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Les Recteurs et le rectorat de l’académie de Toulouse (1808-2008)

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Didier Foucault

Première partie. Mises en perspective

Allocution inaugurale de monsieur le Recteur de l’académie de Toulouse

Olivier Dugrip

Texte intégral

1Je voudrais tout d’abord adresser mes plus vifs remerciements à celles et à ceux qui ont contribué à l’organisation de cet important colloque placé sous le haut patronage de Xavier Darcos, Ministre de l’Éducation nationale et de Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Ce colloque organisé à l’occasion de la célébration du bicentenaire des recteurs et des académies créés par le décret du 17 mars 1808, porte plus spécifiquement sur les recteurs et le rectorat de l’académie de Toulouse.

2J’adresse donc mes remerciements à Daniel Filâtre, président de l’université de Toulouse II-Le Mirail, à mon prédécesseur, le recteur Christian Merlin, qui en a pris l’initiative, à l’ensemble des membres du comité scientifique du laboratoire Framespa (unité mixte de recherche France méridionale Espagne), qui a relevé le défi de cette rencontre de haut niveau en réunissant de nombreux intervenants, ainsi qu’au Centre de promotion de la recherche scientifique de la Maison de la Recherche, comité en charge de l’organisation matérielle. Merci également à Alain Roux, directeur de l’Institut universitaire de technologie de Blagnac de nous recevoir dans ces magnifiques locaux de l’université.

Recteur : une mission plutôt qu’une carrière

3Voilà dix mois, environ, que j’ai le privilège de présider aux destinées de l’académie de Toulouse en qualité de recteur et ce, après nombre de collègues éminents, dont certains nous font l’honneur de leur présence aujourd’hui parmi nous, et qui marquèrent profondément de leur empreinte ce territoire d’exception que représente la région Midi-Pyrénées.

4Ces trois cents jours à Toulouse, après trois années à la tête de l’académie de Dijon m’autorisent peut-être à porter un regard que je qualifierais de personnel – un témoignage direct – sur cette mission de recteur, de navis rector, de capitaine du navire, tout à la fois « gouverneur » d’une province et « précepteur », ainsi que le voulut, au tout début, son fondateur, Napoléon Ier.

5Permettez-moi, donc, de vous livrer quelques réflexions directement inspirées de mon expérience.

6Nous voilà réunis dans cet institut, fleuron de l’université toulousaine, parce qu’un 17 mars 1808, un décret impérial réorganisa l’Université française, en refondant sur des bases nouvelles un système d’enseignement.

7Voilà deux siècles, qu’avec le Conseil d’État, la Cour des comptes, la Cour de cassation, la Banque de France et les préfets, existe notre institution : l’académie, le recteur et les inspecteurs d’académie qui l’assistent dans sa mission et auxquels je tiens, ici, à rendre hommage.

8Toulouse a connu, depuis 1809, trente-huit recteurs, installés, depuis 1859, en résidence à l’hôtel de Lestang. Belle continuité !

Mais que se cache-t-il sous cette apparente pérennité ?

9Des constantes tout d’abord. Le recteur a un statut universitaire. Il est le représentant du gouvernement, choisi personnellement par celui-ci et révocable ad nutum. Assisté et secondé par les inspecteurs d’académie, il est placé au sommet de la pyramide éducative formée par les trois ordres d’enseignement : primaire, secondaire et supérieur.

10Vos travaux soulèveront-ils un coin du voile ?

11Je rappellerai à grands traits les lignes de force thématiques qui structurent notre colloque :

  • le rectorat du Premier Empire au début de la Troisième République ;

  • le rectorat de 1870 à 1968 ;

  • et enfin, le rectorat au service de la politique éducative de la République.

12Ces grands thèmes recouvrent par leur coloration historique la période fondatrice, puis les temps forts de la construction de l’École républicaine et, enfin, s’ouvrent sur les grands chantiers contemporains, plus proches de nous, et qui permettront, au fil de notre colloque, d’analyser, de débattre et, sans doute, d’esquisser des réponses aux questions qui se posent à nous sur l’exercice de la fonction.

