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Le Rouergue au tournant de l’an mil

 | 
Frédéric de Gournay

Troisième partie. Le Rouergue Féodal (xie-xiie siècles)

Chapitre 13. L’ordre féodal

Texte intégral

1De l’ordre public à la féodalité : telle est la profonde mutation qui rend compte des troubles de l’an mil, car elle a d’abord affecté les dépositaires et représentants de l’autorité, les comtes et leurs agents. Principaux acteurs de cette “révolution”, ceux-ci n’ont nullement disparu au XIe siècle, mais la nature de leur pouvoir en est ressortie profondément transformée.

1. Des comtes de Rouergue aux comtes de Rodez.

L’intermède de Robert d’Auvergne

  • 1 Richarde accompagne encore son fils Hugues lors d’une donation à l’abbaye Saint-Paul de Na (...)
  • 2 HGL, t. V, n° 198. J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, pp. 53-54.

2Fils du mariage tardif entre Raimond III et Richarde, HUGUES devait être très jeune lorsque son père mourut en pèlerinage à Jérusalem ; sa mère exerça la régence jusqu’au début des années 10301. L’autorité du comte Hugues Ier de Rouergue semble avoir été assez faible, à l’instar de son royal contemporain Henri Ier. Il était marié dès 1032 à Foy, fille du comte Guifred de Cerdagne2. Leur fille Berthe – le seul enfant que nous leur connaissions – épousa le comte Robert d’Auvergne.

  • 3 Conques, n° 8 (janvier 1052) : S. Ricardis commitisse quae carta ista scribere vel firmare (...)
  • 4 Conques, n° 46 (1058) : Rotbertus Rotenensis urbis comes ; n° 572 (1060) : consilio Rotber (...)

3Le couple comtal, leur fille et leur gendre apparaissent pour donner à Conques l’église de Trébosc en 1052. Hugues dut mourir juste après, car il n’apparaît plus parmi les souscripteurs de l’acte, contrairement à Foy, Berthe et Robert, qui tous trois portent le titre comtal ; c’est la mère de Hugues, la vieille comtesse Richarde, qui fit rédiger la donation3. ROBERT D’AUVERGNE succéda à son beau-père ; comme lui, et comme Raimond III, il portait déjà le titre de “comte de Rodez” ou “comte des Ruthénois”4.

La réunification raimondine

  • 5 Conques, n° 8 (1052), 46 (1058), 572 (1060) ; Saint-Victor, n° 827 (1061).
  • 6 Saint- Victor, n° 827 (1061).
  • 7 J. HILL et L. HILL, Raymond IV de Saint-Gilles (1959), p. 8 : “Le conflit qui s’ensuivit d (...)
  • 8 Saint- Victor, n’837(1079) : hanc eandem abbatiam Rothbertus comes et uxor ejus Berta, fil (...)
  • 9 Vita Gausberti, éd. GAUJAL, Études historiques..., t. IV (1859), p. 481 : multa miracula f (...)

4Robert est attesté plusieurs fois comme comte de 1052 à 10615 ; il était à la fois comte de Rouergue et d’Auvergne, Rotenensium atque Arvernensium comes6. Les événements qui suivirent sont très mal connus ; seul leur résultat est certain : le remplacement de Robert par RAIMOND DE SAINT-GILLES, autrement dit la restauration raimondine à Rodez. Certains auteurs ont évoqué une véritable guerre de reconquête menée par le Raimondin depuis la région de Nîmes ; une guerre qui aurait duré quinze à vingt ans, et “dévasté” le Rouergue7. Mais cette guerre de succession n’apparaît guère dans nos documents – il est vrai que nous n’avons pratiquement pas de sources narratives pour cette époque –, si ce n’est une allusion de l’évêque Pons au “tumulte des guerres” qui aurait empêché la réforme de Saint-Amans de Rodez entre 1065 et 10798 ; la Vie de saint Gausbert évoque ces mêmes troubles alors que Raimond s’était déjà imposé à Rodez9, avant la mort de Gausbert en 1081. La titulature de Raimond de Saint-Gilles montre en tout cas la précocité de ses revendications sur le Rouergue :

  • comes de Rutenis, vers 1066
  • comes Rutenensis et Nemosensis Narbonensiumque nobilissimus, 1066
  • comes de Ructenis, frater Guillelmi de Tolosa, vers 1068
  • comes de Ruthenis, 1066-1074
  • frater G. comitis Tolosani, comes Ruthenae, vers 1074
  • frater Willelmi comitis, comes Rutenorum, vers 1077
  • Ruthenensium comes, 107810.
  • 11 HGL, t. V, n° 336-II (16 juin 1080), col. 649-650.

5Les chartes de 1068, 1074 et 1077 environ établissent clairement la distinction entre Raimond, comte de Rodez, et son frère Guilhem, comte de Toulouse. Ce dernier dominait l’ensemble des comtés raimondins à l’exception du Rouergue, si l’on en croit la titulature très fournie dont il se pare en 1080, à l’occasion d’une donation au sanctuaire familial de Saint-Pons de Thomières : ego Guillelmus Tolosanensium, Albiensium, seu Caturcensium, Lutevensium, Petragorensium, Carcassonensium, Aginnensium, necne Astarachensium comes et dux11 Il serait donc inexact de voir en Raimond de Saint-Gilles un “comte de Toulouse” venant s’intercaler entre les comtes de Rouergue et les comtes de Rodez. Raimond est un comte de Rouergue qui a réunifié l’héritage raimondin, et comme son prédécesseur ruthénois Raimond II, il allait dominer l’ensemble de la principauté après la mort de son pair toulousain ; la reconquête du patrimoine rouergat lui en donnait la légitimité.

  • 12 S. SOBREQUÈS I VIDAL, El s grans Comtes de Barcelona (1961), p. 129 et note 43 p. 153 (réf (...)

6Cette reconquête était achevée lorsque Mahaut de Pouilles, comtesse de Barcelone, donna naissance à Rodez au futur comte Raimond Bérenger III (11 novembre 1082) ; elle était en visite auprès de sa cousine Mahaut de Sicile, épouse de Raimond de Saint-Gilles12

La promotion des vicomtes de Millau (1096-1112)

  • 13 A. BONAL, Comté... (1885), pp. 86-87. Repris par HGL, t. V, n° 389, col. 738-739.
  • 14 Haec omnia superius nominata tibi uxori meae ad integrum dono quantum habeo vel habere deb (...)
  • 15 Ce contrat de mariage est resté à Rodez, avec les archives comtales, jusqu’à l’époque de B (...)

7L’ombre revient sur la situation “politique” du Rouergue sitôt sa reconquête opérée, comme s’il n’avait servi que de tremplin à l’ambition de Raimond de Saint-Gilles. Un remarquable document transmis par Antoine Bonal montre néammoins comment le pagus était revenu dans le patrimoine raimondin : il s’agit du contrat de mariage entre Bertrand de Saint-Gilles, fils de Raimond, et Hélène de Bourgogne (juin 1095)13. Bertrand cède en dot à sa femme les comtés et diocèses de Rodez, Cahors, Viviers, Avignon et Digne, en invoquant sa loi romaine : dono tibi in tuo sponsalitio et donatione civitatem Ruthenam cum comitatu et episcopio sicut lex mea est, et civitatem Caturcensem cum comitatu et episcopio ; insuper dono tibi in sponsalitio Vivariam civitatem cum comitatu et episcopio, et civitatem Avinionis cum comitatu et episcopio, et civitatem Dignam cum comitatu et episcopio, sicut lex mea Romana est. Cinq cités possédées ensemble (insimul) par les deux époux, et qui devaient échoir à leurs enfants, ou, si Hélène ne donnait pas d’enfants à Bertrand, et lui survivait, à ceux qu’Hélène choisirait comme héritiers14. Elle enfanta Alfonse Jourdain, et c’est lui qui recueillit cet héritage en 1112. En attendant, le douaire est approuvé par le beau-père, Raimond de Saint-Gilles : Raimundus Tolosanus comes, dux Narbonae et marchio Provinciae15.

8Nous ne connaissons rien de l’administration des Saint-Gilles en Rouergue, et guère plus d’un événement capital : l’engagement partiel du comté au vicomte Richard de Millau, la naissance d’un “comté de Rodez” détaché du “comté de Rouergue”. La tradition situe l’événement en 1096, lors du départ de Raimond pour la première croisade.

  • 16 Chronique, éd. Ph. LABBE, Nova bibliotheca... , t. 2, Paris, 1657, cap. 48 (pp. 304-305).
  • 17 Ruthenis praefecit comitem Richardum filium Richardi vicecomitis de Carlat. qui fuit filiu (...)

9Elle repose sur un passage de Geoffroi de Vigeois qui ne brille pas précisément par l’exactitude16. Le chroniqueur limousin commence par rappeler l’origine de Raimond de Saint-Gilles : Pontius Tholozanus comes genuit Guillermum et Raimundum. Jusque-là, rien à redire. Puis il poursuit : Raimundus filius Pontii Tholosani pro argento, cum quo Hierosolymam abiit, Ruthenis praefecit comitem Richardum ; ainsi donc, Raimond aurait nommé Richard “comte”, “à Rodez”. Qui était ce Richard ? Geoffroi le précise aussitôt, et c’est le début d’une série de bourdes généalogiques17 : Richard serait le fils du vicomte Richard de Carlat, lui-même fils de Raimond caput stupae, c’est-à-dire Raimond Bérenger II de Barcelone ! Raimond Bérenger serait le grand-père d’Alfonse le Chaste ! Rappelons que ce dernier est l’arrière-petit-fils de Raimond Bérenger II, et que Richard de Millau est le fils du vicomte Bérenger et d’Adèle de Carlat.

  • 18 A. BONAL, Comté... (1885), pp. 130-137.
  • 19 Abrégé historique… (1682), p. 6 et p. 10. L’auteur donne aux vicomtes de Millau le titre d (...)

10Bonal ignore les événements rapportés par Geoffroi de Vigeois : il s’en tient aux chartes, et notamment à la copie du testament de l’abbé Pons de Saint-Amans, transcrite in anno in quo Richardus comes et Ugo filius ejus acquisierunt Ruthenensem comitatum d’Amphos, comite Tolosano. Le comté de Rodez n’aurait pas été “engagé” par Raimond de Saint-Gilles, mais “vendu” par son petit-fils Alfonse Jourdain, et ce à une date tardive (entre 1126 et 1148)18. Plus rigoureux, l’Anonyme de 1682 suit Geoffroi de Vigeois tout en corrigeant ses erreurs généalogiques : Raimond de Saint-Gilles “engagea” le comté de Rodez à Richard en 1097, “à son départ pour la terre sainte”19.

  • 20 Conques, n° 527 (donation de la moitié de l’église de Golinhac) : Ego Ricardus vice comes (...)
  • 21 Saint-Victor, n° 831 (1112).
  • 22 J. BOUSQUET, “Vie sociale et vie religieuse...” (1961), pp. 275-278.

11Que penser de cette tradition ? L’indigence de nos sources ne permet guère d’être trop affirmatif. Deux dates et une constatation doivent nous retenir. Le 5 janvier 1097, Richard de Millau n’est que “vicomte”20 ; en 1112, il arbore le titre de comte de Rodez (Rutenensium comes)21. Mais la promotion de sa famille est bien antérieure : il n’est que de songer à ses oncles Bernard et Richard, abbés de Saint-Victor ; à son frère Gerbert, comte de Provence. A Rodez, l’abbaye de Saint-Amans a servi les ambitions de la famille vicomtale dès la seconde moitié du XIe siècle22.

  • 23 HGL, t. V, n° 395, col. 747-748. Cf. Jacques BOUSQUET. “La donation de Ségur par Raymond d (...)
  • 24 Date de la transcription du testament de l’abbé Pons de Saint-Amans sur ordre du comte Hug (...)

12En 1096, Raimond de Saint-Gilles se dit toujours “comte de Rodez” aussi bien que “comte de Toulouse”, tam Tolosanorum quant Ruthenensium comes23. Mais il devait partir pour mourir au loin, et ses successeurs ne pouvaient guère s’occuper des comtés familiaux. Lorsqu’en 1112 sa succession échut à un enfant, il fallait trancher ; c’est sans doute cette année-là que Richard et son fils Hugues “acquirent le comté de Rodez d’Alfonse, comte de Toulouse”24.

Anciennes et nouvelles vicomtés

  • 25 Il porte ce titre en 1100, à proximité de Millau, lors de la donation de l’église Saint-Ma (...)
  • 26 Gellone, n° 161 (15 avril 1133).
  • 27 LFM, t. II, n° 863 (novembre 1179) ; R. PAUC, “Documents...” (1974), n° 2 (15 mai 1192).
  • 28 BN, Doat 145, f° 4 (1159) : villam Sanctae Eulaliae et terram quae dicitur Larzac, quae si (...)
  • 29 A. SOUTOU, “Inventaire toponymique...” (1968), carte p. 248.
  • 30 HGL, t. VIII, n° 128, col. 518-519.
  • 31 Carlat, t. II, n° 5 (Arles, 1167). Le titre de “vicomte de Carlat,, apparaît dans la secon (...)
  • 32 AC Saint-Antonin, AA 1 n° 2 (2 août 1155).
  • 33 ARTIÈRES, Notice historique sur la vicomté et la commune de Creissels..., 2e éd., 1973, p. (...)
  • 34 Carlat, t. II, n° 6 (8 octobre 1176) : Girberto vero, filio alio meo, Creyssel cum omnibus (...)
  • 35 ACLP, n° 89 (“vers 1160”) : Haec est carta que Frotardz, lo vescoms de Broq..., dona a dom (...)
  • 36 Doat 170, f° 107-108 : Breve quae fecit facere Ugo comes de plaig que fez ab Frotard de Br (...)
  • 37 ACLP, n° 89 : Raimond Gui de Comba Orseira, sa femme et ses enfants sont fevaters d’Escafr (...)
  • 38 HGL, t. VIII, n° 178 (1214, 7 novembre), col. 655 : vicecomitatum de Cambolatio.

13Le vicomte Bérenger de Millau avait deux fils : l’un, Richard, devint comte de Rodez ; l’autre, Gerbert, devint comte de Provence – tout en gardant le titre vicomtal en Rouergue25 –, et son héritage échut aux comtes de Barcelone suite au mariage de sa fille Douce avec Raimond Bérenger III. Il semble que la vicomté de Millau soit passée toute entière du côté barcelonais, contrairement au Carladez qui resta partagé entre les descendances ruthénoise et barcelonaise de Bérenger jusqu’en 1167. En 1133, le comte de Provence Bérenger Raimond évoque fièrement “sa” ville de Millau : villa mea, que vocatur Amilaus26. Comme il n’y avait plus de vicomte sur place, on se mit à parler du “comté de Millau”, comitatus Amiliavi (1179), comitatus de Amilau (1192)27 – “mon comté de Millau”, disait Raimond Bérenger IV en donnant Sainte-Eulalie aux Templiers (1159)28. Ce comté débordait largement sur le Gévaudan29 ; en 1204, c’est le “comté de Millau-Gévaudan” (comitatus de Amiliavo et de Gavaldano) que le comte-roi d’Aragon dut engager à Raimond VI de Toulouse30. Divisée entre Barcelonais et Ruthénois, la vicomté de Carlat fut réunifiée en 1167, lorsque le comte de Rodez Hugues II, petit-fils de Richard, la reprit en fief du roi Alfonse d’Aragon, arrière-petit-fils de Gerbert31. Celle de Saint-Antonin était partagée en 1155 entre trois frères : Isarn, Guilhem Jourdain et Pierre32. Deux nouvelles vicomtés paraissent remonter au XIIe siècle ; elles sont situées dans la vallée du Tarn. Celle de Creissels n’est attestée qu’à partir de 127233, mais elle doit remonter au testament du comte Hugues II (1176), qui avait légué Creissels et les terres situées au sud du Tarn à son deuxième fils Girbert34. Un peu en aval, la vicomté d’Ayssènes-Broquiès est mentionnée par deux textes du XIIe siècle : une donation de Frotard, “vicomte de Broquiès” (vers 1160 ?)35 ; le serment du même personnage, dénommé Frotard de Broquiès, au comte Hugues Ier de Rodez pour le château d’Ayssènes “et les autres fiefs que le vicomte d’Ayssènes doit tenir du comte honorablement” (vers 1135 ?)36. Ce Frotard avait des fevaters et des arrière-fevaters37. Tout au sud, les possessions des Trencavel empiétaient sur le Rouergue. Ces vicomtés qui chevauchaient les limites du pagus consacrent l’éclatement de ce cadre multiséculaire ; le mot disparaît lui-même au XIIe siècle. Une dernière vicomté apparaît en 1214, celle de Camboulas, lorsque le comte de Rodez Henri Ier la reprend en fief de Simon de Montfort38.

