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Le Rouergue au tournant de l’an mil

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Frédéric de Gournay

Deuxième partie. La crise de l’an mil

Chapitre 6. Fin de l’ordre public

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1La nécessité de l’ordre public s’imposait plus que jamais en cette première moitié du XIe siècle, face aux milites et à leurs violences. Force est de constater la faillite des autorités qui devaient le faire respecter.

1. L’affaiblissement des pouvoirs.

Non aux Capétiens !

  • 1 L’éditeur du Cartulaire, Gustave Desjardins, n’a pas identifié ces actes datés de Charles (...)
  • 2 Il faut donc ajouter le Rouergue aux régions anticapétiennes (Limousin, Quercy...) définie (...)

2L’avènement des Capétiens (987) achève de détacher le Rouergue de la royauté franque, comme en témoigne la datation des actes du Cartulaire de Conques. Sur un ensemble de 20 chartes datant du règne de Hugues Capet (987-996), 2 seulement le reconnaissent pour roi ; les 18 autres le refusent, soit par les formules du type Deo régnante (9 actes), soit même en reconnaissant le Carolingien Charles de Lorraine, celui qui fut évincé (9 actes)1. Ce dernier est reconnu à Conques bien après sa capture à Laon (29 mars 991), jusqu’en octobre 992 ; comme en Limousin, l’opposition à la nouvelle dynastie s’est manifestée durant cinq ans2, si ce n’est davantage, car on peut supposer que les formules du type Deo regnante ont suivi la mort de Charles de Lorraine.

  • 3 Peu après le premier séjour de Bernard d’Angers, qui apprend la nouvelle alors qu’il est r (...)
  • 4 HELGAUD DE FLEURY, Epitoma vitae Roberti regis, PL, t. 141, col. 931 ; Christian LAURANSON (...)
  • 5 Inventoria Capituli sancti Flori, éd. M. BOUDET, Cartulaire du Prieuré de Saint-Flour, Mon (...)
  • 6 Alors même que le Livre III des Miracula sancte Fidis est de très peu postérieur à 1030.

3Deux scribes “anticapétiens” se détachent : Benoît, qui reconnaît le règne de Dieu dans six actes, et celui de Charles dans six autres ; Adalguier, qui préfère le Carolingien au Capétien dans trois actes. C’est lui qui devint abbé de Conques vers 1014 ou 10153 ; est-ce pour cette raison que son abbaye a délibérément passé sous silence la visite royale de Robert le Pieux4, à la différence de l’Auvergne5 ? Ni les chartes de Conques, ni sa Chronique, ni les Miracles de sainte Foy6 n’en soufflent mot. Silence significatif, alors que jamais la documentation de Conques n’a été aussi dense.

Datation des actes du Cartulaire de Conques (987-996)

Datation des actes du Cartulaire de Conques (987-996)

4Plus grave : l’autorité comtale est elle-même en crise. Dès 961, le testament de Raimond II laissait présager son affaiblissement – ces innombrables legs reviennent à brader le patrimoine raimondin –, voire même sa privatisation (legs du château d’Aubin à des bâtards). Affaiblissement qui s’aggrave avec son successeur Raimond III ; peu avant sa mort vers 1010, son projet de faire construire un château au-dessus de Conques (LMSF II, 5) est triplement révélateur :

  • Les désordres ont commencé avant 1010, sans doute avant l’an mil. Leur cause : l’émancipation de ceux qui devaient obéissance (obsequium) au comte ; s’agissait-il de ses viguiers ? de ses fidèles ? Les deux, probablement, comme le suggère l’exemple de Jorius, vicarius vassus du comte Ermengaud7. De toute façon, viguiers et fidèles s’étaient confondus dans la nouvelle classe des milites.
  • Le vieux comte n’avait pas renoncé à rétablir son autorité ;
  • Ce projet échouera : Raimond III meurt en pèlerinage à Jérusalem (I, 12), et il ne sera guère remplacé durant une vingtaine d’années. C’est qu’en effet l’autorité comtale a pâti de deux régences successives : celle de Berthe après 961, celle de Richarde après 1010 ; Hugues ne commence à jouer un rôle actif qu’au début des années 10308.

A Conques : la révolution d’octobre 984

  • 9 Conques, n° 145 (février 942). Étienne est devenu évêque de Clermont un peu plus tard, san (...)
  • 10 F. de GOURNAY, Les Documents écrits... (1992), p. 70-71. A Conques comme à Clermont, Étien (...)
  • 11 Conques, n° 292 (septembre 958) ; n° 88 et 123 (août 984).
  • 12 Conques, n° 259 et 332 (octobre 984). Ces deux chartes ont pour auteur le clerc Matfred, e (...)
  • 13 La formule du n° 332 est exceptionnelle dans le Cartulaire de Conques ; cf. n° 116 (octobr (...)
  • 14 Conques, n° 365 (février 985).
  • 15 Conques, n° 182 (avril 986), 409 (septembre 987).
  • 16 Conques, n° 146 et 206.
  • 17 Conques, n° 251 (mars 989).
  • 18 Chartes adressées à l’abbé Arlald : Conques, n° 170 (s.d.), 357 (990), 24 (991), 112 (992) (...)
  • 19 Conques, n° 313 (août 1004) : Domino magnifico Arbaldo (sic) emptore. Cf. aussi n° 163, 32 (...)

5L’abbaye de Conques traversait elle-même une période troublée en cette fin du Xe siècle. Elle était dirigée depuis 942 par l’évêque Étienne de Clermont9. Il avait fait construire une nouvelle abbatiale – Conques II – et c’est aussi lui qui fit faire la première Majesté de sainte Foy ; bref, il avait jeté les bases de la future célébrité du sanctuaire10. En 958, Étienne s’était associé son neveu et chorévêque Bégon, ainsi qu’un abbé “selon la règle”, Hugues ; ce triumvirat devait diriger l’abbaye durant vingt-six ans. Il était encore en place en août 98411. Puis viennent deux chartes datées d’octobre 984, offrant de nombreux points communs12, et rédigées par le scribe Benoît ; la première est adressée à Hugues seul (ubi domnus Hugo abba rector praeesse videtur, n° 259) : Étienne et son protégé Bégon ont disparu ; la seconde ne mentionne plus aucun abbé (ubi sanctus Vincentius et sancta Fides tumulati preesse videntur, n° 332) : l’abbaye n’est plus dirigée, si ce n’est par ses reliques13. Que s’est-il passé ? Les moines de Conques ont certainement profité de la mort d’Étienne, leur encombrant bienfaiteur, pour prendre leur indépendance. La vacance de l’abbatiat va se poursuivre, à en juger par la succession des chartes de l’abbaye : la première qui se présente, également rédigée par Benoît, est de février 985 ; elle est adressée à des rectores anonymes14. Puis les chartes s’espacent ; en avril 986, une donation est adressée, pour la première fois, à “sainte Foy la très glorieuse”, sancta Fides gloriosissime ; même destinataire pour la charte suivante, en septembre 987, mais toujours aucun abbé15. Deux actes rédigés par Benoît sont simplement adressés ad ipsos monachos16 . Les chartes redeviennent alors plus nombreuses, et c’est en mars 989 qu’un abbé apparaît enfin17 : Airald, probablement le même qu’Arlald ; sous Hugues Capet, on adresse les chartes à cet Arlald, à des rectores (direction collégiale ?), ou même aux deux18. En 996 ou 997, Arlald s’éclipse pour laisser la place à Girbert ; il reprendra sa place en 100419.

  • 20 F. LOT, “Sur la date de la translation…” (1904) ; L. LEVILLAIN, “Notes…” (1907).
  • 21 Conques, n° 179 (997-1004), 325 (v. 1007), 421 (v. 990).
  • 22 LMSF II, 5.
  • 23 Bégon a participé aux conciles de Saint-Paulien (993-994) et de Limoges (998) : MANSI, t. (...)
  • 24 Rouergue roman (éd. 1990), pl. 13 et pl. 17 (en haut) : un évêque à la crosse renversée gî (...)
  • 25 Elle apparaît en songe à un serviteur laïc de l’abbaye pour s’en vanter : de castello Gord (...)

6L’interprétation de cette période ne laisse guère de doute : l’abbaye de Conques a connu une véritable révolution. Jusqu’en 984, elle était restée cette vieille fondation aquitaine, sans éclat particulier malgré la translation des reliques de sainte Foy d’Agen (vers 866)20. Elle végétait lorsque vint d’Auvergne l’évêque-abbé Étienne, qui lui fournit les bases de sa promotion : une abbatiale digne de ce nom et la Majesté ; paradoxalement, l’abbaye devait en profiter après la mort d’Étienne (984). Ce fut pour elle l’occasion de se débarrasser de Bégon : théoriquement, il reste abbé de Conques jusqu’à sa mort en 1010 ; en réalité, il est chassé de l’abbaye, en dépit de quelques mentions sporadiques21. Ses tentatives pour restaurer son autorité sur l’abbaye ? Des raids de pillage et de dévastation, selon la version conquoise22 qui s’accorde mal avec ce que nous savons par ailleurs de Bégon, bon évêque de Clermont, acteur de la première Paix de Dieu23. Un siècle après sa mort, les moines de Conques n’hésiteront pas à le représenter avec ses trois neveux au tympan de l’abbatiale, en bonne place parmi les damnés24. Sainte Foy n’avait-elle pas “elle-même” tué l’un des neveux de Bégon ?25

  • 26 Chr. LAURANSON-ROSAZ, “De la Chiusa à Cuixà. La Romania de l’an mil sous le signe de l’arc (...)
  • 27 J.-L. BOUDARTCHOUK, Le Carladez... (1998), t. V, p. 555 : Girbert et Airadus seraient deux (...)
  • 28 LMSF I, 2 (transmissis jam circiter sex lustris). La date de 985 est proposée par P. DESCH (...)
  • 29 LMSF I, 1 : pridie ante vigiliam.

