Au tournant des années Cinquante, le grand essor va commencer, contemporain du démarrage de l’économie française [...] les années qui suivent appartiennent à cette période contemporaine qui a vu la mutation des vacances en phénomène de masse.
F. Cribier1

Le développement touristique n’est pas une fin en soi. C’est une étape et un moyen
pour d’autres activités et pour d’autres types d’emplois.
M. Peyrondet, maire de Lacanau2

1Le tourisme de masse se développe à partir des années Cinquante au moment où les avancées économiques et sociales de la Haute Croissance permettent à des milliers de Français de partir en vacances : c’est la démocratisation du tourisme. Jusqu’aux années Soixante, la Côte Aquitaine est moins connue et surtout moins bien équipée pour l’accueil des touristes. Se développe une fréquentation de masse concentrée dans le temps et l’espace, pendant les vacances estivales et dans les stations balnéaires provoquant une urbanisation envahissante. Le tourisme est de masse car la société l’est aussi.

2Le tourisme de masse se caractérise par un nombre plus important de touristes mais au budget limité. C’est une période d’urbanisation sauvage consommatrice d’espaces mais limitée à quelques fronts de mer prestigieux : on ne peut parler de bétonnisation de la côte car les lotissements se développent plutôt dans l’intérieur sous la pression de la M.I.A.C.A. Les hébergements les plus prisés sont alors ceux qui ont vue sur la mer. C’est le phénomène que connaît la Côte Aquitaine dans les années Soixante. La croissance de sa fréquentation est rapide dans tous les secteurs touristiques.

3Cependant à côté de la prédominance du balnéotropisme et de l’héliotropisme, les sports connexes au tourisme c’est-à-dire les sports propres à attirer les touristes dans les stations ou à les retenir, trouvent un terrain favorable à leur implantation et à leur développement sur la Côte Aquitaine. Celle-ci a su importer avec succès des sports de distinction sociale au départ puis qui se sont démocratisés comme la chasse, la pêche, la plaisance, le golf, le tennis, la pelote basque, le cyclisme et l’hippisme... Mais c’est principalement le surf, sport marginal au départ, qui a su s’imposer et devenir la vitrine de l’Aquitaine et un des vecteurs de promotion de celle-ci.

4A la fin des années Soixante-dix, de nouveaux touristes font leur apparition, mieux avertis, mieux informés, forts d’une expérience de plus de vingt ans mais touchés par une baisse de leur pouvoir d’achat.

5Les changements d’attitudes se manifestent de trois façons :

• dans le comportement : les habitudes de consommation changent avec la suppression du repas de midi et son remplacement par le pique-nique, la location à la semaine se développe, le fractionnement des vacances et la pratique des ponts se répandent,

• la baisse du pouvoir d’achat n’a pas entraîné une désaffection pour les pratiques touristiques mais leur diversification selon l’hébergement et le choix des périodes de vacances,

• la motivation évolue : l’attrait de la nature découvert en masse dans les années Soixante-dix se mêle au tourisme balnéaire dans les années Quatre-vingts.

6On peut donc voir se développer une nouvelle tendance touristique, parallèlement au tourisme de masse des 4 S. La prise en compte du patrimoine naturel et culturel est un point important. Ce patrimoine, ignoré le plus souvent par le tourisme de masse, devient un enjeu avec la découverte du milieu naturel, du terroir, et de l’histoire et des modes de vie des communautés locales. C’est un tourisme plus éloigné des concentrations et des lieux de fréquentation prisés par le tourisme de masse. Le tourisme balnéaire de la fin des années Quatre-vingts voit fusionner les deux courants : c’est un tourisme de masse par le nombre et le caractère saisonnier mais avec une prise de conscience écologique et culturelle. Le nouveau consommateur aime le bien-être et souhaite vivre en harmonie avec son environnement.

7Comment les pratiques touristiques évoluent-elles pour des raisons économiques, sociales et politiques ? En quoi ces pratiques sont-elles le reflet de l’identité régionale ?

Héliotropisme, massification et uniformisation : les « 4 S », produit de la haute-croissance (1958-1975)

8Avec la reprise économique et la moyennisation de la société, les pratiques touristiques se démocratisent et se massifient. Le tourisme de masse est donc le fils de l’industrialisation qui se poursuit et s’épanouit pendant la période de la Haute Croissance en favorisant une hausse des conditions de vie, de meilleurs salaires et un développement urbain oppressant. Certains auteurs voient dans cette massification une uniformisation de fait puisque la majorité des touristes ont développé la même façon de vivre le tourisme : la recherche de la meilleure station et de la meilleure plage pour pouvoir bronzer est la priorité des touristes du baby-boom.

9Mais la Côte Aquitaine est longtemps restée à l’écart des grands flux touristiques et les touristes y cherchent donc une certaine tranquillité et le contact avec la nature. Ainsi les autres pratiques touristiques sont-elles en lien avec cette identité de la Côte Aquitaine comme le surf et le naturisme. Les acteurs économiques et associatifs de la Côte Aquitaine ainsi que les politiques ont donc su se montrer innovant pour créer un produit touristique différent et une image de marque spécifique capable de fédérer et d’attirer de nouvelles clientèles.

10L’explosion touristique que connaît la France à partir des années Cinquante touche aussi la Côte Aquitaine : la fréquentation ne cesse d’augmenter mais ces touristes ne séjournent plus dans les mêmes lieux que ceux du XIX^ème siècle et les clientèles évoluent et se diversifient.

11Cependant face à cette hausse de fréquentation les infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires et même urbaines ne suivent pas toujours le mouvement malgré les efforts de la M.I.A.C.A.

La plage comme unique source de dépaysement ?

12La côte représente en Aquitaine 60 % de la capacité et les 2/3 des journées passées dans la région : on peut parler de littoralisation du tourisme pour la région Aquitaine. Le tourisme balnéaire est donc une pratique dominante dans les années soixante et Soixante-dix. Pour de nombreux sociologues, il se caractérise par un modèle hédoniste et massifïé, uniformisé et mis en scène. La plage qui n’était qu’un lieu de passage pour la prise des bains au XIX^ème siècle est devenue le lieu de vie des touristes et l’espace central des pratiques touristiques : c’est un lieu animé mais c’est un lieu incontournable pour repartir bronzé. Encore une fois, les lieux restent les mêmes mais les pratiques évoluent, et le tourisme reste une pratique ostentatoire puisque l’intensité du bronzage montre soit une pratique intense soit une longue pratique car l’heure n’est plus au teint diaphane. La plage devient un lieu de sociabilité indispensable mais la nage en eau de mer y est parfois difficile et dangereuse ce qui contribue à concentrer les touristes venus en nombre sur la grève.

Une pratique uniformisée et mise en scène : le balnéotropisme

13Comme le dit J.-D. Urbain, il s’agit « d’explorer cette mystérieuse immobilité vacancière dont beaucoup ont estimé qu’il n’y avait rien à en dire, sinon en mal, sous prétexte que sur la plage il ne se passe rien – que rien n’advient, apparemment, dans ce théâtre creux et mou rempli d’idiots passifs et puérils qui bronzent idiot ! »3. Le balnéotropisme et l’héliotropisme attirent de très nombreux touristes vers les littoraux ensoleillés. Les mass media véhiculent un modèle stéréotypé de consommation touristique : les 4 S qui s’accompagnent d’une « invasion touristique ».

a- Le tourisme de masse et les 4 S

14Le concept de tourisme de masse renvoie à l’extension à de larges couches de la population de l’accès au tourisme, et à un modèle de comportement. C’est une forme d’organisation qui fait que le touriste consomme un produit touristique uniformisé, identique à celui d’autres touristes. En fait, le tourisme de masse agit par effet de démonstration de type Veblen et par effet de distinction et de diffusion par imitation. Les aspects ostentatoires des pratiques touristiques ont été analysés par Th. Veblen : les loisirs sont des manifestations du mode de vie et de la culture. Il y a ceux qui essaient d’imiter, ceux qui s’efforcent d’emporter leurs habitudes qui les rassurent et ceux qui se distinguent pour s’affirmer. C’est un tourisme qui manquerait d’initiative.

15La forme principale que prend, à partir des années Cinquante, le produit touristique consommé par le touriste de masse est un mythe hédoniste, les 4 S : Sea, Sun, Sand and Sex (Mer, Soleil, Sable et Sexe). C’est un modèle d’aménagement et de développement touristique basé essentiellement sur l’espace balnéaire associé à la massification. Ces 4 S sont une source de motivation des migrations estivales. Le développement d’une offre de masse passe par la généralisation d’un produit standard : mer et soleil. P. Cuvelier qualifie ce modèle de fordiste puisque c’est l’industrialisation de type fordiste qui a créé, comme nous l’avons vu, le climat nécessaire au développement touristique et que c’est l’industrie qui a permis de réduire les coûts de production4. La pratique touristique fordiste et les produits touristiques associés se caractérisent par un achat en masse de prestations de services et de biens standardisés qui font preuve d’un rationalisme fonctionnel. Le tourisme de masse bénéficie de la baisse des coûts autorisée par l’innovation technique et organisationnelle. Le modèle fordiste fait converger la demande conditionnée par une norme de consommation et une offre de prestations de service bon marché.

16Les changements de clientèle sont perçus par les acteurs locaux du tourisme comme le Maire de Mimizan, F. Poussade, qui lors de la visite du secrétaire d’Etat au tourisme en 1964 émet cette doléance : « Mes remarques et celles de mes collègues du Conseil Municipal établissent les tendances actuelles de la clientèle des vacanciers et une évolution bien marquée du tourisme de masse aux moyens limités qui, à coup sûr, marque un tournant très net en faveur de Mimizan. [...] Pour si paradoxal que cela vous paraisse, Mimizan Plage est voué à l’asphyxie, à la diminution massive de sa clientèle estivale : ceci au détriment du tourisme de masse des Français aux moyens limités, et au préjudice du Trésor Public puisque les touristes du Nord de l’Europe [...], participent à la course au soleil et aussi à la course aux prix abordables correspondant à leur budget familial »5.

17Cette course au soleil ou héliotropisme se traduit également par une course à la plage et aux bains ou balnéotropisme. La plage apparaît alors comme un lieu de sociabilité avec ses codes et ses valeurs.

b- L’affluence sur la plage comme espace de mixité sociale mis en scène

18En 1964, en moyenne un tiers des séjours se fait au bord de la mer. De 1967 à 1977, la croissance du nombre de journées de vacances passées dans la zone côtière de l’Aquitaine a été évaluée par l’I.N.S.E.E. à 50 % alors que sur les autres côtes elle n’est que de 30 % : on compte 35 millions de journées en 1975 soit 12 % des séjours passés sur le littoral français. Les prix élevés ainsi que la hausse des dépenses signalent que le budget vacances des Français n’est plus secondaire. Près d’un mois de revenu annuel est réservé aux vacances alors que le temps passé n’excède pas 30 jours. La part consacrée aux vacances reste constante dans les familles avec près de 10 % du budget en 1968, avec par ailleurs une hausse du revenu des ménages.

19Les familles ont une préférence pour une plage qui plaît aux enfants : du sable, des jeux, de la sécurité... Cela pose quelques problèmes pour les plages océanes de la façade atlantique trop dangereuse en raison des baïnes, des courants et des vagues mais les rives des lacs viennent compenser cet aspect. Tous les signes d’un certain retour à la nature sont visibles mettant entre parenthèses les contraintes et les convenances sociales. Le soleil, la mer, le sable, et la foule sont indissociables dans l’imaginaire collectif. La plage a ses us et ses coutumes avec la parade des corps, les jeux du regard. C’est également le temps de la lecture avec les romans d’été.

20Mais il apparaît que la plage a été débarrassée de ce qui la rend naturelle. C’est une certaine nature qui règne sur ce territoire du vide : elle est confortable, accueillante, prédisposée à l’installation humaine. Comme le montre J.-D. Urbain, il y a une sorte de refus du réel : « un site dès lors soustrait à la nature comme à la culture, théâtre suspendu pour un jeu de société lui-même détaché du monde et de ses contingences »6. L’oisiveté qui caractérise cette pratique de la mer est mal comprise des partisans des loisirs sportifs et des vacances intelligentes.

21La plage véhicule un mythe communautaire fort. Tout le monde bronze sur la plage gommant les différences raciales, sociales ou personnelles. C’est cette utopie égalitaire qui mène à la philosophie du Club Méditerranée sous forme de confusion sociale, de 4 S hédoniste7. Mais on peut remarquer que cette utopie, comme toute utopie, a ses limites. Le touriste balnéaire refuse trop de différences d’origine extérieure créant ainsi des forces de concentration et de dispersion sur la plage. Il y a donc création de tactiques d’évitement qui aboutissent à « chacun sa plage » ou plutôt son bout de plage. Le refus du mélange et la recherche de l’homogène sont caractéristiques du monde balnéaire : les surfeurs, les naturistes ont notamment leurs espaces réservés. Ainsi les stratégies se mettent en place aussi bien spatialement que temporellement : la plage ne commence à vivre que vers 10-11 h jusqu’à la pause déjeuner à 13-14 h, puis reprend de 16 h à 18 h, le soir est consacré à la flânerie sur le front de mer ou aux attractions. Mais en fait, on assiste à des roulements pour éviter les chocs sociaux. Ainsi, le matin jusqu’à 13 heures, la plage est plutôt occupée par des estivants occasionnels, puis de 13 à 14 heures elle est investie par les touristes habituels des résidences secondaires, puis reviennent les occasionnels jusqu’à 18 heures. Puis les habituels et les permanents se retrouvent sur la plage après 18 heures. Ainsi « faute de pouvoir réaliser une société sans classes, du moins parvient-on ainsi à créer des zones uniclassistes de sociabilité »8. Les vacances estivales sont familiales donc occupées en majorité par les jeunes, les personnes âgées ne faisant leur retour que pendant la basse saison sauf dans les stations comme Arcachon où la population retraitée est assez importante.

22Pour ce qui est du rite de l’installation, il y a création de territoires. Cette territorialisation passe par l’appropriation de l’espace par les serviettes, les parasols... Entre défense de l’intimité et recherche du contact, existe la distance critique. La plage vide ou peu occupée n’est donc pas pour beaucoup la plage la plus attrayante d’autant plus que l’été est propice aux rencontres. Pour les célibataires et les enfants, une plage déserte est source d’ennui et de solitude. Ainsi le tourisme est-il une fuite de la ville : J.-D. Urbain montre que c’est une pathologie urbaine en cherchant plutôt à fuir l’isolement et la solitude que crée la ville. Ainsi sur la plage en fonction des désirs, le touriste, seul, accompagné ou en groupe, joue d’un code de relations. La plage est entre dissémination tribale des touristes et relations intertribales.

D’autres pratiques sportives et récréatives

23Le passage du nautisme à d’autres pratiques de glisse correspond à une nouvelle perception de l’espace et à l’opposition entre la tradition des sports anglo-saxons codifiés et celle des sports californiens fondés sur le rejet des codes, sur la recherche de la qualité et de l’intensité des sensations nouvelles. Mais comme le souligne J.-D. Urbain, « cette évolution sportive de la société de plage n’est pas seulement source d’incompatibilités avec la société locale. Pour le moins envahissante, cette dérive fun et athlétique du loisir littoral, vers des activités instrumentalisées et l’esthétique de la prouesse technique (largement médiatisée), sème également la discorde au sein du microcosme vacancier. [...] Qu’en est-il alors des activités calmes traditionnelles, la baignade, la promenade, la pêche, le bronzage ou encore la plongée, dès lors que s’introduisent ces agitations ? »9.

a- L’apparition des « sports californiens »

24Les sports dits californiens10 sont le surf, la planche à voile, le delta-plane... qui contrairement au nautisme, ne nécessite pas de lourds équipements. Ils nécessitent un nouveau rapport du corps à la nature qui valorise la spontanéité, l’imagination et la liberté : on peut donc les qualifier de sports libres. Ils ont une liberté par rapport à l’espace car ils refusent le balisage, au temps car il n’y pas de programmes organisés et aux individus car ils s’affranchissent des moyens institutionnel d’apprentissage. Les lieux sportifs ne correspondent plus aux usages traditionnels et ce mouvement est encouragé par les agents économiques comme les fabricants d’équipements, de vêtements sportifs par le biais de la publicité qui crée une demande et modèle les modes.

25La planche à voile connaît une progression fulgurante : importée pour la première fois en France en 1974 sur les plages girondines, elle fait une forte percée en quelques années.

26Le surf est un moyen de locomotion né dans l’Océan Pacifique découvert par James Cook en 1778 aux îles Sandwich qui s’est ensuite répandu comme sport aux Etats Unis à Waikiki sous l’impulsion de G. Freeth en 1907 et en Australie par Duke Kahanamoku en 1915. Les progrès techniques permettent l’amélioration des planches en légèreté et performance : invention de la dérive en 1930, utilisation de la fibre de verre en 1946. Après une première tentative dans les années trente, le surf est importé à Biarritz en 1956 par un scénariste étatsunien en tournage, Peter Viertel. Georges Hennebutte et Joël de Rosnay essayent alors cette planche. Mais il ne connaît son véritable essor qu’après sa diffusion sur tout le littoral. Les premiers surfeurs arrivent à Lacanau dans les années 1960 : Jacques Hèle qui a commencé à surfer à Biarritz, vient surfer sur la plage de Lacanau beaucoup plus accessible surtout avec une planche de trente cinq kilogrammes. Francis Maugnard, médecin bordelais et canaulais d’adoption, aurait été le premier « a marché sur l’eau »11 en 1961 avec une planche longboard apportée de Biarritz et fabriquée par Michel Barland. Il faut rappeler qu’à l’origine le surf consiste simplement à se laisser glisser le plu longtemps possible sur la vague. Pierre Feletou complète ce trio de pionniers du surf canaulais. La première surfeuse est Gisèle Bidon en 196512. Le surf est alors plus le prétexte à se retrouver entre amis qu’un mouvement contestataire comme en Californie.

