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    Plan

    Plan détaillé Texte intégral Les conditions du transfert de la fonction de protection militaire du comte de Toulouse à un membre de l’aristocratie quercynoise Premier affaiblissement de la fonction de l’abbatiat séculier sous Gausbert de Fumel Alliance des bourgeois et de l’abbé religieux contre l’abbé séculier : fin de l’institution Notes de bas de page Auteur

    Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle)

    Ce livre est recensé par

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    L’élimination de l’abbatiat séculier à Moissac au début du xiie siècle (1115-1130)

    Philippe Ruiz

    p. 259-264

    Texte intégral Les conditions du transfert de la fonction de protection militaire du comte de Toulouse à un membre de l’aristocratie quercynoise Premier affaiblissement de la fonction de l’abbatiat séculier sous Gausbert de Fumel Alliance des bourgeois et de l’abbé religieux contre l’abbé séculier : fin de l’institution Notes de bas de page Auteur

    Texte intégral

    1Au début du XIe s., les comtes de Toulouse exercent sur l’abbaye de Moissac une « protection » qui fait d’eux les coseigneurs des domaines de l’abbaye et de ses vassaux. Dès les années 1030-1040, ce droit de protection passe entre les mains d’une ou plusieurs familles de l’aristocratie locale : on parle alors d’abbatiat laïc, séculier, militaire. Ce système semble fonctionner sans susciter de troubles majeurs jusqu’en 1130. À ce moment, l’abbaye se débarrasse de l’emprise de l’abbé séculier lors d’un plaid comtal ; désormais la fonction d’abbé séculier est vidée de tout son contenu, et en 1177 c’est à nouveau le comte de Toulouse qui exerce sur Moissac (abbaye, bourg, campagnes voisines) une coseigneurie aux contours définis par des conventions passées avec l’abbé religieux, canoniquement élu par les moines.

    2Cet épisode de l’abbatiat militaire à Moissac pose deux questions ; celle de la place de l’abbaye de Moissac dans l’entourage féodo-vassalique des comtes de Toulouse à la fin du XIe s. et au début du XIIe s., et celle du paradoxe qui fait de Moissac à la fois un monastère clunisien depuis 1048-10531, à la tête d’un impressionnant réseau monastique, et une abbaye qui tolère la présence d’un abbé laïc détournant une partie des revenus et du patrimoine abbatiaux.

    3Trois documents nous permettent d’éclairer quelque peu cette situation particulière : le premier est une démission du comte de Toulouse Alphonse Jourdain2 qui, en 1115, s’engage à ne pas nommer à Moissac d’abbé séculier sans consulter d’abord l’abbé religieux et sa communauté. Le deuxième est la mise en gage de certains droits seigneuriaux par l’abbé laïc Gausbert de Fumel3 contre l’obtention d’un prêt important en 1125. Le troisième enfin est une charte rendant compte du plaid de 1130 tenu devant Alphonse Jourdain4 pour trancher le différend entre l’abbé conventuel et l’abbé laïc Bertrand de Montencès, à propos du contrôle militaire des bâtiments de l’église abbatiale et du monastère.

    Les conditions du transfert de la fonction de protection militaire du comte de Toulouse à un membre de l’aristocratie quercynoise

    4Alors que dans les années 1030-1040 la puissance temporelle de l’abbaye semble réduite à presque rien, les comtes de Toulouse transfèrent la seigneurie de Moissac – formellement, c’est un abbatiat militaire (semblable à la fonction d’advocatus dans le nord de la France, de vogt dans les pays germaniques) – à une famille châtelaine du Quercy. Le premier abbé laïc est Gausbert, qui a acheté la charge pour 3.000 sous d’or5. Pendant un demi-siècle, les relations entre l’abbé séculier et l’abbé religieux sont souvent difficiles, mais il semble bien que jamais ne se produise de crise majeure, même sous l’abbatiat d’un homme de la Réforme doté d’une très forte personnalité, Durand de Bredon. En 1115, le comte de Toulouse Alphonse Jourdain renonce à investir un abbé militaire sans le consentement de l’abbé religieux.

