de l’édition originale de 1923), p. 70.

68 Ainsi le comte de Fumel qui réside dans le 27e moulon du capitoulat de Saint-Étienne imposé pour 240 livres a à son service, un portier, un cuisinier, un maître d’hôtel, un valet de chambre, trois laquais, un cocher, un postillon, un palefrenier et seulement deux servantes, soit en tout 12 serviteurs (AMT CC 1077).

69 Il y a aussi le cas des couvents : si les Jacobins sont bien repérables dans le capitoulat de la Daurade par le biais de leur 8 domestiques imposé chacun 1 livre 10 sous, on ne peut à partir du rôle (AMT CC 1026) avoir une idée de leur nombre.

70 Insérés dans les 13065 actifs initialement fichés.

71 Cf. infra chapitre 5.

72 Soit 14902 sur 53000 (les 49 ecclésiastiques qui apparaissent indirectement dans l’exploitation des registres de capitation sont retirés des 13451 actifs précédemment mentionnés, auxquels sont rajoutés 1500 éléments supplémentaires).

73 Bien qu’on ne puisse être sûr qu’aucune femme n’ait été comprise au bord de l’Èbre parmi les hidalgos et autres chefs de foyer nobiliaire recensés.

74 Cf. Jacques Godechot, « L’histoire sociale et économique de Toulouse au XVIIIe siècle », Annales du Midi, 1966, p. 363-374, p. 366 et en collaboration avec Suzane Moncassin, « Structures et relations sociales à Toulouse en 1749 et en 1785 », Annales historiques de la Révolution française, 1965, p. 129-167, p. 133.

75 Soit 15002 (la dernière valeur à laquelle nous nous étions arrêtés était de 14902 actifs) sur un total de 53000 habitants.

76 Une seule cote fait apparaître la mention étudiant sur l’ensemble des huit registres.

77 Cf. Michel Taillefer, Vivre à Toulouse sous l’Ancien Régime, Paris, Perrin, 2000, p. 366. Si l’on se réfère aux travaux de Patrick Ferté, L’Université de Toulouse au XVIIe et XVIIIe siècle : étude quantitative de la population étudiante de ses trois facultés supérieures de 1679 à la Révolution, Thèse de doctorat, Université de Toulouse-le Mirail, 1978, le chiffre global des inscrits dans les trois facultés de droit (p. 71-73), de théologie (p. 76-78) et de médecine (p. 90) ne doit guère atteindre que 900. Quant à la faculté des arts, sa fréquentation, sinon ses effectifs, était très faible depuis que certains collèges avaient reçu la possibilité de dispenser un enseignement équivalent dans leurs propres classes de philosophie (cf. Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 363).

78 À Saragosse le millier d’étudiants semble avoir été largement dépassé durant les trois dernières décennies du siècle, l’effectif atteignant même le double au début des années 1780 (cf. Juan-Jaime López González, op.cit., p. 134, qui confronte les données fournies par Jerónimo Borao, Historia de la Universidad de Zaragoza, Zaragoza, Calixto Ariño, 1869, p. 188 et celles contenues dans l’ouvrage de portée plus générale de V. La Fuente, Historia de las Universidades, Colegios y demas establecimientos de enseñanza en España, Madrid, 1884-1889, vol. IV, p. 152).

79 Soit 30,1 %, proportion obtenue en retirant 84 au chiffre des actifs (ce qui donne 15918) et à celui de la population totale (qui est alors ramenée à 52916. Cependant la soustraction des 84 cotes correspondant à des professions militaires n’apparaît pas en l’occurrence légitime, car il ne s’agit pas semble-t-il de soldats encasernés et en quelque sorte coupés de la population municipale comme c’est le cas à Saragosse. Nous ne retenons donc pas ce calcul dans les pages qui suivent.

