Un « village » d’al-Andalus aux alentours de l’an Mil
|Chapitre 5. Le mobilier
Texte intégral
1Les travaux réalisés ont fourni un mobilier à la fois multiple et varié puisqu’il comprend plus de 50 000 fragments de céramiques, plusieurs centaines d’ossements d’animaux, ainsi que des objets métalliques (bagues, boucles, pince à épiler, couteaux, clous, fer à mulets), lithiques (pierres à aiguiser, mortier, polissoir, broyeurs, pesons de tisserand, meules), des fragments de verre, des perles, et même quelques objets ludiques, comme des pièces de jeu d’échecs, des jetons et un petit dé en os. L’intérêt se concentrera essentiellement ici autour de cinq éléments : les céramiques, le mobilier métallique, les objets en verre, le matériel lithique et enfin les déchets de cuisine.
1. Les céramiques
- 1 Pour éviter toute confusion, la présentation du mobilier portera exclusivement sur le maté (...)
- 2 A. BAZZANA, 1992, p. 138-145.
2Le matériel céramique exhumé se présente de manière très fragmentée et, par suite de son abondance, une trentaine de pièces seulement ont fait l’objet de restaurations au Musée de Huesca1. Délaissant les classifications reposant sur des formes dites « communes et glaçurées » ou « ouvertes et fermées », la présentation de ce mobilier reposera sur un classement établi en associant des critères fonctionnels et stylistiques, conformément à la typologie proposée par André Bazzana2. A titre de remarque préliminaire, on précisera que les seuls fragments n’appartenant pas à la période islamique sont constitués par un petit lot de tessons de céramiques disséminés sur le site et par quelques fragments d’écuelles (escudillas) à décor vert et brun sur fond blanc en provenance de Paterna, découvertes dans la partie du secteur I qui fut réoccupée à la fin du XIIIe siècle.
3La vaisselle de cuisine utilisée pour la cuisson des aliments constitue une part importante (19 %) du mobilier céramique. Ce groupe rassemble des marmites (ollas), des petits récipients à une anse désignés sous le nom de pucheros, ainsi que des cazuelas. Les ollas d’époque califale sont des pièces globulaires à deux anses et fond convexe, présentant un décor incisé sur le haut de panse composé d’une ligne de stries parallèles et de vaguelettes (ollas 1, 2, 4, 5, 6). D’autres décors, moins nombreux, se limitent à une seule ligne d’incisions sur le haut de panse (olla 3). Les marmites plus récentes, d’époque taifale, témoignent d’une évolution sensible : de formes plus globulaire et de dimension plus réduite, elles associent des pièces de couleur grise ou brune (ollas 7 et 8) et des pièces à pâte claire, décorées de traits peints au brun de manganèse (ollas 9 et 10). Un seul exemplaire possède quatre anses (olla 11). Un nombre important de tessons appartient également à des marmites à pâte très fine, recouvertes intérieurement d’une glaçure à l’oxyde de plomb s’étendant parfois sur la partie haute de la paroi externe des pièces. Dans les sols les plus anciens figurent également des petites marmites globulaires (ollitas), dépourvues d’anses, dont la décoration (stries et vaguelettes incisées) est semblable à celle des ollas d’époque califale (olla 12). A cette catégorie appartiennent encore des petits récipients globulaires à fond bombé et à une anse, d’une dizaine de centimètres de hauteur, destinés à la cuisson des aliments et exclusivement présents dans les sols les plus anciens (pucheros 1, 2 et 3). Les cazuelas reprennent les mêmes motifs décoratifs que les marmites d’époque califale (stries horizontales et vaguelettes). Elles présentent une carène assez fortement marquée et leur fond est toujours convexe pour mieux prendre la chaleur du foyer. De manière remarquable au regard des autres sites fouillés dans la région, leur nombre s’avère très réduit et la plupart de ces pièces proviennent d’un même lieu, l’UA 46, qui servait sans doute de cuisine (cazuelas 1, 2 et 3).
