1L’implication et le rôle du prêtre dans la commande sont aujourd’hui mieux connus1 : le pouvoir décisionnel du choix de l’artiste et du prix de l’œuvre incombaient le plus souvent aux fabriciens ou aux trésoriers tandis que les choix iconographiques étaient toujours sous le contrôle du recteur. Mais quelle place occupait l’image du prêtre dans la peinture religieuse bretonne aux XVII^e et XVIII^e siècles et à quels types de représentations était-il associé2 ?

2Tout d’abord, il faut préciser que la figure du prêtre n’est pas une image répandue dans la peinture religieuse bretonne du XVII^e et XVIII^e siècles. Le corpus étudié s e compose de 49 œuvres sur un total de 902 œuvres recensées. Quant à la répartition chronologique, elle est quasiment équivalente pour les deux siècles. En revanche, l’image du prêtre en qualité de donateur est une image privilégiée au XVII^e siècle alors que l’image du prêtre en qualité de saint ou dans l’exercice de son métier (excepté les représentations de la Bonne Mort) est plus fréquente au XVIII^e siècle. Cela s’explique probablement par les effets du Concile de Trente qui souhaitait remettre à l’honneur le modèle du bon prêtre. Les images donnaient alors à voir un prêtre dévoué, zélé et désireux d’accomplir son rôle d’édification des fidèles.

Le prêtre acteur de la célébration des sacrements

3Dans une région où l’idée de la mort est très présente, le prêtre apparaît avant tout comme le principal acteur de la célébration du sacrement des malades et l’accompagnateur des mourants vers l’au-delà. Propagé par la Contre-Réforme, le thème de la Bonne Mort connut en Bretagne un certain succès grâce à la multiplication des confréries d’Agonisants créées pour solenniser les derniers instants3. Une bonne mort était une mort qui n’était pas subite mais une mort pieuse, accompagnée et assistée de la présence du prêtre. Un marché de tableau destiné à l’autel d’une confrérie des Agonisants dans l’église de Châteaugiron, près de Rennes témoigne de cette présence du prêtre. Ce marché signé le 4 mars 1690 entre le peintre Guy Padiolleau et Hélène Gillet stipule que le tableau représentera « un agonisant, qui sera accompagné aux lieux qui doibvent estre des figures de sainct Michel, sainct Pierre, sainct Joseph, l’ange gardien et un prestre, la figure de la mort, et les figures des démons autant qu’il en sera requis dans le bas du tableau4».

4Selon un schéma codifié, le mourant est allongé sur son lit et s’apparente à un paroissien ordinaire permettant ainsi aux fidèles de s’identifier à l’image qu’ils reçoivent. Il croise les mains et tient parfois un chapelet. Le prêtre, vêtu d’un surplis et d’une étole, lui délivre les derniers sacrements afin d’accéder au Salut Eternel. Il tient dans ses mains un rituel (Runan, La Roche-Derrien, Plédéliac) ou un crucifix qu’il dirige vers le mourant (Châteaugiron, La Rémaudière, Saint-Pol-de-Léon, Saint-Thélo) (Ill.1).

5Il peut être accompagné d’un enfant de chœur tenant un chandelier (Plédéliac, La Rémaudière) ou d’un clerc (Tréflévenez). À Roscoff, c’est un évêque qui officie avec l’assistance d’un prêtre. À Cardroc, le prêtre est remplacé par un franciscain dont l’ordre avait encouragé la création des confréries d’Agonisants5. Au chevet du lit du mourant, on distingue une table sur laquelle sont disposés un ou deux chandeliers, un crucifix, un seau à aspersion et son goupillon nécessaire pour bénir le mourant, une pyxide contenant l’huile des malades et servant à l’onction. Sur certains tableaux, on observe la présence d’une assiette, reste d’un dernier repas ou objet utilisé par le prêtre pour recueillir les cotons servant à l’onction. Au pied du lit, la famille éplorée prie pour le salut du mourant. Généralement, les membres de la famille et les personnages présents autour du mourant sont empruntés à la gravure, mais dans certains cas, ils peuvent être une invention du peintre. Dans ce cas, il s’agit soit de portraits anonymes, soit de portraits qui renvoient à des physionomies réelles comme à Tréflévenez où ce sont très probablement la femme et les deux enfants du mourant qui sont représentés, témoignant ainsi d’une commande de particulier et non d’une commande paroissiale.

