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Toulouse, une métropole méridionale

 | 
Bernadette Suau
, 
Jean-Pierre Almaric
, 
Jean-Marc Olivier

Habitants et société

Les mariages dans les proches campagnes toulousaines aux xviiie et xixe siècles

Jean-Claude Sangoï

Résumé

Le mariage est un événement démographique situé à l’articulation du biologique et du social. Il unit deux individus et, surtout, deux maisons. Acte social central et principe autorégulateur des populations du passé, le mariage attire les regards croisés de l’histoire et de l’anthropologie. Il est soumis à des règles et à des déterminismes, ce que montre cette étude concernant des villages proches de Toulouse. Leur nuptialité est-elle caractéristique du monde rural ou est-elle influencée par le milieu urbain tout proche ?

Texte intégral

  • 1 Guillaume Château, Évolution démographique de deux villages du Sud toulousain : Portet et Vieille-T (...)

1Le mariage est un événement démographique particulier situé à l’articulation du biologique et du social, « le plus social des événements démographiques » selon Jacques Dupâquier. Il crée le couple, unité de reproduction biologique mais aussi unité économique et sociale. Il matérialise l’union de deux individus et, plus encore, de deux maisons. Acte social central et principe autorégulateur des populations du passé, le mariage attire les regards croisés de l’histoire et de l’anthropologie. Il est soumis à des règles et à des déterminismes, comme le montrent quatre mémoires de maîtrise soutenus dernièrement à l’université de Toulouse-Le Mirail1. Ces travaux sont construits autour d’une même problématique : les villages proches de la grande ville qu’est Toulouse ont-ils eu sur le long terme (xviiie et x i xe siècles) une nuptialité caractéristique du monde rural ou bien une nuptialité influencée par le milieu urbain tout proche ? Classiquement, ces recherches privilégient trois axes : les temps du mariage prenant en compte la répartition annuelle, saisonnière et hebdomadaire des unions ; les âges ; les champs du mariage qui posent les questions de l’homogamie sociale et de l’endogamie géographique.

Le contexte démographique

2L’évolution de la population dans les campagnes toulousaines se différencie de celle du Sud-Ouest.

  • 2 Guillaume Château, ouv. cité, p. 22.- Jean-Claude Sangoï, Démographie paysanne en Bas-Quercy 1751-1 (...)

Tableau 1 : Évolution de la population de Vieille-Toulouse, Portet et du Bas Quercy2

Tableau 1 : Évolution de la population de Vieille-Toulouse, Portet et du Bas Quercy2
  • 3 Dans le premier âge, la terre repousse ses enfants sans que la ville attire vraiment.

3La population croit jusqu’en 1861, et même 1881 pour Tournefeuille (799 habitants) alors que le sommet est atteint en 1841 dans le Bas Quercy et 1846 dans le Midi toulousain. Ces communes périurbaines perdent donc des habitants tardivement. La proximité de Toulouse n’est pas un facteur d’émigration précoce. La demande de denrées agricoles nécessaires au ventre toulousain aurait fixé la population plus longtemps qu’ailleurs. L’exode s’impose quand la ville devient attrayante, c’est-à-dire dans le second âge de l’histoire de l’exode rural3 : « Plusieurs propriétaires tirent de notables bénéfices de la culture des légumes en vert, des asperges et des fraises dont ils alimentent les marchés de Toulouse », remarque en 1885 l’instituteur de Tournefeuille rédigeant la monographie de sa commune.

4La périphérie toulousaine compte des populations rurales à dominante paysanne. En 1861, 93 % des habitants vivent de l’agriculture à Vieille-Toulouse, 78 % à Portet mais « seulement » 63 % en 1891. Des artisans complètent le tableau socioprofessionnel avec, pour Portet, la présence insolite d’individus ramassant du sable et des cailloux dans la Garonne pour les transporter à Toulouse. Ces communes sont donc agricoles et la proximité du marché toulousain accentue le trait.

  • 4 Marie Cassard, Naître, vivre et mourir de 1737 à 1914 à Valprionde en Quercy blanc, mémoire de maît (...)

5Leurs populations se renouvellent bien plus rapidement que celles des campagnes du Sud-Ouest. À Valprionde (Lot), 57 % des recensés de 1891 sont nés dans la commune4.

