Une révolution ratée en Norvège (1790-1794) ?
p. 131-150
Texte intégral
1« La question est seulement [de savoir] quand viendra la révolution », écrit en mai 1790 Frederik Moltke, jeune noble danois tout juste nommé au poste de gouverneur de Christiania1 : « Que les braves fils de la Norvège soient conscients de l’éveil de la liberté en Europe et qu’ils attendent des occasions pour obtenir de nouveaux avantages, et qu’ils y soient maintenant plus inclinés que jamais, cela me paraît clair ».2 Moltke fait cette analyse alarmiste de la situation politique en Norvège dans une lettre adressée à Johan Bülow, grand chambellan et confident du prince héritier Frederik. Depuis 1784, ce prince règne sur le royaume uni de Danemark et Norvège au nom de son père, le roi Christian VII. Les propos de Moltke ont ainsi comme vrai destinataire le prince lui-même. Pour le gouverneur Moltke, les lettres confidentielles à Bülow servent de canal de communication direct avec le prince héritier à Copenhague.
2Un avertissement émanant du plus haut fonctionnaire d’État en Norvège, adressé au sommet du gouvernement à Copenhague, qui plus est à propos de l’imminence d’une révolution quelques mois seulement après qu’eût commencée la Révolution Française, voilà incontestablement quelque chose à prendre au sérieux. Cependant, on ne trouve guère de trace d’un tel événement dans les annales de la Norvège en 1790. Il faut attendre l’année 1814 et la cession de la Norvège par le roi de Danemark au roi de Suède pour que les Norvégiens s’insurgent ; et là encore, les Norvégiens se révoltent davantage contre la perspective d’une union avec la Suède que contre la dynastie régnante.
3Une « Révolution Norvégienne » est-elle envisageable dans les années 1790 ? La question est liée à l’un des grands débats de l’historiographie norvégienne. Existe-t-il, dans la Norvège d’avant 1814, une volonté de faire du pays un État indépendant de la couronne danoise ? Cette question renvoie, en effet, à un grand thème de l’historiographie du XIXe siècle : le nationalisme. Existe-t-il en Norvège, au XVIIIe siècle, une conscience nationale, et celle-ci est-elle suffisamment forte pour servir de base à un mouvement en faveur de l’indépendance nationale ? En d’autres termes, l’indépendance politique de la Norvège était-elle inéluctable, comme l’achèvement nécessaire d’une conscience nationale grandissante, sans même que la grande guerre européenne ne coupe les liens entre le Danemark et la Norvège ?
4Dans ce contexte-ci, un grand nombre d’historiens se sont intéressés aux événements en Norvège dans les années 1789-94. Cependant, les événements de Norvège au temps de la Révolution française méritent d’être étudiés dans leur propre contexte du XVIIIe siècle et non pas seulement de servir à fournir des armes au débat hérité du XIXe siècle concernant la légitimité historique du nationalisme politique et la vérité essentielle de l’identité nationale.
5Une relecture des sources peut nous servir à mieux comprendre les actions et les attitudes des élites norvégiennes à la fin du XVIIIe siècle, leurs motifs et leurs ambitions.
Les grands marchands à Christiania – un noyau d’opposition ?
6À Christiania – encore une petite ville en regard des métropoles occidentales, mais la « capitale » symbolique tout de même d’un pays pratiquement dépourvu d’institutions centrales –, le bruit d’une crise politique imminente semble courir partout quand Frederik Moltke s’y installe au printemps de 1790 pour assumer ses fonctions de gouverneur. « La Norvège est prête à se soulever », confiait à l’automne de 1789 un officier de l’armée norvégienne au consul général suédois à Christiania, J. C. Martinau, l’agent personnel en Norvège du roi Gustave III3. Selon Martinau, la puissante famille de riches marchands à Christiania, les Anker, serait à l’origine de cette initiative, car Bernt Anker, l’aîné, s’est embarqué pour l’Angleterre : « M. Anker est parti pour Londres ; le voyage, lié à une question de bottes selon le peuple, a pour but d’y traiter de l’indépendance de la Norvège », rapporte Martinau à Stockholm en novembre 17894. Le cadet, Peder Anker, se rend à Copenhague pour y revendiquer les droits des Norvégiens auprès du gouvernement danois, selon un rapport de Martinau daté du mois suivant5.
7Dans ses relations à Stockholm, le consul suédois désigne alors comme le noyau de l’opposition norvégienne, le cercle des familles qui dominent l’exportation du bois, le commerce le plus important de la Norvège. Ce commerce hautement rentable est en effet monopolisé par une poignée de familles établies à Christiania et quelques autres villes du Sud-Est de la Norvège, oligarchie dont la famille Anker occupe le premier rang, Bernt Anker s’affichant ostensiblement comme un primus inter pares. « Riche, splendide, il est l’objet des hommages sincères ou simulés de tout ce qui tient au bon ton », écrit Martinau à propos de Bernt Anker dans une missive adressée au roi Gustave III juste après que le consul se soit installé à Christiania en 1787, ajoutant : « C’est, selon ma conception, le tout puissant du lieu, aussi s’en donne-t-il les airs6. » Ses observations sont confirmées par le gouverneur Moltke lui-même : « Malheureusement, c’est Monsieur Anker ici qui fait les honneurs, qui auraient dû être ceux du gouverneur », soupira-t-il dans une lettre à Bülow7. Moltke craint l’effet politique d’une situation où les riches marchands, déployant des fastes destinés à impressionner leurs compatriotes et surtout les étrangers en visite dans le pays, contribueraient à faire de l’ombre au représentant du roi.
8En effet, les patriciens de Christiania ne cachent guère leurs ambitions sociales : dans la ville, ils sont omniprésents ; leurs hôtels particuliers, leurs jardins et leurs manoirs dominent clairement les quartiers de Christiania ainsi que les paysages environnants ; leurs réceptions luxueuses, leurs fêtes champêtres, leurs concerts, leurs représentations théâtrales deviennent célèbres. En tant que commerçants, armateurs ou industriels, ou comme propriétaires terriens, de mines, de forges et de forêts, les oligarques de Christiania sont d’une importance prépondérante dans l’économie de la région et de la nation. Bernt Anker emploie quelque 20 000 individus dans des activités diverses, pour une population totale estimée pour cette époque à moins de 900 000 personnes.
9Veulent-ils aussi briguer, ces marchands oligarques, un pouvoir politique correspondant à leur statut social et à leur importance économique ? Les rumeurs perçues par le consul suédois et communiquées à Stockholm ont-elles un vrai fondement ? Veulent-ils être les champions d’une campagne pour l’indépendance norvégienne, ou éventuellement d’une union avec la Suède ? Il apparaît que le consul envoyé à Christiania par le roi Gustave III, dans le but précisément de pénétrer le cercle des grands commerçants, avait tendance à surestimer son propre rôle et à exagérer les informations rapportées. Il est fort douteux qu’il ait eu réellement les rapports privilégiés dont il se flattait auprès du roi avec les personnages les plus importants. Au reste, ses informations paraissent plutôt fondées sur des rumeurs glanées en ville que sur des confidences de première main.
10Pour le biographe de Bernt Anker, Øyvin Davidsen, le séjour londonien en 1789 n’aurait eu aucun but politique. Il s’agissait en fait d’un voyage purement commercial, comme il en faisait souvent, conclut Davidsen.8 « Mes devoirs exigent ce déplacement, des devoirs importants », écrit Bernt Anker lui-même, sans autre précision, dans une lettre privée écrite avant ce voyage.9 Quant aux projets que Peder Anker aurait tenté de défendre auprès du gouvernement à Copenhague, Martinau lui-même doit admettre qu’« à la vérité [je n’ai] aucune certitude de ce que j’avance, mais c’est de toute probabilité, car depuis plus d’un mois il y a eu ici des conclaves politiques de cinq ou six têtes.10 » Cinq mois après la prise de la Bastille, le moment favorable à une révolution norvégienne était-il venu ?