27La Fédération Française de surf riding est créée en mars 1964. L’Aquitaine devient un centre d’attraction pour les surfeurs surtout étrangers. La progression du nombre de clubs et de licenciés est rapide dans les années Soixante-dix même si le surf constitue encore une pratique limitée à un millier de personnes :

Tableau 34 : Clubs de surf et pratiquants en 1975 sur la Côte Aquitaine13

28Le phénomène d’imitation a été très fort puisque la population ne peut ignorer ce que font des jeunes avec leurs planches ce qui permet au surf de s’enrichir de nouveaux pratiquants. Le Lacanau Surf Club est créé en 1968 par Serge Roy, jeune commerçant qui a découvert le surf avec F. Maugnard. Il rassemble en 1969 dix-sept adhérents contre cent cinquante en 197414.

29Mais l’esprit surf commence à dériver : de simple jeu de plage il devient une activité physique et sportive à part entière d’autant plus que le matériel est lourd et qu’il n’y a pas de leash pour relier le surfeur à sa planche. Ainsi pour J.-P. Augustin, « le concept de station balnéaire utilisé depuis plus d’un siècle pour évoquer les villes littorales [...] ne correspond plus qu’en partie à la situation d’aujourd’hui. Les termes de station et de ports de plaisance sont aussi mal adaptés à la Côte Aquitaine où le nautisme est limité par les conditions naturelles. Le concept de station surf paraît alors mieux tenir compte des nouvelles pratiques qui s’intensifient sur la côte de Gascogne »15.

30Ce processus de surfurbia, calqué sur le modèle californien, voit la constitution d’un marché du logement spécifique pour les surfeurs, l’intégration du surf aux différentes institutions, un urbanisme influencé par le phénomène surf, la multiplication des clubs de surf et l’apparition de maisons de la glisse. Et Lacanau Océan connaît un début de surfurbanisation avec la création du Lacanau Surf Club en 1968, du premier surf shop Lacanau Lou par Philippe O’Loughing en 1975-1976.

b- La popularisation du nautisme, l’aménagement golfique et le développement du naturisme

31Les débuts de la démocratisation institutionnelle des loisirs sportifs ont connu dans les années Soixante une accélération. Les innovations technologiques et notamment l’utilisation de matériaux nouveaux comme le plastique ont permis l’apparition des dériveurs légers qui font franchir une nouvelle étape au développement du nautisme. La démocratisation des pratiques nautiques se développe grâce à de nombreuses institutions. Mais elles gardent un caractère classique sous la forme de clubs, de bases ou d’écoles de voile. Elles proposent donc des espaces balisés pour la navigation et des compétitions régulières. Les actions volontaires et la normalisation des pratiques ont favorisé l’intégration sociale des nouvelles populations urbaines mais n’ont pas empêché le développement de nouveaux espaces libres non codifiés.

32Les ports de plaisance de Bordeaux (1 245 navires de plaisance) et d’Arcachon (1 201) occupent le septième et le huitième rang français pour le nombre de navires de plaisance immatriculés entre 1965 et 1966 derrière Saint Tropez (2 021), Marseille (1 934), Toulon (1 626), Nice (1 594), Sète (1 586) et Saint Nazaire (1 273).

33L’histoire de la base de Bombannes est exemplaire. Elle débute avec l’Association Girondine des Amis du Plein Air qui, dès les années Cinquante, installe une petite base nautique au lieu-dit Bombannes au bord du lac de Carcans. Cette base bénéficie rapidement de l’aide des directions régionales et départementales de la Jeunesse et des Sports. Ce lieu de navigation est repris par l’Union nationale des Centres sportifs de Plein Air (U.C.P.A.) en 1967 et devient en vingt ans un des plus grands centres européens de nautisme.

34Une nouvelle étape est franchie dans les années Soixante-dix. L’accroissement de la mobilité quotidienne et de fin de semaine favorise un processus de délocalisation16. L’attrait du littoral entre Biscarrosse et Soulac est de plus en plus fort pour les Bordelais. Les plages médocaines, du Bassin d’Arcachon et landaises situées à une heure sont assimilées aux nouveaux espaces urbains correspondant à une appropriation de la périphérie par le centre.

35En matière d’aménagement golfique, l’Aquitaine fait figure de région pionnière pour toute l’Europe. Né au Royaume Uni, ce sport aristocratique s’est exporté à Pau pour la première fois en France en 1856 puis s’est diffusé sur la Côte Basque. Alors qu’il s’est démocratisé au Royaume-Uni, il conserve son caractère élitiste en Aquitaine. La Teste de Buch-Arcachon possède un seul parcours de vingt huit trous sur cinquante hectares qui ne peut rivaliser avec ceux de la Côte Basque. Créé en 1952 sur la commune de la Teste de Buch, conçu par Cr. Blandford et P. Hirigoyen, le golf international d’Arcachon attire une clientèle surtout locale et exerce une fonction d’équipement de loisirs de proximité destiné à une clientèle de privilégiés puisque l’abonnement est de 4 000 francs par an. De plus, la présence du golf ne s’est pas accompagnée de l’implantation d’un complexe hôtelier capable de participer à la naissance d’un véritable complexe golfique.

36Le développement du nudo-naturisme sur la Côte Aquitaine ne se fait pas sans problème17. Même si la M.I.A.C.A. a posé comme principe lors du Comité Interministériel d’Aménagement du Territoire (C.I.A.T.) de 1971 que le développement du naturisme doit se faire dans les Secteurs d’Equilibre Naturel (S.E.N.)18 par la création de centres naturistes. C’est la première fois en France et en Europe que le naturisme est reconnu : il faut signaler que le Centre Hélio-Marin de Montalivet fait beaucoup pour la renommée du naturisme sur la Côte Aquitaine. En effet, ouvert de janvier à octobre, c’est une pièce maîtresse du tourisme naturiste avec 10 076 touristes en 1966 (5 208 Français, 4 868 étrangers) contre 12 160 en 1967 (6 418 Français et 5 742 étrangers) et environ 10 000 en 1972 pour une capacité de 5 000 à 6 000 places. La pratique du naturisme qui tend à se développer pose problème pour la sécurité des naturistes et pour l’environnement : la fréquentation anarchique du littoral est dangereuse car la baignade n’est pas surveillée, les naturistes piétinent les dunes et leur dispersion des véhicules en forêt peut provoquer des incendies. La M.I.A.C.A. ne souhaite donc pas interdire mais canaliser la pratique.

37Pourtant l’installation d’un camp naturiste à Vielle Saint Girons pose un problème aussi bien pour la préfecture que pour la M.I.A.C.A. En 1970, la Mission accorde à l’association Promo-Nature le droit de prospecter vers Vielle Saint Girons ou Capbreton. Le 6 novembre 1971, le conseil municipal de Saint Girons approuve l’implantation du camp naturiste mais le premier projet est rejeté par l’Office National des Forêts (O.N.F.). La préfecture autorise le 29 juin 1972 l’ouverture provisoire d’un camping de 200 places. En juillet 1972, la Mission s’y oppose, souhaitant privilégier la F.F.N., mais le terrain continue d’être occupé sans titre ni droit. En fait, elle se base sur une charte du naturisme qui est un document interne : il ne peut y avoir qu’un seul camp par S.E.N., et il faut dissocier l’hébergement naturiste et la plage publique affectée au naturisme. Le 15 novembre 1975, le conseil municipal de Vielle autorise la pratique du naturisme sur une plage réservée. L’affaire se prolonge jusqu’à l’arrêté préfectoral du 6 juin 1977, suite à l’accord de la M.I.A.C.A., qui autorise l’association Promo-Nature à aménager un camping de 500 places soit 2 000 personnes à Vielle Saint Girons au lieu dit Arnaoutchot.

38De plus le naturisme sauvage est encore poursuivi puisqu’en 1970 600 personnes ont été verbalisées et le phénomène s’amplifie avec 800 personnes en 1971. La M.I.A.C.A. cherche donc à intervenir pour suivre l’évolution des mœurs : le naturisme est autorisé dans les S.E.N. puisque dans les Unités Principales d’Aménagement (U.P.A.), il peut poser le problème d’atteintes à la pudeur. Ainsi le Comité pour F Environnement de la Côte Aquitaine se saisit du problème le 22 mars 1974 et propose le développement du naturisme dans les S.E.N. pour favoriser le contact de l’homme et du milieu naturel19. Il prévoit donc 20 000 à 25 000 personnes réparties ainsi : 5 000 lits à Vendays dans le S.E.N. A, 5 000 à la Dépée (Grayan) dans le S.E.N. A, 1 500 au Porge en S.E.N. C, 1 500 à la Salie et au Trencat (La Teste de Buch) dans le S.E.N. D, 1 500 à Vielle Saint Girons dans le S.E.N.F.

Touristes, clientèles et flux

39Les flux se massifient et concernent de nouvelles couches sociales, moyennes et modestes, venant de régions plus éloignées : c’est un tourisme de moyenne distance qui se développe dans les années Soixante et Soixante-dix. La fréquentation s’accroît et la clientèle se diversifie faisant de la Côte Aquitaine une terre d’accueil hétérogène. Cette étude est cependant limitée en raison de lacunes statistiques.

Les caractéristiques de la fréquentation

40La phase de découverte de la Côte Aquitaine par les touristes français et aquitains, notamment sous l’impulsion de la M.I.A.C.A., se traduit par une progression du nombre de touristes présents sur la côte mais aussi leur diversification, suivant, de fait, le modèle national malgré la prédominance du camping.

a- La hausse rapide de la fréquentation

41Durant l’été 1960, la côte landaise a comptabilisé deux millions de journées de touristes soit un nombre moyen journalier de 40 000 touristes en juillet, 50 000 en août et 3 000 en septembre pour une dépense de six milliards de francs. Hossegor-Capbreton surpeuplée regroupe 50 % des touristes. Sur le Bassin d’Arcachon, la méthode des farines20 donne 65 000 touristes en juillet 1966 et 83 000 en août21.

42Le 29 décembre 1962, les salariés de la Régie Renault obtiennent la quatrième semaine de congés payés, le gouvernement suit avec la loi du 16 mai 1969 qui n’est une conquête que pour deux millions de salariés français.

43D’après les chiffres de la M.I.A.C.A., fournis à La Documentation française illustrée, « sans grand effort de publicité ni d’équipement, les Aquitains ont vu depuis 1960 le nombre de touristes s’accroître régulièrement chez eux de 5 % chaque année, c’est-à-dire deux fois plus que dans tout autre région française »22. On constate cette hausse de la fréquentation de la Côte Aquitaine à travers les chiffres du produit des jeux des casinos.

Tableau 35 : Produit des jeux dans les casinos de la Côte Aquitaine23

Tableau 36 : Trafic de cartes postales (moyenne par jour)24

44Une enquête de l’I.N.S.E.E. révèle que 39 % des Français sont partis en vacances en 1966 pour atteindre 50 % en 1974. En fait, ce sont les villes qui sont à l’origine de ce mouvement car 18 % seulement des habitants des campagnes ont profité d’un séjour hors de chez eux. L’âge joue aussi un rôle important : la proportion de partants varie de 50 % pour les adolescents à 25 % pour les personnes âgées. Il en est de même pour le milieu social : 10 % des agriculteurs et 40 % des ouvriers contre 90 % des cadres supérieurs, 60 % des employés et 70 % des cadres moyens sont partis en vacances. Ainsi en Aquitaine, dans les années soixante-dix, le secteur primaire atteint 24 % de l’activité mais leur taux de départ est de 12 % c’est pourquoi le tourisme régional est encore faible sur la côte.

45Entre 1974 et 1975, la Côte Aquitaine connaît une hausse sensible de sa fréquentation avec 12,5 millions de nuitées en résidences secondaires et campings en 1974 contre 13,15 millions en 1975 soit une hausse de 9 %. La plage est l’élément d’attraction naturelle le plus recherché par les touristes en quête d’eau et de soleil. Ils peuvent trouver sur la Côte Aquitaine, les immenses plages de sable fin, les plages familiales du Bassin d’Arcachon ou les rives tranquilles des étangs. Une enquête de l’Organisation Régionale d’Etudes de l’Aire Métropolitaine (O.R.E.A.M.)25 entre le dimanche 20 et le lundi 21 juillet 1975 donne 75 000 personnes présentes sur la plage dont 35 000 en Gironde et 40 000 dans les Landes. Cette étude révèle cependant que cent vingt kilomètres de plages restent encore vierges de toute occupation26. Elle révèle également l’importance du phénomène de week-end et du tourisme de proximité mais aussi la place des populations permanentes dans l’affluence des fins de semaine.

46En 1975, les résidences secondaires accueillent les propriétaires ou des amis et des parents pour 6 millions de nuitées, les locataires pour 4 millions de nuitées. Les campings comptabilisent 7,15 millions de nuitées et l’hôtellerie 1,98 millions.

Tableau 38 : Origine et lieu d’hébergement sur la Côte Aquitaine en 1975 (en milliers de touristes)28

Tableau 39 : Evolution de la capacité d’accueil entre 1970 et 1975 (en lits touristiques)29

47L’activité des Syndicats d’initiative, centres d’accueil et de renseignement, est un révélateur de la fréquentation des stations. Les chiffres du nombre de visiteurs, souvent des estimations, permettent néanmoins d’avoir un ordre de grandeur sur l’activité des stations. On peut établir le classement suivant : Capbreton avec 5 289 demandes écrites en 1963, Mimizan 4 857, Soulac 2 294, Vieux Boucau 2 210, Cap Ferret 1 950, Lacanau 1 837, Pyla sur Mer 1 369, Contis 1 280, La Teste de Buch 915, Vendays 710, Sanguinet 412, La Hume 371, Léon 311.

b- Types d’hébergement et fréquentation

48En 1960, 800 000 touristes au moins ont passé un séjour sur la Côte Aquitaine par rapport aux 140 000 résidents permanents. En 1966, 46 % des séjours se font chez les parents ou les amis, 15 % en hôtel, 13 % en camping, 11 % en location, 8 % en résidence secondaire et 7 % en village de vacances.

49En général le parc hôtelier de la côte n’est pas de grand luxe. Il se compose en majeure partie d’hôtels de confort moyen, c’est-à-dire une à deux étoiles, dont la vocation est d’héberger des populations touristiques à revenu peu élevé. Sur la Côte Aquitaine, ce type d’hôtellerie compte pour 78 % dans le parc hôtelier. Les trois étoiles sont en nombre suffisant sur la côte landaise et sur le Bassin d’Arcachon. Dans les Landes, seule Hossegor possède un hôtel de luxe 4 étoiles. En 1965, la dépense moyenne par jour dans un hôtel 4 étoiles est de 7 000 francs, dans un hôtel 3 étoiles 5 000 francs, dans un hôtel 2 étoiles 3 500 francs et dans un hôtel une étoile 2 500 francs.

Tableau 40 : Hôtellerie homologuée sur la Côte Aquitaine en 196530

Tableau 42 : Fréquentation des hôtels landais entre 1964 et 1971 (en nuitées)32

50La station la plus visitée du point de vue de ses hôtels homologués est Arcachon mais les séjours sont courts en raison du prix et de la clientèle uniquement de passage. L’essor le plus important concerne Soulac avec une hausse de 120 %, et Lacanau et Carcans avec 30 % de croissance des nuitées. Cependant, la fréquentation fléchit à Hossegor-Capbreton, Mimizan, Andernos ou le Verdon. Les Landes et le Bassin d’Arcachon connaissent donc une chute de fréquentation alors que la côte girondine voit sa fréquentation augmenter de 60 %. Dans ces hôtels, on trouve un nombre élevé d’étrangers : 30 % à Mimizan, 25 % pour Carcans, Lacanau et la Teste de Buch. La côte girondine et landaise accueille surtout des Allemands alors que sur le Bassin d’Arcachon viennent des Britanniques, des Belges et des Luxembourgeois.

51Mais l’hôtellerie semble difficilement s’adapter à la civilisation des loisirs naissante. Elle n’a pas su répondre à une mutation qualitative et quantitative de la demande touristique.

52La crise s’installe puisque seulement 5 % des hôtels ont été modernisés chaque année entre 1963 et 1965. Le parc hôtelier s’est accru faiblement en 30 ans alors que l’expansion des flux touristiques sur la Côte Aquitaine est manifeste. L’aide financière est essentiellement publique : des prêts sont consentis aux hôteliers par le Fonds de Développement Economique et Social (F.D.E.S.) par l’intermédiaire de la Caisse Centrale de Crédit Hôtelier, Industriel et Commercial qui accorde elle-même sur ses fonds propres divers autres prêts. L’objet de ces prêts doit être la construction, l’agrandissement, la modernisation ou l’acquisition de fonds de commerce hôtelier. Mais de 1963 à 1965, le nombre de prêts a chuté. Ce sont les Landes qui présentent le nombre de prêts le plus élevé puisque 25 % des hôtels y ont eu recours : elles font le plus gros effort en matière de création et de modernisation des chambres d’hôtels33.

53Les villages de vacances continuent leur progression et se diversifient. Ainsi à Montalivet, un village de vacances de 750 emplacements avec restaurant, salle de cinéma, piscine, solarium et salle de jeux, a été repris par le Club Méditerranée34 qui organise des distractions renforcées. Mais en 1971, un grand changement se produit avec son rachat par l’association Tourisme et Travail, proche de la Confédération Générale du Travail (C.G.T.), qui veut exclure toute animation préfabriquée. La gestion et l’animation sont assurées par la collectivité qui y vit, les distractions sont gratuites mais le village n’est ouvert que l’été. Alors que la clientèle du Club Méditerranée est parisienne et reste enfermée dans le village, la nouvelle clientèle est plus variée et plus modeste car en 1971, le tarif passe de 275 francs par semaine à 225 francs. On y rencontre surtout des cadres moyens, des employés et des ouvriers. Mais ils sont peu aimés dans la commune de Montalivet car pour les résidents, ils représentent des gens de « ce Club Méditerranée racheté par des communistes »35, faisant preuve du rejet classique des touristes par la population locale. Cette même année, les Landes sont le premier département français pour les villages de vacances avec 5 840 lits soit 23 050 touristes accueillis pour 382 900 nuitées. C’est le pôle sud des Landes qui est le plus performant sur ce point.

