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Le Rouergue au tournant de l’an mil

 | 
Frédéric de Gournay

Première partie. Le Rouergue Carolingien (ixe-xe siècles)

Chapitre 3. Classes et groupes sociaux

Texte intégral

1. L’Aristocratie

  • 1 Conques, n° 581 (838). On trouve aussi des nobiles viros, nobilissimos viros entourant le (...)
  • 2 ERMOLD LE NOIR, Poème sur Louis le Pieux, vers 242-293.
  • 3 Conques, n° 581 (838).
  • 4 ERMOLD LE NOIR, op. cit., vers 296-297.
  • 5 Conques, n° 1 (février 801).
  • 6 Lieutadès, comm. du cant. de Chaudes-Aigues (Cantal), à 3 km de la limite départementale a (...)

1L’aristocratie n’est guère désignée comme telle : l’adjectif est rare (nobiles personas1), le substantif inexistant. Elle n’en dominait pas moins le Rouergue dès nos premiers textes. Le fondateur de Conques, Dadon, qui vivait à la fin du VIIIe siècle, est décrit par Ermold le Noir (sous le nom de Datus) comme un chef défendant sa patrie contre les Maures, harnachant son cheval et s’armant pour s’élancer avec ses compagnons à la poursuite des envahisseurs, et préférant garder sa monture plutôt que sa mère en vie2. Pris de remords et devenu ermite, il obtint du comte Gibert une terre fiscale dans les gorges du Dourdou3 et s’entretenait familièrement avec Louis le Pieux, roi des Aquitains4. Le premier bienfaiteur connu de la nouvelle abbaye, Leutad, était assurément un puissant personnage : il possédait dans les gorges du Tarn, outre le domaine esclavagiste de Pris, une roque où il se réfugiait avec sa parentèle contre les incursions franques ou sarrasines, rocca Priscio ubi nos et parentes nostri per gentes nefandas incastellare consuevimus5. Il a peut-être laissé son nom au village de Lieutadès en Haute-Auvergne6.

2Trois critères peuvent être retenus pour identifier les aristocrates : l’appartenance au groupe comtal, c’est-à-dire aux Raimondins, à leurs agents (vicomtes, viguiers) et à leurs proches (en tenant compte de l’anthroponymie) ; la conscience généalogique ; la grande propriété.

Quelques familles

  • 7 Vabres, n° 45 (janvier 930-936), 32 (juillet 936).
  • 8 Vabres, n° 47 (8 octobre 942).

31. Rainon et Odembellus. Ces deux noms se retrouvent associés du Xe au XIIe siècle. Ils se rapportent à une lignée qu’il est bien difficile de situer, mais indiscutablement élevée : en 930-936, Rainon était “vicomte et viguier” (vicecomes et vicarius) du comte Ermengaud, lequel reconnaissait en 936 avoir acquis de Rainone et de Oddonbello tout ou partie de la curtis de Ségonzac7. Ces deux personnages comptaient au nombre des proches du richissime diacre Élie, qui les cite en 942 en mentionnant leurs parents : Rainon et Ingilrada ; ils pourraient être les cousins germains du diacre8.

  • 9 Vabres, n° 50 (juin 955-985).

4Deuxième paire dans la seconde moitié du Xe siècle : en 955-985, un certain Salluste, fils de Ricuin et d’Armengarda, donne à l’abbaye de Vabres le monastère de Farret ; il cite ses propres fils : Ricuin, Pons et Rainon, et un certain Odobellus : post meum discessum Odobellus non heres, sed tutor et deffensor fiat ad beneficiendum9.

  • 10 Conques, n° 184 (942-984) et 89 (1er février 961). En août 984, l’abbaye de Conques donner (...)
  • 11 J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), tableau généalogique p. 111.
  • 12 Conques, n° 190 (s.d.).
  • 13 Conques, n° 476 (juillet 1087-1108). Odembel y est témoin de la donation du quart de l’égl (...)

5Avec la troisième paire, on quitte le Rouergue méridional pour la région de Conques. Entre 942 et 984, un certain Benjamin lègue à sainte Foy ce qu’il avait acquis au Verdus d’Odimbellus, Adalgrim et Rainon : deux mas et une vigne. En 961, les elemosinarii d’Odimbellus : son fils Rainus, Karissima, Adalbert et Maganfred donnent à la même abbaye les trois mas qu’il avait acquis de Marthe dans la villa de Ciciago10. Jérôme Belmon voit en cet Odimbellus le frère du vicomte attesté en 930-936, ce qui ramènerait les trois paires à deux pour le Xe siècle11. Une quatrième paire se manifeste dans la même région au début du XIe siècle avec les deux fils de Pons, Odimbellus et Rainon, qui donnent à Conques leur alleu d’Andaliago et de illa Beciaria : trois mas et un capmas, certainement de valeur, car ils étaient situés sur cette crête dominant les gorges du Dourdou d’où l’on extrayait le fer12. Près d’un siècle plus tard, on retrouvera un “sire Odembel” (Nodembel) dans cette même zone, à Saint-Félix de Lunel13.

  • 14 Sylvanès, n° 9 (1133).

6Retour au Rouergue méridional avec la cinquième et dernière paire, Rainus et Olumbellus de Brusque, témoins d’une donation à Sylvanès en 113314.

  • 15 Vabres, n° 47 (942).

72. La parentèle du diacre Élie. Le 8 octobre 942, le diacre Élie (Helias levita) effectue en faveur de Vabres une donation portant sur d’innombrables biens situés sur plusieurs ministeria15, pour son âme et pour les âmes de ses proches ; il en cite nommément vingt-deux, en plusieurs groupes :

  • ses parents, Gerifred et Fara ; Élie évoque aussi, sans les nommer, le père de Gerifred et la mère de Fara ;
  • l’abbé Ramnulf de Vabres ;
  • Rainon et Odonbellus, et leurs parents Rainon et Ingilrada ; ce dernier Rainon pourrait être le frère de Gerifred, auquel cas Rainon et Odonbellus seraient les cousins germains d’Élie16 ;
  • Amicus, Odilon, Étienne et Teudulf ; Amicus était le grand-père paternel d’Élie ;
  • Aimerad, Celson et Aigilena ; cette dernière était la grand-mère paternelle d’Élie ;
  • Teutliric (nom altéré ?) et Adémar ;
  • Raimond et Hugues : il s’agit certainement du comte Raimond II et de son frère ;
  • l’évêque Maganfred, attesté en 93717 ;
  • Jorius, sans doute l’oncle paternel d’Élie ; Élie évoque à cette occasion tous ses amis qui mihi bona fecerunt ;
  • l’évêque Jorius18 et le moine Sendrald.
  • 19 Ministeria Curiense, Sancti Remedii ; vicaria Sancti Naamadii (Sancti Remedii, ms. ; la vi (...)

8Au total, Élie donne une curtis (Costrix), une villa (Frayssinet), une casa dominicaria et un pré dominical, deux églises et la moitié d’une troisième église, quatre moulins et une piscatoria, deux breuils et deux bois, une garrigue, cinq vignes ; il ne cède pas moins de 76 mas, 1 capmas et 1 apendarie, sans oublier deux groupes d’esclaves et un famulus. Tous ces biens sont répartis en 7 ministeria, sur 38 terroirs différents19.

  • 20 Vabres, n° 41 (21 mai 885), 42 (8 septembre 885). Duris, comm. de Saint-Affrique. Le nom d (...)

9Père et mère d’Élie, Gerifred et Fara étaient naturellement de riches propriétaires. En 885, ils avaient donné à l’abbaye de Vabres plusieurs villae, églises et mas, ainsi que le castellum de Duris20, là encore dans plusieurs ministeria (Curiense et Tauronico). Gerifred avait eu comme première femme Leodgardis, morte avant 885 ; il avait pour parents Amigus et Aquilena, pour frère Jorius, et pour fils Bernard – soit le frère d’Élie, soit Élie lui-même, l’adoption d’un nom biblique marquant l’entrée dans la cléricature.

  • 21 Conques, n° 220 (juin 913). Arding, frère de Samuel et père de Bégon, a pour parents Segba (...)

10Élie pourrait être l’oncle d’Arding, grand propriétaire du causse de Bozouls21.

  • 22 AD Av., 3G 300 n° 2 (septembre 856) ; Vabres, n° 39 (août 878).
  • 23 Conques, n° 5 (923) ; Vabres, n° 20 (932), 43 (915) ; AD Av., 1G 9 n° 38 (912), 3G 300 n°  (...)

113. Les descendants de Warmier et Folcrade. Warmier apparaît en 856 comme témoin de la donation fidéicommissaire effectuée par le comte Raimond Ier au nom de son défunt frère Frédolon, en Viadène ; sa femme Folcrade était moniale à Saint-Semin de Rodez en 87822. Leur fille Sénégonde épousa Amblard sive Jorius, dont elle eut cinq fils – Frédolon, abbé de Vabres ; Étienne, Bernard, Adalguier et Jorius, ces quatre derniers étant morts avant la donation de leur frère Frédolon en 93223.

  • 24 AD Av., 3G 300 n° 4 (mai 877 ou 882).
  • 25 Vabres, n° 9 (septembre 943 ou 945), 10(11 février 930).

12Folcrade était également la mère d’un autre Frédolon24, oncle de l’abbé, qui épousa Udda et en eut trois enfants : Raimond, Frédolon et Udalgarde. Riche propriétaire esclavagiste, Raimond donna Lavernhe aux moines de Vabres pour qu’ils y construisent un monastère, en 943 ou 945 ; il avait deux fils, Rigald et Frédolon. Udalgarde épousa pour sa part Bernard, fils de Raoul et de Rolande (Rodlinde) ; les deux époux fondèrent en 930 le monastère de Nant, autre succursale de Vabres25. Comme le diacre Élie, Bernard et Udalgarde citent leurs proches : outre leurs parents respectifs, neuf personnes (Guigon, Madanulf, Bernard, Gunduin, un autre Bernard, Adrald, l’abbé Frédolon – cousin germain d’Udalgarde –, le prévôt Mancius et le prêtre Bénigne), soit treize proches.

  • 26 J. BELMON, op. cit.. tableaux généalogiques pp. 82, 102 et 104.
  • 27 Pour les mêmes raisons, Jacques BOUSQUET rapprochait les fondateurs de Lavernhe et de Nant (...)

13D’après Jérôme Belmon, Frédolon et Udda seraient les ancêtres des Pelet, seigneurs d’Anduze, tandis que Sénégonde et Amblard sive Jorius seraient les parents de Bernard Ier, premier vicomte de Rouergue-Millau26 : Warmier serait à l’origine de deux puissantes lignées de part et d’autre des Cévennes. Mais, on l’a vu, il n’est pas sûr que Bernard Ier soit le fils d’Amblard ; le premier vicomte de Rouergue-Millau pourrait être l’époux d’Udalgarde, le fondateur de Nant. De même, le viguier Jorius n’est pas forcément Amblard sive Jorius, mais peut-être son propre fils. Ce qui est indéniable, c’est qu’il s’agit d’une famille de rang vicomtal issue des premiers Raimondins, comme le montre l’onomastique, en particulier le nom de Frédolon27. Folcrade pourrait être la fille du comte Frédolon ou de Raimond Ier.

  • 28 Conques, n° 107 (mars 910).

144. Autres lignages. Guilhem et son épouse Ada donnent en 910 leur mas du Kaymar aux moines de Conques, pro peccatis nostris minuandis seu pro genitore meo nomine Dadone et genitrice mea Rotrude et germano meo nomen Bernardo qui fuerunt condam et pro filio meo Ricardo : la famille ainsi évoquée sur trois générations appartenait sans doute à l’aristocratie, car on y retrouve les noms du fondateur de Conques (Dadon) et des premiers vicomtes de Rouergue-Millau (Richard, Rotrudis, Bernard). La région du Kaymar recelait des mines de fer exploitées depuis l’Antiquité28.

  • 29 Vabres, n° 18 (septembre 937 ou 939) ; AD Av., 3G 300 n° 15 (décembre 920).

15En 937 ou 939, une certaine Teudburgis effectue une donation à Vabres pour son âme et celle de ses proches, neuf personnes nommément citées : Sigibert, Falintrudis, Adalon, Jorius, Rodald, Blidgerius, Genesius, et ses parents Genesius et Richarde, qui viennent en dernier. Rodald pourrait être l’archidiacre du même nom qui fit une donation à son “seigneur” l’évêque Deusdedit de Rodez, en 92029. Teudburgis évoque aussi les parents et fidèles de ces proches, et les siens propres : per remedium consanguinei vel fidelibus illorum, vel meis.

  • 30 Conques, n° 247 (s.d.), variante du n° 167 (avril 997-1031).

16Vers l’époque de Robert le Pieux (996-1031), Hugues évoque dans son testament trois générations : ses parents, Rémi et Aigana, ses frères Hector et Guilabert et son fils Rémi30. Les noms se répètent à deux générations de distance, comme s’ils étaient transmis du grand-père au petit-fils – tradition qui s’est perpétuée jusqu’à notre époque. Cette famille est celle des sires de Belfort, château proche de Conques ; on serait bien en peine de localiser aussi précisément les lignées attestées avant 950.

Une aristocratie pré-châtelaine

  • 31 On trouve bien un certain Richard des Ondes et son frère Bernard de Malviès dans une chart (...)