  • 5 Guillaume Château, ouv. cité, p. 129.

Tableau 2 : Origine des habitants de Vieille-Toulouse et Portet en 1891(%)5

Lieu de naissance

Portet

Vieille-Toulouse

Commune

43,5

35,7

Autre commune de Haute-Garonne

49,0

55,4

Autre département

6,5

8,0

Étranger

1,0

0,9

6Les campagnes toulousaines profitent des migrations de glissement. À Portet en 1891, 84 personnes déclarent être nées en Ariège. Pour elles, Portet représente une dernière étape avant une probable installation à Toulouse.

7Dans ces communes, la structure des ménages ressemble à celle rencontrée dans les autres lieux du Sud-Ouest :

  • 6 Guillaume Château, idem, p. 19.

Tableau 3 : Les types de ménage à Vieille-Toulouse (classification Laslett)(%)6

  • 7 Dans cette moyenne, interviennent les données de tous les recensements quinquennaux depuis 1851.

 

1851

1872

1891

1851-1891

Ménages solitaires

7,9

8,5

21,3

7,5

Ménages sans structure familiale

-

-

-

0,97

Ménages simples

60,3

50,8

44,3

50,8

Familles élargies

15,9

27,1

16,4

24,5

Ménages multiples

15,9

13,6

18,0

16,3

Nombre de cas étudiés

63

59

61

551

8Les ménages simples regroupant parents et enfants sont à peine majoritaires : 50,8 % à Vieille-Toulouse et 51,9 % à Tournefeuille en 1911. Plus intéressantes sont les données concernant :

    • 8 La catégorie des ménages complexes englobe les familles élargies et les ménages multiples.

    les ménages complexes8 représentant « la famille-souche » chère à Frédéric Le Play. Antoinette Fauve-Chamoux a édicté un postulat simple et efficace : si, dans une population, le pourcentage des ménages complexes est supérieur à 20 %, c’est que cette structure est la norme dans la population considérée. À Vieille-Toulouse (40,8 %) et à Tournefeuille (32,2 %), le seuil des 20 % est indiscutablement dépassé. La cohabitation intergénérationnelle est donc la norme ;

  • les ménages solitaires, nombreux en ville, restent très minoritaires dans les campagnes. Toutefois, l’exode rural déstructure des ménages et accroît la part des « ménages solitaires » : 12 % en 1911 à Tournefeuille.

Le temps du mariage

L’évolution annuelle

9Le nombre des mariages fluctue beaucoup d’une année sur l’autre. Toutefois, ces variations s’atténuent après 1860. Jusqu’à cette date, la célébration des unions est étroitement liée à la conjoncture : les difficultés agricoles des années 1761, 1770, 1778 et 1846-1847 n’incitent guère à convoler. En 1871 encore, peu se marient, sans doute à cause du climat morose qui accompagne la poussée de mortalité due à l’épidémie de variole.

10Généralement, l’année 1813 attire l’attention. Pour échapper à la conscription, beaucoup de garçons avancent leur union et se marient cette année-là. Dans les communes proches de Toulouse, 1813 est une bonne année pour le nombre des célébrations, mais sans plus : 25 mariages à Portet, Pinsaguel, Roques et Lacroix-Falgarde, ce qui est inférieur aux données de 1797 (28), 1836 (29), 1762 (27) et surtout 1835 (31 unions célébrées). La même remarque vaut pour Tournefeuille : 10 mariages en 1813, autant qu’en 1810 et 1816, mais moins qu’en 1817 (11) et 1804 (12). La poussée du nombre des mariages en 1813 semble donc s’exercer dans les régions périphériques (Aveyron, Hautes-Pyrénées), beaucoup moins dans les zones proches des villes.

La saison du mariage

11La répartition mensuelle des mariages n’offre aucune surprise. Comme ailleurs, elle est très déséquilibrée : beaucoup d’unions se célèbrent en hiver (février-janvier-novembre) ; une pointe secondaire se place en juin ; peu se font au printemps et en été.

  • 9 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 45.