4La catégorie formée par la vaisselle de transport, le stockage et la conservation de produits solides ou liquides est de très loin la plus importante par le nombre de tessons trouvés en fouilles (42 %). Elle comprend d’abord de grandes jarres (jarras) à corps globulaire, à deux anses, fond plat et col cylindrique et étroit, à pâte claire recouverte d’un engobe blanchâtre. Ces pièces étaient décorées de traits rectilignes ou courbes peints au brun de manganèse sur la partie supérieure des pièces (jarras 1, 2 et 3). Dans ce groupe figurent également des cantaros à une anse, sorte de grandes cruches à eau accompagnées des mêmes décors (cantaros 1 et 2), des fragments de tinajas, grands récipients aux parois épaisses décorés de cordons d’argile rapportés avec empreintes digitales, ainsi que quelques fragments de gourdes (cantimploras) à pâte fine et goulot latéral, dépourvues de toute décoration. C’est également dans cette catégorie qu’il convient de placer une petite bouteille, d’une dizaine de centimètres de hauteur, à fond plat et sans anse, recouverte d’un engobe épais, et dont la lèvre était peinte au brun de manganèse (botellita 1).
5La vaisselle destinée au service des aliments et des produits liquides représente également une part notable du mobilier céramique (26 %). Ce groupe rassemble des formes ouvertes (ataifores, cuencos, escudillas) et des formes fermées parmi lesquelles des redomas (vases servant d’huilier ou de vinaigrier) des pichets, et surtout des jarritas et des jarritos. Particulièrement nombreux, les ataifores se présentent sous la forme de grands plats creux à pied annulaire, dont le diamètre était compris entre 200 et 350 mm, que l’on utilisait pour servir des viandes, des légumes et des fruits (ataifores 1-15). La plupart présentent des lèvres à inflexion externe, des parois convexes ou divergentes, avec une rupture marquée du profil, parfois soulignée par un ressaut. Certains présentent également des petits orifices circulaires permettant de les accrocher aux parois des habitations. Quatre types de décors ont été répertoriés. La majorité portent une glaçure melado accompagnée de décors peints au brun de manganèse sur la face interne parmi lesquels prédominent des motifs végétaux stylisés. D’autres, sensiblement moins nombreux, présentent sur une glaçure stannifère blanchâtre de médiocre qualité, une série de petits ronds peints à l’oxyde de cuivre au centre de la pièce et deux fragments seulement sont décorés au moyen de la technique dite cuerda seca parcial. Quatre tessons portent enfin une décoration verde manganeso (ataifores 16, 17, 18 et 19). En revanche, les nombreuses coupelles à pâte claire, à une ou deux anses et rebord parfois festonné, découvertes dans le secteur I, étaient seulement recouvertes d’une glaçure plombifère assez grossière, de couleur jaunâtre (escudillas 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7). On signalera encore la présence de quelques bols (cuencos 1 et 2) à pied annulaire, décorés sur leur face interne d’une glaçure de couleur miel.
6Les formes fermées sont principalement constituées par des jarritas à pâte rosacée, décorées de traits à l’oxyde de manganèse. Présents dans toutes les pièces fouillées, ces vases à corps globulaire et col cylindrique, à fond plat, comprennent deux anses à section ronde, avec ou sans tenons. La plupart présentent un décor de traits horizontaux peints au brun de manganèse sur les cols et les parties hautes des panses, et un seul exemplaire (jarrita 11), découvert dans un sol contemporain du XIe siècle, est recouvert de larges ondes et de traits obliques. C’est également dans la catégorie des jarritas que l’on a placé cinq récipients sans parallèles connus dans la région, à savoir des céramiques à deux anses verticales fortement recourbées, à panse globulaire et col cylindrique, lèvre exvasée et pied annulaire, de 100 à 120 mm de hauteur : quatre étaient couvertes d’une glaçure melado accompagnée de traits courbes peints à l’oxyde de manganèse (jarritas 13, 14, 15 et 16), tandis qu’une cinquième présente un décor de cuerda seca parcial sous la forme de petits cercles peints tout autour de la panse (jarrita 12). Le nombre de jarritos découverts est également important. Il s’agit de pièces à fond plat ou légèrement bombé, à panse globulaire prolongée par un long col cylindrique et un goulot resserré, présentant un décor de stries incisées ou de cannelures parallèles (jarritos 3,4,5 et 6). Quelques exemplaires plus anciens, sans doute d’époque califale, présentent une série de décorations pseudo épigraphiques peintes au brun de manganèse (jarritos 1 et 2). On trouve enfin dans ce groupe des bouteilles de forme assez globulaire, à fond plat et goulot concave terminé par un bec pincé (redomas 1, 2, 3 et 4). Ces pièces sont recouvertes d’une glaçure de couleur jaunâtre accompagnée des traits courbes peints au brun de manganèse qui rappellent les décors végétaux stylisés figurant sur de nombreux ataifores. Plusieurs autres (redomas 5, 6 et 7), de dimensions variables, sont recouvertes d’une glaçure monochrome de couleur verte et présentent un bec pincé permettant l’écoulement des liquides. Une dernière enfin, de taille beaucoup plus réduite, pourrait également être considérée comme un verre ou un petit jarrito (redoma 8). On signalera encore la présence d’une tasse à fond plat (taza), à une anse, parois convergentes et lèvres arrondies, recouverte sur ses deux faces d’une glaçure de couleur miel et de traits de couleur verte peints à l’oxyde de cuivre (45 mm de hauteur).