Tableau 43 : Fréquentation des villages de vacances landais (en nombre de touristes)36

54Les maisons familiales de vacances sont une forme de fréquentation collective de la Côte Aquitaine. Cependant, elles connaissent un succès limité et voient leur fréquentation stagner au fil des années. Il existe une sorte d’équilibre entre le nord et le sud du département des Landes. Cette forme de tourisme social conforte la vocation du département des Landes dans son rôle moteur d’accueil des populations modestes sur son territoire selon la volonté du Conseil Général des Landes. Les évolutions sont aussi soumises à l’ouverture ou à la fermeture des établissements dans les stations.

Tableau 44 : Fréquentation des maisons familiales de vacances landaises entre 1964 et 197337

55Du point de vue juridique, les campings gérés par les associations sont assez faiblement représentés mis à part dans les Landes où leur part est de 25 % contre 10 % dans l’ensemble de la région. Entre 1963 et 1967, leur progression est de 14 % par an. Les campings commerciaux dans les Landes et en Gironde représentent 60 % des terrains de camping. En camping, la dépense moyenne par jour est de 1 300 francs. Du point de vue qualitatif, 20 % des campings sont classés en 1^ère catégorie ou celle dite de tourisme, c’est-à-dire destinés à des populations aux revenus modestes. La Gironde et les Landes font de grands efforts depuis 1964 pour développer un parc de 1^ère et 2^ème catégorie afin de satisfaire une clientèle plus exigeante. Les campings les plus fréquentés en Gironde sont situés sur le Bassin d’Arcachon : Andernos, Gujan Mestras, Arcachon, La Teste de Buch et Lège. Mais ils sont souvent saturés en août. Les Landes connaissent un nombre assez élevé de campeurs : ils sont en hausse d’environ 40 % à Biscarrosse et Capbreton mais en baisse à Hossegor et Mimizan. Les étrangers représentent 31 % des nuitées en camping. La fidélité des touristes est unfacteur important puisque 53 % des campeurs sont déjà venus sur la Côte Aquitaine et dans un camping en particulier. Il faut souligner le début d’une recherche de la qualité même si l’évolution des classements cache des données fondamentales : la catégorie moyenne des 2 et 3 étoiles est majoritaire avec 80 % alors qu’en 1965 les 2^ème et 3^ème catégories ne représentent que 59 %. On note que les Landes sont les mieux dotées en ce qui concerne les campings de qualité pouvant attirer une population plus aisée.

Tableau 45 : Le camping sur la Côte Aquitaine en 196538

Tableau 46 : Capacité en camping en 1975 (en nombre de lits)39

56La fréquentation des campings sur la Côte Aquitaine est croissante. Le nombre de campeurs a été multiplié par 1,5 sur la côte médocaine entre 1963 et 1965, 1,7 sur le Bassin d’Arcachon et 1,3 sur la côte landaise. Mais sur la côte landaise, il a sextuplé entre 1958 et 1974. On peut cependant constater une importante différence entre les chiffres de l’I.N.S.E.E. et ceux de la préfecture des Landes, allant du simple au double : le plus intéressant reste donc le taux de croissance représenté par le graphique. On constate que le rythme de croissance est exponentiel après 1964 malgré quelques accidents, démontrant le succès croissant de la côte landaise mais aussi son rattrapage dans le domaine de l’accueil sous l’impulsion de la M.I.A.C.A. ce qui lui permet d’héberger ce nombre de plus en plus important de campeurs.

Tableau 47 : Fréquentation des campings entre 1963 et 196540

Graphique 1 : Evolution de la fréquentation des campings de la côte landaise41

57Les colonies et les camps de vacances sont une forme ancienne de tourisme mais c’est un secteur en pleine expansion en raison du boom démographique : près de 10 % des enfants y participent. Les premières accueillent des enfants de 6 à 14 ans, les seconds des adolescents entre 14 et 18 ans. Les colonies sont créées par des organismes publics et para-publics (C.A.F.) ou par des organisations privées (Comités d’Entreprises ou associations confessionnelles). Il est très difficile de connaître le nombre et la capacité d’accueil des colonies et des camps de vacances. C’est une pratique non négligeable de tourisme car elle forme les futurs touristes. Les colonies les plus fréquentées sont celles de Soulac (3 134 enfants reçus en 1968), Andernos (2 198 enfants reçus), et Capbreton. Malgré une stagnation de fréquentation dans les Landes, elles accusent une chute de fréquentation en Gironde depuis 1963.

Tableau 49 : Fréquentation des camps de vacances pour les jeunes sur la côte landaise43

Tableau 50 : Fréquentation des colonies de vacances sur la côte landaise

Tableau 51 : Fréquentation des hébergements pour jeunes entre 1963 et 196644

58L’essor du tourisme industriel et technique se poursuit comme le montre la fréquentation des chantiers lacustres de forage pétrolier et du musée-exposition du pétrole de Parentis en Born, géré par Esso Rep. Les chiffres sont de 48 600 en 1963, 64 200 en 1964, 72 085 en 1965 et 102 626 en 1966 (de janvier à septembre seulement).

Les différentes clientèles

59La Côte Aquitaine est loin d’exercer la même attraction que la Côte d’Azur sur les Parisiens et les étrangers. Son image de marque date de plus d’un demi-siècle, Arcachon ou Mimizan ont une grande renommée mais sont démodées alors qu’Hossegor et Pyla sur Mer gardent une renommée nationale.

a- Une clientèle essentiellement régionale

60D’après M. Cassou Mounat45, globalement, la population originaire du Sud Ouest représente 40 à 60 % de la clientèle, celle de la région parisienne 15 à 30 % et les étrangers 5 à 10 %. On peut donc voir la faible mobilité extra-régionale des Aquitains pour les vacances. Mais il faut mener une enquête plus poussée pour en voir la diversité :

• la clientèle bordelaise joue un rôle majeur : pour les 600 000 habitants de l’agglomération, les plages du Bassin d’Arcachon et de Médoc sont les plus accessibles. Elle demeure une valeur sûre car elle est liée à la possession de résidences secondaires ou au logement chez des parents ou des amis,

• la clientèle de l’arrière-pays proche : la plupart des stations ont une origine locale selon une longue tradition. Les Médocains forment une part importante de la clientèle estivale de Soulac, le Verdon, Hourtin ou Carcans ; les Landais sont responsables de 20 à 30 % des flux touristiques de Biscarrosse, Mimizan ou Moliets. Dans tous les cas, les petites villes de l’arrière-pays jouent un rôle important comme Pauillac, Libourne, Mont de Marsan et Dax,

• la clientèle du Sud Ouest et de ses marges : la Dordogne et le Lot et Garonne envoient leurs habitants dans le Médoc et sur le Bassin d’Arcachon alors que le Gers et les Pyrénées Atlantiques les font aller dans les Landes,

• la clientèle parisienne : elle est non négligeable au cœur de l’été. Seules Hossegor et Pyla sur Mer ont une clientèle parisienne dominante. En fait, elle se mêle peu avec l’emprise bordelaise. Le Club Méditerranée de Montalivet l’a attiré mais connaît un essoufflement pour la recherche de plus d’exotisme. Le relais a été repris par les V.V.F. de Capbreton et Seignosse,

• les autres clientèles d’origine française : il faut souligner la faiblesse de l’attraction sur les départements proches. L’essentiel de la clientèle est originaire de la France intérieure du Limousin à la région Rhône Alpes, mais aussi d’Alsace Lorraine,

• la clientèle étrangère : elle représente environ 14 % des nuitées. Les étrangers viennent surtout de l’Europe du Nord-Ouest, Pays-Bas et Allemagne Fédérale essentiellement. Ces flux augmentent grâce à l’action des Comités Départementaux du Tourisme (C.D.T.) et des gestionnaires des campings ou villages de vacances, donc une action publique et privée. Les étrangers sont très présents là où se trouvent des campings : à l’Airotel de Soulac, les étrangers sont 72 % en juin. Ils recherchent surtout les plages océanes sauvages et les pratiques sportives. Ils sont 24 % dans le Médoc, 8 % sur le Bassin d’Arcachon, 18 % dans les Landes du Nord et 10 % dans les Landes du Sud.

61Ces clientèles sont donc composites mais gardent un caractère familial lié à un important bouche à oreille.

b- Une clientèle familiale

62Les villégiateurs-touristes de catégories moyennes se rencontrent dans les stations connues comme Mimizan, Soustons, Vieux Boucau et Capbreton. Les plus modestes vont dans les communes plus petites. Les cadres supérieurs et les professions libérales, surtout bordelais, sont nombreux à Parentis en Born, Gastes, Sainte Eulalie en Born et Biscarrosse46.

63L’enquête de l’O.R.E.A.M. de 1975 donne plus de précisions sur la fréquentation estivale. La clientèle est jeune puisque 58 % des estivants ont moins de 30 ans. Ce caractère est accentué par la forte présence des campings sur la Côte Aquitaine.

64En ce qui concerne la profession et l’origine sociale des estivants, il faut noter que la clientèle de la Côte Aquitaine est plutôt modeste puisque 76,5 % des touristes sont cadres moyens, employés ou ouvriers. C’est ce phénomène qui fait craindre à certains la démocratisation du tourisme : un tourisme bas de gamme. Les catégories sociales supérieures sont en fait peu nombreuses. Ces phénomènes sont accentués par la forte proportion des campings et du tourisme social qui attirent les classes moyennes de même que les résidences secondaires.

65La loi d’Engel montre que la hausse du pouvoir d’achat entraîne une baisse de la part de consommation de nourriture et une hausse des dépenses de confort, d’hygiène et de loisirs. Dans les Landes, le tourisme a rapporté 70 millions de francs soit la moitié de la valeur de la récolte de maïs49. En 1975, l’enquête de l’O.R.E.A.M. révèle que la dépense déclarée est de 29 francs par jour par personne en résidence secondaire, 38 francs pour les campeurs. La moyenne est de 3 500 francs par jour et par ménage soit 32 francs par jour et par personne. Ainsi pour 17 150 000 nuitées le chiffre d’affaires touristique est de 550 millions de francs.

Les grands flux de touristes et leur canalisation

66Les touristes sont de plus en plus nombreux à venir dans la région Aquitaine. On constate cependant qu’ils utilisent de plus en plus leur automobile et que les flux routiers ont pris le dessus sur les moyens de transport collectifs.

a- Le transport par route et ses éternels embouteillages

67L’automobile est devenue un moyen de transport populaire symbole des vacances et des loisirs. On peut estimer à 60 % la clientèle venue en voiture sur la côte. L’importance du camping accentue encore cette tendance pour le transport du matériel ou la traction de la caravane.

68Les flux routiers sont donc importants. La Nationale 650 entre Bordeaux et Arcachon accuse durant l’été 1965 un trafic de 11 500 véhicules par jour en moyenne, la Départementale 106 entre Bordeaux et le Cap Ferret compte 6 000 véhicules par jour. La Route Nationale 10 est un axe important mais qui connaît une circulation difficile à cause de l’encombrement dû aux poids lourds. Les principales routes d’accès au littoral sont donc saturées de juin à septembre. Récemment la route entre Arcachon et Biscarrosse Plage a été construite pour tenter de désengorger la ville d’Arcachon en position de cul de sac. La courbe de trafic saisonnier est influencée par le tourisme estival et les déplacements de week-end qui se superposent aux flux de travail journaliers.

69L’affluence des touristes sur les routes, les embouteillages créent une image de vague des vacanciers qui suggère ensuite des métaphores de l’invasion pour les populations permanentes. Comme le souligne J.-D. Urbain, les mots de ‘hordes’, de ‘troupeaux’, de ‘meutes’ démontrent l’aspect régressif de ce phénomène et les vacances créent donc ce paradoxe : mes vacances relèvent du droit légitime, celles des autres ressemblent à une colonisation50.

70La route des vacances est semée d’embûches, notamment les points noirs de la R.N. 10 et ses accidents meurtriers, ce qui a entraîné la création de recommandations dans le choix du jour et des heures de départ, le fléchage des itinéraires...

b- Les autres flux liés aux voies de communication

71Le chemin de fer est encore très fréquenté puisque le train représente 40 % des transports des Français, et les étrangers utilisent à 25 % la voie ferrée. La S.N.C.F. fait des efforts pour favoriser le développement touristique de certaines régions. Elle y organise des circuits touristiques en liaison avec les services routiers. Ainsi même si elles ne concernent pas que les touristes, les réservations de trains pour la région sont un indicateur de la fréquentation de la Côte Aquitaine. En 1965, on compte 458 454 réservations en juillet de Paris vers le Sud Ouest contre 338 659 en août. Le tramway du Cap Ferret a reçu 69 835 passagers en 1963 et 77 471 en 1964.

72L’Aquitaine possède un riche réseau d’aérodromes mais leur trafic est essentiellement privé ou militaire. L’aéroport de Bordeaux-Mérignac est un nœud de communication très important avec 170 000 passagers en 1966. C’est la ligne Bordeaux-Paris qui est la plus fréquentée. Il ne faut pas négliger l’influence grandissante du tourisme sur le trafic.

73On peut donc dire que le tourisme dans les années Soixante et Soixante-dix est dominé par deux phénomènes : l’uniformisation et la massification. En effet, malgré le développement de pratiques nouvelles comme le nautisme, le naturisme, le golf ou les sports californiens, le modèle dominant reste le produit soleil et mer. Mais la contestation de ce modèle à un niveau national débouche sur une pratique porteuse d’avenir alliant rejet du tourisme de masse, tourisme intérieur et écologie : le tourisme vert. Il se développe également sur la côte qui a su garder son caractère sauvage notamment dans le cadre des S.E.N. avec ses gîtes ruraux, ses camps naturistes et son camping rustique.

74La Côte Aquitaine voit le nombre de touristes venant sur son territoire doubler voire tripler en une dizaine d’années sous l’impulsion notamment de la M.I.A.C.A. Mais avant le départ tardif de la Mission, les départements et les représentants des hébergeurs se sont lancés dans une politique offensive du point de vue touristique pour profiter au maximum des avantages apporter par le tourisme en oubliant parfois ses conséquences négatives.

De nouveaux comportements touristiques : le modèle des « 4 E »

75Au seuil des années 1980, de nouveaux touristes semblent faire leur apparition. Ils sont plus avertis, plus informés, plus forts d’une expérience longue d’une trentaine d’années mais affectés par une baisse de leur pouvoir d’achat en raison des crises économiques.

76Les changements dans les pratiques des touristes se manifestent de différentes manières : leurs habitudes de touristes-consommateurs évoluent, les pratiques se diversifient ainsi que les modes d’hébergement, les motivations environnementales s’intensifient.

77La Côte Aquitaine par la variété de ses paysages et de ses stations peut répondre d’autant plus facilement à ces évolutions comportementales.

Une nouvelle diffusion dans la société, l’espace et le temps

78L’Aquitaine n’est pas épargnée par la crise : les touristes y répondent par des comportements nouveaux dans l’espace et le temps. C’est la nouvelle donne du tourisme notamment balnéaire qui passe une nouvelle diffusion sociale, l’affirmation de tendances minoritaires auparavant et des pratiques sociales plus diversifiées.

79Mais la massification touristique n’arrive-t-elle pas à saturation dans sa diffusion sociale ? La crise semble provoquer un certain ralentissement dans la croissance touristique à cause d’une faible croissance des conditions de vie et des salaires qui gêne la consommation touristique.

La nouvelle donne du tourisme balnéaire

80La société évolue dans ses habitudes et ses pratiques de loisirs, de récréation et de tourisme sous l’influence du niveau d’éducation, du degré d’urbanisation, de la modification des conditions de travail, de l’internationalisation des activités touristiques, et de la crise énergétique et économique.

a- La mutation du produit touristique : les 4 E

81Les transformations socio-économiques comme l’obtention de la cinquième semaine de congés payés dissociées des quatre autres, l’avancement de l’âge de la retraite, le raccourcissement de la durée hebdomadaire du travail et le ralentissement de la croissance du pouvoir d’achat ont modifié les structures des vacances : elles sont moins chères, moins longues et plus fréquentes. Selon J. Dumazedier51, l’évolution des mentalités est le fruit de l’émergence de valeurs nouvelles autour des 3 L (Lore, Landscape, Leisure ; Tradition, Paysage et Loisir) : la valorisation sociale de soi par l’expression plus libre, plus spontanée du corps, du rêve et de l’imaginaire ; l’établissement d’une nouvelle relation à autrui ni égoïste ni individualiste ; les formes ne sont plus imposées mais plus douces, plus souples et relèvent davantage du choix des touristes ; enfin l’apparition d’un nouveau rapport à la nature qui sous-entend la possibilité de la transformer non de la violer, on la respecte pour elle-même comme cadre de vie. Cela débouche sur la quête de couleur locale, la recherche de l’épanouissement personnel et physique, le désir de fêtes et de distractions en réaction à la monotonie de la vie quotidienne. Le tourisme devient sportif, veut du sur-mesure, cherche l’autonomie, refuse les conformismes, rejette les formules d’adhésion, veut s’éloigner de la foule. Si les vacances farniente symbolisées par les 4 S sont nécessaires pour la majorité des touristes, elle n’est plus suffisante.