    5Formellement, ce document est la restitution de droits usurpés6. Or, très paradoxalement, cette restitution n’est ni celle de l’intégralité du patrimoine, ni celle de la « liberté » de l’abbaye : le comte restitue à l’abbé religieux le droit de désignation de l’abbé militaire7. C’est-à-dire qu’il abandonne son contrôle direct sur l’abbaye et le transfère à l’abbé Roger lui-même.

    6Dès lors, l’abbé Roger se trouve dans une singulière position de force ; par rapport au comte d’abord, qui voit reculer son pouvoir local (tout en conservant le droit d’investiture) ; par rapport à l’abbé militaire ensuite, qui devra fournir un certain nombre de gages pour se faire désigner par Roger et investir par Alphonse Jourdain.

    7Cette situation fait de Moissac un élément-clé du réseau vassalique des comtes de Toulouse. Au premier rang des vassaux du comte, Roger, qui contrôle alors un ensemble d’abbayes et de prieurés fort puissant, et étend son influence sur de nombreuses familles de la petite aristocratie en Quercy, Agenais, Lomagne et nord-Toulousain. L’abbé religieux se situe désormais au même niveau que l’aristocratie châtelaine, sur laquelle le comte appuie sa puissance locale.

    8Roger est bien intégré à ces structures féodo-vassaliques8, si bien intégré qu’il se soucie fort peu, dans un premier temps, de remettre en cause une emprise laïque non conforme aux principes « grégoriens » que promeut très activement Cluny. De fait, l’abbé Roger dispose, précisément grâce à sa très bonne intégration dans la société féodale, de moyens plus sûrs et plus progressifs d’assurer l’indépendance de son abbaye.

    Premier affaiblissement de la fonction de l’abbatiat séculier sous Gausbert de Fumel

    9En 1125, Gausbert de Fumel emprunte à l’abbaye 1 225 sous de Cahors. Nous ne savons rien de très précis sur les raisons de cet emprunt. A cette époque, l’abbaye est un vaste chantier. Le cloître et les nouveaux bâtiments conventuels ont été achevés peu après 11009, la nouvelle abbatiale est encore en construction. La réalisation de ce projet a dû mobiliser de fortes sommes, et pourtant l’abbaye est en mesure de prêter plus de 1 200 sous à Gausbert. Cette situation appelle deux remarques.

    10L’abbaye est beaucoup plus prospère que Gausbert, ce qui laisse penser que l’abbatiat militaire n’est pas synonyme de pillage systématique du patrimoine et des rentes. L’abbé religieux dispose d’une très large autonomie financière, au point de pratiquer des activités de prêt. L’afflux de liquidités à Moissac peut certes s’expliquer par l’abondance des dons de pèlerins10, mais compte tenu des énormes dépenses de construction consenties dans le même temps, il faut aussi envisager une très bonne gestion du patrimoine foncier et du réseau d’églises. Ces sources de revenus sont constituées ou reconstituées depuis le milieu du XIe s. et Roger recueille alors les fruits des abbatiats de ses trois prédécesseurs11.

    11Par ailleurs, Gausbert, qui se trouve dans une position difficile, est contraint d’abandonner un de ses droits seigneuriaux, non pas le plus onéreux pour les moines, mais assurément le plus fortement chargé de symboles : c’est l’hospitatio qui permet à l’abbé laïc et à sa suite de pénétrer dans l’abbaye et d’y séjourner deux fois par an12. Il met ici en gage le signe de sa domination seigneuriale, notamment dans sa dimension militaire, et l’acte est jugé suffisamment important pour être passé devant le comte Alphonse (ou son représentant). Roger parvient à supprimer ces hospitationes non par voie judiciaire, mais en usant de sa puissance économique13. Loin de s’opposer au « monde », il semble en maîtriser les armes beaucoup mieux que bien des laïcs. La conjoncture lui est certes favorable, mais aussi des données structurelles, qui font de l’abbaye un acteur économique de premier ordre et une pièce maîtresse du jeu féodo-vassalique.