17Ce n’est pas un hasard s’il est bien difficile de rattacher les aristocrates des IXe et Xe siècles aux lignées châtelaines attestées après l’an mil. Leurs parentèles évoquent des sortes de “constellations” plutôt que des lignages verticaux. Ils possédaient certes des forteresses, mais c’est la grande propriété esclavagiste qui fournissait l’essentiel de leurs ressources. Aussi les surnoms de lieu sont-ils pratiquement inexistants avant l’an mil31.

  • 32 Vabres, n° 45 (janvier 930-936) : S. venerabilis Ermengaudo principe qui concambium istum (...)
  • 33 Beaulieu, n° 47(11 juillet 962).
  • 34 Patronage de Raimond sur Lavernhe : Vabres, n° 9 (septembre 943/945), de Bernard sur Nant  (...)

18Cette aristocratie carolingienne était certainement peu nombreuse : quelques familles alliées entre elles, au premier rang desquelles les comtes raimondins et les vicomtes de Rouergue-Millau. Les nobles avaient pour première fonction d’entourer le comte, de le seconder, de le relayer. Ermengaud doit-il procéder à un échange avec l’abbaye de Vabres ? Il demande à quelques strenui viri de souscrire avec lui : ses deux fils, Hugues et Raimond, le vicecomes et vicarius Rainon, le vicecomes Bernard, et deux autres personnages, Ildoin et Adalon32 . Un autre Raimondin doit-il présider à un plaid ? Il se fait entourer de nobles (nobiles viri, nobilissimi viri), et c’est de concert avec eux qu’il ordonne un duel judiciaire : judicavit praedictus Regimundus et alii venerabiles et assistentes, ut ipsi duo praetaxati viri vicarios sibi duos eligerent, ad certamen expeditos33. L’aristocratie, c’est le groupe raimondin au sens large. De même que le lignage comtal exerce un patronage sur l’abbaye de Vabres, d’autres lignages exercent leur propre patronage sur les monastères de Nant et de Lavernhe, voire sur Conques et Figeac34. Liée aux comtes, l’aristocratie est très présente dans le cartulaire de Vabres, beaucoup moins dans celui de Conques, les Raimondins ayant longtemps ignoré cette abbaye trop compromise avec Pépin Ier d’Aquitaine.

  • 35 J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), pp. 60-62 et p. 106.

19La cohérence de cette aristocratie était assurée par une “conscience familiale étendue nettement au-delà du seul groupe domestique”, d’autant plus remarquable que notre documentation conduirait plutôt à sous-estimer l’importance des parentèles35. Ses origines étaient certainement mixtes, à la fois franques et gallo-romaines, comme en témoigne son anthroponymie.

  • 36 Amigus et Aquilena (probablement une altération d’Aigolena, plutôt qu’une variante du lati (...)
  • 37 Hector a donné en occitan Echer (l’évolution phonétique -et- > -yt- > -ch- confirme l’anci (...)

20Il n’est que de songer à Amblardus sive Jorius, dont le double nom pourrait trahir une double allégeance aux modèles franc et aquitain, sinon une double ascendance. Cette dualité paraît fort probable dans le cas des couples comme Amigus et Aquilena, Genesius et Ricardis, Remigius et Aigana : la comtesse Berteiz, épouse de Raimond Ier de Toulouse-Rouergue, avait elle-même pour parents Remigius et Arsinda36. Il est assez remarquable que ce soit la femme qui porte un nom germanique, et l’homme un nom latin ; transmis par le latin serait plus exact, car si l’on trouve des noms de formation latine ou gallo-romaine, comme Amigus, Aregius, Remigius, d’autres sont d’origine grecque (Genesius, Jorius, Nizezius, Stephanus) ou hébraïque : Helias, Samuel. Ces noms bibliques étaient-ils réservés aux enfants destinés à intégrer le clergé ? Ce n’est pas sûr : on les retrouve assez souvent chez les laïcs adultes. Très courant, Hector ne semble pas réservé à l’aristocratie, de même que Deusdet37.

2. Esclaves et tenanciers

  • 38 P. BONNASSIE, “Survie et extinction du système esclavagiste...” (1985).

21Après les dominants, les dominés, ceux qui par leur labeur entretenaient l’aristocratie. On sait que l’esclavage a persisté durant tout le haut Moyen Age pour ne s’éteindre qu’aux alentours de l’an mil38 : le Rouergue ne fait pas exception. Ce qui est plus difficile à cerner, c’est la catégorie des tenanciers libres.

Les esclaves

22L’esclavage carolingien est attesté en Rouergue par six chartes échelonnées de 801 à 943/945 ; le terme qui l’emporte est celui de mancipium :

23– en février 801, Leutad donne à la jeune abbaye de Conques quelques-uns de ses mancipia : Aribert, Remelde et leurs fils Froderamn et Gairald ; ils les tenait de ses parents, en dehors de l’héritage de ses frères, et les cède à l’abbaye avec leurs descendants en ligne féminine et masculine, tam istos quant illos qui de ipsos nati vel procreati fuerint (Conques, n° 1).

  • 39 Le diplôme de Pépin emploie six fois l’expression rebus et mancipiis, notamment pour le mo (...)

24– le 23 août 838, Pépin Ier d’Aquitaine donne ou confirmeā Conques plusieurs possessions en Rouergue et Quercy cum rebus et mancipiis, avec les objets et les esclaves (Conques, n° 581)39.

25– le 3 novembre 862, le comte Raimond Ier et son épouse Berteiz cèdent à l’abbaye de Vabres 13 ou 14 familles d’esclaves (mancipia), excepté six enfants qu’ils retiennent pour eux, et un clerc (clericus) qu’ils affranchissent (Vabres, n° 3). Le passage mérite d’être cité en entier :

26Et de mancipiis ad ipsum sanctum locum cedimus his nominibus : Trudmare et uxor sua cum infantes eorum excepto Franconi ; Ariberto et uxore sua cum infantes eorum ; Helisabeth cum infantes suos excepto Eliano ; Garfredo cum infantes suos excepto Raganfredo ; Ostreno et uxore sua cum infantes eorum ; <Eldrado cum uxore et infantibus eorum> ; Eliano cum infantes suos ; Lamberto et uxore sua et infantes eorum ; Fedrico et uxore sua cum infantes eorum ; Stabilem et uxore sua cum infantes eorum ; Engilbaldo et uxore sua cum infantes eorum excepto Raganfredone et Mudrico ; Ingilfindane cum infantes suos excepto Vandelbergane et ilium clericum quem ingenuum dimisimus ; uxorem Ebrado cum infantes suos ; Grimaldo et uxore sua cum infantes eorum.

  • 40 L. FELLER, Les Abruzzes médiévales..., p. 527 : “Même chez les servi, le modèle familial n (...)

27Ici, les mancipia sortent de l’anonymat ; on constate qu’ils peuvent être mariés (le terme uxor suppose un mariage plutôt qu’un simple contubernium), et organisés en familles nucléaires dirigées par le père, comme dans les Abruzzes40. Pour autant, on ne saurait parler de “statut” pour ces familles serviles : elles sont soumises au seul gré du maître, qui peut les disloquer en séparant les enfants de leurs parents – c’est ici le cas pour six enfants retenus par le comte (Franco, Élie, Raganfred, un autre Raganfred, Mudric, Vandelberga) et pour un septième, affranchi pour l’occasion (illum clericum quem ingenuum dimisimus). Le maître esclavagiste peut même séparer une femme de son mari (uxorem Ebrado ; pour une veuve, on aurait dit uxorem quondam Ebrado).

28Ces esclaves du comte portent des noms semblables à ceux des hommes libres : une majorité de noms germaniques, quelques noms romains (Stabilis) et bibliques (Elias, Helisabeth).

  • 41 Vabres, n° 7 (868) : et in Valilias mansos duos cum ipsos mancipiis ; et in Cogiaco mansos (...)

29– le 17 avril 868, la comtesse Berteiz et son fils Bernard le Veau donnent à Vabres la villa de Calmels cum omnibus appendiciis suis vel cum mancipiis ibidem pertinentibus ; ils donnent aussi, à Valilias, “deux mas avec leurs esclaves”, et à Cogiaco, “deux mas avec Ingelbert et ses enfants”41 ; enfin, ils laissent à l’abbaye l’un des enfants retenus par Raimond Ier en 862, servo nostro Franconi filium Trudmar (Vabres, n° 7).

30– le 8 octobre 942, le diacre Élie donne quelques-uns des mancipia qu’il possède sur sa curtis de Costrix : et de mancipiis meis in ipsa curte nomen Garibaldo et uxore sua cum infantes illorum, et filias duas Aganulfo nomen Lentille et Ingenilde, et famulo meo Adalberto (Vabres, n° 47). Comme en 862, deux filles sont ainsi enlevées à leur famille.

31– enfin, en septembre 943 ou 945, Raimond, lui aussi grand propriétaire, donne de mancipiis meis, servo nomen Aicbrando (Vabres, n° 9).

  • 42 Conques. n° 203. Voir ci-après (IX, 2).
  • 43 Notons cependant que vers 972, la comtesse de Toulouse Garsend affranchit dans son testame (...)

32Cette dernière mention démontre la synonymie des termes servus et mancipium. Le vocable féminin ancilla n’apparaît qu’à la faveur d’une mention bien tardive, une charte d’affranchissement des années 1060-1075 qui pose le problème d’une éventuelle continuité entre esclavage et servage42. Hormis cette charte, les mentions disparaissent après 95043, et elles sont plus fréquentes à Vabres qu’à Conques : deux éléments qui montrent combien l’esclavage était lié au système domanial, et sans doute à l’exploitation de la réserve. On ne trouve qu’un seul exemple de mancipia chasés sur des mas, en 868.

33Si l’on en croit la charte de Leutad, la servitude se transmettait par le père aussi bien que par la mère ; double transmission qui ressort également de l’affranchissement de 1060-1075.

La question des tenanciers libres

  • 44 B. PHALIP, “Charte dite de Clovis” (1988), passim.

34Aucun terme générique ne désigne les tenanciers avant les XIIe-XIIIe siècles ; le terme de colonus est inconnu en Rouergue, à la différence de l’Auvergne44. On est tenté de suppléer à cette carence en assimilant à des tenanciers libres les habitants des mas, ceux qui sont évoqués par la formule mansus ubi X visus est manere. Mais trois objections se présentent :

  • 45 Conques, n° 6 (avril 930). Sansac-de-Marmiesse, cant. d’Aurillac (Cantal).
  • 46 B. PHALIP, “Charte dite de Clovis”, p. 598.
  • 47 Vabres, n° 7 (17 avril 868).

351. Les personnes ainsi désignées étaient-elles vraiment libres ? En 930, le vicomte de Carlat Bernard Ier donnait l’église de Sansac cum ipsa curte vel cum ipsa villa... vel cum ipsis servis quae ibi visi sunt manere cum filiis etfiliabus suis ; ici, la formule s’applique indiscutablement à des esclaves45. En Auvergne toujours, plus des trois quarts des quelque 244 coloni mentionnés dans le polyptyque de Mauriac sont qualifiés de servi (début IXe siècle)46. En 868, la comtesse Berteiz et son fils donnaient à Vabres deux mas avec leurs mancipia, et deux autres mas cum Ingilberto et infantes suos47 : quel était la condition de cet Ingelbert ? S’il était esclave, pourquoi le citer nommément au lieu de l’englober avec ses voisins sous l’appellation générique et anonyme de mancipium ? S’il n’était esclave, aurait-on pu le donner “avec ses enfants” ?

  • 48 Lluis TO FIGUERAS, “Le mas catalan du XIIe s....” (1993).

36La condition d’Ingelbert était peut-être intermédiaire entre servitude et liberté : il s’agirait d’un ancien esclave amansé, c’est-à-dire faussement affranchi. Chaser un ancien esclave revient en effet à perpétuer sa servitude. Donner le mas ubi X visus est manere, c’est donner X lui-même, et avec lui ses descendants, car quelle est la liberté d’un homme dont on donne, sans son avis, la seule source de subsistance ? En ce cas, le mas serait dès le IXe siècle “une structure d’encadrement et d’asservissement de la paysannerie”48, une ruse de l’aristocratie pour conserver une main-d’œuvre servile.

  • 49 Conques, n° 177 (902), 274 (976), 405 (959) ; n° 306 (v. 935), 321 (905).
  • 50 Conques, n° 245 (v. 995-1020) : quart. Ibid., n° 138 (997-1031), 190 (v. 1010-1050), 215 ( (...)

372. Nous disons bien une main-d’œuvre, car c’est peut-être ce qu’on exigeait avant tout des paysans chasés. Il est en effet remarquable que les mentions de redevances soient aussi rares dans nos chartes avant l’an mil. Elles concernent des terres confiées en précaire : le quart et la dîme (quartum et decimum) en 902, en 959 et en 976 ; de la cire en 905 et vers 93549. Pour le reste, les premières mentions de redevances fixes ou partiaires n’apparaissent qu’à partir des dernières années du Xe siècle50. C’est au siècle suivant qu’elles se multiplient, qu’elles deviennent la norme. Auparavant, l’important n’est pas de détailler les redevances, c’est de citer la personne occupant le mas.

  • 51 Le père : Conques, n° 135 (v. 996-1031). Le frère : ibid., n° 239 et 241 (996-1031). Le pr (...)
  • 52 Cartulaire du chapitre de Saint-Étienne de Limoges, éd. Jacques de FONT-RÉAULX, Limoges, 1 (...)
  • 53 É. MAGNOU-NORTIER. “La terre, la rente et le pouvoir...” (1981-1982) ; “A propos de la vil (...)

