L’abbaye cistercienne de Grandselve
|Cinquième Partie. Le champ social
Chapitre 1. Dépendance et liberté personnelles
Texte intégral
1Les archives ecclésiastiques sont peu propices, dans l’ensemble, à l’étude des hommes à travers leur condition d’existence et dans leurs rapports. Elles traitent, indirectement, du statut de la terre, du monde rural et de ses transformations économiques, mais le monde urbain reste obscur. Dans celles de Grandselve, on peut approcher la vie des paysans de la Gascogne toulousaine, mais très peu celle des Toulousains : l’ensemble consulté ne se prête pas à une meilleure connaissance des citadins et il aurait fallu dépouiller le fonds de la série 7 D relative au Collège Saint Bernard, aux Archives départementales de Haute-Garonne pour ce faire.
2Le champ social est donc restreint à celui dont la terre organise et structure un certain type de société, où seigneurie et féodalité sont prépondérantes, où se pose le problème de la réalité du servage. Là encore, les archives ecclésiastiques renseignent sur les catégories socialement liées à la vie du monastère, par la réciprocité ou la dépendance. Mais le monde féodal, la relation hiérarchique par excellence ne sont que marginalement évoqués. Il faudrait pour cela des archives laïques, comtales par exemple, ce qui n’est pas.
3La société, dans les campagnes, fondée surtout sur la possession et l’exploitation de la terre, avait élaboré des rapports de domination dont certains avaient un caractère institutionnel, d’autres un caractère juridique, d’autres encore un caractère moral et matériel. Deux orientations différentes, mais s’interpénétrant étroitement, empêchent toute classification réelle du monde rural : la pauvreté et la liberté. La condition réelle des personnes manque le plus souvent de critères objectifs d’appréciation, et à défaut de preuves scientifiques, il faut se fier à la seule intuition, à des impressions qui se dégagent après une longue fréquentation d’un ensemble de textes.
4Les signes même de la dépendance sont souvent ambivalents : l’hommage peut être celui du serf à son maître, du vassal à son seigneur, du chevalier à son suzerain. Droits sur la terre et droits sur la personne s’imbriquent de manière originale. Mais, en fin de compte, c’est la place de l’abbaye dans ce contexte qui demeure la plus intéressante. Comment a-t-elle participé, en raison de ses bases foncières, à un monde où la terre règle les rapports sociaux ? Comment s’est-elle insérée dans le tissu des liens d’assujettissement, elle qui ne pouvait avoir ni tenancier, ni serf, selon les prescriptions cisterciennes ? Mais surtout, a-t-elle eu une action spécifique, s’est-elle démarquée vis-à-vis des usages de son temps ? Tout monastère est aussi une micro-société, qui se veut modèle. Les deux structures étaient-elles harmoniques ?
DEPENDANCE INSTITUTIONNELLE, JURIDIQUE ET ECONOMIQUE
5L’abbaye entretenait des liens de domination avec plusieurs catégories de personnes, à un double titre. En tant qu’institution, les membres de sa communauté lui étaient liés ; en tant que membre d’un corps social, elle nouait des rapports de subordination avec des gens extérieurs.
Les habitants de l’abbaye
6Elle était une structure fortement hiérarchisée, avec plusieurs degrés, les moines et pères, les frères convers, les « habitants » des lieux dont les donats. On pourrait voir là des castes, mais par ailleurs chaque catégorie avait sa place, sa fonction dans l’ensemble. La complémentarité et l’idéal commun masquaient les possibilités de tensions sociales internes.
- 1 11008 f° 195 : le 4 août 1182.
- 2 9994 f° 151 v°
- 3 9994 f° 109.
- 4 11008 f° 184 v° : en août 1174.
- 5 9994 f° 31.
- 6 9994 f° 36.
7Il aurait été intéressant de connaître l’origine sociale des moines et des convers, mais la documentation ne favorise pas une telle approche. Tout au plus connaît-on une origine géographique par anthroponymie, et alors les risques d’homonymie deviennent redoutables. Prenons l’exemple de Frère Pierre de Bessens, mentionné en 11821 comme témoin de la constitution d’un gage : est-ce bien Pierre de Bessens, fils de Blancagent2 elle-même fille du seigneur Pierre de Bessens3 ? Ou bien un autre Pierre de Bessens, affranchi ainsi que sa progéniture par l’abbaye en 11744 ? Il n’y a aucun moyen de choisir, à moins d’évoquer un troisième larron. En 1167, un frère Bernard de Combes figure comme témoin5, mais en 1169 Bernard de Combes qui a déjà effectué de nombreuses donations en faveur de l’abbaye, encore sain d’esprit et sans doute sur son lit de mort, dorme son honneur à son fils mineur, Bernard de Combes et confie les deux à l’abbaye6. Est-ce le même ? La seule indication géographique est insuffisante. Les autres cas, portant sur les familles de Coubirac et de Varanhas, ne sont pas plus probants. Il faudrait pouvoir établir de véritables généalogies pour élaborer des hypothèses, comme celle de l’envoi de cadets de famille au sein de l’abbaye.
- 7 Ch. de Miramon, Les donnés au Moyen Age : une forme de vie religieuse laïque (v. 1180-v. 1500), Ed. (...)
8Quel est le sort des donats ? Ce sont des laïcs que leur piété et le souci du salut de leur âme rapprochent des monastères. Selon une formule maintes fois répétée, ils donnent à Dieu, à la Vierge Marie et à Grandselve, leur corps, parfois leur âme, leurs biens. Ils abandonnent donc leur éventuelle liberté initiale pour se placer à l’intérieur de la communauté. Désormais ils feront partie des « habitants », vivant, travaillant, veillant aux intérêts communs. Et s’ils restent laïcs ils peuvent être ensevelis avec l’habit de l’Ordre7.
- 8 108 H 56 f° 87 v° : en juillet 1228.
- 9 Doat 76 f° 107 : en 1160.
- 10 Doat 78 f° 111 : en 1193.
- 11 G. Bourgeois, « Les granges et l’économie de l’abbaye de Nonenque au Moyen Age », Cîteaux, 1973, p. (...)
- 12 108 H 56 f° 257 : en 1218, janvier.
9Le donat n’arrive jamais les mains vides. Brun Galin, habitant de La Ville-Dieu, se donne avec 50 s. toulzas8. En général, ils apportent des terres : Galard de Sirac offre tout son honneur situé entre la Gimone, le Serrampion et l’Auzi9. Bernard Guilhem de La Mote donne son corps, son âme, promet de servir Dieu à Grandselve, et offre tous ses honneurs (terres cultes, incultes, vignes, bois, pâturages, dîmes), tous les hommes et femmes qui les tenaient de lui, et tout le service qu’il en pouvait avoir (cens, usages, oblies, etc.10). Voilà un personnage, fils du seigneur Arnaud Guilhem de La Mote, qui est de petite noblesse. G. Bourgeois a remarqué pour l’abbaye de Nonenque que les donats étaient souvent de noble origine11 servis comme tels, sans toutefois aller jusqu’à tenir cavalerie. A Grandselve, cela n’est pas aussi évident. Si Bernard Guilhem de La Mote est issu de l’aristocratie, cela est moins sûr pour Raymond de Foissa et encore moins pour les autres. D’autre part la décision peut être familiale : Pierre Vidal de Verdun se donne et donne son fils en même temps avec toutes ses terres entre Aucamville et Mauvers, et une maison à la Salvetat de Verdun12.
- 13 108 H 56 f° 264 v° : le 14 février 1315.
- 14 108 H 56 f° 137 v° : le 31 août 1305.
- 15 108 H 56 f° 298.
10Les donats n’abandonnent pas tous leurs biens en entrant dans l’abbaye. Ils peuvent en conserver, ou en acquérir, en les gardant distincts de la communauté. L’abbaye achète les droits sur un jardin et une maison situés à côté de la terre de Bernard Vidal, son donat13, et Imbert Henriet est déjà donat quand il cède une maison et un emplacement et demi à Comberouger14. Bernard Vidal, en 1284, prend une terre en fief de l’abbaye, dans l’île de Masenque, pour la tenir pendant sa vie, à charge de payer un cens annuel de 5 s. toulzas15. Il se trouve donc exactement dans la situation sociale d’un tenancier, si ce n’est que le bail est limité à sa vie. Mais à la fin du XIIIe siècle, cette restriction était déjà utilisée dans d’autres inféodations.
- 16 108 H 46 f° 74.
- 17 108 H 46 f° 75 à 78.
- 18 108 H 42.
11Le protagoniste le plus intéressant est sans doute Causitus de Carcassonne, habitant d’Auvillar. En 1286, Grandselve lui achète une vigne et il se donne à elle avec tous ses biens16. Mais en fait, la réception est remise à plus tard. Le 13 octobre 1290, il donne, et sa femme et son fils s’associent à lui, 32 dénariées de terre, une demeure, un casal et tous ses biens et tous ses droits. Il est reçu, ainsi que son fils, donat, le 5 novembre 1290 et l’abbaye leur laisse une certaine portion de biens tant qu’ils vivront. En 1301, il cède quelques dénariées de vignes, et en 1320 quelques autres, à moins qu’il ne s’agisse alors du fils17. Il figure également comme témoin en 1303 lors de la confirmation de la sentence arbitrale répartissant les églises de Saint-Sernin-de-Ricancelle et Saint-Avit-de-Caujac, entre Grandselve et Mas-Grenier18.
- 19 108 H 56 f° 116 : le 5 octobre 1284.
12La situation des donats est donc assez originale puisqu’ils jouissent d’une certaine indépendance économique et ne sont pas à la charge du monastère. Ils semblent occuper une place à part dans la vie monastique, le côté laïc et individuel étant assez fortement accentué. Et lorsque Bernard Vidal, encore lui, achète une vigne près de Bouillac à Guilhem Sans de Loid, habitant en Gascogne, pour la grosse somme de 7 L. toulzas, c’est bien pour lui et non pour l’abbaye19.
13La répartition et la quantité des mentions de donats appellent quelques remarques. Les exemptions de leude et de péages les citent, au même titre que les moines, convers et autres habitants des lieux. Il est vraisemblable qu’ils aient accompagné les convois de marchandises, plus facilement que les religieux qui ne s’écartaient guère de leur couvent. Mais le nombre de gens dans ce cas est finalement très limité. Si on se souvient que Causitus de Carcassonne et Bernard Vidal interviennent à plusieurs reprises, seule une douzaine de noms jalonne les chartes.
14Quelques-uns sont reçus entre 1160 et 1163, puis en 1191 et 1193 ; quelques autres noms ponctuent le XIIIe siècle, 1217, 1228, 1251, mais à partir de la fin du siècle, les exemples sont plus fréquents : 1284, 1290, 1301, 1305. 1315. Le phénomène a dû exister dès le milieu du XIIe, mais peu fréquent, et ne prend une quelconque ampleur, quoique très limitée qu’à la fin du XIIIe et au XIVe siècle.
15Il est tentant de mettre cela en rapport avec le chiffre des convers. La thèse classique veut qu’il se produise une baisse de leur nombre au cours du XIIIe, due à un ensemble de facteurs tant économiques que sociaux et religieux. Les donats offriraient alors un statut assez original où le lien religieux était conservé, mais le lien économique affaibli. En fait, il n’est pas prouvable qu’à Grandselve la proportion des convers ait diminué de manière notable au cours de cette période. On ne sait donc quels pouvaient être les réalités respectives, et les rapports de ces deux catégories différentes mais sans doute complémentaires dans la vie de l’abbaye.