7L’expulsion de Bégon de Clermont, à peu près contemporaine de l’expulsion de l’abbé Advert de Lézat (987)26, n’a rien d’un fait divers. Elle s’insère dans un contexte politique : les conflits entre Carolingiens et Robertiens, entre évêques de Clermont et vicomtes de Carlat. Cette dernière famille a sans doute fourni à Conques les abbés Girbert (996-1004) et Airadus (vers 1010-1013), deux abbés réguliers défendant la nouvelle indépendance de l’abbaye contre les abbés séculiers venus de Clermont (Bégon et ses neveux)27. Elle correspond aussi à la grande mutation de l’abbaye : en rejetant la tutelle clermontoise, Saint-Sauveur de Conques devient Sainte-Foy de Conques, sanctuaire jaloux de son indépendance, centre de pèlerinage dont le XIe siècle va marquer l’apogée. De quand date en effet ce miracle de Guibert l’Illuminé qui devait attirer les foules ainsi qu’un certain Bernard d’Angers ? “Il y a environ six lustres”, notait l’écolâtre en 1013, soit vers 983, ou plutôt 98528. Or l’événement miraculeux se serait produit la veille de la Sainte-Foy, c’est-à-dire un 5 octobre29 ; pourquoi pas le 5 octobre 984, au moment précis où l’abbaye entre dans la tourmente ? Coïncidence frappante.

  • 30 46 actes sur 62, soit 74, 2 % (Saint-Sauveur et Sainte-Foy : 9 actes, soit 14, 5 % ; Saint (...)
  • 31 Conques, n° 259 (octobre 984).
  • 32 Conques, n° 182 (avril 986), 409 (septembre 987).
  • 33 Conques, n° 352 (mai 991). Tournure décalquée de l’occitan, qui ne doit rien aux scribes.

8La titulature de l’abbaye de Conques reflète bien cette transformation. Son titre primitif (Saint-Sauveur) continuait à l’emporter largement plus d’un siècle après la translation des reliques de sainte Foy d’Agen30. Un frémissement se produit à la fin du Xe siècle : la dernière donation adressée à l’abbé Hugues, juste après la disparition des Clermontois, évoque les monachi sancte Fide : en octobre 984, soit au moment même où se situerait le miracle de Guibert l’Illuminé31. Puis on évoque la “très glorieuse sainte Foy”, sancta Fides gloriosissime, en 986 et 98732 ; en 991, un certain Guitbald donne des vignes in emenda de illo malo quem ego habeo sancta Fide facto33.

  • 34 51 actes sur 80, soit 63, 7 %. Saint Sauveur : 20 actes (25 %), Sainte Foy : 9 actes (11,2 (...)
  • 35 Conques, n° 122 (mai 997-1004), 148 (mai 997-1004).
  • 36 Conques, n° 244 : Domino magnifico Airado abbate et Adalgerio decano vel cuncta congregaci (...)
  • 37 Conques, n° 209. Cette charte a dû suivre de peu la première visite de Bernard d’Angers, q (...)
  • 38 1031-1108 : 47 actes sur 60, soit 78, 3 %. 1108-1225 : 10 actes sur 10.

9Deuxième période, entre 996 et 1031 : l’abbaye adopte une titulature mixte (Saint-Sauveur et Sainte-Foy)34 ; sous Girbert (996-1004), c’est le titre quasi-officiel de la communauté conquoise (congregacio sancti Salvatoris et sanctae Fide)35. Quelques années plus tard, un triste sire comme Hector de Belfort peut bien continuer à ignorer sainte Foy dans une vente adressée à l’abbé Airadus36 ; le changement s’accomplit sous Adalguier (congregatio sancti Salvatoris et beatissime Fidei, monachos sancte Fidei)37. Passé 1031, la nouvelle titulature (Sainte-Foy) est devenue largement majoritaire, sinon exclusive38.

  • 39 LMSF II, 12 : selon ses propres termes, Adalguier, senex en 1020, était puerulus lorsqu’il (...)
  • 40 Bernard d’Angers a dédié le Livre I à l’abbé Adalguier et aux moines de Conques. Ce n’est (...)
  • 41 LMSF II, 5.

10Adalguier semble avoir joué un rôle-clé dans cette transformation. Entré à l’abbaye vers le milieu du Xe siècle39, il était adulte en 984, et s’est manifesté comme l’un des scribes anticapétiens de Conques ; il est aussi l’un des inventeurs des miracles de sainte Foy. Abbé en 1014 ou 1015, il a fortement encouragé Bernard d’Angers à répandre la renommée de la sainte, et on lui doit plusieurs récits40. Celui qui dénonce à la fois la “tyrannie” des Clermontois et le comte Raimond III porte certainement sa marque : version très partiale d’une abbaye qui ne reconnaît plus aucune autorité extérieure41. Ce n’est pas la translation des reliques, c’est bien la révolution d’octobre 984 qui a fait de Conques le miraculeux sanctuaire de sainte Foy.

2. Crise et ruine du droit.

11La multiplication des conflits aurait dû stimuler l’appareil judiciaire. Or les notices de plaid disparaissent dès le début du XIe siècle, bien avant que les sentences arbitrales ne les remplacent.

La justice en échec

  • 42 Conques, n° 18.

12Les moines de Conques ont soigneusement inséré dans leur Cartulaire plusieurs titres se rapportant au domaine salicole de Pallas, sur l’étang de Thau ; entre autres, la notice d’un plaid tenu à Béziers le 28 juillet 1013, alors même qu’ils n’y étaient pas représentés42. Pourquoi n’ont-ils pas conservé celle du plaid réuni quelques semaines plus tard à Pallas même, alors que l’abbé Airadus s’est déplacé en personne pour y assister ? C’est que ce plaid a mal tourné ; il ne s’est pas conclu par la rédaction de quelque nota ou noticia, mais par des voies de fait (LMSF I, 12).

  • 43 LMSF I, 12 : Paratur disceptandi locus, disponuntur sedilia, atque accumbunt utriusque par (...)
  • 44 LMSF I, 12 : Veniat jam horum acrior fortiorque, et concertemus pariter ambo, finemque rei (...)
  • 45 LMSF I, 12 : Sicque incomposito placito vixque tumultu represso dirimuntur, jamque Conchac (...)
  • 46 Conques, n° 19 (1078), 20 (1078), 346 (1031-1065).

13Chacune des deux parties – l’abbé de Conques d’un côté, Garsende et son mari Bernard le Velu de l’autre – était escortée par ses milites, fieffés et vassaux, comme pour en imposer. On prépare la séance, on dispose les sièges43 ; le plaid semble tourner à l’avantage de l’abbaye, mais le tumulte grandit ; soudain, devant cette procédure trop favorable aux moines, un jeune homme explose, un certain Pons. Il exige un duel judiciaire44, exhorte ses commilitones à prendre les armes. Personne ne le rappelle à l’ordre ; les milites de l’abbé ne faisaient sans doute pas le poids, car les moines ne voient de salut que dans la fuite. Les rapports de force se sont rétablis à la faveur d’un plaid désordonné (incompositum placitum)45. Avec l’accord de ses seigneurs – Garsende et Bernard le Velu –, Pons s’élance à la poursuite des moines à la tête de deux familiares. Il sera foudroyé avec son mulet. Bernard d’Angers entend montrer que la justice divine supplée à cette justice publique défaillante, mais le domaine de Pal las restera un objet de litige46.

  • 47 BONAL-RIGAL, t. I, pp. 574-580.
  • 48 Ce château se dressait au sommet de la butte-témoin de Saint-Mayme (comm. d’Onet-le-Châtea (...)
  • 49 BONAL-RIGAL, t. I, p. 577 : et convenerunt aliud placitum in quo fuit abbas Odolrricus.
  • 50 BONAL-RIGAL, t. I, p. 578 : et ille exiens deRuthena, habitavit in Albiense, in Castro Mon (...)
  • 51 Arnaud finit par lever l’excommunication de Gui, et lui conseille d’aller avec son épouse (...)

14Le plaid de Pallas n’est pas un cas isolé. Vers 1030, deux plaids se sont réunis après la donation de la terre de Modulantia (Rieupeyroux) aux moines de Saint-Martial de Limoges ; ils opposaient aux moines les neveux et le gendre du donateur, Iscafred47. Le premier s’est réuni au château comtal de Montolieu48 en présence du comte Hugues, de l’évêque Arnaud, de l’abbé de Saint-Amans et aliorum multorum nobilium ; sans résultat. Le second s’est tenu en présence de l’abbé de Saint-Martial, Odolric49 ; le comte et l’évêque ont dû le juger concluant, puisqu’ils accompagnèrent Odolric sur la terre de Modulantia pour entériner son acquisition, mais le gendre d’Iscafred, Gui de Castelmary, continue à contester la donation. Alors l’évêque Arnaud l’excommunie, lui et ses châteaux. Gui de Castelmary réagit en quittant Rodez et le pagus pour s’installer en Albigeois, au château de Montirat, d’où, enflammé de colère, il incendie plusieurs habitations50. L’affaire se réglera à l’amiable – après une nouvelle intervention de l’évêque de Rodez51.

  • 52 Dès le Xe siècle, un autre moine, Gimon, ne faisait plus confiance à la légalité pour s’op (...)

15Plus généralement, les formes légales ne prévalent plus vers l’an mil. Pris à partie par le prêtre Gerald, Guibert se dit prêt à réfuter “légalement” ses accusations (legaliter refellere) ; Gerald le coupe court : Cessent, cessent superflue excusationis ambages ; jam enim dudum conclamatum est, data sententia, ut oculis careas – ladite “sentence” n’étant rien d’autre que le droit du plus fort, ici le droit d’arracher les yeux (LMSF I, 1). La scène se serait passée vers 983. Trente ans plus tard, le moine Bergaud, qui voulait s’opposer “légalement” (legaliter) à l’usurpation de l’alleu qu’il avait donné à son abbaye, se fait attaquer par Rainon d’Aubin (LMSF I, 5)52.