383. Enfin, il est clair dans certains cas que la personne citée n’était nullement un tenancier : cela pouvait être le père du propriétaire, son frère, voire le propriétaire lui-même51. Une charte limousine du Xe siècle illustre la complexité du problème. On y voit certaines personnes “résider” dans plusieurs mas à la fois52 : peut-être s’agissait-il d’intermédiaires entre le propriétaire – le vicomte Hildegaire de Limoges – et les exploitants, éventuellement chargés de collecter les redevances. Cette hypothèse rejoint celle d’Élisabeth Magnou-Nortier53, mais avec deux nuances : faire de ces intermédiaires les agents d’une fiscalité publique semble bien aventuré, ils n’étaient sans doute que des paysans ; cette situation semble n’être que l’exception pour l’ensemble des actes où l’on relève la formule mansus ubi X visus est manere.

  • 54 Conques, n° 290 ; cf. n° 301 (illo alode meo de Salciono ubi Maciagaldus visus est manere) (...)
  • 55 Conques, n° 118.

39Vers 996-1031, Frotard de Conques lègue à sainte Foy illo manso quae est in villa quae vocant Salciono ubi Maciagaldus visus est manere. Or ce Maciagaldus a laissé son nom, rare et bien reconnaissable, à la terre qu’il occupait : Massagal54. Est-ce concevable de la part d’un simple tenancier ? Les noms de mas tirés de tenanciers ou de feudataires étaient pourvus d’un suffixe (-esc ou -enc), et en général ils n’ont pas survécu. Vers la même époque, un certain Arlenus léguait à son frère la vigne qu’il tenait de lui-même : illa vinea que Bernardus frater meus de me tenet cum peciola de bosco ad illo dimitto55. On pouvait donc être le tenancier de son frère.

3. Les alleutiers paysans

  • 56 Perry ANDERSON, Les passages de l’Antiquité au féodalisme (1977) ; Pierre BONNASSIE, La Ca (...)
  • 57 Claudie DUHAMEL-AMADO, “L’alleu paysan a-t-il existé en France méridionale autour de l’an (...)

40De nombreux travaux ont mis en valeur l’importance de l’alleu paysan durant le haut Moyen Age, au nord comme au sud de l’Europe56. Or cet acquis semble actuellement remis en cause : dans une région comme le Biterrois, les nombreux propriétaires de parcelles, si l’on prend la peine de les identifier, se laissent rattacher aux lignages de l’aristocratie régionale ; en Vendômois, c’est la notion même d’alleu qui doit être nuancée57. La question porte à conséquence : nier ou minimiser l’alleu paysan, c’est faire de l’instauration de la seigneurie banale le simple “ajustement” d’une domination immémoriale.

L’alleu paysan a-t-il existé en Rouergue ?

  • 58 Vabres, n° 50 (juin 955-985).

41Tout au long du Xe siècle, et jusqu’en 1031, le cartulaire de Conques comprend une majorité de chartes portant sur des biens relativement modestes : un mas, un capmas, une vigne, une pièce de terre (pecia, peciola). Souvent, ces actes énumèrent les voisins du donateur – ou du vendeur : il s’agit presque toujours de personnages inconnus par ailleurs, en tout cas impossibles à rattacher aux lignages aristocratiques des Xe et XIe siècles. Ce type de documents est introuvable dans le cartulaire de Vabres, au demeurant beaucoup moins riche, et qui représente un cas particulier : celui d’un sanctuaire patrimonial de la dynastie raimondine, comme tel objet des sollicitudes de l’aristocratie du pagus. On n’y trouve d’ailleurs qu’une seule charte pour la période 950-105058.

  • 59 LMSF I, 17 : Cum ergo, ut diximus, curtes magnas prediorumque possessiones multas multi co (...)

42A priori, ce contraste plaide pour l’existence et la fréquence de l’alleu paysan autour de Conques, et plus généralement en Rouergue. Reste à voir si ces petits propriétaires étaient des paysans. Un premier indice : vers 1015, Bernard d’Angers attribue la constitution du trésor de Conques aux dons des pagenses et des peregrini ; certes, pagensis désigne d’abord l’habitant du pagus, le Rouergat par opposition aux pèlerins, et il serait invraisemblable que seuls des paysans aient donné de l’or et de l’argent au sanctuaire, mais il reste que ce terme reviendra quelques décennies plus tard dans les chartes pour désigner les travailleurs de la terre59.

  • 60 Conques, n° 150 (mai 997-1004).
  • 61 Conques, n° 96 (997-1004), 98 (997-1004), 104 (997-1004), 111 (984), 170 (fin du Xe siècle (...)
  • 62 Conques, n° 223 (janvier 974), 303 (mai 955-985).
  • 63 Conques, n° 288 (mai 955-985, sans doute 968) : de superiore latus strata puplica, et de t (...)
  • 64 Conques, n° 160 (v. 1013). Poujols, comm. de Pruines.
  • 65 Ci-dessus, pp. 102-103.

43Prenons quelques cas particuliers. En 997-1004, Arland et sa femme Godalberge vendent à l’abbé Girbert une seterée de terre (una sestariata de terra cum ipsa vernaria) à Centrès (in loco quae vocatur Sentres) pour un bœuf et sept deniers60 On retrouve Arland comme témoin sur d’autres terroirs libres : à Bercan où l’on mentionne aussi la terra Arlandi, à La Serre, à Lissorgues ; son épouse apparaît elle aussi à Bercan, où la terra Godalbergane jouxte le capmas du diacre Gauzbert61. Visiblement, ce couple s’est défait d’une terre pour pouvoir labourer une autre terre, par exemple à Bercan, car c’est le bœuf qui représente l’essentiel du prix de sa vente, les sept deniers venant en complément. Autres exemples : Odalgudis, qui en 974 vend à l’abbé Hugues alodus meus unus campus pour 2,5 sous, à La Serre ; sa vigne jouxtait une terre vendue par un couple à un prêtre pour 4,5 sous, toujours à La Serre62. Manifestement, elle n’appartenait pas à l’aristocratie des grands propriétaires. Bernard et son épouse Riclendis : vers 968, ils vendent alodus noster una peciola de terra qui nobis per conquistum obvenit pour trois muids de vin, et cette parcelle est entourée par les terres de l’abbaye63. Sans doute est-ce l’abbé Hugues qui a cherché à arrondir les possessions du monastère en cet endroit. Jorius et Lauteldis : vers 1013, ce couple vend à l’abbé Airadus alodus noster qui nobis per originem parentorum obvenit, pour 30 sous ; après les souscriptions, leur charte comporte cette clause finale : Et filios Jorio ista carta firment, et si possidere possunt, quamdiu vivunt, quartum et decimum feliciter persolvant64. On voit mal des aristocrates s’astreindre à payer le quart et la dîme aux moines de Conques ; cette clause s’appliquait en revanche aux paysans exploitant les terres en précaire65.

  • 66 Conques, n° 227 (mai 955-985) : Sorholo, probablement Sorps, comm. de Pruines.
  • 67 Conques, n° 169 (fin Xe siècle). Lissorgues, comm. de Noailhac.

44Même type de clause pour Aldebert et son épouse Godalberge, qui donnent à Conques un champ, un pré et une vernia, après leur mort et la mort de leurs enfants, en s’engageant à verser chaque année trois setiers de vin et de grain (tres sestarios inter vinum et annona)66. Dernier exemple : à la fin du Xe siècle, Umbert et sa mère Adalberge donnent leur alleu de Lissorgues (illo alodem nostrum de Licionicas) : deux demi-arpents de vigne, un arpent de terre et une peciola de terre, quantum ego Umbertus et mater mea Adalberga ibi visi suntus habere vel possidere. Voilà un alleu bien modeste67.

45La densité de ces chartes dans une région précise – de l’ordre du canton actuel – et pour une période bien délimitée – de 900 à 1031 – autorise deux conclusions :

  1. Les propriétaires de parcelles et leurs voisins cités en confronts n’étaient pas des aristocrates, mais bien des paysans alleutiers ;
  2. Ces alleutiers étaient nombreux autour de Conques, et formaient assez probablement la majorité de la population.
  • 68 Conques, n° 313 (août 1004). Lissorgues, comm. de Noailhac.

46Leurs chartes sont souvent des ventes, effectuées par un couple ou par une femme (seule ou entourée de ses enfants). Elles révèlent une classe dans le besoin, particulièrement vers 996-1004 : trois ventes à Centrès, six ou sept à Bercan. Besoin qui se traduit aussi par cette mise en gage datée d’août 1004, l’un des premiers exemples en Rouergue : on y voit un certain Amblard, accompagné de son fils et de sa sœur, vendre à l’abbé Arlaldus un demi-arpent de vigne pour 8 sous, un bois pour 4 sous et une autre vigne pour 10 sous, le tout à Lissorgues. Cette dernière vigne, Amblard la tenait de l’abbaye, et il précise : in tale convenientia de hodie a V annos que teneas illas très partes de ilia vinea ; et accepimus de vos precium solidos X, et si a Vannos non habueris illos X solidos teneant monachi ilium alodem68. Formule embarrassée trahissant une pratique nouvelle ?

Les gros alleutiers

  • 69 Conques, n° 92 (17 février 923). Astier deviendra moine à Conques (ibid., n° 91), puis pré (...)

47En 923, un certain Astier donnait à l’abbaye de Conques un mas situé à Védeilles ubi Tendonus visus est manere, et à Fasiaco une vigne qu’il avait lui-même plantée : vinea mea quem ego cum labore edificavi, et est ipsa vinea cum ipsum caput mansum. Cette précision suggère qu’Astier ne se contentait pas de faire travailler la terre, mais qu’il la travaillait lui-même ; elle pose la question des gros alleutiers69.

  • 70 Conques, n° 98 (octobre 997-1004) ; n° 331 (août 997-1004). L’autre moitié du mas d’Altabe (...)

48Gros alleutier, ce diacre Gauzbert qui vendit en 997-1004 son capmas de Bercan pour 6 sous du Puy, et, par ailleurs, un demi-mas à Altabetia ubi Arlaldus visus est manere, pour 26 sous de Limoges70. Gros alleutier, cet Arlenus qui fait dresser son testament vers 996-1031 (Breve memoratorio de res que Arlenus habet) ; il y lègue deux capmas et quelques parcelles :

  1. à Conques, son capmas du Vernet ;
  2. toujours à Conques, deux arpents situés à Poujols : duos aripendos de plantarios quae ille plantare jussit ;
  3. son frère Bernard reçoit la vigne qu’il tenait d’Arlenus cum peciola de bosco, toujours à Poujols ;
  4. enfin, Arlenus lègue à ses frères légitimes (ad meos fratres legitimos) Arland, Bernard et Jaudoin son capmas de Poujols cum vinea vetula et bosco. Arlenus se réserve l’usufruit viager de l’ensemble71.
  • 72 Conques, n° 337 (v. 1013, Beciaria). Cf. n° 95 (997-1004, Bercan).

49On devine par là l’existence de liens de dépendance au sein même de la paysannerie ; vers 1013, une certaine Aldiardis vendit à Conques un demi-arpent de vigne quae Gonberga tenet a beneficio, alors même qu’elle était l’épouse de Deusdet, simple alleutier du terroir de Bercan72. Tous les paysans n’étaient pas au même rang. Ceux d’entre eux qui étaient alleutiers pouvaient dominer les autres, en particulier par le biais du capmas.

  • 73 Conques, n° 239 et 241 (997-1031).
  • 74 Conques, n° 255 (octobre 997-1030). Condat, comm. d’Enguialès.
  • 75 Conques, n° 429 (1er août 997-1030). Raynaldès, comm. de Mouret.
  • 76 Conques, n° 93, 102 (v. 1013), 122(997-1004), 135, 158(997-1004), 159(996-1031), 174(997-1 (...)
  • 77 Comme le suggère son surnom, Bernardus de illa Garriga (n° 245) ou de Garriga (n° 301) : i (...)
  • 78 Conques, n° 102, 135, 290, 301, 403.

50Le capmas, instrument de supériorité paysanne : tel semble bien être le cas pour Arlenus, Astier, le diacre Gauzbert, le prêtre Eblon73 ; de même pour cette Rodlendis qui vendit pour cent sous son alleu de Condat quae michi per conquistum obvenit, hoc sunt mansi tres et unus caput mansus74. En accumulant mas et parcelles, certaines familles se seraient ainsi détachées de la paysannerie pour se rapprocher de la classe dominante. Ce pourrait être le cas de Bompar de Raynaldès (Bonusparus de Rainaldesco), qui tirait son nom de son alleu de Raynaldès : quatre mas, dont un ubi Adalardus visus fuit manere, et d’autres possessions alentour75. De même pour la famille de La Garrigue : elle apparaît dans une quinzaine de chartes à l’époque de Robert le Pieux, entre Firmi et Saint-Cyprien76 ; le père, Bernard de La Garrigue, était sans doute un gros paysan77, alors que ses fils Frotard et Austrin s’étaient liés à la noble famille d’Austrin et Frotard de Conques78.

  • 79 Conques, n° 172 (mai 997-1031), 257 (février 1001).

