Villages pyrénéens
| ,Cadres, sites et ressources naturelles
Pyrénées antiques : l’irréalisable puzzle
Texte intégral
1Il est de bonne tradition, dans tout colloque d’histoire, d’offrir quelques pages liminaires à la préhistoire du thème traité. Quand il n’est pas pure convention et simple rituel, ce bilan veut ouvrir des perspectives sur l’analyse de l’évolution, des continuités et des ruptures, des héritages et des nouveautés. La tentation est particulièrement forte en matière d’étude de l’espace et de son mode d’occupation par l’homme : les sociétés ont-elles toujours été sensibles aux mêmes atouts naturels ? Ces atouts naturels eux-mêmes sont-ils immuables ou changent-ils avec l’évolution globale des sociétés ? S’interroger sur l’occupation antique des vallées pyrénéennes dans le cadre d’un colloque sur le village médiéval et moderne et sur ses rapports avec l’eau invite donc à sacrifier à la question rituelle et à se demander ce qui des Pyrénées romaines a survécu dans les Pyrénées médiévales en termes de répartition de l’habitat et d’influence de l’hydrographie.
- 1 G. Pradalié, R. Sablayrolles, Prospection des vallées pyrénéennes en amont de Saint-Bertrand-de-Com (...)
- 2 Ch. Dieulafait, R. Sablayrolles, « Le rempart de Saint-Lizier-en-Couserans : élément d’une défense (...)
- 3 D. Galop, La forêt, l’homme et le troupeau dans les Pyrénées. 6000 ans d’histoire de l’environnemen (...)
- 4 A. Laurens, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale à l’époque romaine : le témoignage d (...)
- 5 J.-M. Fabre, R. Sablayrolles, « Le dieu Erriape et les isotopes stables : les carrières antiques de (...)
- 6 C. Dubois, J.-E. Guilbaut, F. Tollon, « Les anciennes métallurgies du front montagnard ariégeois (f (...)
2Mais pour parler d’héritage, encore faut-il connaître ce que contient le legs et, en la matière, la connaissance des Pyrénées antiques est largement inégale, offrant l’image d’un puzzle aux vides trop nombreux pour permettre une synthèse assurée. Si certaines zones ont fait l’objet de prospections systématiques, comme le bassin de la Garonne exploré dans les années 1988- 1992 par l’équipe archéologique de l’université de Toulouse-Le Mirail sous la direction de G. Pradalié et R. Sablayrolles1, d’autres n’ont pas connu d’opération archéologique depuis plusieurs décennies et l’image qu’on peut s’en faire est tributaire de clichés souvent vieillis, voire inexacts. Tantôt la passion incontrôlée pour la petite patrie entraîne l’érudit local à surinterpréter les données, créant par exemple une somptueuse capitale des Consoranni à Saint-Lizier où ne subsistent, en fait, que des vestiges funéraires2, tantôt l’absence de données est analysée comme un vide historique alors qu’elle est le fruit des insuffisances de la recherche. Seules, quelques vallées échappent désormais à cette analyse lacunaire, et, parallèlement, quelques thèmes ponctuels font l’objet de travaux de synthèse, comme l’histoire de la forêt3, les traditions funéraires4, l’exploitation du marbre5 ou, par endroits, celle des métaux6. En dépit de ces inégalités dans la maîtrise des sources de l’histoire ancienne des Pyrénées, il est possible de mettre en évidence quelques constantes dans le mode d’occupation des terroirs et donc d’offrir une base, bien imparfaite, à la comparaison avec l’émergence du village médiéval. Cette comparaison peut s’affiner sur les zones mieux connues, comme le bassin de la Garonne, où la base de données est plus abondante et mieux assurée.
L’exploitation des ressources naturelles : une constante de l’économie montagnarde
- 7 R. Sablayrolles (dir.), J.-M. Escudé-Quillet, C. Maissant, Carte Archéologique de la Gaule. 09 – Ar (...)
- 8 R. Simonnet, « Habitat et fonderie protohistoriques à Carbon, commune de Varilhes (Ariège) », Galli (...)
- 9 CAG 09. L’Ariège, 1996, p. 85 – 86.
- 10 C. Dubois, « Métallurgie du fer en Ariège de l’Antiquité au XVIIe siècle. Le point sur les données (...)
- 11 C. Dubois, « Lercoul (Pyrénées ariégeoises) : un site métallurgique du IIIe siècle d. n. è. », à pa (...)
- 12 A. Beyrie, J.-M. Fabre, R. Sablayrolles, « Les hommes de fer du dieu Ageio », à paraître dans Galli (...)
3La richesse de la montagne, ce sont avant tout ses ressources naturelles : les métaux, le bois, la pierre ; ce sont elles qui, dès les origines, ont poussé les hommes à coloniser les vallées les plus reculées et les plus inaccessibles. L’extraordinaire richesse du département de l’Ariège en vestiges de l’âge du Bronze illustre parfaitement cette évidence7. Dès le deuxième millénaire avant notre ère, la recherche du cuivre et, probablement, de l’étain amena les hommes dans les hautes vallées, où toute l’activité est documentée par les vestiges archéologiques, des moules de fondeur, comme à Carbon près de Varilhes dans l’Ariège8, jusqu’aux objets finis, telles les innombrables haches découvertes un peu partout ou les bijoux, fruits d’une production artisanale comme à Bonac-Irazein dans le Biros9. Cette métallurgie du bronze engendrait une économie d’échange qui franchissait la chaîne : les haches à ailerons découvertes au Port de Siguer, à 2250 m d’altitude dans la commune d’Aston (Ariège), témoignent du transport de ces objets par les cols pyrénéens les plus élevés. Cette tradition minière et métallurgique se poursuivit à travers les siècles10 : le fer du Vicdessos, qui fit la fortune des comtes de Foix, était déjà exploité durant l’Antiquité tardive à Lercoul, où les fouilles de C. Dubois ont mis au jour une petite exploitation du IIIe siècle11, et alimentait encore, en plein XXe siècle, le martinet de Montgailhard près de Foix. La même continuité s’observe dans les Baronnies, entre les hautes vallées de la Neste et de l’Adour, où le fer des pagani ferrarienses romains était, au XVe siècle, objet de litige entre les seigneurs de Hèches et d’Esparros et fournissait toujours, à la fin du XIXe siècle, les forges de Rebouc en vallée d’Aure12. S’il est impossible, en l’absence de témoignage archéologique probant sur l’habitat, d’étudier les structures de la vie quotidienne de ces mineurs et métallurgistes de diverses époques, il n’en est pas moins certain que cette activité joua, de tout temps, un rôle essentiel dans la colonisation des vallées.
- 13 C. Dubois, J.-P. Métailié, V. Izard, « Archéologie de la forêt charbonnée : questions et méthodes, (...)
- 14 R. Sablayrolles, « Les dieux des bûcherons dans les Pyrénées à l’époque gallo-romaine », Proto-indu (...)
