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Toulouse, une métropole méridionale

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Bernadette Suau
, 
Jean-Pierre Almaric
, 
Jean-Marc Olivier

Savoirs et transmission des connaissances

Un centre d’archives régionales créé à Toulouse par l’ordre de Malte aux xviie et xviiie siècles

Bernadette Suau

Résumé

Dans le cadre de la Contre-Réforme catholique, l’ordre de Malte mène une politique de centralisation des archives abandonnées dans des commanderies souvent ruinées par les guerres de Religion. Dans les années 1630-1640, le grand prieuré de Toulouse entreprend une première campagne d’archivage, de classement et de rédaction d’inventaires qu’accompagnent la nomination d’un « archivaire » et un aménagement de locaux dans la tour de l’hôtel Saint-Jean. Un siècle plus tard, la salle d’archives est transformée en une magnifique bibliothèque où les archives seront conservées jusqu’au Premier Empire. Malgré des pertes regrettables, le fonds de Malte constitue aujourd’hui l’un des fleurons des Archives départementales de la Haute-Garonne.

Texte intégral

  • 1 Arch. dép. Haute-Garonne, Séries H et H Malte.

1Le fonds d’archives, appelé fonds de Malte, qui nous a été transmis par l’ordre des hospitaliers installés dans le grand prieuré de Toulouse et qui est conservé aux Archives départementales de la Haute-Garonne1, représente près de 500 mètres linéaires pour environ 8 000 articles.

  • 2 Le nombre des commanderies a varié au cours de la période moderne. Voir la carte publiée par Pierre (...)
  • 3 En 1764, 18 commanderies sont citées : Arch. dép. Haute-Garonne, H 248, pièces 23-24. Mais parmi le (...)
  • 4 Saint-Gilles a acquis le statut de grand prieuré dès le xiie siècle. Le titre de grand prieuré n’a (...)

2Il comprend, d’une part, les documents généraux de l’Ordre, statuts et privilèges notamment, complétés par les archives du grand prieuré, et, d’autre part, les archives produites par 43 commanderies réparties dans le grand sud-ouest de la France : de l’Atlantique à l’ouest, avec Bordeaux et Bayonne, au Larzac à l’est, avec Millau et Sainte-Eulalie-de-Cernon, et, plus au sud, Narbonne et Pézenas. La limite nord correspond à celle des diocèses de Périgueux, Cahors et Rodez ; la limite sud longe les Pyrénées, avec une exception à chaque extrémité, le pays basque rattaché au grand prieuré de Navarre et la Catalogne tournée vers la Catalogne espagnole. La particularité de ce fonds de Malte est de regrouper non seulement les archives des 26 commanderies2 du grand prieuré de Toulouse mais aussi celles des 17 commanderies3 situées en Quercy, Rouergue, Albigeois et dans une partie du Languedoc, et qui dépendaient du grand prieuré de Saint-Gilles4, par ailleurs beaucoup plus ancien que celui de Toulouse ; les deux prieurés formant la langue de Provence (fig. 117).

  • 5 Voir la présentation des fonds de chaque grand prieuré dans Joseph Delaville Le Roulx, Cartulaire g (...)

3Cette centralisation des archives à Toulouse, et il en fut de même dans les chefs-lieux de tous les grands prieurés de l’Ordre5, n’est pas le fait du hasard, ne doit rien aux tourmentes révolutionnaires, mais a été voulue et imposée par les grands maîtres de l’Ordre à Malte, puis exécutée, non sans difficultés, avec beaucoup de lenteur et réticences, par les grands prieurs et commandeurs, dans le ressort de leur circonscription.

  • 6 Toulouse, ancien grand prieuré de Saint-Jean de Jérusalem, Projet de recherche et fouille sous la d (...)

4Il a fallu en effet bien plus d’un siècle (1630-environ 1750-1760) pour réunir toute cette documentation à Toulouse, dans l’hôtel prieural Saint-Jean – qui, après restauration, abrite aujourd’hui la Direction régionale des Affaires culturelles, et qui fait l’objet d’un projet de recherche, sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, regroupant archéologues, historiens et historiens de l’art6.

5Il n’est guère possible, dans le cadre de cette communication, de retracer les différentes péripéties qui racontent le transfert et la centralisation à Toulouse des archives de toutes les commanderies concernées ; nous avons choisi de n’en présenter que deux épisodes, majeurs à notre avis et méritant une étude plus approfondie : ils correspondent à une première campagne (1620-1640) d’archivage et de centralisation, commune à l’ensemble des grands prieurés de l’Ordre, et, cent ans plus tard (1730-1750), à une seconde période d’aménagement de locaux et de classement d’archives, avec des réalisations propres au grand prieuré de Toulouse.

Avant 1620

Une préoccupation quasi permanente depuis le Moyen Âge

6L’ordre des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, devenu ordre de Malte à l’époque moderne, a toujours montré pour la conservation de ses archives – surtout celle des privilèges et des titres féodaux, témoignages en principe authentiques et preuves indispensables pour se défendre dans tout litige –, un intérêt et un attachement qui méritent d’être soulignés.

  • 7 Antoine Du Bourg, Histoire…, ouv. cité, ici p. 72 (templiers) et 37 (hospitaliers).- Voir aussi Pat (...)

7À Toulouse, les premières mentions connues datent du début du xiiie siècle, lors de la Croisade dite des Albigeois, et sont liées à des événements dramatiques. Un acte de 1221 nous apprend ainsi que les chartes de l’ordre du Temple ont en partie disparu dans l’incendie de la maison templière de Toulouse, sans doute en 1216, lorsque Simon de Montfort donna l’ordre de mettre le feu à la ville, tandis qu’en 12177 leurs voisins les hospitaliers assistent impuissants à la violation de leur église et au vol de certains documents qui se trouvaient dans une armoire (vestiarium), placée derrière le maître autel de leur église dédiée à saint Rémi, mais qui a pris par la suite le vocable de Saint-Jean-Baptiste, patron des hospitaliers.

  • 8 A. Du Bourg, « Prise de possession par les hospitaliers de la maison du Temple de Toulouse », MSAMF(...)

8Les archives du prieuré Saint-Jean de Toulouse sont donc alors conservées derrière le maître autel de l’église, dans un espace privilégié et qui semblait à tort sécurisé ; cependant, le nombre des documents avait dû considérablement augmenter, puisque cette période (1180-1230) est marquée par l’extrême générosité des Toulousains à l’égard des hospitaliers – et, dans une certaine mesure, à l’égard des templiers ; les donations se multiplient et vont permettre aux deux Ordres de se constituer un formidable patrimoine foncier. En réalité, on ne connaît pas les conditions de conservation de ces archives, mais on a la preuve qu’au début du siècle suivant, au moment de la suppression de l’ordre de la milice, il existait, dans la maison du Temple, une chambre de la trésorerie, pourvue d’une armoire contenant plusieurs sacs remplis de manuscrits8.

  • 9 Arch. dép. Haute-Garonne, H 240.
  • 10 Idem, ha en la tor en bas, extrait de l’inventaire de 1428, bien identifié par D. Watin-Grandchamp.

9Quelques décennies plus tard (1347-1428)9, les chartes, privilèges et titres féodaux des hospitaliers, et des templiers, ont été rassemblés dans des coffres, « arcae », avec les ornements, vêtements et objets liturgiques, dans la salle du trésor, appelée aussi « thesauria », de l’hôtel prieural, située au rez-de-chaussée de la tour10, récemment construite, qui s’appuie contre l’église Saint-Jean et qui communique avec elle. Car la documentation archivistique devient considérable : elle comprend désormais, non seulement les archives produites par la commanderie de Toulouse, mais aussi celles qui émanent de la gestion du grand prieuré.

  • 11 Toulouse, musée Paul-Dupuy. Nous remercions Dominique Watin-Grandchamp, qui nous a conseillé pour l (...)

10En effet, au début du xive siècle et après la suppression des templiers, le prieuré de Toulouse a pris le statut de grand prieuré ; comme toute maison seigneuriale digne de ce nom, il s’est doté d’une tour de prestige, sans aucun rôle défensif, même si la partie supérieure de cette tour carrée est crénelée. La tour Saint-Jean, appelée, à l’époque moderne, tour des archives, était une haute et belle construction en briques, à quatre niveaux, qui s’élevait contre l’abside de l’église ; si elle n’a laissé aucun vestige archéologique, elle est très souvent décrite dans les textes (visites générales) et elle figure sur tous les plans anciens et gravures de la ville, mais de façon peu fiable et peu fidèle, comme Collignon la représente par exemple en 1642 dans sa « Veue particulière de Toloze » (fig. 118)11.

  • 12 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353, fol. 378.

11Aucun texte ni aucun inventaire ne nous renseigne sur le sort des archives hospitalières pendant les deux siècles qui vont suivre (1428-1628). La salle du trésor a t-elle été maintenue au rez-de-chaussée de la tour Saint-Jean ? Les archives y sont-elles restées, alors que l’établissement toulousain était transformé en collégiale (vers 1472)12 ou bien ont-elles accompagné l’administration du grand prieuré au château de Fronton, devenue maison prieurale ? Autant de questions qui à ce jour restent sans réponse.