51L’alleu paysan ne se réduisait pas à une “micropropriété”. Les paysans ne pouvaient guère aliéner la totalité du mas dont ils tiraient leur subsistance ; en revanche ils pouvaient en aliéner une partie, parcelles ou même capmas. Ainsi certaines personnes donnèrent-elles le capmas où elles résidaient, ubi ipsi donatori visunt manere79. Cet alleu était menacé d’un côté par l’érosion, de l’autre par la concentration : les gros alleutiers tendaient à sortir de la paysannerie.

Les familles alleutières

  • 80 Conques, n° 118 et 135 (s.d., v. 996-1031).

52Le modèle familial des alleutiers paysans semble bien éloigné de la parenté large en vigueur dans l’aristocratie. Arlenus ne mentionne dans son testament que ses parents immédiats, fratres meos legitimos ; Austrin mentionne quant à lui son père Bernard de La Garrigue et son fils Hugues : Et si filius meus Hugo sine filiis morierit, illum alodem quem ego laxavi ei in Garriga sancto Salvatori et sanctae Fidi de Couchas et monachis ejusdem loci remaneat80. Deux points caractérisent les familles alleutières : l’indivision et le rôle de la femme.

  • 81 Conques, n° 218 (août 960). Bourran, comm. de Decazeville.
  • 82 Conques, n° 224 (v. 1013) : Centrès, comm. de Firmi. Ibid., n° 158 et 438 (février 997-100 (...)
  • 83 Conques, n° 239 (s.d.) et 241 (mars 997-1031). Aujols, comm. de Grandvabre.

53L’indivision des biens hérités entre frères et sœurs semble avoir été fort répandue en Rouergue, du moins jusqu’en 1031. En 960, les cinq elemosinari d’Aldigrim donnent pour l’âme de celui-ci deux denrées de vignes, avec les confronts suivants : de tres latus terra ad ipsos infantes illius, de quarto vero terra vinea Alterio (Alterius est le cinquième et dernier elemosinarius)81. Vers 1013, Raingardis et ses trois fils vendent à l’abbé Airadus leur mas allodial de Centrès ; l’un des quatre confronts est la terra Frotardo et Austrino filios Bernardo et Aldeburgis sorore illorum. Les deux frères possédaient en commun une autre terre non loin de là, à Boni Monte : terra Frotardi et Austrini82. Vers la même époque, on trouve à Aujols les vineas Rainguis et filiis suis, la vinea Flamidiane et a filiis suis et les vineas Aboni et Rodlandi, ainsi que des vignes partagées entre le prêtre Eblon et son frère Idon : vineas illa medietate quae habeo cum Eblono fratre meo83.

  • 84 Conques, n° 249 (v. 1013), 268 (début XIe s.), 337 (v. 1013), 433 (996-1030), respectiveme (...)

54Les autres exemples confirment que l’indivision jouait entre membres d’une famille nucléaire : alodus Gozlane et Hictore filio suo, terra de infantes Austrino, terra ad filios Dodeldis... terra Deusdet et Bernardo et Guidone, terra ad ipsos donatores et terra Bernardo (les donateurs étant trois frères)84. C’est une solution qui intervient après la disparition du père, soit entre la mère et ses enfants, soit entre les enfants eux-mêmes, peut-être en attendant l’émergence d’un nouveau chef de famille.

  • 85 Exceptions : Conques, n° 424 (septembre 962), 434 (janvier 964).

55Le rôle de la femme était donc subordonné : elle n’intervient presque jamais pour souscrire une charte lorsqu’elle n’en est pas l’auteur85. Son rôle est cependant perceptible. Si l’on retient les auteurs des actes rouergats du cartulaire de Conques entre 801 et 1031, trois types de groupes assurent plus de 80 % du total : hommes seuls, 111 actes, soit 45,1 % ; couples mariés, 58 actes, soit 23,5 % ; femmes seules ou accompagnées de leurs enfants, 34 actes, soit 13,8 %.

56– hommes seuls... 111 actes (45,1 %)

57– accompagnés de leurs enfants : 7 actes, soit 6,3 % par rapport aux hommes seuls ; il s’agit de fils dans les 7 cas.

58– femmes seules... 18 actes (7,3 %)

59– accompagnées de leurs enfants : 16 actes, soit 88,9 % par rapport aux femmes seules ; les femmes apparaissent près d’une fois sur deux en tant que mères. Leurs enfants sont le plus souvent des fils (16 actes), mais aussi des filles (4 actes).

60– couples mariés... 58 actes (23,5 %)

61L’ordre mari-femme prévaut dans 55 actes, l’ordre inverse dans 3 actes seulement. Ces couples ne sont accompagnés de leurs enfants que dans 6 actes (fils : 6 actes, filles : 2).

  • 86 On n’a aucun exemple de charte publiée par des sœurs sans leurs frères.

62Les autres groupes comprennent les elemosinarii (8 actes), les frères (15 actes), les frères et sœurs (3)86, divers groupes familiaux (3) et pluri-conjugaux (2), et les groupes non conjugaux sans parenté décelable (5). Les actes postérieurs à 1031 traduisent une forte baisse des actes passés par les couples mariés comme par les femmes.

63Cette importance relative de la femme avant 1031 est confirmée par les mentions de confronts ; quatre cas de figure se présentent :

  1. Terre appartenant à une mère avec ses enfants, en indivision (ci-dessus) ;
  2. Terre appartenant à des frères et sœurs ; le cas est plus rare, mais il est attesté avec la terra Frotardo et Austrino filios Bernardo et Aldeburgis sorore illorum, et sans doute avec cette terra Rainoni et Anestasiane mentionnée en 996-100487 ;
  3. Terre appartenant au mari comme à la femme : terra Flodaldo et ad uxore sua, terra Stephano et uxore sua Aicheldis88 ;
  4. Terre appartenant à une femme seule ; c’est le cas le plus fréquent : terra Oddane, terra ad uxore Nizezio, vinea Odalgude, terra Avane, terra Raingardis, terra Rulendis, vinea Guidburgis, terra Richardis89...
  • 90 Conques, n° 95 (septembre 997-1004). Bercan, comm. de Noailhac.
  • 91 Conques, n° 328 (996-1031). Sans doute est-ce la même femme qui possédait une terre à illa (...)
  • 92 Conques, n° 28 (996-1031 ; église de Haute-Serre, comm. d’Auzits). Le prix de la vente est (...)
  • 93 Conques, n° 290 (v. 996-1031) : Et illo alode meo et illum feuvum meum totum et abintegrum (...)

64La femme avait un droit de regard sur la propriété du couple comme en témoigne le sponsalicium. En 997-1004, Deusdet et Aldiardis vendent pour 105 sous de Limoges leur alleu de Bercan (alodus noster de Vermocalmo) ; on retrouve les souscriptions des deux conjoints, qui carta vendicione ista scribere vel adfirmare rogaverunt, et, après la souscription du scribe, cet ultime appendice, qui a dû être rajouté après coup sur l’original : In illo concambio de illo sponsalicio de Vermcalmo que Deusdet fieri rogavit ad uxore sua Aldiardis : aripendos II de vineas in illa Bezaria. et in alio loco in Calvolo aripendo I de vinea cum mansiones, cum curte et orto et verdiario90. Le sponsalicium, c’est la part de l’épouse dans l’alleu conjugal, comme le montre cette autre charte datée de 996-1031 : Nizezius et sa femme Stephana vendent pour huit sous illo alode nostro que nobis per eruginem parentorum justissime obvenit... hoc est una peciola de terra, à La Garrigue ; et ils ajoutent : Et fuit iste alodus sponsalicus ad uxore Nizezio ad ipso vendit ore, et dedit ad illa in concambio unum aripendum in ipsa Garriga de vinea. Un arpent de vigne pour faire accepter par l’épouse la vente d’une parcelle de huit sous, le dédommagement n’est pas négligeable91. De même, un certain Raimond dut donner à son épouse Langardis quatre mas pour pouvoir vendre à l’abbaye le quart d’une église, quae nobis per conquistum obvenit92. L’institution du sponsalicium permettait aussi d’assurer l’héritage des enfants en cas de remariage de la femme, comme le montre l’un des testaments de Frotard de Conques93.

  • 94 LMSF I, 22.
  • 95 Conques, n° 118 (v. 996-1031) : frères légitimes ; n° 290 et 301 (id.) : enfants légitimes
  • 96 Conques, n° 216 (novembre 950).
  • 97 Conques, n° 255 (octobre 997-1030) : S. Rodlendis… S. Bernoinis filia Rodlendis, Ajalberto (...)
  • 98 Conques, n° 296 (septembre 997-1030) : pro sepultura Deusdet a marito meo. La femme, Ava, (...)
  • 99 Conques, n° 118, 239 (s.d., v. 996-1031).
  • 100 En janvier 870, le diacre Roland évoque la mémoire de son oncle (avunculus), qui nomen sum (...)
  • 101 Conques, n° 290, 298 (s.d., v. 996-1031).

65Le mariage était matérialisé par l’échange des anneaux, à en juger par l’exemple d’Austrin de Conques – de famille noble : Hic Austrinus anulo quem uxor nomine Stephana moriens sancte Fidi promiserat, alteram nomine Avigernam sponsavit94. Son importance ressort de la distinction entre les parents “légitimes” et les autres95. Le couple et ses enfants, tel était l’essentiel des familles alleutières. En 950, un certain Ingelrad donne une peciola de vigne à sa “chère épouse”, à son fils et à sa mère : dono ad dilecta sponsa mea et ad filio meo Rainaldo et matre mea Rodberga ; vigne qui devait échoir, après la mort du fils et de la mère, aux filles d’Ingelrad, ad filias meas... Martinae et ad sorrores suas, et enfin à l’abbaye de Conques96. En 997-1030, la vente effectuée par une femme seule est souscrite par sa fille et son gendre97. Vers la même époque, une autre femme seule donnait un mas pour la sépulture de son mari98. D’autres actes laissent entrevoir l’autorité du frère aîné sur ses cadets99. et celle de l’oncle sur ses neveux100. Les mineurs étaient soumis à la tutelle de leurs proches (bajolia, bailia)101.

4. Les clercs

Évêques et chapitre de Rodez

  • 102 BN, nouv. acq. lat. 437 (135 ff ; f° 1-59 : pouillé du diocèse de Rodez ; f° 60-135 : hist (...)
  • 103 G. DESJARDINS, “Évêques de Rodez...” (1863) ; A. DÉBAT, “Évêques de Rodez” (1977) ; J. DUF (...)

66L’église cathédrale de Rodez a fait l’objet d’une historiographie abondante depuis le XVIe siècle : une histoire anonyme des évêques (en latin) datée de 1541, les ouvrages d’Antoine Bonal (1548-1627) et de Jean Sicard († 1670)102 ; plus récemment, les travaux de Gustave Desjardins, Antoine Débat, Jean Dufour et Jean-Louis Biget méritent une mention particulière103. Ils ont permis d’établir une liste de plus en plus fiable des évêques de Rodez, bien que certains points prêtent encore à discussion.

  • 104 Historia Francorum II, 36 ; III, 2 ; V, 5 ; V, 46 ; VI, 38 ; X, 8. Vitae Patrum IV, 1.
  • 105 Vita sancti Amantii, éd. Bruno KRUSCH, MGH, Auctores Antiquissimi, t. IV n° 2. Berlin, 188 (...)
  • 106 Vita Desiderii Cadurcae urbis episcopi, éd. KRUSCH, MGH, Scriptores rerum merovingicarum, (...)
  • 107 BN, n.a.l. 437, f° 65 v°.

67Plusieurs évêques de Rodez apparaissent dans les sources mérovingiennes : l’Historia Francorum et les Vitae Patrum de Grégoire de Tours104, les Vies de saint Amans et de saint Dalmas105, la Vie de saint Didier de Cahors et sa correspondance106. Le premier évêque, saint Amans, aurait vécu au Ve siècle ; on en connaît quatre pour le Vie siècle : Quintien, chassé de Rodez parce que favorable aux Francs à la veille de Vouillé ; Dalmas (... 535-580) ; Théodose (580-583/584) ; Innocent (à partir de 583/84) ; et un pour la première moitié du VIIe siècle : Verus (... 610/612-637...), contemporain de saint Didier, évêque de Cahors. Puis les fastes s’interrompent durant plus de 150 ans, jusqu’à la mention isolée d’Aregius (fin VIIIe ou début IXe siècle) : d’après l’historiographe de 1541, il y eut vacance du siège épiscopal (sedes vacat)107. Ces premiers évêques, qui portent tous des noms romains, devaient appartenir à l’aristocratie sénatoriale.

68Les mentions reprennent à partir de 838, avec cette fois une certaine alternance de noms germaniques et romains :

  • 108 Conques, n° 581 (23 août 838).
  • 109 J. DUFOUR, Les évêques... (1989).

691. FARALD, cité au passé en 838, et sans que son siège ne soit précisé : concedimus vero similiter… eodem in pago… mansum vel vinea qnod Faraldus episcopus condonavit108 . Ce pagus semble désigner le Rouergue plutôt que le Quercy, car Pépin d’Aquitaine cite Farald juste après avoir mentionné la villa de Flagnac. Si Farald était un évêque de Cahors, il faudrait l’insérer entre Awamus (... 783-821 [?]...) et Guilhem Ier (... 875-887...)109.

  • 110 AD Av., 3G300n° 1, 2,3.