  • 53 LMSF I, 11: quominus senioris sui jus violentissime strenueque defenderet.
  • 54 Ils disparaissent des chartes très tôt, dès le milieu du Xe siècle, à une exception près : (...)

16Deux lois s’affrontent : celle des moines, forts de leurs chartes comme de leur autorité religieuse, n’hésitant pas à transporter leur Majesté pour faire valoir les droits de sainte Foy– leurs droits ; celle des milites qui entendent bien défendre le droit de leur seigneur “hardiment et très violemment”53. Les premiers défendent la propriété ecclésiastique, les seconds leur alleu patrimonial, quand ce n’est pas leur fief. Les viguiers ne sont plus là pour assurer l’exercice de la justice publique54.

Disparition de la viguerie publique

  • 55 Fréquence obtenue en calculant la proportion des actes mentionnant les circonscriptions (c (...)
  • 56 J.-F. BOYER, “Les circonscriptions civiles carolingiennes...” (1996), p. 241.

17Les circonscriptions publiques (vicariae, ministeria, aices...) restèrent des cadres de référence tant que les institutions fonctionnaient. Leur fréquence de mention55 reste très élevée jusqu’au milieu du Xe siècle : 88 % des actes de 851 à 900, 86 % de 901 à 950 ; puis l’on observe un fléchissement : 70 % des actes de 951 à 996. Sous Robert le Pieux (996-1031), c’est la chute : 35 % des actes ; dès lors les mentions deviennent résiduelles : 14 % de 1031 à 1065, 5 % de 1065 à 1108, et elles achèvent de disparaître au XIIe siècle. Moins brutal qu’en Limousin, où la fréquence tombe de 90 % à 15 % entre les décennies 980-990 et 990-100056, le phénomène n’en est pas moins net. Le système vicarial du Rouergue amorce son déclin à partir de 950 et il s’effondre entre 996 et 1031.

  • 57 BN, Doat 126,f°44 v°.
  • 58 Conques, n° 394.
  • 59 Conques, n° 187.
  • 60 Donnée : Conques, n° 279 (1031-1065), 462 (1061-1108), 463 (1087-1108). Vendue : ibid., n° (...)

18La disparition de la viguerie comme cadre de référence coïncide avec sa privatisation. En Quercy, Ramnulf de Fons lègue dès 972-983 la viguerie de Limaniaco à son parent Hugues57 ; en Auvergne, vers 1015-1020, le châtelain Hector d’Aurouze vend à l’abbaye de Conques la viguerie de la villa de Molompize pour 160 sous58. En Rouergue, c’est aux environs de l’an mil qu’un certain Rainald Sarrasin (cognomine Sarracenus) reconnaît tenir des moines de Conques le fief et la viguerie sur des terres sises à Campagnac59 ; au cours du XIe siècle, la viguerie pourra être donnée, vendue, engagée, inféodée60.

  • 61 Conques, n° 43 (1061-1065 ; Tanavelle, Cantal) : vicariam et malos husus et consuetudines.
  • 62 Conques, n° 3.
  • 63 Conques, n° 2.

19C’est qu’elle est devenue un droit banal, assimilable aux mauvaises coutumes61. Une charte des années 1061-1065 illustre bien cette transformation62. Les seigneurs de Belcastel (seniores de Bello Castello63) donnent à l’abbaye de Conques la viguerie de la villa de Rignac in tali ratione ut monachi habeant duas partes de justicia et terciam partem aliam nos habebimus de manu illorum : héritiers de la défunte vicaria Ruthiniacensis dont ils ont fait une seigneurie châtelaine, les sires de Belcastel en disposent pour la reprendre des moines de Conques, devenant de ce fait les viguiers de l’abbaye.

20Ainsi s’est effectuée la mutation de la viguerie. En s’émancipant de l’autorité publique incarnée par les comtes, les anciens viguiers disparurent comme tels et devinrent seigneurs, en disposant de leur pouvoir : pouvoir judiciaire ; pouvoir de commandement (le ban). Tel semble bien être le cas pour les lignages d’Arjac, de Belcastel, de Calmont-d’Olt, de Conques, de Sévérac. La viguerie disparut comme circonscription et se transforma en droit banal. Les viguiers réapparaissent dès le XIe siècle, mais comme les agents assez humbles du nouveau pouvoir seigneurial ; entre ces nouveaux viguiers et leurs homonymes du Xe siècle, il y a toute l’épaisseur de la mutation de l’an mil, le passage de la viguerie à la seigneurie, c’est-à-dire la privatisation de l’autorité publique.

Désintégration des formules contractuelles

  • 64 Les actes retenus sont au nombre de 346 (tous les actes provenant du Rouergue, à l’excepti (...)

21Trois éléments concouraient à la rigueur des chartes carolingiennes : les formules contractuelles, les clauses pénales et le mode de datation. Leur ruine successive va bouleverser la notion même de charte : dès le deuxième tiers du XIe siècle, les actes ne relèvent plus de catégories (donation vente, échange...) ; de plus en plus informes, ils deviennent des sortes de notices polyvalentes. Transformation qui ressort bien des actes rouergats du Cartulaire de Conques64,

221. Le déclin affecte d’abord les clauses pénales, dès le règne de Lothaire : entre 898-954 et 954-987, leur fréquence de mention passe de 65 % à 12, 7 % ; au même moment (954-987), l’amende stipulée en or ou en argent disparaît : ne reste plus que la composition au double amélioré (50 % des actes en 898-954), qui connaît un léger renouveau sous Hugues Capet (22, 7 %) avant de retomber sous Robert le Pieux (12 %) ; elle disparaît à son tour après 1031.

  • 65 Conques, n° 177 (902), 306 (v. 935), 321 (905), 405 (959). Expression révélatrice de cette (...)
  • 66 A. GOURON, “L’évolution de la pratique juridique...” (1958).

23Le règne de Lothaire voit également l’invocation de la loi (faciat sicut lex est) se généraliser ; cette formule concernant ceux qui viendraient à contester la transaction provient des chartes de précaire, où elle soulignait la réciprocité du contrat65. Mais, appliquée aux ventes et aux donations, elle devient une formule passe-partout pour des scribes soucieux de masquer leur ignorance du droit66, et aussi un aveu d’impuissance devant l’inefficacité de la loi. Formule qui témoigne cependant d’une mentalité toujours légaliste : on reste attaché au Bréviaire d’Alaric, même si on ne le connaît plus, et au principe de la loi, même si elle n’a plus force de loi.

  • 67 C’est particulièrement net pour certains actes : Conques, n° 209 (v. 1015-1020), 294 (987- (...)

24Aveu d’impuissance malgré tout, car des clauses comminatoires viennent parfois renforcer la lex, pallier son inefficacité67 ; elles atteignent leur fréquence maximale sous Hugues Capet (18 % des actes), et à partir de 1065 (16 %).

  • 68 Même échantillon (346 actes).

252. Pour ce qui est de la datation68, la rupture se situe en 987. La proportion des actes mentionnant l’année de règne du rex Francorum s’élevait à 89 % pour la période 898-954, elle reste à 82 % en 954-987 ; puis elle s’effondre : 45 % entre 987 et 996 – encore s’agit-il, pour 9 actes sur 10, de Charles de Lorraine –, 4 % entre 996 et 1031.

  • 69 Conques, n° 189 (avril 955-985) : anno eo tempore regnante Lothario rege.
  • 70 Conques, n° 257 (février 1001), 314 (mars 1002), 125 (avril 1002), 313 (août 1004), 412 (j (...)
  • 71 Si les actes de Sylvanès sont correctement datés, dès 1132, ceux de la Selve ne sont pas d (...)
  • 72 Les premières chartes rouergates datées de l’incarnation sont de 883 et 942 (Vabres, n° 40 (...)

26L’oubli du roi avait commencé sous Lothaire69, mais c’est bien l’élimination des Carolingiens qui a détaché le Rouergue de la royauté. Les derniers actes où l’on se souvient depuis quand règne le roi sont de 1001, 1002, 1004 et 1008 : juste avant la mort du comte Raimond III, qui semble avoir sonné le glas des autorités civiles70. Après, le Rouergue entre dans l’ère des datations aléatoires, et ce jusqu’au XIIe, parfois jusqu’au XIIIe siècle71, jusqu’à ce que s’impose le comput de l’Incama- tion72.

  • 73 Conques, n10 139 (997-1031), 255 (997-1030), 258 (997-1004), 263 (997-1031), 318 (997- 103 (...)
  • 74 Conques, n10 170 (v. 987-996), 174 (997-1030), 312 (fin Xe s.).
  • 75 Conques, n° 572 (1060).
  • 76 La loi est encore mentionnée en 1061-1065 (Conques, n° 37 : lex Romanorum), 1065-1087 (n°  (...)

273. Les formules contractuelles étaient systématiquement respectées sous les Carolingiens (898-954 : 100 % des actes, 954-987 : 98 %). Elles connaissent un premier déclin sous Hugues Capet (72 %) et Robert le Pieux (70 %), et l’on peut noter des signes inquiétants : confusion entre vente et donation73 , formules recopiées sans être comprises, à tort et à travers74. Le cadre formulaire des actes s’effondre brutalement dès les années 1030 : 18 % des chartes rédigées sous l’abbé Odolric (1031-1065) repectent encore les formules, plus aucune après 1065. On aura dès lors, non plus des chartes au sens romanisant du terme, mais des actes informes au caractère oral et collectif prononcé, des sortes de notices sans pompe ; la donation de Perse d’Espalion par les seigneurs de Calmont-d’Olt (1060) en est un bon exemple75, mais nullement isolé. Après 1031, les quelques survivances de la loi ou des formules contractuelles paraissent purement formelles, hors contexte, socialement insignifiantes76.