6Le prêtre est également assisté par un ange dont la fonction principale est d’établir un lien avec l’au-delà. Le doigt ou le regard dirigé vers le ciel, il permet le transfert de l’âme du mourant vers le monde céleste où l’accueillent la Vierge et le Christ (Roscoff) et parfois quelques saints (Châteaulin). La figure de l’ange est également présente pour rappeler les vertus théologales (la Foi, l’Espérance, la Charité) et les bonnes œuvres qui conduisent le mourant vers Dieu (Plédéliac, Châteaulin). Et enfin, l’ange s’oppose à la figure du démon chassé ou écrasé, symbolisant ainsi la victoire du bien sur le mal (Roscoff).

7Ce thème de la Bonne Mort trouve son origine dans les Ars moriendi, textes illustrés de gravures et destinés à préparer le chrétien à la mort. Toutefois, il semble que les peintres bretons n’aient pas eu recours aux gravures issues de ces ouvrages du XVI^e siècle6. En revanche, les gravures illustrant l’extrême-onction, comme celles gravées d’après des œuvres de Nicolas Poussin ont été une source d’inspiration mieux exploitée. À Roscoff, en 1702, Alain Bourriquen a repris quelques détails d’une gravure illustrant l’extrême-onction de Jean Dughet d’après la première suite des Sept Sacrements de Poussin. À Saint-Pol-de-Léon, le peintre s’est inspiré de la gravure de l’extrême-onction de Jean Pesne d’après la deuxième suite des Sept Sacrements de Poussin. D’autres ont choisi de réinterpréter certains modèles gravés. En témoignent les tableaux de Runan et de la Roche-Derrien (Ill.2).

8Tous deux dérivent d’une gravure éditée par Etienne Gantrel d’après une œuvre de Nicolas Poussin représentant Le Miracle de saint François-Xavier ressuscitant une femme de Langerima7. L’artiste trégorrois a repris la composition générale mais a substitué à saint François-Xavier par l’Ange gardien symbolisant la victoire du bien sur le mal. Le jésuite agenouillé a été remplacé par un prêtre donnant les derniers sacrements au mourant.

9Une autre image à laquelle le prêtre est associé est la représentation du sacrement de l’Eucharistie illustrée en Bretagne par un seul et unique tableau conservé à la chapelle Sainte-Noyale de Noyal-Pontivy (Ill.3). Ce tableau anonyme de la première moitié du XVII^e siècle illustre la célébration d’une messe en l’honneur de sainte Noyale, sainte céphalophore8, représentée à droite du prêtre. Le prêtre, dos aux fidèles selon l’usage, porte une aube et la chasuble de couleur rouge en l’honneur des saints martyrs. Il porte le manipule sur le bras gauche et bénit l’hostie, symbole eucharistique, devant l’image de la Vierge et du Christ portant sa Croix. Le prêtre assure ici un lien entre un monde céleste et un monde terrestre occupé par deux clercs qui l’assistent dans sa tâche, deux évêques portant leur crosse, un autre clerc et deux enfants de chœur.

10Ce tableau est intéressant d’un point de vue liturgique puisqu’il décrit avec précision les objets liés à l’Eucharistie. De chaque côté de l’autel, recouvert d’une nappe, sont disposés un chandelier, un canon d’autel et un coussin d’autel sur lequel repose une Bible. Il renvoie ainsi aux fidèles une image didactique lui permettant de s’associer au déroulement de la messe. Ce type de composition n’est pas sans rappeler les ouvrages illustrés de gravures décrivant les différentes étapes de la messe de François Mazot ou Sébastien Le Clerc9. Mais, force est de constater le faible écho de ces gravures auprès des commanditaires et peintres bretons. En revanche, l’image eucharistique privilégiée fut celle de la Cène, iconographie très diffusée parmi les thèmes christologiques. Le Sacrifice eucharistique, à travers l’image du Christ, offrait une meilleure compréhension pour des fidèles dont le champ iconographique était limité, répétitif et dominé en grande partie par les mêmes épisodes de la Passion.

11C’est également à la célébration des sacrements du baptême et du mariage que l’image du prêtre est associée. À Primelin (Ill.4), une clôture de baptistère, peinte en 1705, fonctionne comme un livre d’images illustrant les différentes étapes de la vie de tout bon chrétien où le prêtre apparaît comme la figure centrale. Les deux panneaux extérieurs illustrent le baptême et le mariage. La célébration du baptême se déroule sous l’autorité d’un prêtre clairement identifié grâce à une inscription précisant qu’il s’agit de I. Gloaguen, curé de Primelin en 1705. La scène se situe dans le baptistère où le prêtre accueille les parents et l’enfant accompagné d’une nourrice. Le prêtre est encore au centre de la composition de la scène du mariage10. Les époux accompagnés de leurs témoins posent la main sur la bible tenue par le prêtre. À l’intérieur du baptistère, figurent les représentations de la confession (le prêtre dans un confessionnal entend les pêchés d’un fidèle)11 et de la confirmation (deux prêtres assistent l’évêque dont la présence est indispensable lors de ce sacrement). L’évêque tient le saint Chrême qu’un prêtre applique sur le front de l’un des confirmands.