Un soulèvement armé en Norvège aidé par la Suède ?
11Comme le gouverneur Moltke, le consul suédois croit à l’imminence d’une révolution norvégienne au printemps de 1790. L’été de cette année sera décisif, déclare Martinau dans un rapport envoyé à Stockholm en mars 1790. Selon lui, le temps est mûr pour un soulèvement en Norvège, et pour l’éventuelle adhésion de la Norvège à la Suède, si le roi de Suède en donne le signal : « Si la conjoncture est favorable, le premier soulèvement se fera à Drontheim [Trondhjem] par les 1 500 Mineurs des mines de Rørås, qui forment un corps enrégimenté, sans un autre plus grand en nombre qui sont libres, puis les ouvriers, de la mine d’argent de Kongsberg en feront autant. [sic] » La perspective d’une réussite du soulèvement lui semble prometteuse : « Ces Drontheimois observent peu de ménagement, et ne firent pas grande chose pour le Prince Royal.11 »
12Cependant, Martinau lui-même exprime des doutes concernant la volonté d’action des Norvégiens : « Les rapports, que depuis trois mois j’ai successivement eu l’honneur d’envoyer, ont tous annoncé l’ancienne tendance des Norvégiens à s’affranchir comme prête d’éclater. Elle reste cependant sans effet. Il semble que la vieillesse de ce levain ne saurait plus exciter une fermentation suffisante, encore qu’il soit aujourd’hui réactivé par l’épidémie européenne. » Finalement, l’« indolence naturelle » des Norvégiens l’emporte et suscite la déception du consul.
13De fait, l’été de 1790 ne vit pas de soulèvement en Norvège. Si la perspective d’une armée de mineurs allant en guerre contre les autorités royales peut nous sembler bien fantaisiste, nous avons, cependant, des preuves qu’il y eut des discussions clandestines en Suède entre une poignée de notables norvégiens et le confident du roi Gustave III, Carl Gustaf Armfelt, au printemps 1790. Le sujet des discussions ne concerne rien de moins que la possibilité d’une insurrection armée en Norvège contre le gouvernement danois, puis la formation d’une nouvelle union avec la Suède. C’était exactement ce que souhaitait le roi de Suède, un des rêves de Gustave III depuis sa prise de pouvoir absolu en Suède en 1772 : former une alliance avec des mécontents en Norvège pour arracher le pays de l’emprise du roi de Danemark et ainsi le placer dans le giron de la Suède.
14Il est probable que le rapport de Martinau du mois de mars incita le roi suédois à envoyer son confident Armfelt en Norvège afin que celui-ci prenne contact avec les notables du pays12. En effet, certaines des rumeurs communiquées à Stockholm par Martinau ne sont pas sans fondements, même les plus fantaisistes, car on retrouve quelques similitudes dans le résumé fait par Armfelt – dans un récit écrit beaucoup plus tard – des propos tenus par les Norvégiens lors de ces rencontres, y compris la possibilité de mobiliser les mineurs et les forgerons en tant que forces révolutionnaires.
15Les pourparlers sont pourtant sans issue. Les participants norvégiens assurent qu’une insurrection anti-danoise est envisageable, même avec le recours à la force armée, mais l’intérêt de la part des Suédois à poursuivre cette possibilité est considérablement réduit lorsque les Norvégiens insistent sur le maintien d’une indépendance relative, avec une constitution et des institutions propres à la Norvège au sein d’une union avec la Suède. Cette concession ne faisait guère partie en effet des ambitions du roi Gustave III pour l’agrandissement de son pouvoir13, et l’on comprend dès lors pourquoi le roi donna alors pour consigne à ses amis de se retirer du projet d’une insurrection en Norvège, un projet qu’il jugeait, dans tous les cas, comme trop risqué.
16En réalité, Armfelt ne semble pas considérer les Norvégiens présents dans ces réunions clandestines comme les représentants d’un groupe organisé. Il est vrai que ceux-ci n’ont que des liens indirects avec l’oligarchie patricienne de Christiania, identifiée par le consul Martinau comme le cœur de l’opposition norvégienne. Par conséquent, on ne peut pas dire avec certitude si Bernt Anker et ses frères sont alors au courant des négociations avec les Suédois. Quelques remarques ambiguës dans une lettre écrite à la fin de l’année 1791 donnent à penser que Bernt Anker en a toutefois connaissance : « C’est bien que certaines familles ici aiment le prince héritier, sinon il perdrait la Norvège, s’il ne veut pas devenir roi ici – et uniquement ici – et résider ici. De l’argent, des navires et du personnel, on saurait en trouver ». Mais, ajouta-t-il (en Français) « soyez tranquils [sic] – je ferai en sorte que tout ca échouera. [sic]14 »
17On ne peut exclure que ces mots de Bernt Anker soient en réalité destinés à la cour de Copenhague elle-même, car la lettre est adressée à son cousin Carsten Anker, haut fonctionnaire à Copenhague, qui a été son associé, son confident intime et son agent personnel auprès du gouvernement, et il est évident que Bernt Anker caressait l’idée de voir se répandre à Copenhague l’impression que lui, et lui seul, était le garant de la loyauté pérenne des Norvégiens vis-à-vis de la dynastie royale ; une loyauté qui, sans lui, pouvait se révéler fragile.
Une élite norvégienne divisée et hésitante
18Dans la population dispersée de la Norvège, « tout roule sur une combinaison de gens éclairés, qui peuvent profiter d’une bonne occasion, mais [ne] savent pas la faire naître », observe Martinau15. C’est précisément pour cette raison que le consul presse le roi Gustave d’offrir aux élites norvégiennes une occasion de s’insurger à l’été de 1790. Cependant, Martinau lui-même doit admettre que les élites norvégiennes sont divisées dans leurs opinions : « Je connais tous les chefs patriotes répandus par tout le pays, et leurs différents sentiments. La majorité penche pour une indépendance absolue, mais comme celle-ci n’est point envisageable [sic], on est partagé entre la domination danoise sous de nouvelles modifications, et celle de Suède ». Selon l’avis de Martinau, la dernière option est de loin préférable pour les Norvégiens, ne serait-ce que pour leur donner l’opportunité de s’ensoleiller de « la gloire et des avantages réels d’une puissance de premier rang » – c’est-à-dire la Suède –, mais Martinau ne peut pas cacher le fait que ce projet n’enthousiasme guère ses interlocuteurs norvégiens.
19Dans tout ce qu’il rapporte à Stockholm, il semble que Martinau rencontre des difficultés à convaincre les Norvégiens que la constitution suédoise puisse leur offrir une alternative souhaitable au régime danois. Les Norvégiens ne sont pas prêts à s’assujettir au roi suédois à n’importe quel prix : « On parle de se soumettre à la Suède à condition d’un vice-roi, de représentants aux États et d’un tribut fixe », rapporte Martinau de Christiania en novembre 178916. Des exigences du même genre de la part des Norvégiens incitent le roi Gustave III à interrompre les pourparlers entamés au printemps de 1790. Le projet du roi visait le rattachement de la Norvège à la couronne suédoise, et non la participation de la Suède à un soulèvement national. Le roi exclut la possibilité d’un assaut de l’armée royale en Norvège sans qu’un soulèvement simultané des Norvégiens ne lui serve de prétexte et de légitimation auprès des pouvoirs établis européens. Faute de quoi, il estime préférable d’abandonner le projet.