2. Le comte et l’Évêque.

La dynastie millavoise (1112-1304)

  • 39 Conques, n° 527 (5 janvier 1097).
  • 40 Saint-Victor, n° 831 (1112) : ego Ricardus, Rutenensium comes, cognoscens quant fideliter (...)

14Le vicomte RICHARD avait épousé Adalaiz avant 109739 ; il porte en 1112 le titre comtal (Rutenensium comes) lorsqu’il confirme à Saint-Victor de Marseille le monastère de Saint-Léons. Le nouveau comte de Rodez rappelle à cette occasion les libéralités de la précédente génération millavoise : son père Bérenger, ses oncles Bernard, abbé de Saint-Victor, Hugues et Raimond, vicomtes40. Il fait confirmer son acte par son fils Hugues, en l’associant ainsi à son autorité, et par ses milites : Raimond de Levézou, Jourdain de Creissels et son fils Gaufred, Deusde de Vezins et son fils Virgile, Guilhem Nizecius et Aimeric de La Britouyre ; de puissants seigneurs, et l’on peut supposer qu’ici miles désigne une relation vassalique.

15En cette aube du XIIe siècle, les héritiers de la vicomté de Millau bénéficiaient d’un embryon d’administration foncière et féodale, comme en témoignent deux documents, deux brefs :

  • Le censier commun à Gerbert et Richard (Breve memoriale que Girbertus fecit trahere del divisional de Ricardo avo suo, de la sua terra e de suo fratre) : neuf brefs répartissant les mas des deux frères en districts de prélèvement, vegarias et menesteirs. La rédaction de l’ensemble date de la fin du XIe siècle (peut-être vers 1080), à partir d’un noyau qui remonterait aux environs de 1050 (les cinq premiers brefs)41.
  • Le bref des feusals de Richard (Breve memoriale que Ricardus rogare fecit per ianzas de sua terra ad illos feuseles qui de illo tenent ; vers 1010)42. Richard fit dresser un bref des feusals qui se portaient garants de sa terre, chaque feusal ayant un dictor en cas de forfaiture (forfaitura) : Hugues de Luganhac, dictor de son frère Bernard, lui-même dictor de son fils Aldebert ; Rigal de Compeyre, dictor du seigneur de Camboulas…
  • 43 F. POEY d’AVANT, Monnaies féodales, vol. II (1860), p. 305, n° 3875 ; pl. LXXXVI, n° 19. C (...)
  • 44 Vabres, n° 38 (décembre 874).
  • 45 Ci-dessus (I, 4). Le Richard de 874 cède précisément cette localité de Saint-Léons (Novili (...)
  • 46 Ci-dessous (“la Paix organisée”).

16Une monnaie frappée au temps du comte Richard porte la légende suivante : Ricard coms / Rodes duco paci43. L’inscription énigmatique du revers pourrait exprimer une revendication de continuité reliant la nouvelle dynastie comtale aux premiers Raimondins, qui fuerunt marchiones ac duces44. Revendication qui pouvait s’autoriser de quelques arguments : les origines de ces “marquis et ducs” renvoient largement au Rouergue, et au Rouergue méridional ; c’est leur vassal qui leur donne en 874 ce titre post mortem, un certain Richard qui pourrait bien être l’ancêtre des vicomtes de Rouergue-Millau45, et donc celui du premier comte de Rodez. Quant à la paix (pax), elle pourrait faire allusion aux juges de la paix institués en Gévaudan par le grand-père du comte Richard46. Ce dernier a dû mourir avant 1140.

  • 47 M. de FRAMOND, Sceaux rouergats… (1982), n° 1, p. 116.
  • 48 Nonenque, n° 18 (20 décembre 1171) : Hugues II, comes Ruthenensis, donne tout ce qu’il pos (...)
  • 49 La Selve, n° 1 (v. 1170) : S. Ricart, lo coms ; n° 4 (v. 1180) : R. de Solmeg ; n° 28 (v. (...)
  • 50 Nonenque, n° 17 (1170).

17HUGUES Ier était assez âgé en 1112 pour “acquérir” le comté de Rodez de concert avec son père et pour confirmer sa donation à Saint-Victor. Dès le 17 avril 1140, il apposait son sceau à l’aigle essorante – le premier sceau des comtes de Rodez qui nous soit parvenu47. Il avait épousé Ermengarde de Creissels, dont il eut quatre fils : Raimond, qui dut mourir assez jeune ; Hugues II, comte de Rodez (1154-1214 ?) ; Hugues, évêque de Rodez (1166-1211) ; Richard II, frère du comte, lui-même comte48 et “seigneur de Salmiech”49, qui épousa Guillerma. “Excomtesse de Rodez” (comitissa condam Ruthene), Ermengarde se retira en 1170 parmi les Cisterciennes de Nonenque50.

  • 51 Carlat, t. II, n° 6 (1176).
  • 52 Carlat, t. II, n° 6.
  • 53 Carlat, t. II, n° 6 (1176) : Girberto vero.filio alto meo, Creyssel cum omnibus que sive u (...)

18HUGUES II et sa femme Agnès d’Auvergne eurent cinq fils : Hugues, Girbert, Rainaud, Henri et Guilhem51. Dans son testament de 1176, Hugues II désigne l’aîné comme successeur (Ugonem itaque, filium meum primogenitum, constituo comitem52). Il donne la terre de Creissels à Girbert, qui devra prêter à son frère aîné l’hommage (hominium) et le serment (jusjurandum) de tenir les châteaux en commun avec lui53. Enfin il voue ses trois autres fils à la religion en confiant Rainaud à Loc-Dieu, Henri à Conques ; quant à Guilhem, encore en bas-âge (qui in albo est), il le confie à la garde de son oncle – Richard – pour qu’une fois comte il verse à celui-ci une rente annuelle de cinquante sous du Puy en Carladez ; si Richard devait refuser cette disposition, Guilhem serait confié à Saint-Victor de Marseille. Hugues II confie la tutelle de ses fils à son frère Richard, en le priant de se montrer “fidèle et bon oncle”. Il constitue pour sa femme une rente de 4 000 sous du Puy et 25 marcs d’argent dans le castrum d’Entraygues, et lui donne “l’usufruit” de la part du Carladez qu’il avait héritée de son grand-père Richard, son fils en gardant la “propriété”.

  • 54 Nonenque, n° 32 (1189) : ieu Huc, coms de Rodes, filh que fuei d’Angnes, am cosselh et am (...)
  • 55 BN, Doat 132, f° 138 (donation à l’hôpital du Pas, 1197) : eu Uc per la gratia de Deu coms (...)
  • 56 H. C. DUPONT, J.-F. BERNARD, “Déodat de Caylus et la comtesse Irdoine” (1949).

19Dès 1189, HUGUES III est associé à son père54 ; il y a alors deux comtes de Rodez, le père (Hugues II) et le fils (Hugues III), celui-ci parfois désigné comme le “comte jeune” (coms joves)55. Mais le vieux comte a vu mourir avant lui les deux fils qu’il s’était associés : Hugues III (1196) et son successeur GUILHEM (1208), premier mari d’Irdoine de Sévérac56.

  • 57 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 99.

20Les deux comtes jeunes étant morts sans postérité, le comté de Rodez revint à HENRI Ier (1208-1222), fils de Hugues II et de sa maîtresse Bertrande d’Amalou. La dynastie millavoise se poursuit avec HUGUES IV (1222-1274) et s’éteindra avec HENRI II (1274-1304)57. Elle n’a pu empêcher le recul du comitatus devant l’episcopatus, soit par éviction du pouvoir civil (Lodève), soit par sa subordination (Rodez).

A Lodève : l’éviction du comte

  • 58 Henri VIDAL, “La première Vie de saint Fulcran et le triomphe de l’episcopatus lodévois au (...)
  • 59 Lodève, n° 21 (1162).
  • 60 Lodève, n° 25 (1167, accord entre l’évêque Gaucelin et Richard, frère du comte Hugues II)  (...)
  • 61 En 1174, il avait emprunté 6000 sous melgoriens à l’évêque Gaucelin, aux chanoines et aux (...)
  • 62 Lodève, n° 27 (mars 1188, a. s.).
  • 63 Lodève, n° 28 (1188).
  • 64 H. VIDAL, op. cit., p. 9.
  • 65 H. VIDAL, op. cit., p. 11. F. DOLBEAU, “Vie inédite...” (1982), pp. 518, 524-525.

21Les évêques de Lodève au XIIe siècle ont utilisé la renommée d’un illustre prédécesseur, saint Fulcran, pour s’imposer dans leur ville au détriment du pouvoir civil exercé par les comtes de Rodez. Henri Vidal a pu retracer les étapes de ce conflit en anticipant certaines données de la Vita prima sancti Fulcramni quinze ans avant sa découverte58. Au début du XIIe siècle, il n’y avait plus de famille vicomtale distincte à Lodève ; c’est le comte de Rodez qui exerçait le pouvoir vicomtal. En 1157, l’évêque obtient du roi Louis VII le droit de justice sur ses hommes et les clercs de son diocèse, ainsi que le droit d’exploiter les mines de plomb et d’argent ; cinq ans plus tard, un autre diplôme du Capétien concède à l’évêque la viguerie de Lodève et le droit de fortification. La même année 1162, pour garantir la liberté de l’élection épiscopale, les comtes de Rodez renoncent à tenir la sala episcopi durant la vacance du siège, et ils s’engagent à ne pas creuser de fossés sans la permission de l’évêque59. En 1167, évêque et vicomte se reconnaissent mutuellement la possession de la tour de Montbrun en alternance, tous les six mois60. Le pouvoir comtal s’efface définitivement en 1188-89 : impécunieux61, Hugues II doit vendre à l’évêque la totalité de ses droits sur le diocèse pour 60 000 sous melgoriens62, somme ramenée à 40 000 par un arrangement sans doute secret63. Cette année marque le “triomphe de l’episcopatus” ; “la mémoire de saint Fulcran servit à consolider cette victoire”64, et pour ce faire l’évêque Raimond commanda la rédaction d’une deuxième Vita à Pierre de Millau, abbé de Mazan en Vivarais65.

A Rodez : du conflit au compromis

  • 66 Vita tertia sancti Fulcramni V, 26.
  • 67 J.-L. BIGET, L’épiscopat… (1987/1991), p. 192. Arnaud était mort depuis peu lors du concil (...)
  • 68 LMSF I, 28; I, 29.

22Le comitatus ruthénois devait mieux résister en son centre. Le conflit éclate dans la seconde moitié du XIIe siècle entre les deux frères Hugues, le comte et l’évêque. Les prédécesseurs de ce dernier avaient certainement profité de l’affaiblissement du pouvoir comtal, et ce dès la première moitié du XIe siècle. Si nous ignorons tout de ce Magfred qui aurait assisté saint Fulcran sur son lit de mort en 100666, son successeur ARNAUD (†1031) joua un rôle actif dans la première Paix de Dieu, comme son collègue Amiel d’Albi (1019-1041/42)67 ; proche de saint Martial de Limoges, il convoqua l’Assemblée du Pré Saint-Félix avant 1015, sous la régence des comtesses Bertilde et Richarde, alors que le comte Hugues n’était qu’un enfant68.

  • 69 BN, n.a.l. 437, f5 74 r° (“1037”). Cf. J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 186.
  • 70 J. DUFOUR, Les évêques... (1989), pp. 82-84. – J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p (...)
  • 71 J. DUFOUR, op. cit., pp. 82-84. L’ancien évêque y composa un hymne de supplication à saint (...)

23Le successeur d’Arnaud, GÉRAUD (v. 1040-1050)69 n’a guère laissé de traces, mais deux fortes personnalités occupent le siège épiscopal durant la seconde moitié du XIe siècle. La première est issue de la famille vicomtale de Narbonne (elle-même liée aux comtes de Rouergue), et apparentée aux vicomtes de Millau : PIERRE BÉRENGER (...1051-1079), fils du vicomte Bérenger, neveu de l’archevêque Ermengaud, oncle de Bernard et Richard, abbés de Saint-Victor70. Il approuve la restauration de Clairvaux en faveur de Conques (1062) ; surtout, il encourage Cluny et Moissac, et poursuit l’action d’Arnaud en parrainant la sauveté de Villeneuve où il établit des communiae. Pierre Bérenger ambitionnait de succéder à l’archevêque de Narbonne Guifred, déposé par deux conciles romains (1078-1079), mais il est lui-même déposé par les légats Hugues de Die et Amat d’Oloron au concile de Toulouse (1079), puis excommunié par un nouveau concile de Rome (7 mars 1080) : olim Rotonensem episcopum, nunc autem Narbonensis ecclesie invasorem. Victime du mouvement grégorien, Pierre Bérenger s’est retiré à Moissac, où il se disait encore évêque en 109071.

  • 72 J. DUFOUR, op. cit., p. 84. J. BOUSQUET, op. cit., pp. 189-191.
  • 73 J. DUFOUR fait terminer l’épiscopat de Pons vers 1090. Mais Pons Étienne était toujours év (...)
  • 74 J. BOUSQUET, op. cit.,p. 192.

24Son successeur PONS ÉTIENNE était un évêque grégorien72 ; il est mentionné de 1079 à 109573. RAIMOND FROTARD (1095-1096...) ne fit que passer74.

  • 75 J. DUFOUR, op. cit., pp. 85-86 ; J. BOUSQUET, op. cit., pp. 192-195.
  • 76 BERNARD DE CLAIRVAUX, Epistolae, n° 328 (ad Romanum pontificem. contra electum Rutinensem)(...)
  • 77 J. DUFOUR, op. cit., pp. 86-87 ; J. BOUSQUET, op. cit., pp. 196-198.
  • 78 AD TG, A 64 n° 1 (1161 ; charte-partie). Les six arbitres sont R. de Levézou, G. de Salles (...)

25Au XIIe siècle, le siège épiscopal est occupé par ADÉMAR (...1099-1144)75, GUILHEM, qui dut se retirer dès 1145 devant les attaques de Bernard de Clairvaux76, et PIERRE II (1146-1165)77 ; ce dernier, qui s’est adressé au roi Louis VII à l’instar de son collègue de Lodève, est le premier à s’opposer au pouvoir comtal. Une sentence arbitrale rendue en 1161 par six nobles du Rouergue entre l’évêque Pierre et le comte Hugues II permet de se faire une idée des querimoniae qui les opposaient ; elles portaient sur les fortifications de Rodez, le droit de monnayage et la préséance entre les deux autorités78. Le comte réclamait la possessio des tours et remparts de la Cité ; il l’obtient, l’évêque en gardant la propriété (proprietas). En revanche, l’église cathédrale est déclarée quitte des mille sous que le comte réclamait de l’évêque au titre de droit de mutation (nomine mude) ; l’évêque obtient douze nummi par semaine sur le monnayage comtal ; le comte doit prêter hommage à l’évêque (hominium jure facere debet). Les droits respectifs des deux parties sur les marchés de la Cité doivent rester ce qu’ils étaient au temps de l’évêque Adémar et du comte Richard. Cette sentence régularise une nette avancée de l’episcopatus ruthénois.