82Les bases des 4 S sont en crise ce qui a pu faire parler de la mort du littoral : le tourisme de masse centré sur l’exploitation intensive du soleil et de la mer s’asphyxie. La tendance n’est pas au rejet du littoral mais du produit standard proposé. Le littoral conserve son attrait. Le produit des 4 S repose sur une offre basée sur un support naturel c’est-à-dire un bien libre. Mais le post-fordisme exige des services diversifiés et de qualité52. Des efforts sont faits pour capter de nouveaux segments de touristes : les personnes âgées, les jeunes... Il n’y a plus de produit standard mais chacun a des aspirations particulières et chaque touriste veut consommer un produit original : le touriste devient plus actif et demande des activités culturelles ou sportives, il est prêt à sacrifier la quantité à la qualité, et a tendance à fractionner ses vacances. C’est une étape vers le sur-mesure de masse alliant le qualitatif et le quantitatif. Les nouvelles techniques de production flexible ainsi que le développement d’une politique de gamme permettent la personnalisation du produit touristique. On recherche en fait la synthèse entre standardisation et individualisation. L’invasion de l’informatique dans le secteur touristique permet ce mouvement de diversification. A côté du modèle touristique des 4 S déclinant, s’est développé un modèle qui associe le farniente au sport et la culture au repos. En fait, le tourisme s’oriente vers des formes plus douces où le milieu local est préservé et enrichi par la présence du tourisme : c’est le tourisme durable ou soutenable. Le nouveau modèle est basé sur les 4 E : Equipement, Encadrement, Evénement, Environnement. La montée du niveau culturel et la revendication d’une forme d’individualisation ont fait éclater le nivellement des pratiques. La démocratisation se poursuit avec une démassification des pratiques intégrant diversification et innovation. Le processus d’imitation a quelque peu perdu de son sens. Mais se pose le problème de la démocratisation de ce modèle par son coût et le modèle des 4 S est en partie présent dans le modèle des 4 E : la plage est vécue différemment, de décor elle devient support. Cependant il reste quelques irréductibles qui ne vont sur le littoral que pour bronzer. En fait, plusieurs types de pratiques peuvent coexister : certains touristes vont s’en remettre à des intermédiaires, d’autres vont organiser eux-mêmes leur séjour, d’autres vont chercher des prestations personnalisées... Il existe donc des formes complémentaires de développement touristique caractérisées par l’importance plus ou moins grande des composantes marchandes et non marchandes.

b- L’attrait renforcé du littoral

83Le littoral polarise l’essentiel des flux touristiques émis depuis la France. Il a même renforcé son attrait au cours des années Quatre-vingts. En 1988, le littoral représente 50,9 % des destinations des Français contre 46,5 % en 1976, mais 48,5 % des Français ne sont pas partis en vacances. En Aquitaine, base du tourisme sur la Côte Aquitaine avec un quart des séjours de vacances, six habitants sur dix n’ont pas pris de vacances d’été ce qui représente l’un des plus mauvais résultats des régions françaises. Il accroît même sa part en hiver avec 20 % des déplacements touristiques. Le département de la Gironde concentre 2,7 % des nuitées réalisées en France et les Landes 2,5 ce qui les place à la onzième et douzième place des départements français.

Tableau 54 : Evolution de la part des types de vacances entre 1984 et 198853

84Entre 1976 et 1977, la fréquentation connaît une légère baisse de fréquentation avec 14,9 millions de nuitées en résidences secondaires et campings en 1976 dont 50,4 % pour la Gironde et le reste pour les Landes tandis qu’en 1977, on compte 14,3 millions de nuitées dont 51 % pour la côte landaise qui dépasse pour la première fois la Gironde. En 1976, pour la première fois, les Aquitains sont minoritaires dans la fréquentation laissant leur place à la région parisienne. On constate également une baisse du budget des vacances mais une hausse de la dépense moyenne par jour et par personne.

85Pour 1980, les estimations de fréquentation confirme la hiérarchie des stations à la fin des années Quatre-vingts : Biscarrosse arrive première avec 1,9 millions de nuitées54, puis Arcachon avec 1,8 millions se classe seconde enfin suivent Soulac avec 1,6 millions et Mimizan avec 1,2 millions. En 1980, la Côte Aquitaine regroupe les deux tiers des nuitées réalisées en Aquitaine soit 35 millions de nuitées environ entre le 1^er juin et le 15 septembre. D’après le tableau suivant, les résidences secondaires et les campings ont la préférence des touristes. On constate également une stagnation de la fréquentation sur le littoral.

Tableau 56 : Fréquentation touristique pendant l’été 1980 (nb de personnes présentes)58

86Les facteurs climatiques ont une grande importance sur la côte. Ainsi l’été 1976 est très chaud ce qui contribue au démarrage de la saison dès juillet. La fréquentation étrangère aide à l’étalement des séjours puisque 60 % des nuitées étrangères sont enregistrées avant le 1^er août. Au contraire les étés 1977 et 1979 ont été maussades. Les Français, malgré la rentrée scolaire et la fin des zones de vacances en 1982, tentent une prolongation de la saison grâce, notamment, aux résidences secondaires dont une large partie des Aquitains sont propriétaires. Depuis 1982, on peut constater également une baisse du taux de croissance de la fréquentation en arrière saison à cause de l’avancement et de l’uniformisation de la rentrée scolaire en France.

87Des grappes de facteurs socio-économiques expliquent la baisse de durée des séjours. En effet, la disposition accrue de temps libre avec la cinquième semaine de congés payés, l’abaissement de l’âge de la retraite et la diminution de la durée hebdomadaire de travail, ainsi qu’une conjoncture économique difficile justifient le fait que les touristes ne se privent pas de vacances mais partent moins longtemps. Malgré tout, la fréquentation estivale se concentre sur les mois de juillet et août en Aquitaine. Les Français restent principalement des aoûtiens. De la qualité climatique de l’arrière-saison dépend la prolongation des séjours en septembre.

88En comparant les nuitées dans les hôtels et campings entre 1975 et 1983, on constate une baisse de fréquentation dans les hôtels de la côte girondine et landaise, et dans les campings de la côte landaise alors que les campings de Gironde connaissent une hausse de fréquentation.

89La clientèle étrangère se diffuse sur toute la côte préférant quand même le Médoc et le Sud des Landes. Leur mode d’hébergement privilégié est à 70 % le camping. Les Allemands représentent 54 %, les Néerlandais 25 %, les Britanniques 10 % et les Belges 6 %. Deux saisons exceptionnelles expliquent la forte présence des étrangers : durant l’été 1976, la chaleur estivale attire en masse les touristes étrangers et en 1979, les troubles basco-espagnols arrêtent les étrangers plus au Nord sur la côte. De plus, les opérations de promotion à l’étranger et la dévaluation du franc depuis 1982 sont les causes de cette tendance générale59.

90La mutation sensible la plus significative est la réduction de la part des Aquitains dans les flux touristiques littoraux : ils ne représentent plus que 40 % de la clientèle française. En effet en 1980, sur la Côte Aquitaine, les Aquitains ont réalisés 7 057 900 nuitées contre 11 798 300 par des non-Aquitains et 3 347 800 par des étrangers. La majorité des visiteurs vient du Nord de la France et d’autres régions pour 45 %. Les étrangers, quant à eux, sont environ 15 % sur le littoral60.

Un ralentissement de la diffusion sociale ?

91Depuis le début des années Quatre-vingts, en France, le taux de départ en vacances plafonne autour de 60 %.

Tableau 57 : Taux de départ en vacances des ménages français et aquitains (en %)61

92La clientèle estivale est surtout familiale : les sondages font ressortir les caractéristiques « couple » et « entre amis ». La composition socioprofessionnelle comporte une forte proportion de cadres et assimilés. Malgré la politique de la M.I.A.C.A., la proportion de catégories sociales modestes est encore faible.

93Les stations anciennes captent des flux étrangers des pays de l’Europe du Nord : Mimizan, Biscarrosse et Soulac reçoivent une très importante proportion d’étrangers liée à la structure de l’hébergement. La clientèle étrangère apprécie le contact avec la nature et la pratique du camping. Ainsi les Allemands représentent 70 % de la clientèle de camping à Soulac et 60 % à Biscarrosse.

94La crise économique s’est traduite par la dégradation du pouvoir d’achat des ménages entraînant une chute de la fréquentation dans les hôtels et un raccourcissement des séjours dès 1980.

95Le tourisme garde un caractère saisonnier très fort malgré la recherche d’un étalement de la saison. La pleine saison ne dure réellement qu’un mois et demi avec un maximum début août. D’après l’I.N.S.E.E., la Côte landaise est celle qui affiche les plus forts taux d’occupation de toutes les zones d’Aquitaine.

Tableau 58 : Les taux d’occupation dans les Landes et en Aquitaine en 198062

De nouveaux comportements touristiques

96Le modèle des 4 S, sous l’effet de la crise et de tendances lourdes, évolue. Ce sont en fait les comportements minoritaires de la période précédente qui se développent et se diversifient. De plus, la baisse du pouvoir d’achat et l’octroi d’une semaine de congés payés supplémentaire facilite le fractionnement et le développement du hors saison. Mais face à ces mutations, les stations ne sont pas prêtes. L’hétérogénéité des comportements touristiques en matière de loisirs montre la diversité des clientèles touristiques accentuée par le développement du tourisme social et l’émergence de nouvelles formes de tourisme plus tournées vers des loisirs actifs. Le choix des activités sportives obéit souvent à des effets de mode : funboard, surf, scooter des mers, randonnée, golf, char à voile... Le nouveau touriste balnéaire cherche un environnement dynamique. En fait, les handicaps climatiques ont accentué le développement d’activités récréatives palliatives. Par mauvais temps sur le Bassin d’Arcachon ou la côte médocaine, les touristes se replient vers l’intérieur pour visiter Bordeaux ou le vignoble bordelais : c’est du tourisme en marguerite.

97Ces pratiques valorisent la spontanéité, l’imagination et la liberté. La France se place au premier rang des marchés mondiaux. Ces tendances, qui s’amplifient dans les années Quatre-vingts63, trouvent un terrain exceptionnel sur la Côte Aquitaine où les espaces libres et naturels correspondent aux attentes alors que les effets de surpopulation se font sentir sur nombre de côtes urbanisées. Elles expliquent le succès du surf comme pratique et comme soutien publicitaire pour valoriser la région. On assiste donc à un glissement vers un hédonisme consommatoire surtout chez les classes moyennes. Le refus des gestes stéréotypés et répétitifs et des contraintes de l’entraînement débouche sur une attitude anti-compétitive.

Le fractionnement des vacances et le développement du hors saison

98La fréquentation touristique sur le littoral des Landes de Gascogne est marqué par une forte saisonnalité qui est renforcée par des équipements comme les campings très présents à Biscarrosse ou Soulac, dépendants des conditions climatiques et accueillant une clientèle quasi exclusivement estivale. Le secteur hôtelier est un moyen de développer des comportements hors-saison.

99La saisonnalité tend à s’atténuer avec le développement du hors-saison. Les deux voies qui peuvent permettre de poursuivre l’accroissement de la fréquentation résident dans des gains de part de marché européen sur les clientèles étrangères et dans la modification des comportements en matière de vacances et notamment la segmentation.

100La durée du séjour estival stagne passant de 25 jours en 1980 à 24 en 1988. Mais un engouement pour les vacances fractionnées fait son apparition avec le développement de la fréquentation en juin et en septembre, pendant les week-ends, les ponts du mois de mai surtout, et l’étalement sur toutes les vacances scolaires. Ce fractionnement des congés crée un double départ avec, selon l’I.N.S.E.E., en moyenne 14 jours par personne en hiver et 24 jours en été.

101Quelques stations ont une fréquentation annuelle continue comme Arcachon ou faible pendant l’hiver, l’automne et le printemps comme c’est le cas des stations satellites ou anciennes telles Lège Cap Ferret, Hossegor. Pour les autres ce sont surtout les vacances scolaires qui voient venir quelques touristes. Enfin, quelques stations n’ont aucune saison d’hiver, ce sont le plus souvent de petites stations comme le Porge, le Verdon, Arès, Lanton, ou des plus importantes comme La Teste de Buch ou Biscarrosse. La majorité est surfréquentée du 14 juillet au 15 août mais les stations anciennes et satellites comme Mimizan, Capbreton, Gujan Mestras, connaissent un afflux de touristes concentré entre le 14 juillet et la fin du mois d’août. Seule Hossegor compte une saison du 1er juillet au 31 août. Quelques stations se distinguent par leur courte saison estivale comme Le Verdon ou Lanton, et d’autres par leur surfréquentation plus longue comme Lège Cap-Ferret ou La Teste de Buch64.

102La structure de la fréquentation diffère sensiblement selon les clientèles estivales. Les retraités fournissent une part importante de ces nouveaux touristes qui fuient l’agitation et la chaleur estivales. Ils apprécient le calme, la nature et la qualité de vie. Face aux nouvelles potentialités offertes par ce marché en plein développement, il n’y a qu’une réaction lente pour élaborer des produits touristiques adaptés. En effet, l’animation et l’accueil des stations balnéaires commencent à accuser de sérieuses déficiences au mois de juin et de septembre, les commerces ferment et les restaurants se raréfient. C’est en fait un atout pour les stations anciennes qui ont l’avantage de connaître une vie en dehors de la saison estivale par rapport aux stations nouvelles qui sont quasi-mortes en hiver. Elles peuvent être un atout pour un tourisme en quête de nature sauvage et réparatrice comme le prouve leur classement en station climatique pour leur air vivifiant et iodé en hiver, les plages débarrassées de la foule des baigneurs et les autres activités qui s’y développent comme le char à voile, la randonnée ou l’équitation. Le hors-saison permet le développement de marchés porteurs.

Des vacances plus actives, culturelles et sportives

103La baignade et le farniente sur la plage ensoleillée constituent toujours les deux principales activités récréatives mais les touristes veulent diversifier leurs occupations par des pratiques sportives ou des manifestations culturelles.

104L’hétérogénéité des comportements touristiques en matière de loisirs montre la diversité des clientèles touristiques accentuée par le développement du tourisme social et l’émergence de nouveaux touristes plus tournés vers des loisirs actifs. Le choix des activités sportives obéit souvent à des effets de mode : funboard, surf, scooter des mers, randonnée, golf, char à voile... Le nouveau touriste balnéaire cherche un environnement dynamique.

105Pour le nautisme, la demande a toujours excédé l’offre. En 1986, sur le Bassin d’Arcachon, la base maritime d’Arcachon se constitue en véritable atout touristique majeur : la capacité du port de plaisance est portée à 1 900 places. La planche à voile fait partie d’un ensemble de pratiques nouvelles importées et diffusées en France à partir des années Soixante-dix. Ces pratiques valorisent la spontanéité, l’imagination et la liberté. La progression du marché de la planche à voile montre son succès : en 1974, 500 planches à voile sont vendues en France, 2 000 en 1975, 12 000 en 1977, 60 000 en 1979, et 100 000 en 1981 soit 800 000 planches à voile vendues entre 1975 et 1985 ce qui place la France au premier rang des marchés mondiaux. Contrairement au dériveur, qui est un engin utilitaire de déplacement détourné de sa fonction première, la planche à voile a été créée pour le jeu et le plaisir. En 1983, le championnat de France de planche à voile a lieu à Carcans.

106Ces tendances, qui s’amplifient dans les années Quatre-vingts, trouvent un terrain exceptionnel sur la Côte Aquitaine où les espaces libres et naturels correspondent aux attentes alors que les effets de surpopulation se font sentir sur nombre de côtes urbanisées. Elles expliquent le succès du surf comme pratique et comme soutien publicitaire pour valoriser la région. Ainsi P. Bourdieu dans La distinction voit dans « l’opposition entre sports classiques et sports californiens, deux rapports opposés du monde social avec d’un côté le respect des formes et des formes de respect qui se manifeste par le souci de la tenue et des rituels, et dans toutes les exhibitions sans complexe de la richesse et du luxe, et de l’autre la subversion symbolique des rituels de l’ordre bourgeois par la pauvreté ostentatoire qui fait de nécessité vertu, la liberté à l’égard des formes et l’impatience des contraintes... Et cette opposition entre deux rapports au monde social se résume parfaitement dans les deux rapports au monde naturel, avec d’un côté le goût de la nature naturelle, sauvage, et de l’autre la nature policée, balisée, cultivée »65.

107On assiste donc à un glissement vers un hédonisme consommatoire surtout chez les classes moyennes. Le refus des gestes stéréotypés et répétitifs et, des contraintes de l’entraînement débouche sur une attitude anti-compétitive. On note également la création de groupes affinitaires, avec leur rituel et leur langage, qui s’approprient les lieux. L’attrait du public pour une activité qui sort des normes sportives est lié selon J.-P. Augustin au passage d’une société holiste à une société individualiste. Le surf est également devenu le vecteur de la recherche de nouvelles sensations, d’émotions mais aussi d’écologie et de respect de l’environnement.

108Une autre tendance est à la multiplication des dérivés du surf comme le body board66, le body surf67, le knee board68 et le skim board69. Ainsi le fun board70 s’est développé prioritairement à Seignosse le Penon.

109Le processus de surfurbia se poursuit à Lacanau Océan. En 1979, la maison du surf de Lacanau est ouverte sur la dune pour accueillir le Lacanau Surf Club et la première école de surf agréée par la Fédération Française de Surf et de Skate (F.F.S.S.), celle de Thierry Organoff, brevet fédéral depuis 1975.

110L’image du surf en Aquitaine a été renforcé par l’organisation d’un événement, dans la logique des 4 E : depuis 1979, une compétition internationale, le Grand Prix international de Lacanau qui anime la station de Lacanau Océan71. L’idée de cette compétition est née en 1976 autour du président du club de surf, René Guillet et de ses amis, Max Fernandez, Francis Boutrois et Patrice Chrzan72. L’objectif des organisateurs est de rassembler chaque année lors d’une compétition internationale, les surfeurs internationaux pour une rencontre médiatique qui est un événement de la saison. Suite au départ de R. Guillet, c’est P. Chrzan qui va faire preuve d’une volonté infatigable pour mener à bien ce rêve : ce propriétaire d’un surf shop à Bordeaux, fait régulièrement des voyages aux Etats-Unis et finit par rencontrer Fred Hemmings, président de l’international Professional Surfers (I.P.S.). Mais l’argent fait encore défaut pour organiser cette compétition professionnelle en Europe, le Grand Prix Open de Lacanau-Océan : il démarche la marque britannique Gul et Ader, et organise une tombola lors de la première compétition du vendredi 28 au dimanche 30 septembre 1979. Les autres membres du club organisent aussi une gigantesque merguez-party pendant les trois jours ce qui leur permit d’obtenir l’argent nécessaire à doter la compétition de lots confortables. Cette première compétition voit les premiers internationaux se déplacer sur le vieux continent : Mike Notary et Greg Loehr, deux Floridiens. Et la compétition d’attirer des milliers de personnes étonnées de ce nouveau spectacle gagné par G. Loehr suivi de Bernard Capdepont. Mais cette compétition devenue mythique s’est réalisée dans des vaguelettes de piètre qualité pour les surfeurs.