20En dépit des rapports encourageants de Martinau, Gustave III a aussi certainement des doutes quant aux affinités des élites norvégiennes envers la Suède. À Stockholm, le fait que Bernt Anker, personnalité dominante de Christiania, se soit efforcé de démontrer sa loyauté envers la couronne danoise, précisément dans ces mois d’agitation de l’année 1790, n’est probablement pas passé inaperçu, même si les rapports de Martinau n’en font pas mention. En effet, à l’été 1790, Bernt Anker s’engage dans une action politique à contresens des rumeurs rapportées par Martinau. Il prend l’initiative – en concertation avec le gouverneur Moltke – d’organiser à Christiania de grandes manifestations de loyauté envers le prince héritier à l’occasion des célébrations organisées lors de son mariage : « Il y aura ici des grandes festivités pour le prince héritier. Il verra à quel point il est aimé à Christiania. Tu seras surpris de ce que l’on fera », écrit Bernt Anker à son cousin Carsten au mois d’août. « Ça va me coûter énormément, mais je l’aime et je le veux montrer. »17
21Dans sa correspondance, Bernt Anker insiste d’ailleurs sur le fait que, personnellement, il n’a rien à gagner à un rattachement de la Norvège à la Suède. Au contraire, il écrit qu’il se perçoit lui-même comme l’ennemi intime de Gustave III, et se persuade que le roi voudrait le faire assassiner s’il en avait l’occasion : « La Norvège sera une conquête facile pour Gustaf, il vient sûrement, et il va gagner la Norvège – ou la dévaster », écrit Bernt Anker en 1789. « Je le prévois, je suis sûr que cela se produira […]. Je ne ferai pas de projets de rester ici, mais bien de partir pour ne pas tomber sous le sceptre suédois.18 »
22Les efforts réalisés par Bernt Anker pour démontrer la loyauté de la population de Christiania sont remarqués à la cour de Copenhague, ce qui aussi sans doute était leur but. Son action se solde par des honneurs et d’autres témoignages de gratitude flatteurs de la maison royale. Lui-même, Bernt Anker est très conscient de la valeur du soutien qu’il a apporté à la dynastie : « Ici parmi les montagnes – dépourvus de toutes institutions, sans même une académie pour les sciences et les arts, sans chef l’hiver dernier19 et sans blé dans le froid cette année, nous – les pauvres – avons démontré qu’amor principis omnia vincit », écrit-il avec fierté en septembre 179020. La menace d’un assaut suédois soutenu par une résurrection norvégienne est rejetée, et Bernt Anker se targue d’avoir joué un rôle décisif dans cette victoire.
23La monarchie danoise survit ainsi à un moment périlleux, mais avec le maintien de Gustave III sur le trône de Suède, la situation peut à tout moment redevenir dangereuse en Norvège. Comme nous l’avons déjà vu, Bernt Anker, rappelle pour sa part volontairement qu’il se voit toujours comme le garant de la loyauté des Norvégiens envers la couronne danoise. Sans son acquiescement, les élites norvégiennes ne se révolteront jamais contre le roi de Danemark pour se soumettre à la Suède.
Mécontentements norvégiens et revendications institutionnelles
24Pour désamorcer les tendances révolutionnaires et sécessionnistes, le gouverneur Frederik Moltke, dès son arrivée à Christiania en 1790, met en œuvre une politique d’apaisement des mécontentements norvégiens, des mécontentements qui servent précisément de base aux remous politiques et qui nourrissent chez Gustave III et son agent Martinau l’espoir d’en tirer des avantages pour la Suède.
25Quel est le fondement des mécontentements des Norvégiens envers le gouvernement de Copenhague ? Il est bien connu à l’époque que les élites norvégiennes mettent en avant trois revendications majeures auprès du gouvernement de Copenhague : l’établissement d’une banque norvégienne, l’instauration d’un conseil du commerce propre à la Norvège, et la fondation d’une université norvégienne, des demandes qui sont régulièrement réitérées tout au long du XVIIIe siècle.
26Les deux premières revendications de nature institutionnelle sont liées aux intérêts économiques des commerçants et industriels norvégiens, qui ont le sentiment de voir leurs intérêts sacrifiés au profit du Danemark. Les doléances concernant le manque de liquidités et de crédit en Norvège sont nombreuses, ainsi que les lamentations sur le fait que les banquiers de Copenhague confisquent une bonne partie des bénéfices réalisés par les Norvégiens. Les demandes de création d’un conseil ou d’un organisme d’État travaillant pour le commerce norvégien sont aussi le reflet d’un sentiment répandu parmi les négociants norvégiens, selon lequel la politique commerciale du gouvernement défavoriserait les Norvégiens, et qu’il faudrait créer un contre-pouvoir pour servir les intérêts particuliers de la Norvège.
27Ces deux revendications – d’une banque et d’une politique commerciale propre – visent l’abrogation de la politique centralisatrice et mercantiliste menée depuis le XVIIe siècle par le gouvernement danois. Cette politique voulait que les deux royaumes de Danemark et de Norvège soient considérés comme une unité économique régulée par des monopoles et des octrois accordés par le gouvernement, qui favorisaient la centralisation à Copenhague. En vain, les Norvégiens ont régulièrement exprimé leurs doléances contre une politique qui a empêché le plein développement de leur potentiel commercial.
28La requête d’une université propre de Norvège visait quant à elle la fin du monopole culturel et éducatif qu’exerçait traditionnellement Copenhague, siège de l’unique université des royaumes. Car les diplômes universitaires étaient devenus obligatoires pour entrer dans le clergé ou pour faire une carrière dans l’administration civile au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, et les Norvégiens estimaient que cette situation les désavantageait par rapport aux sujets nés danois pour lesquels les études à l’université étaient plus faciles et moins onéreuses, en raison notamment des distances plus réduites à parcourir, contrairement aux jeunes Norvégiens dont le trajet était parfois fort long et difficile. À cela s’ajoutaient les plaintes sur le fait que l’argent dépensé par les étudiants dans la capitale danoise était de l’argent perdu pour la Norvège, sans compter les maints reproches faits contre une capitale perçue comme un lieu dangereux pour la morale et la santé des étudiants norvégiens, arrivés à Copenhague très jeunes et loin de leur foyer familial.
29La demande d’une université avait de plus une forte signification symbolique qui touchait à l’honneur national : la Norvège étant « le seul pays en Europe sans sa propre université », la situation était vécue comme une infamante marque d’infériorité. Les Norvégiens prirent ainsi conscience que leur pays n’était pas seulement un paysage ou une province danoise, mais aussi et surtout un ancien royaume indépendant, entré en union avec le Danemark par alliance matrimoniale 400 ans auparavant. Ces trois revendications institutionnelles sont en fait autant de témoignages sur la relation que les Norvégiens entretiennent avec le roi danois, qui selon eux défavoriserait la Norvège au profit du Danemark. Les Norvégiens demandent plus d’équilibre entre les deux pays. Leurs revendications sont d’ailleurs soutenues par des statistiques collectées au XVIIIe siècle, qui indiquent que la couronne tire de la Norvège des bénéfices importants destinés avant tout à nourrir « l’insatiable Copenhague », tandis que les besoins de la Norvège sont négligés21. Or, les Norvégiens estiment que le monarque a les mêmes obligations envers chacun de ses deux pays, et que, dans un souci de justice, il doit se montrer plus bienveillant vis-à-vis de ses loyaux sujets norvégiens.
30Avant son voyage en Norvège en 1788, le prince héritier Frederik est publiquement conseillé par l’écrivain Tyge Rothe, l’intellectuel danois le plus respecté de son temps, qui lui recommande de concéder aux Norvégiens les institutions qu’ils réclament. Or, le prince veut être un despote éclairé : il vient d’abolir la servitude des paysans danois et son gouvernement garantit à ses sujets une grande liberté d’expression. Le régime est reconnu comme étant l’un des plus libéraux et éclairés d’Europe, soucieux de faire son mieux pour le bien de son peuple. Dans la continuité de cette politique, le temps semble être venu de rétablir la justice entre les Danois et les Norvégiens, en accordant aux Norvégiens les institutions qu’ils revendiquent avec raison, selon les arguments de Tyge Rothe, dans un plaidoyer publié en 178822. De plus, la présence du prince en Norvège semble être pour les Norvégiens une occasion rêvée pour lui soumettre diverses requêtes. Cependant, le prince choisit de faire la sourde oreille, et Copenhague ne fait aucune concession aux revendications institutionnelles des Norvégiens.
