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Les Recteurs et le rectorat de l’académie de Toulouse (1808-2008)

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Didier Foucault

Deuxième partie. Le rectorat du Premier Empire au début de la Troisième République : Une institution fragile qui s’impose durablement

L’origine du « rectorat d’académie » de Napoléon Ier.

Les idées reçues et la piste de Genève

Patrick Ferté

Texte intégral

1Je me propose de scruter l’origine, à mon sens mal élucidée, de l’appellation de « recteur » et de « rectorat d’académie » dans l’organigramme de l’université impériale. Pour cela, force est de s’éloigner de Toulouse un instant et d’analyser de façon plus générale le modus operandi du réformateur qui s’avère également un subtil manipulateur : l’étude de la filiation terminologique nous emmènera au-delà des mots et des faux-semblants, et donc au-delà des idées reçues.

2En construisant son projet d’université impériale et, comme à son habitude, avec le soucis de marier le passé et le futur dans un art du compromis machiavélique, Napoléon Ier semble avoir récupéré toute une terminologie héritée non seulement de l’Ancien Régime mais plus encore de l’université médiévale. Il emprunte en effet à cette dernière le vocabulaire scolastique, mais dans une signification radicalement différente : en fait, les mots n’ont même quasiment plus rien à voir ; ils sont un bruit de fond, une ambiance passéiste qui endort la vigilance sur ses refondations résolument révolutionnaires. Si j’osais l’image, je dirais « vin nouveau, outres neuves », mais recyclage d’étiquettes anciennes.

3Ainsi des diplômes : baccalauréat, licence, doctorat. Le « baccalauréat » napoléonien n’a, par exemple, strictement rien à voir avec le « baccalauréat » d’Ancien Régime qui sanctionnait 5 ans d’études universitaires en théologie ou en médecine, alors qu’il en fit une sorte de couronnement du cycle secondaire et de passeport pour le supérieur ; de plus, il n’existait pas véritablement de baccalauréat dans les facultés des Arts (libéraux) qui délivraient leur degré spécifique, celui de maîtrise ès arts (appelée au Moyen-Âge doctorat ès arts), préalable pour passer dans les facultés supérieures (droit, médecine et théologie). Dans l’université impériale, le baccalauréat nouveau correspond davantage au degré de maître ès arts délivré dans des facultés qui furent d’ailleurs très souvent, au XVIIIe siècle, agrégées à des collèges.

  • 1 Mais les facultés d’un lieu ne constitueront une université (et non l’Université) qu’à par (...)

4Quoi qu’il en soit, pour baptiser ses nouveautés, c’est bien dans l’arsenal scolastique que Napoléon puise. Ainsi encore de « chancelier », de « faculté » (l’ancienne Facultas docendi1) ; ainsi des termes de « degré » et de « grade », même si Napoléon en modifie radicalement l’ordonnancement et le contenu.

  • 2 Buisson (Ferdinand) dir., Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, 2e éd. (191 (...)

5Il paraît en aller de même pour le terme d’« université », quoique la manipulation soit extrême, puisque le signifié n’a pratiquement plus rien à voir avec le concept médiéval : d’ailleurs le vocable est à ce point unitaire qu’il ne peut même plus être utilisé… au pluriel ! Jadis on parlait des universités, mosaïque horizontale d’établissements locaux homonymes ; désormais (1808) l’Université est une entité verticale, indivisible et invisible ; l’Alma mater a une robe sans couture, et ce singulier exclusif est… singulièrement différent du patchwork d’institutions rivales de ce nom sous l’Ancien Régime. La première Restauration ne s’y était pas trompée et, par son ordonnance du 17 février 1815 rédigée par Royer-Collard, la monarchie statua que, désormais « les lycées seront appelés collèges royaux », et « remplaça l’Université unique par dix-sept université distinctes2 », dirigée chacune par un recteur : le retour de Napoléon pour Cent Jours annula la décision (qui ne fut pas reprise), mais l’intention immédiate prouvait qu’on refusait l’acception napoléonienne comme un détournement.

6Précisément, pour les termes de « recteurs », de « rectorat » et d’« académie », l’emprunt dans la terminologie universitaire d’Ancien Régime semble a priori une autre évidence ; à tel point qu’en énonçant cela, on peut croire enfoncer une porte ouverte, la porte de l’Alma mater, mise sous scellés en 1793 et rouverte après réaménagement en 1808.

7Toutefois, l’historien doit se méfier des évidences. Je vais donc essayer d’indiquer en quoi tout n’est pas si simple et montrer que la terminologie (comme la structure du nouvel édifice d’ailleurs), bien loin d’être empruntée au studium generale catholique, peut être importée d’un modèle calviniste ; ou la réforme académique de Napoléon et les académies réformées.

8Il m’a fallu l’impulsion d’un colloque comme celui du bicentenaire pour tenter une recherche comparatiste, transpériode, plus pointue et m’aventurer bien au-delà de l’Ancien Régime et de la suppression des anciennes universités par la Convention. Je proposerai donc cette réflexion comme une hypothèse de travail qui sort des sentiers battus et me semble plus pertinente.

  • 3 Voir une première approche dans Condette (Jean-François), Les recteurs d’académie en Franc (...)

9Ces sentiers battus, quels sont-ils ? Le rectorat de l’université napoléonienne proviendrait du recteur de l’université ancienne, voire du recteur du collège jésuite3, à moins que ce fût un emprunt turinois. Voyons donc cela.

« Recteurs » jésuites et « collèges »

  • 4 D’après la pétition présentée le 15 septembre 1793 à la Convention au nom des autorités et (...)
  • 5 Ibid.
  • 6 Ibid., art., « Condorcet ».

10Le recteur du collège jésuite porte en effet ce titre ; soit. Mais la comparaison s’arrête là, puisqu’un recteur de la Compagnie de Jésus n’est le chef que d’un seul établissement urbain, par ailleurs strictement limité à l’enseignement secondaire. Autant comparer le recteur napoléonien à un curé breton parce que celui-ci est ainsi désigné… Il eût d’ailleurs été paradoxal qu’on se calquât sur le collège jésuite et son recteur, alors que tous les projets révolutionnaires d’éducation, que Napoléon prétendait couronner mais à sa main, jugeaient le « collège » d’Ancien Régime comme foncièrement clérical et digne de « la faux réformatrice4 », et évitèrent de réutiliser le terme, préférant « École centrale », « école communale » (projet Chaptal), ou encore « Lycée ». Le projet présenté le 30 germinal an X (20 avril 1802), adopté le 11 floréal an X (1er mai 1802) symbolisa ainsi la volonté politique de changement du Premier Consul en rompant avec plusieurs orientations, mais surtout en pérennisant, sur le plan sémantique, l’« aboli[tion de] l’emploi du traditionnel ‘‘collège’’ »5 au profit du mot « Lycée » : en effet, ce terme « Lycée » figurait déjà dans le projet de la Législative rapporté par l’anticlérical Condorcet (21 avril 1792) pour éviter les réminiscences catholiques (collège et faculté), projet clamant bien haut que le genre humain se partage « en deux classes, celles des hommes qui raisonnent et celle des hommes qui croient, celle des maîtres et celle des esclaves6 ». Cet évitement du mot « collège » agréa à Napoléon qui, certes, préférait ouvertement des croyants parce que, avoua-t-il un jour, on manipule bien mieux des esclaves que des maîtres, mais ne voulait pas être pour autant inféodé lui-même à l’Église et lui donner des gages trop évidents d’allégeance (malgré l’intrusion d’aumôniers dans les Lycées), et encore moins lui conserver un monopole (le Concordat et les Articles organiques règlent ce « désétablissement » virtuel).