16L’abbaye avait aussi du personnel domestique, des salariés à qui elle fournissait travail et rémunération. A part leurs spécialités économiques, nous ne savons rien de la vie ni du statut social de ces bouviers, vachers, gardes-forestiers, et autres. Sans doute étaient-ils intégrés à la communauté monastique, mais sous quelles formes ?
- 20 108 H 56 f° 50 v° : le 3 mars 1241.
17Certains individus occupaient une situation juridique pratiquement inconnue. Le roi d’Aragon et comte de Barcelone, Pierre, donnait en 1241 à l’abbaye l’homme qui voudrait bien offrir son corps et ses biens pour demeurer dans la maison qu’elle avait à Saint-Hippolyte, et il l’affranchissait de toute imposition, queste et cavalcade20. Serait-ce un donat puisqu’il s’offrait ? ou bien un vassal, à cause du service de cavalcade ? ou bien un serf pour raison de queste ?
Les hommes de l’abbaye
- 21 Abbé F. Galabert, « Le nombre des hommes libres dans le pays de Tam-et-Garonne aux XIe et XIIe sièc (...)
18A l’extérieur de la clôture, la situation devenait plus complexe, les relations des individus étant éminemment variables. De plus, le problème du statut juridique de la personne se posait effectivement. Les nombreux tenanciers pouvaient être considérés comme des hommes libres, c’est du moins ce que pense F. Galabert qui se fonde sur la fréquence des tenanciers pour affirmer que « les hommes libres étaient en nombre considérable » près de Verdun et sur les deux rives de la Garonne21. Se servant de la collection Doat, l’auteur estime avoir rencontré une cinquantaine de feudataires libres, ne retenant pas les actes quand la condition sociale des bienfaiteurs n’est pas mentionnée. Or il y en avait presque un millier ; la proportion est bien faible. Ce qui domine au contraire, c’est l’incertitude en ce qui concerne une évaluation de valeur numérique des hommes libres.
19Ce n’est pas parce qu’on est tenancier qu’on jouit de la liberté, mais il est vrai que la plupart des hommes libres étaient tenanciers : la liberté peut être la condition juridique de la terre, ou bien celle de l’individu ; celle de l’un n’est pas forcément celle de l’autre. Le tenancier se trouvait en situation de dépendance économique, même si le caractère héréditaire de la concession était affirmé. Or, au cours du XIIIe siècle, le contrat d’accensement se rapproche du bail emphytéotique et se limite à une génération, soit 27 à 29 ans. La réalité du contrat, les modalités de rémunération prévues, rapprochaient le tenancier des situations déjà connues dans l’Antiquité. Libre de droit, sinon de fait, sa condition juridique était bien meilleure que celle du serf.
- 22 M. Mousnier, « Dono unum hominem meum : désignations de la dépendance en Languedoc occidental du XI(...)
20Cette dernière catégorie sociale considérée comme inférieure, ne laisse que difficilement des traces à travers la documentation. Il n’y a pas de mots particuliers pour les désigner, et servus n’est pas employé une seule fois, questau non plus, et il faut donc se fier à quelques indices sociaux pour savoir si l’on est en présence, juridiquement d’un serf ou d’un tenancier22.
- 23 Doat 78 f° 189 : tout ce que, au Burgaud et à Montès, en près, vignes, pâturages, terres, bois, bar (...)
21Le seigneur d’un fief peut donner son droit sur celui-ci, mais en général il ne peut donner les hommes qui le tiennent de lui, s’ils sont libres. Ceux-ci, par contre, pouvaient se dessaisir directement de leur droit de jouissance au profit de l’abbaye, parfois avec l’accord du seigneur. En tout cas le seigneur ne disposait pas de la personne. Or plusieurs textes, des donations essentiellement, mettent en jeu des terres, des droits et « les hommes et les femmes qui tiennent les terres » de ce seigneur. S’agit-il d’une formule de style, très globale, ne concernant que les droits seigneuriaux ou bien de véritables serfs ? La deuxième hypothèse semble la plus probable car, par ailleurs, les droits seigneuriaux sont énumérés sur la liste des biens donnés23.
- 24 Arch. départ. Tam-et-Garonne, A 297, Saume de l’Isle, f° 794 v° : le 1er juillet 1225.
- 25 11008 f° 197 v° : le 19 janvier 1184.
- 26 Plusieurs exemples, dont 11008 f° 225 : en décembre 1180.
- 27 108 H 56 f° 125 v° : en juin 1190.
- 28 Doat 78 f° 111 : en 1193.
- 29 9994 f° 202 v° : en 1176.
- 30 108 H 56 f° 199 : en avril 1189.
- 31 Doat 78 f° 415 : texte de 1260, donation de 1244.
22Ce type d’acte est très circonscrit dans l’espace et délimite des régions assez précises. On le constate uniquement à l’ouest de la Garonne, à Aussonne24, Bouconne et Larra25, Gojac26, Burgaud27, la Mote28, Berzac29, Saint-Sardos30. Tous ces lieux sont concentrés le long du talus et sur le plateau de la terrasse occidentale qui surplombe la vallée du fleuve. Par ailleurs, une autre charte se rapporte à Trotaca près de Saint-Germier en Fezensaguet31. Au contraire, aucun exemple ne concerne l’est de la Garonne où l’abbaye avait pourtant trois granges, ni la région à l’ouest de l’abbaye.
23Si l’on met ce phénomène en rapport avec l’étude des paysages agraires, on se souvient que ces régions étaient encore fortement boisées et peu entamées par les défrichements, que les propriétés avaient conservé de grandes dimensions, que les honneurs et les alleux y prédominaient. On peut donc sans doute conclure là au maintien, sinon matériel du moins en tant que structure, de la grande villa de type carolingien, avec ses coutures de la réserve domaniale et ses dépendants établis sur des tenures.
24Les donations sont également très resserrées dans le temps. Elles se placent entre 1176 et 1193, ce qui correspond à la période où l’abbaye reçut des propriétés complètes avec toutes les terres, droits, et hommes en dépendant. Les deux titres portant sur le XIIIe siècle sont relatifs non plus à des propriétés foncières mais à des châteaux dont elle acquit des parts ou la totalité. Et il est encore plus ardu de savoir si ces gens étaient des serfs ou des « vassaux » à un titre quelconque.
- 32 H. Richardot, « Le fief roturier à Toulouse aux XIIe et XIIIe siècles », RHDFE, 1935, p. 317.
- 33 M. Berthe, Le comté de Bigorre. Un milieu rural au bas Moyen Age, Paris, 1976.
- 34 Doat 78 f° 189 : en novembre 1209.
- 35 108 H 46 f° 24.
- 36 Doat 78 f° 202 : la maison que Grandselve a à Auvillar, ainsi que l’homme qui y réside, sont exempt (...)
25Une donation d’hommes et de femmes ne suffit pas pour affirmer la servitude, et il faut chercher d’autres précisions dans le vocabulaire. La terre que détient le serf n’est pas un fief, au sens où l’entendait le Midi médiéval, mais est appelée tenentia 32 : la terre n’appartient pas au serf. Cette distinction n’est pas absolue et apparaît peu, en fait, le mot n’étant que très rarement employé. De plus les serfs étaient taillables et corvéables à merci (ce qui ne se manifeste pas dans les sources) et payaient d’autres taxes. La queste était de celles-là. Les serfs n’ont-ils pas été appelés questaux en Bigorre aux XIVe et XVe siècles33 et ailleurs ? Par des dons, l’abbaye reçut la perception de droits dont la queste, en des lieux qui confirment la première répartition étudiée : au Burgaud34, à Saint-Salvy35, mais aussi à Auvillar36.
26Le caractère qui permet le mieux de savoir que l’on a affaire à un serf est celui qui se rattache à sa condition personnelle. Son statut juridique se transmet à ses descendants ; aussi quand un contrat le met en cause, on signale qu’il est partie prenante ainsi que ses enfants nés et à naître et que toute sa postérité. Les archives conservaient une dizaine d’actes portant cette précision qui accroît fortement la possibilité de l’existence d’un serf. Tenure et progéniture posent le problème de la servitude réelle ou personnelle.
- 37 P. Ourliac, « Le servage à Toulouse aux XIIe et XIIIe siècles », dans Etudes d’Histoire de droit mé (...)
- 38 P. Bonnassie, « Survie et extinction du régime esclavagiste dans l’Occident du haut moyen âge (IVe- (...)
27P. Ourliac a souligné les obstacles pour établir si, en Toulousain, l’une ou l’autre forme dominait37. Que le servage se doit développé vers la fin du XIIe siècle, en relation avec la crise albigeoise, et dans le sens d’une dépendance personnelle, la documentation sur l’abbaye n’y contredit pas, tout au contraire. Mais nombreux sont ceux qui subissent une servitude imposée par le propriétaire et liée à la terre. La loi de la propriété est la plus forte. D’ailleurs le terme de servage n’est sans doute pas le plus adéquat : la tradition domaniale et peut-être même du donat reste fortement inscrite. La relation est donc finalement économique, car sur un plan personnel, le caractère juridique est bien fragile puisqu’il n’y a pas d’autorité supérieure contraignant le serf à rester dans sa condition, et que la fuite lui assure souvent la liberté38.
- 39 108 H 56 f° 126 : le 1er août 1195.
- 40 Doat 77 f° 163 : en avril 1196.
- 41 3 textes dans 11008 f° 206 v° à 207 v° : en juin et juillet 1187.
28Grandselve reçut plusieurs personnes selon des conditions qui laissent à penser à la servitude. Des actes concernent également des transferts de serfs entre particuliers. Ce sont Arnaud Suttor et sa femme, donnés par Bernard et Esquirols de Lévignac, et affranchis auparavant des droits et services qu’ils devraient verser à cause de leurs biens, aux donateurs ; les garants de la transaction étaient le comte de Toulouse, le châtelain de Verdun, les coseigneurs de Coubirac, Pierre de Drudas et Hugues de Beaupuy39. C’est Aton de Gajac qui affranchit Gausbert de Ricancelle et sa femme Pontie, leur postérité, Arnaud et Lombarde et leurs enfants, ainsi que leurs biens meubles et immeubles, tout ceci au profit de Grandselve pour qu’elle les possède librement40. Enfin Dame Indie et Gautier de Terride son frère, octroient la liberté totale et irrévocable à Bernard de Daux et toute sa progéniture, hommes et femmes héritiers de l’honneur de Daux, pour qu’ils donnent leurs honneurs à Grandselve ; les donateurs se porteront garants de cette liberté. Puis Bernard de Daux rend à Indie et Gautier toute la propriété qu’il tenait d’eux dans l’alleu et dîmaire de Daux pour qu’ils en fassent ce qu’ils voudront. Ils la rétrocèdent à Grandselve avec terres, près, bois, dîmes, tasques, etc., en présence du serf qui n’y contredit pas41.
- 42 P. Ourliac, Le servage..., p. 138.