4Le bois, plus immédiatement disponible que le métal, fut naturellement une des premières ressources utilisées par l’homme dans le milieu montagnard. Si sa large exploitation domestique, pour la construction de cabanes comme pour le chauffage, laisse peu de traces, son exploitation artisanale est moins difficile à cerner et plus à même d’avoir engendré un mode d’occupation spécifique de la montagne. L’histoire de la forêt charbonnée commence avec les premiers métallurgistes et se poursuit jusque dans les années 1940, où l’alimentation des véhicules à gazogène redonna temporairement un coup de fouet à la production du charbon de bois. Les travaux de J.-P. Métailié et C. Dubois à Lercoul, en Ariège, ont montré qu’il existait une phase antique à cette activité, sans doute directement liée à la métallurgie du fer voisine13. La présence dans les Pyrénées centrales d’un dieu Fagus (fig. 1), le dieu-hêtre, et d’un dieu Sex Arbor, le Six-Arbres, illustre à la fois le caractère préromain de l’activité forestière (ce sont des dieux inconnus du panthéon romain classique) et son extension à l’époque romaine (les noms des divinités ont été traduits en latin à un moment où la production forestière s’insèrait dans un système d’échange qui en changeait vraisemblablement la taille14). Comme pour le minerai et le métal, l’absence de traces d’habitat directement lié à cette activité empêche d’analyser son impact sur le mode d’occupation de l’espace, mais sa sacralisation sous la forme des divinités-arbres témoigne de son caractère essentiel dans la vie des communautés montagnardes préromaines puis romaines.
- 15 E. Boube, Collections du Musée Archéologique Départemental de Saint-Bertrand-de-Comminges. 4. Le tr (...)
- 16 Fabre, Sablayrolles, 1995, « Le dieu Erriape ». R. Sablayrolles, « Le pagus dans le cadre pyrénéen (...)
5La pierre enfin, et notamment la pierre luxueuse, le marbre, a été exploitée dès l’apparition des constructions en dur, et notamment des édifices publics à caractère prestigieux. L’antiquité romaine joua dans ce domaine un rôle essentiel et les carrières de Saint-Béat (fig. 2) fonctionnèrent dès que la présence romaine dans les Pyrénées centrales se structura de façon définitive. Le trophée de Saint-Bertrand-de-Comminges, daté des dernières années avant notre ère (16-13 av. n. è.15), est en marbre blanc de la carrière du Cap du Mont, qui était donc déjà en activité à cette époque. Si, une fois encore, l’habitat fait défaut, la présence de nombreuses inscriptions latines dans la région de Saint-Béat et Marignac, celle d’un sanctuaire à l’intérieur même de la carrière de Rapp laissent penser que l’exploitation du marbre engendra une vie communautaire dès l’Antiquité romaine, peut-être structurée autour d’un pagus16.
6L’eau, ressource naturelle de la montagne au même titre que le minerai, le bois ou la pierre, joua-t-elle un rôle dès l’Antiquité dans la structuration de l’habitat ? Il n’est guère possible d’évoquer le problème en termes d’analyse de l’habitat groupé et de ses rapports avec la recherche de l’eau ou, au contraire, la fuite des zones inondables, tant l’habitat groupé antique est mal connu. Quelques réflexions n’en sont pas moins possibles sur l’utilisation de l’eau et son influence sur l’installation des hommes, dans au moins deux domaines.
- 17 Fabre, Sablayrolles, 1995, « Le dieu Erriape », p. 150 – 151.
- 18 Strabon, Géographie, IV, 2,1.
7Le premier est celui de la communication. L’Antiquité préférait le transport fluvial à toute autre forme de transport pour les marchandises pondéreuses : plus rapide, moins coûteux et permettant des cargaisons plus lourdes, il prenait le pas, partout où cela était possible, sur le transport routier. Aucune trace archéologique ou épigraphique n’est parvenue jusqu’à nous de l’utilisation à ces fins des rivières pyrénéennes, alors que les corporations de bateliers ou de radeliers du Rhône, de la Saône, de la Durance ou même de petites rivières comme l’Ouvèze sont bien attestées par les inscriptions latines dans le domaine alpin. Il n’en reste pas moins certain que le marbre de Saint-Béat est descendu des Pyrénées vers les villes comme Lugdunum (Saint-Bertrand-de-Comminges) ou Tolosa (Toulouse) par l’intermédiaire de la Garonne17. Le géographe antique Strabon la disait navigable sur 2000 stades, soit 350 km18, et le Dictionnaire géographique et administratif de la France et de ses colonies, écrit en 1894 par P. Joanne, la dit flottable, donc accessible à la radellerie, sur 86 km, du Pont du Roi, à Fos, jusqu’à Boussens, et navigable sur 461 km, de Boussens à l’estuaire de la Gironde. Cette activité indéniable, malgré l’absence de témoignages concrets, dut engendrer un habitat groupé spécifique, sous la forme de ports fluviaux, même sommaires. Si l’on situe traditionnellement celui de Lugdunum sur la commune de Valcabrère, aucune exploration archéologique d’ampleur n’a été entreprise dans ce secteur, et, près de Saint-Béat, la prospection des abords de la rivière n’a pas apporté les résultats escomptés.
- 19 G. Fabre, « Les stations thermales de l’Aquitaine méridionale », Dossiers de l’ Archéologie. L’eau (...)
- 20 S. Saunière, « Les thermes d’Onesiae (Bagnères-de-Luchon) : contribution à leur identification », A (...)
- 21 CIL, XIII, 350 à 360.
- 22 CIL, XIII, 345 à 347.
- 23 R. Lizop, Histoire de deux cités gallo-romaines. Les Convenae et les Consoranni, Toulouse, 1931, p. (...)
- 24 CIL, XIII, 356 et 352.
- 25 CIL, XIII, 389.
- 26 CIL, XIII, 390 et 391.
- 27 Fabre, 1992, « Stations thermales de l’Aquitaine méridionale ».
8Mieux caractérisée est, en revanche, l’utilisation des eaux thermales19. Strabon, qui écrivait dans les deux premières décennies de notre ère, vantait la beauté des thermes des Onesii, identifiés sans aucun doute possible comme ceux de Luchon20. La construction des thermes actuels, entre 1848 et 1855 notamment, mit au jour des structures techniques : éléments de captage des sources sulfureuses chaudes, réservoirs et bassins. Plusieurs dédicaces aux dieux salutaires des sources, aux Nymphes en particulier, témoignent de la reconnaissance des curistes antiques (elles sont au nombre d’une dizaine21). La présence, parmi ces divinités, d’Ilixo22, divinité topique préromaine, montre que l’usage des eaux thermales remontait à la protohistoire. Malgré le caractère fragmentaire et ancien des données (il s’agit de fouilles ponctuelles, effectuées de façon parfois expéditive au siècle dernier23), l’existence d’une agglomération à proximité des sources thermales est une certitude. Elle constitua un pôle de vie groupée intense et d’attraction puissante, comme en témoignent les ex voto de la Rutène Manutia Sacra, originaire de Rodez, et de la Ségusiave Cassia Touta, venue de la région de Lyon24. Le Vicus Aquensis de Bagnères-de-Bigorre, dont les habitants firent ériger une dédicace au Génie de l’Empereur25 et où furent trouvés des structures thermales antiques et des autels aux Nymphes26 lors de la construction, en 1823, des thermes actuels, connut semblable destin, comme, probablement, les Aquae Convenarum, qu’on situe, de façon plus hypothétique, à Capvern-les-Bains27. De ce point de vue, le thermalisme pyrénéen est à l’image de nombre de stations thermales françaises, où l’essor que prit cette pratique au XIXe siècle redonna vie à une activité qui avait déjà irrigué la région dans l’Antiquité et engendré une forme d’agglomération secondaire. La vie communautaire s’était perpétuée durant le Moyen Âge et la période moderne, malgré la diminution ou la disparition du thermalisme. S’il s’agit d’une certitude pour Luchon et Bagnères-de-Bigorre et d’une hypothèse fort vraisemblable pour Capvern-les-Bains, on ne saurait pour autant restituer un établissement antique derrière chaque station moderne, ce que font trop volontiers les historiens locaux entraînés par l’enthousiasme de leur sujet et, de façon plus mercantile, les publicitaires à la recherche du grand ancêtre pour vendre le balnéaire contemporain.