  • 13 Idem, H Malte Toulouse 25 : acte de 1324.- A. Du Bourg, Histoire…, ouv. cité, p. 44.
  • 14 Cité par A. Du Bourg, p. 21.

12Quant à la tour Saint-Jean, dont le premier étage servait, au Moyen Âge, de salle d’honneur et de réunion13, elle ne symbolise guère plus le pouvoir seigneurial, mais conserve une fonction sécuritaire : en 1589, en effet, on y enferma le président Duranti, « pour le soumettre à une garde plus sévère et plus sûre »14. C’est la période des guerres de Religion, à l’origine de troubles et d’événements tragiques mais aussi de profonds changements politiques, économiques, religieux, sociaux, etc.

1620-1640

Des intérêts menacés

13Pourquoi l’ordre de Malte se lance t-il, dans les années 1620, dans une politique de centralisation des archives et entame t-il une première campagne générale d’archivage ? Telles sont, bien sûr, les premières questions que l’on se pose.

  • 15 « … la fréquence des procès par devant le parlement de Toulouse et la nécessité ainsi de pouvoir di (...)
  • 16 A. Du Bourg, Histoire…, ouv. cité, P. J., n° 2, d’après H Malte Golfech 4.

14Les débuts du xviie siècle correspondent à la Contre-Réforme catholique ; alors que la rébellion protestante se poursuit encore, notamment dans le Midi de la France, l’Église tente de remédier aux conséquences de la Réforme et des guerres de Religion. Elle essaie de remettre de l’ordre dans ses affaires et en particulier de récupérer les droits et les possessions perdus, abandonnés et surtout usurpés. Mais pour revendiquer ces possessions et leur revenu et pour gagner les procès qu’il faudra, pour ce faire, intenter, pour la région, devant le parlement de Toulouse15, il est nécessaire avant tout d’apporter des preuves et de fournir les titres féodaux qui, pour le moment, sont dispersés dans des commanderies, pour la plupart ruinées par les guerres de Religion. Pour le seul grand prieuré de Toulouse, elle est longue en effet la liste établie en 158816 des commanderies complètement saccagées et pillées. Les grands prieurs eux-mêmes ont dû abandonner le château de Fronton, incendié en 1567, puis réintégrer l’établissement toulousain qu’ils avaient pourtant délaissé depuis longtemps. La plupart des commandeurs ont déserté eux aussi leurs commanderies et résident le plus souvent à Malte, qui présente sans doute plus d’attraits, mais où la gestion et la sécurité de l’Ordre expliquent également leur présence auprès du grand maître. Cet absentéisme ne pouvait donc qu’entraîner la perte irrémédiable des fonds des commanderies, voués à l’abandon et pourtant devenus indispensables.

  • 17 La proximité de Toulouse était le second argument. Sinon les archives du grand prieuré de Saint-Gil (...)
  • 18 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353, 1708, 1719.
  • 19 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 48 (1643) ; Arch. dép. Haute-Garonne, H 248, pièces 23-24, 1758-1 (...)

15Poursuivre et intenter des procès devant le parlement de Toulouse, c’est aussi l’argument mis en avant pour justifier le regroupement, dès la première moitié du xviie siècle, des archives des 17 commanderies qui dépendaient pourtant du grand prieuré de Saint-Gilles mais qui se trouvaient dans le ressort du parlement de Toulouse et qui, en outre, étaient considérées comme proches de la capitale du Languedoc (fig. 117)17. Au siècle suivant, le dépôt à Toulouse est souvent remis en cause18. Puis Saint-Gilles renoncera définitivement à récupérer « ses » archives par manque de financement et de place19.

Grands maîtres et grands prieurs : des hommes compétents et motivés

  • 20 Salle d’archives toujours visible dans les bâtiments de l’ancienne commanderie, aujourd’hui musée R (...)
  • 21 Il s’agit de Jean Raybaud, le premier d’une dynastie d’archivistes et en même temps secrétaires de (...)
  • 22 Paul Antoine Robin de Graveson termina sa carrière comme grand prieur de Toulouse (1668-1673). C’es (...)
  • 23 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 39. Le registre, « livre du chargement des papiers », commencé le (...)

16Et pourtant dans la langue de Provence, le prieuré de Saint-Gilles qui, dès 1600- 1610, avait abandonné complètement Saint-Gilles pour s’installer dans sa commanderie d’Arles, a, dans le domaine archivistique, quelque peu devancé celui de Toulouse : en 1625 déjà, la salle d’archives20 est construite et un poste d’archiviste créé21, les premiers classements sont entrepris, sous la direction du jeune chevalier Paul Antoine de Robin Graveson22, et les premiers « chargements »23 de papiers provenant des commanderies du prieuré sont effectués.

  • 24 L. de Santi, « Sébastien de Paulo et les Paulo de Sainte-Foy, notes d’histoire locale (1594-1709) » (...)
  • 25 L’exemplaire que nous avons consulté est conservé à Paris, à la Bibliothèque des Arts décoratifs, R (...)

17En même temps, l’Ordre est dirigé par Antoine de Paulo24, d’une famille toulousaine célèbre, qui, après une brillante carrière, commencée dans le ressort du grand prieuré de Toulouse (Caubins, Morlaas), et poursuivie dans celui de Saint-Gilles (Marseille, Sainte-Eulalie, Lacapelle et Saint-Gilles, 1621-1622), devient grand maître à Malte et le reste de nombreuses années (1622-1636). Son rôle dans la rénovation de l’Ordre, pendant la période de la Contre-Réforme, et dans la sauvegarde des fonds d’archives menacés de disparition, a été, semble t-il, essentiel. C’est lui qui a fait éditer, pour la première fois, en 1629 la traduction française d’un ouvrage, qui lui est dédié, dont la reliure porte ses armoiries et qui a été rédigé par Giacomo Bosio, puis traduit et complété par S. de Boissat et J. Baudouin, et enfin publié par frère Anne de Naberat, originaire du Périgord, commandeur de Saint-Jean d’Aix, conseiller et aumônier de la reine Anne d’Autriche25. Il s’intitule Histoire des chevaliers de l’ordre de S. Jean de Jérusalem, contenant leur admirable institution et police, la suite des guerres de la Terre saincte où ils se sont trouvéz et leurs continuels voyages, entreprises, batailles, assauts et rencontres […] On y trouve certes retracés chronologiquement tous les épisodes fort mouvementés de l’histoire de l’Ordre jusqu’à la fin du xvie siècle, ainsi que la vie des grands maîtres des origines à de Paulo. Sont rappelés, bien sûr, les statuts et privilèges de l’Ordre, mais tout un livre est consacré à la réglementation qui régit le recrutement des chevaliers et des autres frères, à la gestion et à l’administration des biens, à la tenue des registres de reconnaissances féodales et à la confection des terriers, ou encore à l’organisation et au déroulement des visites générales, des visites d’« améliorissements », à leur périodicité, conformément aux décrets du concile de Trente. D’ailleurs, à l’image des visites pastorales pour les diocèses, s’organisent les premières visites générales des commanderies, nouveau régime, beaucoup plus détaillées qu’auparavant ; elles débutent en 1634, dans le grand prieuré de Saint-Gilles, en 1636, dans celui de Toulouse. On comprend dès lors l’importance qu’il faut accorder à la conservation des archives, preuves indispensables pour mener à bien cette politique de rénovation..

  • 26 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte inv. 42, fol. 1 r°.- BnF, ms. fr. 6456.

18Le successeur d’Antoine de Paulo, le grand maître Paul de Lascaris-Castellane (1637-1657), qui lui aussi fait carrière en langue de Provence (ancien commandeur de Saint-Félix de Sorgues, puis bailli de Manosque), poursuit l’œuvre entreprise par son prédécesseur, demande notamment que les archives soient classées et exige, par décret du 7 août 1638, qu’un inventaire soit dressé pour chaque commanderie26.

La première campagne d’archivage au sein du grand prieuré de Toulouse

  • 27 Il existe même peut-être un lien de parenté entre Paul Lascaris de Castellane et Georges de Castell (...)
  • 28 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 105, fol. 169 r°.
  • 29 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 413. Personnage essentiel au sein du grand prieuré de Toulou (...)

19À la même époque, le grand prieuré de Toulouse est confié successivement à Joachim de Montaigut-Fromiguières (1622-1630), puis à Georges de Castellane d’Aluys (1630-1645). Eux aussi sont issus de la langue de Provence ; ils partagent sans doute le point de vue de leur supérieur hiérarchique, qu’ils doivent bien connaître27. Ils prennent des mesures de sauvegarde et entreprennent une campagne de prospection et de ramassage des archives des commanderies du grand prieuré, sous l’influence également du commandeur de Bordères et de La Cavalerie (près d’Auch), Denis Polastron de la Hillère, « receveur général et économe » de l’Ordre en 162628, qui sera la véritable cheville ouvrière de la première visite générale de 1636-163729.