  • 77 Pour reprendre l’expression de D. BARTHÉLEMY, La société dans le comté de Vendōme... (1993 (...)
  • 78 D. BARTHÉLEMY, L ’an mil et la paix de Dieu.... 1999, p. 259 : “la crise durable de cette (...)

28Ici, les “mutations documentaires”77 révèlent bien une mutation sociale, sans décalage notable semble-t-il ; une mutation en trois temps : déclin de la justice publique et oubli du droit romain, après 954 ; fin de l’autorité royale, après 987 ; fin du légalisme, après 1031. Dominique Barthélemy met en doute la réalité d’une crise de la justice publique vers l’an mil78. En Rouergue, elle n’a pas seulement connu cette crise, elle en est morte.

3. Le recours au surnaturel.

  • 79 Nombres 16 : 27-33. On retrouve cette malédiction à la fin du XIIe siècle (ACLP, n° 464 ; (...)

29Les scribes du Rouergue connaissaient depuis longtemps l’usage des formules comminatoires, en particulier la malédiction par Dathan et Abiron (sicut Dathan et Abiron)79. Elles connaissent un certain essor à la fin du Xe siècle, non par peur du millenium, mais pour suppléer à l’inefficacité des clauses pénales. Parfois elles en détournent le sens ; c’est ainsi que l’interdiction de contester une donation (Et si ullus homo est qui contra cartam donationis istam ire aut agere voluerit, hoc ei non liceat facere, sed faciat sicut lex est) devient une menace de malédiction :

  • Et si ullus homo... qui contra carte donatione ista ire aut agere aut tollere voluerit sancti Salvatoris et sancta Fide et ad ipsos monachos, fiat excomunicatus et maledictus de Patrem et Filium et Spiritum sanctum (fin Xe siècle)80
  • Et si est ullus homo aut ulla femina qui carta donatione ista contradicere voluerit, cum Datant et Abiron et cum Juda traditorem in infernum permaneat (XIe siècle)81

30La lex s’avérant inopérante, les scribes menacent désormais les fauteurs de troubles de la malédiction divine. Cette malédiction dont sainte Foy devient l’instrument à l’aube du XIe siècle.

Les miracles de sainte Foy

31Ces miracles frappent par leur diversité. Les 102 récits des manuscrits de Conques et de Sélestat relatent 106 miracles distincts :

  • 67 miracles de secours, “bénéfiques” ;
  • 15 miracles “neutres”82 ;
  • 24 miracles de punition, “maléfiques”.

32Les miracles bénéfiques dénotent une certaine originalité par rapport aux topoi de l’hagiographie. Certes, ils comprennent 36 miracles de guérison, qui rappellent les Évangiles au moins par les pathologies en jeu : cécité (8 miracles), stérilité (4), paralysie (4), guérison de sourds-muets (3), de boiteux (2), de possédés (1). Mais on y touve des cas plus originaux : deux chevaliers d’Auvergne, l’un guéri de sa calvitie (LMSF III, 7), l’autre qui dut étaler sa virilité souffrante sur l’enclume du forgeron (IV, 28). Surtout, on y trouve huit récits de blessés miraculeusement guéris : six hommes et deux chevaux, le plus souvent blessés à l’œil, au combat ou à l’exercice ; témoignage supplémentaire des violences commises et subies par les milites. Outre les guérisons, les miracles bénéfiques comprennent des cas de sauvetage (2 miracles), des animaux ou des objets perdus et retrouvés (3 miracles), et surtout les délivrances et les résurrections.

  • 83 LMSF I, 3 ; I, 4 ; IV, 19 ; IV, 20.
  • 84 LMSF I, 31. Juste an injuste : formule promise à un bel avenir (ci-dessous, pp. 339-340).
  • 85 LMSF I, 31. Il s’agissait de l’édifice préroman construit par Étienne de Clermont entre 94 (...)

33Les neuf miracles de “résurrection” illustrent la puissance attribuée à sainte Foy, encore qu’elle n’apparaisse pas comme l’actrice directe de ces retours à la vie terrestre ; cinq d’entre eux concernent des animaux, essentiellement des ânes et des mulets83. Mais la “spécialité” de sainte Foy, c’était la délivrance des captifs, presque toujours des prisonniers enchaînés au fond des forteresses. Peu importait à sainte Foy qu’ils fussent innocents ou non, du moment qu’ils imploraient son aide : nichil refert, juste an injuste quis teneatur in carcere84. Au fond du désespoir, le captif repentant apercevait soudain une occasion d’évasion ; le danger lui-même, le vertige ne faisaient que renforcer sa foi, et il finissait par échapper à ses geôliers. Il apportait au sanctuaire ses entraves, quos pagensi lingua bogias vocant – pour se débarrasser de cette énorme masse de fer (tantam ferri massant) qui encombrait le monastère, les supérieurs (seniores) en firent forger les nombreuses portes barrant les passages de leur église “si anguleuse” (tain angulose)85. Plusieurs décennies après Bernard d’Angers, le poète de la Chanson de sainte Foy insiste lui aussi sur les miracles de délivrance :

S’ad ella ven hom cegs o muz,
O passions molt lo traüz,
O s ’em preison es reteguz,
O per guerra decadeguz...

34“Si à elle vient homme aveugle ou muet, ou qu’une maladie tourmente beaucoup, ou si en prison il est retenu, ou par guerre déchu ; après que devant elle il se sera prosterné, qu’il soit jeune ou chenu – s’il est repentant des péchés, immédiatement lui viendront joie et salut” (v. 445-452).

  • 86 LMSF IV, 27.
  • 87 LMSF IV, 11. Cf. les Miracles de saint Vivien : comme les chevaux, les forêts distinguaien (...)
  • 88 LMSF I, 5 : in hoc scilicet anno, instanti tempore messis.
  • 89 LMSF I, 5 : qui bone obedientie fratrem nocere vel penitus exitio anticipare festinabat, i (...)
  • 90 LMSF I, 5 : Sane is a predicta monachorum congrégations ob malorum immanitatem, que illis (...)
  • 91 LMSF I, 6 : De celesti vindicta in eos qui vinum monachorum rapere volebant.

35Délivrance des victimes, sainte Foy était parallèlement le châtiment des violents. Sur 24 miracles de punition, 15 frappent des milites : proportion significative ! Ces derniers pouvaient perdre leurs biens : leur cheval favori86, ou encore leur forêt87 ; ils pouvaient être frappés de maladie ou d’aveuglement. Mais la colère de sainte Foy ne s’arrêtait pas là. Ses ennemis étaient souvent frappés de mort (12 miracles), voire de damnation (6 miracles). Tel fut le sort de Rainon d’Aubin, à l’été 101388 : chargeant le moine Bergaud, il tomba de cheval, se rompit le col et mourut de sa propre violence ; “rendu à Orcus, il devint compagnon des enfers et la proie des démons” (remittitur Orco comes inferorum factus vel preda demonum). Lui qui voulait tuer Bergaud, il fut le premier à subir la “sentence de mort”, selon le “jugement divin”89 ; sentence annoncée par les moines de Conques, qui l’avaient excommunié depuis longtemps90. La justice divine s’est substituée à une justice publique déficiente. La “vengeance céleste” s’est aussi exercée contre Benoît, mort misérablement pour avoir voulu dérober le vin des moines sur ordre du châtelain de Cassagnes ; contre son comparse Hildebert, qui se vantait d’être un oiseau de proie pillant les paysans : il mourut et descendit en enfer (vers 1010)91.

  • 92 LMSF III, 4 : Hugo, Sigerii nobilis atque potentis filius.
  • 93 LMSF III, 17 : Conchacensi in Castro miles quidam Sigerius nomine habitabat, quem et prosa (...)
  • 94 LMSF III, 17 : cujus malignitatis improbitati seniores vi resistere non valentes... L’abba (...)
  • 95 LMSF III, 17 : unde contigit, ut infelix ille miserabili languore percussus, infernalibus (...)
  • 96 LMSF III, 17 : turris vero, in qua hoc perniciosum succreverat concilium, a vento validiss (...)
  • 97 LMSF III, 17 : sic virtute sancte martyris omnis illa superbia concidit, sic radix malorum (...)
  • 98 Chanson, v. 589 : Arss Deus cell lin, con fogs fa falla.

36Le cas de Siger de Conques est particulièrement dramatique. Ce personnage inconnu de nos chartes, mais qui serait mort dans les années 1030, avait son château à Conques même ; il était “noble” et “puissant”92, se distinguait par sa naissance comme par sa valeur militaire93. Il arrachait tout ce qu’il pouvait à sainte Foy, persécutait continuellement ses moines et mutilait ses serviteurs. Souvent, les supérieurs du monastère avaient tenté de le raisonner ; en vain ! Que faire ? Résister à la violence par la violence ? Impossible94. En appeler au comte Hugues ? Cela ne leur vient même pas à l’idée – on ne saurait mieux souligner la faiblesse du pouvoir comtal, sa faillite même, mais les moines en étaient pour partie responsables : ne s’étaient-ils pas opposés au comte lorsqu’il avait voulu faire construire un château, à Conques précisément, pour ramener les milites à l’obéissance ? Seule solution : en appeler à sainte Foy ; les supérieurs exposent sur la place de l’abbatiale la croix, les châsses et la Majesté, et tous d’exhorter la sainte pour qu’elle excite la colère de Dieu contre le tyran (ut sancta virgo ilium adversus tyrannum Dei incitet iram). “D’où il arriva” que celui-ci, frappé d’une “misérable langueur”, fut “livré aux peines infernales pour être puni”95 ; mais cela ne suffit pas pour apaiser la “colère céleste” : les quatre fils de Siger meurent peu après, deux de ses trois filles périssent également, la troisième étant déchue de son rang ; sa forteresse est elle-même anéantie par une tempête96. Conclusion du récit : “ainsi, par la vertu de la sainte martyre, toute cette superbe s’écroula ; ainsi la racine des maux périt arrachée ; ainsi la divine vengeance libéra le saint lieu de l’hostilité des impies”97. La Chanson de sainte Foy aurait dit sobrement : “Dieu brûla ce lignage, comme le feu fait la torche”98.