31C’est précisément dans ces années de crise (1788-1789) que se radicalisent les revendications institutionnelles. Dans un de ses rapports à Gustave III, le consul Martinau note que les Norvégiens se plaignent en général « d’être traités comme une province conquise », ainsi que du « despotisme » exercé par les ministères à Copenhague23. Le mécontentement radicalisé se traduit par des revendications de changement plus fondamentales dans l’administration, voire des projets de changements constitutionnels. Dans un pamphlet publié à 1788 et écrit avec un franc-parler inhabituel pour l’époque, le juriste Ole Christopher Wessel, haut fonctionnaire à Christiania, propose la création d’un conseil d’État propre à la Norvège, responsable de toute l’administration du pays, avec des membres « qui ne mériteraient pas seulement la confiance du roi, mais aussi celle de la nation24. » En d’autres termes, Wessel préconise une sorte de gouvernement représentatif norvégien comme l’instance administrative centrale de la Norvège. Le projet est relancé l’année suivante par Peder Anker, le cadet des frères Anker. Sa version du projet « serait l’abolition des quatre charges de grands baillis [gouverneurs], pour établir en leur place un comité, résidant à Christiania, et composé de représentants des quatre districts, qui en commun gouverneraient la Norvège », selon la relation de Martinau en février 1790, après que Peder Anker fût parti à Copenhague pour y présenter – selon Martinau – ce projet à la cour25.
32Martinau parie sur l’échec de cette mission à Copenhague : « Ce gouvernement despotique, qui conséquemment n’aime pas les corporations, rejettera sans doute le projet », écrit-il à Gustave III. Martinau a eu raison. Dans le cadre de la constitution du royaume de Danemark et Norvège, les projets d’Anker et de Wessel sont pour le moins radicaux. La constitution danoise de 1665 ne définit aucune borne au pouvoir absolu du roi, un pouvoir que le roi ne peut ni aliéner, ni partager avec qui que ce soit, conformément à la même constitution. Celle-ci ne tolère aucun contre-pouvoir organisé, aucune représentation du peuple. Le gouvernement en fonction depuis 1784 a certes ouvert un champ libre pour le débat public, et le despotisme éclairé, guidé par une opinion publique informée, est son idéal politique26, mais partager le pouvoir formellement avec des assemblées élues reviendrait cependant à outrepasser largement les limites juridiques traditionnellement admises.
33Dans la situation tendue de l’été 1790, tandis que plane la crainte d’une intervention suédoise en Norvège, les projets de réforme politique bénéficiant du soutien des élites norvégiennes ont sans doute pu inquiéter les autorités de Copenhague. Les activistes norvégiens ont ainsi pu jouer la carte suédoise pour arracher des réformes du gouvernement. En réalité pourtant, les Norvégiens n’ont pas grand-chose à attendre de la part du régime absolutiste de Gustave III, dont le consul Martinau ne cache pas sa méprise et doute des motifs des Norvégiens : « Au fond c’est pour se soustraire à l’humiliation d’obéir à un individu puissant, comme un grand bailli, ce qui depuis longtemps choque l’amour propre, aimant mieux le céder à un conseil, au sein duquel on peut être fait membre27. »
34Aurait-il été possible de rallier les élites norvégiennes derrière les demandes de réforme constitutionnelle et obtenir des concessions du roi danois sans jouer la carte d’une éventuelle défection vers la Suède ? Il semble que le gouverneur Moltke, responsable à Christiania du maintien de l’ordre politique, soit en partie parvenu à calmer les esprits, une fois de plus grâce à son allié principal Bernt Anker : « Ce mot infortuné – la liberté – on ne l’entend jamais de lui, et du ministère il ne parle jamais sans révérence », écrit Moltke à Bülow à son sujet en septembre 1790, ajoutant : « Par contraste avec ses frères, qui sont si insupportables et qui ont projet sur projet28. »
35Aux côtés du gouverneur Moltke, Bernt Anker n’est pas seulement le garant de la loyauté norvégienne envers la dynastie danoise, car il fait aussi barrage aux possibles dérives démocratiques et sécessionnistes souhaitées par certains de ses compatriotes. La loyauté démonstrative de Bernt Anker à l’égard du prince héritier et du régime de Copenhague en 1790 contraste certes avec ses propos – en privé aussi bien qu’au public – souvent très critiques envers la politique du gouvernement que lui aussi, comme bien d’autres marchands norvégiens, juge nuisible aux intérêts nationaux. Mais Bernt Anker n’est décidément pas un démocrate, et il regarde avec méfiance les projets politiques radicaux de ses compatriotes – ceux de ses frères y compris. Il semble que, pour lui, l’important est de pouvoir exercer son influence personnelle auprès du gouvernement à Copenhague, tout en maintenant des relations privilégiées avec le gouverneur à Christiania. Il est pour le moins circonspect à l’idée d’avoir à négocier avec des corps politiques et administratifs nationaux composés de gens qu’il estime inférieurs à lui-même tant par l’intelligence que par le rang.
Un champ public s’ouvre : le patriotisme
36Faute de pouvoir offrir aux Norvégiens des corps représentatifs, le gouverneur Moltke leur offrit une société savante. En 1790, il lance le projet de former Det topographiske Selskab – la Société Topographique – qui doit avoir comme activité principale la publication d’une revue scientifique : Topographisk Journal for Norge. Le but du gouverneur est de canaliser l’activisme des Norvégiens dans des projets locaux de recherche ou de réformes économiques et sociales, probablement pour détourner l’attention d’un débat ouvertement politique ou pouvant susciter l’opposition ouverte contre le gouvernement. Pour Moltke, il fallait que les autorités se montrent ouvertes et attentives, et non pas opposées à la discussion de projets d’amélioration des conditions de vie des Norvégiens, pour ne pas risquer de perdre leur légitimité.
37Le Siècle des Lumières témoigne d’un intérêt croissant pour les sciences et les techniques. Pour les Norvégiens intéressés par les sciences, il semble clair que le développement de leur pays est empêché par le manque de savoir. La Norvège semble vouée à l’échec et à la misère faute de connaissances suffisantes en matière de sciences, de techniques industrielles, et de savoir dans le domaine de l’agriculture et des forêts. En 1760 est fondée dans la ville de Trondhjem la Société Royale Norvégiennes des Sciences. Au plan local, cette société sait rallier les élites autour d’un programme de développement du pays à l’aide des sciences29. Son action est bien accueillie à Copenhague, où le gouvernement est soucieux de rallier la « société civile » à ses efforts de modernisation du royaume, pour relancer la croissance économique30.
38Les sciences représentent un champ de communication et de délibération publique qui a pu être ouvert par les autorités danoises sans peur que ce geste soit nuisible à l’ordre politique. Dans le cadre d’un débat informé entre scientifiques, il devient possible de discuter des meilleurs moyens de faire fonctionner la société, et aussi des différentes réformes locales et partielles à soutenir, tout en évitant les grandes questions politiques. La légitimité du régime n’est ainsi pas remise en question. Le gouvernement central à Copenhague, de même que les fonctionnaires locaux, encouragent les initiatives dans ce domaine. Le « patriotisme » devient l’idéologie officieuse de la monarchie danoise. Des sociétés patriotiques sont appelées à prendre des initiatives et à apporter leur soutien à la politique gouvernementale. Or, ni la loyauté envers la dynastie, ni la légitimité de l’ordre politique ne sont remises en question par ces initiatives.
39La majorité des membres de la « société du gouverneur » sont des fonctionnaires civils – des pasteurs, des administrateurs locaux, des juges – et des officiers de l’armée, et ce sont eux qui écrivent la plupart des articles scientifiques dans la revue31. L’expérience de la société scientifique et de la revue démontre que, pour le plus grand nombre, les sciences sont essentiellement un champ d’intérêt pour les fonctionnaires bien plus que pour les commerçants, mais il existe toutefois des exceptions. Quelques grands marchands et industriels, notamment les frères Anker, y contribuent comme mécènes, et plusieurs propriétaires et commerçants investissent des efforts importants dans les sciences, surtout dans l’exploitation des mines et dans la métallurgie, à l’exemple des frères Anker, tous les deux maîtres de forges32.