20Plusieurs actions sont alors menées quasi simultanément.

Prospection, ramassage et inventaires

  • 30 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte inv. 40, n° 123.
  • 31 Idem, H Malte reg. 413, fol. 491 v°.

21Comme pour le prieuré de Saint-Gilles, mais avec quelques années de retard, on procède au regroupement à Toulouse des fonds des commanderies. Dans le fonds toulousain cependant, il n’existe pas de « livre de chargement » des papiers ; on ne connaît donc pas précisément les conditions qui ont accompagné l’organisation de la première campagne de ramassage, ni l’autorité qui a décidé de traiter non seulement les commanderies rattachées au grand prieuré de Toulouse, mais aussi celles du grand prieuré de Saint-Gilles relativement proches de Toulouse. Cependant l’accusé de réception, dont fait état en 163530 la commanderie de Bayonne après la remise de ses archives à Toulouse, prouve que l’opération est en cours, tout comme la visite générale de 1637 qui précise que les archives des commanderies sont placées dans de vieux coffres et entreposées au deuxième étage de la tour Saint-Jean31.

  • 32 Commanderies du grand prieuré de Toulouse : Argentens, Bayonne, Bordères, Caignac, Caubins (plus an (...)

22Mais toute documentation est inexploitable et inutilisable, si elle n’est pas au préalable classée et inventoriée, comme l’a bien compris le grand maître de Malte, Paul de Lascaris-Castellane. C’est d’ailleurs la liste des inventaires rédigés, à sa demande, et datés de 1635 à 1645 qui permet de connaître les noms des commandeurs et commanderies (un tiers environ et non des moindres) ayant accepté de confier leurs archives au grand prieur et de constater que les commanderies du grand prieuré de Saint-Gilles sont aussi concernées par cette opération32.

  • 33 L’inventaire du xviie siècle (H Malte inv. 128 bis, 2 Mi 736), qui se présente sous forme de cahier (...)
  • 34 Certains inventaires ont une reliure en cuir, comme Pexoria (H Malte inv. 109), mais Pexiora était (...)

23Tous les inventaires adoptent le même plan. Une commanderie est une seigneurie ecclésiastique. Elle comprend la maison mère ou chief (chef) de la commanderie et un certain nombre de membres qui constituent autant de petites seigneuries. Les inventaires, après classement des documents, énumèrent et analysent pièce à pièce les titres féodaux par site et par ordre chronologique, en commençant par le chief de la commanderie, et en poursuivant par les membres, l’un après l’autre. Ces premiers inventaires ne tiennent compte que des documents médiévaux sur parchemin qui, il est vrai, sont majoritaires en ces premières décennies du xviie siècle. Signalons aussi le classement et l’inventaire de la très importante commanderie de Toulouse, devenue grand prieuré, avec un plan plus complexe33. Ces premiers inventaires ont le plus souvent une présentation simple : modestes cahiers plus ou moins épais, dotés d’une reliure souple, quelquefois cartonnée ou en parchemin34.

  • 35 F. Pasquier, B. Faucher, Inventaire sommaire des Archives départementales de la Haute-Garonne, séri (...)

24On notera cependant que l’administration générale du grand prieuré n’a pas fait l’objet, sous l’Ancien Régime, d’un inventaire. Il faudra attendre la fin du xixe siècle et le début du xxe pour qu’il soit rédigé et même publié35.

  • 36 Nous avons fait une étude sur la commanderie de Bayonne : « La commanderie Saint-Jean de Jérusalem (...)

25En réalité, les conditions de classement des archives et de rédaction de ces premiers inventaires, que nous n’avons pas véritablement étudiés à ce jour, nous échappent. Comme ils ne sont pas signés, nous n’en connaissons guère les auteurs, ni le mode de recrutement. Nous savons simplement que le « feudiste » chargé du premier répertoire de la commanderie de Bayonne s’appelait Pechaudy36.

26Par contre, il a été possible de mieux cerner et de connaître le rôle joué par le responsable en titre des archives au sein du grand prieuré, appelé l’archivaire.

Nomination d’un archivaire

  • 37 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte résidu 1.
  • 38 Le logement « officiel » de l’archiviste est situé près de la tour des archives. C. Barthélemy et P (...)
  • 39 Il meurt en 1658, Paris, BnF, ms fr. 6456, fol. 230.
  • 40 Il suffit de regarder les registres notariés de Guillaume Lacombe, entre 1660 et 1680 environ, pour (...)

27Car pour classer et inventorier des documents, il faut du personnel. Pour le grand prieuré de Toulouse, on doit attendre le décret du 23 février 1640 (au moins 15 ans après Saint-Gilles) du même grand maître Paul de Lascaris37, qui fait suite à un vœu du chapitre provincial réuni l’année précédente, et qui prévoit la nomination d’un « archivario » chargé de la conservation des écritures et des titres. Le décret précise, en outre, que cette fonction doit être confiée à un religieux de l’Ordre (contrairement à Saint-Gilles), assigné à résidence, « entro la casa priorala », et qui percevra un salaire annuel de 150 livres. Jusqu’à la Révolution, le décret est respecté. Le poste est toujours dévolu à un prêtre collégiat du grand prieuré, c’est-à-dire à l’un des sept chapelains de la communauté collégiale fondée à la fin du Moyen Âge pour assurer le service religieux dans l’église Saint-Jean et la chapelle Saint-Léonard toute proche. Il dispose d’un appartement, au sein du grand prieuré, véritable logement de fonction38. Ses honoraires ne vont pas augmenter au siècle suivant, mais certains archivistes sauront trouver d’autres sources de revenus. Il est vrai que la fonction n’est confiée qu’aux prêtres collégiats assumant déjà des responsabilités importantes et jouant un rôle majeur au sein du grand prieuré ou de la collégiale. Le premier d’entre eux, Claude Barthélemy (1640-1658)39, tout en étant syndic des collégiats, est aussi secrétaire du prieuré et assiste ainsi à tous les chapitres provinciaux. Son successeur Pierre Brunet, sacristain et recteur de la collégiale, est également secrétaire du chapitre, très présent dans tous les contrats passés en 166840, pour la reconstruction de l’hôtel prieural. Véritable éminence grise du grand prieuré, le secrétaire-archiviste voit encore, au siècle suivant, ses pouvoirs s’affirmer et se confirmer.

Les locaux : la tour Saint-Jean ou tour des Archives (fig. 119)

28Il faut enfin, pour accueillir, garder et conserver des archives, des locaux adaptés, offrant des garanties de conservation, notamment de sécurité.

29C’est, semble t-il, le grand prieur Fromiguières, déjà cité, qui a pris la décision, pour des questions de sécurité et peut-être en prévision de l’arrivée des papiers des commanderies de son grand prieuré, d’affecter, à la conservation des archives, les deux salles nobles situées aux premier et deuxième étages de la tour Saint-Jean. Ces vastes salles (50 m2 chacune environ) offrent en effet de bonnes garanties contre l’humidité, l’incendie et surtout le vol. Elles sont toutes les deux voûtées, carrelées, bien éclairées, dotées de murs épais et elles ne sont reliées à l’extérieur que par un seul escalier qui permet d’accéder à une unique porte d’entrée double, fermée à clef et située à l’extrémité nord de la première salle. On ne peut atteindre la seconde salle que par un escalier intérieur, construit dans le mur de la première et menant aussi au sommet de la tour Saint-Jean (quatrième niveau).

  • 41 Le problème de la sécurité des archives apparaît dans les délibérations du chapitre, notamment dans (...)

30De plus, Fromiguières prévoit un équipement neuf pour la salle du premier étage, destinée à abriter en premier les titres du grand prieuré et des chambres prieurales. Il fait l’acquisition d’armoires toutes neuves fermant à clef. Ce problème de clefs est d’ailleurs récurrent41, presque obsessionnel ; la garde de la clef des archives est une vraie responsabilité, d’autant qu’il est interdit de sortir et d’emprunter des titres féodaux. Il faut croire que le local offre toutes les garanties de sécurité puisqu’on y dépose aussi les coffres en noyer contenant l’argent de la recette du grand prieuré.

  • 42 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 413, fol. 491 v°.

31Les grands prieurs Fromiguières et Castellane vont donc privilégier les titres du grand prieuré et des chambres prieurales qu’ils installent dans la salle noble du premier étage, tandis qu’« une quantité d’armoires et caisses vieilles », contenant les titres des diverses commanderies sont rassemblées et reléguées au deuxième étage, chaque armoire « ayant un écriteau pour montrer de quelle commanderie sont les titres qui sont dedans »42.

1730-1750

Une salle d’archives de prestige digne du nouvel hôtel prieural

  • 43 On sait qu’en 1680, H Malte reg. 416, la salle du premier étage comptait 12 armoires, 4 caisses et (...)