29Ces trois cas, pris parmi d’autres, indiquent le processus suivi : dans un premier temps, le propriétaire du serf le libère de toutes les obligations que celui-ci avait à son encontre, de manière à ce que l’abbaye l’ait en sa possession tout à fait libre par la suite. De plus, le don porte sur la terre, les meubles, les personnes avec leur famille et descendance future. Les garants du transfert sont les seigneurs du voisinage et leur suzerain. Le dernier texte reste cependant ambigu : il est possible que Bernard de Daux ait été réellement affranchi et non donné à l’abbaye, mais il est plausible qu’il ait suivi sa terre dans sa nouvelle destination. Plus significatif par contre est le fait qu’il ait d’abord rendu l’honneur et son droit dessus, et qu’il ait accepté le changement de situation. Ici résidait le rappel de la promesse du maître qui s’était engagé à défendre son homme en toute occasion, et aussi à ne pas le vendre ou le mettre en gage sans son avis42.
- 43 P. Tucoo-Chala, Gaston Fébus et la vicomté de Béarn (1343-1391), Bordeaux 1959, p. 201. Voir égalem (...)
30Il est déjà difficile de connaître le statut véritable de la personne pour que l’on soit dans l’impossibilité d’évaluer le nombre et la proportion des serfs. En Béarn, les questaux s’élevaient à un tiers de la population au XIVe siècle, chiffre notable surtout si on le compare avec les régions voisines où, selon P. Tucoo-Chala, le servage avait disparu dès le XIIIe siècle43. On ne peut pas être aussi affirmatif pour cette région du Toulousain limitrophe de la Gascogne, mais peut-on retenir l’évolution générale d’un amoindrissement quantitatif au cours de cette période ?
- 44 Je suis maintenant persuadée que l’affranchissement d’un serf permet sa nouvelle dépendance vis-à-v (...)
- 45 J.A. Brutails, Etude sur la condition des populations rurales du Roussillon au Moyen Age. Paris, 18 (...)
- 46 Sur la question du nouveau servage, se reporter à la grande synthèse Les formes de la servitude. La (...)
31Il n’est même pas certain que les critères retenus concernent effectivement la servitude. En effet J.A. Brutails a remarqué qu’en Roussillon on pouvait vendre quelqu’un avec sa famille sans qu’il soit serf, mais simplement dépendant ; cela se manifeste sous la forme d’un affranchissement au profit de l’acquéreur, et parfois l’homme vendu intervenait pour donner son accord44. L’ancien maître le déclarait indépendant et il prêtait immédiatement hommage au nouveau seigneur45. La description semble tout à fait analogue à celles qui viennent d’être évoquées46.
- 47 11008 f° 184 v° : en août 1174.
- 48 M. Castaing-Sicard, Les contrats dans le très ancien droit toulousain (Xe-XIIIe siècles), Toulouse, (...)
- 49 11008 f° 118 v° : en 1161.
32De fait, si la condition juridique des personnes reste très floue, leur place dans la société n’est pas beaucoup plus claire. La situation de Bernard de Saint-Séverin est exemplaire en ce domaine : voici un serf qui vend tous ses honneurs dans le dîmaire de Saint-Séverin et l’alleu de Boisville (avec terres, bois, eaux, prés, vignes, pâturages, dîmes, agriers) et transfère sa potestas et son dominium à l’abbé de Grandselve, pour la somme coquette de 120 s. morlans. Et pourquoi donc serf ? L’abbaye, par tous les saints, lui donne la liberté irrévocable ainsi qu’à toute sa descendance, préservera cette liberté, et il n’était pas tenu de garantir les honneurs vendus47. C’est en s’appuyant sur ces éléments que M. Castaing-Sicard avait conclu à la condition servile de l’individu48. Et pourtant... le contenu de l’acte est pour le moins étonnant, et c’est un bien riche serf que ce Bernard. Mais le texte ajoute que l’abbaye libérait aussi Pierre de Bessens et toute sa descendance, Raymond Bernard de Gandalou et toute la sienne, et tous les enfants de Blancagent. Or si Pierre de Bessens et Blancagent sont bien connus par les titres comme enfants du seigneur Pierre de Bessens, Raymond Bernard de Gandalou avait déjà donné des droits sur des biens, auparavant49. Etaient-ils tous devenus serfs, ou bien ne l’avaient-ils jamais été ? Cette dépendance pouvait être tout autre que servile.
- 50 G. Hubrecht, « Le servage dans le Sud-Ouest de la France, plus particulièrement à la fin du Moyen A (...)
- 51 H. Richardot, Le fief roturier..., p. 321.
33G. Hubrecht avait d’ailleurs remarqué, en examinant les actes d’affranchissement, que la plupart étaient faits à titre onéreux, et que, d’après les sommes, de riches questaux côtoyaient les familles misérables50. La classe servile n’était pas du tout homogène, témoins certains de ses membres qui possédaient eux-mêmes des serfs, et des biens inféodés51. La pratique de l’hommage ne contribuait pas à simplifier la situation dans cette hiérarchie de l’autorité.
34De manière moins évidente, juridiquement parlant, mais très réelle, matériellement, l’abbaye nouait d’étroites relations avec les humbles.
Les pauvres gens
- 52 F. Bériac, Des lépreux aux cagots. Recherches sur les sociétés marginales en Aquitaine médiévale, B (...)
- 53 108 H 56 f° 250 : en juillet 1260.
- 54 9994 f° 216 v° : en avril 1190. La maison est dite « antique ».
- 55 108 H 55 f° 257 v° : le 7 octobre 1244.
- 56 108 H 56 f° 174 v° : en août 1209.
- 57 108 H 56 f° 174 v° : en avril 1210.
35Les lépreux forment un ensemble à part dans les divers sens du terme. La communauté des vivants les relègue à l’écart, et des maisons leur sont réservées52. Sur la rive gauche de la Garonne deux immeubles sont qualifiés de léproseries, aux alentours de l’abbaye : celui de Verdun, qui se trouvait entre une vigne et le chemin public53, ce qui laisse supposer qu’il était en dehors de la ville. Il y en avait un autre non loin du Burgaud, dans la direction de Saint-Cézert54. Dans les deux cas, les lazarets se trouvaient à proximité d’un habitat humain, mais légèrement isolés. Sur la rive droite, il y en avait un à Finhan55. Au château de Saint-Salvy, il y avait également de tels malades. Dans leur cas, ce n’est pas la communauté laïque qui les prenait en charge, mais les moines. La famille Bataille accense à l’abbaye ses droits sur un casal : sur celui-ci résidait un lépreux et le contrat était conclu à condition qu’il serve les autres qui y surviendraient et que le portier de l’abbaye verse 5 d. toulzas de cens à la Toussaint, et une obole à chaque mutation de lépreux ; le casal était par ailleurs accensé à Guilhem Sans et Dominique de Gots56. Plusieurs malades ont dû se rassembler, car l’année suivante, Raymond de Bouillac et les siens inféodaient à Grandselve et au portier un demi casal « à la charge d’en employer les revenus aux nécessités des lépreux qui étaient au château de Saint-Salvy », moyennant 6 d. toulzas de cens à la Toussaint et 2 d. d’acapte à chaque décès de lépreux ; s’il n’y en avait pas, le portier devait pourtant régler le cens. Un peu plus tard, en 1214, Raymond de Bouillac abandonnait aussi ses droits sur ce demi casal appelé « du lépreux de Saint-Salvy » et il était prêt à céder l’autre moitié pour 8 s. toulzas57.
36A Saint-Salvy, l’abbaye avait donc pris en charge la maladrerie. D’après les documents, ils semblaient résider au château, ce qui était, pour le moins, assez étonnant. Les revenus de une ou plusieurs parcelles de terre étaient affectés à leur entretien, de même qu’existait aussi le pré de l’infirmerie, ce qui montrait également une certaine gestion prévisionnelle. Le portier de l’abbaye jouait un rôle de premier plan dans l’affaire, et il nouait, par son office, des liens plus étroits avec l’environnement du monastère.
- 58 M. Mousnier, « Impact social des abbayes cisterciennes dans la société méridionale aux XIIe et XIII(...)
37Les lépreux subsistaient dans la dépendance matérielle et morale du monastère, ce qui était le sort partagé par les malheureux, quels qu’ils soient. Comme les autres établissements de l’Ordre, il avait un service d’aumônerie et les offices d’infirmerie des pauvres et d’hospitalier y étaient rattachés. Il avait aussi un bâtiment particulier, l’infirmerie et des revenus qui le dotaient de moyens suffisants : rente en poivre, profit des prés, service de poules données par chaque foyer des seigneuries. Mais nous n’avons pas de comptes d’aumône ou de dépenses effectuées par l’abbaye, pour pouvoir apprécier l’étendue de son action en ce domaine58.
38La lèpre avait beaucoup progressé depuis le début du XIIe siècle mais ce n’était pas le seul fléau. Les calamités naturelles se renouvelaient assez souvent pour mettre en danger toute une frange misérable des campagnes. Les documents de l’abbaye ne renseignent pas sur cet aspect, mais les mauvaises récoltes de la fin du XIIe siècle avaient diminué les chances de survie de beaucoup. Les charges d’assistance de l’abbaye devaient peser lourdement sur sa gestion, d’où parfois le ralentissement de ses achats de terre.
- 59 P. Gérard, « Les origines du collège Saint Bernard de Toulouse (vers 1150-1335) », AM, 1957, p. 192
- 60 M. Mollat, Les pauvres au Moyen Age, Paris, 1979, p. 112.
39L’essor de la détresse urbaine explique aussi la création d’un hospice de la Maison à Toulouse même, attesté dès la fin du XIIe siècle59. On peut voir dans cette création un signe de l’évolution des temps et une autre forme d’esprit : ermites et prédicateurs errants avaient souligné qu’il fallait aller chercher les brebis égarées et non les réconforter une fois qu’elles étaient venues jusqu’à la porte de l’abbaye, ce qui supposait une autre manière de concevoir pauvreté et charité60. Cette dernière avait un caractère d’urgence tel, y compris pour le maintien de la collectivité des hommes, qu’il fallait peut-être envisager d’autres solutions que l’aumône. Or la société était organisée selon des rapports de solidarité et de sujétion qui rendaient difficiles les transformations.
ASPECTS DE L’ASSUJETISSEMENT
40La structure sociale dépendait des rapports économiques et sociaux établis, mais aussi s’exprimait plus juridiquement à travers les droits et devoirs de chacun.
Les services et droits
- 61 9994 f° 99 : le texte est daté par le copiste du 13 février 1120, ce qui est assez manifestement un (...)
- 62 Doat 77 f° 251 : le 23 septembre 1182.
- 63 Doat 78 f° 41 : le 25 décembre 1188 ; la terre est tenue par Bernard Joguet et le service s’élève à (...)
41Là encore la confusion est possible entre ce qui pèse sur la terre et ce qui pèse sur la personne. De plus le mot servitium est trop imprécis pour être d’une quelconque utilité en la matière. Il peut être question des obligations qu’un tenancier a à l’égard de son seigneur : paiement d’un cens sous quelque forme que ce soit ; versement des droits de mutation, de lods et de vente, de justice, attaché à la concession d’un fief roturier, d’une censive. La donation d’un tel fief ne supprimait pas le système de redevances pesant dessus et le nouveau possesseur devait avoir l’accord des feudataires. C’est ainsi que Gautier de Terride donna le dominium, c’est-à-dire sa propriété éminente, sur l’île de Bourret que tenait Odon d’Escuders. Mais il retenait pour lui ce que devaient les feudataires jusqu’à ce que l’abbaye l’obtienne de ceux-ci61. De même Bernard d’Astaffort conserva le service de ses gens dans les acquisitions que l’abbaye pourrait faire dans la francdad de Prat Viel et de Bariton62. Ou bien au contraire, le seigneur, comme Vidal de la Garde, accorda le bien à Saint-Germain avec ce qui y était attaché63.
