1Les études consacrées au parlement de Toulouse aux XV^e et XVI^e siècles, ont volontairement laissé dans l’ombre les affaires criminelles1. Or, dès son installation, les procès arrivent en grand nombre ; la cour joue très vite son rôle de juridiction d’appel. Les arrêts se multiplient, d’abord de simples incidents de procédure – élargissements sous cautions, prises de corps –, puis peu à peu des condamnations. Ces premières décisions occupent largement la cour, leur nombre et leur variété méritent l’analyse. Certes, il ne faut pas demander à ce premier examen plus qu’il ne peut donner. Il n’est pas question d’apprécier la criminalité méridionale, ni, a fortiori, dégager une jurisprudence pénale. Nous voulons uniquement à partir d’un premier dépouillement poser quelques jalons d’une étude future qui vaut la peine d’être entreprise2.

2Quels renseignements peut-on tirer de ces arrêts ?

3Il convient tout d’abord de mesurer exactement leur portée. Les arrêts sont divers et les renseignements qu’ils offrent sont loin de présenter le même intérêt. Un grand nombre ne sont que des décisions de procédure qui perdent toute signification lorsque nous ne pouvons pas suivre la suite du procès, ce qui est très fréquent. Assez souvent, la procédure est interrompue et la décision « d’élargissement sous caution », par exemple, demeure isolée. Les dossiers complets sont exceptionnels. Il est en effet très rare de pouvoir suivre un procès criminel de l’arrestation du délinquant à sa condamnation. Ajoutons qu’un grand nombre d’arrêts manquent de précisions : ainsi, la nature du délit n’est pas mentionnée, ou en termes très généraux, « crimes et maléfices », « excès ou delictz », « excès, crimes et delitcz ». Enfin, il est quelquefois difficile dans une même affaire de distinguer les questions civiles des aspects criminels.

4Ces quelques réserves étant précisées, l’intérêt de ces premiers arrêts criminels est loin d’être négligeable. Ils permettent notamment de présenter la procédure criminelle à la fin du XV^e siècle (I), avant de tenter une analyse de la criminalité et de sa répression (II).

I – La procédure criminelle à la fin du XV^e siècle

5Les règles générales ont été jadis étudiées par Esmein et plus récemment dans les travaux de Mme Lebigre et MM. André Laingi et Jean-Marie Carbasse3. Mme Gauvard en a précisé la teneur dans sa remarquable thèse sur le parlement de Paris4. Nous pouvons classer les arrêts que nous avons relevés en suivant sommairement le déroulement de la procédure.

6Un grand nombre de décisions concernent l’arrestation du délinquant, la « prise de corps » lorsqu’une plainte, une « rumeur », parvient jusqu’à la cour. L’arrêt précise, selon l’importance du délit ou du crime – rarement mentionné à ce stade de la procédure –, que l’individu ou les individus seront « prins au corps, quelque part que trouvez pourront estre hors lieux sainctz et amenez prisonnier a la Conciergerie du Palais »5. La gravité du crime peut imposer l’arrestation en tous lieux, malgré le droit d’asile ; la cour en vient à justifier sa jurisprudence : « veues par la court, les informations faictes contre Guillaume de Lana, dit de Saint-Amans, prisonnier es prisons de la Conciergerie, avec sa confession, Il sera dit que a bonne et juste cause, ledit de Saint-Amans a esté par Jehan de Saxis, juge des crimes de Tolose, extraict de l’église de Belbuech de Garnagues et procédera la court a lui faire son procès, ainsi qu’il appartiendra »6.

7Tous les délinquants ne sont pas détenus ; ils peuvent être plus simplement cités à comparaître. Ainsi, Bertrand de Montault a refusé d’obéir à Nicole Berthelot, conseiller au Parlement, qui exécutait contre lui « certaines lectres royaulx a la requeste de Messires Guilhem Raymond de Saint-Lary prestre » qu’il détenait prisonnier pour dettes est cité à comparaître devant la cour7.

8Dans la plupart des cas, comme nous l’avons déjà dit, l’arrêt manque de précisions et se contente de mentionner que la comparution est imposée pour « certains exces et actemptaz » ou « certains exces et désobéissance ».