  • 79 J. BOUSQUET, op. cit., pp. 198-205.
  • 80 AD Av., 1G 479 (1177) : retento omnijure quod antea judicatum fuerat comiti in civitate pe (...)
  • 81 AD Av., IG 33 (1181-1185, 23 mai ; bulle de Lucius III) : timens ecclesie tue pro guerra q (...)

26Cette avancée se poursuit avec l’entreprenant successeur de Pierre, HUGUES, évêque de Rodez durant près de quarante-cinq ans (1166/1167-1211)79 ; c’était le propre frère du comte Hugues II. Les deux frères ennemis continuaient à s’opposer sur les fortifications de la ville. En 1177, une nouvelle sentence demande à l’évêque de donner au comte la permission (licenciam) de construire des remparts dans la Cité, et donne à l’évêque et aux “citoyens” (cives : les habitants de la Cité) ce droit de fortification, sous réserve des droits du comte définis par la sentence de 116180. Mais c’est un conflit de grande ampleur qui mettait aux prises les deux Hugues, le comte et l’évêque. Partant pour le concile du Latran. l’évêque confia son diocèse et ses castra à Raimond V, comte de Toulouse-Rouergue, car il craignait pour son église “en raison de la guerre (guerra) que tu avais avec le noble comte de Rodez, ton frère”81.

  • 82 AD Av., 1G 479 (1195).
  • 83 domnus U. comes et successores ejus debent promotionem comitatus accipere ab episcopo, et (...)
  • 84 comes debet tunc offerre palium et facere hominium episcopo, et postea debet illum assider (...)
  • 85 praeterea episcopus tune comiti bona fide reddat forcias militum, turrim rotundam quae est (...)
  • 86 portalli usus quod est inter ecclesia sancti Stephani et hospitale pauperum sit comunis ci (...)
  • 87 homines et possessiones et omnia quae infra Burgum episcopus heruit, sine cujusque contrad (...)
  • 88 haec omnia sibi ad invicem facere debent comes et ejus successores episcopo et successorib (...)

27Une troisième et dernière sentence arbitrale82 est rendue en 1195 par les proches des deux adversaires : l’abbé d’Aurillac ; Richard, frère du comte ; le prévôt de Montsalvy et l’archidiacre de Rodez. Elle consacre la préséance de l’évêque en réglant la procédure d’intronisation du comte. Le comte et ses successeurs devront désormais recevoir de l’évêque la promotion au comté (promotionem comitatus), et l’évêque sera tenu de promouvoir “celui qui doit devenir comte”83 ; le comte devra prêter hommage à l’évêque, et ce n’est qu’après cette cérémonie que l’évêque devra l’introniser dans la cathédrale, et ita erit comes84. Maigre contrepartie pour le comte, il offrira le pallium à l’évêque au moment de l’hommage, et après l’avoir intronisé l’évêque devra rendre au comte les fortifications (forcias militum), la Tour ronde du palais et les autres tours de la Cité85. La sentence de 1195 règle également les rapports entre Bourg et Cité : l’usage du portail situé entre l’église Saint-Étienne et l’hôpital du Pas sera commun aux cives et burgenses, pour que ce point de passage soit ouvert à tous “en temps de paix”86. C’est dire l’état de guerre, froide ou déclarée, qui caractérisait cette ville divisée. Une guerre qui se termine à l’avantage de l’episcopatus – lequel garde ses hommes et possessions du Bourg87 – en dépit de la réciprocité formelle de cet arrangement88.

28Dans l’année qui suivit la sentence, le troubadour Bernard de Venzac pouvait célébrer la paix retrouvée entre le comte et l’évêque, tout en marquant sa préférence pour Hugues III, le comte jeune (que Dieus sos enimicx abas...), auquel il dédiait ses vers :

  • 89 M. PICCHIO SIMONELLI, Lirica moralistica…(1974), p. 221 (II, 57-58) ; cf. pp. 213 (I, 50- (...)

Lo vers recipia.l coms Uc
en sa cort ab sa companha89.

  • 90 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 105. Hugues III est mort moins d’un an après (...)

29Celui-ci devait mourir peu après à Millau (avril 1196)90, d’où était venu son arrière-grand-père Richard, premier comte de Rodez.

3. La paix organisée.

  • 91 , Rudolf HIESTAND, Papsturkunden für Templer und Johanniter, Göttingen, 1972, n° 27, pp. 2 (...)
  • 92 boves et omnia aratoria animalia, bubulci quoque omnisque apparatus arantium animalium nec (...)
  • 93 pro unoquoque etiam aratro sextarium frumenti eisdem militibus annualiter persolvantur.
  • 94 frater noster Arnaldus Narbonensis archiepiscopus consilio et assensu illustrium virorum A (...)
  • 95 Thomas N. BISSON, The Organized Peace..., 1977, pp. 299-300.

30En 1170, une bulle d’Alexandre III officialisa le Commun de Paix institué peu auparavant par les deux frères ennemis, l’évêque et le comte Hugues de Rodez. Mais cette institution avait des antécédents. Dès 1155, le pape Adrien IV avait confirmé la paix décrétée vers 1145-1147 par l’archevêque Arnaud de Narbonne avec le conseil des princes laïcs de la région (mais non celui des évêques suffragants) : Alfonse Jourdain de Toulouse, Roger Trencavel et Hugues Ier de Rodez91. Cette paix s’étendait aux animaux de trait et de labour, ainsi qu’aux paysans92. Elle prévoyait une taxe d’un setier de froment par instrument de labour et assignait aux Templiers la fonction de collecter cette première taxe de paix93. La bulle d’Adrien confirme cette institutio94, laquelle est pour Thomas Bisson le véritable acte de naissance de la “paix organisée”95. En la confirmant, le pape enjoint aux évêques de la faire publier dans chaque paroisse.

  • 96 BN, Doat 131, f°287-288 : concessit etiam jamdicto monasterio [Moysiacensi] ac priori memo (...)
  • 97 Doat 131, f° 300 : oportet nos bonorum eorum [ = antecessorum] vestigia sequi, quorum cons (...)
  • 98 Hartmut HOFFMANN, Gottesfriede…(1964), pp. 117, 119, 265 ; J.-L. BIGET, “L’épiscopat…” (19 (...)

31L’organisation de la Paix remonte encore plus haut, vers le milieu du XIe siècle. L’évêque Pierre Bérenger (1051-1079) avait exempté la sauveté de Villeneuve des communiae qu’il organisait “selon la coutume de la patrie”, secundum consuetudinem patriae, en permettant au prieur de Villeneuve de réquisitionner paysans et habitants pour construire l’église et les autres édifices de la sauveté, et de les faire travailler “aussi longtemps que les autres demeureraient dans la communia”96 ; exemption confirmée par l’évêque Adémar (1099-1144)97. Les deux textes sont très elliptiques, mais ces communiae désignent sans aucun doute des milices de paix, comme celles de Vieux-en-Albigeois, qui pourraient remonter à l’évêque Amiel (vers 1040)98. Dès le milieu du XIe siècle, si ce n’est plus tôt, l’évêque de Rodez pouvait donc mobiliser paysans et paroissiens pour défendre la paix (communias facere).

  • 99 AN, J 304 n° 112, f° 8. Éd. : Clovis BRUNEL, “Les juges de la paix en Gévaudan...” (1951).
  • 100 Lignages d’Anduze, Barre-des-Cévennes, Canillac, Châteauneuf-de-Randon, Garin, Peyre... Cf (...)
  • 101 Cf. le censier de Gerbert et Richard, et le bref des feusals rédigé sur ordre de ce dernie (...)

32Entre 1030 et 1048, l’évêque Raimond de Mende et le vicomte Richard de Millau avaient nommé douze juges en Gévaudan : pro stabilitate et observantia pacis, duodecim eligerunt judiciarios ad judicandas querelas omnium ad constitucionem pacis veniencium... juges sans doute assistés par des suppléants, car vingt personnes sont citées dans ce texte aussi bref que remarquable, le Bref de la Paix de Mende (Breve de la paz de Memde)99 ; vingt noms qui représentent l’ensemble des lignages aristocratiques des Cévennes et du Gévaudan100. On retrouve ce rôle précurseur des vicomtes de Millau dans la reconstitution d’une autorité princière, voire publique101.

  • 102 JAFFÉ-WATTENBACH, Regesta pontificum Romanorum, t. II, 1888, p. 235, n° 11 793 ; éd. Roger (...)
  • 103 tu habita consilio abbatum, praepositorum et archidiaconorum tuorum, et baronum terrae, cu (...)
  • 104 nec ulli liceat, praeter armatos milites et clientes quaelibet arma ferre, nec nisi milite (...)

33Le 14 mai 1170, le pape Alexandre III adresse une bulle102 à l’évêque Hugues de Rodez pour confirmer la “paix et concorde” dont il a “établi les statuts” avec son frère, le comte Hugues II103. Cette paix s’étend à tous les biens, mobiliers et immobiliers, et à tous les hommes, clercs et laïcs ; personne n’a le droit de porter les armes, si ce n’est les armati milites et leurs “clients”, qui peuvent respectivement porter des épées et des bâtons, et qui doivent jouir de la paix comme les autres104. Le plus original est l’institution d’une taxe, le Commun (Commune), destiné à alimenter une sorte de caisse d’assurance pour les victimes des violences ; la grande majorité de la population devait l’acquitter, suivant une tarification correspondant à ses revenus :

  • 12 deniers de Rodez ou d’une monnaie équivalente pour les clercs, milites, mercatores et burgenses ; même tarif pour tous ceux qui possèdent une paire de bœufs ou d’autres animaux de labour, ou un cheval de somme (summarium) mâle ou femelle, ou encore un mulet ou une mule, quae ad portanda onera locent ;
  • 6 deniers de la même monnaie pour ceux qui ne possèdent que des ovins, ou un seul bœuf, ou un seul animal de labour, ou un âne quem possint locare ;
  • pour les artisans (artifices), “c’est-à-dire les forgerons, les tailleurs, les pelletiers, et tous les ouvriers”105, le tarif sera de 6, 8 ou 12 deniers, suivant l’appréciation de leur curé (secundum suorum capellanorum arbitrium) ;
  • 3 deniers pour ceux qui “labourent le sol à la houe et vivent de leur travail” (de labore suo vivant)106.
  • 107 Commune autem istud per singulas parochias debet reddi, cum scripto unius parochianorum, q (...)

34Le Commun doit être perçu dans le cadre de chaque paroisse, par le curé et un trésorier qu’il choisira parmi ses paroissiens avec leur accord. Un reçu (scriptum) sera rédigé, et au jour fixé par le curé et son trésorier le Commun sera acheminé à l’église cathédrale de Rodez avec le reçu107. Ainsi sera constitué un fonds d’assurance-guerre permettant d’indemniser les victimes suivant plusieurs modalités :

  1. les cotisants qui auront perdu leurs biens mobiliers seront remboursés intégralement (in integrum) s’ils peuvent désigner le voleur ou l’endroit où se trouvent les biens volés, très partiellement (minime) s’ils en sont incapables ;
  2. en cas de pillage ou de destruction d’une agglomération, villa ou oppidum, les biens mobiliers seront remboursés par le Commun, mais non les dommages causés aux biens immobiliers, sauf ce qui peut être repris aux coupables108. Pourquoi cette distinction ? Parce que les objets mobiliers coûtent moins cher, et que leur vol signifie une perte complète109 ? Ou parce que les dévastations étaient trop fréquentes, et leurs coupables trop puissants ?
  3. les clercs qui ne possèdent ni leurs propres églises, ni même une paire de bœufs ne sont pas obligés de contribuer au Commun de Paix, mais ils ne seront pas remboursés si jamais ils perdent leurs biens110.
  • 111 capellani ecclesiarum et omnes laici a quatuordecim annis et supra eamdem pacem et Commune (...)

35Dernière disposition arrêtée par le comte et l’évêque : les curés et tous les laïcs de quatorze ans et plus devront jurer d’observer cette paix et le Commun de paix111 ; ceux qui refuseraient seront excommuniés et exclus de toute paix (ab omni pace alieni), et les églises des paroisses où résideraient les briseurs de paix (violatores pacis) seront frappées d’interdit, jusqu’à ce qu’ils viennent à résipiscence.

  • 112 Dès 1199, il y eut des exemptions au Commun de Paix (Aubrac, t. I, n° 12). En 1208, les co (...)
  • 113 Selon l’expression de l’intendant Meulan d’Ablois (1781), qui souligne “l’esprit de libert (...)
  • 114 J. BASTIER, “Droits féodaux...” (1983), p. 277.

36Restait à faire entrer le Commun de Paix dans la réalité sociale. Il ne nous appartient pas d’étudier ici les modalités de son application112, mais on doit souligner la longévité de cette institution : plus de 600 ans ! Cet “impôt rouergat” du XIIe siècle n’était plus qu’une taxe seigneuriale parmi d’autres à la veille de la Révolution ; une taxe particulièrement odieuse aux populations, car sans objet, sans justification, “puisqu’il n’est plus question de mettre le pays à l’abri des voleurs”113. Il était prélevé au profit du domaine royal – héritier des comtes de Rodez –, de l’évêque et de six seigneurs particuliers114. Fondement du nouvel ordre public, le Commun s’est peu à peu vidé de sa substance, comme l’avait été l’autorité publique incarnée par les comtes à la veille de la révolution féodale.

4. Entre Toulouse et Barcelone.

  • 115 S. SOBREQUÈS I VIDAL, Els grans Comtes... (1961), p. 129 et note 43 p. 153.
  • 116 LFM, n° 875 : dotation de la comtesse Douce par sa mère, Gerberge de Provence, veuve de Gi (...)
  • 117 Ch. HIGOUNET, “Un grand chapitre de l’histoire du XIIe siècle...” (1951).
  • 118 P. BONNASSIE, “L’Occitanie : un État manqué ?” (1979).
  • 119 J.-P. POLY, La Provence... (1976), pp. 325-326 et note 63.

37En novembre 1082, Mahaut de Sicile, seconde épouse de Raimond de Saint-Gilles, accueillait à Rodez son homonyme Mahaut de Pouilles, épouse de Raimond Bérenger II, laquelle allait accoucher du futur Raimond Bérenger III115. Trente ans plus tard, en épousant Douce de Provence, fille de Gerbert de Millau (février 1112)116, celui-ci ouvrait près d’un siècle d’hostilité avec les héritiers de Saint-Gilles : un siècle de rivalité “pour la prépondérance méridionale” entre Toulouse et Barcelone117, sans oublier Poitiers, avec en arrière-plan la rivalité naissante entre les maisons royales anglaise et française118. Un siècle décisif pour la formation des États nationaux, qui vit l’Occitanie compromettre ses atouts. Cruciale, la date de 1112 dit bien le rôle du Rouergue dans cette “grande guerre méridionale” d’abord intermittente, mais qui fera rage entre 1148 et 1198. Cette année a vu deux événements lourds de conséquences : d’un côté, l’héritage de Gerbert de Millau – assassiné peu auparavant par des nobles provençaux, les Brussans-Palliol119 – revient à Barcelone ; de l’autre, son frère Richard acquiert de Toulouse le comté de Rodez. Rouergue et Carladez se seraient ainsi divisés en deux sphères d’influence, “comté de Millau” (barcelonais) contre “comté de Rodez” (toulousain). Mais cette division est assez factice. Nous allons voir que le comte de Rodez ne s’est jamais rangé dans le camp “toulousain”.