- 28 Galop, 1998, La forêt, l’homme et le troupeau.
- 29 G. Fabre, « Les divinités "indigènes" en Aquitaine méridionale sous l’empire romain », Religio deor (...)
- 30 Groupe de Recherche sur la Cité des Convènes, Saint-Bertrand-de-Comminges, Guides Archéologiques de (...)
9Une dernière constante de l’activité montagnarde, qui peut être assimilée à un usage des ressources naturelles, est la pratique du pastoralisme transhumant. Sensible dès le néolithique, où la présence humaine se décèle dans la transformation de l’environnement forestier28, l’usage pastoral de la montagne se poursuivit durant l’âge du Bronze, où les sépultures montagnardes à cercles de pierres, comme celles des vallées d’Oueil et de Larboust, sont rattachées à ce type d’activités, et il ne se ralentit pas à époque romaine, où nombre des sanctuaires d’altitude pourraient être liés à la transhumance29. Ici encore, l’Antiquité se distingue par la certitude qu’elle apporte sur la réalité de cet élevage montagnard mais aussi par la difficulté à cerner le mode d’occupation et d’habitat qui l’accompagnait. L’incontestable développement de l’élevage durant la période romaine se lit, entre autres, dans l’important marché de viande bovine installé au cœur de la capitale Lugdunum. Perçu à travers les vestiges osseux de débitage secondaire de boucherie, ce marché témoigne d’abord, par l’énorme quantité des restes, de la taille et de la durée de cette activité. L’analyse minutieuse des ossements, pratiquée à l’École Nationale Vétérinaire sous la direction d’Y. Lignereux30, illustre ensuite une politique d’amélioration de la race, avec le passage du petit bœuf au grand bœuf entre les années 40 av. n. è. et les années 15 d. n. è. L’abondance, dans la même ville de Lugdunum, de tessons d’amphores Richborough 527, qui servaient au transport de l’alun, suggère l’existence d’une activité textile importante dans la cité, qu’on peut supposer alimentée par un élevage ovin pratiqué dans les vallées. Mais si cette agriculture de montagne est bien illustrée par la présence de ses produits à la ville, il est plus difficile d’en saisir les lieux précis et la forme d’habitat qui leur était liée. La prospection pourtant rigoureuse des vallées du bassin de la Garonne, dont nous évoquerons plus en détail les résultats, n’a guère révélé d’habitat rural et la villa, considérée souvent (et à tort) comme le principal signe de l’occupation de l’espace rural durant la période romaine, n’est guère représentée que par quelques vestiges mobiliers qu’on rattache de façon bien hypothétique à ce type d’exploitation (décor architectural en marbre, pavage de mosaïques, pièces à chauffage par hypocauste, etc.). Si, par ailleurs, les nécropoles, mieux connues, paraissent attester de la vie de communautés groupées sous des formes différentes de celles de la villa, l’absence totale de témoignages sur l’habitat lui-même rend, là encore, totalement aléatoire toute espèce d’analyse.
10Pastoralisme, exploitation des ressources naturelles comme la pierre, le bois, le métal, et, bien sûr, l’eau constituent donc des constantes de l’économie montagnarde, que l’on retrouve, avec des variantes, de l’Antiquité à l’époque contemporaine et qui ont, par conséquent, joué naturellement un rôle dans la structuration des communautés et dans leur mode d’occupation du territoire. De cette structuration on peut, pour la période antique, tracer quelques grands axes, avant d’envisager l’exemple concret du bassin de la Garonne.
Les grands axes structurants de l’Antiquité
- 31 Escudé-Quillet, 1998, Du complexe pyrénéen au complexe sud-aquitain.
- 32 César, Guerre des Gaules, I, 1 ; Strabon, Géographie, IV, 1,1 et IV, 2,1.
11La première certitude qu’offre une analyse des Pyrénées antiques est que le massif ne constituait pas une barrière, une frontière naturelle, mais bien un passage largement fréquenté. Ibères à l’est et Aquitains à l’ouest étaient installés de part et d’autre de la chaîne et l’archéologie comme l’épigraphie attestent de l’identité des cultures au nord et au sud du massif. Le monnayage ibère de la côte catalane se rencontre jusqu’à l’ oppidum de Montlaurès, près de Narbonne, et les graffiti gravés sur la céramique de l’oppidum d’Ensérune sont souvent en caractères ibères. La céramique ampuritaine abonde sur les sites de l’âge du Fer nord-pyrénéens, témoins de l’intensité des échanges et de la similitude des cultures. À une époque plus ancienne, à la charnière de l’âge du Bronze et de l’âge du Fer, les Aquitains du piémont pyrénéen, dont les tumulus parsèment le plateau de Ger, le Vic-Bilh et le Pont-Long, empruntaient leur céramique et leurs objets quotidiens aux populations du sud des Pyrénées31. Cette tradition se poursuivit durant tout l’âge du Fer, où la culture aquitaine présente plus d’affinités avec celle de ses voisins méridionaux qu’avec celle des celtes. Les auteurs de l’Antiquité l’avaient observé avant les archéologues contemporains : César comme Strabon soulignaient que les Aquitains différaient des Gaulois par les coutumes, la langue et les traits physiques et qu’ils ressemblaient plus aux Ibères qu’aux Celtes32.
- 33 L. Maurin, J.-P. Bost, J.-M. Roddaz, Les racines de l’Aquitaine. Vingt siècles d’histoire d’une rég (...)
- 34 R. Sablayrolles, « Les dieux pyrénéens : de farouches montagnards ou d’accueillants indigènes ? », (...)
- 35 CIL, XIII, 11005 ; R. Sablayrolles, J.-L. Schenck, Collections du Musée Archéologique Départemental (...)