  • 7 D’ailleurs, la Restauration dès 1815 (ordonnance du 17 février 1815 rédigée par Royer-Coll (...)

11Napoléon conserve donc le terme « Lycée », exempt de toute connotation catholique7, et oublie le « collège ». Dans son Université impériale (17 mars 1808), il ne réintègre le mot « collège » qu’en rétrogradant dans le cursus l’établissement ainsi désigné : le Lycée continue de se substituer à l’ancien « collège » de plein exercice (avec second cycle), tandis que le mot « collège » ne désigne plus que des « écoles secondaires communales » (hors chef-lieu de département), sorte de premier cycle. Le chef du Lycée devient le « proviseur », également non connoté, tandis que le « recteur » de collège qui n’était en fait qu’un « directeur » était oublié au profit de « principal » : en aucun cas, le vocable relativement subalterne de « recteur » ne pouvait servir pour désigner le sommet d’une hiérarchie vertigineusement disproportionnée dans le cadre de l’Université impériale : de fait, il vient d’ailleurs ; et avec l’avantage – calculé ? – par l’homophonie et le faux-semblant, de permettre le quiproquo.

Recteurs des anciennes universités

  • 8 Voir Ferté (P.), L’université de Cahors au XVIIIe siècle, (1700-1751). Le coma universitai (...)
  • 9 Ibid.

12Qu’en est-il du recteur dans les anciennes universités ? La comparaison peut paraître un peu plus séduisante, sans être plus pertinente dans les faits. L’université d’Ancien régime a pour chef immédiat le chancelier qui précède le recteur en toutes circonstances, valide les diplômes de son sceau et peut même « verbalizer contre le recteur et proffesseurs de l’université le cas échéant8 » ; le « recteur de l’université » (en France), lui, n’est qu’une émanation de la compagnie universitaire : élu trimestriellement par tous les professeurs des quatre facultés, il est exclusivement choisi parmi les professeurs de la faculté de droit : le recteur convoque et préside les assemblées (en l’absence du chancelier) ; il en décide l’ordre du jour et est le modérateur né des concours de recrutement : il n’est donc que « le sindic né pour soigner les affaires du corps et les autres actions nécessaires pour son advantage9 », mais ne peut décider en seul, car les votes se font à la pluralité des suffrages, ce qui est peu napoléonien.

13Surtout, si le chancelier (d’Ancien Régime) est non seulement chef de l’université mais possède encore juridiction sur les petites écoles et les collèges, comme le recteur d’académie de Napoléon, le recteur d’université d’Ancien Régime limite son action à l’étroit et exclusif cadre de son université et à son épicentre administratif, la faculté de droit. En aucun cas, il ne se mêle de l’instruction primaire, ou même secondaire. Il serait spécieux d’aller dénicher un recteur polyvalent supervisant le secondaire et le supérieur, comme dans le cas de l’université de Pau créée en 1724, mais réduite à une faculté de droit et une faculté des arts et logée, faute de bâtiments, au sein du collège jésuite : dans ce cas très spécial, le recteur du collège jésuite de Pau se trouve être de surcroît le recteur de l’Université et gère enseignement secondaire et supérieur ; mais il ne s’agit que d’un concours de circonstances et, en aucun cas, cela ne découle d’un concept innovant appelé à être érigé en système éducatif.

14Bref, le recteur du collège jésuite, pas plus que le recteur d’une université ancienne du royaume de France, ne peut être le prototype du recteur napoléonien qui, lui, est d’ailleurs recteur « d’académie » et non recteur « d’université » et exerce son pouvoir sur les trois niveaux d’enseignement, primaire, secondaire et supérieur, et sur tout un territoire, un « arrondissement » (et non un établissement intra muros). Bref le recteur de Napoléon ne renvoie aucunement au recteur de collège, pas plus qu’au recteur d’université.

15En revanche, avant la Révolution française, il existe bien un type de « recteur d’Académie » et qui exerce son administration sur les trois étages de l’enseignement : il faut pour le trouver prendre le chemin de Genève et de Lausanne et arpenter des pistes inédites en terre réformée.

L’hypothèse turinoise : un argument politique fallacieux

  • 10 Récemment, cette thèse a, de nouveau, été défendue par Christian Nique, lors du colloque d (...)

16Avant de suivre cette piste, il faut auparavant scruter une troisième hypothèse, il est vrai séduisante et alléguée sous la Restauration (dès 1816) et la Monarchie de Juillet (1835) par Ambroise Rendu, collaborateur du Grand-Maître Fontanes10. Dans son Code universitaire, Rendu commence ainsi le chapitre introductif intitulé « de l’origine de l’Université de France » :

  • 11 Rendu (Eugène), M. Ambroise Rendu et l’Université, Paris, 1861, p. 19-20 et Rendu (Ambrois (...)

Bonaparte passait à Turin. Un jour qu’il parcourait le palais de l’Université, fondée en 1720, par Victor-Amédée II, il se fit présenter les statuts qui régissaient cette institution. Il y vit quelque chose de grand et de fort qui le frappa. Cette grave autorité qui, sous le nom de Magistrat de la Réforme, gouvernait tout le corps enseignant […]. Tout ce plan d’éducation établi sur la base antique et impérissable de la foi chrétienne ; tout cela lui plut et il en garda le souvenir jusqu’au sein de ses triomphes [et lorsqu’] il voulut fonder pour la France un système entier d’instruction et d’éducation publiques, il se souvint de l’Université de Turin et, l’agrandissant, comme tout ce qu’il touchait, dans la double proportion de son empire et de son génie, il fit l’Université impériale11.

17A. Aulard concède sans grande conviction :

  • 12  Aulard (A.), Napoléon Ier et le monopole universitaire, Paris, A. Colin, 1911, p. 157-158 (...)

Quant à l’idée d’une Université unique pour la France, on dit qu’elle fut inspirée à Napoléon par la visite qu’il fit, en 1805, à l’Université de Turin, et il est certain que c’est de Turin qu’il envoya l’ordre de faire l’inspection générale qui l’instruirait des possibilités d’un si grand changement12.

  • 13  Rendu (E.), op. cit., p. 25.

18Le seul argument qu’il cite à l’appui est d’ailleurs bien faible car, s’il est vrai que c’est par une lettre datée de Turin le 3 floréal an XIII que, sur ordre de Napoléon, Champagny, nouveau ministre de l’Intérieur (après Chaptal), chargea Fourcroy d’inspecter les lycées en exercice, c’était, comme le montre le compte rendu qui lui revient, presque uniquement pour observer l’ordre et la discipline dans les lycées : et Fourcroy, qui part immédiatement en tournée pour quatre mois d’inspection, est accompagné d’un inspecteur général aux études, Lefèvre-Gineau, d’un sous-inspecteur aux revues et d’un capitaine ou adjudant-major afin de donner des instructions « pour l’exercice et la discipline13» : bref, rien n’annonce en l’occurrence une observation du système spécifique de l’université piémontaise, et l’argument semble peu recevable.

19Autre indice qu’on pourrait arguer à l’appui de cette thèse : dans le préambule du projet de décret de 1805 soumis par Fourcroy à l’empereur, il est vrai qu’on cite Turin en premier dans la liste aléatoire de lieux où le système éducatif opèrera l’unification des esprits au service de l’État impérial :

L’esprit sera le même partout, à Turin, tel qu’à Paris, à Bruxelles et à Mayence, tel qu’à Marseille et à Bordeaux. Il sera nécessairement français, c’est-à-dire que tous n’auront qu’un but, celui de former des sujets vertueux par principe de religion, utiles à l’État par leurs talents, attachés au gouvernement et à son auguste chef par amour et par devoir. Telles sont les vues générales, vues dictées par S.M. d’après lesquelles ont été conçues les dispositions du projet de décret que j’ai l’honneur, Sire, de vous soumettre.