9La comparution n’est pas toujours effective, et l’arrêt de prise de corps n’est pas toujours suivi d’effet. De nombreuses décisions sont rendues par défaut. Le défaut recouvre deux réalités très différentes. Certaines absences le jour de la comparution sont motivées par la maladie le plus souvent et le défaut prononcé n’entraîne aucune condamnation. D’autres s’expliquent par la volonté des criminels d’échapper à la justice. La cour prononce alors quatre ou cinq défauts successifs avec autant d’appels à comparaître et, si les délinquants ne se présentent toujours pas, elle prononce contre eux la sentence de bannissement de la sénéchaussée ou du royaume, ainsi que la confiscation de leurs biens8.

10Dans le même ordre de décisions, il faut noter celles qui prononcent l’élargissement des prisonniers. La notion est ambiguë ; elle recouvre en fait deux situations. Dans certains cas, il s’agit d’une libération de prison, dans d’autres d’un ajournement au procès. La prison peut être la conciergerie du palais – on trouve dans ce cas le plus souvent la mention du pluriel – mais cela peut être aussi une assignation à résidence. Le délinquant tient prison en son hôtel, ou celui de son procureur ou de toute autre personne. Huguete Genoyn tiendra prison dans l’hôtel de son mari, qui se porte garant de sa comparution9. On peut enfin tenir prison « partout en la ville de Thoulouse ». Les motifs de l’élargissement sont divers. On rencontre parfois la maladie – c’est la raison invoquée par Huguete Genoyn –, les prisons sont d’ailleurs considérées comme un lieu malsain, « rhumatique »10. Le célèbre Otto Castellain invoquera son état de santé pour obtenir sa libération.

11L’élargissement est ordonné pour le service du roi, tel maître Gilet Garnier, élargi le 10 avril 1445, pour aller en compagnie du sénéchal de Toulouse faire certains exploits à Mauvoisin. Quelquefois enfin la pitié guide la décision de la cour : « oye la relacion faicte par Ravenel, concierge du Palays de la misère en laquelle est détenu très présentement Guilhem Cornil, prisonnier en ladicte Conciergerie, la court a ordonné que ledit Cornil, pour honneur et révérence de la passion de nostre seigneur, sera eslargy par la ville »11. Les fêtes religieuses favorisent les élargissements12.

12Ces élargissements sont fréquents – un grand nombre de délinquants semblent passer leur temps à quitter la prison et à y revenir13.

13La plupart des décisions sont rendues sous la condition du versement d’une somme, parfois importante, garantie par une ou plusieurs cautions14.

14Sous la rubrique des arrestations, il convient de relever les arrêts qui relatent les évasions. La garde est mal faite ; on sort très facilement de la prison de la cour. En mars 144615, un cordelier s’est évadé ; deux conseillers sont alors désignés pour visiter les lieux, et faire leur rapport. Quelques mois plus tard, un individu est arrêté, puis élargi, pour avoir favorisé une nouvelle évasion. En janvier 1448, l’affaire est plus importante. Plusieurs prisonniers se sont évadés de la conciergerie. La cour désigne un conseiller et cite à comparaître le garde ; ses biens sont saisis et il est finalement emprisonné, puis privé de son office. Quelques semaines plus tard, le parlement reçoit le serment de son successeur, mais ce dernier n’a guère plus de chance, car la veille de sa prestation de serment un notaire venait de s’évader et trouver refuge à l’église Saint-Michel16.

15Rien ne s’arrange ; on retrouve des plaintes en 148217. En 1489 il s’agit alors de la prison de la viguerie. Le 31 août 1489, la cour décide que les geôliers ne peuvent enlever les fers des prisonniers, ni les autoriser à parler entre eux « sous peine de courir la ville et d’être pendus »18. Il ne faudrait peut-être pas conclure trop vite à l’inefficacité du système carcéral. Les prisons retiennent les prisonniers et certains, comme le mentionnent les arrêts, y croupissent des années19.

16La deuxième série de décisions concerne les renvois des prisonniers à une autre juridiction. Le plus souvent il s’agit du sénéchal20 ; très fréquemment à l’autorité ecclésiastique, lorsqu’il s’agit d’un clerc jouissant du privilegium fori21 ; quelquefois le renvoi est décidé au profit des capitouls. Ainsi cet arrêt curieux du 3 mars 148022 qui renvoie aux capitouls deux criminels qui doivent perdre le poing avec une recommandation particulière de ne pas procéder à l’exécution sur le pont de la Daurade, car il n’est pas solide, et l’on attend beaucoup de monde23.