7La catégorie des vases ou objets à usages domestiques multiples est essentiellement représentée ici par quelques fragments de grandes cuves ou bassines appelées alcadafes, c’est-à-dire des vases à fond plat, à parois épaisses, rectilignes et divergentes, utilisés pour préparer des légumes ou la pâte à pain, laver la vaisselle ou des vêtements de petite taille.
8Le groupe des éléments additionnels ou annexes, c’est-à-dire formé par des pièces qui ne s’emploient pas seules mais qui sont destinées à compléter un autre vase, est, à une exception près, formé par des couvercles (tapaderas 1 et 2) s’appliquant à des jarritas. Il s’agit de couvercles à base plate ou concave, à rebord exvasé et bouton central de préhension. Un seul exemplaire, de taille plus réduite, s’apparente davantage à un bouchon cylindrique se terminant par un bouton de préhension (tapadera 3). C’est dans cette catégorie qu’il convient de mentionner la présence d’un bouchon circulaire, de 35 mm de diamètre, perforé en son centre pour permettre d’y glisser une cordelette, qui avait été taillé dans un fragment de jarre décoré de traits au manganèse sur un engobe blanchâtre.
9Une dizaine de réceptacles à feu ont également été mis au jour sous la forme de lampes à huile (candiles 1, 2, 3). La plupart sont des candiles de cazoleta, c’est-à-dire des lampes ouvertes, glaçurées ou non, de 30 à 32 mm de hauteur, composées d’une coupelle à fond plat ou concave, aux parois rectilignes légèrement divergentes, avec un bec pincé ou trilobé pour l’installation de la mèche (candiles 2 et 3). En revanche, un seul tesson de candil de pie alto a pu être observé sous la forme d’un gros fragment à une anse décoré de motifs géométriques peints au brun de manganèse (candil 1).
On soulignera enfin la rareté de céramiques à usage artisanal, seulement représentées ici par des tuiles canal faiblement incurvées, faites d’argile mélangée à de la paille, et dont la longueur avoisinait 335 mm et l’épaisseur moyenne 15 mm. Plusieurs présentaient des traces externes de lissage au doigt et, sur la face interne, les empreintes du tissu utilisé lors de la confection de la tuile sur la cuisse du potier afin de les retirer plus aisément. C’est également dans cet ensemble qu’il convient de placer plusieurs briques d’adobe, de dimensions variables (33cm/44cm/64cm, 30cm/42cm/70cm, 31cm/51cm/74cm et 30cm/12cm/4cm), découvertes dans le secteur II. Leur nombre trop peu important interdit de supposer que des parois entières étaient édifiées au moyen de ce matériau mais on peut en revanche admettre qu’elles formaient des lits réguliers permettant de récupérer l’horizontalité des maçonneries.
10En résumé, on observera que ce mobilier céramique des Xe et XIe siècles révèle une assez grande homogénéité, tant du point de vue des formes que des décors. L’ensemble des pièces identifiées forme un corpus d’une quinzaine de formes distinctes, ce qui constitue un répertoire morphologique réduit. On soulignera également la prédominance des céramiques non glaçurées (76 %), la part majoritaire de trois séries de bases (jarras, jarritas et ollas) et l’importance de la vaisselle culinaire et de conservation. En s’en tenant aux récipients à proprement dits, c’est-à-dire sans tenir compte des lampes et les couvercles, les marmites (ollas), les cruches à eau (jarras, jarros, jarritas, jarritos...) et les plats et les coupes (ataifores et cuencos réunis) représentent plus des trois-quarts des poteries. Il s’agit-là des récipients de base pour la vie domestique dont le nombre traduit une production massive, en particulier dans le courant du XIe siècle, à l’époque taifale.