13Une définition me paraît particulièrement éclairante :

14En effet, « il n’existe pas de corps de recteur d’académie comportant un statut particulier et comprenant des fonctionnaires titulaires. La fonction de recteur n’est pas une carrière mais une mission », affirmait Alain Peyrefitte.

Cette précarité fait aussi la force de la fonction

15Cette souplesse dans la durée de la mission, dans la définition des attributions et même dans les modalités de recrutement a, sans doute, contribué à la pérennisation de notre fonction bicentenaire. Elle a permis de l’adapter à de grands changements, à des besoins d’organisation et de managements nouveaux, apparus au gré des évolutions politiques et de la demande sociale.

Un travail éclaté

16Aussi n’est-il pas sans intérêt de rappeler, certains d’entre vous l’ont vécu, ce qu’est aujourd’hui le travail du recteur au quotidien, même s’il se prête mal à une énumération limitative.

  • 1 CROUS : Centre régional des œuvres universitaires et scolaires ; CRDP : Centre régional de document (...)

17Le recteur veille à l’application de toutes les dispositions législatives et réglementaires se rapportant à l’éducation nationale ; définit les objectifs de la politique académique, la nature des formations et les conditions d’affectation des élèves. Il a compétence sur la gestion des personnels et des établissements. Il assure la présidence de certains conseils et organismes comme le CROUS et le CRDP1. Il est responsable des relations avec les milieux politiques, économiques, socioprofessionnels et notamment avec les collectivités territoriales. Il intervient dans le programme régional de formation conduit par le conseil régional. En tant que chancelier des universités, il assure le contrôle de légalité sur les établissements d’enseignement supérieur…

18Je m’arrête sur cette énumération incomplète, ouverte et que je livre à votre réflexion.

De constantes évolutions

19Ces différentes missions ont profondément évolué et évoluent encore. Car l’histoire s’est s’accélérée : les années soixante et soixante-dix ont connu une forte augmentation de l’effectif des élèves et des étudiants, du fait de la croissance de la démographie, de la prolongation de la scolarité dans l’enseignement secondaire et des progrès de l’accès à l’enseignement supérieur. Il a fallu créer des postes d’enseignants et construire des bâtiments, dans des délais parfois très courts. Pour ce faire, ont été créés au sein des rectorats les services « carte scolaire » et « construction ».

20À partir des années quatre-vingts, la décentralisation, en faisant intervenir les collectivités pour les collèges et les lycées, en confiant au conseil régional la responsabilité de la formation professionnelle initiale et continue, a fait subir de nouveaux changements aux prérogatives rectorales. Mais, la décentralisation ne fonctionne-t-elle pas sur ce registre depuis la Troisième République ?

21Les lois d’orientation de l’enseignement supérieur – la loi du 12 novembre 1968, dite loi Edgar Faure, puis la loi du 26 janvier 1984 – en modifiant la structure de l’université napoléonienne ont changé les pouvoirs du recteur à l’égard de l’enseignement supérieur. Rappelons que l’année 2008 a vu le début de la mise en application de la loi sur les libertés et responsabilités des universités (LRU) du 11 août 2007.

22Tous ces coups de boutoir législatifs ont-ils été autant de reculs des pouvoirs du recteur, en lui arrachant l’essentiel de ses prérogatives, au profit des collectivités territoriales d’une part, et des établissements publics du second degré et de l’enseignement supérieur d’autre part ?

  • 2 « Les recteurs d’académie et la fonction rectorale : deux cents ans d’histoire », colloque organisé (...)

23Comme cela a été souligné lors du colloque organisé à la Sorbonne, la décentralisation n’a pas entraîné « une rétractation des tâches, elle est une nouvelle organisation de celles-ci dans le cadre d’une autre répartition des responsabilités publiques »2.

Le nouveau recteur

  • 3 LOLF : loi organique relative aux lois de finance.

24Le recteur est bien le rector navis, capitaine en charge du pilotage par objectifs, par projets et par évaluation. N’est-il pas aussi garant de la bonne utilisation des impôts ? Un administrateur chargé de rendre compte de sa politique par des indicateurs, conformément aux exigences de la LOLF3 ?

  • 4 BOP : budget opérationnel de programme.