- 64 9994 f° 187 v° : le 24 janvier 1161.
42Parfois la situation se compliquait. Arnaud de Bessens céda ce qu’Arnaud d’Espagne et sa famille tenait de lui à Nonas. Mais c’était la part pour laquelle une femme appelée Ermengars et son fils Vidal devraient leur rendre service, et ne le faisaient pas ; cette situation était assurée par les deux personnes, et la famille d’Espagne confirmait alors la donation64. Cet acte soulève de nombreux points d’interrogation. Ermengars était-elle serve ? A qui le service était-il effectivement dû ? Quel était, finalement, le titre de propriété de l’abbaye, et pouvait-elle exploiter les terres directement ? Les ellipses du texte laissent subsister des doutes.
- 65 9994 f° 145 v° : le 24 avril 1172.
- 66 La mutation du service personnel en service par maison forme une des trames de l’étude de B. Cursen (...)
- 67 108 H 45 f° 11 : le 10 mai 1278.
- 68 108 H 56 f° 107 v° : le 29 mars 1297.
- 69 108 H 56 f° 183 v° : le 13 février 1279.
43Le « service » est réglé par des produits très variés et sur un casal de Toalha comprenait par armée 4 pains, 4 poules et demi-quarton d’avoine65. Mais il semble bien aussi qu’il ait eu un caractère personnel, en plus des redevances établies sur le sol66. En tant que seigneurie, l’abbaye faisait verser, par « chaque feu allumant » de ses gens, une géline qui était d’ailleurs destinée à l’infirmerie. Les habitants de Bouillac avaient reconnu à l’abbé la pleine juridiction sur le lieu, s’affirmaient ses tenanciers, lui verseraient les dîmes et prémices, et une poule par maison67Mais la perception ne dut pas se faire sans problème car il fut nécessaire d’établir un compromis en 1297 avec les villageois68. Ceux de Puyvidal étaient soumis à la même obligation69.
- 70 108 H 46 f° 30 : en 1313.
- 71 108 H 56 f° 417 v° : le chevalier Tersol de Bréville donne une terre et un bois nobles, avec les dr (...)
44L’imprécision du vocabulaire ne permet pas de savoir quand l’obligation était due comme tenancier ou quand elle l’était comme vassal. Lorsque le seigneur Aimeric de Saint André, de Montech, donzel, vendit ses honneurs sis à Rojols, et les droits qu’il y avait, il énumérait pêle-mêle les oblies, les poules, le burnage, l’acapte et les autres70. Or il y avait des fiefs qui n’étaient pas roturiers, mais nobles, c’est du moins ce que suggèrent quelques rares textes de l’inventaire 108 H 56 qui, rédigés en français, spécifient qu’une terre, ou un bois, est noble71. A quel régime étaient-ils exactement soumis ?
- 72 H. Richardot, Le fief roturier..., p. 316.
45L’albergue pose le même type de problème. En principe, c’est un devoir ordinaire du vassal envers son seigneur, et qui consiste à le recevoir avec les siens pendant un temps déterminé, la réception pouvant être convertie en redevance en nature ou en espèces. Mais en Toulousain, des fiefs roturiers d’une certaine étendue en étaient chargés, alors qu’ils n’avaient par ailleurs aucun devoir noble (escorte, cavalcade, ost, etc.), introduisant ainsi la confusion entre fief noble et fief roturier, ou plutôt établissant des situations intermédiaires nuancées entre les deux72.
- 73 108 H 46 f° 68 : Pierre d’Orbessan détaille les droits suivants : agriers, oblies, albergues, droit (...)
- 74 108 H 56 f° 339 : le 10 octobre 1236, avec les dîmes, cens, rentes, agriers, tasques, albergues et (...)
- 75 Doat 78 f° 415 : en 1235.
- 76 Arch. départ. Tarn-et-Garonne, A, 297, Saume de l’Isle, f° 794 v° : en 1225.
- 77 108 H 46 f° 24 : donné par le donzel Paul de Bigarono.
46Grandselve reçut la perception du droit d’albergue en plusieurs lieux. Le plus souvent il s’agissait de donations très complètes et portant sur les terres, bâtiments, redevances et droits divers, en faisait partie celui de l’albergue. On en a un aperçu près du Burgaud, à Aussiac73. L’abbaye l’acquit aussi avec le château de Bodot74, avec celui de Trotaca75, d’Aussonne76, dans celui de Saint-Salvy77 ! tous ces spécimens sont du XIIIe siècle.
47Il n’y a qu’un seul cas portant sur le XIIe, et il concerne la grange Lassale. Le titre est d’autant plus intéressant que le caractère roturier est nettement accentué, alors que le terme de chevalier est en même temps utilisé. Le seigneur de Finhan Aribert donne à l’abbaye ce que tiennent en fief de lui Arnaud de Combes et Guilhem Bernard. C’est donc un transfert de propriété éminente.
- 78 9994 f° 70 : donation d’octobre 1180.
48Les feudataires s’engagent à fournir chaque année le droit d’albergue demandé comme doivent le faire de bons chevaliers (probimilites), tant qu’ils cultiveront la terre, s’ils ne le font pas, l’abbaye pourra la mettre en valeur librement. En attendant, tant qu’ils la travailleront et fourniront l’albergue, ils la tiendront à fief comme il est prescrit78. La juxtaposition de « chevalier » et de « cultiver la terre » est un signe, soit du caractère ambivalent du fief, soit de la situation sociale peu précise de petits chevaliers qui se trouveraient être, par ailleurs, des tenanciers de l’abbaye.
49Dans ces nombreuses ambiguïtés réside l’une des constantes de l’étude sociale de la Gascogne toulousaine, même au XIIIe siècle. Le même vocabulaire est utilisé dans des cadres de références très différents (fief noble, fief roturier), le service effectué peut être aussi bien celui du serf, que celui du tenancier ou du vassal. Les différences sociales apparentes n’étaient sans doute pas radicales entre des catégories juridiquement séparées, le fondement étant la relation de dépendance, à travers la multiplicité des liens possibles. Deux ensembles se dégagent, cependant : ceux qui sont organisés autour de l’autorité et ceux autour de la soumission.
- 79 Cité par J.B. Mahn, L’ordre cistercien et son gouvernement, des origines au milieu du XIIIe siècle (...)
- 80 108 H 56 f° 42 : le 22 avril 1261.
50Pourtant la position de l’Ordre cistercien était claire en la matière, qui s’interdisait de posséder « des fours, des moulins, des villages et des serfs »79. Mais la vie sociale était bien plus contraignante et fournissait des données moins idéalistes avec lesquelles l’abbaye devait composer. Une bulle du pape Urbain IV la rappelait à ses devoirs, tout en faisant de larges concessions : les moines pouvaient posséder les biens échus par succession ou autrement « de même que s’ils n’eussent pas renoncé au monde », à l’exception cependant des droits féodaux80. La réalité était encore sensiblement différente.
Justice et banalités
- 81 H. Richardot, Le fief roturier..., p. 319.
51Une des particularités du fief toulousain roturier soulignée par H. Richardot est que tout concédant a droit de justice sur son tenancier81. Chaque propriétaire est maître chez lui, seigneur justicier, et son autorité s’exerce en ce domaine. Là encore, le régime de la propriété de la terre détermine l’exercice de la justice. L’abbaye, grâce à l’étendue de ses domaines, était donc seigneurie à la fois en tant que propriétaire percevant les cens et redevances, mais aussi en tant qu’exerçant la justice (carte n° 20).
- 82 D. Pichot, « Les cartulaires manceaux de l’abbaye de Savigny », Revue de l’Avranchin et du Pays de (...)
52Le pouvoir juridictionnel s’accrut considérablement, en particulier au cours du XIIIe. Si les titres du XIIe siècle n’évoquent pas ce droit dans les donations reçues par l’abbaye, plus tard les exemples deviennent plus fréquents. L’extension s’est faite sur trois plans : développement géographique parallèle à celui des possessions vers la Lomagne et le Fezensaguet, multiplication très accélérée vers le dernier quart du XIIIe mise en relief par l’octroi de coutumes ; et exercice de la pleine justice, c’est-à-dire de la justice de sang, la haute justice. Mais les chartes insistent davantage sur la basse justice, celle des petits délits, qui par le biais des amendes était fort lucrative : « à l’époque, on rend moins la justice qu’on ne l’exploite »82.
- 83 Y. Dossat, Saisimentum Comitatus Tholosani, Paris, 1966.
53Plusieurs sources font connaître les lieux où s’exerçait l’autorité de Grandselve. En dehors des indications passagères, l’inventaire 108 H 56 contient une liste établie en 1519, lors du dénombrement des biens de l’abbaye fait pour le roi. Déjà auparavant, une telle opération avait été réalisée lorsque, après le décès d’Alphonse de Poitiers, le comté de Toulouse passa sous l’autorité du roi de France83.
- 84 108 H 46 f° 11 : le 10 mai 1278.
- 85 108 H 55 f° 108 : en 1299.
- 86 108 H 55 f° 143 : cette indivision était rappelée dans une sentence arbitrale entre les deux parten (...)
54L’abbaye exerçait toute la justice (moyenne, haute, et basse) à Grandselve, Coubirac et toutes ses granges. A Bouillac, les habitants reconnurent en 1278 qu’elle avait la pleine juridiction sur le lieu84. Mais avant 1299, celle-ci avait été limitée, puis une lettre du sénéchal de Toulouse n’autorisait Grandselve à lever les amendes que jusqu’à 5 s., donc à n’exercer que la basse85. A Comberouger, le droit avait dû appartenir à l’abbaye, mais le seigneur Odon de Terride en détenait l’autre partie en indivis avant 1290, en tant que seigneur paréager de l’endroit86.
- 87 108 H 46 f° 20 : le 21 mars 1285. Les seigneurs étaient Bernard de Barrairac, chevalier, Bernard de (...)
55Lors de la fondation de bastides ou de centres de peuplement, elle avait, bien sûr, ce droit, selon des conditions parfois variables : pour les terroirs de Puyvidal et Coulomé, un accord rappelait que la justice, hors du château de Saint-Salvy, appartenait en indivis, 3/4 pour les seigneurs et un quart à l’abbaye87.
- 88 108 H 56 f° 376 v° : le 30 mars 1276.
- 89 R. Rumeau, Monographie de la ville de Grenade, Toulouse, 1879, p. 80-81, article 17.
- 90 F. Moulenq, Le livre juratoire de Beaumont-de-Lomagne, Montauban 1888, p. 36.
- 91 108 H 56 f° 339 : le 13 juillet 1264.
56Les paréages conclus avec le roi de France laissaient en général la haute justice au roi, la moyenne et la basse étant indivise entre les deux paréagers. C’était le cas à Gilhac88, à Grenade89 et à Beaumont-de-Lomagne90. Déjà, antérieurement à la création de cette dernière ville qui allait d’ailleurs absorber la première, existait le château de Bodot dont l’abbaye avait obtenu une moitié, puis acheté l’autre, au cours du XIIIe siècle. Elle devait y avoir pleine juridiction car, en 1264, le vicomte de Lomagne Vesian déclare que le château, la motte et le terroir de Bodot appartenaient entièrement à l’abbaye et qu’il renonçait à tous ses droits dessus91.