La domination barcelonaise

  • 120 M. AURELL, “Pouvoir et contre-pouvoirs…” (1987/88), p. 128.
  • 121 M. AURELL, op. cit., p. 129.
  • 122 M. AURELL, op. cit., p. 127.

38De 1112 à 1204, huit comtes barcelonais ont dominé leur part de Rouergue : les titulaires du comté de Barcelone puis (à partir de 1151/1162) du royaume d’Aragon, Raimond Bérenger III (1112-1131), Raimond Bérenger IV (1144-1162), Alfonse II (1162/66-1196), Pierre II (1200 ? – 1204) ; mais aussi leurs cadets, le comte de Provence Bérenger Raimond (1131-1144), les deux frères d’Alfonse II : Raimond Bérenger (1168-1181) et Sanche (1181-1185), et son fils Alfonse (1196-V.1200). D’après Martin Aurell, “toutes les terres occitanes des comtes de Barcelone – Provence, comté de Rodez, Gévaudan et Carlat” sont restées durant cette période “un bloc nettement détaché du domaine ibérique : elles jouent le rôle d’apanage pour les fils cadets”120. Il souligne la faiblesse de la domination catalane en Rouergue, qui serait “des plus superficielles”121 : de 1112 à 1204, 40 chartes seulement ont été délivrées par la chancellerie barcelonaise pour le Rouergue, le Gévaudan et le Carladez, contre 300 pour la Provence et 1500 pour la Catalogne122.

  • 123 M. AURELL, op. cit., pp. 130-133.
  • 124 AD Loz., G 455 (Millau, oct. 1150 ; copie de 1275) : Austorg de Peyre reprend 18 châteaux (...)
  • 125 Arxiu de la Corona d’Aragó, perg. Alfons I, n° 622 (15 mai 1192), 623 (16 mai 1192). Éd. P (...)
  • 126 LFM, n° 863 et 864 (Carcassonne, novembre 1179) : Roger reprend du comte de Provence Raimo (...)
  • 127 Carlat, t. Il, n° 5 (Arles, 1167).
  • 128 BN, Doat 165, f° 280 (9 juin 1112) et f° 282-284 (8-9 juin 1112).
  • 129 Aubrac, t. I, n° 9 (Montferrier, mars 1186 n. s.) : donation d’Alfonse II, avec comme témo (...)

39C’est que le pouvoir catalan se heurtait à certains contre-pouvoirs : les comtes de Rodez, descendants de Richard de Millau ; en Gévaudan, les évêques de Mende, avec les fortes personnalités d’Aldebert III et de Guilhem de Peyre ; les châtellenies locales ; et sa capitale même, Millau, qui obtint en 1187 une large autonomie au détriment du bayle qui représentait le Barcelonais depuis 1133 au moins. Aussi ce pouvoir dut-il s’appuyer sur les relations féodo-vassaliques pour s’imposer, et ne put compter que sur elles, alors qu’en Provence son assise était loin d’être uniquement féodale123. De fait, les Barcelonais ont utilisé la politique des fiefs de reprise en Rouergue, Gévaudan et Carladez : avec les seigneurs de Peyre (1150)124 et de Peyreleau (1192)125, mais aussi avec Roger Trencavel (1179)126 et le comte de Rodez, pour régler le problème du Carladez (1167)127. A peine marié à Douce, Raimond Bérenger III s’était ainsi assuré la seigneurie de douze châteaux possédés par Bernard Aton Trencavel, dont Roquecézière en Rouergue128. Quelques Rouergats appartenaient à la familia regis d’Alfonse II, où ils côtoyaient Aragonais et Languedociens : Pierre Raimond de Compeyre, Guilhem de Servières et Carbonell de Montferrier, qui pourrait être un catalan installé en Rouergue, au château du même nom129.

  • 130 Carlat, t. II, n° 6(1176).
  • 131 C’est ce que suggère le testament du comte Hugues II (1176) : à son fils aîné, la successi (...)
  • 132 Bonneval, n° 61 (1184).

40Il est vrai que la domination barcelonaise n’allait pas sans contestation : en 1176, le comte de Rodez ne demande-t-il pas à son fils et successeur de prêter aide à son frère puîné contra omnes homines, maxime contra dominum de Amilliavo130 ? Mais cela est une conséquence du partage implicite de 1112 entre Richard, promu au comté de Rodez, et l’héritier de son frère Gerbert. En Rouergue même, la vallée du Tarn pouvait faire office de ligne de partage131. Par ailleurs, peut-on vraiment dire qu’il n’y eut pas de personnel administratif d’origine catalane en Rouergue et Gévaudan ? Martin Aurell cite lui-même quelques bayles représentant le Barcelonais à Millau : Gaucelm de Avaischin, Pierre Parto (années 1170) et son successeur Nicolas, baile d’Ameillau et de Gavalda en 1195. Il s’y ajoute d’autres personnes venues d’outre-Corbières, comme ce Guillem Malbec catalanus, témoin en 1184 d’une donation à Bonneval de Sanche, comte et marquis de Provence, frère cadet d’Alfonse II132.

  • 133 Bonneval, n° 76 (1189).
  • 134 Bonneval, n° 85 (juin 1192) : charte d’Alfonse Ier, datée de Salses (apud castrum novum de (...)
  • 135 AD Loz., G 455 (copie de 1275). Éd. PORÉE, Études historiques..., pp. 484-485.

41Les chartes de Bonneval contiennent aussi la plainte de l’abbé Sicard de Loc-Dieu contre les Templiers, déposée in curia regis Aragonensis, scilicet apud Amiliavum (1189)133. Quoique située dans la zone d’influence toulousaine, au nord de Rodez, l’abbaye de Bonneval dut solliciter l’exemption des leudes et péages auprès des Barcelonais comme auprès des comtes de Rodez134. C’est à Millau que l’un des plus puissants seigneurs du Gévaudan, Austorg de Peyre, reprit dix-huit châteaux en fief de Raimond Bérenger IV, “comte de Barcelone, prince d’Aragon, marquis de Provence” et de son neveu Raimond Bérenger de Provence (octobre 1150)135.

  • 136 Charte de février 1201. M. AURELL, op. cit., p. 132.
  • 137 J.-M. CARBASSE, “La charte consulaire de Millau (1187)” : concedimus namque sigillum comun (...)
  • 138 Gellone, n° 161 (samedi 15 avril 1133) : in villa mea, que vocatur Amilaus. AD HG, H Malte (...)
  • 139 LFM, n° 493 (19 août 1130), pp. 530-531 : Raimond Bérenger III lègue à son fils cadet Bére (...)

42Alfonse II a concédé d’importants privilèges municipaux à Millau (1187), mais non sans résultats : en échange, les habitants firent preuve d’une “grande fidélité à la maison de Barcelone dans le conflit contre le comte de Toulouse”, ce qu’Alfonse II voulut bien reconnaître : multa mala que pro nobis accipere non dubitastis136. La ville n’avait-elle pas reçu l’étendard aragonais, vexillum nostrum137 ? “Ma ville de Millau”, disait fièrement Bérenger Raimond de Provence en 1133 ; “mon comté de Millau”, ajoutera Raimond Bérenger IV en 1159138. Son père allait jusqu’à revendiquer Rodez, se souvenant de sa terre natale, sa “patrie ruthénoise” (Rotenensi patria) à l’approche de sa mort (1130)139. Cette patrie, les Raimondins de Toulouse pouvaient eux-mêmes la revendiquer : elle était leur dès l’origine de leur dynastie.

La politique louvoyante des comtes de Rodez

  • 140 BN, Doat 166, f° 310-311 (novembre 1142) : ego Ugo comes... juro tibi Rogerio vicecomiti.. (...)
  • 141 A. BONAL, Comté... (1885), p. 134 : in anno illo in quo Richardus comes et Ugo filius ejus (...)
  • 142 Doat 166, f° 310-311 : c’est Roger Trencavel qui excepte Raimond Bérenger IV des hommes co (...)
  • 143 LFM, n° 885 (février 1154) : Hec est conveniencia quam ego Hugo, comes Rutenensis, facio t (...)

43Nous ignorons l’attitude de Richard dans le conflit qui mûrissait, mais on peut le supposer partagé entre deux fidélités : celle qu’il devait au toulousain Alfonse Jourdain, qui lui avait donné le comté de Rodez ; celle qu’il ne pouvait dénier à son neveu par alliance, Raimond Bérenger III, le gendre de son frère assassiné. Fils et successeur de Richard, Hugues Ier de Rodez échange en 1142 des serments réciproques avec Roger Trencavel : serments de fidélité active dirigés contre Alfonse Jourdain140. Véritable traité d’alliance dirigé contre le Toulousain : chacune des deux parties s’engage à ne pas conclure de paix séparée avec Alfonse, treugam neque finem. N’est-ce pas un peu fort, venant de ce Ruthénois qui tient son comté d’Alfonse (d’Amphos, comite Tolosano141) ? Et ce n’est pas le Barcelonais qui conduisit Hugues Ier à prêter ce serment142. En février 1154, c’est au Barcelonais lui-même – Raimond Bérenger IV – que le comte de Rodez Hugues II s’engage par une convenientia de fidélité contra omnes hommes et feminas, et nominatim contra comitem Sancti Egidii et Tolose143.

  • 144 Les événements relatés par les Miracula sancte Marie de Rupe Amatoris, rédigés en 1172 (éd (...)
  • 145 Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 16, éd. M. BRIAL, Paris, 1813, pp. 1 (...)
  • 146 Th. BISSON, “The Organized Peace...” (1977), pp. 295-296. La confirmation par Adrien IV de (...)

44Mais l’alliance devait faire long feu. En 1159, les troupes anglaises alliées aux Barcelonais menacèrent le Rouergue144. Les autorités locales décidèrent de faire appel au roi Louis VII – il allait s’enfermer à Toulouse avec son beau-frère Raimond V –, et se répartirent les rôles : le comte Hugues II irait voir le roi, tandis que l’évêque Pierre resterait en Rouergue pour défendre le territoire. Nous le savons par une lettre pour le moins déférente adressée par l’évêque à Louis VII, où il proteste de sa fidélité pour excuser son absence : ubicumque etenim simus, vestri sumus145. Ainsi donc, la guerre méridionale amène les deux puissances rivales, le comte et l’évêque, à s’adresser au Capétien : ainsi se prépare la mainmise royale du XIIIe siècle. Il est vrai que Louis VII avait pu s’inspirer des décisions arrêtées en 1145-1147 par quelques princes méridionaux, dont Hugues de Rodez, pour proclamer la “paix de Soissons” (1155)146.

  • 147 LFM, n° 898 (octobre 1165). Raimond V était le beau-frère de Louis VII, dont il avait épou (...)
  • 148 LFM, n° 898 : exclusis tamen ab ista excepcione Ugone de Baucio et Bertrando fratre suo, a (...)
  • 149 Carlat, t. Il, n° 5 (Arles, 1167) : Et ego predictus Hugo, comes Rutenensis, Carlat et tot (...)

45Le Ruthénois est désormais l’ennemi du Barcelonais, mais sans se rapprocher pour autant des Toulousains. En 1165, à Beaucaire, Raimond V “comte de Saint Gilles” et Raimond Bérenger de Provence se réconcilièrent par une promesse mutuelle de fidélité et d’aide contra cunctos hommes, à deux exceptions près : le Toulousain n’attaquera pas le roi de France, et le Barcelonais n’attaquera pas son seigneur le roi d’Aragon147. Mais, de part et d’autre, on exclut de cette exception les seigneurs de Baux et le comte de Rodez, c’est-à-dire Hugues II148. Deux ans plus tard (1167), celui-ci n’en rencontre pas moins Alfonse II en Arles pour réunifier le Carladez : petit-fils de Richard, le comte de Rodez reprend la totalité du Carladez en fief du roi d’Aragon, arrière-petit-fils de Gerbert – les deux ancêtres sont cités –, et il lui prête hommage et serment de fidélité149. Cet arrangement à l’amiable (amicabilis compositio) est conclu pour mettre fin à la querelle (controversia) qui opposait le roi d’Aragon et le comte de Rodez. Il a été décidé avec le conseil des archevêques de Tarragone et d’Arles, des évêques de Barcelone, d’Avignon et de Saragosse – l’absence de l’évêque de Rodez, frère du comte Hugues, n’en ressort que mieux, à deux ans du Commun de Paix qu’ils allaient instituer de concert – et d’une quinzaine de milites nommément cités, parmi lesquels un seul Rouergat (Gui de Sévérac) et les deux ennemis désignés par le pacte de 1165, Hugues et Bertrand de Baux.

  • 150 Carlat, t. II, n° 6 (8 octobre 1176, testament de Hugues II).
  • 151 Aubrac, t. I, n° 9 (mars 1186, n. s.). Montferrier, comm. de Bertholène, cant. de Laissac. (...)
  • 152 Conques, n° 455 (juin 1061-1065) : ego Nichilfora et uxor mea Berengeria et infantes nostr (...)

46On ne saurait parler pour autant de réconciliation. En 1176, le même Hugues II charge son fils et successeur de prêter à son cadet aide et fidélité “contre tous les hommes, et surtout contre le maître de Millau”, c’est-à-dire contre Raimond Bérenger, frère d’Alfonse150. Mais Alfonse pouvait se déplacer jusqu’à Montferrier, à la limite du domaine de ses ancêtres millavois151 ; Montferrier, aux confins des Palanges, dont un seigneur avait effectué une donation pour l’âme du dernier Raimondin de Rodez152.

  • 153 LFM, n° 863 (Carcassonne, novembre 1179) : dono et concedo... tibi, domino Raimundo Bereng (...)
  • 154 Ibid. : Sciendum vero est, quod si predictus Provincie comitatus et de Amiliavo ad aliam p (...)
  • 155 L’expression rappelle le senhoratge de Peiteus évoqué par les poèmes de Guilhem IX d’Aquit (...)
  • 156 LFM, n° 864 (Carcassonne, novembre 1179) : fecit Rogerius homonium domino comiti [Provinci (...)

47Les comtes de Barcelone tenaient fermement le comté de Millau. Lorsqu’en 1179 Roger Trencavel donne trois châteaux du Camarès – Le Pont, Brusque et Murasson – au comte de Provence et à ses successeurs, il précise : “à tes successeurs qui tiendront du comte de Barcelone le comté de Millau”153 ; avec cette clause supplémentaire : “Qu’on sache que si le comté de Provence et de Millau était transféré de quelque manière à une autre personne qu’au maître de Barcelone, je confirme d’ores et déjà et concède absolument ces trois châteaux au maître de Barcelone”154. Même clause lorsque Roger reprend par une convenientia lesdits châteaux en fief : “il fait hommage au comte [de Provence], reçoit et tient ces châteaux de sa main en fief, service et fidélité du comte et de ses successeurs, de ceux, pour être précis, qui seront maîtres du Rouergue et de Millau. Mais qu’on sache que si la seigneurie de Provence ou de Millau (senioraticus Provincie vel Amilliavi155) devait échoir à une autre personne qu’au maître de Barcelone, Roger ou ses successeurs ne seraient pas tenus de veiller sur ces châteaux et convenientiae, si ce n’est, exclusivement, envers le maître de Barcelone”156.