Tableau 4 : Le mouvement saisonnier des mariages dans quatre communes toulousaines (100 = moyenne mensuelle du nombre de mariages)9

Tableau 4 : Le mouvement saisonnier des mariages dans quatre communes toulousaines (100 = moyenne mensuelle du nombre de mariages)9

12En fait, deux calendriers juxtaposent leurs effets :

  • le calendrier religieux. L’Église ne tient pas à célébrer de mariages pendant les temps clos (Carême et Avent). Cet empêchement est très bien observé mais il serait hasardeux d’y voir un respect plus grand des préceptes religieux de la part des populations. En effet, c’est le curé qui fixe la date du mariage, les conjoints s’y plient sans discuter ;

  • le calendrier agricole. Les crues de travaux à la fin du printemps et, surtout, en été, ne laissent pas de temps pour les festins et les amusements.

13Les mois préférés se situent soit avant la période de jeûne (ils anticipent) soit immédiatement après (ils récupèrent). L’hiver, saison morte agricole et moment de l’abattage des cochons, est propice au déroulement de ces festivités.

14La distribution des mariages évolue sur le long terme :

  • la répartition s’uniformise : l’amplitude de 1 à 18 en 1737-1792 se réduit de 1 à 9 en 1837-1892 ;

  • février s’efface progressivement. Le même phénomène s’observe à Tournefeuille : indice 465 sous l’Ancien Régime et indice 156 en 1861-1902 ;

    • 10 Dans le florilège des dictons concernant les unions de mai, relevons « Mai, mois des fleurs, mois d (...)

    la répartition mensuelle des unions ne se modernise pas réellement. L’été reste une période creuse. Toutefois, la montée en puissance du mois de mai tendrait à montrer que s’estompent des croyances païennes empêchant la tenue des mariages pendant ce mois10.

La répartition hebdomadaire

15Pour étudier la répartition hebdomadaire, mieux vaut ne s’intéresser qu’à l’Ancien Régime. En effet, à partir de 1792, date de la laïcisation de l’état civil, les données changent. Les mariages civils n’ont pas nécessairement lieu le même jour que les mariages religieux qui, pour des populations croyantes, continuent à être la référence. Une étude reste à faire concernant ce décalage dans la région toulousaine. La répartition des mariages civils est très variable d’un lieu à l’autre, d’une période à l’autre. En réalité, elle reflète le calendrier des disponibilités du maire.

  • 11 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 159.- Émilie Portal, ouv. cité, p. 47.

Tableau 5 : Le mouvement hebdomadaire des mariages sous l’Ancien Régime (100 = moyenne journalière du nombre de mariages)11

Tableau 5 : Le mouvement hebdomadaire des mariages sous l’Ancien Régime (100 = moyenne journalière du nombre de mariages)11

16Le déséquilibre est maximal. Comme dans les campagnes du Sud-Ouest, le mardi écrase les autres jours : 6 unions sur 7 sont célébrés en un seul jour, le mardi, à Tournefeuille. Sans doute, le curé fait-il pression sur les fiancés pour qu’ils se marient le plus rapidement possible après le dernier ban et, ainsi, ne soient pas tentés par une anticipation de la nuit de noces. La fin de semaine qui rappelle la Passion du Christ est peu prisée.

  • 12 Audrey Piqué, idem, p. 162.
  • 13 Il s’agit bien sûr de l’heure solaire.

17Audrey Piqué a eu l’idée originale de relever les heures de célébration des mariages12. Même si elle ne distingue pas les registres paroissiaux de l’Ancien Régime (mariages religieux) et les registres d’état civil (mariages civils), son étude donne des résultats intéressants. Elle observe que le mariage a lieu le matin : entre 1737 et 1892, 24 % des unions s’effectuent à 10 heures13. Parfois, la cérémonie est tardive : 14 % des mariages se déroulent à 18 heures et même 6 % à 20 heures ! Les filles enceintes se marient tôt dans la journée : 6 ou 7 heures le plus souvent, 8 heures au plus tard.

Le niveau de la nuptialité

Le célibat définitif

  • 14 Pour la froide statistique, toute personne non mariée à son 50e anniversaire est considérée comme é (...)

18Se marie-t-on beaucoup dans les communes toulousaines ? L’étude du célibat définitif14 apporte une réponse.

  • 15 Guillaume Château, ouv. cité, p. 47.