  • 14  D’après Aulard (A.), op. cit. p .163 et Rendu (E.), op. cit. p. 33. Champagny considère a (...)

20Mais doit-on forcément extrapoler « Turin » au milieu d’une liste de villes de l’Empire ? Ce n’est qu’un heureux hasard, ou simplement une réminiscence prioritaire chez Fourcroy parce qu’il est encore tout à son séjour turinois ? Ceci ne peut aucunement constituer une preuve, d’autant moins que le ministre Champagny demeure fort mécontent du système piémontais constaté in situ par Fourcroy, que ce soit du point de vue de la discipline ou du point de vue de la moralité et de l’éducation religieuse ; surtout, il se déclare opposé au monopole « qui […] conduirait à un despotisme de l’enseignement » et préfère « 3 ou 4 grandes universités rivales ou plutôt émules »14, bref tout le contraire du système turinois qu’il n’a pas dû vanter à l’Empereur.

21Ambroise Rendu, pourtant, persiste et signe :

  • 15  Rendu (E.), op. cit.

Au fond, l’Université n’est rien moins qu’une création de Bonaparte ; elle doit sa véritable origine à Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne : elle ne date réellement pas de 1808 ; elle remonte, pour le moins, jusqu’à 1771. En un mot, l’Université de France n’est que la copie en grand d’un modèle déjà ancien, l’Université de Turin. On l’a dit plusieurs fois, on va en fournir la preuve15.

22Il est difficile en tout cas de parler de preuves ; tout au plus quelques indices et une similarité structurelle.

  • 16  Ibid.

23Certes, un Magistrat de la Réforme coiffe tout l’édifice à l’égal du Grand-Maître de l’université impériale ; sa juridiction s’étend sur tous les territoires du royaume ; il « a sous son autorité tous les collèges, écoles, y compris les collèges des provinces (école normale) » ; « et il est bien possible après tout que ce soit cet état de choses qui ait donné à Napoléon l’idée de l’Université unique pour toute la France. […] Napoléon vit aussi dans ces statuts de l’Université de Turin, l’idée du monopole réalisée, pratiquée16 ».

24Voire. Ses inspecteurs ont vu, il est vrai, quelques analogies.

  • 17  Casale (Achile), Giachino (Pier Mauro), « Franco Andrea Bonelli (1784-1830), an entomolog (...)

25Certes, on peut citer des Piémontais et Savoisiens dans l’entourage des concepteurs de l’Université impériale, comme Jean-Baptiste Canaveri, docteur de l’université de Turin puis évêque de Verceil (1805), aumônier de Madame Mère ; ou l’historien Charles Botta, membre du Corps législatif (et après la Restauration recteur de l’Académie de Rouen) ; ou l’abbé Mablin (Mabellini, 1774-1834), docteur de l’université de Turin (avril 1792) qui sera secrétaire de Villaret l’évêque de Casal (en Piémont), futur chancelier de l’Université impériale et même secrétaire de la dite Université ; mais ce n’est qu’au printemps de 1807 que Mablin tente une première venue (décevante) à Paris, avant de revenir avec succès en 1808 sous l’aile de Villaret : pour prestigieuse que fût sa position dans le nouveau système, il y arrivait trop tard pour émettre un conseil déterminant pour l’allure de la grande institution qui, il est vrai, pouvait lui rappeler, à certains égards seulement, celle qu’il avait fréquentée naguère. On peut en dire autant de l’ornithologue Franco Andrea Bonelli, formé à Turin et nommé à l’université de Turin : ce n’est que dans sa tournée d’inspection turinoise (1810) que Cuvier le découvre et l’envoie en stage au Museum d’histoire naturelle de Paris avant de le nommer professeur de zoologie à Turin17.

26On pourrait encore citer Giacommaria Carlo Denina (1731-1813), formé au Collège des provinces de l’Université de Turin, mais il n’est pas sûr que ce dernier fût un admirateur du système turinois : destitué du Collège pour position antijésuite, c’est à Milan qu’il alla passer son doctorat de théologie (donc hors du système sarde) en 1756. Bien sûr, il devint un temps professeur à l’université de Turin, mais lorsque Napoléon le contacte et en fait son bibliothécaire à Paris, c’est à Mayence qu’il le trouve (1804).

  • 18  Il avait chargé Monge de réunir des manuscrits et des tableaux dans les bibliothèques ita (...)
  • 19  Ibid. p. 279.

27Deux autres savants, et pas des moindres, sont certes des produits de l’université de Turin : le grand savant turinois Lagrange (1736-1813), professeur à l’école d’artillerie de Turin où il fonde une Académie des Sciences (1757), exercera beaucoup plus longtemps à l’extérieur des États sardes, à l’Académie des Sciences de Berlin (1766) puis à celle de Paris (1787), avant de participer à la création de l’École Polytechnique auprès de Monge, que Napoléon aimait à s’attacher en toute circonstance18 ; et le chimiste renommé Berthollet, Savoyard de Talloire, diplômé de Turin, qui n’était jamais bien loin de Monge… En novembre 1797 notamment, Bonaparte, rentré de Rastatt où il était arrivé venant de Turin par Chambéry, Genève, Bâle et Berne, est à Paris : « le général sortait peu. Il ne voyait dans son intimité que quelques savants, au premier rang desquels Monge […], Berthollet, Laplace et Lagrange19 » : la moitié de cette tétrarchie scientifique admirée de Bonaparte vient de l’université de Turin. C’est en effet remarquable ; mais un argument à contre-emploi. Si de longue date, l’influence de ces diplômés piémontais avait été déterminante dans l’élaboration de son université impériale, le modèle turinois, s’il avait vraiment servi de patron, se serait imposé beaucoup plus tôt. Bien au contraire, le projet de l’Université impériale a été mûri durant des années et ne s’est élaboré qu’après bien des retouches.

28Il n’empêche. Dans le Rapport sur les établissements d’instruction publique des départements au-delà des Alpes, inspectés en 1809 et 1810 par Cuvier flanqué de Coiffier et de Balbo, on trouve en effet, cette remarque qui peut fonder l’hypothèse d’Ambroise Rendu :

  • 20  Recueil de lois et règlements, t. IV, p. 203-231.

C’est par l’Académie de Turin que l’empereur a fait le premier essai de son grand plan de réorganisation des études, et a préludé, en quelque sorte, à la création de l’Université impériale ; et il est à remarquer qu’elle appartenait autrefois à un système d’instruction très semblable en petit à celui de notre grand corps enseignant20.

  • 21 Casale (A.), Giachino (P. M.), « Franco Andrea Bonelli ». art. cité.

29En outre, ils « comparent le magistrat de la réforme [de l’Université de Turin] au Conseil de l’Université ». Soit. Il s’agit toutefois davantage d’une affirmation péremptoire plus que d’une démonstration ; car lorsque Cuvier est envoyé en avril 1810 à Turin, c’est « pour y réorganiser l’université de Turin et sa fusion avec l’université impériale fondée par Napoléon21 » qui a donc l’antériorité.

Le modèle turinois : un leurre anti-ultras

  • 22 Murard de Saint-Romain, cité par Rendu (E.), op. cit. p. 88.