48Les comtes de Rodez étaient plus proches de Barcelone que de Toulouse. La proximité devait être ressentie comme une contrainte, comme en témoigne la tentative de reconquérir contre le “maître de Millau” les terres situées au sud du Tarn (1176) ; elle n’en était pas moins effective. Jamais les comtes de Rodez ne se sont alliés à leurs seigneurs théoriques, les comtes de Toulouse, à en juger par notre documentation. Au contraire : ils ont conclu avec les Trencavel (1142) et les Barcelonais (1154) des alliances spécifiquement dirigées contre le Toulousain. Ce penchant relativement favorable à Barcelone pourrait s’expliquer par l’origine millavoise des comtes de Rodez ; les anciens comtes de Rouergue auraient certainement mené une politique plus favorable à leurs cousins raimondins de Toulouse.

  • 157 HGL, t. VIII, n° 38, col. 344-347 (“1180, 1er octobre”), juxta castrum de Cabdenaco. LÉONA (...)
  • 158 de omnibus vestris guerris et negociis contra omnes homines jamdictum monasterium pro pass (...)
  • 159 AD Av., 1G 33 (1181-1185, 23 mai).
  • 160 AD Av., IG 466 (mai 1191 ; vidimus, 1266) : nos R. per Dei gratiam dux Narb[one], comes To (...)

49Le 1er octobre 1190, les autorités du Rouergue se réunissent près du château de Capdenac pour approuver la convenientia conclue entre Raimond V de Toulouse et l’abbé Pierre d’Aurillac157. Il y a là les deux frères ennemis, le comte et l’évêque Hugues ; Richard, frère du comte ; Guiraud, abbé de Conques ; Guilhem, abbé de Nant ; Isarn, vicomte de Saint-Antonin ; Rainier de Maleville, Frotard de Belcastel, Adémar de Capdenac, Bertrand de Balaguier… Raimond V était venu promettre “virilement” son aide à l’abbé de Saint-Géraud en guerre contre les bourgeois d’Aurillac, comme il l’avait fait pour la “guerre d’Arpajon et d’Aurillac”158. Il n’évoque pas l’autre guerre, celle qui opposait les deux Hugues de Rodez, au cours de laquelle l’évêque lui avait confié son diocèse et ses castra pour partir au concile du Latran l’esprit tranquille159. Entre le comte et l’évêque, le Toulousain avait fait son choix. Quelques mois plus tard, à Villeneuve, c’est à son “très cher et très fidèle évêque Hugues de Rodez” qu’il concède la dîme sur les mines d’argent du diocèse, en vertu de sa libre autorité comtale (spontanea voluntate, comitiva et dominii auctoritate) : celle d’un authentique descendant des comtes de Toulouse-Rouergue160. Le scribe de l’acte, Pierre Sevenier, est le même qu’en 1190, mais le comte de Rodez brille par son absence.

50Que penser de l’attitude des comtes de Rodez ? En 1112, Richard et Hugues Ier auraient acquis leur comté d’Amphos, comite Tolosano : mais Alfonse-Jourdain n’était alors qu’un enfant. Et qui aurait payé cette “acquisition” ? La coïncidence de cette date avec le mariage provençal de Raimond Bérenger III suggère une piste. Richard de Millau aurait pu revendiquer l’héritage de son frère Gerbert, mort assassiné. Qui devait recevoir la Provence : le frère ou le gendre ? Pour désintéresser Richard, Raimond Bérenger l’aurait aidé à acquérir le comté de Rodez – et l’appoint des mancusos aurait lié les comtes de Rodez à la cause barcelonaise.

Règlement du conflit : Millau, 1204

  • 161 Sur l’endettement du royaume d’Aragon sous Pierre le Catholique, cf. Thomas N. BISSON, Fis (...)
  • 162 AN, J 589 n° 1 (avril 1204). Éd. : HGL, t. VIII, n° 128 (col. 518-522).
  • 163 En Rouergue : (1) le Monna, comm. de Millau (2) la Roque [-Valzergues, probablement] (3) C (...)
  • 164 quicquid habemus in feudis vel feudalibus vel retrofeudalibus, alodiis, dominicaturis, pre (...)

51La conférence de Perpignan (1198) mit fin à la grande guerre méridionale. Quelques années plus tard, le nouveau roi d’Aragon, Pierre le Catholique dut faire face aux dépenses161 de son couronnement à Rome et de son mariage avec l’héritière des Guilhems, Marie de Montpellier ; en avril 1204, il engagea pour 150 000 sous melgoriens le comté de Millau-Gévaudan (comitatu de Ameliavo et de Gavaldano) au comte de Toulouse Raimond VI162. La transaction fut conclue à Millau, apud Ameliavum, et elle cite nommément vingt-quatre châteaux : quinze en Rouergue, neuf en Gévaudan163, ainsi que le “bourg” de Millau (burgum quod vulgo vocatur Amiliavum). Sont également engagés les droits du comte-roi sur les “fiefs, féodaux et arrière-féodaux” (in feudis vel feudalibus vel retrofeudalibus), les alleux, réserves, droits de chasse, de pêche, de pacage ; ses droits sur les fours et moulins, les usages, leudes et péages ; ses droits de justice, et aussi – ce qui est nouveau – sur les revenus des notaires164.

  • 165 HGL, t. VIII, col. 521 : reddemus vobis burgum de Ameliavo et castra predicta et totum pig (...)
  • 166 HGL, t. VIII, col. 520 et 521.

52Pierre fait approuver cette “hypothèque” (ypoteca) par son frère Alfonse, comte et marquis de Provence (comes marchio Provincie). De son côté, Raimond VI, “par la grâce de Dieu duc de Narbonne, comte de Toulouse, marquis de Provence” promet de maintenir les droits comtaux (jura comitatus) sur ce gage “comme si c’était notre propre terre” (sicut terram propriam), et à le rendre au roi dès que le prêt sera remboursé : “nous vous rendrons le bourg de Millau, les châteaux susdits et tout le gage, comme il est écrit”165. Il rendra aussi les constructions (bastidas) qu’il aura faites sur le territoire engagé : car Pierre lui a donné ce droit (novas bastidas sive munitiones edificare)166. Raimond VI s’engage même à délier les hommes de Millau du serment de fidélité qu’ils lui auront prêté, lorsqu’il sera remboursé : homines de Ameliavo et alii hommes predicti pignoris sint soluti a sacramento et fidelitate, quod mihi faciunt vel fecerint, et vobis et vestris deinceps teneantur, sicut modo tenentur.

  • 167 HGL, t. VIII, n° 140 (6 mars 1208), col. 561-562.

53Mais ce moment ne viendra jamais. Quatre ans plus tard, en mars 1208, c’est le comte de Rodez Guilhem qui engage à Raimond VI le château de Montrozier et le Laissaguès pour 20 000 sous de Melgueil : eu Guillelms coms de Rodes... meti en penhora a vos mosenhor R. per la gracia de Deu duc de Narbona, comte de Tolosa, marques de Proensa, fil de regina Costanssa... lo castel de Montrozer ab totas sas pertenensas, e tot quant eu ai ni om per mi a e Laissaguez, so es a saber Buzencs e Galhac e Prevenqueiras e Severac la Gleisa e Ligons e Gatnac e Laissac e Montferrer... L’épouse du comte de Rodez, Irdoine de Sévérac, engage spécialement Montrozier et y renonce en invoquant la lex Julia de fondo dotali. Rédigée par le notaire du comte de Toulouse, Pierre Arnaud, la charte est approuvée par le vieil évêque Hugues, deux archidiacres de Rodez et quelques nobles167.

54Plus que jamais, le Raimondin rétablit son autorité sur le Rouergue aux dépens de la dynastie millavoise. Mais le temps allait bientôt s’assombrir. Deux mois avant l’engagement du Laissaguès, un homme de Raimond VI avait assassiné le légat Pierre de Castelnau.

Épilogue : Simon de Montfort en Rouergue (1214)

  • 168 Gellone, n° 463 (mai 1106) ; Vabres, n° 36 (août 1116).
  • 169 Chanson, v. 14-15, 20-22 : Canczon audi q’es bella’n tresca, / Que fo de razon espanesca.. (...)

55Au début du XIIe siècle, le Rouergue se souvient épisodiquement qu’il y a un roi, là-bas en France : regnante in Francia Philippo rege (1106), regnante Ludovico rege in Francia (1116)168 ; c’est là les premières mentions de la “France” en Rouergue, alors même que l’auteur de la Chanson de sainte Foy se considérait probablement comme “Français”169, ce qui pourrait s’expliquer par la proximité de l’Espagne. Le premier appel à ce roi est de 1159, lorsque les troupes du Plantagenêt menacèrent le Rouergue en remontant la vallée du Lot. Louis VII était alors à Toulouse ; il ne semble pas être passé par le Rouergue, puisque c’est le comte de Rodez qui a dû aller à sa rencontre, laissant la défense du pays à l’évêque Pierre.

  • 170 J. DUVERNOY, “Albigeois et Vaudois en Rouergue” (1974).
  • 171 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 152 note 74 : Guilhem de Saint-Antonin, Duran (...)
  • 172 Chanson de la Croisade albigeoise XIII, 7-8 (éd. Henri GOUGAUD, p. 53).

56L’hérésie n’avait guère touché le Rouergue170, si ce n’est quelques Vaudois sur ses marges occidentales, autour de Morlhon, Najac et Saint-Antonin171. Le premier auteur de la Chanson de la Croisade albigeoise mentionne même des Roergas parmi les contingents des Croisés (1209)172, et c’est là la première apparition de ce vocable, alors que les habitants du pagus n’avaient plus de nom attesté depuis le Vie siècle. Mais la Croisade devait toucher le Rouergue en retour, en 1214.

  • 173 Pierre des VAUX-DE-CERNAY, Historia Albigensis, 513 (GUÉBIN et LYON, t. II, pp. 207- 208).
  • 174 AD Av., 1G 935, n° 3 (juillet 1214). C’est le fils de Simon, Amaury, qui reçut le serment.
  • 175 A. MOLINIER, “Catalogue...”, p. 472, n° 89b.
  • 176 A. MOLINIER, op. cit., p. 471, n° 86 (Rodez, 11 septembre 1214).
  • 177 A. MOLINIER, p. 472, n° 90 (Figeac, octobre 1214).
  • 178 A. MOLINIER, p. 472, n° 91 (Figeac, octobre 1214) et 92 (Cahors, octobre 1214).

57Parti de Carcassonne, Simon de Montfort atteint début juin la zone “contaminée” du Bas-Rouergue, Najac et Morlhon ; sur ordre des légats, les Croisés détruisirent ce dernier château et ils brûlèrent sept Vaudois “avec une joie énorme”, cum ingenti gaudio173. Leur besogne faite, ils se dirigèrent vers le Bas-Quercy (Castelnau-Montratier, Mondenard) et l’Agenais ; c’est au siège de Casseneuil (juillet 1214) que Simon reçoit de l’évêque de Rodez un serment de fidélité174. C’est que le vieil évêque Hugues avait démissionné trois ans plus tôt, après un épiscopat de 45 ans, et son successeur Pierre de La Treille avait un compte à régler avec les seigneurs laïcs de son diocèse, le comte y compris. Après la prise de Marmande (22 juin) et de Casseneuil (18 août), Simon de Montfort revient vers l’est en passant par le Périgord (Beynac, Domme) et il arrive à Figeac en septembre. Il reçoit alors de Philippe Auguste les fonctions de lieutenant du roi de France175. Dès le 11 du mois, l’évêque et le chapitre cathédral de Rodez lui promettent de s’en remettre à sa décision pour toute contestation relative à leurs fiefs, présents ou à venir176. En octobre, Simon reçoit le serment de fidélité des seigneurs de Capdenac177, et l’abbé Guilhem de Figeac lui inféode sous redevance annuelle de dix marcs d’argent le château de Peyrusse et les possessions de Raimond VI à Lentillac et Capdenac178. C’est de là qu’il partit pour une campagne-éclair en Rouergue (début novembre).

  • 179 Hist. Albigensis, 537 (GUÉBIN et LYON, II, p. 230) : inde venit comes noster cum exercitu (...)
  • 180 HGL, t. VIII, n° 178 (Rodez, 7 novembre 1214), col. 655-657. MOLINIER, p. 473, n° 93.

58D’après Pierre des Vaux-de-Cernay, Simon de Montfort reprochait au comte de Rodez Henri Ier de ne pas lui prêter l’hommage-lige ; le Ruthénois aurait même cherché une échappatoire en prétendant tenir “la plus grande partie de sa terre du roi d’Angleterre”179 ! Mais, coincé entre un évêque de combat et une armée qui n’en était plus à un carnage près, Henri Ier dut se soumettre pour ne pas être démis. Le 7 novembre 1214, il prête au chef des Croisés hommage et fidélité pour le comté de Rodez180.

  • 181 HGL, t. VIII, n° 128 : propter idem feodum confiteor me homagium fecisse, ac prestitisse t (...)

59Plus précisément, Henri Ier reçoit en fief (in feodum) le comté de Rodez, Rodelle et la vicomté de Camboulas, et toute la terre au sud du Lot, excepté les droits du pape sur Montrozier, ceux de l’église du Puy sur le château de Ségur, et ceux de l’évêque de Rodez sur la monnaie et sur les châteaux de Coupiac et Combret. Pour ce fief il prête hommage (homagium, le terme a dû être dicté par les Croisés) et fidélité à Simon et à son fils Amaury181. Il s’engage à rendre ce fief (reddere feodum) de bon ou de mauvais gré (iratus et paccatus) à toute réquisition, pour lui et pour ses héritiers, étant bien entendu que Simon devra restituer ce fief à Henri sicut bonus dominus. Le comte de Rodez s’engage à “faire la guerre” (guerram facere) pour Simon et ses héritiers contre n’importe quel homme (contra quemlibet hominem), et si jamais il ne la faisait pas, à rendre sa terre à Simon ad faciendam guerram.

  • 182 Servifium autem, quodpro dictofeodo nobis facere tenemini, est illud quod tenebamini facer (...)
  • 183 Et promittimus vobis et heredibus vestris per nos et heredes nostros, quod feodum quod a v (...)

60De son côté, le comte de Leicester concède ladite terre en fief au comte de Rodez, salvo servitio quod pro ea facere nobis et heredibus nostris debetis ; ce service, c’est celui que le Ruthénois était tenu de faire au comte de Toulouse – celui qui découlait de la concession du comté de Rodez à Richard de Millau182. Simon promet à Henri de ne pas procéder à des acquisitions auprès de ses feudataires (feodatarii) sans le consulter183, et il lui garantit son fief et ses autres droits (feodum et alia jura vestra), quamdiu vos et heredes vestri in nostra fidelitate manseritis.

  • 184 HGL, t. VIII, n° 178, col. 657 : presentibus... D. de Pradis… B. de Paris. La datation tar (...)

61Simon ajoute que cette concordia et conventio a été faite sur le conseil et l’arbitrage de cinq évêques (Mende, Cahors, Rodez, Carcassonne et Albi) et de maître Thédise, chanoine de Gênes. Il en a tiré une charte-partie divisée par l’alphabet et l’a scellée de huit sceaux : ceux des évêques précités, de Thédise ; le sien et celui du comte de Rodez. Cette reprise du comté en fief de l’envahisseur s’est faite apud Ruthenam, in caméra episcopi : c’est dire la pression exercée sur Henri par Pierre de La Treille. Parmi les témoins, quelques gens du Nord, mais aussi des Rouergats “de qualité’’ : Bégon de Calmont, Fortanier de Morlhon, l’archiprêtre de Conques, et même deux troubadours, Daudé de Prades et Bertrand de Parisot – deux personnes qu’on a indûment situées dans la seconde moitié du XIIIe siècle184. Leur participation à la Croisade rappelle le cas de Folquet de Marseille : en Rouergue comme en Languedoc, les gens du Nord n’ont réussi qu’en raison des divisions locales, la guerre contre l’envahisseur était perdue d’avance à cause des guerres civiles – celle de Toulouse contre Barcelone, mais aussi celle de l’évêque contre le comte de Rodez.