32Au cours de la seconde moitié du xviie siècle, tandis que l’on assiste à la grande opération de reconstruction d’une grande partie de l’hôtel prieural au cours de deux campagnes de travaux (1668-1673 et 1680-1685), le classement des archives provenant des commanderies se poursuit, comme ailleurs, lentement sans doute et de façon épisodique, pour aboutir à un renouvellement ou à un complément d’inventaires dans les années 169043.

  • 44 Arch. dép. Haute-Garonne, H 310.

33Mais dès les premières décennies du xviiie siècle, les institutions d’Ancien Régime, laïques et religieuses, vont tout faire pour, de nouveau, rechercher les titres féodaux, les titres de noblesse, tenter de récupérer des droits qui se perdent, renouveler les registres de reconnaissances féodales et les livres terriers, et donc procéder au classement de leurs archives qu’elles confient à des feudistes. Nous ne citerons pour Toulouse qu’un seul exemple : le fonds de l’abbaye de Saint-Sernin, classé par le feudiste Claude Cresty entre 1728 et 1732. Le Roi, lui-même, dans sa déclaration du 26 avril 1738, demande que les titres anciens soient envoyés à Paris, afin d’avoir confirmation des privilèges44.

34Le grand prieuré de Toulouse lui aussi se lance dans un nouveau programme archivistique. Il correspond aux années 1730-1755 et révèle un aménagement tout à fait original qui va transformer une simple salle d’archives, installée certes déjà dans un cadre grandiose, en une prestigieuse salle, digne des grandes bibliothèques du milieu du xviiie siècle, rappelant ainsi que la même salle servait déjà au Moyen Âge (xive-xve siècles) de pièce d’apparat.

L’œuvre de deux hommes : l’archivaire Jean-Baptiste Marquez et le bailli et grand prieur Henry-Louis de Chalvet

Jean-Baptiste Marquez

  • 45 Il passe en 1742 une convention avec les prêtres de Bétharram où il va finir ses jours. Il décède l (...)
  • 46 Il est qualifié de prêtre d’obédience. Simples curés d’église ou de chapelles hospitalières, les pr (...)
  • 47 Idem, H 353, 30 mai 1729.
  • 48 Idem, H 308, 353, H Malte reg. 594 : Marquez entreprend notamment des travaux dans l’église collégi (...)
  • 49 Idem, H 191.
  • 50 Sur ses fonctions, charges et revenus, voir aussi : H 300, 308, 310, 329, 353, 411. En tant que pro (...)
  • 51 Arch. dép. Haute-Garonne, fonds collégiat, liasse 36.
  • 52 Idem, H 353, 25 mai 1732.

35C’est l’œuvre de deux hommes très différents l’un de l’autre et néanmoins complémentaires. Le premier, l’archivaire Jean-Baptiste Marquez, d’origine modeste, natif du Béarn45, ne manque pas d’ambition, même s’il ne peut prétendre au titre de chevalier. Mais il est prêtre collégiat de Saint-Jean46, comme le prévoyait le décret de 1640 ; il est fortement soutenu par deux commandeurs, Octave de Galléan (1719 – 1731) et surtout Charles d’Ayguières-Frignan (1733-1743). Il cumule les charges – archiviste, secrétaire du chapitre en 172947, procureur fiscal (il passe toutes les commandes et signe toutes les quittances48), puis procureur général du grand prieur d’Ayguières – et cumule aussi les revenus qui les accompagnent. Il perçoit 150 livres par an d’honoraires, plus les 200 livres versées à chaque prêtre collégiat, et touche plusieurs pensions : sur la commanderie de Marseille49, celle de Condat, une métairie dans le diocèse de Lescar50, ainsi que les revenus de la chapellenie de Saint-Léonard (depuis 1737)51. Il fait preuve cependant d’un certain « désintéressement » et va jusqu’à proposer d’entreprendre gratuitement la vaste opération d’archivage prévue. Une récompense devrait toutefois lui être accordée52.

  • 53 Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, registre paroissial de Lestelle-Bétharram. Il est enterré dans la (...)
  • 54 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353.
  • 55 Idem, H 353, 28 mai 1731, fol. 331-333 : il veut trier les « papiers utiles » parmi les neuf ou dix (...)
  • 56 Voir la note 21.
  • 57 Idem, H Malte Toulouse résidu 1.
  • 58 Idem, H Malte reg. 420, fol. 101 v. (1724), vieux corps de logis ; H 310 (1735), nomination d’un ex (...)

36Véritable éminence grise du grand prieuré, omniprésent entre 1729 et septembre 1744, date de son décès, à l’âge de 47 ans53, chez les prêtres chapelains de Bétharram, il présente son programme archivistique étayé par un plan figuré (malheureusement perdu) devant les chapitres provinciaux de 1730 et 173254, avec aménagement des lieux et une nouvelle méthodologie : il offre ainsi de faire la triaille55des documents, de dresser un cadre de classement, en cinq articles, qui concerne surtout les fonds des commanderies et non celui du grand prieuré (à la fois thématique, chronologique et topographique), qui réactualise les inventaires anciens et qui s’inspire des travaux réalisés et des inventaires dressés trente ans plus tôt en Arles par le notaire archiviste Antoine Raybaud56. Le projet de Marquez est approuvé à tous les échelons de la hiérarchie, notamment par le bailli de la langue de Provence (Henry-Louis de Chalvet), mais, en 1731, le décès d’Octave de Galléan empêche toute réalisation immédiate. Même si, par décret du Conseil tenu à Malte, en 1733, sous l’autorité du grand maître Antoine Manuel de Vilhena, il est confirmé dans ses charges d’archiviste et de secrétaire du grand prieuré57, Marquez doit attendre plusieurs années, pour entreprendre véritablement les premiers travaux. Il commence par la réfection de son appartement, logement de fonction (fig. 119), mitoyen de la tour (angle sud-est), qui avait été délaissé par ses prédécesseurs immédiats, pour cause de vétusté58.

  • 59 En réalité, cette porte avait déjà été percée au siècle précédent par l’archiviste Pierre Brunet, q (...)
  • 60 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte Toulouse résidu 1, H 353.
  • 61 Idem, H Malte dépenses 19 bis.

37Puis il prévoit les travaux de restauration et d’aménagement des locaux d’archivage. Il n’hésite pas à faire percer de nouveau une porte59 dans la muraille de la tour, dont on sait que l’épaisseur en sa partie inférieure atteint 1,80 à 2 mètres, pour pouvoir communiquer directement de son appartement et du bureau de travail qu’il a fait aménager avec la salle d’archives du premier étage. Mais le Conseil de la langue de Provence et le grand maître à Malte, par décret du 17 septembre 1738, donnent l’ordre au grand prieur de murer ladite porte, « pouvant être préjudiciable à la sûreté des archives »60. Marquez se préoccupe alors de la mise hors d’eau de la tour Saint-Jean, dont la partie supérieure, la toiture et les créneaux font l’objet de travaux en 1740 et 1741, par le maçon Antoine Pelfort, le charpentier Jean Raynaud et le couvreur Dominique Bailac, suivant un contrat passé le 21 février 1741, « pour faire en bonne massonerie, une plate forme en impérialle, à quatre pentes d’eau…, ensemble de regarnir et recrépir les creneaux de la double cinture de ladite tour… »61.

Henry-Louis de Chalvet de Rochemonteix (28 juin 167162-30 décembre 1754)63

  • 62 Date de naissance, d’après J. Levillain, La France moderne, grand dictionnaire généalogique, histor (...)
  • 63 B. Suau et Pierre C. Lile, « Les derniers jours d’un grand prieur toulousain ou une prescription d’ (...)
  • 64 Nous avons un doute sur cette fonction qui semble avoir été assumée aussi par son frère Joseph de C (...)
  • 65 Idem, H 353, p. 554.
  • 66 Idem, H 198 : « Disposition du ‘quint’ faite par le vénérable bailly de Chalvet, grand prieur de To (...)
  • 67 L’état des travaux d’« améliorissements », réparations et décorations de l’hôtel prieural par Chalv (...)
  • 68 Cette dalle, aux armes des Chalvet, aujourd’hui conservée au musée des Augustins de Toulouse, était (...)

38C’est alors que le bailli Henry-Louis de Chalvet de Rochemonteix (fig. 120 et 121), déjà âgé, prend ses fonctions de receveur général du grand prieuré de Toulouse64, responsable des finances et mandaté officiellement le 1er juin 174165 pour superviser le projet de Jean-Baptiste Marquez, approuvé dix ans plus tôt. Désormais, Jean-Baptiste Marquez doit rendre des comptes à ce haut dignitaire qui entend faire preuve d’autorité et remplir pleinement ses fonctions. Et pourtant, Henry-Louis de Chalvet vit comme un grand seigneur du milieu du xviiie siècle, habitué au faste, au prestige, et pour ce faire, à dépenser sans compter : pour s’en convaincre, il suffit de consulter les commandes, devis et quittances qu’il a signés de 1742 à sa mort fin 175466, en tant que bailli, receveur général, commandeur de la Selve (Aveyron) et enfin grand prieur de Toulouse (1749-1755), pour des achats à titre personnel (vêtements, vaisselle, pièces d’orfèvrerie, mobilier), ou dans l’exercice de ses fonctions (surtout travaux de décoration dans l’hôtel Saint-Jean, salle prieurale, commande de tableaux au peintre Rivalz, réfection des greniers)67, autels en marbre pour l’église Saint-Jean, pavement en pierre grise et blanche, dalle funéraire en marbre de diverses couleurs pour son frère Joseph de Chalvet, commandeur de Rayssac (Tarn), décédé en janvier174768.