30Quant à Ambroise Rendu qui a colporté si ardemment cette explication, scrutons avec une certaine défiance l’intention de sa pseudo démonstration : Rendu fait partie du camp des catholiques décidés, et néanmoins admirateur de l’empereur : né d’une famille qui donna un évêque d’Annecy (mort en 1859), il se fit expulser de Polytechnique pour avoir refusé de prêter le serment de haine à la royauté : disciple de Fontanes à l’École centrale des Quatre-Nations, ami de Chateaubriand, de Joubert, il sera directeur du Mercure avant d’être aspiré dans l’œuvre de l’Université impériale par la protection de son maître devenu Grand-Maître. Rendu se dévoue comme inspecteur général de l’Université où, à l’instar de Fontanes, il pense que l’institution permet de favoriser l’Église et de diffuser le catholicisme. Dès la première Restauration, surgit le problème des ultras qui, de partout, à la Chambre dite introuvable comme ailleurs, vocifèrent contre l’Université impériale, la « fille du tyran », et voudraient rétablir la gabegie universitaire d’Ancien Régime sous la haute main des évêques : « L’Université avait été créée par Buonaparte, il suffisait : crucifigatur ! » ; « il n’y a de salut pour l’État que l’anéantissement de tout, absolument tout ce que Buonaparte a soutenu et propagé22».

  • 23 Dès l’ordonnance de la première Restauration qui casse l’Université impériale en sept univ (...)
  • 24 Le génie de la Révolution considéré dans l’éducation [pamphlet ultra en 3 vol.], 1818, t. (...)

31Ambroise Rendu se bat alors bec et ongle pour sauver l’Université impériale contre les fanatiques à cocarde blanche et multiplie les écrits en ce sens23 : ses ennemis le surnommeront d’ailleurs « le premier apologiste de l’université (impériale)24 ». Rendu a gain de cause de haute lutte puisque, lors de la seconde Restauration, Louis XVIII sauve l’essentiel de l’édifice napoléonien, en changeant simplement la terminologie (« collège » pour « Lycée », « Universités » pour « Académies »…)

  • 25 Publié le 3 février1816 par Benoît-Rose Murard de Saint-Romain, député de l’Ain. Comme le (...)

32C’est donc dans ce contexte qu’il faut replacer la volonté et la tactique d’Ambroise Rendu de faire de l’université impériale, non pas l’œuvre monstrueuse d’un « Robespierre à cheval », mais une simple copie de l’œuvre admirable d’un monarque éclairé de sang Bourbon, le roi de [Piémont-] Sardaigne. Remarquez que le titre même de sa démonstration claironne sur la couverture le parallèle entre l’Université de France et l’université de Turin, comme si la finalité du livre résidait entièrement là : Observations sur le Discours prononcé à la Chambre des députés, dans la séance du 31 janvier 1816 par M. Murard de Saint-Romain [un pourfendeur de l’Université impériale25] concernant l’instruction publique et l’éducation ; seconde édition, augmentée d’un premier Supplément contenant le parallèle des université de France et de Turin, Paris, Fain, 1816.

  • 26 Rendu (Ambroise), Observations sur le Discours prononcé à la Chambre des députés, dans la (...)

33Il y aura trois suppléments en tout sur le même sujet du sauvetage de l’essentiel de l’œuvre éducative de l’Empire26. Ambroise Rendu, en 1815-1816, martèle donc comme une vérité cette idée :

  • 27 La réforme universitaire de Turin daterait même de plus loin, de 1729, lorsque Victor-Améd (...)
  • 28 Rendu (E.), op. cit. Vingt ans plus tard, il rappellera la même filiation turinoise en not (...)

Au fond, l’Université n’est rien moins qu’une création de Bonaparte ; elle doit sa véritable origine à Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne : elle ne date réellement pas de 1808 ; elle remonte, pour le moins, jusqu’à 177127. En un mot, l’Université de France n’est que la copie en grand d’un modèle déjà ancien, l’Université de Turin. On l’a dit plusieurs fois, on va en fournir la preuve28.

  • 29 Selon un pamphlet ultra : « De la fille légitime de Buonaparte » ou « la Fille Napoléone »
  • 30 De l’université impériale [pamphlet ultra], cité par Rendu (E.), op. cit. p. 86.

34Admirez l’habileté : pour clouer le bec aux ennemis de « l’usurpateur » et de « son » Université, il s’ingénie à leur prouver que le véritable fondateur de celle qu’ils nomment la « fille du tyran29 » est en fait le roi de Sardaigne, Charles-Emmanuel III (1730-1773), despote éclairé, dont le fils et successeur Victor-Amédée III (1772-1796) a refusé de recevoir l’ambassadeur nommé par la Convention Française, a lutté contre la Révolution et a fait de sa cour de Turin l’asile des nobles émigrés jusqu’en 1800 ; surtout, ce prince a marié son fils aîné Charles-Emmanuel IV (1796-1802) à la sœur de Louis XVI (et donc de Louis XVIII), tandis que ses deux filles épousèrent les deux frères du « roi martyr », les comtes d’Artois et de Provence, précisément le roi Louis XVIII et le futur Charles X. Lorsque les ultras proclament que « de toutes les conceptions de Buonaparte, la plus effrayante, la plus profondément anti-sociale, en en mot la plus digne de lui, c’est l’Université. Lorsque le tyran crut avoir assuré par tant d’horribles lois le malheur de la génération présente, il éleva ce monstrueux édifice comme un monument de sa haine pour les générations futures »30, que peuvent-ils rétorquer si cette « monstruosité » est issue d’une monarchie légitime où le bon Louis XVI a marié sa sœur et où le roi Louis XVIII a trouvé sa reine ? Par cette filiation fallacieuse, l’Université bénéficie de l’immunité conférée par un nouveau Pacte de famille Bourbon, en l’occurrence franco-sarde ! Selon A. Rendu, l’honneur est donc sauf : Buonaparte n’a fait que « singer » l’université de Turin qui est une œuvre royale liée à la dynastie des Bourbons par les liens du sang. Que les ultras respectent donc celle qui n’est finalement que l’hommage du vice à la vertu : c’est du moins ce qu’il veut faire accroire aux ultras, et Louis XVIII se ralliera à cette idée plus spécieuse qu’authentique.

  • 31 Aulard (A.), op. cit., p. 158.

35Afin de mieux convaincre les intransigeants, Rendu va jusqu’à juxtaposer les statuts de l’université de France et ceux de l’université de Turin (en 1816), mais, au-delà de la charpente unitaire et despotique, j’approuve la remarque d’A. Aulard : « Les ressemblances ne sont pas toutes si frappantes qu’il le croit. Cependant il y a des analogies curieuses31 ».

  • 32 Libri (G.), « Revue scientifique et littéraire de l’Italie. États sardes. Ier article », R (...)
  • 33 Annuario della Universita di Torino (1876) ; Vallauri, Storia delle Università degli Studi (...)
  • 34 Catholic Encyclopedia (1913), art. « The University of Turin », par U. Bénigni.
  • 35 Sur l’université de Genève, voir Borgeaud (Ch.), Histoire de l’université de Genève, t. 1  (...)

36Outre que c’est précisément une révolte étudiante à l’université de Turin, restaurée selon son « ancien régime », qui met à mal la Restauration en Piémont du roi sarde Victor-Emmanuel Ier, qui enclenche le processus qui aboutit à son abdication dès 1821 et contribue au Risorgimento un lustre seulement après la chute de Napoléon, j’observe qu’en 1832, dans la Revue des Deux Mondes, l’argument turinois a fait long feu, puisque G. Libri, évoquant l’université de Turin écrit : « en 1814, le roi de Piémont, en rentrant dans ses États, s’empressa de rétablir l’université et l’académie [des sciences] dont l’organisation avait été changée pendant l’occupation française32 ». Par ailleurs, l’article sur l’Université de Turin dans la Catholic Encyclopedia (1913), fondé sur des monographies turinoises33, reconnaît que « sous Napoléon (1800-14), les études ont été réorganisées à la française34 », ce qui démolit l’hypothèse de l’extension du modèle turinois à tout l’Empire35.