12L’image du prêtre est enfin associée à l’encensement du Saint Sacrement sur un tableau conservé à Guimaëc et peint en 1790 par Jean Blévin. Quatre prêtres sont agenouillés devant l’autel au-dessus duquel figure un ostensoir adoré par deux anges. Deux prêtres tiennent l’encensoir de la main droite selon l’usage. Ils sont vêtus d’un surplis à la forme particulière où les manches sont remplacés par des pans plissés.

Le prêtre donateur et adorateur

13Les images précédentes montraient un prêtre anonyme dans l’exercice de la prêtrise. Une autre catégorie d’images met en scène des individualités qui se manifestent lorsque le prêtre agit en qualité de donateur. Cette volonté de paraître est plus ou moins affichée selon les cas. Certains ont simplement fait apposer un calice surmonté d’une hostie comme l’on peut le voir sur le tableau de La Donation du Rosaire de Cavan12. Cette pratique s’apparenterait ainsi à celle de la noblesse qui apposait ses armoiries13. D’autres ont laissé des inscriptions au bas des tableaux. C’est le cas du tableau de La Donation du Rosaire daté de 1668 et conservé à l’église de Plougasnou, sur lequel est inscrit « M.^re Jan Le Court/R^r. de Plougaznou/a Doné ce Tableau14 ».

14Outre ces inscriptions, certains prêtres ont choisi de se faire représenter manifestant ainsi une volonté de perpétuer leur souvenir. C’est le cas du prêtre de Moutiers dont un très beau portrait se détache de la scène de L’Adoration des Mages (Ill.5). Vêtu d’un surplis brodé, il est agenouillé en attitude de prière devant un prie-Dieu sur lequel est posée une Bible. Il ne prend pas part au déroulement de la scène mais se surimpose à elle. Il regarde le spectateur et affiche une volonté de témoigner de son passage.

15Un autre type de représentation montre des figures de prêtres, non plus détachées mais intégrées dans la scène religieuse. C’est le cas du tableau de La Vierge de Miséricorde conservé à la chapelle des Carmes de Neulliac et donné par testament en 1641 par le recteur Yann Toumelot (Ill.6). Ce tableau représente la Vierge protégeant de son voile une foule de fidèles et de hauts dignitaires ecclésiastiques parmi lesquels un pape, un évêque et un cardinal, mais également trois prêtres dont le possible donateur du tableau, Yann Toumelot, représenté les mains jointes15.

16L’un des portraits de prêtre ne nous est pas inconnu puisqu’on le retrouve sur les tableaux de La Donation du Rosaire de Neulliac et de la chapelle Notre-Dame de Bon Secours de Rohan. Ces images de prêtres s’apparentent à de véritables portraits et attestent d’une volonté de représenter des personnages précis. On retrouve ce type de portraits individualisés sur les tableaux de La Donation du Rosaire des églises de Ruca (1649) et Andel (1^ère moitié du XVII^e siècle).

17C’est également en qualité d’adorateur-spectateur que le prêtre prenait place au côté d’un panthéon royal et ecclésiastique. En revanche, la qualité de donateur des prêtres figurant sur ces œuvres paraît moins évidente16. La composition de ces tableaux est sensiblement identique : la Vierge et l’Enfant donnent les Rosaires à des personnages représentés dans un espace terrestre et en adoration devant la scène religieuse. À Neulliac, excepté la figure du jeune roi Louis XIV, tous les personnages appartiennent au monde religieux et respectent la hiérarchie ecclésiastique. La figure du prêtre, vêtu d’un surplis richement brodé, prend place derrière un évêque et un pape. Les regards du prêtre et de l’évêque sont tournés vers le spectateur et témoignent ainsi de la volonté du peintre de portraiturer fidèlement les personnages mais cela nécessitait de sa part de réelles qualités de portraitiste que tous ne possédaient pas. En revanche, la fidélité des portraits est difficilement appréciable sans une identification du prêtre et en l’absence d’éventuels portraits gravés. À Guégon et Guillac, cette intention du portrait n’apparaît pas. Les figures de prêtres ne sont pas individualisées et ne regardent pas le spectateur. Il s’agit ici de la représentation du prêtre et non d’un prêtre défini.