  • 99 MANSI, t. 19, col. 530 (première session, 18 novembre 1031) : excommunicamus illos milites (...)
  • 100 Pour reprendre la distinction de Thomas BISSON entre la "Paix sanctifiée” et la “Paix orga (...)
  • 101 LMSF I, 11 : in illis nullum ultionis vestigium cernitur, ideoque quod de Xristo vindicatu (...)
  • 102 LMSF I, 11 : Audite, rapaces et Xristianorum bonorum vastatores, quam inevitabilia sunt fl (...)
  • 103 MSG, chap. 4 (De ultione divina que in quodam pessimo Isarno facta es Tatilo) : quales con (...)
  • 104 LMSF I, 11 ; II, 4 ; III, 14 ; III, 20. L’usage de transporter en procession la Majesté ad (...)
  • 105 LMSF I, 11 : larvam ridendam et conspuendam.

37Malédiction des milites, de leurs chevaux, de leurs châteaux : les terribles miracles de sainte Foy sont comme la propagande de la première Paix de Dieu ; on connaît la malédiction prononcée en 1031 au concile de Limoges : “nous excommunions les milites de cet évêché de Limoges, qui ne veulent pas ou ne voudront pas confirmer la justice et la paix à leur évêque, comme lui-même l’exige ; qu’ils soient maudits, eux et leurs auxiliaires dans le mal : maudites soient leurs armes, et maudits leurs chevaux ; ils seront avec Caïn le fratricide, et le traître Judas, et avec Dathan et Abiron, qui entrèrent vivants en enfer...”99. Plus précisément, les miracles de punition montrent que la vengeance divine était le ressort de cette “Paix sanctifiée”100. Bernard d’Angers présente la mort du vassal d’Hildegaire comme un avertissement aux “Antéchrists”, pour ébranler leur incrédulité101 : “Sachez, rapaces et dévastateurs des biens des Chrétiens, à quel point sont inévitables les châtiments de Dieu, et justes ses jugements ; lui dont la vengeance ne cède à aucune puissance...”102. Cette notion de “vengeance divine”, ultio divina, était exprimée quelques décennies plus tôt par les Miracula sancti Geraldi, qui célèbrent les combats (conflictus) de saint Géraud contre “les princes de la terre et leurs malfaisants satellites, adversaires du Christ et de lui-même”103. La Majesté servait à rétablir les droits de sainte Foy sur telle terre contestée par les invasores – c’est sa fonction dissuasive –104, mais aussi à attirer la vengeance divine ; on l’a vu pour Siger, il en va de même pour le vassal d’Hildegaire, lui qui menaçait de piétiner cette “larve hideuse et grotesque”105.

La Paix sanctifiée en Rouergue

  • 106 CATEL, Mémoires de l’histoire du Languedoc, Toulouse. 1633, p. 779 ; MANSI, t. 19, col. 10 (...)
  • 107 Sauxillanges, n° 15 ; Chr. LAURANSON-ROSAZ, L’Auvergne et ses marges... (1987) ; “Les mauv (...)
  • 108 P. BONNASSIE et alii, “La Gallia du Sud...”, pp. 307-308. Coler se trouvait juste au sud d (...)
  • 109 LMSF I, 28 ; 1, 29 ; II, 11 ; IV, 11.
  • 110 LMSF I, 28 : in prato Sancti Felicis... ab urbe quasi uno tantum miliario ; II, 11: de ill (...)
  • 111 LMSF I, 28 : Arnaldus, Rotensium episcopus, suis tantumparrochianis conflaverat sinodum.

38Le comte Raimond III était l’un des protagonistes du concile provincial réuni à Narbonne vers l’an mil ; malheureusement, nous ne connaissons ni sa date exacte, ni les décisions qui y furent arrêtées106. En 993 ou 994, l’évêque de Rodez Deusdedit II participa au concile de Saint-Paulien : concile réuni par l’évêque du Puy pour combattre ces “méfaits qui s’accroissent de jour en jour dans le peuple”, et qui dénonce pour la première fois les “mauvaises coutumes”, malas consuetudines107. C’est l’époque des premières Assemblées de Paix : Coler, près d’Aurillac, l’un des premiers, sinon le premier Concile de la Paix de Dieu (vers 989 ?) ; Charroux (989) ; Limoges (994) ; Lalbenque (1000-1010)108 : Poitou, Limousin, Auvergne, Velay, Quercy... Et le Rouergue ? Quatre récits des Miracula sancte Fidis109 évoquent l’assemblée réunie par l’évêque Arnaud de Rodez au Pré Saint-Félix, à près d’un mille en-dessous de la ville110. Nul autre évêque ne semble avoir été convoqué à ce “synode” ou “concile” diocésain111, et l’on ignore tout de ses délibérations. Mais les circonstances montrent clairement qu’il s’agissait d’une Assemblée de Paix :

  • le lieu, situé en plein air ;
  • la personnalité de l’évêque Arnaud : on va y revenir ;
  • la présence de la vieille comtesse Bertilde, venerabilis matrona, parmi les seniores concilii112 ;
  • l’affluence des statues-reliquaires : toutes les “congrégations de moines ou de chanoines” du Rouergue avaient apporté leurs reliques, en châsses ou en Majestés ; à quelque distance de l’assemblée, cette sanctorum acies resplendissante d’or était disposée sur le pré, à l’abri dans des tentes et des pavillons : la statue de sainte Marie de Rodez, la châsse de saint Semin de Rodez, les Majestés de saint Amans de Rodez, sainte Foy de Conques, saint Mary de Vabres, “et bien d’autres” que Bernard d’Angers ne juge pas utile de citer113 ;
  • l’affluence populaire : on était venu en foule au pré Saint-Félix, parfois pour trouver la guérison, et certains en profitaient pour voler tel objet précieux114.
  • 115 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, p. 51 et p. 185.
  • 116 Vite tertia sancti Fulcramni V, 26 ; V, 31.
  • 117 LMSF IV, 11.

39Peut-on dater cette assemblée ? Jacques Bousquet la situe entre 1004 (mort de l’évêque Deusdedit II) et 1012 (arrivée de Bernard d’Angers à Conques)115. Deux éléments conduisent à rajeunir cette datation : entre Deusdedit II et Arnaud, un certain Maganfred est attesté comme évêque de Rodez en 1006116 ; Adalguier était déjà abbé de Conques au moment du concile, ce qui le repousse après 1013117. Dès lors la fourchette serait réduite : 1014 ou 1015, à moins que l’Anonyme de Conques n’ait pris Adalguier pour abbé alors qu’il n’était encore que doyen, ce qui permettrait de remonter à 1006 le terminus post quem.

  • 118 J.-L. BIGET, “L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois...” (1987/1991), p. 192.
  • 119 BONAL-RIGAL, t. 1, p. 578 : Arnaldus episcopus excommunicavit eum et castella ubi remaneba (...)
  • 120 PL, t. 141, col. 89. Arnaud est le quinzième des vingt destinataires de la lettre.
  • 121 MANSI, t. 19, col. 506 : sede Ruthenensi vacante.

40Il est dommage que nous ne connaissions pas les délibérations du Pré Saint-Félix, car l’évêque Arnaud a joué un rôle incontestable dans la première Paix de Dieu, avec son collègue Amiel d’Albi118. Les deux ont établi le prieuré de Saint-Martial de Limoges à Rieupeyroux, vers 1030 ; c’est à cette occasion qu’il excommunia Gui de Castelmary et les châteaux où il résidait119. En 1028, Arnaud figurait parmi les destinataires de la lettre d’Adémar de Chabannes concernant l’apostolicité de saint Martial120. Il mourut peu avant le concile de Bourges (1er novembre 1031)121.

41Miracles de sainte Foy, Paix de Dieu : deux recours complémentaires contre les violences des milites, le premier franchement menaçant, le second plus persuasif. Dans les deux cas, évêques et moines se substituent à une autorité comtale défaillante. C’est la première intervention des clercs sur la société laïque.

Un autre recours : l’hérésie

  • 122 R. LANDES, “La vie apostolique en Aquitaine...” (1991) ; P. BONNASSIE et R. LANDES, “Une n (...)
  • 123 Les laïcs illettrés s’imprégnaient des Écritures au sein de “communautés textuelles” où el (...)
  • 124 LMSF I, 6 : Numquid sancta Fides vinum bibii ? eo inepte ! an ignoras quia qui non bibit n (...)