La campagne en faveur d’une université nationale – un nouveau moment révolutionnaire
40Avec l’assassinat de Gustave III, le 29 mars 1792, la menace d’un assaut suédois en vue d’annexer la Norvège avec l’aide d’une opposition indigène est – au moins momentanément – éliminée. Pour autant, les remous politiques en Norvège ne prennent pas fin. Avec la radicalisation de la Révolution française, Christiania est de nouveau en émoi. Le gouvernement à Copenhague s’alarme des notes en provenance de Christiania qui rapportent des célébrations bruyantes à la faveur des succès militaires de l’armée révolutionnaire française à la fin de l’année 1792. L’année 1793 commence plutôt mal pour les autorités danoises de Christiania, et la ferveur politique laisse craindre le pire.
41Ce ne sont pas pourtant les radicaux qui sont à l’origine des craintes du gouverneur Moltke de perdre le contrôle de la situation politique, mais sa propre association – Det Topographiske Selskab, à l’origine d’un projet imaginé par l’un de ses membres les plus respectables, le pasteur et professeur honoraire de l’université de Copenhague Jacob Nicolai Wilse. Au printemps de 1793 Wilse lance, en effet, un appel à réunion pour le 4 juin de la même année dans l’unique journal hebdomadaire de Christiania dans le but de discuter des démarches préalables à l’établissement d’une université en Norvège. Il n’y a pourtant, dans cette démarche, aucune opposition politique ou déloyauté, car Wilse propose à ses concitoyens de se tourner vers le gouvernement de Copenhague pour réclamer formellement la fondation d’une université en Norvège. L’élément clé de son initiative consiste cependant dans l’idée de financer cette université par des moyens privés. En réalité, son invitation est adressée aux richissimes marchands de Christiania pour qu’ils endossent la responsabilité de son financement. De fait, les contraintes financières de l’État danois, lourdement endetté, ont toujours servi de raison – ou de prétexte – à un refus d’accéder aux doléances des Norvégiens. Désormais, grâce à l’aide des milliardaires du pays, l’idée devenait réalisable sans avoir recours à la caisse royale33.
42Au cours du XVIIIe siècle, les élites norvégiennes n’épousaient pas toutes les mêmes revendications nationales. La banque et le conseil de commerce étaient l’affaire des grands marchands à Christiania, tandis que la réclamation d’une université était surtout défendue par les pasteurs et les fonctionnaires de l’État. Dans un pays rural, sans noblesse et de fait dominé par les petits paysans et les pêcheurs, ce sont ces deux groupes – les patriciens des villes, et les fonctionnaires de l’État (dont les plus nombreux sont les pasteurs de l’Église d’État luthérienne) – qui étaient en mesure d’assumer le rôle d’une élite sociale. L’élite marchande construisit sa position sur l’accumulation des ressources financières, tandis que l’élite des fonctionnaires et des pasteurs bénéficia d’une position privilégiée grâce à l’acquisition d’une éducation universitaire. Les revendications nationales sont ainsi liées aux intérêts de ces deux composantes de l’élite norvégienne, soucieuses d’assurer leur avenir, pour l’une en favorisant la concentration du capital, pour l’autre, en facilitant l’accès à l’université des fils de fonctionnaires.
43Or, l’idée de Wilse est précisément de rallier ces deux élites pour une cause commune – l’université. L’invitation lancée par Wilse suscita une vague d’émotions. La presse norvégienne se remplit d’articles soutenant son initiative, et de discussions sur la nécessité d’une université et les différents moyens de la financer et de la localiser. Wilse rallia Bernt Anker lui-même à sa cause. Anker, qui a fait souvent référence à l’absence déplorable d’une université en Norvège, soutient vivement l’action de Wilse en faveur de la création d’une université en Norvège, mais il se prononce en revanche très prudemment en ce qui concerne son financement.
44Il devint bientôt clair que l’action en faveur d’une université norvégienne était susceptible de déborder les intentions loyalistes de J. N. Wilse, lorsque notamment les participants au débat dans la presse demandèrent des actions plus fortes et plus efficaces que celles proposées par le pasteur. Un des premiers à comprendre que l’action pour l’université pourrait basculer dans l’opposition ouverte était le gouverneur Moltke. Dans une lettre adressée à son ami Bülow – et clairement destinée au prince Frederik lui-même – il écrit : « Tous nos hebdomadaires sont remplis d’articles concernant… une académie en Norvège ! C’est maintenant le sujet qui occupe – tout le monde !34 » Moltke demanda donc au gouvernement l’autorisation de lancer la contre-attaque dans la presse :
Il serait dans la ligne d’une politique saine que le gouvernement me laisse publiquement annoncer que ce sujet, aussi important pour le pays que pour le régent, n’est pas passé inaperçu, et qu’il sera demandé à la commission nommée pour évaluer le système éducatif, de faire une étude scrupuleuse sur l’utilité d’une université en Norvège, et que tous ceux qui ont envie de faire des propositions à ce sujet seront invités à les remettre à la commission, et que le résultat de lʹétude sera rendu public35.
45Avec ces mesures, Moltke visait à contenir dans le cadre de la régularité administrative l’action qui était alors en cours. Selon Moltke, le gouvernement ne pouvait plus rester inattentif aux souhaits norvégiens dans la question de l’université : sans nécessairement garantir l’issue favorable de cette étude, il était extrêmement important de montrer aux Norvégiens que le gouvernement était attentif à ce problème, au moins pour « plaire et flatter ». « Sois gentil, mon cher ami, de prendre ce sujet au sérieux. Toute chose est à prendre au sérieux aussitôt qu’elle touche à l’intérêt général », insista Moltke dans une lettre au grand chambellan du prince Frederik. Pour Moltke, le débat ne concernait plus seulement la question d’une université, car l’action en cours était désormais de nature politique et relevait de « l’intérêt général », menaçant de rendre la situation incontrôlable. De toute évidence, certains activistes norvégiens visaient bien plus haut qu’une simple institution éducative ou scientifique, et à travers la question universitaire, c’est l’ordre politique qui devenait le véritable enjeu. Toutefois, la lettre à Bülow resta sans réponse, ce dernier ayant été relevé de ses fonctions à la cour peu après, et de ce fait le gouverneur Moltke ne reçut aucune consigne concernant la position à adopter vis-à-vis des événements à Christiania.
Le projet d’une université norvégienne : une campagne politique ratée
46À Christiania, les débats dans la presse montrent clairement que la question universitaire dépasse alors le simple enjeu de la fondation d’une institution pour l’instruction publique. Un correspondant prudent proteste contre ce qui, à son avis, est devenu un projet privant l’État d’initiative dans un domaine qui lui est traditionnellement réservé, ceci sans la moindre autorisation officielle. Mais ces réserves sont promptement balayées par les autres participants : « Un peuple libre, n’a-t-il pas le droit de tenir des réunions de délibération, quelle autorisation serait nécessaire pour cela ? » réplique un vieux patriote36.
47Que l’action pour l’université prenne une direction politiquement osée, la chose est claire lorsqu’a lieu la fameuse réunion demandée par Wilse, le 4 juin. Une quarantaine de personnes y assistent, mais les abstentions y sont aussi remarquables que les présences. Le gouverneur Moltke, ainsi que le commandant militaire et l’évêque de Christiania ont ostensiblement refusé d’y participer, aussi bien d’ailleurs que les corps constitués, car seulement trois officiers de l’armée y assistent, et aucun de premier rang, tandis que du clergé, outre Wilse lui-même, seuls deux pasteurs sont effectivement présents37. Certaines personnes initialement favorables au projet se sont de même abstenues de venir, raconte Wilse dans une lettre à un professeur danois : quelques-uns « eurent peur que la réunion puisse être considérée comme une sorte de Stempling, comme nous appelons en norvégien et en suédois les réunions non autorisées pour concocter des projets criminels38. » L’action en faveur de l’université était ainsi en train de franchir les bornes de la légitimité politique.