Tableau 6 : Le célibat définitif à Portet et Vieille-Toulouse d’après les recensements(%)15

 

1800-1835

1836-1866

1867-1896

1800-1896

Hommes

11,3

5,6

6,7

7,4

Femmes

6,8

7,7

8,1

7,7

  • 16 Maryline Cayrou, Lunac de 1737 à 1913 : étude démographique d’un village du Bas Rouergue, UTM, mémo (...)

19Le tableau montre une double caractéristique rurale : un célibat définitif réduit et un célibat plus répandu chez les femmes. Toutefois, la faiblesse des taux s’accentue dans les communes proches de Toulouse : dans le Bas Rouergue, à Lunac, 16,4 % des femmes restent sans mari au milieu du xixe siècle ; elles sont 9,5 % dans le Bas Quercy16. Toulouse qui consomme beaucoup de servantes et de domestiques, d’infirmières et d’institutrices, assèche le « réservoir » de célibataires.

L’âge au premier mariage

  • 17 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 65.- Jean-Claude Sangoï, ouv. cité, p. 109.

Tableau 7 : Âge moyen au premier mariage17

 

Hommes

Femmes

4 communes 1737-1792
Bas Quercy 1751-1792

26,9 ans
28,5 ans

24,1 ans
24,8 ans

4 communes 1793-1836
Bas Quercy 1793-1841

27,6 ans
29,0 ans

24,7 ans
25,6 ans

4 communes 1837-1892
Bas Quercy 1842-1872

26,9 ans
28,1 ans

22,8 ans
23,5 ans

20Les habitants de la périphérie toulousaine se marient plus tôt que dans les autres zones rurales du Sud-Ouest. Parmi les hypothèses explicatives :

  • une semble à rejeter : celle qui consisterait à penser qu’une contraception plus précoce et plus affirmée dans la périphérie toulousaine ferait que le mariage n’aurait plus d’incidence sur l’autorégulation des populations. Se marier tard ne serait plus l’unique et contraignant moyen de limiter sa descendance. Cette supposition laisserait à penser que le retard de l’âge au mariage serait une arme contraceptive. Or, l’âge au mariage dépend avant tout de l’environnement économique et familial de l’individu. Les futurs mariés subissent cet environnement et s’y adaptent ;

  • un âge plus précoce pourrait venir d’une pression démographique moindre dans la proximité de Toulouse, l’émigration étant la principale soupape de sûreté ;

  • une aisance relative des familles n’obligerait pas les jeunes à se placer comme domestiques pour arrondir leur dot. Cette aisance pourrait être procurée par le travail de la terre dont les fruits trouvent facilement preneurs sur les marchés de la ville rose.

21Cette dernière hypothèse conviendrait aussi pour expliquer la baisse de l’âge au mariage qui s’observe dans toutes les campagnes du Sud-Ouest dans la seconde moitié du siècle. Pour la valider, il resterait à mener une étude sur l’évolution du niveau des dots.

22Les hommes se marient plus tard que les femmes, ce qui s’observe partout en France. Les écarts d’âge augmentent dans la seconde moitié du xixe siècle du fait d’une baisse sensible de l’âge au mariage des filles. À Portet et Vieille-Toulouse, cet écart passe de 3,6 ans en 1800-1835 à 4,6 ans en 1867-1896.

Le choix du conjoint

L’homogamie

23Comme dans les campagnes du Sud-Ouest, la mobilité sociale est restreinte : 87 % des paysans sont des fils de paysans. Ce contexte favorise l’homogamie.

  • 18 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 111.

Tableau 8 : Catégories sociales croisées époux/beau-père, 4 communes 1737-189218

Tableau 8 : Catégories sociales croisées époux/beau-père, 4 communes 1737-189218

24Il n’est pas aisé de bien connaître à la fois la profession du conjoint et de son beau-père. L’idéal serait de croiser les données de l’état civil et celles d’autres documents comme, par exemple, les matrices cadastrales. Malgré ces imperfections, ce tableau fournit des enseignements intéressants :

  • la diagonale est bien marquée, ce qui atteste d’une forte homogamie, surtout chez les paysans ;

    • 19 Jean-Claude Sangoï, ouv. cité, p. 114-115.

    le groupe « artisans-commerçants » paraît plus ouvert parce qu’il est un groupe social intermédiaire. La même remarque vaut pour le Bas Quercy où, sous l’Ancien Régime, près de 40 % des artisans et commerçants épousent des filles de leur milieu mais 34,6 % prennent femme chez les cultivateurs pauvres19. Le milieu social change mais le niveau de fortune reste le même ;