  • 185 Nous ne pouvons que suivre l’excellente étude de Laurent ALBARET, “Le siège de Sévérac...” (...)
  • 186 Historia Albigensis, 538 : Erat prope Ruthenum castrum quoddam forte, nomine Severacum, in (...)

62Restait Sévérac185. Simon de Montfort pouvait considérer cette imposante forteresse comme une menace sur ses arrières, d’autant que le seigneur du château, Déodat III, restait un vassal de Raimond VI. A vrai dire, cet allié de revers n’avait guère aidé le vieux comte de Toulouse. Mais l’évêque de Rodez encouragea Simon à s’emparer de Sévérac en présentant ses occupants comme “des routiers, perturbateurs de la Paix et de la Foi”186, bref, une cible légitime de croisade, qui allaient porter le désordre jusqu’au Puy !

  • 187 Historia Albigensis, 538 : dum igitur esset comes noster apud Ruthenum, mandavit domino pr (...)
  • 188 L. ALBARET, op. cit., p. 60.
  • 189 Historia Albigensis, 538 : eo quod hiems erat et castrum illud in montanis et in locis fri (...)

63Prudent, Simon envoie d’abord un messager porteur d’un ordre de soumission – disons plutôt de reddition du château187, puisque le chef des Croisés est devenu le seigneur du comte de Rodez –, mais Déodat refuse de se soumettre. Sévérac mérite-t-il de déranger le comte de Leicester ? Celui-ci préfère rester provisoirement à Rodez et envoie un détachement commandé par son frère Guy. Les Croisés partent dans la nuit du 12 au 13 novembre, prennent sans difficulté le faubourg de Sévérac à l’aube – la “ville basse” – bien qu’il fût fortifié188. Déodat est pris par surprise : il se confiait dans la solidité de son donjon, et comptait sur un allié, l’hiver – “car la mauvaise saison était venue et la ville était située dans des montagnes en un endroit très froid”, certainement plus froid que le Bassin Parisien189.

  • 190 Historia Albigensis, 540 : erexerunt nostri machinam unam que petraria dicitur et fecerunt (...)
  • 191 Historia Albigensis, 541 : post longum et varium de modo composicionis tractatum tandem ad (...)

64Le siège commence : en haut, Déodat et ses hommes ; en bas, les chevaliers et sergents croisés, qui s’installent dans le faubourg en attendant les renforts – le gros de l’armée et son chef, restés à Rodez. Ils arrivent dans le courant du mois. Les Croisés dressent une pierrière et bombardent le château, mais les assiégés leur rendent la politesse190. Finalement, aux alentours du 30 novembre, c’est le manque de vivres qui conduit Déodat, non à accepter une capitulation sans conditions, mais à proposer une reddition longuement négociée – selon les termes mêmes du panégyriste de la Croisade, Pierre des Vaux-de-Cemay –, puis discutée par des notables (probi)191.

  • 192 HGL, t. VIII, n° 179 (16 novembre 1214), col. 657-658. MOLINIER, p. 473, n° 94. On retrouv (...)

65La prise de Sévérac n’a guère profité à Simon de Montfort – c’est le point extrême de sa campagne de 1214 vers l’est –, mais plutôt à l’évêque Pierre de La Treille. Avec son collègue de Mende, l’évêque Guilhem, il avait engagé à Simon les deux châteaux de La Roque-Valzergues et de Saint-Geniez d’Olt pour 9 000 sous de Melgueil ; Simon a sans doute déboursé cette somme pour s’assurer un point d’appui au moment de rejoindre son frère Guy, car l’engagement a été conclu in obsidione Severiaci, le 16 novembre192.

  • 193 Historia Albigensis, 541.
  • 194 L. ALBARET, op. cit., pp. 65-66.

66Joli coup double pour l’évêque : en faisant venir les Croisés, il obtient la soumission de ses deux rivaux, le comte puis le seigneur de Sévérac, lequel récupérera son château du sire de Montfort en lui prêtant hommage et fidélité193. Mais l’ecclésiastique aurait eu tort d’exulter. Les Sévérac allaient rester de bons vassaux du comte de Toulouse, et en 1249, Gui IV, fils de Déodat, sera l’un des premiers à sceller le testament de Raimond VIL Il obtiendra même en 1266 la destitution de l’évêque Vivian de Boyer, successeur de Pierre de la Treille : l’humiliation du siège de 1214 était vengée194.

Notes

1 Richarde accompagne encore son fils Hugues lors d’une donation à l’abbaye Saint-Paul de Narbonne en 1032 (HGL, t. V, n° 198, col. 399-401 ; 23 mars 1032). Hugues avait présidé le plaid de Montolieu vers 1030 (Notice de Rieupeyroux, éd. BONAL-RIGAL).

2 HGL, t. V, n° 198. J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, pp. 53-54.

3 Conques, n° 8 (janvier 1052) : S. Ricardis commitisse quae carta ista scribere vel firmare rogavit. S. Rodberti commitis. S. Fidei commitisse. S. Berta commitisse… Richarde vivait encore en 1060 (Conques, n° 15), 1061 (Saint-Victor, n° 827), 1062 (AD TG, Rés., G 677 n° 1).

4 Conques, n° 46 (1058) : Rotbertus Rotenensis urbis comes ; n° 572 (1060) : consilio Rotberti comitis Ruthenensium. LMSF, Lond. 3 : Rodbertus Rotenensium comes.

5 Conques, n° 8 (1052), 46 (1058), 572 (1060) ; Saint-Victor, n° 827 (1061).

6 Saint- Victor, n° 827 (1061).

7 J. HILL et L. HILL, Raymond IV de Saint-Gilles (1959), p. 8 : “Le conflit qui s’ensuivit dura jusqu’en 1079 et laissa le Rouergue et le Gévaudan dévastés par la guerre”. Mais ces auteurs estiment que Raimond ne revendiqua la succession du comté de Rouergue qu’après la mort de Robert. Pour Jacques BOUSQUET, la guerre de succession opposa directement Robert et Raimond de Saint-Gilles (Le Rouergue..., t. 1, 1992, p. 55).

8 Saint- Victor, n’837(1079) : hanc eandem abbatiam Rothbertus comes et uxor ejus Berta, filia Ugonis, Rutenensis comitis, relevare et in ordinem antiquum, scilicet monasterium, reformare, Bernardo Massiliensi abbati ad hoc reordinandum tradiderunt… sed seviente bellorum turbine, idem abbas locum sibi traditum non potuit reordinare. Bernard de Millau est devenu abbé de Saint-Victor en mai 1065 (J. BOUSQUET, op. cit., p. 55).

9 Vita Gausberti, éd. GAUJAL, Études historiques..., t. IV (1859), p. 481 : multa miracula fecit, praecipue ad seditionem motam in civitate ubi eam sedavit suis precibus et orationibus ubi fuit accitus ab ipso Raymundo consule ab ipso noto. Mais il ressort d’une autre version que cette “sédition” venait des chanoines de Saint-Amans : Ruthenos aliquando profectus, Raymundum comitem ad aggrediendam monasterii sancti Amantii reformationem monitis suis excitavit, et in eo aliquandiu commoratus, monachos. qui assumpto canonicorum nomine monasticam simul et canonicam disciplinant abjecerant, ad melioris vitae frugem reducere conatus est... (G. MURATET, Notice..., 1843, pp. 130-131).

10 HGL, t. V, n° 273 (v. 1066), n° 276 (1066) ; Doat 165, f° 21-22 (v. 1068) ; f° 23 (1066-1074) ; HGL, t. V, n° 312-II (v. 1074) ; n° 325 (v. 1077) ; Conques, n° 20 (1078).

11 HGL, t. V, n° 336-II (16 juin 1080), col. 649-650.

12 S. SOBREQUÈS I VIDAL, El s grans Comtes de Barcelona (1961), p. 129 et note 43 p. 153 (référence à BOFARULL I MASCARO). Cf. tableau généalogique, p. 125.

13 A. BONAL, Comté... (1885), pp. 86-87. Repris par HGL, t. V, n° 389, col. 738-739.

14 Haec omnia superius nominata tibi uxori meae ad integrum dono quantum habeo vel habere debeo, cum tali pacto ut dum vivi fuerimus insimul habeamus, teneamus atque possideamus. et si infantes habuerimus qui de me Bertrando fuerint procreati et de te Electa nati, post obitum nostrum ad illos revertantur praescripti honores. Si vero infantes de me non habueris et mihi supervixeris, habeas et teneas, etpost obitum tuum haheant illi quibus tu dare aut dimittere volueris, omnique tempore teneant.

15 Ce contrat de mariage est resté à Rodez, avec les archives comtales, jusqu’à l’époque de Bonal : “titre que j’ay devers moy, et lequel je metray icy au long, parce qu’il est fort remarcable” (Comté..., p. 86).

16 Chronique, éd. Ph. LABBE, Nova bibliotheca... , t. 2, Paris, 1657, cap. 48 (pp. 304-305).

17 Ruthenis praefecit comitem Richardum filium Richardi vicecomitis de Carlat. qui fuit filius illius Raimundi qui caput stupae propter multiplices plagas dictus est. Hic Raimundus genuit Raimundum Berenger, qui genuit Adelphonsum... Gilbertus comes de Meillau filius Richardi filii secundi Raimundi caput stupae, septem genuit filias...

18 A. BONAL, Comté... (1885), pp. 130-137.

19 Abrégé historique… (1682), p. 6 et p. 10. L’auteur donne aux vicomtes de Millau le titre de “vicomtes de Rodez”, mais ses données généalogiques sont fiables.

20 Conques, n° 527 (donation de la moitié de l’église de Golinhac) : Ego Ricardus vice comes et uxor mea Adalaiz...

21 Saint-Victor, n° 831 (1112).

22 J. BOUSQUET, “Vie sociale et vie religieuse...” (1961), pp. 275-278.

23 HGL, t. V, n° 395, col. 747-748. Cf. Jacques BOUSQUET. “La donation de Ségur par Raymond de Saint-Gilles...” (1962).

24 Date de la transcription du testament de l’abbé Pons de Saint-Amans sur ordre du comte Hugues Ier de Rodez : Breve quod fecit trahere Hugo comes, filius Richardi, de illo breve quod jussit facere Pondus abbas, quando divisit honorem suam inter ecclesias Dei et parentes vel amicos suos... Wuilhelmus scripsit in anno illo in quo Richardus comes et Ugo filius ejus acquisierunt Ruthenensem comitatum d’Amphos, comite Tolosano. Fragments transmis par A. BONAL, Comté... (1885), pp. 133- 134 ; Éveques… , t. II (1938), pp. 12-13, p. 459.

25 Il porte ce titre en 1100, à proximité de Millau, lors de la donation de l’église Saint-Martin de Pris par Pierre Virgile (Conques, n° 469) : S. Gerberti vice comitis. A l’inverse, on lui reconnaît le titre comtal à Chirac en Gévaudan, entre 1098 et 1112 (Chirac V, 38 ; éd. J. BELMON, p. 61).

26 Gellone, n° 161 (15 avril 1133).

27 LFM, t. II, n° 863 (novembre 1179) ; R. PAUC, “Documents...” (1974), n° 2 (15 mai 1192).

28 BN, Doat 145, f° 4 (1159) : villam Sanctae Eulaliae et terram quae dicitur Larzac, quae sita est in comitatu meo Amiliavensi.

29 A. SOUTOU, “Inventaire toponymique...” (1968), carte p. 248.

30 HGL, t. VIII, n° 128, col. 518-519.

31 Carlat, t. II, n° 5 (Arles, 1167). Le titre de “vicomte de Carlat,, apparaît dans la seconde moitié du XIe siècle : Berengarius vicecomes de Carlato, 1060-1071 (G. MURATET, Notice historique sur Montsalvy..., 1843, pp. 38-39) ; de vicecomite de Cartlat, 1087-1108 (Conques, n° 545).

32 AC Saint-Antonin, AA 1 n° 2 (2 août 1155).

33 ARTIÈRES, Notice historique sur la vicomté et la commune de Creissels..., 2e éd., 1973, p. 14.

34 Carlat, t. II, n° 6 (8 octobre 1176) : Girberto vero, filio alio meo, Creyssel cum omnibus que sive ultra sive citra Tarnum pertinent concedo, cum omni terra mea que ultra Tarnum est.

35 ACLP, n° 89 (“vers 1160”) : Haec est carta que Frotardz, lo vescoms de Broq..., dona a domino Deo et a l’ospital de Jherusalem.

36 Doat 170, f° 107-108 : Breve quae fecit facere Ugo comes de plaig que fez ab Frotard de Brochier. Lo vezcomte Frotard li reconog lo castel d’Eissenna que.l tenia de lui... et Ug lo coms li [do] lo castel d’Eissenna a feu els altres feus que.l vescoms d ’Eissenna deu aver del comte de Rodes onradament...

37 ACLP, n° 89 : Raimond Gui de Comba Orseira, sa femme et ses enfants sont fevaters d’Escafré de Curvalle, lui-même fevater de Frotard de Broquiès.

38 HGL, t. VIII, n° 178 (1214, 7 novembre), col. 655 : vicecomitatum de Cambolatio.

39 Conques, n° 527 (5 janvier 1097).

40 Saint-Victor, n° 831 (1112) : ego Ricardus, Rutenensium comes, cognoscens quant fideliter et devote pater meus Berengarius et fratres ejus, Bernardus scilicet Massiliensium venerabilis abbas, et Ugo et Raimundus vicecomites... dederunt et tradiderunt sollempniter eidem jam dicto monasterio…

41 AN, J 304 n° 112 (s. d.). BELMON, Les Vicomtes de Rouergue-Millau... (1991), pp. 266-267.

42 AD BdR, B 293 n° 3 (s. d.). Ce document très elliptique semble plus proche de 1110 que de 1140 : l’un des feusals, Bermond de Verrières, est par ailleurs attesté entre 1099 et 1108 (Conques, n° 556) ; autre feusal, Rigal de Compeyre apparaît également en 1077-1099, 1106 (Gellone, n° 463, 466), mais un autre Rigal de Compeyre se retrouve en 1142 (ACLP, n° 39) et après 1140 (Gellone, n° 454).

43 F. POEY d’AVANT, Monnaies féodales, vol. II (1860), p. 305, n° 3875 ; pl. LXXXVI, n° 19. Cf. A. DIEUDONNÉ, Manuel de numismatique française, t. IV (1936), p. 226 et note 1.

44 Vabres, n° 38 (décembre 874).

45 Ci-dessus (I, 4). Le Richard de 874 cède précisément cette localité de Saint-Léons (Noviliaco) que les vicomtes de Millau donneront à Saint-Victor de Marseille au XIe siècle.

46 Ci-dessous (“la Paix organisée”).

47 M. de FRAMOND, Sceaux rouergats… (1982), n° 1, p. 116.

48 Nonenque, n° 18 (20 décembre 1171) : Hugues II, comes Ruthenensis, donne tout ce qu’il possède à Lioujas (domos, terras, posturales, aquas, usaticos, feudos et beneficia, culta vel inculta), ainsi que le pré d’Abadil ; son frère Richard est son premier témoin (Stephanus Ricardus, frater ipsius, comes). Hugues et Richard apparaissent ensemble en 1167/1168 (Nonenque, n° 8 et 9), 1179 (Is, n° 29). Richard porte aussi le titre comtal lorsqu’il apparaît isolément (Moncan, n° 37 ; 1177).