12De fait, l’influence celtique paraît être restée mineure dans le monde pyrénéen, limitée peut-être à une domination militaire ou politique qui n’apporta guère de changement sur les pratiques linguistiques et culturelles des populations. Certes, les toponymes celtes ne sont pas absents, comme en témoigne éloquemment, entre autres, le nom de Lugdunum que portait la capitale des Convènes, mais ils demeurent isolés parmi une toponymie typiquement aquitaine, dont les traces ont perduré jusqu’à nos jours, tels les nombreux toponymes en -os (Arlos, Fos, Huos, Allos, etc.), qui servent aux linguistes à mesurer l’aire de diffusion de la langue aquitaine33. À l’époque romaine, la latinisation pénétra lentement mais sûrement dans ce substrat protohistorique, sans l’éradiquer. Les nombreux autels votifs des Pyrénées centrales, témoins d’une pratique religieuse qui avait subi l’influence méditerranéenne, sont offerts à des divinités locales qui ont gardé leur nom aquitain, tels Erriape à Saint-Béat, Ageio dans les Baronnies, Leheren ou Erge dans le Comminges34. Les fidèles de ces dieux, qui pratiquaient un latin maladroit comme en témoignent les dédicaces, conservaient souvent une onomastique préromaine (et préceltique) : Harbelex, Sembetten, Bihoscin pour les hommes, Andere, Edunxe pour les femmes, par exemple. Le monde pyrénéen d’époque romaine était ainsi un melting pot où se croisaient, dans un mélange original, populations et cultures aquitaines, celtiques et latines. Un exemple particulièrement saisissant de ce phénomène est un autel votif de Valentine où une dédicace à lupiter Optimus Maximus, dieu romain par excellence qui recouvrait peut-être là une divinité locale, fut offerte par un fidèle au nom latinisé de Titullus, fils du celte Cintugnatos et de l’Aquitaine Edunxe35.
- 36 Sablayrolles, 1997, « Le pagus dans le cadre pyrénéen ».
- 37 CIL, XIII, 384 ; Beyrie, Fabre, Sablayrolles 2000, « Les hommes de fer du dieu Ageio ».
- 38 A. Laurens, « Inscription inédite en vallée d’Aure », à paraître dans L’organisation des espace ant (...)
13Les fruits de ces métissages restent sensibles dans le mode de répartition des populations, même si le monde romain apporta bien sûr l’incontestable nouveauté que constituait la ville. Le pagus romain, division administrative de base, paraît respecter relativement un découpage antérieur. Les pagani, communauté humaine du pagus, honorent certes parfois Jupiter, comme à Saint-Paul-d’Oueil36, mais également Ageio, comme les pagani ferrarienses des Baronnies37, ou un dieu au nom difficilement lisible, comme les [.] infovates et les Harexvates de Vignec en vallée d’Aure38. Il faut voir dans cette permanence des divinités protectrices préromaines la preuve d’une permanence au moins relative des communautés originelles et de leur forme d’organisation. Malgré leur très nette insuffisance quantitative, les sources illustrent le morcellement extrême de ces communautés primitives, limitées parfois à des portions de vallées, et, si l’administration romaine opéra des regroupements (comme dans le cas, probable, des [.]infovates et des Harexvates) ou des modifications (le qualificatif ferrarienses des pagani des Baronnies tire son origine de l’activité métallurgique largement développée à époque romaine dans la vallée), la taille des pagi romains n’en subit pas moins l’influence du morcellement antérieur. Ainsi le pagus de Saint-Paul-d’Oueil (dont le nom est, semble-t-il, Oollaies) jouxte-t-il, à moins de 5 km de distance, celui qui, vraisemblablement, était centré autour de l’agglomération thermale des Aquae Onesiorum et où était honorée, parmi d’autres, la divinité topique Ilixo. Sans tirer de ces observations des conclusions excessives sur le particularisme pyrénéen cher à tous les nostalgiques de la république des Pyrénées et à tous les tenants d’un nationalisme pyrénéen aussi haïssable que tous les nationalismes, on n’en doit pas moins y voir, sur un plan strictement scientifique, le signe d’un relatif maintien de structures préromaines et donc, sans doute, d’un mode d’occupation du sol. Nous y reviendrons de façon plus concrète avec l’étude précise du bassin de la Garonne.
- 39 Dieulafait, Sablayrolles, 1996, « Le rempart de Saint-Lizier ».
- 40 Dieulafait, Sablayrolles, 1996, « Le rempart de Saint-Lizier ».
14La ville, en revanche, constitua, comme partout dans le monde occidental, même dans les secteurs où existaient des formes embryonnaires d’organisation collective, une nouveauté, n’en déplaise aux écoles protohistoriennes souvent plus soucieuses de souligner l’apport préromain que d’évaluer solidement les ruptures et les continuités. Cette nouveauté, dans le monde pyrénéen, revêtit deux aspects distincts dans le temps. Ce fut tout d’abord l’apparition de capitales dans le piémont, limitées, au début de notre ère, aux cités de Ruscino près de Perpignan et de Lugdunum, l’actuel Saint-Bertrand-de-Comminges. Le reste de la chaîne dépendait de villes plus lointaines (Carcassonne, Toulouse, Dax), dont l’influence était donc moins directe et, par là, moins prégnante. La mutation économique que constituait l’apparition d’un marché qui comptait, pour Lugdunum, probablement plus de cinq mille personnes retentit fortement et brutalement sur les vallées en amont, où l’exploitation des matériaux de construction (bois, pierre, métal) et l’élevage pastoral connurent forcément un développement rapide et important. Il faudra donc s’interroger sur l’influence qu’exercèrent sur l’habitat cet essor de l’économie et ce développement des échanges, qui mettaient les vallées en contact avec la ville et, à travers elle, avec une civilisation aux dimensions du bassin méditerranéen. Si les sources archéologiques actuellement disponibles ne permettent qu’une perception assez floue du phénomène, le deuxième aspect de l’apparition de la ville, en revanche, illustre bien le processus. Aux quatre ou cinq cités pyrénéennes du Haut Empire, en effet, (Ruscino, peut-être Carcasso, Tolosa, Lugdunum et Aquae Tarbellicae), succédèrent, lors de la réforme de Dioclétien, toute une nouvelle série de cités incluses dans la province de Novempopulanie, qui témoignent de l’enrichissement des pagi pyrénéens dont les bourgades pouvaient désormais accéder au rang de capitales de civitas. Ainsi apparurent la cité des Consoranni autour de l’agglomération Saint-Girons-Saint-Lizier39, la cité de Turba chez les Bigerri (Tarbes), les cités de Beneharnum (Lescar) et Iluro (Oloron) et l’urbanisation de Lampurdum (Bayonne), dont le rempart antique souligne l’importance. Ces promotions des pagi du Haut Empire et le développement urbain qui les accompagna sont les preuves matérielles les plus probantes des mutations subies par les vallées pyrénéennes durant la période romaine. Ce tissu, que consolidèrent les fortifications de l’Antiquité tardive, qu’il faille les attribuer à l’empire romain ou aux premiers royaumes barbares40, demeura, à quelques rares exceptions près, le canevas du développement ultérieur, en matière administrative comme dans le domaine économique. Faut-il pour autant imaginer une permanence voire une immuabilité des structures ? L’étude fine d’une région comme le bassin de la Garonne montre, au contraire, l’importance des changements et souligne qu’en définitive, en dehors du canevas urbain qui perdura dans ses grandes lignes, les structures antiques ne survécurent pas systématiquement après le premier millénaire de notre ère.