48La réunion procéda à l’élection d’un comité pour poursuivre l’action, notamment par deux mesures. D’abord, par un concours visant à récompenser les meilleurs traités rédigés sur l’organisation et le financement d’une université en Norvège et, ensuite, par la préparation d’une souscription nationale. Le comité établi à Christiania fut autorisé à se mettre en contact avec les individus intéressés dans les trois autres villes principales de la Norvège, en vue de former des comités parallèles afin de couvrir la totalité du pays, et susceptibles d’assurer la concertation de l’action.
49La question de savoir s’il valait mieux d’abord se tourner vers le roi pour obtenir son autorisation fut également abordée, mais la proposition fut rejetée par la grande majorité qui considéra la démarche inutile : dans le fond, était-il utile de « demander l’autorisation pour l’édification d’une chose qui, parce qu’elle concernait simplement les choses de l’esprit indispensables, ne pourrait être préjudiciable ni à l’intérêt privé, ni à l’intérêt public39 » ? Si l’université était bien une institution scientifique, elle faisait partie à ce titre d’un domaine non politique, dans lequel l’intérêt de l’État ne pouvait dominer sur les intérêts privés.
50Ce langage était pour le moins radical, si l’on considère comme nous l’avons vu, que la constitution du royaume ne tolérait alors aucun contre-pouvoir organisé, aucune représentation du peuple. Or, c’est exactement ce que les participants à la réunion du 4 juin 1793 tentèrent d’organiser. En créant une chaîne de comités locaux, ils entendaient former une représentation de toute la nation – sans l’autorisation du roi – dans le but d’organiser l’action en faveur d’une cause que les organisateurs savaient être la cause commune la plus susceptible de recevoir l’appui général de la population norvégienne. À titre de comparaison, le projet d’une banque pour la Norvège n’avait jamais connu le même degré de consensus, ce projet étant trop lié aux intérêts économiques de groupes particuliers. L’université, en revanche, était un projet de grande utilité auquel tous pouvaient adhérer et qui était chargé de plus d’une forte charge symbolique.
51La question de l’université a assurément dépassé les limites d’un « patriotisme » loyal. Même si dans son discours d’ouverture, lors de la réunion, le pasteur Wilse se défend de toute tendance déloyale ou anti-danoise, étant lui-même né au Danemark, le caractère « révolutionnaire » de la réunion était difficilement contestable. Le groupe réuni à Christiania défia ouvertement le pouvoir du roi en utilisant un projet « non politique » – celui de fonder une université – comme arme de l’action politique. La majorité des participants de la réunion n’était vraisemblablement pas consciente de leur degré d’insubordination, qui frôlait en fait la trahison ouverte. Ajoutons d’ailleurs que la réunion eut lieu dans le grand salon de la maison du riche marchand Svend Moestue, l’un des Norvégiens qui prit part aux négociations secrètes [stemplinger] du printemps de 1790 avec l’émissaire du roi Gustave III.
52Le caractère politiquement radical de l’action en faveur de l’université devient encore plus clair si l’on fait le détail des élus qui furent acceptés comme membres du comité. Outre Bernt Anker, J.N. Wilse et deux éminents savants, les membres furent choisis parmi les hommes de Christiania qui avaient été dénoncés à Copenhague comme de potentiels révolutionnaires dans les rapports secrets envoyés par les autorités locales quelques mois plus tôt. La personnalité la plus importante du comité – outre Bernt Anker – était Ole Christopher Wessel, que l’on présentait comme l’une des personnes les plus importantes parmi les gens « contaminés par la nouvelle philosophie »40 inspirée des idées de la Révolution Française que les fonctionnaires du roi craignaient par-dessus tout.
53L’année précédente, Wessel avait épousé la veuve d’un des grands marchands de Christiania, dont la fortune dépassait peut-être même celle de Bernt Anker, et Wessel aspirait visiblement à une position égale à celui-ci. Un nouveau leader émergea donc parmi les oligarques de Christiania, et, cette fois-ci, il s’agissait d’un homme déjà réputé pour sa critique du régime, ainsi que pour ses compétences indéniables d’administrateur et de scientifique. Le tournant pris par l’action en faveur de l’université vers une confrontation avec le pouvoir était-il principalement son œuvre ? Difficile de l’affirmer faute de sources explicites, mais pour ce qui est des délibérations du comité, Wessel apparaît clairement comme son nouvel inspirateur.
54Les élites norvégiennes auraient-elles pu se rallier autour d’une personnalité comme Wessel pour faire remonter leurs revendications jusqu’au gouvernement, en commençant par la création d’une université, avant peut-être d’avancer des concessions constitutionnelles, et – enfin – exiger l’indépendance du roi de Danemark ? Il semble en tout cas que l’occasion ne se présenta guère : Wessel tomba malade et mourut en 1794, laissant, avec sa disparition, l’action pour l’université sans âme, ni force. Bernt Anker prit la relève, mais apparemment sans grande conviction, ni énergie. Son esprit agile se tourna vers d’autres projets, moins susceptibles de provoquer des troubles politiques à Copenhague. En outre, une conjoncture commerciale malheureuse empêcha le lancement d’une souscription nationale. Wessel ne laissa aucun testament en faveur d’une université, et le projet d’une université norvégienne financée par des fonds privés dut être abandonné.
55En fin de compte, les Norvégiens se montrèrent réticents à soutenir une action qu’on aurait pu considérer comme déloyale. Même Wessel admit qu’il aurait peut-être mieux valu se tourner dès le début vers le gouvernement pour obtenir le soutien royal du projet, et ne pas risquer la défection des éléments les moins hardis41. Contrairement à ce qu’on était escompté en Norvège, l’initiative prise à Christiania en faveur d’une université norvégienne fut bien reçue à Copenhague, y compris dans les cercles les plus proches du prince héritier. Dans les milieux intellectuels de Copenhague, on se prit d’enthousiasme pour un projet qui présentait la possibilité de fonder une université moderne et réformée dans l’esprit des Lumières en Norvège, et surtout d’une université financée par les milliardaires de Christiania, dont la richesse était connue et enviée jusqu’à Copenhague. Sans financement privé, le projet était cependant condamné. Le régime, initialement libéral, céda peu à peu la place à un régime plus conservateur et répressif, au fur et à mesure que la menace des mouvements révolutionnaires devint de plus en plus dangereuse aux yeux du prince régent. Une université en Norvège, susceptible de soutenir à la fois dérives révolutionnaires et tendances sécessionnistes, ne semblait pas être une idée capable de séduire le futur roi, dont les deux plus grandes préoccupations consistaient alors à maintenir l’indivisibilité de son royaume et à garantir son pouvoir absolu.
56Quand en 1795 les Norvégiens adressèrent enfin une humble sollicitation au prince dans le but d’obtenir son accord à propos d’une université – entièrement financée sur fonds publics – la réponse fut négative. Le gouvernement donna précisément comme raison de son refus l’impossibilité de réunir les fonds nécessaires. Pour les mieux informés parmi les patriotes à Christiania, la décision ne fut pas une surprise : « Le sort du projet de l’université fut celui que j’avais prévu », écrit Bernt Anker dans une lettre privée42. Sans mobilisation financière, l’élite norvégienne n’avait aucune chance de faire prospérer ses revendications auprès du pouvoir central à Copenhague.