37Au reste, pour l’objet précis qui nous intéresse aujourd’hui, le « rectorat d’académie », on n’en trouve aucune trace dans l’université de Turin (le chef est le Magistrat de la Réforme) : plus intéressant me semble donc le parallèle avec un authentique « rectorat d’académie » ancien qui s’insère dans une structure éducative non moins globalisante.

Napoléon et Genève

  • 36 Je réserve cette démonstration plus ample pour une publication spécifique.

38Outre que l’appellation de « recteur d’académie » est forgée par les réformés, les académies protestantes sont, comme dans la maquette de l’Université napoléonienne, une institution à la fois horizontale et verticale : elle embrasse en effet les trois niveaux d’instruction, du primaire au supérieur, et s’étend sur un large espace géographique, une circonscription, donc sur une multitude de structures éducatives contenues dans ce territoire (comme l’académie napoléonienne). Ce n’est pas le lieu ici de livrer la démonstration globale de cette piste puisqu’elle va bien au-delà de l’habillage des mots et de l’emprunt de « recteur », d’« académie » et, qui plus est, de « recteur d’académie », et qu’elle tient au cœur même de la réforme structurelle de l’Université napoléonienne, bâtie selon moi sur un modèle protestant36. Je me limiterai donc ici au seul aspect terminologique et aux seuls arguments essentiels qui éclairent d’un nouveau jour l’emprunt par Napoléon du titre de « recteur d’académie ».

39Qu’il suffise de dire que l’Académie de Lausanne est dirigée par un tel recteur : créée en 1537 par Berne, elle a inspiré, en 1556, l’organisation de l’Académie calviniste de Genève, dirigée à ses débuts par Théodore de Bèze et grossie des pasteurs et professeurs de Lausanne qui trouvaient la tutelle de l’Église de Zwingli trop pesante et préférèrent le calvinisme. Orthez et Orange reprirent ce modèle d’académie qui se propagea grâce à l’Édit de Nantes (article 37) au sein du royaume de France : Nîmes, Montauban (transférée à Puylaurens), Die, Saumur et Sedan.

  • 37 Il est juste de souligner que dans l’art. 38 du projet adopté par le Conseil d’État, on in (...)

40Cela peut de prime abord étonner, lorsqu’on sait que l’article 38 du décret de création stipule que « toutes les écoles de l’Université prendront pour base de l’enseignement 1°) Les préceptes de la religion catholique37 » ; qu’en outre le premier Grand-Maître de l’Université impériale fut Fontanes, couramment classé dans les « monarchiens » catholiques et qu’on met souvent en avant sa propension à s’entourer d’ultras, à tel point que Napoléon lui en aurait souvent fait reproche : « trouvez vos conseillers auprès des préfets et non auprès des évêques » !

  • 38 Robert (Daniel), Les Églises réformées en France (1800-1830), Paris-Genève, Droz-Minard, 1 (...)
  • 39 Cabanel (Patrick), « Napoléon et les protestants », Bulletin de littérature ecclésiastique(...)

41Outre que tous ces lieux communs sont des badigeons de façade qui résistent mal à l’analyse, outre que Napoléon a eu une attitude envers les Protestants bien plus favorable que Daniel Robert38 ne l’a cru39 et qu’on oublie trop souvent le nombre de protestants influents dans l’entourage de Bonaparte puis de Napoléon Ier, et notamment lors de sa longue réflexion pour constituer l’Université impériale, il y a maints arguments qui prouvent l’intérêt ancien de l’empereur envers les académies protestantes, et celle de Genève en particulier.

42Ainsi, dès le titre premier des articles organiques des cultes protestants, en 1801, Bonaparte évoque nommément le concept éducatif réformé d’académie : « Il y aura deux académies ou séminaires dans l’Est de la France… Les professeurs de toutes les académies ou séminaires seront nommés par le premier Consul » (art. IX et XI). L’Académie de Genève va d’ailleurs être particulièrement favorisée : un pasteur genevois en est tout ébahi dans une lettre à M. Pictet-Diodati, membre du corps législatif (29 germinal an X) :

  • 40 Gaberel (Jean-Pierre), Histoire de l’Église de Genève depuis le commencement de la réforma (...)

Si on eût dit au commencement du siècle dernier à l’excellent M. Bénédict Pictet qu’un jour viendrait où le culte protestant serait mis sur le pied de l’égalité avec le culte catholique et où personne n’embrasserait dans l’Église réformée de la France, agrandie d’un cinquième de sa surface, des fonctions pastorales qu’il n’eût étudié à Genève […], il aurait regardé l’accomplissement de cette prédiction comme impossible40.

43Or, à ce moment, la refondation totale de l’enseignement est sur le métier et les projets vont bon train. Bonaparte la mûrira longuement, les conseillers chargés de son élaboration rivalisent de propositions maintes fois retoquées par le premier Consul bientôt empereur, qui n’a, on l’a vu, aucune prévention contre les protestants, et encore moins sur leur système éducatif qu’il a dû analyser et apprécier.

  • 41 Gaullieur (E.-H.), « Correspondance inédite de Napoléon Ier adressée en Suisse ou à des Su (...)

44Le tropisme vers Genève et Lausanne est ancien chez Bonaparte. On a même retrouvé une lettre du jeune sous-lieutenant en garnison à Valence adressée au libraire de Genève, Paul Barde, afin de commander les mémoires de Mme de Warens et de Claude Anet pour faire suite aux Confessions de Rousseau, un grand Suisse qu’il admire (29 juillet 1786). L’année suivante, il sollicite du célèbre médecin de Lausanne, Tissot, une consultation pour son grand-oncle l’archidiacre Lucien. En août 1795, général d’artillerie et mécontent des liaisons postales entre la France et sa Corse natale, il organise une sorte de transit par Gênes avec poste restante à Genève41. À Sainte-Hélène, il confiera qu’il aurait souhaité que sa famille s’établît en Suisse, dans le Valais (ce que plusieurs membres firent).

45Mais son intérêt pour l’évolution helvétique est encore multiplement démontré par des actions d’une autre envergure, qu’on ne saurait expliquer par la seule stratégie géopolitique.

  • 42 Crouz-Tomare (Alain-Jacques) dir., Quand Napoléon recréa la Suisse : La genèse et la mise (...)
  • 43 Ibid. ; voir également Burgener (Louis), « Napoléon Bonaparte et la Suisse : méthodes et d (...)

46Après 1799, le premier Consul décide d’attaquer les Autrichiens en franchissant le Mont-Saint-Gothard et entre pour la deuxième fois en Suisse : il passe par Genève, Lausanne, Vevey, Martigny pour atteindre le col le 20 mai 1800 : dès lors, « le dossier helvétique accapara de longs mois Napoléon42 ». Il fait garantir l’indépendance de la République hélvétique au traité de Lunéville (février 1801) ; il rédige pour elle une constitution dite de la Malmaison (avril 1801), certes non appliquée, mais qui sert de modèle à la seconde Constitution helvétique (mai 1802), et, après une nouvelle et définitive intervention française, l’armistice (septembre 1802) lui permet d’aboutir à ce « chef-d’œuvre de diplomatie napoléonienne » qu’est l’Acte de Médiation ( 19 février 1803) : ce compromis acceptable entre tradition et révolution restaure et modernise le système fédéral helvétique en plaçant la Suisse aux 19 cantons sous l’aile de l’Aigle : l’empereur portera le titre de « médiateur de la Confédération suisse » (1806) ainsi que seigneur de Rhäzuns (1810). Le Grand Conseil du canton de Vaud le remercie d’ailleurs le 18 août 1803 d’avoir fait reconnaître son indépendance43.