42Dans l’ombre de cette Paix sanctifiée, un puissant mouvement hérétique s’est développé en Aquitaine, mais aussi en Piémont, Rhénanie, Champagne ou Picardie122. Ce mouvement iconoclaste, antisacerdotal et scripturaire123 contestait directement sainte Foy et ses miracles. Passons sur les remarques assez triviales de Benoît ; au paysan qui lui reprochait de voler le vin des moines, c’est-à-dire le vin de sainte Foy, il réplique : “Est-ce que sainte Foy boit du vin ? Espèce d’idiot ! Ne sais-tu pas que celui qui ne boit pas n’a pas besoin de vin ?”124. C’est déjà une contestation de la doctrine des intermédiaires de la divinité, et Bernard d’Angers de s’indigner : quiconque touche aux serviteurs des saints touche aux saints eux-mêmes, et quiconque touche aux saints touche à Dieu. D’autres hérétiques tenaient un discours nettement plus élaboré :

  • Un “paysan” de la région de Conques, qui interpelle au Puy des pèlerins de l’Anjou (LMSF I, 7) ; il a entendu parler des six premiers miracles relatés par leur compatriote Bernard d’Angers, et conteste deux types de miracles : les yeux restitués (I, 2 ; I, 3) et les animaux ressuscités (I, 3 ; I, 4). Son argumentation, véhémente et en partie rationaliste125, a dû impressionner ses interlocuteurs, car l’élève de Fulbert, plein de mépris pour ce “paysan”, ce “profane” (bref, ce laïc) enrage de ne pas avoir été là pour le réduire au silence (entre 1014 et 1016)126 ; c’est le seul hérétique a ne pas avoir été puni par quelque miracle127 .
  • Le clerc Odalric (entre 1004 et 1014)128. Dans un premier temps, Bernard d’Angers avait été choqué par le paganisme des statues-reliquaires du Midi (Auvergne, Rouergue et Toulousain) : “idole”, le mot lui échappa devant la Majesté de Géraud à Aurillac ; en latin, pour ne pas être compris de la foule rustique129. Mais notre lettré sut s’adapter : enfilant argument sur argument, il finit par trouver une formule de compromis justifiant cet usage130, ou plutôt cet abus (abusio) à la fois antique et irrépressible chez les simples – en réalité, une pratique assez récente inaugurée vers le milieu du Xe siècle par Étienne de Clermont. Laborieuse dissertation ; son propos n’est pas seulement d’excuser ces incorrigibles Méridionaux auprès du distingué clergé d’outre-Loire, mais de condamner plus iconoclaste que lui, le clerc aquitain Odalric : il s’attaqua à sainte Foy lors d’une procession et réussit à la déconsidérer auprès d’un public assez nombreux131, avant de mourir subitement, peut-être assassiné. Ne pouvant traiter ce clerc de paysan, Bernard en fait un demi-savant (sciolus).
  • 132 LMSF I, 34.

43Revenant d’Anjou dédier ses “deux premiers livres” à l’abbé Adalguier, l’écolâtre dénonce la fraus heretica132 ; cette perfidie hérétique qui couvait chez les chanoines d’Orléans – quelques années avant le bûcher de 1022 – et qu’il retrouvait en Aquitaine parmi les gens du commun.

  • 133 LMSF III, 20.
  • 134 LMSF IV, 23. Cet esprit fort reprochait aux autres leur “sottise” (stulticia).

44L’Anonyme de Conques mentionne pour sa part le cas de Lambert de Millau : anatico errore deceptus, il refusa d’aller avec la foule vers le pavillon où les moines avaient installé la Majesté, et se répandit en invectives contre sainte Foy133 ; et celui de ce paysan défricheur du Bazadais, qui se moquait de ses compagnons lorsqu’ils s’inclinaient en passant devant une église dédiée à la sainte : il se mit à argumenter (cepil eos arguere), disant qu’il verrait mieux cet édifice en niche pour chiens134.

  • 135 Les hérétiques dénoncés par Adémar de Chabannes et par la lettre circulaire du moine Erber (...)

45Ces hérétiques se rencontraient dans l’ensemble de la société, mais plus particulièrement chez les paysans. Rien ne serait plus faux que d’opposer des clercs lettrés, plus ou moins réticents devant les statues-reliquaires, et un bon peuple illettré, forcément adorateur d’images. Les troubles de l’an mil n’ont pas épargné les consciences religieuses : beaucoup se tournèrent vers les sanctuaires et leurs miraculeuses reliques, en les accompagnant aux Assemblées de Paix ; d’autres recherchèrent le salut évangélique contre ces “idoles” et contre la médiation du clergé, certains allant jusqu’à rejeter ce monde comme créature du diable135.

Notes

1 L’éditeur du Cartulaire, Gustave Desjardins, n’a pas identifié ces actes datés de Charles de Lorraine, les attribuant à Charles III le Simple ; il les a donc antidatés de quelque 90 ans : Frédéric de GOURNAY, Étude du Cartulaire... (1988), t. II, pp. 341-342 ; Les Documents écrits... (1992), pp. 73- 74. Un point à rectifier : il n’y a pas 22 chartes datant de la période 987-996, mais seulement 20, les n° 192 (domimtm regnantem regem sperantem) et 248 (in anno Deo regnantem rege sperantem) datant de la période 922- 936 (règne des Robertiens Robert Ier et Raoul de Bourgogne), comme l’indiquent leurs points communs avec le n° 208 (juin 932, anno III quod Radulfus rex cepit regnare).

2 Il faut donc ajouter le Rouergue aux régions anticapétiennes (Limousin, Quercy...) définies par Jean DUFOUR, “Obédience repective…” (1987/1991), pp. 33-34.

3 Peu après le premier séjour de Bernard d’Angers, qui apprend la nouvelle alors qu’il est reparti chez lui (LMSF I, 13).

4 HELGAUD DE FLEURY, Epitoma vitae Roberti regis, PL, t. 141, col. 931 ; Christian LAURANSON-ROSAZ, L’Auvergne et ses marges... (1987).

5 Inventoria Capituli sancti Flori, éd. M. BOUDET, Cartulaire du Prieuré de Saint-Flour, Monaco, 1910, n° VI : In tempore illo, cum Robertus rex venit ad Sanctum Antoninum causa orationis… Eustorgius de Brezons et Stephanus venerunt ante illum...

6 Alors même que le Livre III des Miracula sancte Fidis est de très peu postérieur à 1030.

7 AD Av., 3G 300 n° 6 (juin 906).

8 Notice de Rieupeyroux, vers 1030 (BONAL-RIGAL, t.I, pp. 574-580) ; donation à l’abbaye Saint-Paul de Narbonne, 23 mars 1032 (HGL, t. V, n° 198, col. 399-401).

9 Conques, n° 145 (février 942). Étienne est devenu évêque de Clermont un peu plus tard, sans doute en 943 (Chr. LAURANSON-ROSAZ, L’Auvergne et ses marges.... 1987, p. 243).

10 F. de GOURNAY, Les Documents écrits... (1992), p. 70-71. A Conques comme à Clermont, Étienne le Grand a fait reconstruire l’église pour la consacrer, et il les a dotées de statues-reliquaires, les premières du Massif Central : P. DESCHAMPS, “L’orfèvrerie à Conques...” (1948), pp. 89-91 ; Christian LAURANSON-ROSAZ, op. cit., p. 270.

11 Conques, n° 292 (septembre 958) ; n° 88 et 123 (août 984).

12 Conques, n° 259 et 332 (octobre 984). Ces deux chartes ont pour auteur le clerc Matfred, et pour objet la donation d’un manse à Mur-de-Barrez.

13 La formule du n° 332 est exceptionnelle dans le Cartulaire de Conques ; cf. n° 116 (octobre 992), 146 (987-996) : ubi sanctus Vincencius et sancta Fides tumulati preesse videntur. Ailleurs, on trouve la formule classique : ubi sanctus Vincentius et sancta Fides tumulati consistunt.

14 Conques, n° 365 (février 985).

15 Conques, n° 182 (avril 986), 409 (septembre 987).

16 Conques, n° 146 et 206.

17 Conques, n° 251 (mars 989).

18 Chartes adressées à l’abbé Arlald : Conques, n° 170 (s.d.), 357 (990), 24 (991), 112 (992). Aux rectores : n° 48 (s.d.), 343 (992). A l’abbé Arlald et aux rectores : n° 338 (989 ?). Les autres chartes de la période 987-996 ne mentionnent aucun dirigeant à Conques (n° 90, 93, 116, 126, 146, 161, 169, 206, 294, 352, 407, 409), ce qui dit assez la situation troublée de l’abbaye à cette époque.

19 Conques, n° 313 (août 1004) : Domino magnifico Arbaldo (sic) emptore. Cf. aussi n° 163, 325 (regnante Rodberto rege). Vu la rareté du nom Arlaldus, il est à peu près certain que “Arlald Ier” (...990- 992...) et “Arlald II” (1004...) sont une seule et même personne.

20 F. LOT, “Sur la date de la translation…” (1904) ; L. LEVILLAIN, “Notes…” (1907).

21 Conques, n° 179 (997-1004), 325 (v. 1007), 421 (v. 990).

22 LMSF II, 5.

23 Bégon a participé aux conciles de Saint-Paulien (993-994) et de Limoges (998) : MANSI, t. 19, col. 271-272 ; Chr. LAUR.ANSON-ROSAZ, L’Auvergne et ses marges..., 1987, pp. 420-421 et p. 430. Ceci dit, son rôle exact dans ces assemblées reste à préciser : soutien au mouvement de paix, ou tactique d’obstruction ?

24 Rouergue roman (éd. 1990), pl. 13 et pl. 17 (en haut) : un évêque à la crosse renversée gît devant un démon capturant au filet trois autres tonsurés. Les personnages ne semblent pas avoir été reconnus par Jean-Claude Fau (ibid., p. 173).

25 Elle apparaît en songe à un serviteur laïc de l’abbaye pour s’en vanter : de castello Gordono venio, quo interfeci ipsa Hugonem (LMSF II, 5). Hugues était l’aîné des neveux de Bégon.

26 Chr. LAURANSON-ROSAZ, “De la Chiusa à Cuixà. La Romania de l’an mil sous le signe de l’archange Michel et de saint Pierre”, Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, t. 32, 2001, p. 97.

27 J.-L. BOUDARTCHOUK, Le Carladez... (1998), t. V, p. 555 : Girbert et Airadus seraient deux des quatre fils de la vicomtesse Agnès. Homonyme, contemporain et compatriote du pape de l’an mil, l’abbé Girbert de Conques s’est retiré en 1004 pour rendre la place à son prédécesseur, Arlald ; était-il venu pour stabiliser l’abbaye ? C’est lui qui a constitué le premier Trésor de Conques (Chronique B).