1111980 est une année charnière car les championnats du monde amateurs ont lieu à Biarritz73 ce qui facilite la tâche des organisateurs du second grand prix open de Lacanau-Océan. J. Hèle a invité en tant que juge-arbitre des compétiteurs comme le champion Wayne Bartholomew à Biarritz ce qui lui a permis de nouer des contacts pour la suite. Le second grand prix de Lacanau a lieu du 15 au 21 septembre 1980. Mais cette fois des vagues titanesques de six mètres de haut gênent le bon déroulement de la compétition qui est gagnée par W. Bartholomew, dit Rabbit.

112Mais le succès de l’épreuve a bien failli la tuer. En effet, le sponsor anglais, impressionné par la réussite de ce rendez-vous a cherché à organiser une compétition chez eux avec l’aide de J. Conway. Ainsi l’édition 1981 est-elle annulée faute de sponsor et d’argent.

113En 1982, ont lieu les championnats de France de Lacanau, le Grand Prix international de surf de Lacanau du 6 au 12 septembre, avec la venue de nombreux étrangers, Espagnols, Portugais, Britanniques et Australiens. Mais cette année-là c’est un enfant du pays, Thierry Fernandez qui remporte l’épreuve. Puis en 1983, la compétition qui se déroule du 16 au 21 août, prend le nom de Lacanau Pro ou French Pro après le voyage de P. Chrzan et J. Hèle à la Surfexpo de Floride. Cette même année l’I.S.P. s’est transformé en Association of Surfing Professionals (A.S.P.) dirigée par Ian Cairns qui accepte le principe d’une étape européenne du surf international à Lacanau. Le nouveau sponsor Océan Pacific est alors plus facile à convaincre de la pérennité de l’opération. Cette année 1983 marque le véritable décollage de l’événement avec la venue de tous les plus grands surfeurs du moment. En 1986, 120 professionnels, la radio (Europe 2), la télévision (M6, Surf Channel), la presse nationale et internationale (Surf Session, Ride On, Sud Ouest), un investissement de deux millions de francs et plus de 100 000 spectateurs sont présents. Mais Patrice Chrzan qui ne reconnaît plus l’esprit du départ dans cette nouvelle compétition se retire en laissant l’organisation à J. Hèle. Les spectateurs de la compétition qui se rendent à Lacanau lors du Lacanau Pro sont jeunes puisque la moitié a moins de 25 ans.

114La surfurbanisation se poursuit avec l’insertion du surf au circuit économique et donc la création du surf business. Le succès du surf se traduit dans l’espace canaulais avec l’omniprésence du terme surf : les lotissements Surf 1 et 2, le tabac le Surf, la café Shore Break. Cette activité commerciale participe du plein succès de la station. Dans les années 1980, les surf shop se multiplient : California Street, Surf City, Mata Hari, Billabong, Pacific Island... ouverts par des Canaulais. Ils génèrent donc un certain dynamisme économique et d’importants apports financiers surtout par la vente de vêtements sportifs qui permet de maintenir l’activité de vente de matériel de surf.

115Face au succès du Lacanau Pro, la ville d’Hossegor s’est inscrite sur le circuit des compétitions internationales de l’A.S.P. de même que Biarritz. Ainsi trois étapes européennes du Mondial Surf se déroulent en août et septembre sur le littoral aquitain. Ces manifestations ne sont possibles qu’avec le support financier des sponsors qui sont généralement des entreprises de matériel et de vêtements spécialisés. L’événement résulte de la volonté d’un club et des synergies qu’il crée entre les entreprises de sponsors, les médias, et les collectivités locales.

116La notion de station surf prend corps autour de Lacanau, Hossegor, mais aussi de Mimizan, Biscarrosse, du Bassin d’Arcachon où les clubs locaux et les municipalités se sont engagés en faveur du surf. 8 clubs existent en 1975 contre 39 en 1982.

Tableau 59 : Clubs et surfeurs en 1982 sur la Côte Aquitaine74

117Cette progression des sports de glisse ne doit pas faire oublier le maintien et le développement des pratiques nautiques classiques. Elles sont même soutenues par les orientations du Plan qui propose un programme prioritaire tourisme et loisirs. Les ports de plaisance sont un des éléments de l’aménagement des loisirs nautiques. Le port d’Arcachon, vecteur d’une longue tradition de plaisance, disposant d’un club de voile dynamique, est le seul à s’ouvrir directement sur la mer. Plusieurs petits ports municipaux ou privés existent à Andernos, Taussat, Audenge, Biganos et La Vigne. Enfin sur les plans d’eau intérieurs à Hourtin, Lacanau, Cazaux et Biscarrosse, des petits ports ont été aménagés pour permettre le simple mouillage et offrir des services annexes.

118Les stations touristiques offrent une palette d’activités sportives et récréatives diverses. L’immensité de l’espace naturel préservé permet la pratique de formes récréatives extensives. L’équitation trouve dans la forêt de pins maritimes un potentiel à exploiter. Soulac, Biscarrosse et Mimizan possèdent des centres équestres qui permettent l’initiation et la promenade en forêt domaniale. Arcachon, quant à elle, organise des concours hippiques officiels. Le tennis est une activité très prisée des touristes. La pratique de ce sport a explosé en France dans les années Quatre-vingts. Chaque municipalité s’est alors dotée des structures adéquates. Arcachon possède vingt-deux courts dont la moitié en terre battue qui ne suffisent pourtant pas à la demande estivale. Mimizan, en ville d’hiver, a aménagé neuf courts.

119Le golf se développe notamment dans les opérations de la M.I.A.C.A. Ainsi Lacanau possède deux terrains : le premier créé en 1980, conçu par J. Harris, est le Golf de l’Ardilouse comptant 18 trous, le second créé en 1988, conçu par M. Gayon, est le Golf école du Baganais comptant 9 trous. Le golf est une niche d’activités pour laquelle la Côte Aquitaine a beaucoup investi. Le 24 juin 1985, le conseil d’administration de la M.I.A.C.A. a approuvé le plan golf. Le 28 juillet 1986, le Conseil Régional lance le plan Golf75 pour développer cette activité annuelle intégrée à l’environnement dans le cadre du deuxième plan vert « 100 golfs pour 100 000 golfeurs »76 : en 1980, on compte 35 000 joueurs contre 80 000 en 1985 et les terrains sont saturés en juillet et août. Or le paysage de la Côte Aquitaine est favorable à la création de superbe parcours de golf. C’est également un moyen d’attirer la clientèle toute l’année. Ce plan prévoit l’extension du golf d’Arcachon de 18 à 27 trous, la création du golf 18 trous de Lège, l’extension du golf de Moliets, la création du golf de Seignosse, l’extension du golf de Lacanau de 18 à 27 trous.

120L’américanisation de la vie balnéaire se poursuit avec la création des clubs de loisirs et des parcs à thème comme Aquacity installé à Gujan Mestras en 198577.

121A Arcachon, malgré la promotion du climatisme avec la création du Lycée Grand Air en 1952, la Ville d’Hiver végète une trentaine d’années : elle est désertée par sa clientèle. De nombreuses villas sont abandonnées et faute d’entretien se dégradent. C’est dans le milieu des années Soixante-dix que la Ville d’Hiver est redécouverte : les villes dans leur écrin de verdure correspondent à nouveau à la mode et l’on prend conscience de la valeur de ce patrimoine et de sa nécessaire préservation. C’est pourquoi le conseil municipal a engagé en 1981, une étude pour protéger ce quartier aboutissant en 1985 à la création d’un site inscrit selon la loi de 1930. La plupart des demeures ont une grande valeur esthétique et culturelle, et une richesse de formes architecturales, chefs d’œuvre exotiques, orientaux, basques ou rétro... dans le plus pur style des années du Second Empire78.

122Parallèlement, la pratique du naturisme tend à se développer79, or l’interdiction pose problème, les municipalités veulent alors canaliser cette pratique. En effet, la fréquentation anarchique du littoral par les adeptes du naturisme présente un danger en raison de la baignade non surveillée et la dispersion dans la forêt accentuant les risques d’incendie. Par une lettre en date du 17 juillet 1976, la F.F.N. s’adresse aux maires du littoral pour la création d’aires naturistes sur les plages. Elle se prononce donc pour la création sur les plages dites textiles d’aires naturistes, et la création de zones naturistes avec des plages particulières mais limitées par l’application des règles du Domaine Public Maritime (D.P.M.). En fait, la première action est venue de la municipalité de Vielle Saint Girons qui, par l’arrêté municipal du 15 novembre 1975, autorise la pratique du naturisme sur une partie de la plage. La F.F.N. pose le problème du naturisme inorganisé alors que Labenne, Capbreton, Hossegor et Seignosse sont réticentes à la création d’aires naturistes. En fait, les forces de l’ordre peuvent encore intervenir considérant les naturistes comme des hors-la-loi et les municipalités ont peur que l’autorisation ne fasse appel d’air et que les naturistes envahissent la plage. En avril 1977, la F.F.N. fait un bilan de la situation sur la Côte Aquitaine : quelques plages bénéficient d’un arrêté municipal d’autorisation à Montalivet, à La Teste de Buch (plage du Trencat), Vielle, d’autres plages tolèrent ou sont en instance de recevoir une autorisation municipale comme à Grayan, Le Porge, Lège, Lit et Mixe, Saint Julien en Born, Hossegor (plage nord) et Saint Girons (Arnaoutchot), et les plages de naturisme sauvage au Pin Sec, Biscarrosse, Carcans, Soustons, Seignosse et Vieux Boucau.

123Le schéma d’aménagement prévoit la réalisation d’un village naturiste dans le S.E.N.C au Porge. Mais se pose le problème de la structure foncière et de la réticence des propriétaires car le camp est situé sur la fragile forêt de protection et éloignée du rivage ce qui pose le problème d’accès à la mer. En 1974, la commune du Porge réalise l’échange de terrains avec la société des dunes pour un camp de quarante cinq hectares. En 1980, la société Breguet propose à la commune d’aménager le village naturiste80. La société propose l’aménagement et la gestion d’un village de 1 000 emplacements pour des Habitations Légères de Loisir (H.L.L.) donc pour des naturistes à revenus moyens. Les clientèles visées sont les naturistes du bordelais et des pays nordiques. La proximité du foyer émetteur doit permettre l’allongement de la saison. Le village de La Jenny est alors ouvert le 1^er juillet 1983. La commercialisation est assurée par le village mais aussi des tour-opérateurs. Le village se transforme en centre de loisirs naturiste avec de nombreux commerces (restaurants, snack, bar, supérette, sauna), une piscine de 1 000 m² et des activités sportives (tennis, tir à l’arc, surf, équitation, aérobic, gymnastique, volley, pétanque, ping pong, water-polo).

124Le développement du tourisme sportif passe aussi par une opération originale : C.A.P. 3381, née de préoccupations convergentes de divers partenaires qui ont souhaité une action efficace car concertée. Déjà dans les années Soixante, il existe des Centres d’Activité pour Jeunes (C.A.J.) sur les plages pour occuper les jeunes par diverses animations. L’opération part d’un constat simple : les activités de loisirs sportifs ou culturels ne touchent que 20 % de la population française et surtout des jeunes entre 7 et 25 ans et la sensibilisation des non-pratiquants est difficile en raison de l’image élitiste de ces activités, de la contrainte liée au manque d’offre lisible, de la vie quotidienne et de l’adhésion quasi-obligatoire à une structure officielle. Or les stations c’est-à-dire aussi bien les municipalités que les O.T. ou les professionnels cherchent à fournir une animation permanente et enrichissante autre que des spectacles ou des visites guidées.

125A. Lavail82, inspecteur de la Jeunesse et des Sports, lance alors l’opération « Un été pas comme les autres » en 1977 qui devient Centre d’Animation Permanente Gironde ou C.A.P. 33 l’année suivante. Cette opération vise à recevoir un public familial de plus de 15 ans : il ne s’agit pas de concurrencer les centres de vacances. Dès le départ, l’opération a une philosophie qui vise à sensibiliser le plus grand nombre de jeunes, adultes et familles aux activités sportives83 et culturelles comme le montre l’affiche de promotion. Il faut noter que les enfants ne sont acceptés qu’accompagnés de leurs parents pour encourager la pratique familiale.

Illustration 32 : L’affiche promotionnelle de C.A.P. 33 en 1988

126Il s’agit aussi d’assurer pendant le temps des vacances une animation sous-tendue par une volonté d’éducation et d’enrichissement. Enfin l’opération a pour objectif de faire découvrir les richesses de la région.

127Elle se développe surtout en été car les contraintes quotidiennes moins fortes permettent une pratique librement consentie. Elle assure la promotion de sports peu connus. En 1988, douze villes participent à l’édition estivale de C.A.P. 33 dont six stations touristiques du littoral : Andernos, Arès, Gujan-Mestras, Grayan-L’Hôpital, Lacanau et Vendays-Montalivet. L’originalité de l’opération repose sur sa volonté d’agir en concertation : le Conseil Général, les Communes, la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports, les instances touristiques, les associations sportives et culturelles, et la presse mettent en commun leurs moyens en hommes, matériel, finances pour la réalisation des objectifs décidés ensemble. Il se crée alors des synergies qui appuient le dynamisme de la structure locale de C.A.P. 33. La D.D.J.S. coordonne l’opération en assurant la promotion et la publicité, en préparant le budget par l’intermédiaire de l’association gestionnaire, la C.O.D.E.P.S., en assurant le recrutement et l’indemnisation des animateurs et en subventionnant les associations participantes. Le Conseil Général met à disposition des animateurs sportifs départementaux qui coordonnent les centres implantés dans leurs secteurs et soutient financièrement l’opération. Les Communes participent financièrement, mettent à disposition leurs services techniques et administratifs, un local de permanence souvent en liaison avec l’O.T.-S.I., leurs équipements sportifs et culturels, assurent l’hébergement des animateurs et organisent la publicité. Le programme pédagogique est arrêté au cours de réunions de travail entre les forces vives de la commune et la D.D.J.S. Il doit être exécuté par une équipe d’animateurs plus ou moins importante selon l’importance de la commune et recrutés pour les mois de juillet et d’août. Le programme s’articule autour de quatre points importants :

• les portes ouvertes : découverte gratuite de disciplines variées comme la voile, le canoë, l’équitation, le tennis, la plongée, le char à voile, le tir à l’arc, la danse, la sculpture... les activités d’approfondissement : ce sont des mini-stages payants auxquels s’inscrivent les participants aux portes ouvertes qui ont aimé l’activité proposée, les tournois, qui sont des rencontres amicales payantes pour progresser encore dans la découverte d’une activité, les opérations spéciales et rencontres : manifestations organisées pour faire se rencontrer les autochtones et les touristes pour la découverte du patrimoine communal. Les centres sont assez bien fréquentés et les événements proposés trouvent souvent un large public comme le prouve les tableaux suivants. De plus, la vocation sportive du Médoc y est réaffirmée.

128L’époque du farniente total et des vacances passives est révolue : les séjours mêlent pratiques sportives, détente et plein air comme la voile, le tennis, le cyclisme et l’équitation.

129Ces nouveaux comportements nécessitent donc des infrastructures adéquates.

Le développement d’un écotourisme

130L’écotourisme ou tourisme vert s’est développé tardivement en Aquitaine par rapport à la Bretagne ou à la Vendée85. En Aquitaine, l’animation naturaliste est récente et faible. Elle est due d’abord à l’O.N.F., aux communes et aux départements à travers la T.D.E.N.S. La S. E. PA. N.S.O. qui gère les différentes réserves naturelles de la Côte Aquitaine s’y est mis tardivement.

131On compte deux types de touristes naturalistes : les « paysagistes » qui recherchent les sites naturels et les « birders » qui font preuve d’une grande mobilité, recherchent des hébergements rustiques mais aussi un fort encadrement scientifique. Cet écotourisme concerne quelques centaines à quelques milliers de personnes par an. Il faut parvenir à satisfaire cette demande par une offre adéquate et un produit touristique conséquent.

132Les différentes réserves naturelles créées dans les Landes et en Gironde dans la zone des étangs la plupart du temps constituent les bases du développement d’un écotourisme sur la Côte Aquitaine.

Tableau 62 : L’écotourisme sur la Côte Aquitaine86

133Les classes vertes ont remplacé les centres climatiques, la pédagogie écologique a remplacé la vertu médicale du séjour. Ainsi a été créé le Centre Permanent d’Initiation à l’Environnement (C.P.I.E.) du Teich en 1970 qui est le premier de France suivi par celui de Saint Eloy en Armorique.

134La Côte Aquitaine accueille aussi le premier écomusée français à Sabres, Marquèze. C’est un concept suédois importé par G.H. Rivière qui aide Ph. Saint Marc à le mettre en place en 1968-1969.

135Ainsi le tourisme balnéaire sur le littoral se double-t-il d’un tourisme de nature dans la chaîne des étangs.

L’inadaptation des stations

136Le poids de la routine est un handicap sérieux pour de nombreuses stations balnéaires qui ne se sont pas efforcées de s’adapter aux évolutions de la demande touristique au risque de se scléroser. Or la rentabilité du tourisme dans l’économie locale provient de la gestion et de l’exploitation des ressources par la valorisation des activités, des services et de l’animation. De nombreuses stations accusent des lacunes dans ce domaine et ont un fonctionnement exclusivement tourné vers la saison estivale négligeant le hors-saison. Le manque d’information et de dynamisme est souvent lié à l’absence de politique de promotion efficace alors qu’il faut une promotion active et personnalisée qui permette une hausse qualitative et quantitative de la clientèle touristique. Cette vision aboutit à la refonte des C.R.T. et à la création de l’Observatoire Régional du Tourisme91.