    12De fait, Gausbert ne sera jamais en mesure de rembourser le prêt, et l’abbatiat militaire se retrouve cinq ans plus tard (1130) entre les mains d’un autre seigneur châtelain, Bertrand de Montencès. Avec lui, les relations sont d’emblée plus difficiles et Roger a recours à la justice du comte pour réduire les prétentions du gêneur.

    Alliance des bourgeois et de l’abbé religieux contre l’abbé séculier : fin de l’institution

    13Le plaid qui règle le conflit entre le nouvel abbé militaire Bertrand de Montencès et l’abbaye alliée aux bourgeois peut être considéré comme l’acte de liquidation de l’abbatiat militaire : après cette date, si la fonction subsiste, c’est sans incidence sur la vie de l’abbaye, et très rapidement les comtes de Toulouse assumeront à nouveau la seigneurie de Moissac, partagée avec l’abbé religieux.

    14Il n’en demeure pas moins remarquable qu’après la mise en difficulté de Gausbert de Fumel – il a très probablement été obligé d’aliéner l’ensemble de ses droits seigneuriaux – l’abbaye continue de tolérer l’existence d’un abbé militaire. Si Bertrand de Montencès pose un problème à l’abbaye en 1130, c’est qu’il a des prétentions militaires sur les bâtiments conventuels construits depuis quelques années et en voie d’achèvement14.

    15C’est encore Alphonse Jourdain qui est sollicité pour régler ce conflit entre deux vassaux localement importants, et les hommes qui témoignent à ce plaid15 sont visiblement favorables à Roger. L’espace moissagais, ville et plat pays, est désormais très bien contrôlé par l’abbaye, qui étend ses réseaux d’influence et de pouvoir aussi bien à la société féodale qu’à la bourgeoisie naissante. Dans le cadre d’un affrontement pacifique, Roger aura forcément l’avantage ; si Bertrand envisage de recourir aux armes (ce qu’il a peut-être essayé de faire) le comte de Toulouse réglera le litige.

    16La fin de la présence de l’abbé militaire dans les murs de la ville et dans l’enceinte de l’abbaye représente un avantage évident pour les bourgeois comme pour les moines. Mais c’est aussi la manifestation de la perte du sens de l’institution : si la fonction de protection militaire est désormais perçue plus comme une menace que comme un avantage, elle doit disparaître à brève échéance ; dès le milieu du siècle, les comtes de Toulouse redeviennent les protecteurs directs de la ville et de l’abbaye, les seigneurs justiciers principaux, les premiers bénéficiaires du produit fiscal.

    17La persistance de l’abbatiat militaire, en contradiction avec les principes clunisiens est – paradoxalement – une preuve de force pour l’abbaye de Moissac en tant qu’organisme social et politique. C’est parce qu’il n’est plus en mesure d’exercer de pouvoir réellement gênant pour l’abbaye que l’abbé militaire est toléré. Il apparaît clairement que l’abbé religieux est désormais en mesure de jouer pleinement son rôle de vassal de premier rang du comte de Toulouse : il n’y a plus de place, après 1130-1135, pour un concurrent.

    18La disparition de l’abbatiat militaire se traduit par l’instauration (formellement c’est une restauration) d’un système de coseigneurie à Moissac : le comte, à un niveau de pouvoir théoriquement équivalent à celui de l’abbé, va recueillir en réalité l’essentiel de la rente seigneuriale (droits de justice et droits sur les échanges) : la disparition de l’abbatiat militaire est l’expression, d’une part, de la montée en puissance de l’abbé religieux, et d’autre part, de la restauration des pouvoirs des comtes de Toulouse. Ces deux institutions en expansion étouffent une forme de pouvoir archaïque. La bourgeoisie moissagaise n’est encore envisagée que comme une force d’appoint dans les luttes sociales et politiques ; elle passera au premier plan quelques décennies plus tard.

    Notes de bas de page

    1 En 1047-1048, l’abbé clunisien Durand serait arrivé à Moissac pour réformer le monastère. 1053 est la date de l’affiliation officielle de Moissac à Cluny.