57L’échec de l’action en faveur de l’université révèle dès lors un évident manque de cohésion et de solidarité au sein des élites norvégiennes, qui sont clairement divisées. Même s’il y a un mécontentement envers le gouvernement de Copenhague et sa politique norvégienne, il paraît difficile, voire impossible, de rallier les forces « nationales » derrière un programme commun. Le projet de l’université aurait pu servir de projet unificateur. Cependant, il semble que les Norvégiens aient perdu courage quand le projet prit la forme d’un acte politique oppositionnel. La loyauté envers la dynastie danoise était alors – en fin de compte – profondément enracinée chez les Norvégiens. Par ailleurs, il faut se rendre compte que l’une des deux composantes de l’élite norvégienne était constituée par les fonctionnaires d’État – et donc par des serviteurs du roi. Or ce sont eux qui n’ont pas eu le courage de participer à la réunion à Christiania du 4 juin 1793.
58En 1789-1790, si l’on doit en croire les rumeurs rapportées par le consul Martinau, confirmées d’ailleurs par le gouverneur Moltke, l’agitation norvégienne était à son apogée. Cependant, les opinions sont divisées. Même les hommes qui prennent subrepticement contact avec les agents du roi Gustave III ne se sentaient pas attirés par l’idée d’une soumission au roi suédois. Les Norvégiens – semble-t-il – militaient essentiellement pour des réformes constitutionnelles introduisant des éléments d’autogestion. Au sein de l’État absolutiste danois, l’idée même de réformes dans cette direction semblait néanmoins impossible. Quant à une révolte armée contre le pouvoir danois, elle aurait nécessité l’appui d’une force extérieure, autrement dit la Suède. Les Norvégiens étaient par conséquent contraints de limiter leur choix à l’une des deux monarchies absolues – la Suède et le Danemark – et la grande majorité des Norvégiens préféraient sans doute le Danemark à la Suède, ce que dut également admettre l’agent de Gustave III en Norvège, le consul Martinau.
59N’y-a-t-il pas eu malgré tout une autre possibilité ? En 1799, Bernt Anker reçoit à Christiania un groupe de voyageurs britanniques, parmi eux le célèbre économiste T.R. Malthus. Dans un entretien avec Malthus et ses compatriotes, Bernt Anker s’exprime avec une franchise remarquable. Non seulement il renouvelle les griefs norvégiens à l’encontre du gouvernement de Copenhague et sa négligence envers les intérêts de la Norvège, mais il évoque aussi l’idée d’une union entre la Norvège et la Grande-Bretagne, ajoutant « que M. Pitt [le Premier ministre britannique] a une fois lancé un projet dans cette direction-là, et que la Norvège ne l’a pas entièrement rejeté », selon le compte-rendu fait par Malthus dans son journal de voyage43.
60Aucune autre référence à un possible projet de William Pitt en rapport avec la Norvège n’est identifiable dans les sources que nous connaissons actuellement. Étant donné sa position dans la capitale britannique, il n’aurait pas été trop difficile pour Bernt Anker d’obtenir une audience personnelle auprès du Premier ministre s’il l’eut souhaité, mais aucune mention d’une telle rencontre n’apparaît dans sa correspondance, ce dont Bernt Anker n’aurait pas manqué de noter, lui qui ne cache habituellement pas ses fréquentations au sommet de la société. Le consul Martinau rapporte en 1789 – comme nous l’avons vu – que Bernt Anker s’est embarqué pour Londres pour « y traiter de l’indépendance de la Norvège ». Martinau ajouta dans son rapport au roi Gustave III au sujet de Bernt Anker : « Comme c’est au fond un génie remuant, il pourrait bien lui prendre fantaisie dans la conjoncture présente de vouloir faire l’Adams ou le Franklin44. »
61Un soulèvement norvégien en 1789 ou 1790, comme celui des Nord-Américains en 1776, avec l’appui du gouvernement britannique, à l’image de l’intervention militaire de la France au secours des Américains, était-il un scénario probable ? Pour les intérêts économiques de la Norvège, qu’il connaît mieux que personne, Bernt Anker est persuadé que le libre accès au marché britannique – à travers la mer du Nord – est vital. Aux interlocuteurs britanniques en 1799, il suggérait même qu’en cas de conflit entre la Grande-Bretagne et la cour de Copenhague (ce qu’on ne pouvait totalement exclure cette année-là), les Norvégiens se révolteraient contre le gouvernement danois et inviteraient l’armée britannique à envahir la Norvège pour ensuite faire cause commune avec elle45.
62Ce dernier scénario est en fait contredit par les événements postérieurs. Après l’attaque de la flotte britannique à Copenhague en 1801, et surtout après le bombardement de Copenhague et la confiscation de la flotte dano-norvégienne en 1807, les Norvégiens se rallièrent derrière leur roi dans une réelle ferveur patriotique. De plus, quand la Norvège déclara son indépendance en 1814 et se tourna vers la Grande-Bretagne pour sa protection, ce fut Carsten Anker, le cousin de Bernt Anker, qui s’embarqua pour Londres pour y traiter de l’indépendance de la Norvège et qui aussi accueillit la parole négative d’un gouvernement tory décidé à faire la sourde oreille. De fait, la Norvège était promise à la Suède comme récompense pour la participation de l’armée suédoise dans la dernière lutte contre Napoléon, et c’est finalement le tsar Alexandre Ier, et non pas le gouvernement à Whitehall, qui devait apparaître comme le protecteur des libertés norvégiennes dans l’union avec la Suède.
63Dans la voie vers l’indépendance, les divisions au sein des élites que nous avons identifiées dans les années 1790 sont présentes jusqu’au bout. Les membres de la convention constitutionnelle qui se réunissent à Eidsvoll au printemps 1814 se déchirent entre un courant idéaliste, anti-suédois et pour l’indépendance à tout prix, et un parti pragmatique, avant tout favorable à la stabilité et à la paix avec la Grande-Bretagne, ainsi qu’à la réouverture des marchés dans le cadre d’une union avec la Suède, mais avec des institutions norvégiennes spécifiques. Les chefs du parti unioniste sont alors Peder Anker et son gendre, le comte Herman Wedel-Jarlsberg.
64Dans la ferveur patriotique de 1814, le comte Wedel se trouve isolé et méprisé, alors que trois plus tôt, il était triomphalement retourné en Norvège après avoir arraché du prince danois devenu roi, Frederik VI, après la mort du roi Christian VII en 1808, la promesse d’une université en Norvège. Au cours de la campagne visant à obtenir des concessions en faveur de la Norvège, le projet de l’université s’était montré fort utile. C’était un projet – et même le projet – qui avait su rassembler et mettre d’accord tous les Norvégiens. Ce n’est qu’après la levée de fonds importants grâce à une souscription nationale en Norvège que le roi Frederik VI accepta de signer le décret de la fondation de l’université. Et cette fois-ci, le projet d’une université financée par des fonds privés fut un succès.
65Malgré tout, l’union des Norvégiens autour du projet de l’université ne dura pas longtemps, et n’effaça guère les divisions profondes qui existaient toujours au sein des élites norvégiennes concernant leur vision de l’avenir de la Norvège. Déchirés entre leur loyauté vis-à-vis de la dynastie danoise et le désir impérieux d’un gouvernement constitutionnel, les Norvégiens hésitaient encore entre le rêve d’une indépendance absolue et le besoin d’une stabilité dans leurs relations avec la Grande-Bretagne, mieux garantie, selon certains, par une union avec la Suède. Les armées suédoises décidèrent de leur sort à l’automne de 1814 lorsqu’elles obtinrent la soumission des Norvégiens, lesquels parvinrent, en échange, à obtenir du roi de Suède le maintien de la constitution libérale dont ils s’étaient, entre temps, dotés.
Notes de bas de page
1 La fonction qu’occupe Frederik Moltke est celle d’administrateur civil (“stiftamtmann”) du diocèse d’Akershus, la région la plus peuplée et économiquement la plus importante de Norvège. En l’absence d’un gouverneur général (fonction laissée vacante pour la dernière moitié du XVIIIe siècle), le stiftamtmann d’Akershus figure au premier rang des fonctionnaires et officiers civils du pays. Sa fonction est semblable à celle d’un intendant français sous l’Ancien Régime, ou à celle d’un préfet sous l’Empire. La traduction “gouverneur” est celle que Moltke lui-même utilise dans sa correspondance en français. Le consul suédois J. C. Martinau, dans ses rapports au roi Gustav III rédigés en français, emploie le terme “grand bailli”.