  • l’homogamie féminine est supérieure à celle des garçons. Cette différenciation sexuelle se creuse chez les notables : 53,3 % des garçons notables épousent une fille de notables alors que seulement 29,8 % des filles de notables en font de même. Trois facteurs entrent en jeu : l’étroitesse des effectifs qui favorise les variations aléatoires ; le statut dévalorisé des filles ; le rang de naissance. Ce dernier point mérite attention : aînés et cadets ont vraisemblablement des comportements différents. Plus le rang de naissance est élevé et plus se déprécie la valeur de l’individu sur le marché matrimonial.

  • 20 Guy Astoul, Les notables et la culture du peuple en Haute Guyenne, Thèse de doctorat, Université de (...)

25L’homogamie sociale sous-entend l’homogamie culturelle. Pour l’étude de cette dernière, la prudence est de mise, Guy Astoul faisant justement remarquer que « la quête des signatures (…) ne permet absolument pas de rendre compte des niveaux d’alphabétisation »20. C’est ce qu’écrit en 1885 sous une autre forme l’instituteur de Portet dans la monographie de son village : « Bien qu’en général tous les habitants de cette commune sachent tracer des lettres régulières sur une feuille blanche et déchiffrer les mots contenus dans les pages d’ouvrage, peu savent réfléchir et sont en état de bien comprendre ce qu’ils lisent ».

  • 21 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 117.

Tableau 9 : Les signatures sur les actes de mariage (quatre communes)21 (%)

 

Aucun époux ne signe

Homme Signe seul

Femme signe seule

Les deux signent

1737-1792

77,3

20,4

0,3

2,0

1793-1836

65,9

25,5

1,4

7,2

1837-1892

30.0

28.6

4.1

37.3

26À partir du Second Empire, l’alphabétisation progresse dans l’ensemble du Sud-Ouest et cela concerne toutes les catégories sociales.

27Dans la périphérie toulousaine, existe une grande disproportion entre hommes et femmes, ce qui interdit une homogamie rigoureuse. Jusqu’en 1836, les mariages ont lieu majoritairement entre personnes ne sachant pas signer. La situation s’inverse après 1836. Si l’on compare les attitudes des hommes sachant signer et celles des femmes qui savent signer, une grande dissymétrie apparaît. Prenons l’exemple de 1737-1792. 9 % des hommes qui signent épousent des femmes sachant signer alors que 87 % des femmes qui signent se marient avec des hommes sachant signer. Il n’existe donc pas de symétrie d’attitude. L’alphabétisation des femmes marque l’appartenance à une couche sociale élevée. Une forte majorité de ces femmes se marie au sein de catégories similaires ; elles ont donc un comportement homogame. Parmi les hommes ne sachant pas signer, 99,6 % épousent des femmes qui sont dans leur cas alors que 21 % des femmes ne signant pas convolent avec des hommes sachant signer. Cette forte dissymétrie entre hommes et femmes ne remet pas fondamentalement en cause l’homogamie sociale.

L’endogamie

28L’homogamie entraîne l’endogamie. L’ostal qui marie son enfant souhaite bien connaître la situation économique et morale de la maison alliée, ce qui implique un mariage entre voisins (ou presque).

  • 22 Émilie Portal, ouv. cité, p. 97.

Tableau 10 : Résidence des conjoints au moment du mariage à Tournefeuille (1750-1902)22

Résidence

Hommes

Femmes

Tournefeuille

73,9

70,7

Jusqu’à 10 Km

6,7

10,8

11 à 20 Km

12,1

11,9

20 à 50 Km

1,0

1,1

Au-delà de 50 Km

1,3

1,0

Pas d’indication

5,0

4,5

Total

100,0

100,0

29Le résultat est sans surprise : l’endogamie est forte. Elle s’affaiblit à Portet (« seulement » 59 % des mariages s’effectuent entre personnes résidant dans la commune en 1837-1892) que traversent la RN 20 qui unit Toulouse et l’Espagne et la RN 115 qui court entre Toulouse et Bagnères-de-Luchon.