    2 Cartulaire de l’abbaye de Moissac, Archives départementales de Tarn-et-Garonne, G 541.

    3 Bibliothèque Nationale de France, section des manuscrits, collection Doat, volume 129, folio 5.

    4 Cf. Devie et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, tome V, col. 973, n° 513.

    5 Cf. cartulaire de Moissac, A.D. de Tarn-et-Garonne, G 571 ; en 1063, Gausbert procède à une démission (purement formelle) qui rappelle les conditions de l’acquisition de cet abbatiat militaire : la reconnaissance de la simonie et de la spoliation n’empêche pas l’institution de se maintenir.

    6 Démission de 1115 : « Notum sit omnibus hominibus quod ego Ildefonsus cornes Tholose feci contra fas et contra jus quod facere non debui quia misi sine consilio domini abbatis Moysiacensis [...] militera dictum abbatem in villa ilia et in honoribus et in castris qui procedunt ad locum sancti Petri, et nunc quare tunc puerilis sensus erat in me recognosco me culpabilem coram Deo et sanctis apostolis Petri et Pauli et coram domino meo Amelio episcopo Tholosano et coram domno Rotgerio abbate [...] » La charte reprend le formulaire pénitentiel très fréquent des restitutions d’églises et de terres sacrées. La mention de l’évêque de Toulouse aux côtés de l’abbé Roger accentue encore la dimension très « grégorienne » de cet acte ; c’est l’objet de la restitution qui est inhabituel.

    7 Démission de 1115 : « Et nunc hanc electionem reddo Deo et sanctis apostolis ejus Petro et Paulo et domno Rotgerio abbati [...] Ut iam amplius nullus cornes tholosanus ordinet militent dictum abbatem in honore sancti Petri neque in terra illa neque in castris sine consilio et consensu domini abbatis monachi et omnium fratrum [...] » On remarque que le comte conserve un droit d’investiture qui préserve, du moins dans le principe, sa seigneurie éminente sur l’abbaye de Moissac ; c’est cette position sauvegardée qui fera de lui un recours pour l’abbaye en 1130.

    8 La démission fait de l’abbaye un fief décrit à l’aide du vocabulaire technique consacré : « [...] in villa, in honore, in terris et in castris [...] ».

    9 Ce qui reste actuellement des bâtiments conventuels date de la reconstruction après la Croisade contre les Albigeois. Le cloître roman, lui aussi remonté après 1215, a été achevé sous l’abbatiat d’Ansquitil, le prédécesseur de Roger, en 1100, comme l’atteste l’inscription dédicatoire insérée dans la galerie occidentale.

    10 Moissac est une étape très importante sur la Via podensis vers Saint-Jacques.

    11 Durand de Bredon (abbé de 1054 à 1072) envoyé par l’abbé de Cluny Hugues de Sémur pour réformer Moissac, et qui fut aussi évêque de Toulouse, Hunaud de Gabarret (abbé de 1072 à 1085), Ansquitil (abbé de 1085 à 1115) et qui est à l’origine du programme de construction achevé par Roger ou son successeur.

    12 Convention de 1125 : « In presentia dom Rotgerii Moysiacensis abbatis et Ildefonsi comitis Tholosani Gausbertus de Fumel abbas secularis predicto abbati et monachis pignoravit annuum redditum quem in ipso monasterio usualiter requirebat. Erat autem redditum per singulos annos due hospitationes una in hieme cum civada altera in estate sine civada sed in omnibus diebus quibus ipse pernoctaret sero XV candele sibi dabantur [...] Hec omnia autem supradictus abbas secularis pro M. CC. XXV sol. caturcensium pignoravit [...] »

    13 L’abbaye est accoutumée à la pratique de prêts importants ; un système de conversion en monnaie de Morlaas et en poids d’argent fin est prévu pour parer à tout risque de dévaluation ; réflexe de banquier : « [...] si caturcensis moneta in minus vel in majus mutaretur et ipse pignus abstrahere vellet pro M. CC. XXV sol. caturcensium DCXVI so. et VI den. morlanorum redderet quod si etiam moneta morlanorum aliquantulum vilesceret per XXV solid. caturcensium marcam argenti quia sic hodie venditur toties redderet quousque sub hac mutatione M. CC. XXV solid. caturcensium solveretur. »