28 LMSF I, 2 (transmissis jam circiter sex lustris). La date de 985 est proposée par P. DESCHAMPS, “L’orfèvrerie à Conques...” (1948), p. 78, reprenant et approuvant Marcel AUBERT : c’est l’abbé Arlald qui confie à Guibert la garde de la cire ; or Hugues était encore abbé de Conques en octobre 984 (Conques, n° 259).

29 LMSF I, 1 : pridie ante vigiliam.

30 46 actes sur 62, soit 74, 2 % (Saint-Sauveur et Sainte-Foy : 9 actes, soit 14, 5 % ; Sainte-Foy : 7 actes, soit 11,3 %). On a exclu la formule passe-partout du type dono... sancto Salvatori et sanctae Fidei pour ne retenir que la désignation du temporel (terra sancti Salvatoris, alodus sancte Fidis) et de la congrégation (monachi sancti Salvatoris, monachi sancte Fidis).

31 Conques, n° 259 (octobre 984).

32 Conques, n° 182 (avril 986), 409 (septembre 987).

33 Conques, n° 352 (mai 991). Tournure décalquée de l’occitan, qui ne doit rien aux scribes.

34 51 actes sur 80, soit 63, 7 %. Saint Sauveur : 20 actes (25 %), Sainte Foy : 9 actes (11,2 %, soit une parfaite stabilité).

35 Conques, n° 122 (mai 997-1004), 148 (mai 997-1004).

36 Conques, n° 244 : Domino magnifico Airado abbate et Adalgerio decano vel cuncta congregacione sancti Salvatori Couchas monasterii emptores.

37 Conques, n° 209. Cette charte a dû suivre de peu la première visite de Bernard d’Angers, qui recommande aux moines de Conques le génitif Fidis au lieu de Fidei dans son épître dédiée à l’abbé Adalguier (LMSF I, 34).

38 1031-1108 : 47 actes sur 60, soit 78, 3 %. 1108-1225 : 10 actes sur 10.

39 LMSF II, 12 : selon ses propres termes, Adalguier, senex en 1020, était puerulus lorsqu’il assista à l’ouverture miraculeuse des portes de l’abbatiale, “au temps du fameux Gimon” (tempore illius fortissimi Gimonis) ; or ce dernier est attesté en 958 et 959 (Conques, n° 292 et 405). De fait, Adalguier est nommé juste avant Gimon dans la liste des 12 moines de Conques en 958 (n° 292).

40 Bernard d’Angers a dédié le Livre I à l’abbé Adalguier et aux moines de Conques. Ce n’est que justice : il n’avait fait que rapporter mot à mot (verbotenus) leurs témoignages, ainsi que ceux des habitants de Conques (LMSF I, 34). Adalguier a lui-même transmis plusieurs récits (II, 3 ; II, 12), en insistant pour que l’écolâtre les transcrive (II, 3 : Hec tamen scribere non curassem, nisi multa prece ab eodem domno abbate exoratus).

41 LMSF II, 5.

42 Conques, n° 18.

43 LMSF I, 12 : Paratur disceptandi locus, disponuntur sedilia, atque accumbunt utriusque partis oratores.

44 LMSF I, 12 : Veniat jam horum acrior fortiorque, et concertemus pariter ambo, finemque rei imponamus armis.

45 LMSF I, 12 : Sicque incomposito placito vixque tumultu represso dirimuntur, jamque Conchacensibus nichil aliud videbatur pulchrius, quam prepopero recursu vitam tutare propriam.

46 Conques, n° 19 (1078), 20 (1078), 346 (1031-1065).

47 BONAL-RIGAL, t. I, pp. 574-580.

48 Ce château se dressait au sommet de la butte-témoin de Saint-Mayme (comm. d’Onet-le-Château), à 4 kilomètres au nord-est de Rodez.

49 BONAL-RIGAL, t. I, p. 577 : et convenerunt aliud placitum in quo fuit abbas Odolrricus.

50 BONAL-RIGAL, t. I, p. 578 : et ille exiens deRuthena, habitavit in Albiense, in Castro Montirato, in quo accensus ignis domos plurimas succendit.

51 Arnaud finit par lever l’excommunication de Gui, et lui conseille d’aller avec son épouse à Limoges ; là, tous deux abandonnent la querelle qu’ils avaient sur la terre de Modulantia (reliquerunt omnem querelam quam habebant in terra supradicta) et donnent à Saint-Martial un mas en prime. En échange, l’abbé Odolric donne 100 sous à Gui.

52 Dès le Xe siècle, un autre moine, Gimon, ne faisait plus confiance à la légalité pour s’opposer aux pervasores, mais à la force (LMSF I, 26). Notons cependant qu’il s’agit là d’un passé lointain, voire mythique, rapporté par des moines vieillissants (II, 12) cinquante ou soixante ans plus tard.

53 LMSF I, 11: quominus senioris sui jus violentissime strenueque defenderet.

54 Ils disparaissent des chartes très tôt, dès le milieu du Xe siècle, à une exception près : le viguier de Conques. Sa famille vengera l’assassinat de l’un des siens en crevant les yeux du fils de l’assassin, un garçon de cinq ans (LMSF IV, 3). Ce récit se situe vers le deuxième quart du XIe siècle (le miraculé est déjà mort au moment de sa rédaction).

55 Fréquence obtenue en calculant la proportion des actes mentionnant les circonscriptions (cartulaires de Conques, de Vabres, de Gellone ; chartes de l’église cathédrale de Rodez). Voici les chiffres absolus : 851-900, 15 actes sur 17 ; 901-950, 63 sur 73 ; 951-996, 54 sur 77 ; 996-1031,47 sur 134 ; 1031-1065, 11 sur 76; 1065-1108, 5 sur 91.

56 J.-F. BOYER, “Les circonscriptions civiles carolingiennes...” (1996), p. 241.

57 BN, Doat 126,f°44 v°.

58 Conques, n° 394.

59 Conques, n° 187.

60 Donnée : Conques, n° 279 (1031-1065), 462 (1061-1108), 463 (1087-1108). Vendue : ibid., n° 256 (1061-1065). Engagée : ibid., n° 494 (v. 1065-1087), 507 (1087-1108). Inféodée : ibid., n° 19 et 20 (1078, Pallas).

61 Conques, n° 43 (1061-1065 ; Tanavelle, Cantal) : vicariam et malos husus et consuetudines.

62 Conques, n° 3.

63 Conques, n° 2.

64 Les actes retenus sont au nombre de 346 (tous les actes provenant du Rouergue, à l’exception des testaments et des notices de plaid), répartis en six périodes : 898-954 (38 actes), 954-987 (55), 987-996 (22), 996-1031 (116), 1031-1065 (65), 1065-1108 (50).

65 Conques, n° 177 (902), 306 (v. 935), 321 (905), 405 (959). Expression révélatrice de cette réciprocité de l’obligation légale : faciant exinde sicut lex docet et postea non vindicent, et nos eadem modo similiter (n° 321).

66 A. GOURON, “L’évolution de la pratique juridique...” (1958).

67 C’est particulièrement net pour certains actes : Conques, n° 209 (v. 1015-1020), 294 (987-996), 318 (997-1031), 335 (996-1031).

68 Même échantillon (346 actes).

69 Conques, n° 189 (avril 955-985) : anno eo tempore regnante Lothario rege.

70 Conques, n° 257 (février 1001), 314 (mars 1002), 125 (avril 1002), 313 (août 1004), 412 (janvier 1008). Tous ces actes concernent le Rouergue du Nord-Ouest.

71 Si les actes de Sylvanès sont correctement datés, dès 1132, ceux de la Selve ne sont pas datés avant le XIIIe siècle.

72 Les premières chartes rouergates datées de l’incarnation sont de 883 et 942 (Vabres, n° 40 et 47, respectivement) : elles émanent toutes deux de la haute aristocratie locale (comtesse Berteiz et diacre Élie). L’ère de l’incarnation reste rare durant tout le XIe siècle.

73 Conques, n10 139 (997-1031), 255 (997-1030), 258 (997-1004), 263 (997-1031), 318 (997- 1031), 335 (996-1031), 354 (997-1031), 408 (v. 1013).

74 Conques, n10 170 (v. 987-996), 174 (997-1030), 312 (fin Xe s.).

75 Conques, n° 572 (1060).

76 La loi est encore mentionnée en 1061-1065 (Conques, n° 37 : lex Romanorum), 1065-1087 (n° 474 : lex). Les formules ne sont plus comprises (n° 256, 1061-1065 ; 309, 1031-1065 ; 362, XIe siècle ; 399, 1061-1065).

77 Pour reprendre l’expression de D. BARTHÉLEMY, La société dans le comté de Vendōme... (1993), chapitre Ier, pp. 19-127.

78 D. BARTHÉLEMY, L ’an mil et la paix de Dieu.... 1999, p. 259 : “la crise durable de cette justice (i.e. la justice comtale) n’est ensuite pas évidente vers l’an mil’’.

79 Nombres 16 : 27-33. On retrouve cette malédiction à la fin du XIIe siècle (ACLP, n° 464 ; vers 1182) : E-sse era negus om ne neguna femna que aquest do volgues desfar, si fo maldeigz cum-fo Datan et Abiron e-que ānes inz e-las-penas d-efern ab . C. milia diabols !

80 Conques, n° 312.

81 Conques, n° 362.

82 Apparitions en songe (LMSF 1, 16 ; I, 17…), joca sancte Fidis (cf. Amy G. REMENSNYDER, “Un problème de cultures...”, 1990)... La Chanson de sainte Foy évoque elle aussi les jogs menuz de cette sainte facétieuse (v. 440).

83 LMSF I, 3 ; I, 4 ; IV, 19 ; IV, 20.

84 LMSF I, 31. Juste an injuste : formule promise à un bel avenir (ci-dessous, pp. 339-340).

85 LMSF I, 31. Il s’agissait de l’édifice préroman construit par Étienne de Clermont entre 942 et 984 (Conques II). D’après Bernard d’Angers, ces portes de fer étaient le plus bel ornement de l’abbatiale après le Trésor (le Trésor I, constitué vers 996-1004 par l’abbé Girbert).