47Je ne veux développer ici outre mesure, mais on ne peut que constater un certain tropisme suisse de la part du concepteur de l’Université impériale, de même qu’un préjugé favorable envers la religion réformée.

48De plus, bien d’autres arguments renforcent la probabilité que Bonaparte avait une connaissance claire et détaillée des qualités genevoises et suisses, et particulièrement de l’architecture unitaire de leur système éducatif, fût-il calviniste.

49En effet, il faut prendre en compte le fait que Genève est incorporée à la France et forme le département du Léman ; comme le dit joliment Alexandre Dumas, « Napoléon trouva Genève réunie à la France et l’attacha pendant douze ans comme une broderie au coin de son manteau impérial ».

  • 44 Gaberel (Jean-Pierre), op. cit., III, p. 354 et s.
  • 45 Jean-Marc Jules Pictet-Diodati, juriste (1758-1828), député du Léman au corps Législatif d (...)
  • 46 Physicien genevois (1752-1831) ; voir plus loin.
  • 47 Jacques-Louis Peschier-Fontanes, pasteur de Cologny (1759-1831), un ami et correspondant d (...)

50Genève a en effet été annexée et est devenue chef-lieu du département du Léman : c’est dire qu’elle a, à Paris, des représentants au Tribunat et au Corps Législatif44, Jean-Marc Pictet-Diodati45, Marc-Auguste Pictet46, Le Fort, sans compter Mestrezat, pasteur de l’église de Paris, ou le pasteur de Cologny, Peschier-Fontanes47, un parent du futur Grand-Maître Fontanes (nous y reviendrons) qui travaille alors avec d’autres autour de l’Empereur au projet d’Université. De Candolle, calviniste genevois « monté » à Paris, fait également partie de cette intelligentsia protestante qui peut plaider la cause des réformés dans la genèse d’une France post-révolutionnaire qui se cherche encore. Candolle, botaniste réputé, bientôt en poste à Montpellier et à Genève, est d’ailleurs à Paris l’ami de maints savants consultés, de Vauquelin (disciple de Fourcroy) ou du protestant Cuvier, mais surtout l’intime de deux principaux artisans de la future Université impériale : Fourcroy, son laborieux préparateur, et Fontanes, son premier Grand-Maître !

  • 48 Dictionnaire historique de la Suisse, vide « Napoléon ».

51Mieux : après le triomphe de la campagne d’Italie et la signature du traité de Campo Formio (17 octobre 1797), si, comme on a vu, le général passe bien à Turin, Bonaparte a pareillement traversé la Suisse du 13 au 24 novembre 1797 pour se rendre au Congrès de Rastatt (9 décembre) : durant ce voyage, il est accueilli avec un enthousiasme peu calviniste48.

  • 49 Palluel-Guillard (André), L’Aigle et la croix. Genève et la Savoie, 1798-1815, Éd. Cabedit (...)
  • 50 Ibid.
  • 51 Voir également Dhombres (Nicole et Jean), Naissance d’un nouveau pouvoir : sciences et sav (...)

52Mieux encore, ce général hyperactif a tout de même le temps d’y visiter attentivement l’Académie de Genève et sa bibliothèque49. Bonaparte ne put qu’y analyser le système éducatif calviniste qu’il apprécia de visu et, « certes, le gouvernement français était parfaitement conscient de la valeur intellectuelle de Genève50 » : d’ailleurs les articles organiques (1801) attribuent à Genève une place de choix puisqu’il y est stipulé qu’« il y aura un séminaire à Genève pour l’instruction des ministres des églises réformées » et que « les professeurs de toutes les académies ou séminaires seront nommés par le premier Consul ». Bonaparte, bientôt Napoléon Ier, reste en contact avec certains des savants suisses visités en cette occasion ; d’autres savants protestants et pasteurs genevois universitaires servent de relais influents à Paris même, et le premier Consul n’est sans doute pas sourd aux suggestions réformées lors des nombreuses concertations préparatoires de la future Université impériale51.

  • 52 Voir Pictet (Marc-Auguste), Correspondance. Sciences et techniques, t. II : Les correspond (...)
  • 53 Voir Buisson (F.), Dictionnaire, cité ; Rufer (Alfred), Pestalozzi, die französische Revol (...)
  • 54 Ruchat (Martine), L’oiseau et le cachot, naissance de l’éducation correctionnelle en Suiss (...)
  • 55 Jullien (Marc-Antoine), Esprit de la méthode de Pestalozzi, suivie et pratiquée dans l’Ins (...)

53Marc-Auguste Pictet (-Turretini) n’est pas le moins remarquable en la circonstance : ce physicien, professeur à l’Académie de Genève (plus tard président de celle-ci), élève et ami de Saussure, après avoir été, en 1794, le secrétaire de la légation de la République Helvétique à Paris, est l’un des quatrorze délégués qui règlent les conditions de l’annexion de Genève par la France (1798) et qui, appelé au Tribunat (1802), en sera même le secrétaire. Napoléon fait aussitôt de ce membre du consistoire de l’Église réformée de Paris importé de Genève un des cinq inspecteurs généraux de l’Université (1807) ; Pictet est, en outre, un savant admiré de longue date par Ampère, nommé, lui aussi, inspecteur général de l’Université et qui l’a visité à Genève52. De surcroît, Pictet est un disciple du pédagogue novateur suisse Pestalozzi53, lequel n’a certes pas réussi à obtenir un entretien privé avec Bonaparte pour lui exposer ses projets (Bonaparte dédaigna l’enseignement primaire), mais son entourage lui en vante les mérites : ainsi, tandis que son inspecteur général le susdit Pictet ouvrira même une école rurale à la fois éducative et disciplinaire à Carra, près de Genève dans le même esprit novateur que le laboratoire éducatif suisse de Pestalozzi54, la sœur de l’Empereur, la reine Caroline, favorise l’éducateur dans son royaume de Naples, cependant que l’un des inspecteurs aux Revues, Jullien de Paris, que Bonaparte a emmené en Italie et en Egypte, envoyé pour inspecter l’Institut pédagogique de Pestalozzi, en devient le propagandiste et le traducteur d’un de ses ouvrages (1812)55.

54Comme on voit, les diverses expériences de pédagogie protestante, tout niveaux confondus, suisses particulièrement, sont au plus près de l’empereur.

***

55À ce moment, le Grand-Maître est toujours Fontanes, qu’on taxe souvent et sans nuances d’un catholicisme à sens unique. Voire. N’en restons pas à la caricature de Fontanes qui a, certes, ses préférences avouées du côté catholique et romantique, mais qu’il serait outré de camper en fanatique.

  • 56 Charles Bonnet, célèbre naturaliste genevois.
  • 57 Sainte-Beuve, Portraits littéraires, Fontanes, II, p. 241 n. (paru également dans la Revue (...)