  • 69 Aliette Neyret- Jallifier, « Le château de Merville », Toulouse et Comminges, Congrès archéologique (...)

39Mais Henry de Chalvet est aussi un homme de culture. Il appartient à l’aristocratie éclairée des parlementaires toulousains, car il est le fils de Jacques François de Chalvet qui a dressé l’inventaire de la bibliothèque de Merville et il est l’oncle d’Henry Auguste de Chalvet, grand sénéchal de Toulouse, qui, de 1743 à 1759, fait reconstruire le château de Merville, où se trouvent encore deux tableaux représentant le grand prieur, lequel d’ailleurs avait participé au financement nécessaire à cette construction69.

Une prestigieuse salle d’archives (1743-1745)

  • 70 Arch. dép. Haute-Garonne, H 434. Nous remercions Marc Comelongue qui nous a communiqué la référence (...)
  • 71 Ces données permettent de connaître la hauteur approximative de la salle d’archives. Le départ de l (...)
  • 72 Ses armoiries figurent sur le cachet de cire apposé sur la « Déposition du quint » déjà citée : « d (...)
  • 73 Arch. dép. Haute-Garonne, H 434.

40Or c’est en août 1743 précisément qu’un devis70 est établi entre le bailli de Chalvet, receveur, lieutenant général pour l’Ordre au grand prieuré de Toulouse, maître d’ouvrage de cette opération, et l’archiviste Jean-Baptiste Marquez, entrepreneur, c’est-à-dire maître d’œuvre, devis qui donne en treize articles la liste des travaux à effectuer pour transformer, la salle du premier étage de la tour Saint-Jean, en une salle d’archives comparable aux bibliothèques du xviiie siècle, grâce à une structure à deux corps, séparés par une galerie que complète une balustrade en fer. Chaque corps est composé « d’une carcasse » et de 30 piliers en chêne, d’une hauteur de 2,50 m environ, pour la partie inférieure, et de 2,30 m pour la partie supérieure71, qui vont tapisser les trois murs sud, ouest et nord avec un retour sur le mur est, lequel est doté d’une fenêtre qui sera agrandie en porte-fenêtre. Les 30 piliers délimitent 30 armoires (soit 60 au total sur les deux niveaux) séparées par des cloisons en plâtre dans lesquelles on mettra des tablettes en sapin, armoires fermées par des portes en noyer, pleines, à la partie inférieure, grillagées à la partie supérieure mais protégées de la poussière par un rideau avec tringle ; chaque porte étant fermée par deux verrous et une serrure ; un vaste bureau en fer à cheval est prévu au centre de la pièce et, pour finir, la voûte sera peinte d’un blanc d’azur, tout en conservant surtout le blason du feu grand maître de Foulques de Villaret (1307- 1321), constructeur sans doute de la tour Saint-Jean et de ses salles voûtées. Il faudra enfin placer sur les deux faces de la galerie, au nord et au sud, les armoiries de la langue de Provence et à l’ouest, les armoiries du seigneur commissaire député pour « faire procéder auxdits ouvrages », c’est-à-dire celles d’Henry de Chalvet72. Une corniche dorée complètera le tout. Un délai d’un an est prévu pour ces travaux estimés à 6 000 livres. Les deux premiers soldes sont versés à J.-B. Marquez le 1er mars et le 1er juillet 1744. Le décès de Marquez, en septembre 1744, retarde quelque peu le chantier. Chalvet prend un autre entrepreneur, extérieur à l’Ordre, et lui verse le solde en avril 174573. Au total, cette opération aura coûté 6 400 livres.

  • 74 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte dépenses 15.

41La plupart des devis et quittances ont été conservés et proviennent essentiellement du maçon Pelfort, du plâtrier Laffargue, du charpentier Raynaud, du menuisier Rigal et du serrurier Maurette74

  • 75 Idem, H Malte dépenses 15, H 353, 1er décembre 1745.

42Chalvet, en bon gestionnaire, reprend une idée déjà développée par Marquez dans son projet d’aménagement en 1730 : les frais d’équipement et par la suite de conservation, de gestion et de classement doivent être partagés, selon la pratique adoptée dans le grand prieuré de Saint-Gilles, entre les commandeurs concernés. Le tableau de répartition des frais75 prévoit 100 livres par armoire, d’où un montant de 6 000 livres, pour 60 armoires : le grand prieuré, ̄ six armoires, Bordeaux trois armoires, Bordères deux armoires, Bayonne une armoire, etc. Soixante-trois armoires seront en réalité nécessaires.

  • 76 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353, 1er décembre 1740.
  • 77 Idem, H Malte 435, fol. 27.
  • 78 Idem, 1826 W 84 : rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, en juillet 1813.

43La salle du deuxième étage ne connaîtra pas le même sort, mais elle est aussi sinon aménagée tout au moins équipée avec des armoires plus ou moins vétustes : car déjà le manque de place se fait sentir dans la première salle. De nouveaux documents sont déposés, notamment les terriers qu’il faut renouveler dès 174076 et que l’on décide de mettre, à cause de leur format, dans les « secondes » archives. C’est ainsi que l’on désigne la salle du deuxième étage qui fera l’objet de quelques travaux plus tardivement (en 1757 et 1758)77 et dont on sait qu’elle contenait au moins, à la fin du siècle, 25 armoires d’un seul tenant78.

  • 79 Chalvet reçoit les félicitations des procureurs du Commun Trésor de Malte pour le rangement des arc (...)
  • 80 Idem, H 353, 3 décembre 1744, H Malte 441. Reynès est aussi secrétaire du chapitre et porte même le (...)
  • 81 Idem, H Malte dépenses 23. Nous avons relevé le nom de Gaubert, qui du 14 septembre 1744 au 27 mars (...)
  • 82 Voir la série des inventaires : H Malte inv.
  • 83 En 1753, on renouvelle l’interdiction faite à « l’archivaire » de livrer des originaux à qui que ce (...)
  • 84 En même temps, la nomenclature des chartes envoyées à la Chambre des comptes à Paris, à la demande (...)

44En avril 1745, les travaux sont terminés79 et le centre d’archivage de l’hôtel Saint-Jean peut se mettre au travail, sous la direction d’Étienne Reynès, d’abord adjoint de Marquez (1743), puis archiviste en titre au moins jusqu’en 178280. Toutes les fonctions d’un service d’archives peuvent être assumées : locaux adaptés, vastes et clairs, capacité de rangement, personnel compétent (2 ou 3 feudistes81), travail de classement, rédaction d’inventaires82, mais aussi communication des actes aux commandeurs concernés par le système de copies et d’expéditions d’actes83, moyennant toujours une participation des commanderies et pour l’équipement, la gestion des archives et leur classement, ainsi qu’un droit à payer pour la délivrance des expéditions84. Les inventaires du milieu du xviiie siècle sont de fort beaux et grands ouvrages, reliés cuir ; les dos sont ornés de dorures mais les plats ne présentent pas de décor (fig. 122). On utilise du papier de qualité et l’écriture, particulièrement soignée, accompagne des analyses, toujours pièce à pièce et souvent plus explicites. Le classement topographique reste la règle (le chef de la commanderie, puis les membres). Et pour chaque site, on adopte un classement méthodique (donations, acquisitions, inféodations, procédures, dossiers particuliers) ou simplement chronologique, selon son importance.

45La salle d’archives est en même temps une salle de prestige : elle retrouve véritablement son statut de salle d’apparat qu’elle avait au Moyen Âge. Reliée directement par une galerie au grand escalier d’honneur, elle est faite pour impressionner favorablement les visiteurs. Henry-Louis de Chalvet ne considère pas les archives comme des documents vétustes dont on a presque honte et qu’il faut cacher dans des endroits inaccessibles, des greniers poussiéreux, des caves humides ou nauséabondes. Les archives sont des objets précieux que l’on respecte et que l’on traite en tant que tel.

  • 85 Idem, H 248, l’épisode est analysé dans la thèse de Pierre Vidal, Seigneurie et pouvoirs : les comm (...)

46Ce service d’archives « moderne » ne pouvait que faire des envieux : quelques années plus tard (1758), le bailli Fleury, commandeur du « Temple de Bordeaux », aurait bien voulu, lui aussi, créer le même service dans sa maison. Malgré de solides arguments développés dans plusieurs rapports (Bordeaux, siège d’un parlement, documents égarés lors du transfert), il n’obtiendra pas gain de cause et devra se contenter de copies et d’expéditions d’actes85.