2 “Lettre de Fr. Moltke à J. von Bülow, 1er mai 1790, in Ludvig Daae, Af Geheimeraad Johan v. Bülows Papirer, Christiania, 1864, p. 29.
3 Norsk Kjeldeskriftinstitutt, Riksarkivet Oslo (NKR), Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau au roi Gustave III”, 14 novembre 1789. Copies des rapports de Martinau à Gustave III (sa source est identifiée comme “le capitaine de Sehested”).
4 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau au roi Gustave III”, 7 novembre 1789.
5 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau au roi Gustave III”, 26 décembre 1789.
6 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau au roi Gustave III”, 30 juin 1787.
7 “Lettre de Frederik Moltke à J. von Bülow”, sans date, in L. Daae, op.cit., p. 111.
8 Øyvin Davidsen, Bernt Anker i nytt lys, Oslo 1944, pp. 90-91.
9 Riksarkivet, Oslo (RA), Privatarkiv n° 3 Anker F 5, Brev til Carsten Anker fra Bernt Anker, 1789-98, “Lettre de Bernt Anker à Carsten Anker”, 19 septembre1789.
10 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau à Gustave III”, 26 décembre 1789.
11 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de Martinau au Gustave III”, 9 mars 1790.
12 Il est aussi probable que le contact est établi à l’aide d’un ci-devant commerçant et haut fonctionnaire à Christiania, Jacob Juel, qui s’est réfugié en Suède en 1784, à l’issu d’une grande affaire de détournement de fonds publiques, et qui avaient des liens familiaux avec le cercle des grands marchands (Il fut le frère de Maren Juel, l’épouse en seconde noce de O. C. Wessel).
13 Les négociations sont uniquement connues à travers les rapports écrits par Armfelt et destinés au roi Gustave III. Yngvar Nielsen : ”Gustav den III’s norske Politikk”, Historisk Tidsskrift 2.R. 1 Bd., 1877.
14 RA, Privatarkiv n° 3 Anker F 5, Brev til Carsten Anker fra Bernt Anker, 1789-98, “Lettre de Bernt Anker à Carsten Anker 1791”, reçue par ce dernier le 6 décembre.
15 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau au Gustave III”, 9 mars 1790.
16 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau au Gustave III”, 14 novembre 1789.
17 RA, Privatarkiv n° 3 Anker F 5, Brev til Carsten Anker fra Bernt Anker, 1789-98, “Lettre de Bernt Anker à Carsten Anker”, 14 août 1790.
18 RA, Privatarkiv n° 3 Anker F 5, Brev til Carsten Anker fra Bernt Anker, 1789-98, “Lettre de Bernt Anker à Carsten Anker”, janvier 1789.
19 Cette partie de la lettre est mal lisible, et son contenu n’est pas clair. Peut-être Bernt Anker fait-il référence au fait que le poste de gouverneur à Christiania est laissé vacant après le départ de Jørgen Scheel en décembre 1789 et l’arrivée de son successeur Frederik Moltke au printemps de 1790.
20 RA, Privatarkiv n° 3 Anker F 5, Brev til Carsten Anker fra Bernt Anker, 1789-98, “Lettre de Bernt Anker à Carsten Anker”, 18 septembre 1790.
21 P. F. Suhm, “Om Danmarks og Norges Tilstand, i Henseende til Handelen” (écrit en 1772), dans Kammerherre og Kongelig Historiographus Peter Friderich Suhms samlede Skrifter, Vol. 6, Copenhague, 1790, pp. 445-480.
22 Tyge Rothe, Om nogle Dannemarks og Norges Fordringer til hinanden : i Anledning af Kronprindsens Reise til Norge, Copenhague, 1788.
23 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J.C. Martinau à Gustave III”, 30 juin 1787,
24 O.C. Wessel, Upartiske Betragtninger over Hr.Professor Legangers Tanker i Anledning af den kongelige allernaadigste Befaling om nogle beneficerede Gaarders Udnœvnelse til militœre Boliger for Compagniecheferne i Norge, Copenhague, 1788, p. 21.
25 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J.C. Martinau à Gustave III”, 8 février 1790.
26 Edv. Holm, Den offentlige Mening og Statsmagten i den dansk-norske Stat i Slutningen af det 18de Aarhundrede (1784-1799), Copenhague, 1888 ; J. A. Seip, “Teorien om det opinionsstyrte enevelde”, Historisk Tidsskrift, Vol XXXVIII, 1958, pp. 397-464.
27 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J. C. Martinau à Gustave III”, 8 février 1790.
28 “Lettre de Fr. Moltke à J. von Bülow”, 23 septembre 1790, in L. Daae, op.cit., p 38.
29 Hans Midbøe, Det Kongelige Norske Videnskabers Selskabs historie 1760-1960, Vol. 1, Trondheim, 1960.
30 Dan Ch. Christensen, Det moderne project. Teknik & kultur i Danmark-Norge 1750- (1814)-1850, Copenhague, 1996.
31 Odd Arvid Storsveen, “Fornuftig Kierlighed til Fædrelandet. En analyse av norsk patriotisme mellom 1784 og 1801”, in Odd A. Storsveen et al., Norsk patriotisme før 1814, KULTs skriftserie n° 88, Oslo, 1997.
32 D.Ch. Christensen, op.cit.
33 J.N. Wilse, “Indbydelse til mine Norske Medborgere og Landsmænd for med mig allerunderdanigst at ansøge om et Academie i Norge”, Norske Intelligenz-Sedler, n° 13, 27 mars 1793.
34 “Lettre de F. Moltke à J. von Bülow, 27 avril 1793, in L. Daae, op. cit., pp. 107-108.
35 Ibid.
36 Chr. Hammer, “Giensvar til Hr. Professor Wilse om et Norsk Academie, saavelsom til Hr. Doctor Treschows Indvendinger derimod”, Norske Intelligenz-Sedler n° 21, 1793, addendum.
37 Nasjonalbiblioteket, Oslo (NB), NA/A J 4981, Notes manuscrites dans l’exemplaire du livre publié par J.N. Wilse, Die Norwegische Akademie, Altona 1796, de la main de J. J. Vangensteen, qui est élu secrétaire par la réunion du 4 Juin 1793.
38 NB, Håndskriftsamlingen, Ms. Fol. 260/1, “Lettre de J.N.Wilse à un professeur (Abr Kall ou J. C. Kall ?) à Copenhague”, 6 septembre 1793.
39 J. N. Wilse, Die Norwegische Akademie, Altona 1796, p. 43-44. « […] um Erlaubnis ansuchen zur Einrichtung einer Sache, die, weil sie bloss nothwendige Seelennahrung beträfe, weder dem Privat-noch Staatsinteresse nachteilig seyn könnte. »
40 Rapport de F.J. Kaas, président du magistrat de Christiania, à J. von Bülow, 5.1.1793, L. Daae, op.cit., p. 125.
41 RA, Arkiv S-2868 Universitetet i Oslo, Kollegiet, “Lettre de O.C. Wessel à J. N. Wilse”, 26 avril 1794, in E. L0058 Bygningssaker m.m. 0001 Prof. Willes (sic !) Plan for et universitet i Norge.
42 “Lettre de Bernt Anker à Christen Pram”, 16 avril 1796, in Tidsskrift for den norske Personalhistorie (éd. Bernt Moe), Fascicule 6, Christiania, 1844, p. 469.
43 Thomas Robert Malthus, Reisedagbok fra Norge 1799, éd. norvégienne, Oslo, Cappelen, 1968, p. 38
44 NKR, Manuscrit n° 24, “Rapport de J.C. Martinau à Gustave III”, 7 novembre 1789 (copie).
45 E.D. Clarke, Travels in Various Contries of Europe, Asia and Africa, Part the Third : Scandinavia, vol. 10, Londres, 1824, p. 377.
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