    14 Plaid de 1130 : « Volebat enim [Bertrannus abbas secularis] ut redderent sibi ecclesiam et clocaria quod dominus abbas et burgenses penitus contradicebant inde post multa mala facta [...] »

    15 Plaid de 1130 : « Producti sunt judicium comitis et sue curie quattuor idonei testes electione domini Rotgerii abbatis et predicti Bertranni de Monteincensi quorum nomina haec sunt Raymundus Amaldi de Liciaco Raymundus de Projeto ∂tephanus Guilerandi et Dego. » Raymond Arnaud de Lizac est un petit seigneur de l’entourage immédiat – socialement et géographiquement – de l’abbaye : il est clair que sa fidélité va à l’abbé religieux. Etienne de Guillerand appartient à la bourgeoisie moissagaise (on trouve déjà sa souscription dans la mise en gage de 1125). Il est le représentant de cette nouvelle classe urbaine qui – dans un premier temps – s’allie à l’abbaye dans le processus d’affaiblissement et d’élimination de l’abbé militaire. Les deux autres témoins sont plus difficilement identifiables.

    Auteur

    Philippe Ruiz

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    1 En 1047-1048, l’abbé clunisien Durand serait arrivé à Moissac pour réformer le monastère. 1053 est la date de l’affiliation officielle de Moissac à Cluny.

    2 Cartulaire de l’abbaye de Moissac, Archives départementales de Tarn-et-Garonne, G 541.

    3 Bibliothèque Nationale de France, section des manuscrits, collection Doat, volume 129, folio 5.

    4 Cf. Devie et Vaissète, Histoire générale de Languedoc, tome V, col. 973, n° 513.

    5 Cf. cartulaire de Moissac, A.D. de Tarn-et-Garonne, G 571 ; en 1063, Gausbert procède à une démission (purement formelle) qui rappelle les conditions de l’acquisition de cet abbatiat militaire : la reconnaissance de la simonie et de la spoliation n’empêche pas l’institution de se maintenir.

    6 Démission de 1115 : « Notum sit omnibus hominibus quod ego Ildefonsus cornes Tholose feci contra fas et contra jus quod facere non debui quia misi sine consilio domini abbatis Moysiacensis [...] militera dictum abbatem in villa ilia et in honoribus et in castris qui procedunt ad locum sancti Petri, et nunc quare tunc puerilis sensus erat in me recognosco me culpabilem coram Deo et sanctis apostolis Petri et Pauli et coram domino meo Amelio episcopo Tholosano et coram domno Rotgerio abbate [...] » La charte reprend le formulaire pénitentiel très fréquent des restitutions d’églises et de terres sacrées. La mention de l’évêque de Toulouse aux côtés de l’abbé Roger accentue encore la dimension très « grégorienne » de cet acte ; c’est l’objet de la restitution qui est inhabituel.

    7 Démission de 1115 : « Et nunc hanc electionem reddo Deo et sanctis apostolis ejus Petro et Paulo et domno Rotgerio abbati [...] Ut iam amplius nullus cornes tholosanus ordinet militent dictum abbatem in honore sancti Petri neque in terra illa neque in castris sine consilio et consensu domini abbatis monachi et omnium fratrum [...] » On remarque que le comte conserve un droit d’investiture qui préserve, du moins dans le principe, sa seigneurie éminente sur l’abbaye de Moissac ; c’est cette position sauvegardée qui fera de lui un recours pour l’abbaye en 1130.

    8 La démission fait de l’abbaye un fief décrit à l’aide du vocabulaire technique consacré : « [...] in villa, in honore, in terris et in castris [...] ».

    9 Ce qui reste actuellement des bâtiments conventuels date de la reconstruction après la Croisade contre les Albigeois. Le cloître roman, lui aussi remonté après 1215, a été achevé sous l’abbatiat d’Ansquitil, le prédécesseur de Roger, en 1100, comme l’atteste l’inscription dédicatoire insérée dans la galerie occidentale.