  • 86 Arch. dép. Haute-Garonne, 1826 W 84, rapport du préfet au ministre de l’Intérieur en juillet 1813.
  • 87 Idem, 1 L 120 et 121, n° 574. C’est en contradiction avec la pose des scellés en février 1793. Le p (...)
  • 88 Idem, 1826 W 84.
  • 89 Idem, Q 575. Des restitutions de documents ont pu se produire. Carrière d’Aufrery demande au préfet (...)
  • 90 Idem, 1826 W 84 : « Le corps principal… a longtemps excité la curiosité et même l’admiration. L’ord (...)
  • 91 Voir Toulouse, ancien grand prieuré de Saint-Jean de Jérusalem, Projet de recherche, sous la direct (...)
  • 92 Arch. dép. Haute-Garonne, 1826 W 68.

47Pendant toute la Révolution et une grande partie de l’Empire, le fonds de Malte est resté dans la tour de l’hôtel Saint-Jean qui avait été affecté à l’armée, puis à la dixième cohorte de la Légion d’honneur86. Il est difficile d’évaluer les pertes et les disparitions qui sont à recenser et à déplorer. Il y en eut certes : en avril 1793, on projetait de brûler les archives de Malte, en particulier les titres de noblesse, et les tapisseries fleurdelisées87. En 1813, le préfet signale que la salle du deuxième étage a été pillée et que « plusieurs quintaux de papiers épars à demi rongés » ont été vendus « à vil prix, comme inutiles » le 22 décembre 181288. Néanmoins, il faut signaler qu’une surveillance et un contrôle ont été assurés : en 1806, le sieur Carrière d’Aufrery, habitant Toulouse, chevalier de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem, est qualifié de directeur des archives de l’hôtel de Malte89. En outre, « le corps principal des archives, placé au premier étage de ladite tour, et dont l’entrée était défendue par une porte de fer, garnie de plusieurs serrures », a été épargné, car des scellés avaient été posés en février 179390. L’hôtel Saint-Jean ne sera vendu qu’en septembre 1812 au citoyen Pierre Labourmène91, lequel aussitôt commence des démolitions. Le 1er février 1813, l’archiviste départemental, Faillon92, écrit au préfet pour lui faire savoir que le haut de la tour est déjà en partie démoli. Toute la poussière tombe dans les salles d’archives. Comme toujours, les décisions prises seront exécutées lentement : en novembre 1814 (soit près de deux ans plus tard), le menuisier Nouziès perçoit la somme de 226 francs pour le paiement des frais occasionnés par le transport du fonds de Malte dans les locaux des Archives départementales, installées à la préfecture de la Haute-Garonne. Le classement de ces archives ne reprendra que dans la seconde moitié du xixe siècle, avec la nomination d’archivistes paléographes. Et le travail est encore aujourd’hui loin d’être terminé !

Notes

1 Arch. dép. Haute-Garonne, Séries H et H Malte.

2 Le nombre des commanderies a varié au cours de la période moderne. Voir la carte publiée par Pierre Vidal, Hospitaliers et templiers en France méridionale, Le grand prieuré de Toulouse de l’ordre de Malte, guide de recherches historiques, archivistiques et patrimoniales, Toulouse, CNRS, Amis des Archives de la Haute-Garonne, [2002]. On compte 27 commanderies, avec Saint-Jean de Planté (Saint-Lizier du Planté, canton de Lombez, Gers) qui devint membre de la commanderie de Lugan (Aveyron), située pourtant dans le grand prieuré de Saint-Gilles, voir Antoine Du Bourg, Histoire du grand prieuré de Toulouse, Toulouse, 1883, p. 197-198.

3 En 1764, 18 commanderies sont citées : Arch. dép. Haute-Garonne, H 248, pièces 23-24. Mais parmi les noms énumérés, on trouve Palhers (Lozère, canton de Marvejols), dont les archives n’ont pas été transférées à Toulouse, qui conserve néanmoins deux inventaires des archives de cette commanderie : H Malte inv. 104 et 104b, 1662 et 1704. Par contre Millau ne figure pas sur la liste. Mentionnons deux autres particularités : Espinas (Tarn-et-Garonne, canton de Caylus), proche de Lacapelle-Livron, dont nous ne conservons qu’un inventaire : H Malte inv. 69, 1705, et cependant plusieurs registres, et Grézan (commune de Laurens, Hérault, canton de Murviel-lès-Béziers) dont deux inventaires et une liasse sont aussi conservés à Toulouse, H Malte inv. 74-75, xviie siècle et 1704 ; H Malte Grézan 1, ainsi que plusieurs registres. Signalons aussi l’existence de quatre liasses de résidus (époque moderne) provenant de la commanderie de Montpellier.- Les archives du fonds de Malte du grand prieuré de Saint-Gilles sont conservées en très grande partie aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône, sous-série 56 H : Édouard Baratier et Madeleine Villard, Répertoire de la série H, 56 H : grand prieuré de Saint-Gilles des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem…, Marseille, Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 1966. Mais on trouve des documents provenant du grand prieuré de Saint-Gilles dispersés dans la plupart des services d’archives des départements languedociens ainsi qu’aux Archives municipales d’Arles.

4 Saint-Gilles a acquis le statut de grand prieuré dès le xiie siècle. Le titre de grand prieuré n’a été octroyé à Toulouse que vers 1315-1317, soit deux siècles plus tard.

5 Voir la présentation des fonds de chaque grand prieuré dans Joseph Delaville Le Roulx, Cartulaire général de l’Ordre des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (1100-1300), Paris, Leroux, 4 volumes, 1894-1906, ici Introduction du tome 1.

6 Toulouse, ancien grand prieuré de Saint-Jean de Jérusalem, Projet de recherche et fouille sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, UTM, UTAH ; maître d’ouvrage : DRAC. Trois rapports été publiés en 2001, 2004, 2005 ; et le rapport final en 2008. Je serai amenée à citer le nom de plusieurs membres de cette équipe, sans lesquels cette communication n’aurait pu se faire, notamment Dominique Watin-Grandchamp, Christophe Calmès, Marc Comelongue. Je tiens à les remercier.

7 Antoine Du Bourg, Histoire…, ouv. cité, ici p. 72 (templiers) et 37 (hospitaliers).- Voir aussi Patrice Cabau, Laurent Macé, Dominique Watin-Grandchamp, « Deux inscriptions du cloître de l’ancienne maison de l’hôpital Saint-Jean de Jérusalem à Toulouse (xiiie siècle) », MSAMF, t. 64, 2004, p. 93- 108, ici p. 99.

8 A. Du Bourg, « Prise de possession par les hospitaliers de la maison du Temple de Toulouse », MSAMF, t. 11, 1879, p. 172-185, ici p. 183.

9 Arch. dép. Haute-Garonne, H 240.

10 Idem, ha en la tor en bas, extrait de l’inventaire de 1428, bien identifié par D. Watin-Grandchamp.

11 Toulouse, musée Paul-Dupuy. Nous remercions Dominique Watin-Grandchamp, qui nous a conseillé pour le choix de cette illustration, et François Bordes, qui nous l’a communiquée.

12 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353, fol. 378.

13 Idem, H Malte Toulouse 25 : acte de 1324.- A. Du Bourg, Histoire…, ouv. cité, p. 44.

14 Cité par A. Du Bourg, p. 21.

15 « … la fréquence des procès par devant le parlement de Toulouse et la nécessité ainsi de pouvoir disposer rapidement des titres ayant appartenu aux juridictions secondaires… ».

16 A. Du Bourg, Histoire…, ouv. cité, P. J., n° 2, d’après H Malte Golfech 4.

17 La proximité de Toulouse était le second argument. Sinon les archives du grand prieuré de Saint-Gilles auraient dû aussi être déposées à Toulouse. Saint-Gilles dépendait du ressort du parlement de Toulouse.

18 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353, 1708, 1719.

19 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 48 (1643) ; Arch. dép. Haute-Garonne, H 248, pièces 23-24, 1758-1764 ; H 403, 1764, 1765.

20 Salle d’archives toujours visible dans les bâtiments de l’ancienne commanderie, aujourd’hui musée Réattu en Arles : 25 m2 environ, bien éclairée, voûtée et installée au deuxième et dernier étage de la maison prieurale, au-dessus de la chapelle.