- 3 Ce mobilier a déjà fait l’objet d’une étude partielle par C. DÉLÉRY dans sa thèse inédite (...)
11Par ailleurs, même si l’ensemble du site n’a pas encore été fouillé, on relèvera plusieurs absences notables, comme celle des marmites à deux tenons et fond plat, présentes dans toute l’Andalousie et le Levant, l’absence absolue de foyers portatifs (anafres), de godets de noria (arcaduzes), et surtout celle de tout objet céramique pouvant traduire la présence de fours de potiers, tels que pernettes (atifles) ou barres cylindriques (appelées birlas en Aragon). Si le nombre de pièces décorées au verde manganeso s’avère fort réduit (4 tessons), il n’en est pas de même pour les pièces portant une décoration dite de cuerda seca parcial, trop souvent considérées comme des productions de luxe, absentes des sites ruraux éloignés des villes3. Sans doute s’agit-il ici d’un nombre très limité de tessons (une cinquantaine au total) mais leur répartition révèle que ces céramiques étaient présentes dans une dizaine de pièces différentes et que l’on en trouvait en moyenne une par maison. Ajoutons que deux tessons découverts dans le secteur I au sein de sols d’époque taifale présentent des décors zoomorphes en relief sous glaçure melado. Enfin, en l’absence d’analyse de pâtes et par suite de la rareté de sites islamiques fouillés au Nord de l’Ebre, il est difficile de préciser de quels ateliers provenaient les céramiques découvertes. Presque naturellement, les études comparatives révèlent de nombreuses similitudes avec les pièces découvertes lors de fouilles urbaines à Huesca (Diputación Provincial) et Saragosse (calle San Pablo), mais également avec celles provenant de la région de Lérida, en particulier du Tossal de Solibernat et du Portal de la Magdalena.
2. Le mobilier métallique
12Comparativement au matériel céramique, le mobilier métallique s’est avéré assez peu abondant, à plus forte raison si l’on met de côté les clous de fer qui représentent ici plus des trois-quarts de l’ensemble, et dont une trentaine seulement ont fait l’objet d’une restauration.
13Le mauvais état de conservation des 62 clous réunis paraît interdire toute typologie, mais on soulignera cependant que prédominent dans cet ensemble des petites pointes à tête plate de 3 à 4 cm de diamètre et d’une longueur conservée allant de 3 à 8 cm. Plusieurs furent découvertes plantées dans une solive effondrée sur le sol d’occupation de l’UA 10. Un deuxième groupe, toujours à tête plate, était constitué par des pointes plus épaisses, à section carrée d’environ 4 mm de côté, et surtout plus longues, certaines pouvant même dépasser 12 cm. Une autre série, tout aussi fréquente, était formée par des tiges de fer dépourvues de tête, de 8 à 10 mm de diamètre, certaines pouvant atteindre jusqu’à 20 cm de longueur. Les clous à tête ronde étaient beaucoup moins nombreux (moins d’une demi-douzaine au total). Parmi ceux-ci figurait une grosse pointe de 35 mm de diamètre, trouvée près de la mosquée.
14L’absence absolue d’armes et de matériel militaire mérite d’être soulignée et les seuls vestiges d’objets contendants retrouvés sur le site sont des lames ou des manches de couteaux plus probablement destinés à la cuisine. Parmi ces objets figurent une lame de couteau de 75 mm de longueur et un manche métallique de 105 mm de long présentant deux petites excroissances centrales pour maintenir la pièce de bois qui le recouvrait.
15Le reste du mobilier métallique était constitué par des objets de parure, des accessoires de ceinture et d’habillement en métal cuivreux et quelques bijoux. Les éléments d’outillage liés aux travaux des champs étaient assez rares et un seul fragment de fer à cheval (ou plus sûrement de mulet) a été observé à l’intérieur de l’U A 7. Comme on l’a déjà souligné, l’unique clé découverte sur le site fut rencontrée près de la mosquée : il s’agissait d’une pièce de fer de section circulaire et de 51 mm de longueur.
- 4 C. ESCÓ, J. GIRALT et Ph. SÉNAC, 1988, p. 168 et 169.