702. RAMNOLEN, mentionné en 848, 856 et 861/862110.

  • 111 Vabres, n° 3 (3 novembre 862).
  • 112 A. DÉBAT, “Évêques de Rodez...” (1977), p. 249 ; J. DUFOUR, “Essai de simplification...” ( (...)
  • 113 Migne, P.L., t. 126, col. 1021.

71ELISACHAR doit être rayé de la liste des évêques de Rodez. Un certain Elizachar Ruthenensis episcopus est bien témoin de la fondation de Vabres en 862111, mais son titre est sans doute interpolé112, et il s’agirait plutôt d’un évêque de Toulouse, ce que confirme la Translatio sancti Vincentii (contemporaine de l’évêque) : vir venerabilis Helisagar Tolosae civitatis episcopus113.

  • 114 BN, n.a.l. 437, f° 70 r°.

72FROTARD aurait vécu en 887 d’après le seul historiographe de 1541, ce qui n’autorise guère à le retenir dans notre liste114.

  • 115 Vita Geraldi II,2. MIGNE, P.L., t. 133, note 99, col. 669-670 ; BOUSQUET, Le Rouergue..., (...)

73GAUSBERT, qui est mentionné par la Vita Geraldi, doit lui aussi être éliminé. Migne et Bousquet en font un évêque de Rodez, mais Jean Dufour y voit plutôt un évêque de Cahors115. Surtout, intégrer Frotard et Gausbert à la liste des évêques de Rodez reviendrait à fragmenter curieusement l’épiscopat d’Acmar, qui lui est bien attesté par nos chartes, en distinguant “Acmar I”, “Acmar II”, et, pourquoi pas, “Acmar III”...

  • 116 J. DUFOUR, op. cit.
  • 117 AD Av., 3G 300 n° 4 (877/882), 5 (905), 6 (906), 7 (906), 8 (907), 10 (912). Acmar est enc (...)

743. ACMAR, évêque attesté de 876 à 912 au moins. Jean Dufour situe son épiscopat entre 863 et 878 ; Acmar souscrit au concile de Ponthion en 876, et il reçoit une lettre du pape Jean VIII en 878116. Mais les chartes originales du chapitre cathédral le mentionnent comme évêque jusqu’en 912, voire même jusqu’en 917117.

  • 118 AD Av., 3G 300 n° 13 (918), 15 (920), 16 (922), 17 (922), 18 (922), 20 (936) ; 3G 302 (923 (...)
  • 119 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, pp. 183-184.
  • 120 BONAL-RIGAL, t.I, pp. 563-564. J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), p. 105 et note 129.

754. DEUSDEDIT Ier, mentionné de 918 à 936118. Jacques Bousquet distingue durant cette période deux évêques Deusdedit, séparés par un certain Acmar II mentionné en 935119. Mais cette dernière mention provient d’un acte forgé à la fin du XIe siècle120.

  • 121 AD Av., 3G 300 n° 21 (937) ; Vabres, n° 47 (942).
  • 122 Cartulaire de Vabres, n° 47 (8 octobre 942) ; note 3 p. 153.

765. MAGANFRED Ier, mentionné en 937 et 942121. Jean Dufour estime que cet évêque était mort à la date du 8 octobre 942, ce qui paraît peu convaincant : ce jour-là, le diacre Élie n’effectue pas sa donation pro anima Maganfredi quondam episcopi, mais pro anima Maganfredi episcopi, ce qui laisse penser que Maganfred était toujours en fonction ; c’est aussi l’opinion de l’éditeur de cette donation, Étienne Fournial122.

  • 123 Vabres, n° 47 (8 octobre 942).
  • 124 É. FOURNIAL, Cartulaire de Vabres... (1989), p. 153 note 4 ; Ruthena Christiana, éd. MAISO (...)
  • 125 BN, n.a.l. 437, f° 71 r°.
  • 126 AD Av., 3G 300 n° 20 (août 936). Cette charte, donation effectuée par Deusdedit episcopus (...)

77JORIUS semble bien être un autre évêque fantôme. En 942, le diacre Élie avait effectué sa donation pro anima Maganfredi episcopi... et pro anima Jorii episcopi et Sendraldi monachi123. Selon Jean Dufour, ce Jorius serait le successeur de Maganfred, et tous deux seraient morts avant le 8 octobre 942. C’est impossible : Maganfred est attesté comme évêque depuis 937, et rien ne permet d’affirmer qu’il était mort, de même que Jorius. Celui-ci serait-il le prédécesseur de Maganfred ? C’est l’hypothèse d’Étienne Fournial : la Ruthena Christiana cite en effet un évêque Jorius en 933124. Mais elle le cite d’après le document invérifiable de 1541125, et ce en contradiction avec les chartes originales du chapitre qui montrent Deusdedit Ier évêque jusqu’en 936126. Rien ne permet donc d’intercaler en 933 un évêque Jorius, ce qui obligerait à distinguer un imaginaire “Deusdedit II” pour la seule année 936. Ce Jorius est sans doute l’évêque d’un autre diocèse, ce qui n’a rien d’étonnant au vu des vastes relations de l’aristocratique diacre Élie.

  • 127 BN, n.a.1. 437, f° 71 v° (Divisione Amblardo, que fecit inter suas infantes).
  • 128 J.-P. CHAMBON, “Un document auvergnat du Xe siècle passé inaperçu...” (2000).

78ÉTIENNE doit être également retiré de notre liste. Il est bien mentionné par l’historiographe de 1541, mais c’est d’après le testament d’Amblard (août 966)127 : or ce dernier n’est autre que l’Auvergnat Amblard Ier de Nonette128 ; le Stephano episcopo qu’il cite ne peut être qu’Étienne le Grand, abbé de Conques (942-984) et évêque de Clermont (943-984).

  • 129 BN, n.a.l. 437, f° 72 r°.
  • 130 F. de GOURNAY, Les Documents écrits... (1992), pp. 71-72.

79BÉGON doit être pareillement éliminé, car l’historiographe de 1541 a pris pour un évêque de Rodez le neveu et coadjuteur d’Étienne de Clermont129. Bégon secondait son oncle à la tête de l’abbaye de Conques depuis 958130.

  • 131 HGL, t. V, n° 111, col. 242 ; n° 126, col. 278.
  • 132 Lodève, n° 7 ; Vita tertia sancti Fulcramni III, 15.
  • 133 Sauxillanges, n° 15.

806. DEUSDEDIT II, de 961 à 995 environ. Il est cité par les testaments de Raimond II (vers 961) et de la comtesse Garsende (vers 972)131. Deusdedit était présent à la dédicace de la cathédrale de Lodève le 6 octobre 975132. Il a participé au concile de Saint-Paulien près du Puy, en 993 ou 994133.

  • 134 Vita tertia sancti Fulcramni V, 26 ; V, 31 (Magfredus).

817. MAGANFRED II, en 1006. Ignoré par les spécialistes des évêques de Rodez, ce personnage n’est attesté que par la Vita Fulcramni de Bernard Gui : il aurait assisté son collègue Fulcran de Lodève à l’article de la mort134.

  • 135 J.-L. BIGET, “L’épiscopat du Rouergue...” (1987/1991), p. 185.
  • 136 AD Av., 3G 300 n° 7 (août 906) ; Vabres, n° 47 (8 octobre 942).
  • 137 AD Av., 3G 300 n° 1.

82Comme l’a souligné Jean-Louis Biget, ces évêques du Xe siècle relevaient de la haute aristocratie et ils étaient très probablement apparentés aux comtes135. En 906, Acmar procède à un échange de terres de concert avec le comte Ermengaud ; en 942, le diacre Élie mentionne le comte Raimond II, le frère de ce dernier, Hugues, et l’évêque Maganfred136. Raimond II lui-même, puis la comtesse Garsende n’oublieront pas de mentionner Deusdedit II dans leurs testaments respectifs. Dès la première charte (novembre 848), les évêques de Rodez étaient assistés par un chapitre cathédral : Sacrosancte basilice sancte Marie matris ecclesie in Rutenica civitate, ubi Ramnolemts episcopus rector et pastor adesse videtur super ipsa congregatione canonicorum...137.

Le monachisme

  • 138 F. de GOURNAY, Les Documents écrits… (1992), pp. 61-66.
  • 139 Chronique A de Conques (BN, Doat 143, f° 2 r°).
  • 140 Conques, n° 580 (8 avril 819).
  • 141 ERMOLD LE NOIR, Poème sur Louis le Pieux, v. 294-297 (éd. FARAL, p. 26).
  • 142 Conques, n° 580 (819) : ut Medraldus abba fieret, et ut ipsa congregatio regularis juxta q (...)
  • 143 Conques, n° 1 : Locum sacrum qui situs est in pago Rutenico, in honore et reverentia domin (...)
  • 144 E. MAGNOU-NORTIER, La société laïque... (1974), pp. 103-106.

83Le Rouergue a connu l’érémitisme : qu’il suffise de nommer la légendaire sainte Tarcisse à Rodelle (VIe siècle ?) ainsi que Dadon (fin VIIIe s.), “fondateur de Conques”, mais bien malgré lui. Car la transformation de son ermitage en monastère ne s’est pas faite sans tensions138. Venu chercher vers 795 la solitude dans les gorges boisées de Vallis Lapidosa139, Dadon fut rejoint “quelques jours plus tard” (non post multos dies) par un certain Medrald. Leur réputation attira bientôt des voisins (convicinos) en quête d’une vie paisible (quietam vitam), et désirant se soumettre à leur direction pour imiter leur religieux exemple (eorum religiosis exemplis imitatores fieri cupientes, eorum se magisterio subdidere). Ainsi grandit la communauté (congregatio), qui construisit une église en l’honneur du Saint-Sauveur (Conques I)140. C’est alors qu’intervint le jeune roi des Aquitains, Louis le Pieux, en 800 probablement ; il se lia d’amitié avec Dadon141, mais c’est Medrald qui lui permit d’achever la transformation de cet ermitage devenu collectif. “D’un commun accord”, deux décisions furent arrêtées : Dadon partira retrouver sa solitude à Grandvabre ; les autres resteront à Conques et formeront une communauté régulière avec Medrald comme premier abbé142. La transformation de Conques en abbaye bénédictine est avérée quelques mois plus tard, en février 801143. Pour Louis le Pieux, il s’agissait de promouvoir le cénobitisme en Aquitaine centrale. Devenu empereur, il imposera la “réforme bénédictine” inspirée par Benoît d’Aniane (Witiza) à l’ensemble des monastères de son empire (816-817) et accordera de nombreux diplômes aux abbayes d’Aquitaine et de Septimanie144, dont celle de Conques (819).

84On compte une petite dizaine d’abbayes antérieures à l’an mil en Rouergue :

  1. Saint-Amans de Rodez, basilique remontant au Ve ou au Vie siècle.145
  2. Saint-Semin sous Rodez, abbaye féminine attestée depuis 878.146
  3. Saint-Sauveur de Conques (800), qui deviendra Sainte-Foy de Conques après 866.147
  4. Saint-Antonin (avant 817).148
  5. Saint-Sauveur de Vabres (861-862).149
  6. Saint-Pierre de Nant (930).150
  7. Lavernhe (943 ou 945).151
  8. Saint-Pierre et Saint-Gilles de Farret (entre 955 et 986).152
  9. Saint-Léons (avant 961).153
  • 154 Conques, n° 177 (902), 306 (v. 930), 186 (946), 292 (958).
  • 155 E. MAGNOU-NORTIER, La société laïque... (1974), p. 382 : 17 moines à Arles-sur-Tech en 934 (...)
  • 156 Conques, n° 581 (838) : interea Nostrae Serenitati placuit ut. quia idem monasterium in ar (...)
  • 157 La première libéralité connue d’un Raimondin à Conques est de 961 (HGL, t. V, n° 111, col. (...)

85. Nant, Lavernhe et Farret dépendaient de Vabres ; ces monasteria bien modestes ont précédé la généralisation des prieurés (XIe siècle). La communauté de Conques comptait 21 personnes en 902, 17 vers 930, 17 encore en 946, et seulement 15 en 958 (dont 12 moines)154 – effectifs modestes, comme en Septimanie155. Mais Conques souffrait d’une sorte de langueur depuis qu’en 838 Pépin Ier avait voulu la soulager en la dotant d’une antenne délocalisée à Figeac, “Nouvelles Conques”156. Plus accessible, le nouveau site convenait mieux à une abbaye que l’ancien ermitage de Dadon. Et la dynastie raimondine – qui avait accédé au comté de Toulouse en trahissant Pépin II (849) – se désintéressa longtemps de cette abbaye trop compromise avec la cause aquitaine157. Sans doute est-ce l’une des raisons de la fondation de Vabres en 862, sanctuaire comtal entouré des prévenances de l’aristocratie.

  • 158 Conques, n° 114 (septembre 945) : ceda atque condono ad dilecto homine amico meo, nomine G (...)
  • 159 Conques, n° 107 (mars 911). Cet Adrald était “né de parents nobles” : Adraldus monachus Co (...)
  • 160 Conques, n° 246 (février 942).
  • 161 Conques, n° 113 (novembre 943) : une femme vend au moine Gauzbert trois arpents de vignes (...)
  • 162 Conques, n° 235 (juin 944) : donation entre laïcs d’une terre jouxtant de duos latus terra (...)
  • 163 Conques, n° 92 (février 923).
  • 164 Conques, n° 91 (décembre 933), 157 (décembre 933), 293 (février 958).