17Quelques décisions portent sur la procédure d’information. Les enquêtes, l’audition des témoins et de l’inculpé. La plupart sont peu explicites et livrent simplement qu’une information est ouverte pour « crimes et délits » ou « chose superstitieuse »24.

18S’agissant des clercs, c’est au cours de cette phase que la cour examine leur état et statue sur la cléricature25. Les conseillers sont fréquemment désignés pour aller sur place effectuer l’enquête. Citons parmi plusieurs enquêtes une sombre affaire de magie et de sorcellerie, qui a conduit les magistrats à Millau26. Au cours de l’instruction, l’inculpé peut être soumis à la torture. On se contente le plus souvent de lui présenter les « instruments » ; il avoue et « se confesse »27. À défaut, on lui inflige l’épreuve. Les décisions sont peu explicites. Cependant, un certain Thomas Pradier, poursuivi pour coups et blessures de guet-apens sur chemin public, sera conduit à la question et interrogé. S’il refuse d’avouer son crime, on lui liera les mains derrière le dos et il sera « estraint sans élévation »28.

19Nous pouvons enfin classer parmi les arrêts de procédure les décisions qui examinent les lettres de rémission ou de grâce. Le parlement procède à un examen rigoureux de la lettre, avant de l’entériner, ou de passer outre. La cour convoque les témoins, assez fréquemment les victimes, avant de se prononcer29. Pour autant que l’on puisse en juger, d’après nos sondages, le parlement se montre plutôt indulgent30 au début et plus sévère après les années 1480, refusant assez souvent d’entériner les lettres31. Seule une étude minutieuse portant sur l’ensemble des arrêts permettra de confirmer ou d’infirmer cette première impression.

II – Les délits, les crimes et leur répression

20Bornons-nous à présenter quelques remarques, en classant sommairement les différents délits ou crimes.

21En premier lieu, on peut relever les injures, relativement nombreuses et adressées généralement à des officiers de la cour. On peut assimiler ce délit à la résistance à l’exécution des décisions ; la condamnation est la même32. Les affaires ne sont pas très graves et la peine est dans presque tous les cas l’amende honorable, assortie ou non d’une amende pécuniaire, sans que l’on puisse déterminer en fonction de quel critère elle est infligée, ni ce qui justifie la variation du taux. Retenons quelques exemples. Un avocat a adressé de « mauvaises paroles » à la cour et au premier président, il est condamné à la seule amende honorable33 ; de même un prêtre à l’égard du procureur général34 ; la même sanction est imposée dans une affaire plus curieuse. Un certain Jean de Vernon a fait placer au-dessus du siège habituel du procureur du roi, Lucas Vanneau, le nom de Luc surmonté de deux cornes de cerfs35.

22En revanche, paieront en outre une amende, un procureur au parlement qui a rédigé une requête injurieuse à l’égard du roi, de la cour et du président Cousinot (60 sous)36 ; un certain Vidal, pour injure à un huissier (100 sous)37 ; le procureur du roi à la sénéchaussée de Toulouse qui a jugé le « sang de Dieu » (dix livres)38 ; de Morlhon, dans une affaire plus importante pour injure au roi (cinquante livres)39 ; un individu qui a traité un marchand de « ladre » (deux cents livres)40.

23Certaines injures sortent de ces cas ordinaires. Louis Lullier, conseiller au parlement, et Adam Cousinot, président, se sont injuriés, sans doute, à l’audience, ils sont suspendus un mois41 ; Élie de Pompadour, évêque de Viviers et conseiller au parlement, est « chargé d’avoir mal parlé et usé en plusieurs lieux de mauvaiz et déshonnête langage contre l’honneur et l’auctorité de ladite court », le parlement le condamne à ne plus venir siéger comme conseiller, jusqu’à nouvel ordre ; il ne pourra désormais entrer aux audiences « ainsi que les autres evesques ont acoustume de faire »42. Enfin, un chanoine de Saint-Étienne a insulté l’archevêque de Toulouse, en habit pontifical, au cours de la messe célébrée à l’occasion de la paix entre la France et l’Angleterre. Il est arrêté, puis élargi, la sanction sera vraisemblablement disciplinaire, infligée par l’autorité ecclésiastique43.