    10 Moissac est une étape très importante sur la Via podensis vers Saint-Jacques.

    11 Durand de Bredon (abbé de 1054 à 1072) envoyé par l’abbé de Cluny Hugues de Sémur pour réformer Moissac, et qui fut aussi évêque de Toulouse, Hunaud de Gabarret (abbé de 1072 à 1085), Ansquitil (abbé de 1085 à 1115) et qui est à l’origine du programme de construction achevé par Roger ou son successeur.

    12 Convention de 1125 : « In presentia dom Rotgerii Moysiacensis abbatis et Ildefonsi comitis Tholosani Gausbertus de Fumel abbas secularis predicto abbati et monachis pignoravit annuum redditum quem in ipso monasterio usualiter requirebat. Erat autem redditum per singulos annos due hospitationes una in hieme cum civada altera in estate sine civada sed in omnibus diebus quibus ipse pernoctaret sero XV candele sibi dabantur [...] Hec omnia autem supradictus abbas secularis pro M. CC. XXV sol. caturcensium pignoravit [...] »

    13 L’abbaye est accoutumée à la pratique de prêts importants ; un système de conversion en monnaie de Morlaas et en poids d’argent fin est prévu pour parer à tout risque de dévaluation ; réflexe de banquier : « [...] si caturcensis moneta in minus vel in majus mutaretur et ipse pignus abstrahere vellet pro M. CC. XXV sol. caturcensium DCXVI so. et VI den. morlanorum redderet quod si etiam moneta morlanorum aliquantulum vilesceret per XXV solid. caturcensium marcam argenti quia sic hodie venditur toties redderet quousque sub hac mutatione M. CC. XXV solid. caturcensium solveretur. »

    14 Plaid de 1130 : « Volebat enim [Bertrannus abbas secularis] ut redderent sibi ecclesiam et clocaria quod dominus abbas et burgenses penitus contradicebant inde post multa mala facta [...] »

    15 Plaid de 1130 : « Producti sunt judicium comitis et sue curie quattuor idonei testes electione domini Rotgerii abbatis et predicti Bertranni de Monteincensi quorum nomina haec sunt Raymundus Amaldi de Liciaco Raymundus de Projeto ∂tephanus Guilerandi et Dego. » Raymond Arnaud de Lizac est un petit seigneur de l’entourage immédiat – socialement et géographiquement – de l’abbaye : il est clair que sa fidélité va à l’abbé religieux. Etienne de Guillerand appartient à la bourgeoisie moissagaise (on trouve déjà sa souscription dans la mise en gage de 1125). Il est le représentant de cette nouvelle classe urbaine qui – dans un premier temps – s’allie à l’abbaye dans le processus d’affaiblissement et d’élimination de l’abbé militaire. Les deux autres témoins sont plus difficilement identifiables.

    Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle)

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    Ce livre est cité par

    • Le Jan, Régine. (2003) La société du haut Moyen Âge. DOI: 10.3917/arco.lejan.2003.01.0285

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    Ruiz, P. (1999). L’élimination de l’abbatiat séculier à Moissac au début du xiie siècle (1115-1130). In H. Débax (éd.), Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle) (1‑). Presses universitaires du Midi. https://doi.org/10.4000/books.pumi.26563
    Ruiz, Philippe. « L’élimination de l’abbatiat séculier à Moissac au début du xiie siècle (1115-1130) ». In Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle), édité par Hélène Débax. Toulouse: Presses universitaires du Midi, 1999. https://doi.org/10.4000/books.pumi.26563.
    Ruiz, Philippe. « L’élimination de l’abbatiat séculier à Moissac au début du xiie siècle (1115-1130) ». Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle), édité par Hélène Débax, Presses universitaires du Midi, 1999, https://doi.org/10.4000/books.pumi.26563.

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    Débax, H. (éd.). (1999). Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle) (1‑). Presses universitaires du Midi. https://doi.org/10.4000/books.pumi.26253
    Débax, Hélène, éd. Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle). Toulouse: Presses universitaires du Midi, 1999. https://doi.org/10.4000/books.pumi.26253.
    Débax, Hélène, éditeur. Les sociétés méridionales à l’âge féodal (Espagne, Italie et sud de la France xe-xiiie siècle). Presses universitaires du Midi, 1999, https://doi.org/10.4000/books.pumi.26253.
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