49 La Selve, n° 1 (v. 1170) : S. Ricart, lo coms ; n° 4 (v. 1180) : R. de Solmeg ; n° 28 (v. 1180) : Ricardz, senner de Solmeig ; n° 32 (1206) : Ricarcz, fraire del comte de Rodes e seinner de Solmieg ; n° 68 (v. 1180) : R. de Solmeg ; n° 71 (v. 1200) : en Ricart, lo comte ; n° 98 (v. 1200) : enz Ricartz, lo coms, qu’es seiner de Solmeg ; n° 99 (v. 1200) : eu Ricarz, fraire del comte, seiner de Solmeg.

50 Nonenque, n° 17 (1170).

51 Carlat, t. II, n° 6 (1176).

52 Carlat, t. II, n° 6.

53 Carlat, t. II, n° 6 (1176) : Girberto vero.filio alto meo, Creyssel cum omnibus que sive ultra sive citra Tarnum pertinent concedo, cum omni terra mea que ultra Tarnum est, tali pacto quod hominium faciat comiti et jusjurandum quod castra sua cum eum comonefererit [sic] et reddat adjutorium vero contra omnes homines atque fidelitatem...

54 Nonenque, n° 32 (1189) : ieu Huc, coms de Rodes, filh que fuei d’Angnes, am cosselh et am voluntat d’en Huc, lo comte, mon paire, done e laude... E d’aisso es autre : Huc lo coms mon paire... L’orthographe de cette charte est due à la date tardive de sa transcription (c’est un vidimus de 1327).

55 BN, Doat 132, f° 138 (donation à l’hôpital du Pas, 1197) : eu Uc per la gratia de Deu coms de Rodes, et eu Uc sos fills coms joves... Le titre sera repris pour Raimond VII, associé à Raimond VI pour la défense du Midi.

56 H. C. DUPONT, J.-F. BERNARD, “Déodat de Caylus et la comtesse Irdoine” (1949).

57 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 99.

58 Henri VIDAL, “La première Vie de saint Fulcran et le triomphe de l’episcopatus lodévois au XIIe siècle” (1965). Sous-préfet de Lodève, l’auteur était bien placé pour apprécier les questions d’autorité qui mirent aux prises l’évêque et le vicomte de la ville.

59 Lodève, n° 21 (1162).

60 Lodève, n° 25 (1167, accord entre l’évêque Gaucelin et Richard, frère du comte Hugues II) : Gaucelinus Lodove confessus est quod Richardus Ruthenensis habebat sex menses in turri de Montebruno, et dictus Richardus confessus est quod dominus episcopus habebat alios sex.

61 En 1174, il avait emprunté 6000 sous melgoriens à l’évêque Gaucelin, aux chanoines et aux habitants (Lodève, n° 26).

62 Lodève, n° 27 (mars 1188, a. s.).

63 Lodève, n° 28 (1188).

64 H. VIDAL, op. cit., p. 9.

65 H. VIDAL, op. cit., p. 11. F. DOLBEAU, “Vie inédite...” (1982), pp. 518, 524-525.

66 Vita tertia sancti Fulcramni V, 26.

67 J.-L. BIGET, L’épiscopat… (1987/1991), p. 192. Arnaud était mort depuis peu lors du concile de Bourges en novembre 1031 (MANSI, t. 19, col. 506 : sede Ruthenensi vacante). Avec Amiel d’Albi, il a participé vers 1030 à la fondation du prieuré de Saint-Martial de Limoges à Rieupeyroux (BONAL-RIGAL, t. I, pp. 574-580).

68 LMSF I, 28; I, 29.

69 BN, n.a.l. 437, f5 74 r° (“1037”). Cf. J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 186.

70 J. DUFOUR, Les évêques... (1989), pp. 82-84. – J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), pp. 186- 189. – Th. STASSER, “La maison vicomtale de Narbonne...” (1993), pp. 499-500.

71 J. DUFOUR, op. cit., pp. 82-84. L’ancien évêque y composa un hymne de supplication à saint Antonin où il refusait encore sa déchéance (éd. Camille DAUX, BSATG, t. 27, 1899, p. 31).

72 J. DUFOUR, op. cit., p. 84. J. BOUSQUET, op. cit., pp. 189-191.

73 J. DUFOUR fait terminer l’épiscopat de Pons vers 1090. Mais Pons Étienne était toujours évêque en mars 1095 (Vabres, n° 52).

74 J. BOUSQUET, op. cit.,p. 192.

75 J. DUFOUR, op. cit., pp. 85-86 ; J. BOUSQUET, op. cit., pp. 192-195.

76 BERNARD DE CLAIRVAUX, Epistolae, n° 328 (ad Romanum pontificem. contra electum Rutinensem) et 329 (ad episcopum Lemovicensem, contra eumdem electum Rutinensem).

77 J. DUFOUR, op. cit., pp. 86-87 ; J. BOUSQUET, op. cit., pp. 196-198.

78 AD TG, A 64 n° 1 (1161 ; charte-partie). Les six arbitres sont R. de Levézou, G. de Salles, Nizez de Bessuéjouls, Frotard de Belcastel, D. de Mirabel, A. de Capdenac ; ils étaient accompagnés de quatre assesseurs (P. Raimond de Hautpoul, B. de Sénaret, Hugues Bellus, Hugues de Montferrand).

79 J. BOUSQUET, op. cit., pp. 198-205.

80 AD Av., 1G 479 (1177) : retento omnijure quod antea judicatum fuerat comiti in civitate per Petrum Raimundi d’Alpol et per alios qui cum eo tunc in judicio fuerant... La sentence de 1177 est rendue par quatre personnages, dont deux avaient déjà rendu celle de 1161 (Frotard de Belcastel, Adémar de Capdenac), avec l’assistance de Guilhem de Montal, maître du Temple en Rouergue (cum consilio Guillelmi de Montait, magistri milicie Templi infra Ruthenicum).

81 AD Av., IG 33 (1181-1185, 23 mai ; bulle de Lucius III) : timens ecclesie tue pro guerra quam habebas cum nobili viro comite Rutenensi, fratre tuo, ipsam et castra ejus dilecti filii nostri nobilis viri R. comitis Tolosani custodie tradidisti, qui in reditu tuo sine difficultate restituit universa.

82 AD Av., 1G 479 (1195).

83 domnus U. comes et successores ejus debent promotionem comitatus accipere ab episcopo, et episcopus debet promovere illum qui comes fieri debet, recipiendo eum cum processione sine procuratione et omni gravamine...

84 comes debet tunc offerre palium et facere hominium episcopo, et postea debet illum assidere in cathedra sua, et ita erit comes.

85 praeterea episcopus tune comiti bona fide reddat forcias militum, turrim rotundam quae est in curia quia fuit militis, et alias turres militum Civitatis...

86 portalli usus quod est inter ecclesia sancti Stephani et hospitale pauperum sit comunis civibus et burgensibus, ita ut sine contrarietate tempore pacis omnibus pateat aditus.

87 homines et possessiones et omnia quae infra Burgum episcopus heruit, sine cujusque contradictione possideat semper.

88 haec omnia sibi ad invicem facere debent comes et ejus successores episcopo et successoribus ejus, et e conversa episcopus et ejus successores comiti et successoribus ejus, perpetuo.

89 M. PICCHIO SIMONELLI, Lirica moralistica…(1974), p. 221 (II, 57-58) ; cf. pp. 213 (I, 50- 56) et 221 (II, 65-68) : Del bisb ’e d’elh sia jauzens / Rodes hueymays, / e tornen en patz lor carays / si que lo bes lo mal vensa.

90 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 105. Hugues III est mort moins d’un an après son intronisation.

91 , Rudolf HIESTAND, Papsturkunden für Templer und Johanniter, Göttingen, 1972, n° 27, pp. 233-235 (Saint-Pierre de Rome, 27 avril 1155).

92 boves et omnia aratoria animalia, bubulci quoque omnisque apparatus arantium animalium necnon hommes et bestie, que semina vel aratrum ad campum detulerint, omni tempore sint secura.

93 pro unoquoque etiam aratro sextarium frumenti eisdem militibus annualiter persolvantur.

94 frater noster Arnaldus Narbonensis archiepiscopus consilio et assensu illustrium virorum A[defonsi] comitis Tolosani, Hugonis comitis Rutenensis, Rotgerii vicecomitis Biterrensis necnon aliorum nobilium virorum illius terre... hanc institutionem in suis partibus firmaverunt… eandem treuguam atque institutionem auctoritate apostolica confirmamus…

95 Thomas N. BISSON, The Organized Peace..., 1977, pp. 299-300.

96 BN, Doat 131, f°287-288 : concessit etiam jamdicto monasterio [Moysiacensi] ac priori memorato, ut qualicumque tempore episcopus Ruthenensis vellet communias facere secundum consuetudinem patriae, tune prior congregatis agricolis vel habitatoribus sui honoris retinendi licentiam haberet ad opera sua explenda, scilicet ad constructionem ecclesiae vel aliorum ejusdem loci aedificiorum : ut tamdiu faceret illos ibi operari quamdiu cognoverit alios in communia demorari…

97 Doat 131, f° 300 : oportet nos bonorum eorum [ = antecessorum] vestigia sequi, quorum consecuti sumus, et officia enint quidem velut ipsi communias ad eorum opéra explenda ipsius loci habitatoribus dedere...

98 Hartmut HOFFMANN, Gottesfriede…(1964), pp. 117, 119, 265 ; J.-L. BIGET, “L’épiscopat…” (1987/1991), p. 194. Peu après 1120, le pape Calixte II interdit à l’évêque d’Albi d’obliger la familia de l’abbaye de Castres à participer à l’exercitus communiae. Pour Thomas BISSON, qui ne fait pas référence aux communiae de Vieux et de Villeneuve, les milices de paix sont attestées tardivement, vers 1200 (Toulousain, Comminges) puis au XIIIe siècle (Quercy, Agenais, Gévaudan, Velay, peut-être Vivarais) ; mais il note que la milice épiscopale en Agenais s’appelait la communia (op. cil., p. 306).

99 AN, J 304 n° 112, f° 8. Éd. : Clovis BRUNEL, “Les juges de la paix en Gévaudan...” (1951).

100 Lignages d’Anduze, Barre-des-Cévennes, Canillac, Châteauneuf-de-Randon, Garin, Peyre... Cf. J. BELMON,Les Vicomtes... (1991), pp. 229-231.

101 Cf. le censier de Gerbert et Richard, et le bref des feusals rédigé sur ordre de ce dernier.

102 JAFFÉ-WATTENBACH, Regesta pontificum Romanorum, t. II, 1888, p. 235, n° 11 793 ; éd. Roger BONNAUD, “Une bulle d’Alexandre III en faveur de la paix” (1939).

103 tu habita consilio abbatum, praepositorum et archidiaconorum tuorum, et baronum terrae, cum nobili viro Hugonefratre tuo. comite Ruthenae, hujusmodi pacem et concordiam statuisti...

104 nec ulli liceat, praeter armatos milites et clientes quaelibet arma ferre, nec nisi milites enses solummodo, et clientes singulos baculos feront, qui pacis sicut cœteri debent securitate gaudere.

105 clientes vero et artifices, scilicet fabri, sartores, pellicarii et omnes operarii...

106 cœteri vero homines, qui ligonibus terram fodiunt, et de labore suo vivunt, tres denarios dabunt.

107 Commune autem istud per singulas parochias debet reddi, cum scripto unius parochianorum, quem capellanus cum consilio sui archipresbyteri et voluntate suorum parochianorum elegerit. Et in die statuta ab ipso parochiano et capellano, cum eodem scripto ad Ruthenensem ecclesiam deferatur.

108 Si vero inimicos villas vel oppida depraedari vel diruere forte contigerit, res quidem mobiles emendabuntur de Communi, sed damna rerum immobilium non restituentur, nisi quantum a male-factoribus poterit recuperari.

109 C’est l’opinion de R. BONNAUD, “La naissance d’un impôt rouergat” (1937), p. 218.

110 Clerici vero qui proprias ecclesias non habent, nisi tantum par boum habuerint. non cogantur dare, si nolent ; sed non dato Communi, si forte res suas perdiderint, eis nequaquam emendabuntur.

111 capellani ecclesiarum et omnes laici a quatuordecim annis et supra eamdem pacem et Commune juramento firmare debeant, et observare.

112 Dès 1199, il y eut des exemptions au Commun de Paix (Aubrac, t. I, n° 12). En 1208, les consuls de Rodez l’exigeaient des chanoines de la cathédrale pour réparer les remparts ; en 1216, le Commun fournissait la solde d’une garde armée qui protégeait les habitants de Villeneuve. Au milieu du XIVe s., le Livre de l’Épervier (cartulaire municipal de Millau) lui consacre tout un chapitre (Roger BONNAUD, “La naissance...”, 1937).

113 Selon l’expression de l’intendant Meulan d’Ablois (1781), qui souligne “l’esprit de liberté et de résolution des montagnards” du Rouergue qui refusèrent de payer cette taxe en 1776 et 1780 : “l’odieux d’un droit sans objet... a seul occasionné le refus de l’acquitter” (AD Lot, C 411).

114 J. BASTIER, “Droits féodaux...” (1983), p. 277.

115 S. SOBREQUÈS I VIDAL, Els grans Comtes... (1961), p. 129 et note 43 p. 153.

116 LFM, n° 875 : dotation de la comtesse Douce par sa mère, Gerberge de Provence, veuve de Girbert de Millau (1er février 1112) ; n° 876 : acte de mariage entre Douce et Raimond Bérenger III (3 février 1112) ; n° 877 : donation de Douce à son mari (13 janvier 1113).

117 Ch. HIGOUNET, “Un grand chapitre de l’histoire du XIIe siècle...” (1951).

118 P. BONNASSIE, “L’Occitanie : un État manqué ?” (1979).

119 J.-P. POLY, La Provence... (1976), pp. 325-326 et note 63.

120 M. AURELL, “Pouvoir et contre-pouvoirs…” (1987/88), p. 128.

121 M. AURELL, op. cit., p. 129.

122 M. AURELL, op. cit., p. 127.

123 M. AURELL, op. cit., pp. 130-133.

124 AD Loz., G 455 (Millau, oct. 1150 ; copie de 1275) : Austorg de Peyre reprend 18 châteaux en fief de Raimond Bérenger IV et de son neveu Raimond Bérenger de Provence, la plupart situés en Gévaudan et Haute-Auvergne. Deux d’entre eux sont en Rouergue, dominant les gorges de la Truyère : Valon (comm. de Lacroix-Barrez) et Mels (comm. de Sainte-Geneviève-sur-Argence). Éd. PORÉE, Études historiques sur le Gévaudan, pp. 484-485, p. j. n° I.

125 Arxiu de la Corona d’Aragó, perg. Alfons I, n° 622 (15 mai 1192), 623 (16 mai 1192). Éd. PAUC, “Documents inédits...” (1974), n° 2 et 3.

126 LFM, n° 863 et 864 (Carcassonne, novembre 1179) : Roger reprend du comte de Provence Raimond Bérenger les châteaux de Brusque, Camarès (le Pont) et Murasson.

127 Carlat, t. Il, n° 5 (Arles, 1167).

128 BN, Doat 165, f° 280 (9 juin 1112) et f° 282-284 (8-9 juin 1112).

129 Aubrac, t. I, n° 9 (Montferrier, mars 1186 n. s.) : donation d’Alfonse II, avec comme témoins Carbonellus de Monteferrerio, Raymundus Carbonellus, Wilelmus de Cerveria, Deodatus de Boira, Raymundus de Podio, Stephanus de Lavaur, Petrus Raymundi de Compeire, Stephanus Guilaberti, Sans de Siliis et Ennego de Auey, qui sunt milites de familia regis.