- 92 Doat 78 f° 415.
- 93 Doat 80 f° 119 : le 7 juin 1300.
- 94 Doat 80 f° 99 : en mars 1298.
- 95 Doat 78 f° 270 : le 7 novembre 1267.
- 96 Doat 79 f° 203 : confirmé par le comte d’Armagnac.
- 97 108 H 46 f° 82 : le 6 juin 1281.
57Le monastère possédait des seigneuries dans lesquelles l’exercice de la justice n’était pas toujours manifeste. A Trocata, reçu en 1235 de Guilhem Arnaud Trota et son frère, elle était peut-être exercée au moins partiellement par le seigneur Fezac de Maurens qui avait consenti à cette donation92. Mais plus tard, les choses étaient éclaircies : en 1300, à la suite d’un différend opposant Grandselve et Guilhem Arnaud Trota qui avait établi un bayle au château de Saint-Germier (Trocata) sans son avis, il était rappelé qu’elle était commune par moitié aux deux et que seule la criminelle était réservée au chevalier93. Au château de Montagnac, il n’était question que de terres94 mais à Escornebœuf dont Guilhem de Maurens avait donné la moitié en 1235, le comte d’Armagnac ne s’était réservé que la justice criminelle95. Au château du Pin près de Sirac dont le quart appartenait à Grandselve, il n’y est pas fait allusion96. Par contre, la moitié de la juridiction de Bordillis et du Pin était répartie lors d’un compromis avec Philippe, vicomtesse de Lomagne : l’abbaye avait toutes les causes jusqu’à 5 s. morlans, puis partageait par moitié pour les causes jusqu’à 15 s.97, ce qui laisse supposer que la vicomtesse conservait la haute justice. Cependant un problème de localisation se pose : le Pin n’est sans doute pas celui qui est proche de Sirac, trop loin des possessions des vicomtes de Lomagne. Peut-être était-ce celui qui était à quelques kilomètres au nord-est de Beaumont, sur la Gimone, mais reste de toute façon, des imprécisions puisque Bordillis n’a pas été identifié.
- 98 108 H 56 f° 348 v° : le 4 mai 1292.
- 99 Doat 80 f° 129 : en février 1300 ; ainsi que le fief de Solhio (est-ce Seilh ?).
- 100 F. Moulenq, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, Montauban, 1879, t. III. p. 217, d’après (...)
- 101 Arch. départ. Tarn-et-Garonne, A, 297, Saume de l’Isle, f° 794 v°, en 1225.
58Le château de Rojols avait été légué par le chevalier Guilhem d’Astanova avec la justice pleine et entière du lieu98. Le roi Philippe IV qui contrôla les fiefs nobles aliénés par des chevaliers, en confirma la possession en 130199. Plus tard, lorsque l’abbaye concéda des coutumes à l’agglomération, une partie de la juridiction du lieu appartenait au seigneur de Terride100 et d’ailleurs, en 1325, c’était un véritable paréage qui était conclu entre Grandselve et Odon de Terride pour cet endroit. La dernière seigneurie que possédait Grandselve était Aussonne dont le quart lui fut donné par Maurin de Pradère, mais l’exercice de la justice n’était pas évoqué101.
- 102 P. Ourliac, « Le pays de la Selve à la fin du XIIe siècle », AM, 1968, p. 590.
- 103 E. Magnou-Nortier, « Fidélité et féodalité méridionales d’après les serments de fidélité (Xe-début (...)
59Dans la pratique quotidienne, des sortes de préposés officiaient et plusieurs noms sont utilisés, sans qu’il soit possible de vraiment déterminer les nuances entre les diverses catégories : ce sont les droits de baylie qui recouvrent la garde, de manière très générale, ceux de viguerie qui seraient équivalents de ceux de sirventage également rencontrés102. A la viguerie se rattacheraient non seulement la justice des causes mineures, mais aussi peut-être certains droits d’usage comme les mesures et les fours103.
- 104 108 H 56 f° 355.
- 105 108 H 46 f° 11.
60La seigneurie se définissait également par la perception d’un certain nombre de taxes pesant sur l’utilisation obligatoire d’installations seigneuriales. Mais on ne peut pas dire que ces banalités aient été d’un grand rapport pour l’abbaye car elles ne figurent que très peu dans la documentation : pas de pressoir, incertitude en ce qui concerne les moulins, par contre four dans les bastides, et poids au moulin de Calcassac à partir de 1364104. C’était surtout visible à Bouillac où les habitants avaient dû s’engager à ne faire fabriquer leurs outils de fer qu’à la forge du village appartenant à l’abbaye105. Il faut pourtant éviter de généraliser car les banalités sont plus caractéristiques du XIIIe siècle, or l’inventaire ne couvre qu’une partie des possessions de la rive gauche.
61Le droit de ban, au sens large du terme, permettait donc une exploitation économique mais aussi l’exploitation judiciaire dont les aspects financiers n’étaient pas négligeables. Tous les hommes en relation avec elle à cause de ses terres se trouvaient dans sa dépendance économique. Grandselve avait donc constitué une grande seigneurie ecclésiastique, mêlant la puissance foncière et la domination banale. Mais, en bien des provinces, les liens de la terre et les liens personnels s’interpénétraient, l’accord moral renforçant l’accord matériel, le contrat.
Hommage et fidélité
62Cette pratique qui représente remarquablement la structure féodo-vassalique est dans l’ensemble peu attestée au fil des chartes de l’abbaye. Il est certain que le caractère ecclésiastique était une entrave à cette habitude. Mais d’autre part, l’hommage pouvait être prêté en dehors des liens féodaux.
- 106 P. Bonnassie, « Les conventions féodales dans la Catalogne du XIe siècle », dans Les structures féo (...)
- 107 Doat 76 f° 66.
- 108 9994 f° 151 v° : en 1180
63Antérieurement à la prestation étaient conclues des conventions. Si les archives fournissent quelques rares engagements matrimoniaux, il n’y en a qu’une seule dont l’aspect féodal puisse être décelé : c’est l’accord concernant la construction du château de Boisville. On pourrait rapprocher l’acte par analogie avec ceux étudiés par P. Bonnassie en Catalogne, et liant châtelain et castlan pour la garde des châteaux106. Mais en fait, la situation est très différente. Armand de Verdun, vicomte de Terride, est sollicité par Pierre de Bessens pour élever un château sur sa villa de Boisville. Mais les rapports de vassalité entre les deux hommes restent ignorés. La charge de guet serait partagée par moitié entre les deux, et en cas de destruction par la guerre, Armand devrait remettre en état la forteresse107. Les termes de la convention sont peu explicites et fut-elle suivie d’effet comme nous l’avons déjà signalé ? La question s’était même posé de savoir si le château avait jamais été édifié. Or l’abbaye obtint la terre de Boisville. Lorsque Pierre de Bessens, fils du donateur, lui en confirma la possession, il la déclara absoute de l’hommage et de service108. Il est donc très probable que la convention a été suivie d’un hommage et d’un serment de fidélité assorti d’une promesse de service dont Grandselve fut, par la suite, dispensée.
- 109 P. Bonnassie, Les conventions féodales..., p. 196.
64Il est vrai qu’en Catalogne, le type précédent de contrat s’était développé surtout vers le milieu du XIe siècle, en des temps où un climat de violence généralisée régnait et où l’autorité publique manifestait une certaine carence, les parties en cause préférant conclure directement un accord bipartite sans en appeler à une instance supérieure109. Le Languedoc toulousain, au milieu du XIIe siècle, ne connaissait pas de contraintes similaires.
- 110 9994 f° 49, non daté : l’abbé est Pons, donc c’est dans le troisième quart du XIIe siècle (1160- 11 (...)
- 111 108 H 56 f° 400 v° : en décembre 1191.
65L’hommage est attesté à plusieurs reprises et exprime donc les mœurs de la société. Les Bonnesvignes, qui firent plusieurs donations importantes, devaient l’hommage et l’acapte pour leur fief près de Montech à Géraude, à son mari Géraud Barrau, et à ses enfants110. Géraud Barrau était sans doute seigneur de Finhan. En outre, des personnages sans envergure, simples tenanciers le font aussi. Lorsque Pierre Berenguer et sa femme, Sans Odène et la sienne donnent leur terre de Bascosville, le seigneur Bertrand de Varanhas les affranchit de l’hommage111, sans que l’on sache d’ailleurs si Grandselve dut le prêter.
- 112 108 H 56 f° 348 : en 1281.
- 113 108 H 56 f° 348 v° : le testament est du 4 mai 1291 et l’hommage du 15 mai.
- 114 F. Moulenq, Documents historiques..., p. 217.
66Il est très vraisemblable que la prestation, dans ces conditions, ne revêtait pas du tout un caractère féodal, et correspondait seulement à la reconnaissance d’une dépendance personnelle entre inférieur et supérieur, entre tenancier et seigneur. C’est certainement à ce titre que l’abbaye recevrait celle des habitants de Rojols. Elle avait la seigneurie de la ville. Antérieurement, Guilhem d’Astanova, de Montech, était le seigneur haut justicier et avait fait allégeance à son suzerain Odon de Terride, seigneur de Saint-Jean-de-Cauquessac112. Dans son testament, il légua à Grandselve la motte, la justice, les cens, agriers et autres droits et l’abbé reçut dès son décès l’hommage et le serment de fidélité des habitants, à genoux fléchis, qui l’admettaient comme seigneur, promettaient de payer les mêmes cens et droits qu’à l’accoutumée113. Par contre, l’abbaye ne le prêta sans doute pas à Odon de Terride et il fallut que la répartition de la justice se fasse par contrat de partage entre les deux partenaires114.
- 115 P. Ourliac, « L’hommage servile dans la région toulousaine », dans Mélanges Louis Halphen, 1951, p. (...)
- 116 Il y a sans doute lieu d’y voir une caractéristique cistercienne car l’hommage servile fourmille da (...)
67P. Ourliac a souligné le fait que dans le Midi toulousain, même les serfs accomplissaient cet acte. On retrouvait la position mains jointes et genoux fléchis, lorsque le nouveau serf venait se remettre entre les mains de son possesseur115. Mais les donats en faisaient tout autant. La différence résidait dans le fait que le serf engageait toute sa postérité et ne gardait aucun bien. D’autre part, la condition servile étant attachée aux descendants, ceux-ci ne se trouvaient pas dans l’obligation de le prêter, ce qui explique la rareté de tels actes, et leur absence probable des archives de l’abbaye, compte tenu de la difficulté à cerner le statut social des partenaires rencontrés116.
68Le lien vassalique exprimé par l’hommage s’était répandu entre toutes les couches sociales du monde rural. Ce phénomène était l’expression du système de la propriété et des conditions sociales qui y étaient attachées. L’allégeance féodale existait aussi, la relation de dépendance personnelle concernant alors la sécurité, et l’aide militaire. Le problème s’est posé lorsque l’abbaye a eu des châteaux, dont la vocation première était militaire.
- 117 Doat 78 f° 270 : le 7 novembre 1267.
- 118 108 H 46 f° 41 : le 7 novembre 1267.