21 Il s’agit de Jean Raybaud, le premier d’une dynastie d’archivistes et en même temps secrétaires de l’Ordre, d’une famille d’hommes de loi (notaires et avocats d’Arles), qui ne font donc pas partie de l’Ordre, sauf le dernier, Joseph Antoine, prêtre de l’Ordre vers 1750. De 1700 à 1704, Antoine Raybaud, notaire, va inventorier toutes les archives – celles du grand prieuré de Saint-Gilles et celles des 34 commanderies (sur les 52) qui dépendaient de Saint-Gilles –, en une trentaine d’inventaires, aujourd’hui conservés aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône, sous-série 56 H. Prix fait pour ce travail établi le 12 novembre 1699, 3 000 livres (ce sera en réalité 3 922 livres) ; plus, près de 8 000 livres pour la reliure, qui sera payée par les différents commandeurs : Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 594. Quant à Jean Raybaud, avocat, il va rédiger, vers 1730, une histoire des grands prieurs de Saint-Gilles, publiée, avec une introduction et présentation de la dynastie des Raybaud, par l’abbé C. Nicolas : Jean Raybaud, Histoire des grands prieurs de Saint-Gilles […], publiée par l’abbé C. Nicolas, Nîmes, 1904-1905, 2 vol.- Le dernier de cette dynastie d’archivistes s’appelait Joseph Antoine Raybaud, qui réclame une allocation supplémentaire en 1750-1751 : Arch. dép. Haute-Garonne, H 248, p. 10-12. L’inventaire imprimé (voir la note 35) de la série H des Archives de la Haute-Garonne est erroné : Raybaud est archivaire de Saint-Gilles et non de Toulouse.- En 1737, on trouve à Toulouse comme jeune collégiat André-François Raybaud, d’Arles : Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 427, fol. 76 v° et 3 E 12677 (mai 1737).

22 Paul Antoine Robin de Graveson termina sa carrière comme grand prieur de Toulouse (1668-1673). C’est à lui que l’on doit la première campagne de reconstruction de l’hôtel prieural de Toulouse. La responsabilité des archives de Saint-Gilles, « quy s’en vont en ruyne », lui est confiée en mars 1626 : Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 105, fol. 149.

23 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 39. Le registre, « livre du chargement des papiers », commencé le 6 mai 1625, se poursuit jusqu’en 1700, au moment où Antoine Rabaud entreprend la rédaction des inventaires.

24 L. de Santi, « Sébastien de Paulo et les Paulo de Sainte-Foy, notes d’histoire locale (1594-1709) », Revue historique de Toulouse, t. IX, 1922, p. 264-286 et t. X, 1923, p. 15-45. Antoine de Paulo est fils d’Antoine, parlementaire, et de Madeleine Binet, nièce du cardinal de Joyeuse. Il est né en 1554 et il est reçu chevalier en 1571. Il a donc près de 70 ans quand il devient grand maître. Mais nous n’avons pas vérifié les registres paroissiaux.

25 L’exemplaire que nous avons consulté est conservé à Paris, à la Bibliothèque des Arts décoratifs, Réserve U 60. Un autre exemplaire, aux armes d’Anne d’Autriche, est conservé à la BnF : Jacques Meurgey de Tupigny, « Une reliure aux armes du grand maître frère Antoine de Paulo », Revista dell’ordine di Malta, juillet-septembre 1948, p. 20-22.

26 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte inv. 42, fol. 1 r°.- BnF, ms. fr. 6456.

27 Il existe même peut-être un lien de parenté entre Paul Lascaris de Castellane et Georges de Castellane d’Aluys.

28 Arch. dép. Bouches-du-Rhône, 56 H 105, fol. 169 r°.

29 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 413. Personnage essentiel au sein du grand prieuré de Toulouse pendant plusieurs décennies, il finit sa carrière comme grand prieur de Toulouse de 1656 à 1662.

30 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte inv. 40, n° 123.

31 Idem, H Malte reg. 413, fol. 491 v°.

32 Commanderies du grand prieuré de Toulouse : Argentens, Bayonne, Bordères, Caignac, Caubins (plus ancien, 1617 ?), Garidech, Goutz (plus tardif, 1655), Montsaunès, Pexiora, Toulouse. Commanderies du grand prieuré de Saint-Gilles : Canabières, Durbans, Grésan, Lacapelle-Livron, Millau, Pézenas, Sainte-Eulalie.

33 L’inventaire du xviie siècle (H Malte inv. 128 bis, 2 Mi 736), qui se présente sous forme de cahiers, est malheureusement lacunaire. Manquent les dix premiers folios (ou premier cahier), c’est-à-dire, les titres et donations du chief de la commanderie à Toulouse. Sinon le plan adopté pour le chef et les principaux membres est le suivant : donations, inféodations, procédures, livres terriers, oblies, lausimes, ou reconnaissances.

34 Certains inventaires ont une reliure en cuir, comme Pexoria (H Malte inv. 109), mais Pexiora était la chambre magistrale du grand prieuré.

35 F. Pasquier, B. Faucher, Inventaire sommaire des Archives départementales de la Haute-Garonne, série H Malte (1-417), Toulouse, 1927.

36 Nous avons fait une étude sur la commanderie de Bayonne : « La commanderie Saint-Jean de Jérusalem du bourg Saint-Esprit-lès-Bayonne », Bulletin de la Société de Borda, n° 482, 2006, p. 131-170. L’auteur du deuxième inventaire de la commanderie (1692) (H Malte inv. 39 bis) donne la correspondance entre ses propres références et celles de son prédécesseur dont il cite le nom (H Malte inv. 40).

37 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte résidu 1.

38 Le logement « officiel » de l’archiviste est situé près de la tour des archives. C. Barthélemy et Pierre Brunet l’ont occupé. Les autres archivistes, Estival (archiviste vers 1690, H 352) et Carbonel, le trouvent trop vétuste et s’installent ailleurs, peut-être dans les dortoirs neufs construits, au-dessus des écuries (1680-1685) pour les prêtres. Marquez fait restaurer le logement ancien. Mais il semblerait qu’après la mort de Marquez (1744), le sacristain ait occupé ce logement, l’archiviste Étienne Reynès (1744-vers 1782) ayant aménagé lui aussi dans les chambres réservées aux prêtres : Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 435, fol. 28 v° (1757).

39 Il meurt en 1658, Paris, BnF, ms fr. 6456, fol. 230.

40 Il suffit de regarder les registres notariés de Guillaume Lacombe, entre 1660 et 1680 environ, pour le trouver présent dans presque tous les actes.

41 Le problème de la sécurité des archives apparaît dans les délibérations du chapitre, notamment dans le registre déjà cité et conservé à la BnF, ms 6456, fol. 79 v°, 80 v° (1638), 222 v° (1657), 230 r° (1658). Encore en 1757, on constate que des titres ont été empruntés puis égarés. L’archiviste Reynès ne doit, sous aucun prétexte, les sortir : Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 435, fol. 27.

42 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte reg. 413, fol. 491 v°.

43 On sait qu’en 1680, H Malte reg. 416, la salle du premier étage comptait 12 armoires, 4 caisses et 2 coffres en noyer pour la recette ; et le deuxième étage, 22 armoires et 10 caisses. De nombreux inventaires portent la date de 1704-1705. Comme il s’agit de commanderies du grand prieuré de Saint-Gilles, ces inventaires, à notre avis, ont été faits plutôt par Antoine Raybaud, l’archiviste de Saint-Gilles (cf. la note 21). Les archives ont-elles été classées par lui sur place et ensuite transférées à Toulouse ? Nous l’ignorons.

44 Arch. dép. Haute-Garonne, H 310.

45 Il passe en 1742 une convention avec les prêtres de Bétharram où il va finir ses jours. Il décède le 28 septembre 1744 : Arch. dép. Haute-Garonne, H 324. Il touche des revenus dans le diocèse de Lescar et il est qualifié de prieur d’Anoye et de Saint-Suzanne (Pyrénées-Atlantiques).

46 Il est qualifié de prêtre d’obédience. Simples curés d’église ou de chapelles hospitalières, les prêtres d’obédience ne font pas partie de l’Ordre. Mais au bout d’un certain temps et en fonction des services rendus, ils sont admis dans l’Ordre et peuvent prendre et porter la croix dite d’obédience.

47 Idem, H 353, 30 mai 1729.

48 Idem, H 308, 353, H Malte reg. 594 : Marquez entreprend notamment des travaux dans l’église collégiale, entre 1734 et 1741.

49 Idem, H 191.

50 Sur ses fonctions, charges et revenus, voir aussi : H 300, 308, 310, 329, 353, 411. En tant que procureur fiscal, il signe de très nombreux devis et factures : voir en particulier, H Malte dépenses 15.

51 Arch. dép. Haute-Garonne, fonds collégiat, liasse 36.

52 Idem, H 353, 25 mai 1732.

53 Arch. dép. Pyrénées-Atlantiques, registre paroissial de Lestelle-Bétharram. Il est enterré dans la chapelle Notre-Dame de Bétharram.

54 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353.

55 Idem, H 353, 28 mai 1731, fol. 331-333 : il veut trier les « papiers utiles » parmi les neuf ou dix quintaux qu’il a ramassés dans les armoires, lesquels n’ont jamais été inventoriés. Voir le texte publié dans F. Pasquier, Inventaire série H…, ouv. cité, p. VIII-IX.