130 Carlat, t. II, n° 6(1176).

131 C’est ce que suggère le testament du comte Hugues II (1176) : à son fils aîné, la succession du comté de Rodez usque ad Tarnum ; à son puîné Girbert, la vallée du Tarn cum omni terra mea que ultra Tarnum est. Pour Girbert, il s’agissait moins de dominer cette zone que de la reconquérir contra dominum de Amilliavo. En Carladez, la situation devait être plus compliquée.

132 Bonneval, n° 61 (1184).

133 Bonneval, n° 76 (1189).

134 Bonneval, n° 85 (juin 1192) : charte d’Alfonse Ier, datée de Salses (apud castrum novum de Saisis).

135 AD Loz., G 455 (copie de 1275). Éd. PORÉE, Études historiques..., pp. 484-485.

136 Charte de février 1201. M. AURELL, op. cit., p. 132.

137 J.-M. CARBASSE, “La charte consulaire de Millau (1187)” : concedimus namque sigillum comune consulibus et comuni cum suscriptione nostra et sua, et etiam vexillum nostrum.

138 Gellone, n° 161 (samedi 15 avril 1133) : in villa mea, que vocatur Amilaus. AD HG, H Malte, Sainte-Eulalie (décembre 1159) : in comitatu meo Amiliavensi. Éd. A. du BOLIRG, “Établissements...”, 1886, p. j. n° 11.

139 LFM, n° 493 (19 août 1130), pp. 530-531 : Raimond Bérenger III lègue à son fils cadet Bérenger Raimond omnem suum honorem Provincie... et illum quem habebat in Rotenensi patria et in Gavallano et in Cartalateso...

140 BN, Doat 166, f° 310-311 (novembre 1142) : ego Ugo comes... juro tibi Rogerio vicecomiti... ero tibi fidelis auxiliator contra comitem Aldefonsum nunc et in perpetuum…

141 A. BONAL, Comté... (1885), p. 134 : in anno illo in quo Richardus comes et Ugo filius ejus acquisierunt Ruthenensem comitatum d’Amphos, comite Tholosano.

142 Doat 166, f° 310-311 : c’est Roger Trencavel qui excepte Raimond Bérenger IV des hommes contre lesquels il promet son aide ; le comte de Rodez en excepte Sicard de Lautrec.

143 LFM, n° 885 (février 1154) : Hec est conveniencia quam ego Hugo, comes Rutenensis, facio tibi Raimundo Berengarii, inclito comite Barcheonensi et Aragonensium principi. Convenio namque tibi bona fide, ut amodo sim tibi fidelis... et quod valeam et adjuvem te per bonam fidem, sine engan, contra omnes homines et feminas, et nominatim contra comitem Sancti Egidii et Tolose...

144 Les événements relatés par les Miracula sancte Marie de Rupe Amatoris, rédigés en 1172 (éd. J. ROCACHER, p. 26) pourraient se reporter à cette invasion, ou à celle de 1163 (note 185 p. 163) : siège du château de Gerle par les Basques (I, 51), siège de Mende par les Basques et Brabançons (III, 4), incendie d’Alès par les Brabançons (III, 15-16) ; mention des Brabançons servant le comte de Toulouse tempore belli regis Aragonensis et Raymundi Tolosani comitis (III, 17).

145 Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. 16, éd. M. BRIAL, Paris, 1813, pp. 18-19 (n° LXXV) : subito divulgation est satellitum regis Angliae, militum videlicet et sagittariorum atque pedestrium armatam multitudinem advenisse : qui terras circa nos positas devastantes, fines quoque territorii nostri invadere disponebant. Quocirca consilium fuit atque voluntas nostri comitis Ruthenensis et virorum terrae nostrae, ut comes ipse, ante conspectum vestrae celsitudinis veniens, vices nostras apud vos suppleret, nos vero infra territorium remanentes, quantum possemus, pro ipso et pro nobis illud ab hostibus tueremur. Tanta ergo commuais utilitatis necessitate detenti, precamur ne nostram absentiam moleste accipiatis...

146 Th. BISSON, “The Organized Peace...” (1977), pp. 295-296. La confirmation par Adrien IV de la paix méridionale est du 27 avril 1155 ; la Paix de Soissons, du 4 juin.

147 LFM, n° 898 (octobre 1165). Raimond V était le beau-frère de Louis VII, dont il avait épousé la sœur Constance ; Raimond Bérenger de Provence était le cousin germain d’Alfonse Ier.

148 LFM, n° 898 : exclusis tamen ab ista excepcione Ugone de Baucio et Bertrando fratre suo, ac comite Rutenensi.

149 Carlat, t. Il, n° 5 (Arles, 1167) : Et ego predictus Hugo, comes Rutenensis, Carlat et totum Carlades a te predicto Ildefonso, rege Arragonensi, infeudum recipio et propter hoc feudum hominium tibi facio et fidelitatem juro... Ce serment ne comprend pas de promesse de reddition des châteaux.

150 Carlat, t. II, n° 6 (8 octobre 1176, testament de Hugues II).

151 Aubrac, t. I, n° 9 (mars 1186, n. s.). Montferrier, comm. de Bertholène, cant. de Laissac. Le censier des vicomtes Gerbert et Richard (AN, J 304 n° 112) énumère en son bref n° III (menesteir Gitbert de S. Germant) des mas à Laissac, Anglars (comm. de Bertholène), Ayrinhac (id.), Palanjoles (comm. d’Agen-d’Aveyron)... Ayrinhac est à un kilomètre de Montferrier.

152 Conques, n° 455 (juin 1061-1065) : ego Nichilfora et uxor mea Berengeria et infantes nostri cedimus et donamus villam nostram de Mascle... pro animas nostras et parentum nostrorum, et pro anima Hugonis comitis... Le comte Hugues avait effectué sa dernière donation non loin de là, à Trébosc (Conques, n° 8).

153 LFM, n° 863 (Carcassonne, novembre 1179) : dono et concedo... tibi, domino Raimundo Berengarii, comiti Provincie... et successoribus tuis qui per comitem Barchinone tenuerint comitatum Amiliavi…

154 Ibid. : Sciendum vero est, quod si predictus Provincie comitatus et de Amiliavo ad aliam personam quam ad dominum Barchinone quoquo modo transferretur, predicta tria castra ex tune laudo et concedo absolute domino Barchinone.

155 L’expression rappelle le senhoratge de Peiteus évoqué par les poèmes de Guilhem IX d’Aquitaine. Raimond Jordan de Saint-Antonin évoque à plusieurs reprises le doux senhoratge de sa dame (IV, v. 8 et v. 56 ; éd. KJELLMAN, pp. 73, 76-77).

156 LFM, n° 864 (Carcassonne, novembre 1179) : fecit Rogerius homonium domino comiti [Provincie] et accepit et habet per manum ejus predicta castra ad fevum et servicium et fidelitatem comitis et successorum ejus, eorum videlicet, qui domini fuerint de Roderge et Amiliavo. Sciendum vero est. quod si senioraticus Provincie vel Amilliavi ad aliam personam quam ad dominum Barchinone aliquando convolaret, non teneretur nec attenderet Rogerius vel ejus successores de predictis castris et convenienciis, nisi domino Barchinone tantummodo.

157 HGL, t. VIII, n° 38, col. 344-347 (“1180, 1er octobre”), juxta castrum de Cabdenaco. LÉONARD, Catalogue..., n° 137 (1190, 1er octobre).

158 de omnibus vestris guerris et negociis contra omnes homines jamdictum monasterium pro passe nostro viriliter defendemus et manutenebimus sicut jam dudum, cum guerra esset dArpaio et de Aureliaco… et specialiter autem de guerra quam in presentiarum cum burgensibus Aureliacensibus habetis. propriis nostris expensis, quousque guerra ista ad honorent Dei et vestri et nostri finiatur, pro passe nostro viriliter vos manutenebimus, adjuvabimus et defendemus...

159 AD Av., 1G 33 (1181-1185, 23 mai).

160 AD Av., IG 466 (mai 1191 ; vidimus, 1266) : nos R. per Dei gratiam dux Narb[one], comes Tol [ose], marchio Provincie. per nos et per successores nostros, mera liberalitate, spontanea voluntate, comitiva et dominii auctoritate, in perpetuum donamus, tradimus et cum hac carta concedimus vobis dilectissimo et fidelissimo nostro Ugoni eadem gratia Rutenensi episcopo, et per vos ecclesie Ruthenensi et successoribus vestris. decimam argenti fodinarum argenteriarum totius diocesis Ruthenensis…

161 Sur l’endettement du royaume d’Aragon sous Pierre le Catholique, cf. Thomas N. BISSON, Fiscal Accounts of Catalonia under the Early Counts-Kings (1151-1213), University of California Press, vol. I, 1984, pp. 129-142.

162 AN, J 589 n° 1 (avril 1204). Éd. : HGL, t. VIII, n° 128 (col. 518-522).

163 En Rouergue : (1) le Monna, comm. de Millau (2) la Roque [-Valzergues, probablement] (3) Compeyre (4) Trossit (5) Sévérac-le-Château (6) Prévinquières (7) Laissac (8) Monserret, près de Millau (9) ? Digons (10) Gagnac, comm. de Gaillac-d’Aveyron (11) Saint-Grégoire, comm. de Lapanouse (12) Lapanouse (13) Saint-Affrique (14) Caylus, comm. de Saint-Affrique (15) Bournac, comm. de Saint-Affrique. En Gévaudan : (1) Chirac (2) Grèzes (3) Marvejols (4) La Canourgue (5) Le Monastier (6) Montrodat (7) Montjézieu (8) Pradelles (9) Langogne.

164 quicquid habemus in feudis vel feudalibus vel retrofeudalibus, alodiis, dominicaturis, prediis. vineis, heremis et condirectis, aquis aquarum decursibus. venationibus, piscationibus, pascuis, molendinis, usaticis, pedaticis, lesdis, furnis, sestaralagiis, firmanciis, justiciis et reditihus notariorum et instrumentorum.

165 HGL, t. VIII, col. 521 : reddemus vobis burgum de Ameliavo et castra predicta et totum pignus, sicut supradictum est.

166 HGL, t. VIII, col. 520 et 521.

167 HGL, t. VIII, n° 140 (6 mars 1208), col. 561-562.

168 Gellone, n° 463 (mai 1106) ; Vabres, n° 36 (août 1116).

169 Chanson, v. 14-15, 20-22 : Canczon audi q’es bella’n tresca, / Que fo de razon espanesca... Qui ben la diz a lei francesca, / Cuig me qe sos granzpros l’en cresca /E q’en est segle l’en paresca. Ce serait l’une des premières occurences de l’adjectif “français” en gallo-roman, qui plus est au sens large (français jusqu’aux Pyrénées, espagnol au-delà).

170 J. DUVERNOY, “Albigeois et Vaudois en Rouergue” (1974).

171 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. 1 (1992), p. 152 note 74 : Guilhem de Saint-Antonin, Durand de Najac, Durand de Osca, qui ne viendrait pas de Huesca, mais de Losque (comm. de Parisot ; d’après Yves DOSSAT, Cahiers de Fanjeaux, t. 2, p. 213).

172 Chanson de la Croisade albigeoise XIII, 7-8 (éd. Henri GOUGAUD, p. 53).

173 Pierre des VAUX-DE-CERNAY, Historia Albigensis, 513 (GUÉBIN et LYON, t. II, pp. 207- 208).

174 AD Av., 1G 935, n° 3 (juillet 1214). C’est le fils de Simon, Amaury, qui reçut le serment.

175 A. MOLINIER, “Catalogue...”, p. 472, n° 89b.

176 A. MOLINIER, op. cit., p. 471, n° 86 (Rodez, 11 septembre 1214).

177 A. MOLINIER, p. 472, n° 90 (Figeac, octobre 1214).

178 A. MOLINIER, p. 472, n° 91 (Figeac, octobre 1214) et 92 (Cahors, octobre 1214).

179 Hist. Albigensis, 537 (GUÉBIN et LYON, II, p. 230) : inde venit comes noster cum exercitu Ruthenum civitatem ; inpetiit autem comes noster comitem Ruthenensem de multis : ipse enim comes Ruthenensis homo ligius erat comitis nostri, set, quoddam querens subterfugium, dicebat quod partem terre sue maximam tenebat a rege Anglie.

180 HGL, t. VIII, n° 178 (Rodez, 7 novembre 1214), col. 655-657. MOLINIER, p. 473, n° 93.

181 HGL, t. VIII, n° 128 : propter idem feodum confiteor me homagium fecisse, ac prestitisse tactis sacrosanctis Evuangeliis sacramentum fidelitatis vobis et domino meo Amalrico primogenito filio vestro... Les termes locaux pour désigner l’hommage étaient hominium (latin), homenatge ou même homenesc (occitan).

182 Servifium autem, quodpro dictofeodo nobis facere tenemini, est illud quod tenebamini facere comiti Tholosano (col. 656).

183 Et promittimus vobis et heredibus vestris per nos et heredes nostros, quod feodum quod a vobis tenetur, vobis inconsultis afeodatariis vestris nullatemis adquiremus (col. 656).

184 HGL, t. VIII, n° 178, col. 657 : presentibus... D. de Pradis… B. de Paris. La datation tardive est retenue par les compilateurs du Dictionnaire des Lettres françaises (dir. Geneviève HASENOHR et Michel ZINK), Paris, Fayard, 1992, p. 170 et p. 370. Elle s’oppose aux remarques des éditeurs respectifs de Daudé de Prades (A. H. SCHUTZ) et Bertrand de Parisot (F. M. CHAMBERS), ce dernier d’après WITTHOEFT (1891). Daudé de Prades aurait vécu de 1194 environ à 1282-83 ; il n’était en 1214 qu’à l’aube de sa carrière ecclésiastique et littéraire.

185 Nous ne pouvons que suivre l’excellente étude de Laurent ALBARET, “Le siège de Sévérac...” (1995). La principale source est Pierre des VAUX-DE-CERNAY (538-541) : GUÉBIN et LYON, t. II, pp. 232-236.

186 Historia Albigensis, 538 : Erat prope Ruthenum castrum quoddam forte, nomine Severacum, in quo habitabant ruptarii, pacis et fidei turbatores... illi siquidem qui erant in Castro non solum Ruthenensem diocesim infestabant, set totam terram in circuitu usque ad Podium Beate Marie perturbabant.

187 Historia Albigensis, 538 : dum igitur esset comes noster apud Ruthenum, mandavit domino predicti castri ut redderet ei castrum.

188 L. ALBARET, op. cit., p. 60.

189 Historia Albigensis, 538 : eo quod hiems erat et castrum illud in montanis et in locis frigidis esset situm. BERNARD D’ANGERS s’étonnait déjà du climat continental du Rouergue (LMSF I, 33).

190 Historia Albigensis, 540 : erexerunt nostri machinam unam que petraria dicitur et fecerunt jacere contra castrum ; adversarii vero unam similiter machinam erexerunt et cum ipsa nostros quantum poterant infestabant.

191 Historia Albigensis, 541 : post longum et varium de modo composicionis tractatum tandem ad proborum consilium in hoc convenerunt tam nostri quam dominus castri, quod ipse redderet comiti castrum et comes ipsum castrum episcopo Ruthenensi et cuidam nobili et potenti, qui dicebatur Petrus Bermondi, traderet custodiendum...

192 HGL, t. VIII, n° 179 (16 novembre 1214), col. 657-658. MOLINIER, p. 473, n° 94. On retrouve parmi les témoins maître Thédise et Daudé de Prades ; le troubadour en herbe avait donc participé au siège de Sévérac.

193 Historia Albigensis, 541.

194 L. ALBARET, op. cit., pp. 65-66.

© Presses universitaires du Midi, 2004

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