80 Il est vrai qu’à partir de 1748 les habitants de Toulouse durent accepter le passage et le logement de troupes, mais la cité « fut moins une ville de garnison qu’un centre militaire de transit » selon Jean-Luc Laffont, « La présence militaire à Toulouse dans la seconde moitié du XVIIIe siècle », Annales du Midi, n° 229, janvier-mars 2000, p. 41-64, p. 43.

81 Le calcul de Jean Coppolani, Toulouse – Étude de…, p. 100, selon lequel le nombre d’individus par famille s’établirait à 3,5 en moyenne au XVIIIe siècle semble donc largement sous-estimé. Une partie de la différence s’explique par le fait que le coefficient établi par Coppolani pour 1750 à partir des registres de capitation, s’il tient bien compte des miséreux et marginaux, ne prend pas en considération les pensionnaires des collèges, des hôpitaux et des hospices, soit au total 4000 personnes supplémentaires avec lesquelles le multiplicateur remonte à la hauteur de 4.

82 Jesús Maiso González, Rosa Maria Blasco Martínez, Las estructuras de Zaragoza en el primer tercio del siglo XVIII, Zaragoza, Diputación Provincial-Institución Fernando el Católico, 1984, p. 318-319.

83 Marc Marti, Ville et campagne…, p. 73, montre en s’appuyant sur l’exemple de Léon (cf. Jean Marc Bruigues, Économie société, mentalités en Vielle Castille au dix-huitième siècle : la ville de Léon et sa juridiction, thèse de doctorat, Université de Montpellier, 1991, annexe, p. 92) que le nombre d’enfants par feu est nettement moins élevé en ville qu’à la campagne. Ainsi peut-on considérer que plus une ville est coupée de ses attaches terriennes, moins on y trouve de feux regroupant plus de trois ou quatre enfants et plus il existe de ménages qui n’en ont pas.

84 Ibid., p. 40-41.

85 Maria Rosa Blasco Martínez dans Zaragoza en el siglo XVIII (1700-1770), Zaragoza, Librería General, 1977, p. 100, propose le coefficient 4,9, qui est également celui retenu par Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura..., p. 86.

86 Ignacio Jordán de Asso, Historia de la economia politica de Aragón, Zaragoza, (Zaragoza, Guara Editorial, 1983, réédition fac-similis de celle de 1798), p. 207-208.

87 Rapporté aux 42600 habitants du censo de 1787, non compris les pensionnaires des institutions charitables, avec lesquels le taux descendrait jusqu’à 30‰.

88 Cf. Jean Rives, « L’évolution démographique de Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin d’histoire économique et sociale de la Révolution française, 1968, p. 85-146, p.

89 Le total des décès figurant sur les registres paroissiaux au cours de la décennie 1786-1795 se monte d’après Asso, Historia de la economia..., à 5565, soit une moyenne annuelle de 556,5 sépultures par an qui est à rapporter au chiffre de la population civile (les militaires ne sont pas enregistrés dans les paroisses) en 1787, soit 38573 (cf. su p ra), chiffre qui exclut probablement une partie mais pas la totalité de la population conventuelle.

90 Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 23-24, d’après le journal de Faustino Casamayor Zeballos, Años políticos e históricos de las cosas particulares ocurridas en la Imperial y Augusta Ciudad de Zaragoza, manuscrit déposé à la bibliothèque universitaire de Saragosse.

91 Concernant la mortalité de l’hôpital, il est possible de minorer le nombre des défunts de 1786 d’un pourcentage au moins équivalent à celui qui exprime la différence entre les décès mentionnés sur les registres paroissiaux cette même année (779) et leur moyenne sur l’ensemble des dix années prises en considération par Asso (556,5), soit 28, 6 %. La mortalité annuelle moyenne et pour ainsi dire normale à l’hôpital n’atteint plus alors que 1100 décès, ce qui porte en moyenne annuelle le nombre total de sépultures à 1657 et le taux à 38,9 avec les militaires, ceux-ci devant ici être pris en compte puisqu’ils constituent aux côtés des malades, des déments et des enfants exposés une des catégories de sujets décédant à l’hôpital. En réalité cependant ce calcul est très largement faussé car la mortalité augmente vraisemblablement sensiblement plus en milieu hospitalier qu’ailleurs en période épidémique. Bien que les individus atteints par l’épidémie n’aient sans doute pas été systématiquement hospitalisés et que même en ce cas ils ne soient pas nécessairement mentionnés dans la comptabilité macabre de l’établissement, car sinon on s’expliquerait mal l’augmentation de la mortalité dans les paroisses, il y a lieu de penser que l’entassement et les conditions générales de vie dans l’enceinte de l’hôpital faisaient de ce dernier un lieu ou la morbidité était particulièrement forte en phase épidémique.