137Le secteur hôtelier traverse une crise à Arcachon. On constate une diminution très importante du nombre de chambres proposées dans la station et du nombre d’hôtels. Nous avons vu que ce déclin a commencé dans les années 1960 mais il s’est accéléré dans les années 1980 à cause de l’ancienneté du parc hôtelier, de la faiblesse du haut de gamme, des carences en investissement, de l’absence de tarifs concurrentiels et des changements de comportement des touristes. A cela s’ajoute l’absence d’hôtels des grandes chaînes qui handicape la station sur le marché international et dans la conception de produits nouveaux.

138Le vieillissement des équipements récréatifs est caractéristique des stations anciennes. Le casino est une figure emblématique des stations balnéaires. Il a été le point central de la vie mondaine. Arcachon, malgré la perte du casino Mauresque dans un incendie en 1977, conserve le casino de la Plage construit par A. Deganne en 1853 sur le modèle du château champenois de Boursault. A Mimizan, le casino a été fréquenté par le duc de Westminster. Le casino de Soulac a été transformé en salle de cinéma et un nouvel établissement a vu le jour en 1969 avec un palais des congrès, un musée et un centre culturel.

139La plupart des stations de la Côte Aquitaine, Arcachon, Soulac, Lacanau, Mimizan et Capbreton-Hossegor sont centenaires et leur noyau primitif est inadapté aux conditions actuelles de la circulation et de la vie balnéaire. Les routes sont étroites, les grands chalets de front de mer sont difficiles à moderniser et les îlots centraux sont vétustes avec des constructions médiocres et hétéroclites. Les différents P.O.S. ont permis la restructuration des noyaux anciens inesthétiques mais difficiles à transformer en raison des contraintes foncières. La M.I.A.C.A. préfère les opérations en terrain neuf et se soucie peu de l’adaptation de ces stations à la nouvelle donne touristique. Les municipalités font des efforts d’amélioration des équipements publics comme les casinos, les marchés couverts, la réalisation de parking et les équipements sanitaires. La régénération du tissu urbain se fait par la destruction d’immeubles vétustes et la construction de petits ensembles collectifs de petite taille mais de haut standing.

140La modernisation de l’appareil commercial contribue à l’évolution du paysage urbain. Les supérettes et les supermarchés font leur apparition à Arcachon-La Teste de Buch, Soulac et Capbreton-Hossegor. Les rues commerçantes ont affermi leur pouvoir attractif pour en faire des axes vivants, lieux de rassemblement des populations estivales mais ce sont rarement des voies piétonnières.

141C’est pourquoi pour V. Vlès « la clientèle fractionne et diversifie ses séjours. On ne parle d’ailleurs plus de LA clientèle d’une station mais DES clientèles dont les caractéristiques (âge, profession, région ou nationalité d’origine), la culture, les comportements, les demandes, les attentes se diversifient »93. En fait, le fractionnement des vacances crée une volonté de participer à des activités différentes à chaque fois en recherchant un meilleur équilibre entre détente, sport et culture. La pratique de la plage reste dominante mais elle coexiste avec des équipements sportifs et culturels. Le « bronzer idiot » est arrivé à terme. Le nouveau touriste recherche la variété dans le séjour mais aussi la qualité dans son hébergement.

La diversification des hébergements : innovation et qualité

142La Mission a la responsabilité de l’aménagement de la Côte Aquitaine mais elle n’est pas le seul intervenant. Sous la pression de la demande, l’offre s’est peu à peu transformée en réagissant ou en innovant pour tenter de limiter la baisse de fréquentation et du pouvoir d’achat des clients. L’ouverture des hébergements se fait plus souple avec la location à la semaine. L’offre tend également à cibler ses clientèles suivant si ce sont des individuels ou des collectifs, des jeunes ou des retraités, des familles ou des sportifs... Les structures d’accueil traditionnelles marquent alors un certain recul.

143Dans les Landes, le touriste peut choisir son type d’hébergement parmi les 150 000 lits touristiques offerts en 1981 : 10 000 lits en hôtel, 32 000 en meublé saisonnier, 36 000 en résidence secondaire et 55 000 en camping mais seulement 5 000 en gîte rural, camping à la ferme et aire naturelle et 17 000 en colonie de vacances, maison familiale et village de vacances94.

Les aléas de l’hôtellerie et la résistance des résidences secondaires

144L’hôtellerie traditionnelle continue de connaître les mêmes problèmes dus au manque de concentration du secteur sur la Côte Aquitaine. Les résidences secondaires prolifèrent sur toute la côte. En fait, l’action de la M.I.A.C.A. a privilégié d’autres types d’hébergement pour développer la fréquentation.

a- Les résultats globaux de la politique de la M.I.A.C.A. sur les capacités d’hébergement

145En décembre 1977, la M.I.A.C.A. déclare « de 1970 à 1977, la capacité d’hébergement touristique de la Côte Aquitaine a augmenté de 122 000 lits (+ 33 %) ». On obtient la capacité d’accueil suivante pour la Côte Aquitaine qui est donc le résultat de sa politique entre 1970 et 1987 :

146Le tourisme estival s’est donc développé très rapidement particulièrement sur le littoral et pour répondre à cette demande, la capacité d’hébergement touristique de la Côte Aquitaine a cru de 4,6 % par an entre 1970 et 1977 (comme nous l’avons vu précédemment) pour atteindre 343 000 lits touristiques en 1977 et 378 500 en 1979. Puis le rythme s’est accru surtout sur la côte landaise avec les opérations de Moliets et de Port d’Albret pour atteindre 5,7 % par an ce qui prouve la vitalité du secteur touristique malgré la crise. Cette capacité fait que la Côte Aquitaine représente 10 % de la capacité du littoral français. Il faut également reconnaître que ce sont les Landes qui sont le moteur de la croissance de la côte pour rattraper son retard sur ce plan.

147Mais les prévisions ont vu grand alors que le P.N.B. français stagne et la commercialisation de l’Aquitaine connaît des difficultés, et ont donc été repoussées à l’horizon 1982. La capacité maximum de la Côte Aquitaine selon la M.I.A.C.A. est de 575 000 lits. Mais on peut remarquer qu’avec un rythme de 4,3 % cette capacité peut être atteinte en 20 ans.

148On peut arriver à calculer la part de développement spontané et la part de la M.I.A.C.A. dans la création des 120 000 lits. Sur les 300 000 lits touristiques à créer, en 1980, E. Biasini avoue que la Mission n’en a construit que 60 000 lits soit autant que l’évolution spontanée. Le dispositif de la Mission n’est donc pas assez serré pour contrôler le marché immobilier dans les communes concernées. La construction de résidences secondaires et la création et l’extension des campings ont permis une progression des capacités d’hébergements mais l’offre reste très inférieure à la demande. On peut constater globalement l’échec de la M.I.A.C.A. sur ses projets car en 1978, les résidences secondaires représentent 49 % du total contre un objectif de 37 %, les campings 33 % contre 30 %, l’hébergement collectif soit les hôtels, les villages de vacances et les colonies 12,5 % contre 22 %.

b- Le secteur privé locatif

149En dehors des opérations programmées, une puissante vague de construction affecte l’ensemble des stations touristiques. Dans l’ensemble des constructions, le secteur dit libre avec prêts conventionnés est dominant. Sur 2 157 logements neufs commercialisés de 1977 à 1979, 57,5 % soit 1 241 logements sont de ce type, 37,4 % soit 808 habitations sont en accession à la propriété aidée et le reste soit 108 est issu d’anciens modes de financement. Le secteur libre représente 95 % des logements neufs sur la côte médocaine, 63 % sur le Bassin d’Arcachon et 45 % sur la côte landaise. Un tiers des logements de la côte médocaine sont des logements en immeubles collectifs, 81,7 % sur le Bassin d’Arcachon et 77 % sur la côte landaise.

150Le rythme de construction est varié selon les zones touristiques. Sur la côte landaise, la plus forte croissance spontanée vient de Seignosse le Penon avec l’extension du lotissement Est de la S.A.T.E.L., la réalisation de grosses opérations de 120 logements par le promoteur Merlin sur le front de mer et la réalisation de hameaux dans la forêt. Cela marque la réussite d’une jeune station qui ne manque pas d’atouts. En dehors de Capbreton et de Mimizan qui confortent leur croissance antérieure, certaines petites communes de la côte Sud, Léon, Moliets et Mâa ou Lit et Mixe connaissent un brusque essor de la construction avec des lotissements communaux ou quelques opérations immobilières comme Le village sous les pins à Léon.

151Sur le littoral médocain, le secteur de Carcans-Lacanau continue sa progression avec près de 700 permis accordés en deux ans notamment dans de grands lotissements. La croissance de Soulac, déjà forte depuis 1970, se poursuit avec l’achèvement des lotissements dans la forêt et la construction d’immeubles collectifs en front de mer. Mais c’est surtout sur le Bassin d’Arcachon, déjà très urbanisé, où les possibilités des aménageurs sont limitées, que la vague de construction est la plus forte. De 1978 à 1979, l’agglomération Arcachon-La Teste de Buch a bénéficié du quart des permis de construire accordés pour des opérations de plus de dix logements sur l’ensemble de la Côte Aquitaine. Sur la côte Noroît les derniers lotissements de La Vigne, de L’Herbe et du Boque ont conquis les dunes boisées dominant le Bassin d’Arcachon. Les terrains étant rares entre Pyla sur Mer et La Teste bourg, les immeubles collectifs se multiplient à Arcachon. Gujan Mestras, Le Teich et les autres stations du fond du Bassin d’Arcachon connaissent un développement rapide de la construction dans les espaces forestiers.

152Les résidences secondaires représentent la moitié de l’hébergement global mais ne sont jamais complètement utilisées au cours de la saison et ne permettent pas de résorber la forte pression du mois d’août. Dans les Landes, les résidences secondaires constituent la plus importante capacité d’accueil avec 36 000 lits touristiques. La durée du séjour y est longue, 24 jours, soit 2 100 000 nuitées en 198196. Les locations atteignent des prix relativement élevés, inabordables pour des catégories moyennes ou modestes : en août 1980, un studio coûte environ 5 000 francs par mois sur le port d’Arcachon et une villa 12 000 francs par mois à Pyla sur Mer ou aux Hautes Rives à Biscarrosse.

153En 1980, le logement chez l’habitant compte quelques 29 500 lits touristiques sur la côte girondine et landaise, et les résidences secondaires et locations de meublés 186 000 lits. Ce secteur se développe par les logements en accession à la propriété mais aussi la mise en location ou en vente des résidences par des filiales des groupes constructeurs. En 1980, 2 061 lits ont été réalisés et vendus et au total 5 543 lits ont été construits par le secteur privé.

c- La poursuite des difficultés de l’hôtellerie

154Le milieu hôtelier est marqué par son adaptation trop lente à la demande touristique, aux normes modernes de confort et aux techniques de gestion. La quasi-absence de l’hôtellerie de chaîne handicape les stations dans la conception de produits nouveaux.

155Pour l’hôtellerie traditionnelle, la Côte Aquitaine est au second rang des régions côtières mais joue un rôle réduit quant à la fréquentation touristique. L’hôtellerie connaît un double phénomène : une hausse du taux d’occupation en relation avec les catégories élevées et la baisse de durée du séjour hôtelier. La croissance du parc hôtelier se poursuit par la création de nouvelles chambres et la modernisation d’autres. En 1980, l’hôtellerie connaît un record de fréquentation et depuis ne cesse de chuter notamment pour les deux étoiles. On constate une baisse sur la côte au profit d’une diffusion dans l’arrière-pays.

156La capacité hôtelière a augmenté de 50 % entre 1976 et 1985 en nombre de chambres, et de 70 % pour les 3 et 4 étoiles : le mouvement est plus fort qu’en moyenne nationale ce qui montre un net rattrapage qui place la côte au cinquième rang global derrière l’Ile de France, Rhône Alpes, Provence Alpes Côte d’Azur et Midi Pyrénées. En 1980, la côte girondine compte 1 689 chambres dans 94 hôtels dont 438 chambres en 3 et 4 étoiles réparties dans 16 hôtels, et la côte landaise en possède plus avec 1 915 chambres dans 111 hôtels dont 143 en 3 étoiles réparties dans 5 hôtels puisque les 4 étoiles sont inexistants. Ainsi la Côte Aquitaine comprend 3 604 chambres dont 16 % en 3 et 4 étoiles. Cependant le séjour est souvent court (9 jours) ce qui représente pour les Landes, 1 600 000 nuitées97.

Tableau 65 : Estimation des nuitées en hôtellerie homologuée

157Cependant il faut noter qu’à travers la Caisse Centrale de Crédit Hôtelier Commercial et Industriel, les hôtels du littoral cherchent à moderniser leur parc de chambres plus qu’à créer de nouvelles chambres.

Tableau 67 : Prêts du Crédit Hôtelier Commercial et Industriel100

158Le succès du tourisme social et associatif

159La vocation de la Côte Aquitaine a permis une large prise en compte du tourisme social. Longtemps considéré comme le parent pauvre de l’aménagement, le camping est devenu une pièce maîtresse de l’équipement en matière d’hébergement. Toutes les enquêtes ont montré la préférence des vacanciers pour ce type d’hébergement proche de la nature, peu éloigné de l’océan et peu onéreux.

a- Modernisation, restructuration et élévation du confort du camping

160Au départ la Mission veut abaisser la part du camping dans la fréquentation de la côte. Mais les problèmes liés à la politique de l’hébergement en dur et les scandales révélés par la presse de la surdensité des campings ont poussé à un changement de politique en 1975. Le plan camping prévoit, lors du C.I.A.T. du 23 février 1976101, 30 000 lits nouveaux entre 1975 et 1980 soit 12 000 dans les Landes et 18 000 en Gironde. La Mission ne finance directement que les campings municipaux, une prime de 1 000 francs par emplacement est cependant attribuée aux créations initiées par le secteur privé. Ainsi entre 1975 et 1978, la Mission crée sur son budget propre 9 540 lits touristiques et, entre 1978 et 1979, dans le cadre du Plan d’Action Prioritaire 24 (P.A.P. 24), 5 360 lits de camping municipaux ont été financés. Au total on compte 14 900 lits soit la moitié de son objectif. C’est donc le secteur privé qui a assuré l’autre moitié puisque la Mission affirme que les résultats ont été atteints.

161La capacité d’accueil du camping-caravaning s’est accrue de 110 % entre 1970 et 1988 passant de 96 000 lits à 202 000 lits. Cet essor est visible par le développement quantitatif et qualitatif de l’hôtellerie de plein air dans un contexte de hausse générale de la capacité d’hébergement touristique. C’est le département des Landes qui semble bénéficier le plus de la hausse de la capacité d’accueil globale puisque le nombre de lits a presque triplé entre 1970 et 1988 avec une hausse de 170 % de façon homogène dans les trois catégories. En effet, dans les Landes, les potentialités de développement au niveau spatial et l’essor tardif du tourisme sont des facteurs de croissance. Les Landes se sont converties au tourisme de masse grâce à 37 % de lits touristiques en camping contre 31 % pour la Gironde.

162En 1980, la Côte Aquitaine se place au quatrième rang pour les campings avec 100 000 lits et deuxième pour les quatre étoiles. La progression est alors de 33,3 % en six ans. La plus forte hausse vient du Médoc avec une augmentation de 55 %, la plus faible du Bassin d’Arcachon avec une hausse de 15 % et les Landes se situent dans une position intermédiaire avec 27 %. En 1980, la côte girondine compte 84 campings soit 62 075 places dont 51 % en 3 et 4 étoiles, la côte landaise comprend 88 campings soit 63 340 places dont 48 % en 3 et 4 étoiles. Sur 130 terrains de camping, 8 comptent plus de 2 000 emplacements, 33 entre 1 000 et 2 000, 32 entre 500 et 1 000, 39 entre 200 et 500, et 18 moins de 200. L’évolution des techniques et des comportements récréatifs entraîne la diversification des installations comme le mobil-home, les bungalows, les chalets et les Habitats Légers de Loisirs (H.L.L.).

Tableau 68 : Equipement en camping sur la Côte Aquitaine (nb de campings et capacité d’accueil en personnes)102

Tableau 69 : Evolution des nuitées en camping sur la Côte Aquitaine (en milliers)103

163Le développement de l’hôtellerie de plein air est un succès avec 30 000 lits créés depuis le début de la Mission. On constate donc une hausse de la capacité d’accueil. C’est un mode de tourisme très apprécié des étrangers. Les tentatives de promotion d’un camping de qualité se poursuivent. En effet, on constate une forte croissance des offres d’emplacements en camping de plus de deux étoiles donc une élévation du niveau de confort des campings. La baisse du nombre de campings entre 1976 et 1980 sur la côte girondine mais la progression du nombre de quatre étoiles montrent l’amélioration qualitative des emplacements. On constate un doublement du nombre d’emplacements en camping quatre étoiles sur la Côte Aquitaine en sept ans. La qualité est un aspect essentiel qui se met en place : les campings peuvent recevoir l’aide d’un paysagiste pour réaliser une meilleure insertion dans le site et une amélioration du paysage végétal.

Tableau 70 : Niveau de confort des campings (places de camping)104

Tableau 71 : Equipement et confort des campings de la côte landaise en 1981105

164L’un des objectifs majeurs est d’encourager la création des équipements légers pour le camping sportif sur la côte par la réalisation de campings plus confortables et de plus forte capacité. Dans cet esprit, des communes comme Biscarrosse et Mimizan ont implanté des campings municipaux près de la plage et sur les bords des étangs. Cependant la complémentarité entre ces éléments est loin d’être acquise.