56 Voir la note 21.

57 Idem, H Malte Toulouse résidu 1.

58 Idem, H Malte reg. 420, fol. 101 v. (1724), vieux corps de logis ; H 310 (1735), nomination d’un expert ; H Malte reg. 427, fol. 87 v°-88 r° (1737). C’est le maçon Antoine Pelfort qui fait les travaux : appartement sur deux niveaux, cuisine, endroit pour le bois, au rez-de-chaussée, 4 chambres à l’étage, dont deux avec cheminées, fenêtres prenant jour sur la cour.

59 En réalité, cette porte avait déjà été percée au siècle précédent par l’archiviste Pierre Brunet, qui occupait le même logement, et qui avait des fonctions comparables : H 310. Puis elle avait été fermée une première fois.

60 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte Toulouse résidu 1, H 353.

61 Idem, H Malte dépenses 19 bis.

62 Date de naissance, d’après J. Levillain, La France moderne, grand dictionnaire généalogique, historique et biographique, III, Haute-Garonne et Ariège, 2e partie, Montpellier, 1913, p. 1155. Sa date de naissance est exacte. Il est né à Toulouse, paroisse de la Dalbade : Arch. dép. Haute-Garonne, 5 Mi 371. Son décès néanmoins ne figure pas sur les actes de sépulture de la Dalbade, alors qu’il est bien décédé dans l’hôtel prieural et qu’il a été enterré dans le caveau des grands prieurs situé dans le sanctuaire de l’église Saint-Jean.

63 B. Suau et Pierre C. Lile, « Les derniers jours d’un grand prieur toulousain ou une prescription d’apothicaires à Toulouse au milieu du XVIIIe siècle », Bulletin du centre d’étude d’histoire de la médecine, Toulouse, n° 64, avril 2008, p. 33-47.

64 Nous avons un doute sur cette fonction qui semble avoir été assumée aussi par son frère Joseph de Chalvet : l’un, semble t-il, a été receveur général de la langue de Provence et l’autre du grand prieuré de Toulouse. Mais nous ne pouvons l’affirmer. Les deux frères ont mené des carrières parallèles. Joseph a commencé par être commandeur de La Favillane (en Provence, au sud d’Arles) et Henry-Louis, commandeur de La Capette (en Camargue, au sud de Saint-Gilles). Arch. dép. Haute-Garonne, H 235. Les deux frères semblent très liés.

65 Idem, H 353, p. 554.

66 Idem, H 198 : « Disposition du ‘quint’ faite par le vénérable bailly de Chalvet, grand prieur de Toulouse », 14 décembre 1754.

67 L’état des travaux d’« améliorissements », réparations et décorations de l’hôtel prieural par Chalvet, est dressé en juin 1755, après son décès, à la demande de ses petits-neveux : Idem, H Malte reg. 595. De nombreuses commandes et quittances sont dispersées dans plusieurs liasses en vrac, notamment H Malte dépenses 18-19, 23-25, etc.

68 Cette dalle, aux armes des Chalvet, aujourd’hui conservée au musée des Augustins de Toulouse, était située dans le chœur de l’église Saint-Jean. Elle porte une inscription toujours lisible. Il s’agit de Joseph de Chalvet, lui aussi chevalier de Malte et c’est son frère Henry-Louis qui, par amour fraternel, l’a commandée, en 1749, alors qu’il vient de prendre la direction du grand prieuré de Toulouse. Mais un problème d’identification demeure, car E. Roschach et H. Rachou ont lu sur la dalle funéraire « Louis de Chalvet » : E. Roschach, Musée de Toulouse, catalogue des antiquités et des objets d’art, Toulouse, 1865, ici p. 260.- H. Rachou, Catalogue des collections de sculpture et d’épigraphie du musée de Toulouse, Toulouse, 1912, ici p. 226-227. Sur la généalogie des Chalvet, voir Arch. dép. Haute-Garonne, H 203, 235.

69 Aliette Neyret- Jallifier, « Le château de Merville », Toulouse et Comminges, Congrès archéologique de France, 1996, Paris, 2002, p. 39-47, 5 fig.

70 Arch. dép. Haute-Garonne, H 434. Nous remercions Marc Comelongue qui nous a communiqué la référence de ce texte.

71 Ces données permettent de connaître la hauteur approximative de la salle d’archives. Le départ de la voûte se situe au moins à 4,80 mètres de hauteur.

72 Ses armoiries figurent sur le cachet de cire apposé sur la « Déposition du quint » déjà citée : « d’azur à la bande d’or, chargé de trois croisettes de gueules, accompagnée en chef d’une tête de lion arrachée d’argent, en pointe d’une quinte feuille du même, écartelé de gueules, au lévrier rampant d’argent, l’écu porté d’or. L’écartelure est de Rochemonteix ». Ce sont les armoiries de la famille, inscrites dans une croix de Malte à huit pointes, surmontée d’une couronne royale, privilège associé, dans l’ordre de Malte, à la dignité de bailli.

73 Arch. dép. Haute-Garonne, H 434.

74 Arch. dép. Haute-Garonne, H Malte dépenses 15.

75 Idem, H Malte dépenses 15, H 353, 1er décembre 1745.

76 Arch. dép. Haute-Garonne, H 353, 1er décembre 1740.

77 Idem, H Malte 435, fol. 27.

78 Idem, 1826 W 84 : rapport du préfet au ministre de l’Intérieur, en juillet 1813.

79 Chalvet reçoit les félicitations des procureurs du Commun Trésor de Malte pour le rangement des archives (Arch. dép. H 411, pièce 158). Les aménagements de la salle du premier étage sont terminés, mais en 1751, des commissaires sont nommés pour « procéder au calcul de toutes les sommes employées et payées… pour la construction de la galerie, salle ou bureau des archives…, pour ensuite procéder à la répartition » de la taxe à payer par les commanderies dont les titres et papiers sont conservés à Toulouse. H Malte dépenses 38.

80 Idem, H 353, 3 décembre 1744, H Malte 441. Reynès est aussi secrétaire du chapitre et porte même le titre de chancelier : H Malte reg. 440 (1769).- Reynès est très apprécié par le grand prieur de Chalvet qui lui lègue une croix de l’Ordre de la valeur de 300 livres, en reconnaissance pour services rendus : H 198.

81 Idem, H Malte dépenses 23. Nous avons relevé le nom de Gaubert, qui du 14 septembre 1744 au 27 mars 1745, perçoit une rémunération de 112 livres 10 sous, et d’Albenque qui pour la même période gagne 487 livres, somme beaucoup plus importante. Il s’agit peut-être de l’avocat Albenque qui, en 1760, s’occupe du renouvellement des reconnaissances avec le feudiste Termes (H Malte 329, p. 5-6).

82 Voir la série des inventaires : H Malte inv.

83 En 1753, on renouvelle l’interdiction faite à « l’archivaire » de livrer des originaux à qui que ce soit : H 415, pièce 543. Rappelons néanmoins qu’en 1757 encore, on constate que certains documents se sont égarés : voir la note 41.

84 En même temps, la nomenclature des chartes envoyées à la Chambre des comptes à Paris, à la demande du Roi, est dressée en 1746 : Arch. dép. Haute-Garonne, H 310, pièces 4-5.

85 Idem, H 248, l’épisode est analysé dans la thèse de Pierre Vidal, Seigneurie et pouvoirs : les commanderies du grand prieuré de Toulouse de l’Ordre de Malte, thèse de doctorat, univ. Toulouse-Le Mirail, 2006, 3 tomes, ici t. 1, p. 27-29.

86 Arch. dép. Haute-Garonne, 1826 W 84, rapport du préfet au ministre de l’Intérieur en juillet 1813.

87 Idem, 1 L 120 et 121, n° 574. C’est en contradiction avec la pose des scellés en février 1793. Le projet a, semble t-il, été abandonné.

88 Idem, 1826 W 84.

89 Idem, Q 575. Des restitutions de documents ont pu se produire. Carrière d’Aufrery demande au préfet l’autorisation de remettre une boite d’archives au sieur Melet Montbalein. Des autorisations de consultation de documents sont sollicitées.

90 Idem, 1826 W 84 : « Le corps principal… a longtemps excité la curiosité et même l’admiration. L’ordre qui y régnait a été légèrement interverti, quoique sans trace de dilapidation, par le mélange inévitable de beaucoup de papiers examinés sans précaution, lors des recherches multipliées, ordonnées par les autorités… ». Les scellés ont été enlevés complètement le 31 août 1812, au moment de la vente des bâtiments.

91 Voir Toulouse, ancien grand prieuré de Saint-Jean de Jérusalem, Projet de recherche, sous la direction de Nelly Pousthomis-Dalle, Service régional de l’Archéologie de Midi-Pyrénées, 2004, p. 183.- Arch. dép. Haute-Garonne, 1826 W 84 et Q 526.

92 Arch. dép. Haute-Garonne, 1826 W 68.

Auteur

Conservateur général honoraire du patrimoine (bernadettesuau@gmail.com).

© Presses universitaires du Midi, 2009

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