Le bassin de la Garonne : de l’Antiquité au Moyen Âge
- 41 Pradalié, Sablayrolles, 1992, Prospection.
15Cette étude occupa de 1988 à 1992 une équipe de médiévistes et d’archéologues sous la responsabilité de G. Pradalié et R. Sablayrolles41. L’objectif était d’établir un inventaire archéologique aussi précis que possible en mobilisant toutes les sources disponibles : dépouillement de la bibliographie et des archives, utilisation des techniques de la télédétection et de la photographie aérienne, enquête orale et parcours systématiques de terrain. Cet inventaire devait ensuite alimenter une réflexion sur l’occupation du sol durant l’Antiquité et le Moyen Âge et ouvrir des perspectives de comparaison.
16Le dépouillement des sources bibliographiques pour l’Antiquité mit rapidement en évidence la nécessité d’une vérification systématique des données, tant les interprétations proposées dépassaient parfois ce qu’une analyse rigoureuse des sources autorisait comme conclusion. Si l’enquête orale apporta son lot de nouveautés, le travail de terrain s’avéra plus difficile et moins prolifique : le couvert forestier des pentes et la prépondérance des prairies en fonds de vallée rendit souvent le ratissage du terrain infructueux.
- 42 Laurens, 1998, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale], p. 340 – 343.
17L’essentiel des données archéologiques se trouva donc constitué des réemplois dans l’architecture médiévale, notamment religieuse, d’éléments antiques, qu’il s’agisse de matériaux de construction proprement dits, relativement rares, ou d’auges cinéraires et d’autels votifs, bien plus abondants (carte 1). Ces vestiges, par leur matériau comme par leur forme, se prêtaient bien, au prix parfois de transformations sommaires, à une réutilisation architecturale. Les auges cinéraires parallélépipédiques, souvent massives, constituaient de bonnes pierres d’angle (fig. 3) et les autels votifs, pour peu qu’on martelât les saillants du couronnement ou de la base, se transformaient en excellents moellons. Y avait-il pour autant dans ce phénomène, particulièrement spectaculaire sur des églises comme Saint-Julien de Saléchan, Saint-Aventin ou Saint-Pé-de-la-Moraine à Garin, illustration d’une permanence de l’occupation, l’église romane s’installant sur le sanctuaire ou la nécropole antiques et l’habitat perdurant donc dans les mêmes lieux ? La réponse n’est pas univoque et demande une analyse à la fois quantitative et qualitative des réemplois. Si leur usage comme matériau de construction est indéniable et si les avantages qu’ils présentaient pour cela n’avaient pas échappé aux bâtisseurs, les textes ou les décors figurés qu’ils portaient n’en gardaient pas moins une valeur esthétique et, sans doute, religieuse aux yeux des utilisateurs. Plusieurs arguments peuvent être avancés dans ce sens. Les auges cinéraires sont ainsi souvent placées en évidence, la face sculptée apparaissant dans la paroi extérieure du mur de l’église (fig. 3 et 5). Les auges ou les autels votifs occupent parfois une place privilégiée, au centre des façades, comme à Saint-Paul d’Oueil, sur les contreforts, comme à Garin (fig. 4), autour des portes, comme à Ilheu ou Saint-Pé-d’Ardet et, souvent, à la base des murs comme des sortes de pierres de fondation (Esténos, Esputs, Saléchan, Cazaril-Laspènes, parmi d’autres). Cette mise en valeur est efficace puisque le recrépissage des façades, aux XIXe ou XXe siècles, a respecté cette présentation des pierres antiques. Ne faut-il pas voir là le signe de la valeur magique attribuée par la superstition populaire à ces restes religieux ou funéraires de l’Antiquité ? Le qualificatif de Sants Petitous (les Tout-Petits Saints) octroyé par les villageois pyrénéens aux figures naïves et stylisées des auges cinéraires (fig. 5) serait un argument dans ce sens, tout comme les trous pratiqués dans certaines auges ou autels qui pourraient correspondre à des loculi transformant en reliquaires chrétiens les monuments de l’antiquité païenne42. Si on accepte cette hypothèse d’une récupération des pierres antiques pour leur pouvoir apotropaïque ou bienfaisant et pas uniquement pour leur valeur de matériau de construction, on ne peut plus, dès lors, restituer une occupation antique derrière toute église romane à réemplois. Ceux-ci peuvent en effet, dans cette hypothèse d’une récupération autant symbolique que fonctionnelle, avoir été transportés de plus loin pour la valeur magique que leur octroyait la superstition. L’analyse des réemplois comme un signe de permanence de l’occupation doit donc être réservée aux cas où ils sont suffisamment nombreux et dispersés dans l’édifice médiéval pour que l’hypothèse d’une récupération sur place soit la seule possible, comme à Saint-Julien de Saléchan, Saint-Pé d’Ardet, Saint-Aventin, Saint-Pé-de-la-Moraine à Garin et, dans une moindre mesure, à l’église de la Nativité de la Vierge (anciennement Saint-Martin) à Cazaril-Laspène et à l’église Saint-Geniès de Benqué-Dessous.
- 43 Sacaze, Inscriptions antiques des Pyrénées, Toulouse, 1892, n° 319 et 320.
18Un bilan global de cette prospection du haut bassin antique de la Garonne met en évidence quatre phénomènes (carte 2). Le premier est l’importance des échanges entre les hautes vallées et le piémont, siège de la capitale Lugdunum. Ces échanges, dont l’intensité se manifeste par l’abondance des produits montagnards à Lugdunum (marbre notamment) et par la large diffusion de la culture latine dans les vallées, s’effectuaient sans doute en grande partie par le fleuve mais également par deux voies parallèles, sur les deux rives de la Garonne, situées toutes deux en dehors de la zone inondable, au niveau des toutes premières pentes dont elles épousent les courbes. Sur la rive gauche, cette voie s’observe bien au pas du Rouziet, près d’Esténos, et il faut vraisemblablement lui rattacher le fragment de borne milliaire conservé dans l’église Saint-Julien de Saléchan, et deux autres fragments de bornes cités par la bibliographie ancienne mais aujourd’hui perdus43. La voie de la rive droite se retrouve dans l’actuel chemin forestier qui relie Chaum à Eup, chemin dont l’antiquité est attestée par la découverte de tessons d’amphores, en particulier au sud de Chaum.
- 44 Fabre, Sablayrolles, 1995, « Le dieu Erriape ».