165La politique active de la Mission a permis de résorber le retard accumulé par la Côte Aquitaine, en raison du choix d’E. Biasini en matière de camping, et de créer une image de qualité pour ce type d’hébergement.

b- Le succès du tourisme associatif malgré le désengagement de l’Etat

166C’est une forme de tourisme tout aussi représentative de l’Aquitaine qui se place troisième derrière Provence Alpes Côte d’Azur et Rhône Alpes, car elle a le soutien des Conseils Généraux des Landes et de Gironde. Le C.I.A.T. du 23 février 1973, a reconnu la vocation du tourisme social aquitain en prescrivant que 30 % des hébergements créés soient réservés aux clientèles à revenu modeste à travers notamment les villages de vacances. Il confie alors à la M.I.A.C.A., un rôle pilote pour expérimenter dans ce domaine des formules nouvelles.

167La M.I.A.C.A. a consacré 22,3 % de la totalité de ses subventions pour le tourisme social soit 152 millions de francs contre 122 millions pour le plan de génie sanitaire. Ainsi de 1976 à 1980, 2 672 lits ont été construits. Fin 1984, sur 30 000 lits créés, 9 000 le sont en V.V.F. La station de Carcans-Maubuisson, exemple type de ce genre de réalisations, se distingue comme pôle principal de village de vacances en Aquitaine avec une capacité de 5 000 lits répartis dans dix centres. Hourtin se place en seconde position avec deux centres de 750 et 850 lits. Puis dans les Landes Port d’Albret comporte avec 2 315 lits soit 58 % de la capacité d’accueil du département. Lège Cap-Ferret en regroupe 750, Soulac 515, Lacanau 210. A Taussat, sur le Bassin d’Arcachon, le village de vacances de l’association Loisirs-Famille compte 125 lits. L’engagement des responsables de la M.I.A.C.A. en faveur du tourisme social s’est manifesté jusqu’en 1988 par la création ou la rénovation de près de 12 000 lits de villages de vacances dont 51,5 % situés en Gironde106.

168La gestion de ce type de structure est rendue difficile par une saison courte et par le désengagement de l’Etat. A cause du climat de la rigueur, l’Etat a réduit l’aide à la pierre, qui consiste en l’attribution de subventions au tourisme associatif, pour développer l’aide à la personne, qui consiste à subventionner les ménages modestes. Il est donc difficile pour les associations de maintenir des prix abordables et il leur faut donc rentabiliser autrement les équipements en innovant et en introduisant des méthodes du secteur commercial : organisation de séminaires, de congrès ou de stages sportifs. Cependant les résultats financiers de la première génération de villages de vacances en pension complète comme à Bombannes sont bons car il n’existe pas de véritable concurrence dans ce secteur. Les villages de gîte de V.V.F. comme à Claouey ou Soulac ne courent aucun risque puisque l’équilibre financier est calculé sur douze semaines. Au contraire, les villages de vacances de seconde génération en pension complète comme à Maubuisson et Port d’Albret ont pris des risques de gestion plus sévères.

169La Mission a donc créé 21 268 lits touristiques par le plan camping, les opérations de tourisme social et les créations privées. Sur le total de création d’hébergements, seule la moitié a été réalisée avec l’appui de la Mission, l’autre moitié est due à l’évolution spontanée. Alors qu’on constate une évolution nette des comportements, les possibilités d’hébergements offertes par la Côte Aquitaine paraissent insuffisantes et inadaptées aux migrations de masse. En fait, la Côte Aquitaine a évolué dans un sens très différent de ce qui a été prévu et les réalisations sont en retrait par rapport au programme très ambitieux. L’offre touristique aquitaine en hébergement est donc très diversifiée et progresse sur le plan qualitatif ce qui contribue à attirer une clientèle variée et nombreuse plaçant la région parmi les plus visitées de France.

Le tourisme : une approche active et managériale

170Il ne suffit plus de penser la station touristique comme un lieu du tourisme où l’offre est confrontée à la demande. C’est aussi une entreprise dans laquelle l’aménageur-entrepreneur a une grande place, la collectivité doit avoir des objectifs d’entreprise et développer un management dans un secteur de plus en plus concurrentiel.

Un secteur de plus en plus concurrentiel

171La crise et la récession des années Soixante-dix et Quatre-vingts ont fait du touriste consommateur quelqu’un de vigilant sur la qualité des services. Pour minimiser ses coûts, il cherche l’information à la source devenant acteur de la construction de son produit touristique.

a- Le touriste usager de ses vacances : la recherche de l’information

172Les Français ont bouleversé leur comportement et se sont informés. Jusqu’aux années Quatre-vingts, c’est la famille ou les proches qui conseillent dans les choix et pour beaucoup les habitudes prises dans l’enfance ou après l’ont emporté sur le désir de changement.

173Désormais c’est le client qui va vers le produit touristique. L’accessibilité d’une station est donc primordiale. Les consommateurs ont de plus en plus un comportement d’achat raisonné, fondé sur une prise d’information à plusieurs sources, sur la comparaison des offres et le croisement des informations pour réduire au maximum leurs coûts. Les offices de renseignement sont devenus les cellules vitales des stations. Mais le rôle du bouche à oreille est encore considérable puisqu’il intervient pour environ 50 % des cas. De plus selon l’adage marketing « un client satisfait en amène quatre, un client mécontent en fait perdre dix »107. Jusque récemment, le touriste cherche à occuper ses vacances, maintenant il en devient l’usager.

174L’analyse du comportement du consommateur selon Chetochine108, nous permet d’éclairer la notion de clientèles touristiques. On peut distinguer trois niveaux correspondant à trois traits de comportement :

• le consommateur qui réagit aux produits sur la base de ses attentes et de ses motivations. C’est la partie de la clientèle qui intéresse directement les prestataires mais aussi la station, le visiteur qui est une composante du client, s’intéresse à la question « où aller ? » plutôt qu’à la question « quoi acheter ? ». C’est la logique de destination qui prime c’est-à-dire « comment faut-il faire venir les clients ? »,

• l’acheteur qui cherche à choisir des produits. La station doit s’y intéresser avant son arrivée. C’est cette partie de la clientèle qui réagit à l’accueil, à l’ambiance et plus généralement porteuse de la satisfaction et de son corollaire, la fidélisation.

175On peut résumer cette classification par un schéma assez simple :

Illustration 33 : Analyse du comportement des clientèles touristiques109

176Pour faire venir ou faire rester, tous les éléments de l’offre sont importants : la ressource globale est un facteur attractif qu’il faut renouveler par l’innovation permanente, la marque et la labélisation sont des éléments attractifs, la qualité et le prix sont des facteurs attractifs mais aussi des critères de choix et leur rapport est un élément de rétention.

b- L’impérialisme de la publicité et des tarifs

177En 1975 alors que la crise économique s’installe durablement et que les revenus sont menacés, le nombre de touristes explose. En pleine crise pétrolière alors que les médias annoncent l’épuisement des réserves, tout le monde continue d’aller à la mer en voiture. Pour la première fois depuis la guerre, les dépenses d’habillement, d’équipement de la maison, d’alimentation sont réduites mais pas le budget loisirs. La courbe des départs s’amplifie passant de 50 % en 1975 à 60 % en 1988. Les touristes partent toujours mais avec un budget réduit. Les inégalités sociales perdurent : les catégories sociales les plus favorisées partent toujours plus que les autres, les Parisiens plus que les habitants des communes rurales, et les jeunes plus que les personnes âgées. Pourtant de nouvelles couches de la population accèdent aux vacances, c’est notamment le cas des exploitants et salariés agricoles, les retraités qui constituent des réserves pour les mois creux où ils partent. L’apparition de la cinquième semaine de congés payés consécutive de l’ordonnance du 16 janvier 1982 symbolise l’avènement d’une nouvelle coupure dans l’année.

178La publicité a inscrit le concept du produit dans la rhétorique des catalogues et des brochures. En donnant forme aux goûts et aux envies de la clientèle qu’elle cherche à séduire, la publicité a standardisé des styles comme la détente, la nostalgie... Les hôtels ont normalisé leurs prestations.

179Le marché touristique est donc sensible aux prix et à leur variation mais il peut connaître une inélasticité liée à l’inertie due aux habitudes, aux effets d’imitation et aux sacrifices financiers créant ainsi des dépenses ostentatoires comme l’a montré Th. Veblen.

La nécessité d’améliorer la gestion des stations

180Face à ce changement de comportement des clientèles touristiques, la station doit faire évoluer ses priorités. Le maire doit se faire entrepreneur et améliorer la gestion de la station en introduisant les formules les plus adaptées.

a- Gérer la station comme une entreprise

181Les communes littorales sont mal informées de leurs droits et devoirs en matière de gestion touristique et continuent à la concevoir comme une simple politique d’accueil et d’organisation de festivités.

182La gestion d’une station touristique porte principalement sur la mise en valeur et la commercialisation d’un patrimoine naturel. Le rôle des responsables municipaux est de gérer la station comme une entreprise et de définir, en liaison avec le département, la région et l’Etat, une politique de financement, d’aménagement, de commercialisation et d’animation.

183Mais les investisseurs, les prestataires de service et les touristes ne viennent que si les collectivités locales ont constitué un cadre favorable. Il faut donc assurer la cohérence de l’offre qui passe par l’association des différents partenaires et la mise en relation de la clientèle avec les prestataires de service. Si elle est gérée selon une logique de « mono-industrie » touristique au nom d’une rentabilité à court terme, la station se détache de son environnement et détruit la matière première qui est la condition de son existence. Les objectifs de gestion doivent aussi viser le maintien d’une population permanente et la consolidation d’un secteur non touristique. Attendre le touriste ne suffit plus, il faut sortir de la routine et s’adapter à l’évolution de la demande touristique.

184Les actions promotionnelles sont le plus souvent menées au niveau supra-communal par les C.D.T. et le C.R.T. Les stations ressentent le besoin d’une promotion locale active et personnalisée. La promotion consiste alors à sortir de l’ombre en menant des campagnes publicitaires, en créant une animation événementielle à audience régionale voire nationale. Le rôle des responsables locaux du tourisme est de considérer la station comme une véritable entreprise. Pour cela, les municipalités doivent se doter de nouveaux outils.

b- Les outils de gestion du tourisme

185Le service public touristique local est lié à la carence de l’initiative privée d’accueil et de promotion de la commune. La collectivité locale est donc amenée à gérer pour le bien commun des services touristiques. La gamme des statuts de gestion est large110.

186Les O.T.-S.I. constituent un ensemble très hétérogène à la fois dans les formes juridiques, dans la taille, les moyens et les attributions de compétences. Le droit français distingue quatre appellations pour un seul outil : le S.I., l’O.T., l’Office Municipal du Tourisme avec statut d’Etablissement Public à vocation Industrielle et Commerciale (E.P.I.C.) et les nouveaux instruments.

187Historiquement animées par les S.I., associations régies par la loi 1901, les stations sont confrontées à l’inadaptation de leurs statuts juridiques aux pratiques touristiques modernes et au professionnalisme qu’elles exigent : moyens financiers insuffisants et champ de compétence limité. L’Office de Tourisme est un S.I. qui a obtenu une homologation par les pouvoirs publics depuis 1970 : leur classement se fait en quatre catégories. La gestion déléguée des missions de service public au secteur privé intervient dans 88 % des cas car elle offre une grande souplesse aux sociétés locales. Elle permet à la municipalité de s’engager indirectement dans l’exercice des fonctions touristiques non marchandes (accueil, information, animation...) et la gestion des activités marchandes (exploitation d’équipements). L’O.T. associatif est jugé adapté aux communes ne bénéficiant que d’une attractivité moyenne. Son mode de gestion le rapproche plus d’un comité des fêtes que d’un outil de stratégie de développement du territoire par le tourisme.

188L’Office du Tourisme à statut d’Etablissement Public Industriel et Commercial (E.P.I.C.) est une structure mise en place en 1964 dans les stations classées et les communes littorales pour permettre le contrôle total de leur développement touristique municipal. D’ailleurs le processus de classement des stations se poursuit avec le classement de Soustons en 1978 en station touristique, Lanton en 1983 balnéaire et touristique, Arès touristique en 1985, Lège Cap Ferret touristique en 1985 et Biscarrosse Plage balnéaire en 1985. C’est une forme de régie communale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Mais il reste un outil rare qui ne concerne que 7 % des services publics touristiques locaux en France. Il permet d’administrer de façon coordonnée le développement touristique municipal. Son champ de compétence est large notamment par la consultation sur les projets d’équipements collectifs d’intérêt touristique, l’exploitation d’installations touristiques et sportives, l’organisation de fêtes et de manifestations, la délégation de l’accueil et de l’information. Le produit de la taxe de séjour lui est obligatoirement affecté. Mais la lourdeur de sa mise en œuvre, les risques de divergence entre les élus municipaux et les personnels qualifiés, la comptabilité publique et le code des marchés publics, font qu’ils sont moins prisés que les associations para-municipales comme l’O.T. ou la S.E.M.

189La S.E.M. est l’outil privilégié pour le partenariat économique en assurant le lien entre le secteur public et les entreprises privées. Elle relève de la gestion privée mais son capital appartient à la collectivité. La loi du 7 juillet 1983, en fait un outil économique polyvalent pouvant réaliser des aménagements fonciers, exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial, exercer tout type d’activité d’intérêt général. Dans les stations balnéaires, la S.E.M. de gestion qui intervient sur le littoral exploite principalement des ports de plaisance qui sont un investissement lourd et dont l’amortissement se fait à long terme.

190Les O.T., très proches du terrain, sont capables de suivre l’évolution du parc d’hébergement et des différents produits proposés dans la station. Quelques stations ont cherché à se doter d’outils d’observation dépassant les indications comme celles des O.T. pour mieux connaître la clientèle. Quelques stations assistées par le C.R.T. d’Aquitaine qui a mis au point une méthodologie et un logiciel visant à faciliter le travail en station et à permettre des comparaisons sur des indicateurs communs, ont mis en place des observatoires locaux du tourisme111. Mais peu les utilisent régulièrement sauf à Arcachon qui en a fait un véritable outil.

191La façon dont la collectivité locale exerce son autorité sur l’O.T. est un aspect important pour le fonctionnement de la station. A. Escadafal112 établit la typologie suivante :

• les stations où un véritable binôme a pris en charge le développement touristique avec un maire ayant une stratégie claire et volontariste, et un directeur d’O.T. compétent comme à Arcachon,

• les stations où l’O.T. est cantonné aux tâches classiques de l’accueil et de l’information. Il n’apparaît pas de stratégie de développement touristique partagée. C’est une logique de cueillette,

• les stations où l’O.T. est plus ou moins considéré comme une pièce rapportée. La méfiance qui règne ne permet pas d’instaurer un management commun du développement touristique.

192La station apparaît comme une entreprise qui répond aux fonctions fondamentales de l’entrepreneur : une fonction d’innovation et de création, une fonction d’exploitation de l’information et une fonction d’organisation et de coordination de la production.

Les retombées économiques et humaines du tourisme et de l’aménagement

193En 1975, le tourisme est en France la deuxième ressource à l’exportation, après l’automobile. Le bénéfice qu’il apporte à une région est donc important : ses retombées directes et indirectes font partie des revenus sur lesquels l’économie régionale peut compter. Mais le problème essentiel reste le caractère saisonnier de cette activité. Les ressources touristiques apparaissent comme un supplément d’économie, et souffrent d’une inorganisation et d’un opportunisme : la vie touristique est brève et prend des formes superficielles qui apparentent l’économie touristique à une économie de cueillette. Mais une organisation plus spécialisée ou plus professionnelle risque d’échapper à ceux qui assurent son exploitation traditionnelle.

194La question de l’emploi touristique sous-tend la volonté de développer le tourisme. Il sert alors à relayer les activités décadentes ou menacées. La saisonnalité se traduit par un taux de chômage important et une pluriactivité. Le tourisme a souvent aussi enrayé une phase de déclin ou de vieillissement démographique. Mais une monoculture se substitue à une autre. Le tourisme est source de conflits d’intérêt : le bruit, la pollution, les encombrements, la tension entre les permanents et les estivants. Pour certains, le tourisme apparaît comme un moyen d’obtenir un travail, une occasion d’introduire la modernité alors que pour d’autres, c’est une source de déstructuration et de déstabilisation.

195C’est pourquoi dès le départ la Mission cherche à permettre aux Aquitains de devenir les responsables et les bénéficiaires de l’aménagement touristique. Si la Mission a été innovante au niveau environnemental, son action a été aussi déterminante dans la prise de conscience régionale pour faire de cet aménagement un processus régional et local.

Le tourisme, facteur de modernité

196Le tourisme apparaît comme un facteur d’intégration des ruraux dans la société et l’économie globale. Il transforme les structures socio-économiques et engage la région dans la tertiarisation de l’économie après la crise agricole et industrielle.

197L’accélération des mutations : effets d’entraînement sur l’artisanat et l’agriculture

198Avec l’expansion des résidences secondaires, l’industrie du bâtiment et l’artisanat trouvent un marché important. L’entretien et la réparation sont aussi des débouchés significatifs pour les entreprises locales. Le rythme d’urbanisation important comme le montre le tableau suivant permet le travail très important de ces catégories de personnes.

199Les grands secteurs de construction sont donc le Sud des Landes et le Bassin d’Arcachon à cause de l’ancienneté du phénomène touristique qui leur fournit une certaine notoriété mais aussi de la croissance démographique de ces villes et de leur attraction sur l’arrière-pays. Ces deux secteurs concentrent à eux seuls 45,85 % des résidences secondaires.

200L’agriculture se trouve repoussée dans l’arrière-pays car les agriculteurs préfèrent utiliser les terrains qu’ils possèdent pour aménager un terrain de camping. Cependant les maraîchers sud-landais restent assez nombreux car ils trouvent des débouchés dans les stations océanes. Les ostréiculteurs profitent de la présence des touristes pour trouver de nouveaux clients en dégustation à la cabane ou en louant des pinasses113.

Les rapports entre les touristes et les autochtones

201Le niveau d’intégration des nouveaux arrivants à la population autochtone est très variable. On assiste à une séparation nette entre le « nous » et le « ils », les étrangers au pays114. L’opposition entre les autochtones et les intrus est manifeste. Le touriste est celui qui est venu coloniser le territoire des autres, perturber leur tranquillité comme le montre J.-D. Urbain, on est toujours le touriste d’un autre et c’est toujours l’autre qui est l’intrus, c’est toujours l’autre qui dégrade, c’est toujours l’autre qui ne comprend rien au pays.