30Les relations amicales ou tendues qu’entretiennent les villages entre eux exercent une influence sur le champ géographique du mariage. Par exemple, Roques et Lacroix Falgarde n’ont aucun échange matrimonial alors que Roques et Pinsaguel échangent volontiers leurs jeunes.

Conclusion

31En matière de nuptialité, les communes de la périphérie toulousaine gardent les caractéristiques propres aux campagnes du Sud-Ouest : calendrier des mariages très classique, homogamie forte, endogamie importante. Toutefois, la proximité de Toulouse se fait sentir sur :

  • le mouvement migratoire. Les déplacements sont plus fréquents ;

  • le célibat définitif qui est moindre ;

  • l’âge au mariage moins élevé. La ville proche soutient les activités agricoles par ses demandes alimentaires. Ces communes de la périphérie ont sans doute une économie plus active et une population moins nécessiteuse qu’ailleurs. Leurs habitants se marient donc plus jeunes.

Notes

1 Guillaume Château, Évolution démographique de deux villages du Sud toulousain : Portet et Vieille-Toulouse de 1800 à 1896, Université de Toulouse-Le Mirail (UTM), 2005.- Karine Enjalbal, Les mariages dans sept communes de l’Est toulousain de 1793 à 1902, UTM, 1998.- Audrey Piqué, Portet, Pinsaguel, Roques, Lacroix-Falgarde : les mariages dans quatre communes du Sud-Ouest toulousain de 1737 à 1792 : approche démographique, UTM, 2001.- Émilie Portal, Familles de Tournefeuille aux xviiie et xixe siècles : structures et nuptialité (1750-1802), UTM, 2006.

2 Guillaume Château, ouv. cité, p. 22.- Jean-Claude Sangoï, Démographie paysanne en Bas-Quercy 1751-1872, Paris, CNRS, 1985, p. 21.

3 Dans le premier âge, la terre repousse ses enfants sans que la ville attire vraiment.

4 Marie Cassard, Naître, vivre et mourir de 1737 à 1914 à Valprionde en Quercy blanc, mémoire de maîtrise, UTM, 2000, p. 105.

5 Guillaume Château, ouv. cité, p. 129.

6 Guillaume Château, idem, p. 19.

7 Dans cette moyenne, interviennent les données de tous les recensements quinquennaux depuis 1851.

8 La catégorie des ménages complexes englobe les familles élargies et les ménages multiples.

9 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 45.

10 Dans le florilège des dictons concernant les unions de mai, relevons « Mai, mois des fleurs, mois des pleurs », « Seuls les ânes se marient en mai »…

11 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 159.- Émilie Portal, ouv. cité, p. 47.

12 Audrey Piqué, idem, p. 162.

13 Il s’agit bien sûr de l’heure solaire.

14 Pour la froide statistique, toute personne non mariée à son 50e anniversaire est considérée comme étant définitivement célibataire.

15 Guillaume Château, ouv. cité, p. 47.

16 Maryline Cayrou, Lunac de 1737 à 1913 : étude démographique d’un village du Bas Rouergue, UTM, mémoire de maîtrise, 2002, p. 44. et Jean-Claude Sangoï, ouv. cité, p. 105.

17 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 65.- Jean-Claude Sangoï, ouv. cité, p. 109.

18 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 111.

19 Jean-Claude Sangoï, ouv. cité, p. 114-115.

20 Guy Astoul, Les notables et la culture du peuple en Haute Guyenne, Thèse de doctorat, Université de Limoges, 1994, p. 119.

21 Audrey Piqué, ouv. cité, p. 117.

22 Émilie Portal, ouv. cité, p. 97.

Table des illustrations

Titre Tableau 1 : Évolution de la population de Vieille-Toulouse, Portet et du Bas Quercy2
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/33701/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 11k
Titre Tableau 4 : Le mouvement saisonnier des mariages dans quatre communes toulousaines (100 = moyenne mensuelle du nombre de mariages)9
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/33701/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 15k
Titre Tableau 5 : Le mouvement hebdomadaire des mariages sous l’Ancien Régime (100 = moyenne journalière du nombre de mariages)11
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/33701/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 11k
Titre Tableau 8 : Catégories sociales croisées époux/beau-père, 4 communes 1737-189218
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/33701/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 26k

Auteur

Maître de conférences, Université de Toulouse-le Mirail (sangoijc@orange.fr).

© Presses universitaires du Midi, 2009

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