19La masse quantitative des découvertes, épigraphiques et archéologiques notamment, met en exergue deux centres qui, dans l’Antiquité, ont à l’évidence joué le rôle de pôle moteur dans la vie des vallées et dans les relations avec le piémont (carte 2). Le premier est l’ensemble Saint-Béat – Marignac, au confluent de la Garonne et de la Pique, où l’exploitation des carrières de marbre blanc comme des griottes a développé une vie économique centrée autour de l’extraction, de la préparation et de l’exportation des blocs de marbre. Plusieurs inscriptions font référence à ces activités et nombre de vestiges archéologiques illustrent l’existence de ces carrières antiques44. À n’en pas douter, ce développement économique, intimement lié au mode de construction romain, principalement mais pas exclusivement urbain, a fixé là une population dont l’habitat n’ a pu être repéré malgré des recherches minutieuses. Le deuxième pôle important est le thermalisme antique de Luchon, que les découvertes de structures thermales romaines sous les thermes actuels illustrent au même titre que les dédicaces votives aux Nymphes et à la divinité locale Ilixo. Là encore, il faut supposer un habitat dont la réalité nous échappe en raison, probablement, de l’urbanisation actuelle de la zone. Ces deux ensembles, même si les témoignages archéologiques concrets sur l’habitat font défaut, ont groupé la population autour d’activités économiques liées aux nouveaux modes de vie, que la culture dominante romaine avait apportés.
- 45 J.-L. Fiches, Ph. Leveau, P. Sillières, Campagnes de la méditerranée romaine, Paris, Errance, 1993. (...)
20À cette même culture nouvelle pourrait appartenir le phénomène de la villa, mode d’exploitation rurale traditionnellement rattaché à la présence romaine, même si les historiens récents de l’espace rural insistent, à juste titre, sur l’existence d’autres types d’exploitation45. Dans la vallée de la Garonne, comme ailleurs dans les Pyrénées, les traces en restent fugaces tant et si bien qu’on peut légitimement s’interroger sur sa réalité dans le milieu montagnard. Elles se limitent à des fragments de mosaïque découverts fortuitement à Fronsac, où furent également mis au jour les structures d’un système de chauffage par hypocauste, et à des éléments de décor trouvés à proximité du cimetière d’Esbareich, dans la vallée de Barousse, où les vestiges de construction font cependant défaut pour donner véritablement corps à l’hypothèse (voir carte 2). C’est évidemment fort peu et deux explications peuvent être avancées. La première est d’ordre technique et méthodologique. Les secteurs favorables à une polyculture classique et à l’intallation d’une villa, où la résidence du maître (la plupart du temps temporaire en dépit de son luxe) jouxte les bâtiments d’exploitation, sont les élargissements de la vallée, comme à proximité de Siradan-Saléchan, de Fronsac ou dans le bassin Saint-Béat-Marignac et la vallée de la Pique immédiatement au nord de Luchon. Dans ces zones, l’alluvionnement très important a élevé considérablement le niveau des terres depuis l’Antiquité. L’illustration en a été donnée par la découverte fortuite d’amphores sous plus de trois mètres d’alluvions dans le bassin de Marignac lors de travaux d’adduction. Cette situation, invérifiable en dehors du cas de découvertes ponctuelles et fortuites, rend évidemment aléatoire l’étude d’une carte de répartition, puisqu’une bonne partie de l’information risque d’échapper définitivement à l’analyse. Une explication historique n’est pas pour autant à exclure. La villa correspond à un lien étroit, physique, que le maître entretient avec l’exploitation, qu’il vient visiter régulièrement et qu’il rend aussi confortable, voire luxueuse, que possible pour se donner à lui-même autant qu’aux autres l’image de sa puissance et de sa richesse. C’est donc un lieu d’expression des liens sociaux et des liens de pouvoir autant qu’un lieu de manifestation des rapports économiques. Ce système est-il compatible avec une agriculture de montagne, sans doute en grande partie vouée à l’élevage, dans une zone au climat et au relief souvent inhospitaliers ? Le contrôle de la production, même s’il n’en devait pas moins revenir à une aristocratie locale romanisée qui, comme ailleurs, réinvestissait le profit dans la ville, pouvait se faire de plus loin. La présence du maître dans ces régions sauvages, domaine du pastoralisme transhumant, ne se justifiait en effet ni pour des raisons économiques (la perception des bénéfices pouvait s’effectuer dans le piémont, où la transhumance se déplaçait probablement puisque là se situait l’essentiel des marchés), ni pour des raisons politiques ou sociales, les vallées restant à l’écart de la seule vie civique communautaire valorisante : celle qui était centrée sur la ville. Cette explication historique de l’absence de la villa en milieu pyrénéen ne pourrait passer du stade d’hypothèse d’école à celui de certitude que si pouvait se résoudre le problème méthodologique évoqué comme première explication.
- 46 Laurens 1998, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale.
21La persistance d’une occupation différente, peut-être plus tributaire de traditions ancestrales, se perçoit cependant à travers la carte des réemplois, que nous avons tracée plus haut (carte 1). Les sites de Saint-Pé-d’Ardet, Saint-Aventin, Garin et, dans une moindre mesure, Cazaril-Laspènes et Benqué-Dessous constituent, par le nombre des édifices funéraires ou religieux conservés, des points où, incontestablement, ont vécu des communautés dont n’ont subsisté jusqu’à ce jour que les traces des nécropoles ou des sanctuaires. Tous ces sites sont implantés sur la soulane, assez loin du fond de vallée, à l’exception de Garin. Il s’agit donc d’une occupation de mi-pente par une population relativement nombreuse, dont la fraction la plus riche adopte, en matière de rites funéraires, une mode orginale, compromis entre les canons romains et des traditions locales, ou plutôt adaptation du schéma classique romain aux réalités économiques et idéologiques de la vallée. Comme l’a fort bien montré A. Laurens dans sa thèse46, ces auges cinéraires au décor figuré souvent raide et naïf sont en fait des tombeaux collectifs en miniature, que les plus riches des montagnards pouvaient sans doute s’offrir en raison de l’immédiate proximité des carrières de marbre. Si les bustes maladroitement et schématiquement représentés sur les faces principales de ces monuments sont sans doute une copie lointaine des bustes des tombeaux classiques, si l’emboîtement des auges permettait la constitution à moindres frais de sépultures collectives, analogues aux riches mausolées des nécropoles urbaines, la représentation fréquente d’une famille monocellulaire (homme et femme avec ou sans enfant), le retour de décors géométriques typiques (rouelles, rosaces, chevrons, losanges) montrent que cette adaptation du modèle romain aux réalités économiques et aux possibilités logistiques des vallées montagnardes était le fait de la fraction sans doute la plus fortunée (ou la moins pauvre) d’une population locale qui vivait communautairement en suivant encore largement les traditions ancestrales. Il est regrettable qu’aucune structure d’habitat n’ait pu être découverte et rattachée à ces communautés, qui constituent sans aucun doute l’originalité principale de l’occupation antique des hautes vallées pyrénéennes, témoignages à la fois de la permanence de coutumes (et donc peut-être aussi de pratiques économiques et sociales) préromaines et d’une adaptation aux réalités nouvelles de la diffusion de la culture latine, mais aussi et d’abord de l’économie et de l’administration romaines.
- 47 Voir dans ce même volume, G. Pradalié, « Châteaux médiévaux et habitat groupé : le cas des Pyrénées (...)