86La communauté conquoise, elle, semble composée d’alleutiers assez modestes durant le Xe siècle : en cela elle reflète bien le milieu environnant. En 945, un certain Deusdet donne à son “cher ami” le prévôt Grimard une parcelle de vigne, à titre personnel ; cette vigne confrontait la “terre du moine Gonbert”158. C’est que les moines continuaient à recevoir ou posséder des biens à titre individuel : Adrald, qui devait quitter Conques pour devenir abbé d’Aurillac159 ; Guitbert, prêtre et moine160 ; les moines Gauzbert, qui achète trois arpents de vignes en 943161, et Girbert, autre propriétaire de vignes162 ; le prévôt Astier, qui avait “édifié” une vigne cum labore163, et qui légua des terres au moine Aldric164.

  • 165 F. de GOURNAY, Étude du cartulaire... (1988), t. I, pp. 37-38.
  • 166 Conques, n° 569 (1108-1125).

87Aux XIe-XIIe siècles, c’est la nouvelle classe noble qui peuplera l’abbaye de Conques165. Elle fournira les abbés, comme Lautard de La Vinzelle (vers 1025), Odolric de Maleville (1031-1065), Bégon III de Mouret (1087-1108), Boniface de Vigoureux (1108-1125 env.), mais aussi une bonne partie des moines. Il fallait “mettre le prix” pour placer ses enfants à l’abbaye de Conques... Un voisin et ami de l’abbé Boniface, Austorg de Brezons, donnera 430 sous (200 de Melgueil et 230 du Puy) pour y faire entrer son fils Élie166.

Prêtres et diacres

  • 167 Conques, n° 100 (août 957), 101 (mars 955-986), 103 (avril 964), 105 (octobre 961).
  • 168 Conques, n° 104 (mai 997-1004).
  • 169 Conques, n° 95 (septembre 997-1004), 106 (août 997-1004).

88Ils étaient parfaitement intégrés à la société laïque. Prenons l’exemple de Bercan, terroir d’alleutiers situé non loin de Conques. Entre 957 et 964, une veuve accompagnée de ses deux enfants avait vendu à quatre reprises des vignes au prêtre Gui167. Quarante ans plus tard, les clercs interviennent comme témoins ou vendeurs. En 997-1004, Gauzbert clericus et Aganon vendent à l’abbaye une vernaria et une terre ; Gauzbert reçoit 7 sous du Puy, et Aganon 2168. C’est le même Gauzbert, levita (diacre), qui assiste comme témoin à la vente d’un alleu par des laïcs, en compagnie des prêtres Deusdet et Grimaud ; l’autre partie de cet alleu avait été vendue – un mois plus tôt, semble-t-il – par Grimaud, avec comme témoins le prêtre Deusdet et le diacre Gauzbert. Il s’agissait d’un alleu patrimonial réparti entre deux frères, un prêtre et un laïc169.

  • 170 Lieu inconnu situé in vicaria Dunense (Conques, n° 260 et 331).
  • 171 Conques, n° 331 (août 997-1004).
  • 172 Conques, n° 260 (septembre 997-1004).

89Ces trois personnages se retrouvent non loin de là, à Altabetia170. Entre 997 et 1004, le diacre Gauzbert vend pour 26 sous de Limoges medius mansus meus... ubi Arlaldus visus est manere ; le prêtre Deusdet figure parmi les témoins171 . Vente qui entraîne un mois plus tard la donation de l’autre moitié du manse, par Deusdet : illa mea parte que michi per hereditatem obvenitillo medio manso meo ; donation effectuée pro anima mea et pro anima Bernardo sacerdote, et l’on retrouve parmi les témoins le diacre Gauzbert et le prêtre Grimaud172. Le prêtre et le diacre s’étaient partagé un manse.

  • 173 Conques, n° 259 et 332.
  • 174 Conques, n° 215 (s. d.). Castailhac (comm. de Golinhac) domine les gorges du Lot entre Est (...)
  • 175 LMSF I, 1. Bernard d’Angers précise au début de son récit que le prêtre Gerald vit toujour (...)
  • 176 Conques, n° 85 (juin 962), 330 (novembre 966). Asprières est localisée dans la vicaria Mau (...)
  • 177 Vabres, n° 23 (novembre 861).
  • 178 Vabres, n° 47 (8 octobre 942). Voir ci-dessus, pp. 110-111.

90Deusdet, Gauzbert et Grimaud peuvent être assimilés aux gros alleutiers, tout comme le clerc Matfred, qui donne en 984 deux manses habités à Mur-de-Barrez173, ou encore Gerald, sacerdos de Castaliago : au début du XIe siècle, il donne à Conques un manse ubi Rainaldus visus est manere, en détaillant le cens174 ; il s’agit de ce prêtre Gerald qui, d’après Bernard d’Angers, avait arraché les yeux à son filleul et parent Guibert, en 983 – le futur Illuminé aurait croisé le prêtre en train de chevaucher avec deux acolytes175. D’autres clercs relevaient plutôt de l’aristocratie domaniale. En 962, Frotard clericus donne à Conques villa mea in Mauronto, XII mansos, totum et ab integrum, ainsi que cinq manses répartis sur d’autres terroirs ; quatre ans plus tard, il lui donne aussi “sa villa” d’Asprières, elle aussi composée de douze manses176. Le diacre Roland, filleul du comte Raimond Ier, avait donné deux curtes à l’abbaye naissante de Vabres, en 861177. En 942, un autre diacre, Élie, donnera d’innombrables terres à la même abbaye : il appartenait à la plus haute aristocratie178.

  • 179 Conques, n° 198 (juin 964).
  • 180 Conques, n° 340 (juin 961). La Serre, comm. de Saint-Cyprien.
  • 181 Conques, n° 248 (v. 930).
  • 182 Conques, n° 239 (s. d.). Aujols, comm. de Grandvabre.
  • 183 Conques, n° 241 (997-1031) : cedo vel dono... illo alode meo de Aujolis, hoc sunt vineas i (...)
  • 184 Conques, n° 257 (février 1001). Molières, comm. d’Escandolières.

91Les prêtres propriétaires de capmas semblent relever d’un milieu plus modeste. Lorsqu’en 964, Girald sacerdos donne un capmas à Conques, il s’en réserve l’usufruit viager ; après sa mort, le capmas devra échoir à son frère Jean, puis au neveu de celui-ci, enfin à l’abbaye179. Trois ans plus tôt, un autre prêtre, Guitbert, donne un capmas situé à La Serre ; lui aussi se réserve l’usufruit viager, et en outre il s’engage à verser annuellement un muid de vin à titre de vestidura180. Ces clauses laissent penser que les intéressés tiraient de leur capmas l’essentiel de leur subsistance. Certes on trouve un prêtre Aldefred qui donne à des laïcs son capmas ubi Johannes visus est manere181, mais il faut se garder d’y voir trop vite un tenancier travaillant pour le prêtre : en 997-1031, le prêtre Eblon donne son alleu d’Aujols, à savoir des vignes et un capmas ubi Ido visus est manere ; or, non seulement Idon est le premier témoin de cette donation182, mais il s’avère dans une autre charte que c’est le propre frère d’Eblon, et qu’il partage avec lui son alleu d’Aujols183 ! Mieux : en 1001, deux frères, les prêtres Odilus et Jorius, donnent à Conques de res proprietatis nostre que nobis per originem parentorum obvenit, hoc est unus caput mansus ubi visi sumus manere184. Socialement, ces prêtres étaient des alleutiers paysans.

  • 185 Conques, n° 125 (avril 1002), 141 (août 997-1004).
  • 186 Aniane, n° 216 (1036-1061). Le Rozier (Lozère), au confluent du Tarn et de la Jonte, en fa (...)

92Autre proximité avec la société laïque : un prêtre comme Odilus était marié, et c’est avec son épouse Adalendis qu’il effectua une vente et une donation à l’abbaye de Conques, aux alentours de l’an mil185. Au milieu du XIe siècle, on verra le prêtre de Peyreleau, Airadus, donner avec ses deux fils un fief au prieuré du Rozier, en échange de la chapelle de Peyreleau186.

Clercs et laïcs

  • 187 LMSF I, 1 (Gerald) ; I, 26 (Gimon) ; II, 6 (Gozbert) ; II, 8 (Pierre).
  • 188 LMSF I, 1 (repentir de Guibert l’illuminé) : ut perfectius delicta peniteret, attonsa barb (...)
  • 189 Élie : Vabres, n° 47 (942). Siméon : AD Av., 3G 300 n° 1 (848). Benjamin : Conques, n° 186 (...)
  • 190 Élisabeth, esclave, et son fils Élie : Vabres, n° 3 (862). Le nom d’Élie est également por (...)
  • 191 F. de GOURNAY, Les Documents écrits... (1992), p. 27.
  • 192 Conques, n° 216 (950), 235 (944). Ce scribe pourrait être le moine Guitbert, mentionné à C (...)
  • 193 Conques, n° 100 (957). 101 (v. 960), 103 (964), 105 (961), 117 (v. 960) : Ragambert. Ibid. (...)

93Étranger au Midi, Bernard d’Angers s’étonne à plusieurs reprises que la limite entre clercs et laïcs y soit aussi ténue : le prêtre Gerald, le moine Gimon, le clerc Gozbert, l’abbé Pierre lui semblent bien séculiers, soit par le comportement (Gerald, Gimon, Gozbert), soit par l’apparence (Pierre)187. De fait, qu’est-ce qui pouvait distinguer les clercs des laïcs, à part la tonsure188 ? Leur anthroponymie ? Comme les laïcs, ils portaient surtout des noms germaniques ; le nom Deusdet ne leur était pas réservé, pas plus que les noms bibliques. Certes on trouve un diacre Élie, un archidiacre Siméon, un moine Benjamin189 ; mais l’on trouve aussi des laïcs nommés Élie, Élisée, Ésaü, Jonathan, Samuel, et une esclave du nom d’Élisabeth190. On dira que les clercs possédaient le monopole de l’écriture : constatation évidente, peut-être un peu trop. Il n’est pas impossible que certains scribes de la région de Conques aient été des laïcs sachant écrire191 : sinon Guitbert, qui pourrait être un moine de l’abbaye192, ce serait le cas d’Aribert, Garibald et Ragambert193 ; tous ont vécu au Xe siècle.

  • 194 Cf. ces remarques de Georges DUBY (Le chevalier, la femme et le prêtre, Paris, Hachette, 1 (...)

94La société du Xe siècle restait fondamentalement laïque dans la mesure même où le clergé carolingien n’avait pas l’ambition de la transformer : “leur christianisme n’était pas de ce monde”194. Les clercs disaient se retirer du siècle, mais ils s’en retiraient en groupe – il n’est que de songer aux compagnons de Dadon – et ils restaient proches des différentes classes de la société laïque :

  • l’aristocratie : les évêques de Rodez, les abbés (comme celui de Vabres, Frédolon195) et certains diacres ;
  • les alleutiers : la plupart des prêtres et diacres ;
  • les esclaves : parmi les mancipia du comte Raimond Ier figurait un clerc qu’il affranchit, en 862 (ilium clericum quem ingenuum dimisimus)196.

Notes

1 Conques, n° 581 (838). On trouve aussi des nobiles viros, nobilissimos viros entourant le comte Raimond en 962 (Beaulieu, n° 47), mais peut-être sans rapports avec le Rouergue (supra, p. 57).

2 ERMOLD LE NOIR, Poème sur Louis le Pieux, vers 242-293.

3 Conques, n° 581 (838).

4 ERMOLD LE NOIR, op. cit., vers 296-297.

5 Conques, n° 1 (février 801).

6 Lieutadès, comm. du cant. de Chaudes-Aigues (Cantal), à 3 km de la limite départementale avec l’Aveyron.

7 Vabres, n° 45 (janvier 930-936), 32 (juillet 936).

8 Vabres, n° 47 (8 octobre 942).

9 Vabres, n° 50 (juin 955-985).

10 Conques, n° 184 (942-984) et 89 (1er février 961). En août 984, l’abbaye de Conques donnera les trois mas de Ciciago à Gerald d’Arjac lors d’un échange (Conques, n° 88).

11 J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), tableau généalogique p. 111.

12 Conques, n° 190 (s.d.).

13 Conques, n° 476 (juillet 1087-1108). Odembel y est témoin de la donation du quart de l’église de Saint-Félix par Hector de Panat.

14 Sylvanès, n° 9 (1133).

15 Vabres, n° 47 (942).

16 J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), tableau généalogique p. 111.

17 AD Av., 3G 300 n° 21 (octobre 937).

18 D’après Jean DUFOUR, Les Évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez... (1989), Jorius serait le successeur de Maganfred ; mais il n’est pas mentionné dans une charte de l’église cathédrale contemporaine de la donation d’Élie (AD Av. 3G 300 n° 22, août 942).

19 Ministeria Curiense, Sancti Remedii ; vicaria Sancti Naamadii (Sancti Remedii, ms. ; la vicaria Sancti Naamadii était incluse dans le ministerium Sancti Aniani : ci-dessus, 1,5) ; ministeria Canaviliense, Begoniense, Sancti Stephani, Firmiaco.

20 Vabres, n° 41 (21 mai 885), 42 (8 septembre 885). Duris, comm. de Saint-Affrique. Le nom de Gerifred se présente dans ces deux chartes sous diverses formes altérées : Larfredus, Arfredus, Jarfredus.