16Plusieurs objets en cuivre furent découverts dans le secteur I4. Parmi ceux-ci figuraient une fine plaque de 25 mm/2 mm, un fragment d’attache et surtout un petit clou en cuivre à tête ronde, d’environ 18 mm de longueur. On retiendra également dans cet espace la présence de deux bagues : l’une, accompagnée d’une pierre en pâte de verre de couleur verte, et l’autre, peut-être associée à une pierre de couleur claire. La pièce métallique la plus remarquable demeure cependant cette pince à épiler en cuivre, de 49 mm de longueur, découverte aux abords de la mosquée.
17Le reste du mobilier cuivreux provenait du secteur II. Parmi celui-ci, figure une agrafe à deux extrémités circulaires perforées (fig. 50), de 65 mm de longueur, deux boucles de forme ovoïde, et enfin deux petites appliques couvertes d’une dorure servant vraisemblablement à décorer un coffret.
3. Les objets en verre
- 5 L’ensemble des fragments réunis lors des débuts de la fouille du secteur I avait été confi (...)
- 6 Les fonds de ce type sont attestés, entre autres, parmi les fragments découverts sur le si (...)
18L’étude des fragments de verre recueillis lors des fouilles a été contrariée par la disparition d’une partie notable du matériel provenant du secteur I5. De la sorte, les remarques qui suivent concernent exclusivement une série de petits fragments confiés à Sophie Makariou, conservateur des Antiquités islamiques au musée du Louvre, et à Claire Déléry, assistante de conservation. D’après celles-ci, et bien que peu nombreux, ces objets constituent cependant une source d’intérêt notable dans la mesure où les productions de ce temps, à l’exception de grands sites comme Madînat al-Zahrâ’ ou Pechina, sont encore mal connues. L’étude des fragments conservés montre que ceux-ci appartenaient à quatre formes distinctes : des gobelets à parois verticales et fond convexe (HUM 01/10/29)6, des coupelles, des bouteilles à col cylindrique et bouche trilobée, et des petites jarres ou pichets à panse globulaire et col largement évasé, tronconique inversé (HUM 95/1/8 et HUM 01/10/26).
- 7 Pour ce qui est de nos connaissances relatives à l’utilisation du verre de couleur mauve e (...)
19Les couleurs des parois sont de nature diverse, incolore transparent, bleu-vert transparent, vert transparent et bleu outremer transparent. Lorsque l’on en discerne la trace, les filets rapportés sont de couleur bleu outremer, incolore et mauve. La plupart des fragments découverts semblent correspondre à des pièces monochromes mais quelques fragments à décor de filet rapporté sur la lèvre témoignent cependant de l’existence de pièces bicolores (filet bleu outremer ou mauve sur paroi incolore transparente)7. Au regard de l’état très fragmentaire des lots de verre conservés, il est impossible d’évaluer la part des pièces sans décor ainsi que la fréquence d’apparition des différents décors. Deux types méritent cependant une attention particulière : les décors de filets rapportés et les décors moulés. Les filets rapportés sont appliqués sur la lèvre de plusieurs pièces ouvertes (coupes ?) et sur le corps d’une pièce fermée (petite jarre, petit pichet ou flacon : HUM 01/10/26). Un fragment de coupe (HUM 01/10/25) présente à la fois un décor de filet bleu rapporté sur la lèvre et un décor moulé (motifs de fines bandes horizontales) sur les parois. Les fragments à décors moulés présentent le plus souvent des motifs en « nids d’abeille » (HUM 01/5/370), mais on remarque aussi l’existence d’autres motifs moulés, en particulier un motif (de rectangles ?) formant damier (HUM 01/10/27), un autre décor de fines bandes horizontales et, sur le fond de deux pièces, un dernier motif probablement composé de cercles concentriques.
20En résumé, bien que réduit et très fragmenté, ce lot de verres témoigne de la diffusion en dehors des sites urbains des nouvelles productions de verres directement liées à l’implantation de plusieurs techniques orientales en al-Andalus. La provenance de ces objets demeure inconnue, mais il s’agit sans doute d’une production urbaine contemporaine de celle attestée à Pechina, Madînat al-Zahrâ’ et Alcalá la Vieja. Au-delà de ces quelques données, on soulignera que la répartition des fragments révèle que l’usage d’objets en verre était tout aussi fréquent dans le secteur I que dans les constructions du secteur II et qu’il serait maladroit d’y voir une production de luxe réservée à une élite en milieu rural.