56On sait que Fontanes est né d’un père protestant natif de Genève et d’une mère catholique commingeoise. Sa famille paternelle originaire des Cévennes a connu la persécution, l’exil et le Refuge à Genève. Son père, calviniste, a certes accepté que l’éducation de son fils fût catholique ; et celui-ci le fut ; mais né dans un berceau biconfessionnel, Fontanes ne peut être en aucun cas un persécuteur. En 1787, il voyagea en Suisse et visita le refuge de ses ancêtres persécutés, où naquit son père, et renoua pour toujours des liens avec sa parentèle huguenote. À « Genève, il fut introduit auprès de Bonnet56 par M. de Fontanes, pasteur et professeur, d’une branche de sa famille restée calviniste et réfugiée57 ».

57Mieux, et sans besoin d’un sermon de Napoléon, Fontanes nomme son parent Peschier-Fontanes, pasteur de Cologny et professeur de philosophie à l’Académie de Genève, inspecteur de l’Académie impériale de Genève, alors même que le collègue de ce dernier, le physicien genevois Marc-Auguste Pictet (-Turrettini), plusieurs fois cité, devient conservateur et inspecteur général de l’Université impériale de 1808 à 1815 : or ce dernier est en outre président de l’Académie de Genève.

58Au reste, la refonte de l’enseignement par Napoléon n’entraîna d’ailleurs, c’est à souligner, aucune mutation de la hiérarchie et du corps enseignant de l’Académie de Genève : devenue Académie impériale, Fontanes reconduisit son recteur (depuis1800) Henri Boissier, un professeur de théologie calviniste, dans la nouvelle fonction de recteur d’Académie impériale qui finalement modifiait peu de chose in situ : « recteur d’académie » il était avant Napoléon ; « recteur d’Académie » il resta depuis Napoléon !

Notes

1 Mais les facultés d’un lieu ne constitueront une université (et non l’Université) qu’à partir du 10 juillet 1896.

2 Buisson (Ferdinand) dir., Dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, 2e éd. (1911), art. « Lycées et collèges ». « Les arrondissements formés sous le nom d’Académies par le décret du 17 mars 1808 sont réduits à 17… Ils prendront le titre d’universités » (art. I).

3 Voir une première approche dans Condette (Jean-François), Les recteurs d’académie en France, de 1808 à 1940, L’évolution d’une fonction administrative au service de l’Instruction publique, Lyon, INRP, tome 1, p. 63 et sq.

4 D’après la pétition présentée le 15 septembre 1793 à la Convention au nom des autorités et du peuple de Paris. Buisson (F.), Dictionnaire cité, art. « collège ».

5 Ibid.

6 Ibid., art., « Condorcet ».

7 D’ailleurs, la Restauration dès 1815 (ordonnance du 17 février 1815 rédigée par Royer-Collard) s’empressa de gommer le mot « Lycée » des établissements d’enseignement secondaire pour leur réaffecter l’appellation de « collège royal ». En 1848, les collèges royaux redeviendront des Lycées, nom qui perdura sous le Second Empire et sous la IIIe République, faute de nouvelle Restauration.

8 Voir Ferté (P.), L’université de Cahors au XVIIIe siècle, (1700-1751). Le coma universitaire sous l’Ancien Régime, Toulouse, 1975, p. 109 et s.

9 Ibid.

10 Récemment, cette thèse a, de nouveau, été défendue par Christian Nique, lors du colloque du bicentenaire de l’Université impériale (« Napoléon et la création des recteurs ou la double légitimité de la fonction rectorale »), à paraître dans Condette (Jean-François) dir., Le recteur d’académie. Deux siècles d’engagements pour l’École. Actes du colloque de la Sorbonne (27 mars 2008), Paris, Cujas, 2008. L’auteur n’apporte pas d’argument nouveau par rapport à Rendu, et allègue péremptoirement que le premier projet de Fourcroy propose une université impériale « sur le modèle de Turin » mais sans parler de Turin ( !) en arguant au contraire d’un modèle parisien pour créer une filiation artificielle et politiquement habile avec l’Alma mater ; si cela ne prouve rien quant à Turin, cela montre en tout cas que les modèles allégués sont bien des leurres politiques, le prétendu modèle parisien aussi bien que le modèle turinois, leurres qu’il y a lieu de disqualifier.

11 Rendu (Eugène), M. Ambroise Rendu et l’Université, Paris, 1861, p. 19-20 et Rendu (Ambroise), Code universitaire, ou Lois, statuts et règlemens de l’Université de France, Paris, mai 1835 (2e éd.), p. 7-8 ; voir également Cuvier (Georges), De Coiffier (Henri) et Balbo (Prosper), « Rapport sur les établissements d’instruction publique des départements au-delà des Alpes », Recueil des Lois et Règlements, tome 4, p. 230-231 et Grimaud (Louis), Histoire de la liberté d’enseignement en France, op. cit., p. 33 et suivantes.

12  Aulard (A.), Napoléon Ier et le monopole universitaire, Paris, A. Colin, 1911, p. 157-158 et 147. Voir également Fischer (H. A. L.), compte rendu de l’ouvrage d’Aulard dans The English historical Review, vol. 26, n° 104 (oct. 1911), p. 807-808.

13  Rendu (E.), op. cit., p. 25.

14  D’après Aulard (A.), op. cit. p .163 et Rendu (E.), op. cit. p. 33. Champagny considère alors que l’état n’en est pas satisfaisant : « Le vice radical du système actuel est de n’avoir rien fait pour l’éducation… Dans une nation, et sous un gouvernement qui professe le christianisme, il n’y a point d’éducation si l’on ne forme des élèves chrétiens. Ce n’est pas seulement en attachant à un lycée un aumônier qui y lit la messe le dimanche qu’on atteindra le but. La religion doit être profondément gravée dans le cœur et dans la raison des élèves. Elle ne le sera jamais si le lycée n’a un esprit religieux, si les chefs n’y apportent de la chaleur et du zèle. Or deux ou trois à peine offrent ce spectacle15 ». Ces considérations montrent l’utilité de la religion, mais on ne voit guère le rapport avec le système universitaire turino-sarde qui a expulsé les Jésuites et tient les ordres religieux en suspicion…

15  Rendu (E.), op. cit.

16  Ibid.

17  Casale (Achile), Giachino (Pier Mauro), « Franco Andrea Bonelli (1784-1830), an entomologist in Turin at the beginning of the XIX century », dans Proceedings of a Symposium (28 August 1996, Florence, Italy), Phylogeny and Classification of Caraboidea. XX International Congress of Entomology, Museo Regionale di Scienze Naturali Torino, 1997, p. 53 sq.

18  Il avait chargé Monge de réunir des manuscrits et des tableaux dans les bibliothèques italiennes ; voir Pairault (François), Gaspard Monge. Le fondateur de Polytechnique, Paris, Tallandier, 2000, chap. V.

19  Ibid. p. 279.

20  Recueil de lois et règlements, t. IV, p. 203-231.

21 Casale (A.), Giachino (P. M.), « Franco Andrea Bonelli ». art. cité.

22 Murard de Saint-Romain, cité par Rendu (E.), op. cit. p. 88.

23 Dès l’ordonnance de la première Restauration qui casse l’Université impériale en sept universités, inappliquée du fait du « Vol de l’Aigle », Rendu publie Quelques observations sur l’ordonnance royale du 17 février 1815.

24 Le génie de la Révolution considéré dans l’éducation [pamphlet ultra en 3 vol.], 1818, t. III, p. 192.

25 Publié le 3 février1816 par Benoît-Rose Murard de Saint-Romain, député de l’Ain. Comme le dit méchamment le fils d’A. Rendu, Eugène : « Un député dans le département duquel ne se trouvaient ni Faculté, ni Lycée, ni conseil académique, ni administration rectorale, et qui, dans une ignorance absolue de tout ce qu’il devait attaquer, était merveilleusement propre à devenir l’organe de déclamations sans critique » ! Rendu (E.), op. cit. p. 86. Voir aussi, Buisson (F.) dir., Dictionnaire cité, vide « Murard de Saint-Romain ».