21 Conques, n° 220 (juin 913). Arding, frère de Samuel et père de Bégon, a pour parents Segbald et Gondrada.

22 AD Av., 3G 300 n° 2 (septembre 856) ; Vabres, n° 39 (août 878).

23 Conques, n° 5 (923) ; Vabres, n° 20 (932), 43 (915) ; AD Av., 1G 9 n° 38 (912), 3G 300 n° 8 (907).

24 AD Av., 3G 300 n° 4 (mai 877 ou 882).

25 Vabres, n° 9 (septembre 943 ou 945), 10(11 février 930).

26 J. BELMON, op. cit.. tableaux généalogiques pp. 82, 102 et 104.

27 Pour les mêmes raisons, Jacques BOUSQUET rapprochait les fondateurs de Lavernhe et de Nant des premiers comtes de Rouergue, tout en avouant sa perplexité : “Ce sont les grandes familles proches des familles comtales et peut-être souches de familles vicomtales que nous situons le plus difficilement” (Le Rouergue..., t. I, 1992, pp. 47-48 et p. 52).

28 Conques, n° 107 (mars 910).

29 Vabres, n° 18 (septembre 937 ou 939) ; AD Av., 3G 300 n° 15 (décembre 920).

30 Conques, n° 247 (s.d.), variante du n° 167 (avril 997-1031).

31 On trouve bien un certain Richard des Ondes et son frère Bernard de Malviès dans une charte datée du 16 mars 910 (Conques, n° 7 : de Ricardo de Super Undas ac de Bernardo de Malverio suo fratri), mais il s’agit d’un acte faux ou interpolé : J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), p. 87 note 79. En 961, le comte Raimond II mentionne dans son testament Bernard de Nant (Bernardus de Santé), l’un de ses feudataires (HGL, t. V, n° 111, col. 241).

32 Vabres, n° 45 (janvier 930-936) : S. venerabilis Ermengaudo principe qui concambium istum manu mea infra roborata, strenuisque viris qui post me roborent rogavi.

33 Beaulieu, n° 47(11 juillet 962).

34 Patronage de Raimond sur Lavernhe : Vabres, n° 9 (septembre 943/945), de Bernard sur Nant : Vabres, n° 10 (février 930). Patronage de Bégon de Calmont-d’Olt sur Conques et Figeac : BN, Doat 143, f° 260r° – 261v° (Conques, 3 janvier 1061-1065). Entouré de “ses” aristocrates (meis optimatibus), Bégon invoque explicitement le déclin du pouvoir royal depuis l’époque de Pépin d’Aquitaine († 838).

35 J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), pp. 60-62 et p. 106.

36 Amigus et Aquilena (probablement une altération d’Aigolena, plutôt qu’une variante du latin aquilina) : Vabres, n° 41 et 42 (885). Genesius et Ricardis : Vabres, n° 18 (937/939). Remigius et Aigana : Conques, n° 247 (v. 996-1031). Remigius et Arsinda : Vabres, n° 40 (883).

37 Hector a donné en occitan Echer (l’évolution phonétique -et- > -yt- > -ch- confirme l’ancienneté de ce nom en Rouergue), et le patronyme Icher, toujours porté en Aveyron.

38 P. BONNASSIE, “Survie et extinction du système esclavagiste...” (1985).

39 Le diplôme de Pépin emploie six fois l’expression rebus et mancipiis, notamment pour le monastère quercynois de Jonante (près de Figeac), et une fois cum mancipiis et omnibus abpenditiis suis, pour la villa de Gaillac (comm. et cant. de Cajarc, Lot).

40 L. FELLER, Les Abruzzes médiévales..., p. 527 : “Même chez les servi, le modèle familial normal est celui de la famille conjugale restreinte au couple et à ses enfants” (cf. le tableau p. 526 : “Typologie des familles de la liste de Farfa”).

41 Vabres, n° 7 (868) : et in Valilias mansos duos cum ipsos mancipiis ; et in Cogiaco mansos duos cum Ingilberto et infantes suos.

42 Conques. n° 203. Voir ci-après (IX, 2).

43 Notons cependant que vers 972, la comtesse de Toulouse Garsend affranchit dans son testament tous ses esclaves : Omnes servi mei et ancillae meae sint liberi propter animam viri mei. et propter animam meam... (HGL, t. V, n° 126, col. 280). Certains de ces esclaves pouvaient se trouver en Rouergue. Pour sa part, le testament de Raimond II (vers 961) n’en mentionne aucun.

44 B. PHALIP, “Charte dite de Clovis” (1988), passim.

45 Conques, n° 6 (avril 930). Sansac-de-Marmiesse, cant. d’Aurillac (Cantal).

46 B. PHALIP, “Charte dite de Clovis”, p. 598.

47 Vabres, n° 7 (17 avril 868).

48 Lluis TO FIGUERAS, “Le mas catalan du XIIe s....” (1993).

49 Conques, n° 177 (902), 274 (976), 405 (959) ; n° 306 (v. 935), 321 (905).

50 Conques, n° 245 (v. 995-1020) : quart. Ibid., n° 138 (997-1031), 190 (v. 1010-1050), 215 (vers 1000-1030), 233 (1010-1053), 237 (v. 990), 254 (v. 996-1031), 400 (v. 1000-1050) : redevances fixes.

51 Le père : Conques, n° 135 (v. 996-1031). Le frère : ibid., n° 239 et 241 (996-1031). Le propriétaire lui-même : ibid., n° 172 (997-1031), 233 (1010-1053), 25 7 (1001).

52 Cartulaire du chapitre de Saint-Étienne de Limoges, éd. Jacques de FONT-RÉAULX, Limoges, 1922, n° 18 (1er mai 914) : Restedunus “occupe” trois mas, Ingelbert trois, Stabilis quatre, Costabilis quatre ou quatre et demi, à chaque fois sur plusieurs terroirs différents.

53 É. MAGNOU-NORTIER. “La terre, la rente et le pouvoir...” (1981-1982) ; “A propos de la villa et du manse...” (1984).

54 Conques, n° 290 ; cf. n° 301 (illo alode meo de Salciono ubi Maciagaldus visus est manere). Massagal, comm. de Firmi.

55 Conques, n° 118.

56 Perry ANDERSON, Les passages de l’Antiquité au féodalisme (1977) ; Pierre BONNASSIE, La Catalogne... (1975-76) ; Aaron GUREVIC, “Représentations et attitudes à l’égard de la propriété...” (1972).

57 Claudie DUHAMEL-AMADO, “L’alleu paysan a-t-il existé en France méridionale autour de l’an Mil ?” (1987/90) ; Dominique BARTHÉLEMY, “La mutation féodale a-t-elle eu lieu ?” (1992), La société dans le comté de Vendôme... (1993).

58 Vabres, n° 50 (juin 955-985).

59 LMSF I, 17 : Cum ergo, ut diximus, curtes magnas prediorumque possessiones multas multi concessissent, nichilominus etiam tam a pagensibus quam a religiosis peregrinis auri vel argenti necnon preciosorum lapidum innumera dona impensius sunt collata.

60 Conques, n° 150 (mai 997-1004).

61 Conques, n° 96 (997-1004), 98 (997-1004), 104 (997-1004), 111 (984), 170 (fin du Xe siècle).

62 Conques, n° 223 (janvier 974), 303 (mai 955-985).

63 Conques, n° 288 (mai 955-985, sans doute 968) : de superiore latus strata puplica, et de très partes terra sancti Salvatoris.

64 Conques, n° 160 (v. 1013). Poujols, comm. de Pruines.

65 Ci-dessus, pp. 102-103.

66 Conques, n° 227 (mai 955-985) : Sorholo, probablement Sorps, comm. de Pruines.

67 Conques, n° 169 (fin Xe siècle). Lissorgues, comm. de Noailhac.

68 Conques, n° 313 (août 1004). Lissorgues, comm. de Noailhac.

69 Conques, n° 92 (17 février 923). Astier deviendra moine à Conques (ibid., n° 91), puis prévôt (n° 157).

70 Conques, n° 98 (octobre 997-1004) ; n° 331 (août 997-1004). L’autre moitié du mas d’Altabetia sera donnée par le prêtre Deusdet, sans doute un mois plus tard (n° 260, septembre 997-1004).

71 Conques, n° 118 (s.d.). Le Vernet, comm. de Nauviale ; Poujols, comm. de Pruines.

72 Conques, n° 337 (v. 1013, Beciaria). Cf. n° 95 (997-1004, Bercan).

73 Conques, n° 239 et 241 (997-1031).

74 Conques, n° 255 (octobre 997-1030). Condat, comm. d’Enguialès.

75 Conques, n° 429 (1er août 997-1030). Raynaldès, comm. de Mouret.

76 Conques, n° 93, 102 (v. 1013), 122(997-1004), 135, 158(997-1004), 159(996-1031), 174(997-1030), 199 (997-1004), 224 (v. 1013), 245, 290, 301, 317 (997-1004), 403 (996-1030).

77 Comme le suggère son surnom, Bernardus de illa Garriga (n° 245) ou de Garriga (n° 301) : il ne s’agit pas d’un domaine ou d’une forteresse, mais d’un terroir libre, La Garrigue (aujourd’hui simple hameau, comm. de Firmi). Alors que Bernard y résidait encore, son fils Austrin finit par le donner aux moines : dono illos casalos et boscalem ubi pater meus Bernardus visus est manere (n° 135).

78 Conques, n° 102, 135, 290, 301, 403.

79 Conques, n° 172 (mai 997-1031), 257 (février 1001).

80 Conques, n° 118 et 135 (s.d., v. 996-1031).

81 Conques, n° 218 (août 960). Bourran, comm. de Decazeville.

82 Conques, n° 224 (v. 1013) : Centrès, comm. de Firmi. Ibid., n° 158 et 438 (février 997-1004 ; actes identiques).

83 Conques, n° 239 (s.d.) et 241 (mars 997-1031). Aujols, comm. de Grandvabre.

84 Conques, n° 249 (v. 1013), 268 (début XIe s.), 337 (v. 1013), 433 (996-1030), respectivement.

85 Exceptions : Conques, n° 424 (septembre 962), 434 (janvier 964).

86 On n’a aucun exemple de charte publiée par des sœurs sans leurs frères.

87 Conques, n° 224 (v. 1013), 258 (996-1004).

88 Conques, n° 170 (fin Xe s.), 172 (997-1031).

89 Conques, n° 202 (997-1031), 253 (v. 1013), 303 (955-985), 354 (997-1031), 403 (996-1030), 422 (964), 423 (975), 424 (962), 433 (996-1030).

90 Conques, n° 95 (septembre 997-1004). Bercan, comm. de Noailhac.

91 Conques, n° 328 (996-1031). Sans doute est-ce la même femme qui possédait une terre à illa Fagia (terroir situé dans la vicaria Serniacense, comme La Garrigue) : de quarto vero latus terra ad uxore Nizezio (Conques, n° 253 ; vers 1013).

92 Conques, n° 28 (996-1031 ; église de Haute-Serre, comm. d’Auzits). Le prix de la vente est de 160 sous ; le terme de sponsalicium n’est pas employé.

93 Conques, n° 290 (v. 996-1031) : Et illo alode meo et illum feuvum meum totum et abintegrum ad infantes meos remaneat ab uxore mea. si virum non prendet ; et si virum aprehendet, ab conquistum suum et ab sponsalicium suum remaneat.

94 LMSF I, 22.

95 Conques, n° 118 (v. 996-1031) : frères légitimes ; n° 290 et 301 (id.) : enfants légitimes.

96 Conques, n° 216 (novembre 950).

97 Conques, n° 255 (octobre 997-1030) : S. Rodlendis… S. Bernoinis filia Rodlendis, Ajalberto marito Bernoinis.

98 Conques, n° 296 (septembre 997-1030) : pro sepultura Deusdet a marito meo. La femme, Ava, est seule à souscrire sa charte.

99 Conques, n° 118, 239 (s.d., v. 996-1031).

100 En janvier 870, le diacre Roland évoque la mémoire de son oncle (avunculus), qui nomen sum imposuit mihi Rodlandi (Vabres, n° 37 ; cf. n° 23, novembre 861). Apparemment, le terme nepos désignait avant tout le neveu : unus de nepotibus filiis sororis meae (Conques, n° 129, v. 1031-1065).

101 Conques, n° 290, 298 (s.d., v. 996-1031).

102 BN, nouv. acq. lat. 437 (135 ff ; f° 1-59 : pouillé du diocèse de Rodez ; f° 60-135 : histoire des évêques de Rodez, de saint Martial jusqu’à Jacques de Corneilhan en 1541). A. BONAL, Histoire des Évêques de Rodez, éd. J.-L. RIGAL, Rodez, 1935-1938, 2 t. J. SICARD, Rutena Christiana sive series et historia episcoporum Rutenensium, éd. N. MAISONABE, MSLA, t. 14, 1893, pp. 331-447.

103 G. DESJARDINS, “Évêques de Rodez...” (1863) ; A. DÉBAT, “Évêques de Rodez” (1977) ; J. DUFOUR, Les évêques d’Albi, de Cahors et de Rodez... (1989) ; J.-L. BIGET, “L’épiscopat du Rouergue et de l’Albigeois...” (1987/1991).