25Cette loi donne aux recteurs une responsabilité plus grande et une marge de manœuvre élargie dans le choix des priorités budgétaires au sein de chacun des quatre « BOP »4 : enseignement scolaire du premier et du second degrés, vie de l’élève et soutien de la politique de l’éducation nationale.

26Les chiffres sont suffisamment explicites pour mesurer l’étendue des responsabilités académiques : 265 000 élèves dans le premier degré, 225 000 dans le second degré. Les personnels du ministère de l’Éducation nationale, hors enseignement supérieur, sont au nombre de 45 000. Ce qui représente un budget pour le premier degré de 668 millions d’euros ; pour le second degré de plus d’un milliard d’euros. Au total, le budget de l’académie s’élève à deux milliards d’euros.

27Deux siècles traversés par de telles évolutions ont profondément changé le rôle et la fonction : le préfet « violet » de l’université impériale s’est mué en manager éducatif.

  • 5 IA-DSEN : Inspecteur d’académie – directeur des services départementaux de l’éducation nationale

28La fonction confère aux recteurs le soin d’assurer la cohérence de la politique éducative académique, en étroite liaison avec les IA-DSDEN5, et l’obligation de faciliter la continuité d’un ordre d’enseignement à l’autre. Synthèse, cohérence, continuité : ce sont autant d’exigences, auxquelles doit satisfaire le recteur, chancelier des universités, à l’échelon d’une académie, responsable à des degrés divers des trois ordres d’enseignement.

29En particulier, l’articulation entre l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur est une condition majeure d’atteinte des objectifs actuels pour réduire l’échec à l’université, pour satisfaire à l’objectif de 50 % d’une génération diplômée de l’enseignement supérieur. La loi LRU du 10 août 2007 renforce l’autonomie des universités et, de fait, renforce logiquement le contrôle administratif et financier effectué par le recteur chancelier.

30De même, l’élaboration et la mise en œuvre du contrat de projet État-région imposent cet exercice de synthèse et de cohérence entre les collectivités et les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, mené conjointement au nom de l’État par le recteur et le préfet de région. Ce dernier, représente l’État auprès de ces mêmes collectivités territoriales, mène les politiques interministérielles (la politique de la ville, la lutte contre la violence, notamment) et préside les conseils académiques et départementaux de l’éducation nationale. Toutefois, si le préfet est le représentant de l’État, il n’est pas compétent en ce qui concerne l’organisation de l’action éducatrice et la gestion des personnels.

31Notre fonction, sans nul doute complexe, sera encore amenée à évoluer pour répondre aux enjeux contemporains de l’éducation et aux besoins de la nouvelle organisation résultant de la modernisation de l’État engagée par la « révision générale des politiques publiques ». Chacun sait que les multiples mesures de déconcentration nécessitent – j’insiste sur ce point – plus de cohérence au niveau départemental et régional.

32Ainsi, loin de l’image obsolète du fonctionnaire qui se contenterait d’appliquer docilement des consignes de son ministre, on ne saurait trop souligner que le recteur est bien davantage un animateur et un innovateur. Le recteur d’académie, par sa position stratégique d’interface entre le local et le central, exerce un rôle essentiel entre les deux espaces.

33De circonscription administrative, l’académie est devenue un vecteur de mobilisation et de structuration de l’action publique.

34Le recteur joue un rôle accru, particulièrement actif, un rôle « d’arbitre » – de médiateur – qui témoigne de la place d’une administration déconcentrée de l’État dans l’action publique contemporaine.

Notes

1 CROUS : Centre régional des œuvres universitaires et scolaires ; CRDP : Centre régional de documentation pédagogique.

2 « Les recteurs d’académie et la fonction rectorale : deux cents ans d’histoire », colloque organisé par la Conférence des recteurs français, l’Université Paris IV-Sorbonne, l’Université Charles-de-Gaulle-Lille III et le Service d’histoire de l’éducation, 28 mars 2008.

3 LOLF : loi organique relative aux lois de finance.

4 BOP : budget opérationnel de programme.

5 IA-DSEN : Inspecteur d’académie – directeur des services départementaux de l’éducation nationale

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