24Les blasphèmes, injures à Dieu, apparaissent plus tard, après 147044. Jean Fort, convaincu de blasphème, est condamné à faire amende honorable, puis à courir la ville, comme les bannis et les condamnés à mort précise l’arrêt ; il demandera pardon à Dieu devant la taverne où il a blasphémé, devant l’église de la Daurade, après quoi il sera mis dans une cage et plongé trois fois dans la rivière « afin que ce soit exemple à tous autres »45. Etienne Bardin, quelques années plus tard, subit la même peine et se voit en outre condamné au bannissement du Languedoc pour six ans46. En 1486, Bernard Vidal, après rejet des lettres de grâce, subit la course avec fustigation jusqu’à effusion de sang47. Trois frères de Naucelles en Rouergue ont en plus des blasphèmes volé et pillé ; ils sont condamnés à la cage, à la course avec fustigation, à être exposés au pilori pendant un quart d’heure, la langue percée ; ils sont en outre bannis à perpétuité du royaume48. Une femme est condamnée à la course, à la fustigation et au bannissement perpétuel de la sénéchaussée de Toulouse, pour blasphème et vie dissolue49.

25On peut regrouper sous une même rubrique les crimes de sacrilège, maléfices, choses superstitieuses et sorcellerie. Comme les blasphèmes, on ne les rencontre que plus tardivement, ils paraissent se multiplier après 1480. Les affaires les plus intéressantes de sorcellerie et de nécromancie, liées au célèbre procès d’Otto Castellain, trésorier du roi, auquel se trouve associé Pierre Mignon, ont été longuement étudiées par Pierre Braun50. Les termes qui ne sont pas synonymes sont souvent utilisés ensemble51 et parfois associés à d’autres crimes qu’ils aggravent, tels le vol ou l’adultère. Les peines sont variables. Jean Bartère, poursuivi pour excès maléfices, est condamné à la fustigation, à la perte du poing droit et au bannissement perpétuel52. Simon Boyer, pour vol dans une église et sacrilège, fera amende honorable et devra quitter la sénéchaussée pendant un an, après avoir restitué les biens dérobés aux différentes églises53. Pour délits et maléfices, sans autre précision, un habitant de Cordes est pendu54 ; un habitant de Saint-Affrique est décapité pour vol, agression et maléfices55 ; Pierre Carrière quant à lui est condamné à faire amende honorable, à la fustigation et au bannissement pendant trois ans de la viguerie de Toulouse, pour avoir joué aux dés, en particulier, le Vendredi saint56.

26Plusieurs arrêts portent sur le crime de faux ; les peines sont diverses, mais on retrouve dans tous les cas l’amende honorable. Un individu est en outre condamné à une amende de cent livres, ainsi qu’à l’exposition trois lundis de huit heures à neuf heures sur l’échafaud dressé devant la trésorerie de Toulouse57. Un avocat, Jean Trières, a utilisé de fausses pièces au cours d’un procès ; après avoir fait amende honorable à genoux « sans chapperon, ni ceinture », il paiera diverses amendes, sera privé de son office à perpétuité à Toulouse et pour deux ans hors de la ville58. Quelques années plus tard, un certain Antoine Carrier, poursuivi pour fausses dépositions et parjure, est condamné, outre l’amende honorable, à la fustigation, à avoir la langue percée et à l’exposition sur le pilori de la trésorerie « et illec demourer l’espace d’une heure tenant la grefe de fer en sa dite langue »59. Le crime aggravé de « mauvaiseté et maléfices » vaut à un notaire, outre les peines habituelles, la perte du poing droit qui restera exposé à un pal et le bannissement perpétuel du royaume60.

27Vers la fin du XV^e siècle, nous relevons plusieurs affaires de faux monnayage61. Au tout début de 1491, cinq faux-monnayeurs sont arrêtés à Toulouse ; ils sont condamnés à la course, avant de périr bouillis dans l’huile62. Le parlement prend d’ailleurs des mesures à la même époque et ouvre une enquête sur le commerce de billon avec l’Espagne. Le trafic de monnaies, organisé par des changeurs contrebandiers avec la Catalogne, paraît alors avoir connu son apogée. D’autres crimes économiques, comme le trafic et le monopole du sel, sont organisés à grande échelle.