104 Historia Francorum II, 36 ; III, 2 ; V, 5 ; V, 46 ; VI, 38 ; X, 8. Vitae Patrum IV, 1.

105 Vita sancti Amantii, éd. Bruno KRUSCH, MGH, Auctores Antiquissimi, t. IV n° 2. Berlin, 1885, pp. 55-64. Vita Dalmatii episcopi Ruteni, éd. KRUSCH, MGH, Scriptores rerum merovingicarum, t. III, Hanovre, 1896, pp. 543-549.

106 Vita Desiderii Cadurcae urbis episcopi, éd. KRUSCH, MGH, Scriptores rerum merovingicarum, t. IV, Hanovre-Leipzig, 1902, pp. 547 sqq. Desiderii episcopi Cadurcensis epistolae, éd. ARNDT, MGH, Epistolae merowingici et karolini aevi, Berlin, 1892, pp. 191-214.

107 BN, n.a.l. 437, f° 65 v°.

108 Conques, n° 581 (23 août 838).

109 J. DUFOUR, Les évêques... (1989).

110 AD Av., 3G300n° 1, 2,3.

111 Vabres, n° 3 (3 novembre 862).

112 A. DÉBAT, “Évêques de Rodez...” (1977), p. 249 ; J. DUFOUR, “Essai de simplification...” (1987), pp. 167-168 ; É. FOURNIAL, Cartulaire de Vabres... (1989), p. 41 note 11.

113 Migne, P.L., t. 126, col. 1021.

114 BN, n.a.l. 437, f° 70 r°.

115 Vita Geraldi II,2. MIGNE, P.L., t. 133, note 99, col. 669-670 ; BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, p. 183 ; J. DUFOUR, Les évêques... (1989).

116 J. DUFOUR, op. cit.

117 AD Av., 3G 300 n° 4 (877/882), 5 (905), 6 (906), 7 (906), 8 (907), 10 (912). Acmar est encore mentionné ā une date inconnue entre 898 et 917 (AD Av., 3G 300 n° 11).

118 AD Av., 3G 300 n° 13 (918), 15 (920), 16 (922), 17 (922), 18 (922), 20 (936) ; 3G 302 (923).

119 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, pp. 183-184.

120 BONAL-RIGAL, t.I, pp. 563-564. J. BELMON, Les Vicomtes... (1991), p. 105 et note 129.

121 AD Av., 3G 300 n° 21 (937) ; Vabres, n° 47 (942).

122 Cartulaire de Vabres, n° 47 (8 octobre 942) ; note 3 p. 153.

123 Vabres, n° 47 (8 octobre 942).

124 É. FOURNIAL, Cartulaire de Vabres... (1989), p. 153 note 4 ; Ruthena Christiana, éd. MAISONABE, MSLA, t. 14, p. 265.

125 BN, n.a.l. 437, f° 71 r°.

126 AD Av., 3G 300 n° 20 (août 936). Cette charte, donation effectuée par Deusdedit episcopus en faveur d’un de ses “fidèles” (a dilecto fidele meo Rainaldo et ad uxore sua Cristina) est ainsi datée : sub die Lunis in mense augusto, ipso anno quod Radulfus obiit a seculo.

127 BN, n.a.1. 437, f° 71 v° (Divisione Amblardo, que fecit inter suas infantes).

128 J.-P. CHAMBON, “Un document auvergnat du Xe siècle passé inaperçu...” (2000).

129 BN, n.a.l. 437, f° 72 r°.

130 F. de GOURNAY, Les Documents écrits... (1992), pp. 71-72.

131 HGL, t. V, n° 111, col. 242 ; n° 126, col. 278.

132 Lodève, n° 7 ; Vita tertia sancti Fulcramni III, 15.

133 Sauxillanges, n° 15.

134 Vita tertia sancti Fulcramni V, 26 ; V, 31 (Magfredus).

135 J.-L. BIGET, “L’épiscopat du Rouergue...” (1987/1991), p. 185.

136 AD Av., 3G 300 n° 7 (août 906) ; Vabres, n° 47 (8 octobre 942).

137 AD Av., 3G 300 n° 1.

138 F. de GOURNAY, Les Documents écrits… (1992), pp. 61-66.

139 Chronique A de Conques (BN, Doat 143, f° 2 r°).

140 Conques, n° 580 (8 avril 819).

141 ERMOLD LE NOIR, Poème sur Louis le Pieux, v. 294-297 (éd. FARAL, p. 26).

142 Conques, n° 580 (819) : ut Medraldus abba fieret, et ut ipsa congregatio regularis juxta quod eis facultas et intellectus a Domino tribuebatur existeret, communi voluntate actum est.

143 Conques, n° 1 : Locum sacrum qui situs est in pago Rutenico, in honore et reverentia domini et salvatoris nostri Jhesu Christi… cui vocabulum est Concas… ubi modo est venerabilis vir Madraldus abba et in regimine ejus congregatio monachorum, degentes sub regula beati Benedicti..

144 E. MAGNOU-NORTIER, La société laïque... (1974), pp. 103-106.

145 J. BOUSQUET, Le Rouergue..., t. I, 1992, pp. 257-271. D’après la Vie de saint Didier de Cahors, Clotaire II confia à Rusticus, frère de Didier, l’abbatia regalis basilicae de Rodez entre 613 et 623 (I, 1 ; I, 2).

146 Vabres, n° 39 (août 878). Cette abbaye est à l’origine de la commune actuelle du Monastère, au pied de la montagne de Rodez.

147 F. LOT, “Sur la date de la translation…” (1904) ; L. LEVILLAIN, “Notes...” (1907).

148 Notitia de servitio monasteriorum (MGH, Capitularia, t. I, Hanovre, 1881, n° 171, p. 351).

149 Vabres, n° 3 (3 novembre 862), 23 (novembre 861).

150 Vabres, n° 10.

151 Vabres, n° 9.

152 Vabres, n° 50. Farret, conm. de Saint-Juéry, cant. de Saint-Semin-sur-Rance.

153 HGL, t. V, n° 111, col. 244.

154 Conques, n° 177 (902), 306 (v. 930), 186 (946), 292 (958).

155 E. MAGNOU-NORTIER, La société laïque... (1974), p. 382 : 17 moines à Arles-sur-Tech en 934, 31 moines à La Grasse en 965, peut-être 39 à Cuxa en 991 ; la moyenne serait d’une “vingtaine de moines” pour la plupart des abbayes de Septimanie.

156 Conques, n° 581 (838) : interea Nostrae Serenitati placuit ut. quia idem monasterium in arduis atque asperrimis nec non angustissimis locis est constitutum. ita ut pro sua angustia plurimorum obsit habitationi, et pro asperitate victualia prohibet illuc deferri, ut in loco cujus vocabulum est Figiacus, quem tamen abhinc Novas Concas nobis vocari placuit, monasterium construatur, quatenus ab angustia et penuria portandorum alimoniorum idem locus sublevatus, liberius atque delectabilius ibidem habitantes Deo servire possint… abbatis providentia sit ut tot fratres ibidem maneant quot isdem locus absque ulla dificultate sustinere videatur.

157 La première libéralité connue d’un Raimondin à Conques est de 961 (HGL, t. V, n° 111, col. 241).

158 Conques, n° 114 (septembre 945) : ceda atque condono ad dilecto homine amico meo, nomine Grimardo, praeposito... una peciola de vinea... de superiore latus vinea vel terra Unilde et viro suo Adraldo, et de tercio latus terra Gonberto monacho… ut post hune diem habeas, teneas et cui volueris derelinquas, sine ullo contradicente...

159 Conques, n° 107 (mars 911). Cet Adrald était “né de parents nobles” : Adraldus monachus Conchensis, ex pago Rodenico nobilibus parentibus natus, abbas coenobii Auriliaci creatur (Brève Chronicon Auriliacensis abbatiae).

160 Conques, n° 246 (février 942).

161 Conques, n° 113 (novembre 943) : une femme vend au moine Gauzbert trois arpents de vignes dans la villa de La Serre (comm. de Saint-Cyprien) pour six sous, in argento aut in res conpreciatas valentes.

162 Conques, n° 235 (juin 944) : donation entre laïcs d’une terre jouxtant de duos latus terra vel vinea Girberto monacho (sur quatre côtés).

163 Conques, n° 92 (février 923).

164 Conques, n° 91 (décembre 933), 157 (décembre 933), 293 (février 958).

165 F. de GOURNAY, Étude du cartulaire... (1988), t. I, pp. 37-38.

166 Conques, n° 569 (1108-1125).

167 Conques, n° 100 (août 957), 101 (mars 955-986), 103 (avril 964), 105 (octobre 961).

168 Conques, n° 104 (mai 997-1004).

169 Conques, n° 95 (septembre 997-1004), 106 (août 997-1004).

170 Lieu inconnu situé in vicaria Dunense (Conques, n° 260 et 331).

171 Conques, n° 331 (août 997-1004).

172 Conques, n° 260 (septembre 997-1004).

173 Conques, n° 259 et 332.

174 Conques, n° 215 (s. d.). Castailhac (comm. de Golinhac) domine les gorges du Lot entre Estaing et Entraygues. Cette charte est l’une des premières à détailler les redevances.

175 LMSF I, 1. Bernard d’Angers précise au début de son récit que le prêtre Gerald vit toujours in vicinia vici Conchacensis, en 1013. A vol d’oiseau, Castailhac est à 17 kilomètres de Conques.

176 Conques, n° 85 (juin 962), 330 (novembre 966). Asprières est localisée dans la vicaria Maurotense, à 20 km au nord du chef-lieu éponyme (Le Mauron, comm. de Maleville).

177 Vabres, n° 23 (novembre 861).

178 Vabres, n° 47 (8 octobre 942). Voir ci-dessus, pp. 110-111.

179 Conques, n° 198 (juin 964).

180 Conques, n° 340 (juin 961). La Serre, comm. de Saint-Cyprien.

181 Conques, n° 248 (v. 930).

182 Conques, n° 239 (s. d.). Aujols, comm. de Grandvabre.

183 Conques, n° 241 (997-1031) : cedo vel dono... illo alode meo de Aujolis, hoc sunt vineas illa medietate quae habeo cum Eblono fratre meo. A son tour, Eblon sera le premier témoin de cette donation.

184 Conques, n° 257 (février 1001). Molières, comm. d’Escandolières.

185 Conques, n° 125 (avril 1002), 141 (août 997-1004).

186 Aniane, n° 216 (1036-1061). Le Rozier (Lozère), au confluent du Tarn et de la Jonte, en face de Peyreleau.

187 LMSF I, 1 (Gerald) ; I, 26 (Gimon) ; II, 6 (Gozbert) ; II, 8 (Pierre).

188 LMSF I, 1 (repentir de Guibert l’illuminé) : ut perfectius delicta peniteret, attonsa barba, coronato capite, clericattis se mancipavit ordini.

189 Élie : Vabres, n° 47 (942). Siméon : AD Av., 3G 300 n° 1 (848). Benjamin : Conques, n° 186 (946).

190 Élisabeth, esclave, et son fils Élie : Vabres, n° 3 (862). Le nom d’Élie est également porté par un autre esclave (ibid.), par l’oncle d’un aristocrate (Conques, n° 220 ; 913) et par un juge (AD Av., 3G 300 n° 6 ; 906). Élisée est l’un des elemosmarii d’Aldigrim (Conques, n° 218 ; 960). Ésaü figure parmi les boni homines ayant souscrit un échange (AD Av., 3G 300 n° 7 ; 906). Même qualité pour Jonathan, témoin au plaid du vicus Sudiriacus (AD Av., 3G 300 n° 6 ; 906). Le nom de Samuel est porté par le témoin d’une donation comtale (AD Av., 3G 300 n° 2 ; 856), le frère de l’aristocrate Arding (Conques, n° 220 ; 913) et par un modeste alleutier (Conques, n° 216 ; 950). Biblique ou germanique, l’anthro- ponymie d’avant l’an mil transgressait les classes comme la prétendue coupure entre clercs et laïcs ; seuls les noms romains semblent caractéristiques de l’aristocratie, mais ils étaient très minoritaires.

191 F. de GOURNAY, Les Documents écrits... (1992), p. 27.

192 Conques, n° 216 (950), 235 (944). Ce scribe pourrait être le moine Guitbert, mentionné à Conques vers 935 (n° 306) et en 946 (n° 186).

193 Conques, n° 100 (957). 101 (v. 960), 103 (964), 105 (961), 117 (v. 960) : Ragambert. Ibid.. n° 124 (907), 128 (907) : Garibald. Ibid., n° 198 (964) : Aribert. Les listes des moines de Conques en 902, 935 environ, 946 et 958 (Conques, n° 177, 306, 186, 292), certainement exhaustives, ignorent ces trois personnages qui apparaissent surtout pour rédiger des actes laïcs dans la région même de l’abbaye.

194 Cf. ces remarques de Georges DUBY (Le chevalier, la femme et le prêtre, Paris, Hachette, 1981, p. 302) : “Ces guerriers craignaient Dieu... Mais, comme les hérétiques, beaucoup se fiaient à la parole de Jésus : le Royaume n’est pas de ce monde. Pour dormir en paix dans leur sépulcre, pour gagner le Paradis, ils attendaient des prêtres, à l’inverse des hérétiques, les gestes salvateurs qui les laveraient de leurs péchés ; ils leur déniaient pourtant le droit de changer les coutumes”.

195 Ci-dessus (III, 1).

196 Vabres, n° 3 (3 novembre 862).

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