4. Le mobilier lithique
21L’essentiel du mobilier lithique mis au jour comprend plusieurs séries d’objets parmi lesquels des meules, des pierres à aiguiser, des broyeurs ainsi que des pesons de tisserands et des fusaïoles. Avant que d’évoquer ces objets, il convient d’accorder une place à part à deux pièces remarquables, à savoir une pièce de jeux d’échecs taillée dans la pierre (hauteur : 490 mm, poids : 128 g) et un élément de collier formé par un épais anneau de 12 mm de diamètre maximal et de couleur brune.
22La totalité des meules contenues dans les sols d’occupation ont été retrouvées dans le secteur II. Les plus grandes, d’un diamètre voisinant 50 cm, étaient en grès tandis que les plus petites, d’un diamètre égal ou inférieur à 40 cm, étaient les plus souvent façonnées dans un conglomérat à éléments arrondis de quartz et d’argilite, de teinte brune ou rouge, liés par un ciment calcaire finement gréseux. Il s’agissait de meules rotatives, à bras, tournant autour d’un axe central et dont certaines, brisées ou trop érodées, furent utilisées comme pierre de seuil (UA 43) ou comme regard dans une canalisation (UA 51). A l’exception d’une meule mise à jour dans l’UA 40, les fragments conservés ne présentent pas de cavité latérale pour fixer une pièce de bois et la relative rareté de ces meules conduit à supposer que l’on utilisait d’autres outils pour un broyage sommaire des grains.
23Cette hypothèse semble confirmée par la présence de plusieurs broyeurs provenant du secteur II, mais leur nombre exact reste difficile à fixer dans la mesure où certains galets découverts dans les sols d’occupation furent peut-être aussi utilisés à cet effet. La plupart de ces pièces, de 8 à 10 cm de diamètre, présentaient une base plane et lisse tandis que leur partie supérieure, convexe, était taillée plus sommairement pour en faciliter la préhension. On soulignera encore la présence d’un mortier présentant une cavité interne creusée dans un galet et sans doute destiné sans doute au concassage des graines.
24La fouille a également permis la découverte de plusieurs pierres à aiguiser, polissoirs, hachettes et herminettes en pierre polie, préhistoriques pour la plupart. Il s’agissait d’objets de petites dimensions, présentant des formes allongées et des sections ovales, caractérisées par la progressive réduction de leur largeur ou de leur épaisseur par rapport à la longueur, ce qui facilitait la tenue de l’outil. Certaines pièces présentaient des rainures provenant d’un usage répété et, de manière très remarquable, l’une de ces pierres polies fut retrouvée au fond d’une cavité dans laquelle venait s’enfoncer le montant d’une porte.
25On signalera encore la présence de plusieurs pesons de tisserand taillés dans des galets qui répondent à deux types distincts : la plupart présentent une seule cavité tandis qu’un exemplaire, découvert dans l’UA 5, se caractérise par la présence de deux orifices creusés perpendiculairement l’un à l’autre. La découverte de ces objets, associés à plusieurs fusaïoles taillées dans des jarres, montre que les habitants du lieu pratiquaient des activités de tissage qu’il conviendrait peut-être de mettre en relation avec certaines cavités creusées dans le sol rocheux, vestiges possibles de métiers à tisser, en particulier dans le cas de l’UA 3.
5. Les ossements d’animaux et l’alimentation
- 8 Quelques rares ossements de chiens et de chevaux figuraient egalement dans le sol d’occupa (...)
26L’étude et la détermination des ossements d’animaux découverts dans les foyers des niveaux d’occupation permettent de mieux apprécier l’alimentation des habitants du site. Comme on l’a déjà signalé, les foyers non appareillés creusés dans le sol de certaines pièces et contemporains de la construction des lieux comprenaient une majorité d’ossements appartenant à poules, des lapins, des pigeons et des moineaux. Par la suite, les divers échantillons prélevés dans les sols d’occupation du secteur II indiquent une large prédominance des petits ruminants dans l’alimentation paysanne : chèvres et des moutons (88,7 %), porcs et sangliers (4,8 %), bovins (3,2 %), poules (1,6 %) et lapins (1,6 %)8.
- 9 Le reste des ossements identifiés sc décomposait de la manière suivante : bovins (11), san (...)
