Introduction générale

1Raconter la vie des saints est un exercice qui se construit sur un socle conventionnel installé de longue date. Depuis les Actes des martyres, les Vies et Passions des saints, les textes liturgiques médiévaux et surtout la Légende dorée de Jacques de Voragine, les récits hagiographiques ont des caractéristiques bien particulières. Il s’établit entre le narrateur et le lecteur, ou l’auditeur, un contrat selon lequel, grâce à la foi, on accepte sans réserves des narrations où le merveilleux religieux constitué de martyres admirables et de miracles en abondance ne met pas en question l’authenticité des faits rapportés. Ce contrat fonctionne tellement bien que l’hagiographie n’est bien souvent qu’une variante sacrée de l’historiographie. La force de la convention est soutenue par l’appareil ecclésiastique qui s’appuie sur le récit hagiographique pour étayer la foi des fidèles. Toutefois la rigidité du cadre conventionnel n’est pas un obstacle à des excursions à la marge, voire à des innovations qui font de l’hagiographie un domaine culturel soumis à de nombreuses adaptations en fonction des contextes idéologiques, historiques ou littéraires auxquels il est confronté. Idéologiquement, le concile de Trente est évidemment un jalon capital, mais d’autres perspectives idéologiques à l’échelle d’une ville, d’une région ou d’un pays peuvent jouer un rôle circonstanciel dans la constitution d’une figure de saint. Par ailleurs, on sait que l’Eglise élargit progressivement les bases sociales d’où sont issus les nouveaux canonisés, ce qui conduit à une plus grande variété dans l’environnement des saints et l’espace où ils évoluent. Enfin, la grande variété des genres littéraires, depuis les récits à dominante historique jusqu’aux fictions théâtrales où divertir est aussi important qu’enseigner, en passant par les œuvres à visée catéchétique et édifiante, ouvre considérablement le champ des innovations. C’est cette dialectique entre conventions et innovations que met en relief ce recueil de communications qui ont été pour la plupart prononcées lors de colloques organisés par des chercheurs du framespa et qui sont essentiellement regroupées autour de trois thèmes : « Espace physique et espace scénique du saint », « L’entourage du saint », « Rire et sainteté ».