28Les délits contre les personnes, qualifiés coups et blessures, se retrouvent sous les noms divers de « excès et violences », « agression et voie de fait », quelquefois « batteure » ou « rixe », aggravés lorsqu’ils sont commis de guet-apens, ou sur un chemin public. Ce délit très courant est, le plus souvent, poursuivi avec un crime plus grave, « maléfice ou sortilège », « vol, adultère ou meurtre ». Les peines sont très variables, comme peuvent en témoigner les quelques exemples que nous avons retenus. Pour de simples coups échangés par deux prisonniers, la cour condamne l’agresseur à soixante sous de dommages pour la victime et à une amende de cent sous au profit de la chapelle du palais63. S’agissant d’agression avec violence, le coupable subit la peine de la course avec fustigation usque ad effussionem sanguinis et au bannissement de la viguerie de Béziers pendant quatre ans64. Une agression avec voie de fait est sanctionnée plus sévèrement ; outre la course, le criminel subira l’ablation des deux oreilles et le bannissement perpétuel du royaume65.

29Les atteintes aux biens sont les vols, larcins, on trouve assez souvent l’expression « ruffianage »66. La peine est généralement sévère : la course et la fustigation67, assortie quelquefois de mutilation – essorillement – et du bannissement68. On peut noter une sanction plus particulière infligée à quatre déprédateurs de vignes : ils feront la course liés à une perche, la tête couverte d’un chaperon de sarments69.

30Il faut réserver une place à l’adultère, aux rapt et ravissement. La peine de l’adultère est traditionnellement la course70. C’est la sanction infligée à un couple, poursuivi pour proxénétisme exercé sur une fillette de dix ans « par eulx baillée et livrée à certains personnages »71. Poursuivi pour adultère et rébellion au sergent qui venait l’arrêter, un certain Pierre Larroque est condamné à l’amende honorable, à la fustigation et au banissement du Languedoc72. Pour viol la condamnation est plus lourde, outre la fustigation et le bannissement, le coupable aura le poing droit coupé et ses biens confisqués au profit de la victime73.

31En matière de moralité, non seulement le parlement réprime, mais il prévient. Ainsi, défense est faite à un avocat, Jean de Lagarrigue, de vivre en concubinage, sous peine de cent marcs d’argent et d’être privé perpétuellement de sa « patrocine »74. De même, Jacques Arasel, procureur en la cour, mettra dehors une femme dissolue sous peine de privation de son office75. Ordre est également donné à une femme de moeurs légères de quitter la rue Saint-Barthélemy sous peine de la course76. Quelques années plus tard, la même injonction est adressée à plusieurs femmes, leur interdisant de demeurer rue Saint-Rémesy77.

32Il convient enfin de signaler les crimes les plus graves, meurtres et assassinats. D’un grand nombre de décisions, rappelons quelques exemples. Guillemette Bessières est condamnée à être brûlée pour avoir empoisonné son mari78. Antoine Hunault, convaincu de meurtre, est décapité, son corps mis en quatre quartiers79. La peine est traditionnelle, assortie fréquemment de l’exposition du corps80. Un adolescent de douze ans environ a tué une fillette de neuf ans et un petit enfant de trois ans et demi ; il est condamné à la course, à la fustigation et à la perte du poing droit81.

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33Il est difficile de conclure une telle énumération82. Le titre de notre intervention en disait assez les limites. L’exposé de ces nombreuses décisions pose plus de questions qu’il n’amène de réponses. Ainsi, peut-on tenir pour assuré que la cour tend à devenir plus sévère après les années 1480-1490 ? Est-elle très réservée à l’égard des lettres de rémission qu’elle n’entérine que rarement ? Comment peut-on apprécier l’extrême diversité des sanctions pour des délits et des crimes comparables, sinon identiques ? Seule une analyse complète des arrêts et des plaidoiries permettra de confirmer ou d’infirmer les quelques tendances que nous avons signalées.

34La présente étude n’avait d’autre but que de mettre en relief la variété des décisions criminelles rendues par la cour toulousaine à la fin du XV^e siècle.