92 Selon Ignacio Jordán de Asso, Historia de la economia…, p. 209, le nombre moyen des personnes de la ville décédant à l’Hôpital est entre 600 et 650 personnes.

93 Soit le total (1181,5) du nombre moyen des sépultures dans les paroisses (556,5) et des saragossans décédés à l’hôpital (625 si l’on prend la valeur moyenne de la fourchette proposée par Asso) ramené à l’effectif de la population civile (38573).

94 Il faut alors retirer 2211 éléments à l’effectif de la population civile (cf. sur ce point infra., chapitre 4), ce qui la ramène à 36362 individus.

95 Soit le total précédemment indiqué (1181,5) majoré de 150 décès supplémentaires (1331,5) ramené à l’effectif de la population civile non communautaire.

96 Jacques Godechot, Bruno Tollon, « Ombres et lumières sur Toulouse (171-1789) », chapitres IX de Histoire de Toulouse dirigée par Philippe Wolff, Toulouse, Privat, 1974 (1e éd. 1958), p. 337-388, p. 338, probablement d’après Jean Rives, « L’évolution démographique… ». Cf. également Laffont

97 Cette approximation résulte de la mise en relation du nombre moyen annuel des décès survenus au cours de la période, tel qu’on peut l’approcher par l’analyse du graphique proposé par Jacques Godechot et Bruno Tollon, « Ombres et… » in Histoire de Toulouse, p. 339 (2090) et du total de la population en 1790 (58000). En réalité il y a sous-estimation car la seconde valeur est probablement supérieure au nombre moyen des Toulousains sur toute la décennie.

98 Soit 2043 décès (nombre moyen pour la seconde moitié du XVIIIe siècle, indiqué par Jean Rives, « L’évolution démographique… », p. 93) rapporté à l’effectif estimé de la population toulousaine vers 1770 (53000).

99 Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 88

100 Cf. sur ce point Jean Jean Coppolani, Toulouse – Étude…, p. 101-2. Ainsi selon cet auteur la sous-évaluation en ce qui concerne 1790 est de l’ordre de 6000 individus (cf. infra pour la mise en cause partielle de cette approche).

101 Les membres de Société Économique Aragonaise ont parmi leurs objectifs celui de réduire la mendicité et la prolifération de ceux qui s’y adonnent dans la cité (cf. Guillermo Pérez Sarrión, Agua, agricultura..., p. 165-166).

102 Emmanuel Le Roy Ladurie (sous la direction de), La ville des temps modernes de la Renaissance aux révolutions - Histoire de la France urbaine – III, Paris, Le Seuil, 1998 (1e éd. 1980), p. 312-313.

103 Jean Coppolani, Toulouse – Étude de…, p. 101-102.

104 Selon Juan-Jaime López González, Zaragoza a finales…, p. 137-141, ces collèges, dont aucun n’a rang de colegio mayor, sont au nombre de 12 en 1768 (7 de religieux et 5 séculiers), mais la plupart n’ont que très peu, voire plus du tout de pensionnaires. Cf. également María Dolores Palú, « La vida academica : los colegios mayores, la doceñia y la investigación », in Historia de la Universidad de Zaragoza, Madrid, Editora Nacional, 1983, p. 183-203, p. 186.