22L’analyse de l’occupation de l’espace dans les Pyrénées antiques manque encore de bases de données suffisantes pour qu’on puisse tenter une comparaison pertinente avec l’époque médiévale. Certes quelques grandes constantes, comme l’exploitation des ressources naturelles ou le fractionnement des communautés, se dessinent et ont sans doute des résonances lointaines. Mais l’état des sources est trop lacunaire pour qu’on puisse s’interroger de façon précise et fructueuse sur le rôle de l’eau dans la disposition de l’habitat antique, à la notable exception près du développement du thermalisme qui engendra les agglomérations de Luchon (Aquae Onesiorum), Bagnères-de-Bigorre (Vicus Aquensis), Capvern-les-Bains (probablement Aquae Convenarum) et sans doute quelques autres. L’analyse détaillée des vallées du haut bassin de la Garonne paraît montrer que, à côté de quelques sites de plaine liés aux activités nouvelles que développa la présence romaine (carrières, thermalisme, et, peut-être, villae malgré l’absence de données nombreuses en ce domaine), perdurèrent des occupations de soulane (Saint-Pé-d’Ardet, Saint-Aventin, Garin), où se métissèrent culture latine et traditions antérieures, comme en témoignent éloquemment les auges cinéraires caractéristiques de ces sites. La carte des premières églises dans ces vallées montre que les sites de soulane continuèrent d’être occupés, au moins jusqu’au Xe siècle et parfois au-delà. L’intérêt pour la plaine ne réapparut que plus tard, avec l’apparition des châteaux, comme l’a montré G. Pradalié47. Ce mouvement de va-et-vient entre plaine et soulane est peut-être à expliquer par l’inégal volume des échanges : quand prévaut l’autarcie, les communautés de mi-pente se suffisent à elles-mêmes et le critère prépondérant de l’installation est alors la topographie et l’exposition. Ce fut sans doute le cas de la période préromaine et de l’Antiquité tardive. Quand se développent les échanges avec la plaine, la vallée, axe naturel de communication, devient importante et, si les communautés de soulane ne disparaissent pas mais se transforment au gré des influences venues de la plaine, apparaissent également de nouveaux sites, comme les bourgades liées à l’exploitation du marbre ou au thermalisme durant la période romaine ou les châteaux de l’époque médiévale.
Carte 1 : Réemplois antiques dans des édifices médiévaux ou modernes du haut bassin de la Garonne (J.-M. Fabre, R. Sablayrolles).

Annexes
Légendes des figures
Figure 1 : Dédicace au dieu Hêtre (Fagus) par le fidèle Iustus (CIL, XIII, 224, Sablayrolles, Schenck 1988, n° 30) (cliché : R. Sablayrolles).

Figure 2 : La carrière de marbre de La Pène Saint-Martin à Saint-Béat (31) : le haut du front de taille est d’époque antique (cliché R. Sablayrolles).

Figure 3 : Auges cinéraires utilisées comme pierres d’angle à Saint-Julien de Saléchan (31) (cliché R. Sablayrolles).

Figure 4 : Contrefort constitué d’auges cinéraires à l’église Saint-Pé-de-la-Moraine à Garin (31) (cliché R. Sablayrolles).

Notes
1 G. Pradalié, R. Sablayrolles, Prospection des vallées pyrénéennes en amont de Saint-Bertrand-de-Comminges (Garonne, Pique, Oueil, Larboust, Barousse), Rapport de prospection remis au Service Régional de l’Archéologie (Midi-Pyrénées), 1992 [= Pradalié, Sablayrolles 1992, Prospection].
2 Ch. Dieulafait, R. Sablayrolles, « Le rempart de Saint-Lizier-en-Couserans : élément d’une défense pyrénéenne ? », IIIe colloque Aquitania et XVIe journée d’archéologie mérovingienne. La civilisation urbaine de l’Antiquité tardive dans le sud-ouest de la Gaule, Toulouse, 23-24 juin 1995, Aquitania, 14, 1996, p. 105 – 123 [= Dieulafait, Sablayrolles 1996, « Le rempart de Saint-Lizier »].
3 D. Galop, La forêt, l’homme et le troupeau dans les Pyrénées. 6000 ans d’histoire de l’environnement entre Garonne et Pyrénées. Contribution palynologique, Toulouse, 1998 [Galop 1998, La forêt, l’homme et le troupeau].
4 A. Laurens, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale à l’époque romaine : le témoignage des monuments funéraires décorés et/ou inscrits, thèse soutenue en 1998 à l’université de Pau sous la direction du Professeur G. Fabre [= Laurens 1998, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale]. J.-M. Escudé-Quillet, Du complexe pyrénéen au complexe sud-aquitain : la fin de l’âge du Bronze et l’âge du Fer de l’Aquitaine méridionale, Thèse soutenue en 1998 à l’Université de Toulouse-Le Mirail sous la direction de R. Sablayrolles [= Escudé-Quillet 1998, Du complexe pyrénéen au complexe sud-aquitain],
5 J.-M. Fabre, R. Sablayrolles, « Le dieu Erriape et les isotopes stables : les carrières antiques des Pyrénées entre terrain et laboratoire », Entretiens d’Archéologie et d’Histoire. Les marbres blancs pyrénéens : approches scientifiques et historiques. Saint-Bertrand-de-Comminges, 14-17 octobre 1993, Saint-Bertrand-de-Comminges, 1995, p. 130 – 168 [Fabre, Sablayrolles 1995, « Le dieu Erriape »].
6 C. Dubois, J.-E. Guilbaut, F. Tollon, « Les anciennes métallurgies du front montagnard ariégeois (fer et non ferreux, Ie siècle av. n. è. à XIIIe siècle) », Actes du colloque mines et métallurgies de la Préhistoire au Moyen Âge en Languedoc-Roussillon et régions périphériques, Cabrières (Hérault) 16-19 mai 1997, Archéologie en Languedoc, 21, 1997, p. 203 – 217 [= Dubois, Guilbaut, Tollon 1997 « Anciennes métallurgies »]. A. Beyrie, J.-M. Fabre, R. Sablayrolles, « Les hommes de fer du dieu Ageio », à paraître dans Gallia 2000, Dossier sur les mines et la métallurgie, sous la direction de C. Domergue et M. Leroy [= Beyrie, Fabre, Sablayrolles 2000, « Les hommes de fer du dieu Ageio »].
7 R. Sablayrolles (dir.), J.-M. Escudé-Quillet, C. Maissant, Carte Archéologique de la Gaule. 09 – Ariège, Paris, 1996 [= CAG 09. L’Ariège, 1996],
8 R. Simonnet, « Habitat et fonderie protohistoriques à Carbon, commune de Varilhes (Ariège) », Gallia Préhistoire, 13,1970, p. 151 – 216.
9 CAG 09. L’Ariège, 1996, p. 85 – 86.
10 C. Dubois, « Métallurgie du fer en Ariège de l’Antiquité au XVIIe siècle. Le point sur les données archéologiques », Actes du Symposium international Paléométallurgie du fer et Cultures, Belfort-Sevennes, novembre 1990, Paris, 1996, p. 387 – 396. Dubois, Guilbaut, Tollon 1997, « Anciennes métallurgies ».
11 C. Dubois, « Lercoul (Pyrénées ariégeoises) : un site métallurgique du IIIe siècle d. n. è. », à paraître dans Gallia 1999, Dossier sur les mines et la métallurgie, sous la direction de C. Domergue et M. Leroy.