Saints prêtres

18En Bretagne, la figure du prêtre est associée à celle de saint Yves, qui est sans conteste le saint breton le plus représenté dans la peinture17. Vêtu de la soutane et du surplis ou de la robe d’avocat, il s’apparente soit à un prêtre soit à un avocat, mais dans les deux cas, il est représenté pour montrer un modèle et un idéal de justice.

19Les tableaux d’églises ou de chapelles, voués à être admirés par les fidèles, montrent une iconographie stéréotypée. Le saint, debout, refuse la corruption du riche qui lui tend une pièce de monnaie. De l’autre main, il tend ou reçoit un parchemin de la part du pauvre (Lannion) ou de la veuve et l’orphelin (Paris18) (Ill.7). Le geste n’est pas toujours précis et il est difficile de déterminer qui de saint Yves ou des pauvres plaideurs reçoit le parchemin. En habit de prêtre, il est vêtu d’une soutane recouverte d’un surplis et d’un camail parfois tacheté d’hermine à l’image de ceux portés par les avocats. De la même façon, il porte la barrette qui s’apparente à la fois à celle du prêtre et à celle de l’avocat (Paris, Louannec). Outre son costume, la mise en scène de saint Yves dans un décor d’office, où sont entreposés des dossiers juridiques et des sacs à procès, permet d’associer la figure du prêtre à sa fonction d’official (Glénac, Paris).

20À Vannes, c’est en qualité de prêtre thaumaturge qu’il est figuré sur le tableau destiné à l’hôpital de la Garenne. Vêtu d’un surplis aux manches remplacées par des pans plissés, il brandit un crucifix en présence d’un pauvre, d’un infirme, de la veuve et de l’orphelin. À l’arrière-plan, sont représentés des lits d’hôpitaux où deux mourants reçoivent les derniers sacrements.

21Autre célèbre saint prêtre : saint Mathurin19, considéré comme le modèle du prêtre qui avait le pouvoir de chasser les démons. C’est d’ailleurs dans l’action d’exorciser Théodora, la fille de Maximien, empereur de Rome qu’on le retrouve représenté. À Erquy (Ill.8) et Moncontour, la scène semble avoir été inspirée par une même gravure. Saint Mathurin se tient debout devant Théodora qui rejette le démon qui la possédait (Meslin et Neulliac). A Kergrist, saint Mathurin est figuré au chevet d’un malade assisté d’un ange, d’une femme et d’une religieuse priant. Il est à la fois le guérisseur de Théodora mais également celui du simple fidèle. Proche des représentations de la Bonne mort, il n’est pas figuré délivrant les derniers sacrements mais comme un saint thérapeute, dans l’action d’exorciser un malade. Une scène en arrière plan le représente exorcisant Théodora rappelant ainsi aux fidèles son pouvoir particulier. Le peintre a associé une scène de la vie quotidienne et une scène religieuse offrant ainsi à l’image une valeur pédagogique qui donne aux fidèles les clés pour saisir la scène. À Dinan, c’est une représentation extatique de saint Mathurin qui s’offre aux fidèles comme l’art de la Contre-Réforme en a multiplié les exemples.

22La figure du prêtre est également associée à celle de Michel Le Nobletz (1577- 1652), célèbre prédicateur et missionnaire. Prêtre de Douarnenez, il mit au point un système d’évangélisation fondé à partir d’images appelées Taolennou20. À partir de 1663, il fit l’objet d’un culte encouragé par le Père Maunoir qui souhaitait créer un pèlerinage. Si l’entreprise fut d’abord un succès, elle s’avéra un échec dès 1675 et les quelques représentations de Michel Le Nobletz en prêtre que nous conservons datent de cette période : en 1667, la chapelle Saint-Michel de Douarnenez, nouvellement construite pour le pèlerinage, fut ornée d’un lambris de cinquante-six panneaux parmi lesquels figurent une représentation du prédicateur (Ill.9). En 1668, Michel Trébaol, habitant du Conquet offrit un tableau en reconnaissance de son intercession lorsqu’il se trouva en danger sur les côtes d’Espagne (Plouguerneau, chapelle Saint-Michel). Deux autres tableaux sont conservés à l’évêché de Quimper. L’un provient de la chapelle Saint-Michel de Douarnenez (1661) et l’autre plus tardif (fin du XVII^e siècle) provient de chapelle Notre-Dame-des-Joies de Guimaëc. Par ailleurs, la représentation physique du saint est fidèle au portrait officiel que l’on connaît.