69Elle reçut la moitié d’Escornebœuf. Géraud, comte d’Armagnac, lui en reconnut la possession, avec tous les biens et tous les droits, mais se réserva la châtellenie et garda dans le château, sur tous les hommes, l’ost et la cavalcade et les autres droits que le vicomte de Fezensaguet avait dans les châteaux et villages que ses chevaliers tenaient en son nom. De plus, elle n’était pas tenue de prêter hommage117. Par la même occasion, ce seigneur confirma l’accord entre Guilhem de La Terrasse et les abbayes de Gimont et de Grandselve à propos du château de Trocata, de l’église de Saint-Germier et du bois de Fromigier. A nouveau, les deux monastères en étaient relevés118.
- 119 Doat 78 f° 226 : en juin 1224.
70Enfin à Agen, prenant des terres du maire, des consuls et de la communauté de la ville, l’abbaye reçut l’investiture féodale, mais était dispensée d’aller à l’armée119. Dans l’ensemble, elle a plutôt été libérée de la prestation, ce qui est compréhensible étant donné son fondement religieux. Mais cet acte s’accompagnait d’un serment qui le rendait encore plus solennel, promesse de fidélité et de service. Et elle en reçut par contre de la part des dépendants.
- 120 11008 f° 225 : décembre 1180.
- 121 Doat 78 f° 189 : en novembre 1209.
71Les archives n’ont pas conservé de textes de serments, mais font référence à l’engagement ou la promesse d’accomplir les devoirs. C’est ainsi que lorsque Géraude et les siens donnèrent tout leur honneur de la villa de Gojac, avec les terres, hommes et femmes, et services dus, ensuite Bernard de Pinsaguel, Guilhem Donat, Guilhem Bened, Arnaud de Saint-Séverin, Pons Donat jurèrent sur les Evangiles que tout ce qu’ils faisaient auparavant pour la dame, ils le feraient désormais pour Grandselve120. Et lorsque Bernard de Montaud donna tout ce qu’il avait au Burgaud et à Montès, avec les hommes et les femmes, il les libéra de tout cens, usage et seigneurie, les transmit à l’abbaye ; les hommes qu’elle avait acquis s’engagèrent à être fidèles, bons et véridiques envers elle121. Dans ces deux cas, selon toute vraisemblance, les personnes concernées sont des tenanciers ou des serfs, et non des vassaux, au sens militaire du terme.
- 122 Doat 78 f° 163 : en novembre 1201.
72Le seul engagement dont la nature féodo-vassalique paraît beaucoup plus nettement affirmée, encore que très imprécis et très vague dans son libellé, est celui-ci : lorsque Guilhem Aton de Marquefave accorda un exemple de péage, il « mit Grandselve au serment du château de Villemur »122.
- 123 P. Ourliac, Le pays de la Selve..., p. 582.
- 124 Notre meilleure connaissance du milieu aristocratique provient des études d’H. Debax dont La féodal (...)
73Dans l’ensemble, il y a très peu d’exemples. Ou bien l’abbaye n’était pas concernée par ce type d’actes, ou bien leur petit nombre est une caractéristique de la société d’alors. Et il apparaît bien que l’accent n’est pas porté sur les relations personnelles, mais sur celles définies par la propriété. P. Ourliac, en analysant la situation du pays de la Selve, a mis en évidence l’existence de la solidarité sans la féodalité, au sein de cette classe des maîtres de la terre123. Il n’est même pas besoin, au cours du XIIe siècle tout au moins, de se déclarer seigneur ou noble, la chose allant de soi dans le consensus général. Et dans la région de la Gascogne toulousaine, l’impression qui se dégage est bien la même124.
- 125 L’étude de l’aristocratie de la Gascogne toulousaine reste entièrement à faire, aussi bien l’anthro (...)
74La fidélité ne pèse pas sur l’homme comme les services peuvent le faire sur la terre, à moins que la chose soit implicite et qu’il ne soit pas nécessaire de l’affirmer à tout bout de champ. Hommage et serments ne semblent pas être des constituants fondamentaux de l’ordre social au prisme des cartulaires. Par contre, la terre détermine, au moins durant le XIIe siècle la hiérarchie sociale, dans les documents fournis par les archives de l’abbaye125.
LE RELACHEMENT DES LIENS
75L’abbaye occupait une position hiérarchique dans le corps social puisqu’elle avait des dépendants. Mais la conserva-t-elle ? Et sut-elle se rendre elle-même indépendante ?
Vers la libération de la servitude
76Elle posséda des serfs, mais on ne sait ce qu’ils devinrent. Gardèrent-ils leur statut juridique ou bien accédèrent-ils à la liberté ? Il n’y a pas un seul exemple dans les archives montrant un serf transféré à Grandselve puis dégagé par elle, immédiatement après l’acte d’acquisition. Dans tous les cas, la libération avait lieu en tant que condition préalable de transfert entre deux propriétaires, mais pour mieux faire retomber la servitude ensuite (annexe n° 7). Si certains devinrent convers, on n’en a aucun indice.
- 126 9994 f° 103 : le 28 janvier 1189.
- 127 11009 f° 3 : en 1172.
77Pourtant les documents gardent trace de quelques affranchissements sans doute véritables. En 1189, Vidal des Bain émancipe tous les hommes et femmes de l’honneur de Toalha, afin qu’ils soient à jamais déliés de lui126. Et cependant dans la mesure où il n’y avait pas de donation de terre, et guère de garantie juridique autour de la nouvelle condition, on peut se demander s’il n’était pas plutôt question de tenanciers que leur seigneur dispensait ainsi du service. La plupart des changements d’état ressemblent à ceci : Pérégrin de Palas donne ce qu’il a à Saint-Georges, soit la tenure de Bernard de Las Bordas qu’il délie ainsi que ses enfants127. Le sort réel du serf après l’acte reste donc inconnu.
- 128 Doat 76 f° 260.
78La seule et l’unique citation d’affranchissement de la part de Grandselve est celle de Bernard de Saint-Séverin, ce « serf » qui vend ses honneurs, puis est libéré ainsi que sa descendance, de même que Pierre de Bessens et la sienne, Raymond Bernard de Gandalou et la sienne, et celle des enfants de Blancagent128. Or nous avons déjà vu à quel point l’identité des personnes était problématique, au moins pour les derniers. Un des intérêts de cette charte est la motivation avancée par l’abbaye pour donner cette liberté irrévocable : « pour l’honneur de Dieu le Père tout-puissant, le Fils et le Saint-Esprit, la bienheureuse Vierge Marie Mère de Dieu, Saint Etienne et Saint Sernin, tous les fidèles de Dieu, Raymond comte de Toulouse, Hugues évêque et tout le peuple de Toulouse et du faubourg, présent et à venir ». La formule est belle, l’intervention de Toulouse moins explicable à moins que ce ne soit en tant que symbole d’une certaine atmosphère d’indépendance personnelle.
- 129 P. Ourliac, Le servage à Toulouse..., p. 135.
79La liaison entre la condition de la terre et celle de l’homme était très étroite, et en fait celle de l’homme résultait fort de celle de la terre. P. Ourliac faisait remarquer que dans les actes, les affranchissements étaient surtout des renonciations aux redevances antérieures, et la liberté accordée bien plus celle de la terre que celle de l’homme129. Etaient-ils pour autant prétendument opérés ? Dans le cas de Bernard de Saint-Séverin, l’auteur envisageait l’interprétation suivante : le monastère acceptait le départ du serf vers Toulouse, là où il pourrait changer de vie et de condition.
- 130 J’ai singulièrement révisé ma position sur ce sujet : « Ville et servage en Languedoc toulousain : (...)
80L’indépendance personnelle était possible dans les communautés urbaines grâce aux chartes de franchises. L’air de la ville rendait libre, et l’arrivée de l’individu suffisait le plus souvent à l’affranchir130. De nombreuses fois, cela a dû se passer moins ostensiblement que dans le document décrit ci-dessus. Les communautés urbaines ou villageoises permettaient une évolution globale de la condition juridique des personnes. L’exemple des bastides est encore probant. La rédaction des articles supposait qu’il n’y avait pas de serf, et que par conséquent les caractères de l’état de servitude ne s’appliquaient pas à ceux qui y résidaient.
- 131 F. Moulenq, Le livre juratoire..., p. 187-188.
- 132 O. de Saint-Blanquat, « Comment se sont créées les bastides du Sud-Ouest de la France », A. ESC, 19 (...)
81Les coutumes octroyées par le roi à Beaumont-de-Lomagne et Grenade commençaient par une série de paragraphes qui définissaient le contenu de cette émancipation : il renonçait à toutes les tailles et questes et il devait y avoir accord entre les deux seigneurs paréagers. Les habitants pouvaient vendre, donner, aliéner leurs biens sauf, suivant les restrictions habituelles, aux clercs, religieux, et chevaliers ; ils pouvaient marier librement leurs filles et promouvoir leurs fils dans les ordres ; enfin le roi s’interdisait toute prise de corps ou saisie arbitraire131. Ces alinéas groupés en tête de charte étaient une véritable proclamation de l’état de liberté132.
82Mais quelle était l’attitude propre de Grandselve ? Si l’on examine les coutumes qu’elle a, seule, accordées, on retrouve quelques-unes de ces dispositions, cependant sans le caractère systématique des concessions précédentes. A Puyvidal, Gilhac et Comberouger, il est prévu des mesures au cas où l’on décéderait sans héritier légitime et sans faire de testament. Par là même, on reconnaissait à chacun la faculté de tester. Enfin, à Comberouger, le seigneur Odon de Terride et l’abbaye s’engageaient à n’imposer aucune taille, queste ou albergue sans le consentement des consuls et de leurs administrés. De telles mesures allaient à l’encontre du fondement même de la servitude. Elle avait donc une position très proche de celle de la monarchie capétienne sur ce chapitre.
83On a posé la question de savoir si les franchises avaient joué un rôle plus général sur l’émancipation des populations du Sud-Ouest. De fait, en 1298, Philippe IV affranchit tous ses serfs de la sénéchaussée de Toulouse où il n’en restait guère. Il semble bien qu’autour de Grandselve la situation était assez voisine, en cette fin, du XIIIe siècle : ou bien le servage n’était plus une caractéristique sociale, ou bien la documentation reste trop lacunaire pour cette période. Le monastère a participé à ce mouvement de libération des personnes.
84Mais les liens de dépendance pesaient aussi plus spécifiquement sur la terre.
La résistance au régime féodal
- 133 R. Boutruche, Une société provinciale en lutte contre le régime féodal. L’alleu en Bordelais et Baz (...)
85Le caractère allodial de la propriété freinait de manière sûre l’extension du système féodo-vassalique. R. Boutruche a analysé les causes de l’origine de celui-là. Que l’on fasse référence au maintien de structures mentales rattachées à l’ancienne Rome et à la pratique du droit écrit, ou bien à la faiblesse interne des régimes seigneuriaux et féodaux, il n’en reste pas moins que les rapports de subordination n’avaient pu se propager dans le Midi avec la même intensité que dans le Nord133.
86La réforme grégorienne avait déjà dispensé les établissements ecclésiastiques de l’hommage et rappelons que des seigneurs comme Géraud d’Armagnac en relevèrent Gimont et Grandselve. Mais, de plus, les alleux passés à l’Eglise n’étaient également pas soumis aux obligations militaires dues au roi, même par les alleutiers laïcs. De telles possessions, rassemblées entre les mains de l’abbaye, étaient en conséquence totalement indépendantes vis-à-vis de la hiérarchie féodale. On réalise mieux tout l’intérêt qu’elle porte à ce type de propriétés.