26 Rendu (Ambroise), Observations sur le Discours prononcé à la Chambre des députés, dans la séance du 31 janvier 1816 par M. Murard de Saint-Romain concernant l’instruction publique et l’éducation ; seconde édition, augmentée d’un premier Supplément contenant le parallèle des université de France et de Turin, Paris, Fain. 1 816 ; Système de l’Université de France, ou plan d’une éducation nationale, formant le second supplément aux Observations, Paris, Fain ; et Défense de la rétribution universitaire, formant un troisième Supplément aux observations, Paris, Fain. Voir également son Essai sur l’instruction publique, et particulièrement sur l’instruction primaire, 3 vol., 1849. D’autres se sont associés à cette défense de l’Université impériale, Taillefer, inspecteur de l’Académie de Paris, de Sèze, recteur de l’Académie de Bordeaux, Guéneau de Mussy, ou Guizot dans son Essai sur l’histoire et sur l’état actuel de l’instruction publique en France.

27 La réforme universitaire de Turin daterait même de plus loin, de 1729, lorsque Victor-Amédée1er, roi de Sardaigne, réorganise l’enseignement et ôte les collèges des mains des Jésuites.

28 Rendu (E.), op. cit. Vingt ans plus tard, il rappellera la même filiation turinoise en note 1 de l’introduction de son Code universitaire, dans l’introduction qui s’intitule « de l’origine de l’Université de France » (1835), p. VII.

29 Selon un pamphlet ultra : « De la fille légitime de Buonaparte » ou « la Fille Napoléone ».

30 De l’université impériale [pamphlet ultra], cité par Rendu (E.), op. cit. p. 86.

31 Aulard (A.), op. cit., p. 158.

32 Libri (G.), « Revue scientifique et littéraire de l’Italie. États sardes. Ier article », Revue des Deux Mondes, 1832, p. 703.

33 Annuario della Universita di Torino (1876) ; Vallauri, Storia delle Università degli Studi in Piemonte (Turin, 1875) ; Bona, Delle constituzioni dell’Università di Torino (Torino, 1852).

34 Catholic Encyclopedia (1913), art. « The University of Turin », par U. Bénigni.

35 Sur l’université de Genève, voir Borgeaud (Ch.), Histoire de l’université de Genève, t. 1 : L’Académie de Calvin, 1559-1798, Genève, 1900 ; t. 2, par Martin (Paul-Edmond), L’Académie de Calvin dans l’Université de Napoléon, 1798-1814, Genève, 1909 ; Geisendorf (Paul-Frédéric), L’université de Genève, 1559-1959, 1959 ; Marcacci (Marco), L’université de Genève, 1559-1986, Genève, 1987.

36 Je réserve cette démonstration plus ample pour une publication spécifique.

37 Il est juste de souligner que dans l’art. 38 du projet adopté par le Conseil d’État, on indiquait « religion chrétienne » : et c’est à la demande du ministre des Cultes, après conférence avec le Cardinal Fesch et communication à Fourcroy qui n’a pas fait d’objection, que les mots « religion catholique » furent substitués au dernier moment (et à la plume) à « religion chrétienne » (Arch. Nat. AFIV, 300, plaquette 2148). De toute façon, cet article est contredit quelque peu par l’art. 3 de la même loi (« 3° - les maximes sur lesquelles reposent les lois organiques des cultes… ») qui, loin de proclamer une exclusivité catholique confirme une pluralité de cultes : l’esprit finalement de la loi (religion chrétienne) est plutôt maintenu malgré la rature et la surcharge du mot « catholique ».

38 Robert (Daniel), Les Églises réformées en France (1800-1830), Paris-Genève, Droz-Minard, 1961.

39 Cabanel (Patrick), « Napoléon et les protestants », Bulletin de littérature ecclésiastique (Toulouse), 2004, p. 254-255.

40 Gaberel (Jean-Pierre), Histoire de l’Église de Genève depuis le commencement de la réformation jusqu’à nos jours, Genève/Paris, Jullien Frères/Joël Cherbulliez, 1862, t. III, p. 398- 399

41 Gaullieur (E.-H.), « Correspondance inédite de Napoléon Ier adressée en Suisse ou à des Suisses », Revue suisse, 1856, p. 653 sq.

42 Crouz-Tomare (Alain-Jacques) dir., Quand Napoléon recréa la Suisse : La genèse et la mise en œuvre de l’Acte de médiation. Aspects des relations franco-suisses autour de 1803, Société d’Études Robespierristes, 2006.

43 Ibid. ; voir également Burgener (Louis), « Napoléon Bonaparte et la Suisse : méthodes et décisions », The French Review, vol. XLV, n° 1, oct. 1971, p. 46-65 ; Guillon (Édouard), Napoléon et la Suisse, Lausanne, Payot, 1910 ; Godlewski (Guy), « Les deux Napoléon et la Suisse », Souvenir napoléonien, n° 289, sept. 1976.

44 Gaberel (Jean-Pierre), op. cit., III, p. 354 et s.

45 Jean-Marc Jules Pictet-Diodati, juriste (1758-1828), député du Léman au corps Législatif depuis1799. Il sera fait chevalier d’Empire en 1810.

46 Physicien genevois (1752-1831) ; voir plus loin.

47 Jacques-Louis Peschier-Fontanes, pasteur de Cologny (1759-1831), un ami et correspondant d’Ampère : voir Correspondance d’Ampère, mise en ligne par le CRHST/CNRS, Christine Blondel dir., 2005. Voir également à « Pictet ».

48 Dictionnaire historique de la Suisse, vide « Napoléon ».

49 Palluel-Guillard (André), L’Aigle et la croix. Genève et la Savoie, 1798-1815, Éd. Cabedita, 1999, p. 271.

50 Ibid.

51 Voir également Dhombres (Nicole et Jean), Naissance d’un nouveau pouvoir : sciences et savants en France 1793-1823, Paris, Payot, 1989.

52 Voir Pictet (Marc-Auguste), Correspondance. Sciences et techniques, t. II : Les correspondants français. René Sigrist, Genève, Slatkine, 1998, p. 20-21 et passim.

53 Voir Buisson (F.), Dictionnaire, cité ; Rufer (Alfred), Pestalozzi, die französische Revolution und die Helvetik, Bern, Paul Haupt, 1928.

54 Ruchat (Martine), L’oiseau et le cachot, naissance de l’éducation correctionnelle en Suisse romande (1800-1913), ZOE, 1993 (Genève, Éd. Passé Présent, 1998) ; du même auteur, « Modèles, systèmes et méthodes dans l’éducation correctionnelle en Suisse romande, 1820- 1914 », Revue d’histoire de l’enfance irrégulière, n° 5, 2003.

55 Jullien (Marc-Antoine), Esprit de la méthode de Pestalozzi, suivie et pratiquée dans l’Institut d’Éducation d’Yverdun en Suisse…, publié par l’Imprimerie royale, 1812 ; voir notamment p. 390-391, endroit où il cite la protection dont Caroline, sœur de Napoléon, fit bénéficier les instituts pestalozziens à Naples.

56 Charles Bonnet, célèbre naturaliste genevois.

57 Sainte-Beuve, Portraits littéraires, Fontanes, II, p. 241 n. (paru également dans la Revue des Deux-Mondes, t. 16, 1838, p. 271 sq).

© Presses universitaires du Midi, 2010

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