Conclusion

23Au terme de ce panorama, on observe une diversité relative de l’image du prêtre. On notera la faible représentation du prêtre dans les ex-votos. Les seuls que nous connaissons sont trois tableaux appartenant à une série d’ex-voto peints en 1770 par le peintre Philippe d’après les archives de la communauté de Sainte-Anne-d’Auray. Il ne s’agit donc pas d’une initiative des prêtres mais d’une commande des Carmes. Parmi ces tableaux, il existe une représentation pour le moins originale d’un prêtre breton en action de grâce. Il représente Pierre Guillemet, prêtre de Camors, grièvement blessé en 1720 et invoquant sainte Anne pour obtenir une guérison. Vêtu d’une soutane noire et agenouillé sur un prie-Dieu, il a une hachette enfoncée dans le crâne. Le trésor de Sainte-Anne-d’Auray conserve dans un reliquaire l’os du crâne où se voit la blessure. Un autre prêtre apparaît au côté de la famille d’un mourant invoquant sainte Anne pour sa guérison et enfin un prêtre agenouillé en action de grâce devant sainte Anne. De la même façon, l’image du prêtre dans les scènes de processions est quasiment anecdotique puisque l’on ne recense qu’un seul exemple puisé dans les tableaux peints par Philippe en 1770 : La Translation de la relique de sainte Anne donnée par Louis XIII et Anne d’Autriche.

24Les images illustrant la célébration des sacrements permettaient une valorisation du métier de prêtre et participait à la culture des fidèles. Quant aux portraits intégrés dans la scène religieuse, ils répondaient pour la plupart à une volonté du prêtre de témoigner de son souvenir. Ce genre particulier de portrait, qui survivait en province au XVII^e siècle, représentait à la même époque, un certain archaïsme à Paris où le portait individuel connaissait déjà ses lettres de noblesse. En Bretagne, les portraits individuels de prêtres se généralisent davantage au XVIII^e siècle21.

25Par ailleurs, les thèmes abordés dans la peinture religieuse bretonne ne sont pas spécifiquement bretons, excepté l’iconographie plutôt régionale de saint Yves et de Michel Le Nobletz. Des représentations de la Bonne Mort existent également dans d’autres régions et en particulier en Auvergne dont on connaît mieux la production grâce au travail de Pascale Moulier22. L’image codifiée décrite plus haut est respectée. Mais comment aurait-il pu en être autrement lorsque l’on sait que le peintre répondait à une commande sous le contrôle du recteur dont le rôle était de faire respecter des dogmes édictés par les textes.

26Ce type de représentation a permis une production originale où les références à la gravure sont absentes ou partielles, alors que l’on sait aujourd’hui que la majorité des peintures religieuses bretonnes sont des copies de gravures23. Aussi, si ces images sont le reflet d’une faible part de la production picturale bretonne des XVII^e et XVIII^e siècles, elles en représentent une part originale.

Ill.1 : La Remaudière (Loire-Atlantique), église Saint-Martin, La Bonne mort, anonyme, fin XVII^e - début XVIII^e siècle.

Ill.2 : Runan (Côtes d’Armor), église Notre-Dame-de-Miséricorde, La Bonne mort, attribué à Jacques Duval, vers 1721.

Ill.3 : Noyal-Pontivy (Morbihan), chapelle Sainte-Noyale, La Messe, anonyme, milieu du XVII^e siècle.

Ill.4 : Primelin (Finistère), chapelle Saint-Tugen, clôture de baptistère, anonyme, 1705.

Ill.5 : Moutiers (Ille-et-Vilaine), église Saint-Martin, L’Adoration des Mages, attribué à Mathurin Bonnecamp, 1^ère moitié du XVII^e siècle.

Ill.6 : Neulliac (Morbihan), église Saint-Pierre et Saint-Paul, La Donation du Rosaire, attribué à Yves Dubreton, 1^ère moitié du XVII^e siècle.

Ill.7 : Paris, barreau des avocats, Saint Yves entre le riche et la veuve et l’orphelin, Philippe Matozrec, 1763.

Ill.8 : Erquy (Côtes d’Armor), église Saint-Pierre et Saint-Paul, Saint Mathurin exorcisant Théodora, attribué à Yves-Corentin Le Moenne, 1728.

Ill.9 : Douarnenez (Finistère), chapelle Saint-Michel, Michel Le Nobletz, Hamon Floch, sieur de Pratambars, 1667.