27La répartition des 249 ossements d’animaux collectés dans les rares foyers du secteur I ne témoigne d’aucune différence sensible puisque 210 fragments, soit 84,3 % du total, se rapportent également à des petits ruminants9. Ces pourcentages ne présentent guère d’évolution tout au long de la période, à ceci près que les échantillons provenant des foyers les plus récents, vraisemblablement d’époque taifale (XIe siècle), semblent indiquer un léger déclin de la part des petits ruminants dans la consommation d’aliments carnés (81 %).
- 10 Analyse réalisée par Ch. Hallavant (Toulouse 2-Le Mirail, équipe Traces).
28Tout au long de la période d’occupation islamique du site, cette alimentation devait être complétée par la consommation d’escargots dont un grand nombre de coquilles ont été retrouvés, en particulier dans les sols d’occupation des constructions de la maison E. Pour le reste, les prélèvements effectués dans les divers foyers du site n’ont révélé aucun autre indice de compléments alimentaires (fruits, légumes...), à l’exception de quelques petits noyaux d’olives calcinés provenant d’un foyer creusé dans le sol rocheux de l’UA 2310.
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29La brièveté des remarques qui précèdent, tout comme les planches de dessins ou de photographies contenues dans ce premier état des recherches menées sur le site, ne constituent qu’un résumé des découvertes effectuées. Dans le domaine céramique en particulier, une attention plus soutenue permettrait sans aucun doute de reconstituer d’autres objets et de compléter le corpus présenté. Au-delà de ces réserves, il n’en demeure pas moins que les résultats obtenus traduisent bien la lente évolution des formes et des décors au cours des Xe-XIe siècles et que l’état des sols d’occupation plaide plutôt pour un abandon du site de manière organisée, les habitants ayant probablement pris le temps d’emporter avec eux la plupart des objets qui formaient leur quotidien...
Notes
1 Pour éviter toute confusion, la présentation du mobilier portera exclusivement sur le matériel contenu dans les sols d’occupation (6624 pour le secteur I et 16420 tessons pour le secteur II), mais on précisera que celui découvert dans les niveaux d’abandon, ainsi que celui provenant de ramassages de surface, était tout aussi abondant, en particulier dans les parties les plus basses du site, sous l’effet du glissement des éboulis et des sols le long des pentes (23210 tessons).
2 A. BAZZANA, 1992, p. 138-145.
3 Ce mobilier a déjà fait l’objet d’une étude partielle par C. DÉLÉRY dans sa thèse inédite Dynamiques économiques, sociales et culturelles d’al-Andalus à partir d’une étude de la céramique de cuerda seca (seconde moitié du Xe siècle-première moitié du XIIIe siècle), Toulouse 2, 2006.
4 C. ESCÓ, J. GIRALT et Ph. SÉNAC, 1988, p. 168 et 169.
5 L’ensemble des fragments réunis lors des débuts de la fouille du secteur I avait été confié en 1994 à une étudiante de l’université de Lyon II en vue d’une maîtrise d’histoire et d’archéologie, mais ce matériel n’a jamais pu être récupéré. Il s’agissait d’une cinquantaine de fragments appartenant principalement à des bols et à des petites bouteilles à col cylindrique.
6 Les fonds de ce type sont attestés, entre autres, parmi les fragments découverts sur le site de Pechina : F. CASTILLO et F. MARTÍNEZ, 2000, p. 95, fig. 4, 5 et 6.
7 Pour ce qui est de nos connaissances relatives à l’utilisation du verre de couleur mauve en al-Andalus et aux publications de fragments de verre attribués à l’époque califalc : J. ZOZAYA, 2000, ainsi que les articles relatifs à Pechina et à Madînat al-Zahrâ’ publiés dans le même ouvrage. Quelques éléments nouveaux sont aussi à remarquer dans le catalogue de l’exposition qui s’est tenue à la Real fábrica de cristalcs de la Granja (Segovia) : Vidrio islámico en al-Andalus, Cuenca, 2006.
8 Quelques rares ossements de chiens et de chevaux figuraient egalement dans le sol d’occupation de certaines constructions comme les UA 7 et 8.
9 Le reste des ossements identifiés sc décomposait de la manière suivante : bovins (11), sangliers (10), lapins (6), oiseaux (6), poules (5) et chat (1).
10 Analyse réalisée par Ch. Hallavant (Toulouse 2-Le Mirail, équipe Traces).
Table des illustrations
© Presses universitaires du Midi, 2009