- 134 Doat 80 f° 29 : en juin 1284.
- 135 108 H 41.
87On comprend aussi l’intervention de la monarchie par toute une série d’ordonnances dont les premières datent de 1275 et les dernières de la fin du XIVe siècle, pour limiter cet état de choses. Les terres ne pouvaient être transférées à un établissement ecclésiastique sans l’accord du seigneur direct et du roi, et sans le versement d’une indemnité au premier et d’un droit d’amortissement au second pour les dédommager du manque à gagner. L’abbaye était un établissement de mainmorte, et pour cela, le roi la taxa lourdement plusieurs fois. Les biens en cause étaient des terres « nouvelles », incultes ou tout juste mises en culture près de Vieilaigue (Ribaut, Sètes, île Brumagas), près de Verdun (Combescure, Carbonade, Port supérieur et inférieur), de Nonas (Favardac, Pleus), et l’île d’Agre près de Lassale134. Elle devrait payer 9 600 L. La somme étant très importante, le paiement fut fractionné, et les archives conservèrent les quittances annuelles fournies par le trésorier du roi à Toulouse, entre 1293 et 1297135.
- 136 Ch. Samaran, La Gascogne dans les registres du Trésor des Chartes, Paris, 1966, p. 2, n° 10 et n° 1 (...)
- 137 R. Fawtier, Registres du Trésor des Chartes, Paris, 1958, série JJ, 38, n° 45, f° 29 et n° 46, f° 2 (...)
- 138 108 H 56 f° 28 v°.
88Par la suite, la même opération fut renouvelée pour d’autres acquisitions de Grandselve : des terres à Rojols et Seilh, une maison à Beaumont-deLomagne136. Il fallut amortir aussi un bien sis à Brial donné par Olric de Corbarieu, ainsi que des rentes, cens et droits divers obtenus à Dieupentale, Montech, Verdun, Savenès, Finhan et Castelnaudary, toujours à la même date, soit 1302137. Et enfin, en 1341, le lieutenant général du Languedoc faisait de même pour tous les cens, ventes, agriers, lods et ventes, et autres droits seigneuriaux acquis à Saint-Paulet138.
89Le roi réaffirmait son autorité sur les propriétés qui avaient ainsi échappé à la hiérarchie féodale, mais il n’empêche qu’elles constituaient un monde à part dans les pratiques du temps. La situation n’était pas originale pour le Midi médiéval bien qu’elle fût accentuée par la taille des possessions de l’abbaye. Grandselve participa à cette résistance méridionale contre l’extension d’un type de société féodale telle qu’on la trouvait dans le Nord de la France.
- 139 108 H 42 : en 1336.
90A une plus petite échelle, elle avait aussi cherché à dégager les terres dont elle était tenancière. Relevée du versement du cens, elle ne dépendait plus du seigneur du lieu et elle les gardait en possession libre. L’intérêt économique et financier de la chose est évident, mais il ne faut pas oublier les implications sociales : elle s’était affranchie d’une situation d’assujettissement. Les cas ont déjà été relevés, et celui des chais de Bordeaux est particulièrement net puisqu’il était dit que désormais elle les aurait en franc-alleu139.
- 140 9994 f° 67 : le 23 mars 1179 ; les tenanciers étaient Pierre Bernard Pedaz, Hugues de Pech Usclad e (...)
91Elle-même délia aussi des paysans, mais l’exemple semble exceptionnel puisque unique. Dans un échange, les tenanciers d’un fief de l’abbaye lui donnèrent des champs et elle leur accorda la possession libre de leur fief, en les relevant des 6 s. melgoriens et 8 d. de cens annuels dus140. Si ce document se trouve dans le cartulaire, c’est qu’il justifie de la propriété des terroirs obtenus ainsi. On ne sait pas dans quelle mesure d’autres tenanciers furent aussi déliés de leurs obligations. Par conséquent l’attitude passive du monastère utilisant l’allodialité à son profit, ou active permettant aux autres d’y accéder ne peut être définie avec certitude. Mais ce faisant, c’est l’action de Grandselve sur son milieu social qui reste obscure. Cependant l’idée même de la liberté de la terre subsistait, possible dans une société où le régime de la propriété avait gardé tant d’affinités avec les usages antiques.
CONCLUSION
92Les difficultés s’accumulent lorsque l’on cherche à appréhender la condition des individus dans le tissu social. Le vocabulaire utilisé laisse subsister de nombreuses hypothèses et ambiguïtés à cause essentiellement de son absence de précision, même sur l’aspect légal du statut. La société est structurée par des liens de dépendance dont l’hommage, entre autres, est le signe visible. Mais dans le Midi il peut être, nous l’avons vu, aussi bien celui du vassal à son suzerain, du tenancier à son seigneur, du serf à son maître : en somme de tout dépendant vis-à-vis de son supérieur.
93Les modalités de la dépendance pouvaient être multiples, que ce soit celle juridique du serf, celle économique du pauvre, celle moins évidente du tenancier, ou celle institutionnelle des membres de la communauté ecclésiastique. Mais en fait, le plus souvent, on ne peut pas tracer le portrait assuré de la condition individuelle. On peut se demander, à la limite, si l’imprécision du vocabulaire ne procédait pas de celle des situations personnelles. Chacun pouvait se trouver en même temps dans des catégories en principe séparées, mais réunies dans le même individu : tenancier et alleutier, tenancier et seigneur, serf et riche (encore que le cas en question soit très litigieux).
94L’approche quantitative reste impossible, aussi bien pour le nombre des convers que celui des donats, pour la réalité du servage et l’importance de la pauvreté. Il est certain que Grandselve posséda des serfs (comme elle avait aussi des tenanciers) et là encore, elle se plaçait en marge des prescriptions cisterciennes. Mais, y en avait-il beaucoup dans la Gascogne toulousaine ? Les traces n’apparaissent plus à la fin du XIIIe siècle.
95Elle occupait donc une position assez originale parmi les autres établissements du même Ordre, mais beaucoup moins dans la société méridionale où l’on retrouvait les mêmes imprécisions, les mêmes possibilités. Elle participa au mouvement général de libération. Si les exemples sont peu fréquents au niveau des personnes et des terres (car il est difficile de saisir où se noue parfois la dépendance), ils sont nettement affirmés en ce qui concerne les collectivités. Dans les chartes de franchise accordées aux nouvelles agglomérations et aux villages, la liberté de la personne était vigoureusement affirmée. Mais alors c’était un principe qui était mis en jeu et non telle ou telle situation ponctuelle. Et pour cela, au lieu d’assister à un aménagement partiel c’est sur la base même, sur le fondement que l’action s’opérait, avec des potentialités de répercussions beaucoup plus étendues dans le cadre social. Dans cette structure-là, le rôle de Grandselve fut beaucoup plus efficace et évocateur.
96Son influence a joué dans le même sens que l’évolution sociale générale du temps. De plus, le monde extérieur et le monde intérieur de l’abbaye tendaient à se rapprocher : le second fonctionnait dans l’interdépendance de ses différents éléments et non dans des rapports de domination. L’émancipation au sein des communautés mettait celles-ci sur un pied d’égalité vis-à-vis du monastère en favorisant une certaine prise de conscience collective. L’échange n’était possible qu’avec un partenaire jouissant des mêmes capacités.
Notes
1 11008 f° 195 : le 4 août 1182.
2 9994 f° 151 v°
3 9994 f° 109.
4 11008 f° 184 v° : en août 1174.
5 9994 f° 31.
6 9994 f° 36.
7 Ch. de Miramon, Les donnés au Moyen Age : une forme de vie religieuse laïque (v. 1180-v. 1500), Ed. du Cerf, Paris, 1999.
8 108 H 56 f° 87 v° : en juillet 1228.
9 Doat 76 f° 107 : en 1160.
10 Doat 78 f° 111 : en 1193.
11 G. Bourgeois, « Les granges et l’économie de l’abbaye de Nonenque au Moyen Age », Cîteaux, 1973, p. 151.
12 108 H 56 f° 257 : en 1218, janvier.
13 108 H 56 f° 264 v° : le 14 février 1315.
14 108 H 56 f° 137 v° : le 31 août 1305.
15 108 H 56 f° 298.
16 108 H 46 f° 74.
17 108 H 46 f° 75 à 78.
18 108 H 42.
19 108 H 56 f° 116 : le 5 octobre 1284.
20 108 H 56 f° 50 v° : le 3 mars 1241.
21 Abbé F. Galabert, « Le nombre des hommes libres dans le pays de Tam-et-Garonne aux XIe et XIIe siècles », BSATG, 1901, p. 47.
22 M. Mousnier, « Dono unum hominem meum : désignations de la dépendance en Languedoc occidental du XIe au XIIIe siècle », MEFR, tome 111,1999-1, p. 51-60.
23 Doat 78 f° 189 : tout ce que, au Burgaud et à Montès, en près, vignes, pâturages, terres, bois, bartes, hommes et femmes et leurs tenures, alleux, fiefs, décimaires, dîmes, tasque, agrier, usages, cens, oblies, queste, albergue et autres. R. Viader a emprunté une piste prometteuse en analysant un droit seigneurial particulier : « Pour quatre deniers de justice : variations toulousaines entre XIe et XIIIe siècle », dans H. Debax (éd.), Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France, Xe-XIIIe s.), Hommage à Pierre Bonnassie, Toulouse, CNRS-UTM, Méridiennes, 1999, p. 101-106.
24 Arch. départ. Tam-et-Garonne, A 297, Saume de l’Isle, f° 794 v° : le 1er juillet 1225.
25 11008 f° 197 v° : le 19 janvier 1184.
26 Plusieurs exemples, dont 11008 f° 225 : en décembre 1180.
27 108 H 56 f° 125 v° : en juin 1190.
28 Doat 78 f° 111 : en 1193.
29 9994 f° 202 v° : en 1176.
30 108 H 56 f° 199 : en avril 1189.
31 Doat 78 f° 415 : texte de 1260, donation de 1244.
32 H. Richardot, « Le fief roturier à Toulouse aux XIIe et XIIIe siècles », RHDFE, 1935, p. 317.
33 M. Berthe, Le comté de Bigorre. Un milieu rural au bas Moyen Age, Paris, 1976.
34 Doat 78 f° 189 : en novembre 1209.
35 108 H 46 f° 24.
36 Doat 78 f° 202 : la maison que Grandselve a à Auvillar, ainsi que l’homme qui y réside, sont exemptés de tout service, queste et coutume, en septembre 1215, par Vezian vicomte de Lomagne
37 P. Ourliac, « Le servage à Toulouse aux XIIe et XIIIe siècles », dans Etudes d’Histoire de droit médiéval, 1979, p. 132.
38 P. Bonnassie, « Survie et extinction du régime esclavagiste dans l’Occident du haut moyen âge (IVe-XIe s.) », Cahiers de Civilisation médiévale, 1985, p. 307-343, réédité dans P. Bonnassie, Les sociétés de l’an mil. Un monde entre deux âges, Bruxelles, 2001 (Bibliothèque du Moyen Âge, 18), p. 85-142.