86 LMSF IV, 27.

87 LMSF IV, 11. Cf. les Miracles de saint Vivien : comme les chevaux, les forêts distinguaient la classe nobiliaire.

88 LMSF I, 5 : in hoc scilicet anno, instanti tempore messis.

89 LMSF I, 5 : qui bone obedientie fratrem nocere vel penitus exitio anticipare festinabat, ipse prior divino judicio mortis sententiam excipiens

90 LMSF I, 5 : Sane is a predicta monachorum congrégations ob malorum immanitatem, que illis irrogaverat, jam diu excommunicatus fuerat ; cujus maledictionis nexu ligatus, adhuc permanebat.

91 LMSF I, 6 : De celesti vindicta in eos qui vinum monachorum rapere volebant.

92 LMSF III, 4 : Hugo, Sigerii nobilis atque potentis filius.

93 LMSF III, 17 : Conchacensi in Castro miles quidam Sigerius nomine habitabat, quem et prosapie dignitas et militaris valitudo insignem ferebat.

94 LMSF III, 17 : cujus malignitatis improbitati seniores vi resistere non valentes... L’abbaye avait bien un miles à son service, Austrin de Conques, mais il ne devait pas faire le poids devant Siger.

95 LMSF III, 17 : unde contigit, ut infelix ille miserabili languore percussus, infernalibus penis traderetur puniendus. Sentence de damnation confirmée par le titre du récit : De quodam Sygerio qui contra sanctam Fidem injuste agens infeliciter dampnatus est.

96 LMSF III, 17 : turris vero, in qua hoc perniciosum succreverat concilium, a vento validissimo undique concutitur, ac sic cum ingenti precipitio obruta solo equatur.

97 LMSF III, 17 : sic virtute sancte martyris omnis illa superbia concidit, sic radix malorum evulsa periit, sic divina ultio sanctum locum ab impiorum infestatione eripuit.

98 Chanson, v. 589 : Arss Deus cell lin, con fogs fa falla.

99 MANSI, t. 19, col. 530 (première session, 18 novembre 1031) : excommunicamus illos milites de isto episcopatu Lemovicensi, qui pacem et justitiam episcopo suo firmare, sicut ipse exigit, nolunt, aut noluerunt. Maledicti ipsi et adjutores eorum in malum : maledicta arma eorum, et caballi illorum : erunt cum Cain fratricide, et cum Juda traditore, et cum Dathan et Abiron, qui vivi introierunt in infernum...

100 Pour reprendre la distinction de Thomas BISSON entre la "Paix sanctifiée” et la “Paix organisée” ("The Organized Peace in Southern France and Catalonia...”, 1977).

101 LMSF I, 11 : in illis nullum ultionis vestigium cernitur, ideoque quod de Xristo vindicaturo audiunt, abulosum esse existimant ; unde oportet, ut aliquos talium vindex divinitas et in hoc seculo puniat, ne nimia impunitate insolescentibus Deum irritare videatur facillimum. Il fallait que cette vengeance s’exerçât dès cette vie terrestre pour convaincre de tels impies.

102 LMSF I, 11 : Audite, rapaces et Xristianorum bonorum vastatores, quam inevitabilia sunt flagella Dei et justa judicia ; cujus ultio nulli cedens potentie… La justice terrestre était d’autant plus inefficace que les “puissances” chargées de l’appliquer figuraient en bonne place parmi les fauteurs de troubles.

103 MSG, chap. 4 (De ultione divina que in quodam pessimo Isarno facta es Tatilo) : quales conflictus [Geraldus] ad terrarum gerat principes et eorum malignos nequiter adversantes Christo sibique satellites.

104 LMSF I, 11 ; II, 4 ; III, 14 ; III, 20. L’usage de transporter en procession la Majesté ad publicos conventus était encore pratiqué à la fin du XIe siècle ; le pape Urbain II l’interdit en 1099 (Conques, n° 570).

105 LMSF I, 11 : larvam ridendam et conspuendam.

106 CATEL, Mémoires de l’histoire du Languedoc, Toulouse. 1633, p. 779 ; MANSI, t. 19, col. 103-104. Ci-dessus, chapitre 5.

107 Sauxillanges, n° 15 ; Chr. LAURANSON-ROSAZ, L’Auvergne et ses marges... (1987) ; “Les mauvaises coutumes d’Auvergne...” (1990), pp. 582-583.

108 P. BONNASSIE et alii, “La Gallia du Sud...”, pp. 307-308. Coler se trouvait juste au sud d’Aurillac, près du cours de la Cère, et jouxtait Jodergue (comm. d’Arpajon-sur-Cère) ; c’est un site de plaine. Localisation de J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), p. 211 note 65, qui cite un texte d’avril 1230 (Carlat, t. II, n° 9, p. 21 : Actum in loco qui dicitur a la Montada da la Malaudia d’Aorlac, dantre las doas vias de Jordargue et de Coler).

109 LMSF I, 28 ; 1, 29 ; II, 11 ; IV, 11.

110 LMSF I, 28 : in prato Sancti Felicis... ab urbe quasi uno tantum miliario ; II, 11: de illa sinodo quae sub urbe Rotenis habita est. Saint-Félix, au nord-ouest de Rodez.

111 LMSF I, 28 : Arnaldus, Rotensium episcopus, suis tantumparrochianis conflaverat sinodum.

112 LMSF I, 28. S’il s’agit bien de Berthe, épouse de Boson 1er, comte d’Arles, puis de Raimond II de Rouergue (en 946), elle devait être octogénaire, voire nonagénaire.

113 LMSF I, 28 : hunc locum precipue sancti Marii confessoris et episcopi aurea majestas, et sancti Amantii eque confessoris et episcopi aurea majestas, et sancti Saturnini martiris aurea capsa, et sancte Dei genitricis Marie aurea imago, et sancte Fidis aurea majestas decorabant...

114 LMSF I, 28 : guérison d’un enfant aveugle, sourd-muet et boiteux de naissance ; I, 29 : guérison d’un homme aveugle et boiteux ; II, 11 : voleur démasqué.

115 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, p. 51 et p. 185.

116 Vite tertia sancti Fulcramni V, 26 ; V, 31.

117 LMSF IV, 11.

118 J.-L. BIGET, “L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois...” (1987/1991), p. 192.

119 BONAL-RIGAL, t. 1, p. 578 : Arnaldus episcopus excommunicavit eum et castella ubi remanebat.

120 PL, t. 141, col. 89. Arnaud est le quinzième des vingt destinataires de la lettre.

121 MANSI, t. 19, col. 506 : sede Ruthenensi vacante.

122 R. LANDES, “La vie apostolique en Aquitaine...” (1991) ; P. BONNASSIE et R. LANDES, “Une nouvelle hérésie...” (1992).

123 Les laïcs illettrés s’imprégnaient des Écritures au sein de “communautés textuelles” où elles étaient lues, relues et commentées (Brian STOCK, The Implications of Literacy : Written Language and Models of Interprétation in the Eleventh and Twelfth Centuries, Princeton, 1983).

124 LMSF I, 6 : Numquid sancta Fides vinum bibii ? eo inepte ! an ignoras quia qui non bibit non indiget vini ?

125 LMSF I, 7 : Est vobis notus quidam Bernardus, qui presenti anno rediens Conchis, vah ! quot mendacia ibi de sancta Fide scripta reliquit ? Nam quomodo de oculis eradicatis et postea restauratis animalibusque resuscitatis ulla ratione poterit jam credi ? ... Jumenta vero qua ratione, qua necessitate Deus resuscitarit ? nemo potest vel debet investigare, qui quidem mente consistat.

126 Comment donc, les laïcs pouvaient tenir tête aux clercs en parlant religion ? Le moine Erbert s’en plaint : en moins d’une semaine les hérétiques transforment le plus rustique des leurs en érudit indomptable, sur lequel glissent comme par magie les arguments des orthodoxes (Nemo namque tam rusticus se cum eis jungit. qui non infra octo dies sit sapiens, litteris, verbis et exemplis, ut nec superari a quoquam ulterius ullumodo possit). P. BONNASSIE et R. LANDES, “Une nouvelle hérésie...” (1992), pp. 458-459.

127 L’écolâtre s’est rattrapé, il est vrai ; dès le récit suivant, il place en enfer un autre opposant aux miracles de sainte Foy, Wigo, châtelain du Monastier en Velay (LMSF I, 8).

128 LMSF I, 13. Adalguier était doyen de l’abbaye de Conques, ce qui renvoie à l’abbatiat d’Airadus.

129 LMSF I, 13 (à son compagnon Bemier) : Quid tibi, frater, de ydolo ? An Juppiter sive Mars tali statua se indignos estimassent ?

130 LMSF I, 13 : ob memoriam reverende martyris in honore summi Dei.

131 LMSF I, 13 : corda hominum adeo pervertisset, ut offerentium prorsus inhibuisset frequentiam, sancte martyri multum derogans, et nescio quas ridiculas ineptias de ejusdem imagine delatrans.

132 LMSF I, 34.

133 LMSF III, 20.

134 LMSF IV, 23. Cet esprit fort reprochait aux autres leur “sottise” (stulticia).

135 Les hérétiques dénoncés par Adémar de Chabannes et par la lettre circulaire du moine Erbert annonceraient-ils le dualisme cathare (cf. P. BONNASSIE et R. LANDES, “Une nouvelle hérésie...”, pp. 441-442 et pp. 451-459) ? Il faut se méfier de ces accusations de “manichéisme” ou d’“arianisme”, si fréquentes chez les polémistes catholiques de l’époque. Une certaine continuité hérétique entre l’an mil et les XIIe-XIIIe siècles semble néanmoins probable pour la Champagne (région de Vertus et du Mont-Aimé).

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