12 A. Beyrie, J.-M. Fabre, R. Sablayrolles, « Les hommes de fer du dieu Ageio », à paraître dans Gallia 1999, Dossier sur les mines et la métallurgie, sous la direction de C. Domergue et M. Leroy.
13 C. Dubois, J.-P. Métailié, V. Izard, « Archéologie de la forêt charbonnée : questions et méthodes, illustrées par l’exemple du site de Lercoul (Ariège) », Actes des XVIIe rencontres internationales d’Antibes. La dynamique des paysages protohistoriques, antiques, médiévaux et modernes, 19-21 octobre 1996, Sophia Antipolis, 1997, p. 525 – 540.
14 R. Sablayrolles, « Les dieux des bûcherons dans les Pyrénées à l’époque gallo-romaine », Proto-industries et histoire des forêts, Actes du colloque tenu à la Maison de la Forêt (Loubières, Ariège) 10- 13 octobre 1990, Toulouse, 1993, p. 15 – 26.
15 E. Boube, Collections du Musée Archéologique Départemental de Saint-Bertrand-de-Comminges. 4. Le trophée augustéen, Saint-Bertrand-de-Comminges, Musée archéologique départemental, 1996.
16 Fabre, Sablayrolles, 1995, « Le dieu Erriape ». R. Sablayrolles, « Le pagus dans le cadre pyrénéen », à paraître dans L’organisation des espaces antiques entre nature et histoire. Table-ronde à l’Université de Pau, 21-22 mars 1997 [= Sablayrolles 1997 « Le pagus dans le cadre pyrénéen »].
17 Fabre, Sablayrolles, 1995, « Le dieu Erriape », p. 150 – 151.
18 Strabon, Géographie, IV, 2,1.
19 G. Fabre, « Les stations thermales de l’Aquitaine méridionale », Dossiers de l’ Archéologie. L’eau en Gaule, rites sacrés et thermalisme, 174, 1992, p. 88-93 [= Fabre 1992, « Stations thermales de l’Aquitaine méridionale »].
20 S. Saunière, « Les thermes d’Onesiae (Bagnères-de-Luchon) : contribution à leur identification », Annales du Midi, 106,1994, p. 149 – 155.
21 CIL, XIII, 350 à 360.
22 CIL, XIII, 345 à 347.
23 R. Lizop, Histoire de deux cités gallo-romaines. Les Convenae et les Consoranni, Toulouse, 1931, p. 265-268, et note 128.
24 CIL, XIII, 356 et 352.
25 CIL, XIII, 389.
26 CIL, XIII, 390 et 391.
27 Fabre, 1992, « Stations thermales de l’Aquitaine méridionale ».
28 Galop, 1998, La forêt, l’homme et le troupeau.
29 G. Fabre, « Les divinités "indigènes" en Aquitaine méridionale sous l’empire romain », Religio deorum, Colloque de l’AIEGL, Tarragone 6-8 octobre 1988, Sabadell, 1993, p. 177 – 191.
30 Groupe de Recherche sur la Cité des Convènes, Saint-Bertrand-de-Comminges, Guides Archéologiques de la France, Paris, Imprimerie Nationale, 1996.
31 Escudé-Quillet, 1998, Du complexe pyrénéen au complexe sud-aquitain.
32 César, Guerre des Gaules, I, 1 ; Strabon, Géographie, IV, 1,1 et IV, 2,1.
33 L. Maurin, J.-P. Bost, J.-M. Roddaz, Les racines de l’Aquitaine. Vingt siècles d’histoire d’une région, Bordeaux, 1993, p. 17 – 19 et carte p. 82.
34 R. Sablayrolles, « Les dieux pyrénéens : de farouches montagnards ou d’accueillants indigènes ? », à paraître dans II coloquio International de Epigrafia, Divinidades indigenas e interpretatio romana, Sintra (Portugal), 16-18 mars 1995.
35 CIL, XIII, 11005 ; R. Sablayrolles, J.-L. Schenck, Collections du Musée Archéologique Départemental de Saint-Bertrand-de-Comminges. I. Les autels votifs, Saint-Bertrand, 1988, p. 23.
36 Sablayrolles, 1997, « Le pagus dans le cadre pyrénéen ».
37 CIL, XIII, 384 ; Beyrie, Fabre, Sablayrolles 2000, « Les hommes de fer du dieu Ageio ».
38 A. Laurens, « Inscription inédite en vallée d’Aure », à paraître dans L’organisation des espace antiques entre nature et histoire. Table-ronde à l’université de Pau, 21-22 mars 1997.
39 Dieulafait, Sablayrolles, 1996, « Le rempart de Saint-Lizier ».
40 Dieulafait, Sablayrolles, 1996, « Le rempart de Saint-Lizier ».
41 Pradalié, Sablayrolles, 1992, Prospection.
42 Laurens, 1998, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale], p. 340 – 343.
43 Sacaze, Inscriptions antiques des Pyrénées, Toulouse, 1892, n° 319 et 320.
44 Fabre, Sablayrolles, 1995, « Le dieu Erriape ».
45 J.-L. Fiches, Ph. Leveau, P. Sillières, Campagnes de la méditerranée romaine, Paris, Errance, 1993. C. Raynaud, « Les campagnes rhodaniennes : quelle crise ? », Le IIIe siècle en Gaule Narbonnaise. Actes de la Table Ronde du GDR 957 sous la direction de J.-L. Fiches ; Aix-en-Provence, 15-16 septembre 1995, Sophia Antipolis, 1996.
46 Laurens 1998, Mentalités des populations d’Aquitaine méridionale.
47 Voir dans ce même volume, G. Pradalié, « Châteaux médiévaux et habitat groupé : le cas des Pyrénées garonnaises ».
Table des illustrations
![]() | |
---|---|
Titre | Carte 1 : Réemplois antiques dans des édifices médiévaux ou modernes du haut bassin de la Garonne (J.-M. Fabre, R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 59k |
![]() | |
Titre | Carte 2 : Sites antiques de la haute vallée de la Garonne (J.-M. Fabre, R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 59k |
![]() | |
Titre | Figure 1 : Dédicace au dieu Hêtre (Fagus) par le fidèle Iustus (CIL, XIII, 224, Sablayrolles, Schenck 1988, n° 30) (cliché : R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 123k |
![]() | |
Titre | Figure 2 : La carrière de marbre de La Pène Saint-Martin à Saint-Béat (31) : le haut du front de taille est d’époque antique (cliché R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 109k |
![]() | |
Titre | Figure 3 : Auges cinéraires utilisées comme pierres d’angle à Saint-Julien de Saléchan (31) (cliché R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 184k |
![]() | |
Titre | Figure 4 : Contrefort constitué d’auges cinéraires à l’église Saint-Pé-de-la-Moraine à Garin (31) (cliché R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 144k |
![]() | |
Titre | Figure 5 : Auge cinéraire réutilisée dans le mur de l’église Saint-Pé-de-la-Moraine à Garin (31) (cliché R. Sablayrolles). |
URL | http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/26798/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 203k |
© Presses universitaires du Midi, 2001