39 108 H 56 f° 126 : le 1er août 1195.
40 Doat 77 f° 163 : en avril 1196.
41 3 textes dans 11008 f° 206 v° à 207 v° : en juin et juillet 1187.
42 P. Ourliac, Le servage..., p. 138.
43 P. Tucoo-Chala, Gaston Fébus et la vicomté de Béarn (1343-1391), Bordeaux 1959, p. 201. Voir également les travaux de B. Cursente, « Puissance, liberté, servitude. Les "casalers" gascons au Moyen Age », HSR, 6,1996, p. 31-50 et surtout Des maisons et des hommes : la Gascogne médiévale (XIe-XVe s.), Toulouse, PUM, 1998.
44 Je suis maintenant persuadée que l’affranchissement d’un serf permet sa nouvelle dépendance vis-à-vis d’un nouveau maître. M. Mousnier, « Jeux de mains, jeux de vilains. Hommage et fidélité serviles dans le Languedoc médiéval (XIIe-XIIIe siècles) », HSR, n° 14, 2e semestre 2000, p. 11-54.
45 J.A. Brutails, Etude sur la condition des populations rurales du Roussillon au Moyen Age. Paris, 1891, p. 177 ; P. Freedman, The Origins of Peasant Servitude in Mrdieval Catalonia, Cambridge University Press, 1991.
46 Sur la question du nouveau servage, se reporter à la grande synthèse Les formes de la servitude. La servitude dans les pays de la Méditerranée occidentale chrétienne, MEFR, Moyen Age, t. 112-2, 2000.
47 11008 f° 184 v° : en août 1174.
48 M. Castaing-Sicard, Les contrats dans le très ancien droit toulousain (Xe-XIIIe siècles), Toulouse, 1959, p. 90.
49 11008 f° 118 v° : en 1161.
50 G. Hubrecht, « Le servage dans le Sud-Ouest de la France, plus particulièrement à la fin du Moyen Age », dans Etudes d’histoire de droit privé offertes à P. Petot, 1959, p. 282.
51 H. Richardot, Le fief roturier..., p. 321.
52 F. Bériac, Des lépreux aux cagots. Recherches sur les sociétés marginales en Aquitaine médiévale, Bordeaux, 1990 ; B. Cursente « La solidarité par l’exclusion ? Nouveau regard sur l’origine des crestias/cagots ouest-pyrénéens », dans Tolérance et solidarités dans les pays pyrénéens, Foix, 2000, p. 463-473.
53 108 H 56 f° 250 : en juillet 1260.
54 9994 f° 216 v° : en avril 1190. La maison est dite « antique ».
55 108 H 55 f° 257 v° : le 7 octobre 1244.
56 108 H 56 f° 174 v° : en août 1209.
57 108 H 56 f° 174 v° : en avril 1210.
58 M. Mousnier, « Impact social des abbayes cisterciennes dans la société méridionale aux XIIe et XIIIe siècles », Cîteaux, 50, 1999, fasc1-2, p. 67-82.
59 P. Gérard, « Les origines du collège Saint Bernard de Toulouse (vers 1150-1335) », AM, 1957, p. 192.
60 M. Mollat, Les pauvres au Moyen Age, Paris, 1979, p. 112.
61 9994 f° 99 : le texte est daté par le copiste du 13 février 1120, ce qui est assez manifestement une erreur, puisque Gautier de Terride, fils d’Arnaud Gausbert vécut à la fin du XIIe siècle. Ce pourrait être 1190.
62 Doat 77 f° 251 : le 23 septembre 1182.
63 Doat 78 f° 41 : le 25 décembre 1188 ; la terre est tenue par Bernard Joguet et le service s’élève à 6 d. morlans.
64 9994 f° 187 v° : le 24 janvier 1161.
65 9994 f° 145 v° : le 24 avril 1172.
66 La mutation du service personnel en service par maison forme une des trames de l’étude de B. Cursente, Des maisons et des hommes : la Gascogne médiévale (XIe-XVe s.), Toulouse, PUM, 1998.
67 108 H 45 f° 11 : le 10 mai 1278.
68 108 H 56 f° 107 v° : le 29 mars 1297.
69 108 H 56 f° 183 v° : le 13 février 1279.
70 108 H 46 f° 30 : en 1313.
71 108 H 56 f° 417 v° : le chevalier Tersol de Bréville donne une terre et un bois nobles, avec les droits qui en dépendent, près de la grange Lescout, à Peiraube.
72 H. Richardot, Le fief roturier..., p. 316.
73 108 H 46 f° 68 : Pierre d’Orbessan détaille les droits suivants : agriers, oblies, albergues, droits seigneuriaux, acapte et autres. C’est donc bien un fief roturier.
74 108 H 56 f° 339 : le 10 octobre 1236, avec les dîmes, cens, rentes, agriers, tasques, albergues et autres droits.
75 Doat 78 f° 415 : en 1235.
76 Arch. départ. Tarn-et-Garonne, A, 297, Saume de l’Isle, f° 794 v° : en 1225.
77 108 H 46 f° 24 : donné par le donzel Paul de Bigarono.
78 9994 f° 70 : donation d’octobre 1180.
79 Cité par J.B. Mahn, L’ordre cistercien et son gouvernement, des origines au milieu du XIIIe siècle (1098-1265), Paris, 1951, p. 48.
80 108 H 56 f° 42 : le 22 avril 1261.
81 H. Richardot, Le fief roturier..., p. 319.
82 D. Pichot, « Les cartulaires manceaux de l’abbaye de Savigny », Revue de l’Avranchin et du Pays de Granville, 1976, p. 110.
83 Y. Dossat, Saisimentum Comitatus Tholosani, Paris, 1966.
84 108 H 46 f° 11 : le 10 mai 1278.
85 108 H 55 f° 108 : en 1299.
86 108 H 55 f° 143 : cette indivision était rappelée dans une sentence arbitrale entre les deux partenaires, en 1325.
87 108 H 46 f° 20 : le 21 mars 1285. Les seigneurs étaient Bernard de Barrairac, chevalier, Bernard de Villeneuve, et Odon de Preissac en son nom et pour celui de sa femme Mauretane.
88 108 H 56 f° 376 v° : le 30 mars 1276.
89 R. Rumeau, Monographie de la ville de Grenade, Toulouse, 1879, p. 80-81, article 17.
90 F. Moulenq, Le livre juratoire de Beaumont-de-Lomagne, Montauban 1888, p. 36.
91 108 H 56 f° 339 : le 13 juillet 1264.
92 Doat 78 f° 415.
93 Doat 80 f° 119 : le 7 juin 1300.
94 Doat 80 f° 99 : en mars 1298.
95 Doat 78 f° 270 : le 7 novembre 1267.
96 Doat 79 f° 203 : confirmé par le comte d’Armagnac.
97 108 H 46 f° 82 : le 6 juin 1281.
98 108 H 56 f° 348 v° : le 4 mai 1292.
99 Doat 80 f° 129 : en février 1300 ; ainsi que le fief de Solhio (est-ce Seilh ?).
100 F. Moulenq, Documents historiques sur le Tarn-et-Garonne, Montauban, 1879, t. III. p. 217, d’après le Répertoire des titres de la maison de Terride, K, Rojols.
101 Arch. départ. Tarn-et-Garonne, A, 297, Saume de l’Isle, f° 794 v°, en 1225.
102 P. Ourliac, « Le pays de la Selve à la fin du XIIe siècle », AM, 1968, p. 590.
103 E. Magnou-Nortier, « Fidélité et féodalité méridionales d’après les serments de fidélité (Xe-début XIIe siècle) », AM, 1968, p. 473.
104 108 H 56 f° 355.
105 108 H 46 f° 11.
106 P. Bonnassie, « Les conventions féodales dans la Catalogne du XIe siècle », dans Les structures féodales de l’Aquitaine, du Languedoc et de l’Espagne au premier âge féodal, Toulouse, 1969, p. 194.
107 Doat 76 f° 66.
108 9994 f° 151 v° : en 1180
109 P. Bonnassie, Les conventions féodales..., p. 196.
110 9994 f° 49, non daté : l’abbé est Pons, donc c’est dans le troisième quart du XIIe siècle (1160- 1170).
111 108 H 56 f° 400 v° : en décembre 1191.
112 108 H 56 f° 348 : en 1281.
113 108 H 56 f° 348 v° : le testament est du 4 mai 1291 et l’hommage du 15 mai.
114 F. Moulenq, Documents historiques..., p. 217.
115 P. Ourliac, « L’hommage servile dans la région toulousaine », dans Mélanges Louis Halphen, 1951, p. 552.
116 Il y a sans doute lieu d’y voir une caractéristique cistercienne car l’hommage servile fourmille dans les archives des ordres militaires, Hospitaliers et Templiers.
117 Doat 78 f° 270 : le 7 novembre 1267.
118 108 H 46 f° 41 : le 7 novembre 1267.
119 Doat 78 f° 226 : en juin 1224.
120 11008 f° 225 : décembre 1180.
121 Doat 78 f° 189 : en novembre 1209.
122 Doat 78 f° 163 : en novembre 1201.
123 P. Ourliac, Le pays de la Selve..., p. 582.
124 Notre meilleure connaissance du milieu aristocratique provient des études d’H. Debax dont La féodalité languedocienne. XIe-XII e siècles. Serments, hommages et fiefs dans le Languedoc des Trencavel, PUM, Toulouse, coll. Tempus, 2003.
125 L’étude de l’aristocratie de la Gascogne toulousaine reste entièrement à faire, aussi bien l’anthroponymie que l’analyse sociale.
126 9994 f° 103 : le 28 janvier 1189.
127 11009 f° 3 : en 1172.
128 Doat 76 f° 260.
129 P. Ourliac, Le servage à Toulouse..., p. 135.
130 J’ai singulièrement révisé ma position sur ce sujet : « Ville et servage en Languedoc toulousain : l’air de la ville rend-il libre ? », dans Les formes de la servitude..., MEFR, t. 112-2- 2000, p. 919-939.
131 F. Moulenq, Le livre juratoire..., p. 187-188.
132 O. de Saint-Blanquat, « Comment se sont créées les bastides du Sud-Ouest de la France », A. ESC, 1949, p. 287. L’auteur a montré que toutes les chartes royales depuis celle de Gimont en 1274 reprennent ce caractère de liberté.
133 R. Boutruche, Une société provinciale en lutte contre le régime féodal. L’alleu en Bordelais et Bazadais du XIe au XVIIIe siècle, Rodez, 1947, p. 54-56.
134 Doat 80 f° 29 : en juin 1284.
135 108 H 41.
136 Ch. Samaran, La Gascogne dans les registres du Trésor des Chartes, Paris, 1966, p. 2, n° 10 et n° 12 : en février 1302.
137 R. Fawtier, Registres du Trésor des Chartes, Paris, 1958, série JJ, 38, n° 45, f° 29 et n° 46, f° 29 v°.
138 108 H 56 f° 28 v°.
139 108 H 42 : en 1336.
140 9994 f° 67 : le 23 mars 1179 ; les tenanciers étaient Pierre Bernard Pedaz, Hugues de Pech Usclad et Ricsende sa femme, le fief étant à Lassale.
Table des illustrations
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Titre | Carte n° 20 : Seigneuries et bastides |
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Fichier | image/jpeg, 33k |
© Presses universitaires du Midi, 2006