105 Cf. Michel Taillefer, Vivre à Toulouse…, p. 324.

106 Cette proportion correspond à celle qui s’observe dans le capitoulat de la Daurade qui a fait l’objet d’un traitement plus approfondi. Elle apparaît plutôt comme un minimum si l’on considère le caractère relativement industrieux du quartier et l’importance de la population demeurant en dehors des murs.

107 En ce cas cependant l’enregistrement ne se faisait peut-être que sur le brouillard (brouillon) et n’était pas reporté sur le registre

108 Jean Coppolani, Toulouse – Étude de Géographie…, p. 100. Les personnes vivant en communauté, religieux, malades, orphelins, et mendiants recueillis s’ajoutent à ce nombre pour atteindre le nombre global de 48000 habitants.

109 Ils sont en effet compris dans le total estimé de la population toulousaine vers 1770, soit quelque 53000 habitants, estimation qui repose sur le chiffre donné par C oppolani pour 1750.

110 La population municipale, composée des seuls ménage ordinaires, est appréciée pour 1770 à une valeur médiane entre 42000 et 50785, soit 46393, ce qui représente une croissance de 10,5 % depuis 1750.

111 Elle intervient à la suite de la réduction du nombre de soldats mobilisés et résulte de la signature de la paix avec la plupart des belligérants. Cf. Jacques Godechot, La Révolution française dans le Midi toulousain, Toulouse, Privat, 1986, p. 211.

112 En 1786 l’hôpital aurait hébergé 2600 adultes et 1300 orphelins, selon l’auteur (p. 102) qui s’appuie sur F.B uchalet, « L’assistance publique à Toulouse au XVIIIe siècle », Bulletin de l’Université de Toulouse – Mémoires originaux des Facultés de Droit et de Lettres, S. B., n° 2, 1904.

113 Les données ne concernent que six des huit capitoulats.

114 Cela correspond aux 2200 foyers miséreux, distraction faite de ceux qu’on peut comprendre dans la population résidant à Saint-Cyprien, soit 408, qui représentent la différence entre le chiffre de 1695 (571) et celui de 1750 (173).

115 On peut plutôt supposer que la concentration des miséreux à Saint-Cyprien reflète un processus de ségrégation spatiale de la population et correspond à une exclusion des couches dangereuses de la société hors des autres quartiers.

116 En ce cas bien sûr le chiffre retenu pour la population globale resterait 53000.

117 Soit 16502 plus 1227 foyers indigents.

118 Soit 44414 plus 4293 personnes dans l’indigence. Dans ces deux cas de figure on considère que la population a dû connaître un creux entre 1695 et 1750 et les 386 actifs supplémentaires attribués à Saint-Étienne sont conservés dans le décompte des actifs.

119 Ces chiffres ont été artificiellement revus à la baisse en retranchant l’ensemble des personnes appartenant aux 386 foyers de Saint-Étienne, soit 1351 individus si l’on applique un coefficient familial de 3,5.

Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Évolution démographique et population active à Saragosse au XVIIIe siècle
Légende (1) Padrón de 1723 exploité par Rosa Marnez et Jesús Maiso González(2) Recensement d’Aranda auquel fait référence Guillermo Pérez Sarrión(3) Recensement de Floridablanca exploité par Guillermo Pérez Sarrón et Antonio Moreno Almárcegui et auquel se réfèrent Juan-Jaime López González ainsi que José Antonio Armillas Vicente et Fernando Solano Costa(4) Chiffre donné par un ecclésistique saragossan auquel se réfère Antonio Dominguez Ortiz et Francisco Asín Remírez de la Esparza
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/36428/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 54k
Titre Tableau 2 : Évolution démographique et population active à Toulouse au XVIIIe siècle(1)
Légende (1) à partir des registres de la capitation et du recensement de 1790(2) d’après les hypothèses de Jean Coppolani pour 1750 et 1770(3) hypothèse médiane
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/36428/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 77k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search