202Après la cohabitation sociale amenée par la démocratisation du tourisme, est apparue une cohabitation culturelle qui soulève le problème des rapports des vacanciers avec la société locale. Les estivants se plaignent de la médiocrité de la réception, voire de l’agressivité des natifs. Quant aux autochtones, ils se plaignent du peu de respect que leur témoignent les visiteurs. Si les premières réactions des gens du pays sont bonnes au départ, en raison d’une curiosité mêlée d’intérêt, le contact se dégrade rapidement face à l’attitude de certains étrangers. Très vite arrive le mépris et l’ironie. Le monde balnéaire apparaît comme un modèle influent, source d’acculturation et de perte d’identité locale. Ainsi pour J.-D. Urbain, « ici est le débat, dans le fait que ce monde de loisir séduit l’autochtone et l’avale dans l’universel abstrait d’une utopie détruisant les caractéristiques humaines régionales »115.

203Du côté des habitants on trouve une variété de comportement entre les profiteurs, les méprisants, les compréhensifs et les indifférents. Les profiteurs sont ceux qui exploitent la venue des touristes comme les commerçants, les marchands ambulants, ceux pour qui le tourisme est une source de revenus. Les compréhensifs sont ceux qui partent également en vacances et qui veulent être bien accueilli et donc agissent de même pour les autres. Les indifférents sont peu sensibles au phénomène et ne font rien pour en profiter ni pour le critiquer : c’est une activité normale qui ne change pas trop leurs habitudes. Les méprisants sont ceux qui considèrent l’arrivée des touristes comme une invasion de barbares et de gens modestes : c’est le choc des cultures. Ce sont ceux qui la plupart du temps fuient l’agitation estivale, se plaignent de la hausse des prix... : les permanents travaillant pendant l’été restent coincés des heures dans les embouteillages, font la queue dans leurs magasins habituels.

Touristification et économie locale

204Le développement touristique qui s’est manifesté depuis les années Cinquante a modifié l’économie locale jusque là profondément rurale. Il faut alors prendre en considération la manne financière apportée par les vacanciers.

L’adaptation saisonnière de l’emploi et des services

205Une station touristique connaît, pendant la saison estivale, un accroissement rapide et important en volume de la demande à laquelle elle doit faire face. Cette demande est diversifiée suivant les besoins des touristes, alimentaires, récréatifs et autres services et biens. L’expansion de la fréquentation a pour conséquence un renforcement de la concentration dans les mois d’été et une adaptation des établissements commerciaux et de service.

a- Les vacanciers, les commerces, l’animation et les services publics

206Le secteur tertiaire a enregistré une progression spectaculaire depuis les années Cinquante. La vocation touristique a induit le développement d’activités connexes importantes. Les commerces saisonniers ne sont le plus souvent que des antennes délocalisées du bourg à la plage ou dépendent de maisons mères plus éloignées établies à Bordeaux, Dax, Mont de Marsan ou Bayonne. Mais certains commerces très modestes tiennent du bricolage et de l’économie de cueillette comme la vente de fruits et légumes par des agriculteurs au bord de la route. Le commerce saisonnier peut être une activité d’appoint pour un grand nombre de gens comme les artisans, les agriculteurs, les retraités ou les étudiants qui y trouvent un complément de revenus.

207Mais si l’appareil commercial des stations sait s’adapter, les structures demeurent artisanales et faute d’un volume suffisant de population permanente, aucune implantation de magasins à grande surface de vente n’est possible.

208On pourrait penser qu’il y a une diminution de la part moyenne des dépenses touristiques, étant donné la venue de population aux revenus plus modestes, mais les recettes du tourisme augmentent régulièrement sous l’influence du facteur quantitatif. L’appareil commercial et de services doit s’adapter par la diversification des tâches et l’appel à la main d’œuvre familiale.

b- L’adaptation par la diversification des tâches et le rôle des aides familiales

209Les établissements de commerces et de services doivent s’adapter dans le temps en ouvrant plus longtemps leur établissement, mais aussi dans l’espace en ouvrant un établissement secondaire, voire dans le champ économique en diversifiant leurs activités.

210Les deux besoins primordiaux en matière de demande touristique sont les besoins alimentaires et ceux d’accueil et de loisirs. Les besoins alimentaires sont satisfaits soit par l’achat direct auprès des commerces alimentaires soit de façon indirecte par les services d’accueil comme les restaurants, les bars... Selon J. Mesplier116, la moitié des établissements d’une station répondent à une demande des touristes en matière alimentaire. Ce sont le plus souvent des établissements familiaux ce qui leur donne une certaine adaptabilité au rythme estival. Mais en terme d’emplois, il est plus courant de faire appel à du personnel supplémentaire par le biais des aides familiales. En effet, la notion d’emploi touristique fait supposer le recours à un emploi salarié mais il ne faut pas négliger l’apport des aides familiales dans l’organisation des activités économiques littorales. La main d’œuvre familiale entre dans 50 % des cas. Les aides familiales fournissent un travail équivalent à un emploi à temps complet mais ne donnant pas lieu à une rémunération directe. C’est notamment le cas dans les commerces et la restauration.

211Une étude de l’I.E.R.S.O. pour la M.l. A.C.A.117, montre que dans quatre stations littorales, Lacanau, le Cap Ferret, Hossegor, Capbreton et Hendaye, 96 % des établissements assurent plus de huit heures par jour d’ouverture au public et 83 % des établissements sont ouverts sans interruption quotidienne pendant la semaine. Pendant la saison estivale, sont soumis à ces contraintes aussi bien les établissements permanents, c’est-à-dire ceux ouverts au moins dix mois, que les établissements saisonniers, c’est-à-dire ceux ouverts quatre mois au maximum. Les établissements permanents jouent de leur plasticité pour accroître la durée de travail en fermant plus tard le soir, en supprimant les jours de repos hebdomadaires sans avoir recours à la main d’œuvre supplémentaire. Les établissements saisonniers participent de l’appel à la main d’œuvre saisonnière pour accroître le nombre de points de vente sur la station. Ce sont des établissements de petite taille mais très performants grâce à leur adaptation.

212Plus du quart des établissements permanents exercent une activité secondaire en plus de leur activité principale pendant la saison. La forme la plus courante est celle d’un dépôt-vente de pain, confiserie, journaux, articles de pêche... ou celle d’un service supplémentaire comme la location de cycles, les promenades en mer... Les implications sociales sont importantes pendant la saison mais aussi hors saison puisque les stations sont équipées pour répondre à la demande maximale en été mais cela provoque une période d’inactivité forcée, la sous-utilisation des installations et le sous-emploi de la population. C’est pourquoi le recours à la main d’œuvre saisonnière est aussi important.

c- L’appel à la main d’œuvre saisonnière

213Le recours à la main d’œuvre saisonnière est encore une nécessité dans de nombreux cas. Dans l’ensemble du littoral on peut estimer à 70 % les établissements commerciaux ou de services qui font appel à l’emploi saisonnier. Les recrutements ne sont pas toujours importants en volume : en fait, le plus grand nombre d’établissements a peu d’employés, un petit nombre d’établissements a beaucoup d’employés.

214L’appel à la main d’œuvre saisonnière est indispensable dans les hôtels et les restaurants. A Arcachon et sur les plages du Bassin ainsi qu’à Lacanau ou Biscarrosse, ce sont des étudiants bordelais qui participent à ces tâches. A Mimizan et Capbreton-Hossegor, ce sont des jeunes des bourgs avoisinants ou de Mont de Marsan, Dax et Agen118. Le renouvellement de la main d’œuvre saisonnière est très rapide, très peu sont embauchés dans la station plusieurs années de suite. Cette non-spécialisation de la main d’œuvre pose un problème pour les commerces et les services d’accueil.

215Le saisonnier est principalement une femme ce qui est une caractéristique du secteur tertiaire en général et des activités touristiques en particulier. C’est en fait la faible qualification des emplois qui explique cette situation. La jeunesse des employés saisonniers est le second caractère dominant puisque 80 % ont moins de trente ans. Etant donné que c’est souvent une main d’œuvre célibataire, elle accepte plus facilement les cadences de travail élastique et l’adaptation des établissements face à la demande. Le mode de recrutement est assez traditionnel : la plupart des employeurs recrutent par relations personnelles ou dans l’entourage familial. D’importants réservoirs de main d’œuvre existent à courte distance ce qui facilite le recrutement. Le problème est plus complexe pour l’hôtellerie et la restauration qui ont besoin d’emplois très qualifiés.

216Le mode de vie des saisonniers n’est guère différent des employeurs puisque près de la moitié sont nourris et logés par leur employeur et assurent en moyenne soixante heures de présence. Ce régime est plus avantageux pour l’employeur avec notamment la rémunération en nature qui permet de verser un salaire moindre et des charges sociales moins élevées. Le revenu tiré de ce travail apparaît médiocre au regard de la durée horaire hebdomadaire et du rythme de travail en raison de l’âge, du sexe, de la faible qualification et du peu d’expérience...

Les spécificités du paysage économique littoral

217Le littoral de la Côte Aquitaine comme tous les littoraux français est marqué par le tourisme qui crée un paysage économique spécifique entre chômage, saisonnalité et effet de sun belt.

a- La surreprésentation du secteur tertiaire

218Les stations s’adaptent à la demande croissante, innovent, créent de nouveaux loisirs. Les commerces répondant aux besoins courants comme l’alimentation et aux loisirs comme la location de vélo se sont multipliés. La caractéristique essentielle est le glissement en été de la plupart des activités vers le commerce : non seulement les services prennent un caractère commercial très accentué comme la vente de souvenirs dans des agences de location ou d’articles de plage dans un pressing mais les artisans eux aussi tentent de tirer le maximum de profit de la venue des touristes en devenant prestataires de services ou même commerçants119. L’évolution des comportements d’achat des citadins en vacances est l’un des facteurs explicatifs de cette transformation des commerces. Le marché effectué en famille, à pied, le plus près possible de l’hébergement ou sur le chemin du retour de la plage tend à céder du terrain face aux supérettes et supermarchés où les touristes peuvent retrouver leurs marques et n’hésitent pas à faire plusieurs kilomètres pour cela. Ce phénomène est aussi dû à la mobilité croissante permise par la voiture personnelle. L’élévation du niveau de vie élargit la gamme des achats : livres, photographies, pêche, sports... L’intérêt croissant pour le corps et le bien être, la forme physique et l’esthétique corporelle, entraîne la multiplication des saunas, instituts de beauté, salles de sport même dans les stations les plus élémentaires.

219Les lieux de rencontre, de flânerie et de distraction restent quand même le marché et les rues commerçantes qui sont des espaces de loisirs les plus fréquentés en été et des recours en cas de mauvais temps.

b- Saisonnalité et rentabilité, mobilité géographique et professionnelle

220Il apparaît que le tourisme est déterminant pour les stations touristiques car beaucoup de commerces traditionnels et familiaux ne subsistent que grâce à l’afflux estival leur assurant leur rentabilité : ils vivent la plus grande partie de l’année grâce aux bénéfices de la saison estivale.

221Le problème principal posé par la saisonnalité reste la rentabilité difficile des établissements commerciaux et de services. L’offre s’est adaptée aux pics estivaux de fréquentation touristique créant une surcapacité le reste de l’année et de réels problèmes de rentabilité des équipements. La commune et les investisseurs privés c’est-à-dire les gens vivant du tourisme, ont investi pour pouvoir accueillir cette population estivale et répondre à ses attentes. Or ces équipements ne sont rentabilisés que par une saison qui ne dure que deux mois par an. De plus, la hausse de fréquentation amplifie la notoriété des stations et donc le prix de la location des fonds de commerce. Ainsi le plus souvent, les commerces et les services qui arrivent à gagner leur vie en deux à trois mois sont propriétaires de leurs établissements. Les autres ne rentrent pas dans leurs frais et doivent fermer : c’est pourquoi un roulement important des commerces et des services des stations se produit.

222La contrainte la plus importante reste la courte saison qui se pose avec plus d’acuité pour les activités temporaires que sont les activités purement touristiques comme les services de loisirs (cinémas, excursions...), les commerces alimentaires, les commerces divers et surtout des services d’hôtellerie. En fait, un tiers des établissements exerce la même activité mais ailleurs le reste de l’année. Mais hors saison, les responsables peuvent aussi exercer une tout autre activité comme par exemple un artisan dans le vêtement qui ouvre un stand de photographe...

223L’emploi sur la Côte Aquitaine, comme sur la plupart des littoraux français, connaît un déficit de main d’œuvre en haute saison et un excédent en hors saison. En été, les stations sont de puissants foyers d’appel pour la main d’œuvre peu qualifiée. Mais en hiver, il n’y quasiment pas de travail. Ce phénomène est accentué par le transfert de population extérieure venue travailler pendant la saison et qui reste après sur la commune mais sans emploi. De plus, la tendance est à une augmentation de la population résidente et à un fort taux de chômage. L’accoutumance au travail saisonnier n’encourage pas la professionnalisation.

c- La vertu peuplante du tourisme : attraction et fixation

224La population croît mais ce n’est pas dû au solde naturel mais au solde migratoire. L’attrait exercé par les stations auprès des retraités permet le maintien d’activités économiques tout au long de l’année. Le tourisme est un facteur d’attraction très puissant. Il est nécessaire pour assurer la décentralisation industrielle et commerciale. En effet, les cadres sont attirés par une région accueillante ensoleillée et où le tourisme apparaît comme une réponse à la demande de loisirs de ces personnes et une garantie sur la qualité de vie locale.

225Le tourisme retient les populations locales en fournissant du travail et des revenus supplémentaires. Il est donc un facteur de fixation et d’attraction de la population. A partir de 1954, et surtout des années Soixante, l’attrait exercé par la région, se traduit par un accroissement considérable de la population permanente et de l’espace urbanisé. Cette poussée d’urbanisation répond à l’essor des résidences de vacances : résidences secondaires, locations estivales, résidences principales pour retraités ou personnes âgées. Ainsi de 1946 à 1962, on constate une forte expansion de la population permanente d’Andernos, de la Teste de Buch, de Lège, de Mimizan et d’Hossegor-Capbreton. Entre 1954 et 1962, la progression de la population de Labenne, Capbreton, Hossegor et Seignosse est relativement élevée : elle est supérieure à 2 % par an à Capbreton et Seignosse, à 3 % à Hossegor et 4 % à Labenne. C’est le résultat de l’arrivée de populations venues de l’extérieur. Le pouvoir d’attraction se confirme dans la période 1962-1968 où la totalité de l’accroissement est due à un solde migratoire positif : Capbreton progresse de 6,2 %, Labenne de 14,6 %, Hossegor de 18 % et Seignosse de 20 %. Ainsi entre 1968 et 1975, la hausse de population permanente sur le littoral est de 1,1 % par an contre 0,5 % dans les autres régions françaises. On constate à nouveau la forte attractivité du département des Landes qui comble son retard par rapport à la Gironde qui reste en deçà de la moyenne nationale.

L’impact sur les budgets municipaux

226La population résidente n’entend pas toujours prendre en charge fiscalement des investissements trop élevés malgré les aides mises en place. De plus, la fiscalité des communes touristiques est élevée et augmente proportionnellement plus rapidement que celle des autres communes pour combler leurs difficultés financières.

a- Les difficultés financières des communes touristiques

227Le tourisme a une place importante dans le budget des communes littorales. Ainsi le développement touristique s’accompagne d’un déséquilibre budgétaire. Chaque municipalité concourt financièrement au fonctionnement des services en charge du tourisme121. Les charges de surveillance assurées par les Maîtres Nageurs Sauveteurs (M.N.S.) de la Compagnie Républicaine de Sécurité (C.R.S.) sont à la charge de la municipalité : un M.N.S.-C.R.S., en 1975, coûte 76 francs par jour. Les maires landais ont donc fait entendre leur voix pour demander en vain la gratuité de ce service. La municipalité peut même engager des opérations de promotion ou des investissements au risque d’un lourd endettement. L’activité touristique assure aussi une part de recettes même si elle ne parvient pas à compenser le montant des dépenses. Pour équilibrer le budget, les communes exploitent leur patrimoine forestier.

228Les travaux d’assainissement entrepris par certaines communes en ont endetté plusieurs alors qu’ils ne servent pas pour toute l’année et que leur coût est supporté par tous. Les communes payent le surdimensionnement des infrastructures d’eau. L’assainissement collectif coûte cher à la collectivité mais elle reçoit l’aide de la M.I.A.C.A., du Conseil Général et de l’Agence de l’Eau pour la mise en place d’un système d’assainissement et de production d’eau. Les frais de fonctionnement sont assurés par la société responsable du traitement de l’eau et le département. Dans la plupart des stations, le prix de l’eau augmente en période de forte fréquentation à cause de la répercussion des surcoûts du traitement des eaux par le tourisme.

229Les politiques d’aménagement touristique sont donc financées par les collectivités territoriales mais les contribuables locaux n’en bénéficient que par les retombées économiques indirectes et non en tant qu’usagers.

b- Les aides de l’Etat

230Les revenus des communes ne permettent pas toujours de financer la préservation de l’environnement et de compenser les problèmes liés au tourisme. La rentabilisation des coûts peut passer par une hausse des prix mais c’est contraire au tourisme de masse et peut entraîner une chute de fréquentation. La taxe de séjour est un exemple de politique mise en place pour les stations classées.

231La perception de la taxe de séjour dans les conditions prévues par la loi du 24 septembre 1919 est, en principe, obligatoire dans toutes les stations classées. Jusqu’en mai 1955, les taux de perception, fixés dans les limites définies par l’Ordonnance du 2 novembre 1945, sont établis sur proposition du conseil municipal. Le décret du 20 mai 1955 a établi que le tarif de la taxe de séjour est fixé pour l’ensemble des stations par décret du Conseil d’Etat et supprime la taxe additionnelle de 15-20 % sur le produit de la taxe, perçue au profit de la Direction Générale du Tourisme. La perception de la taxe de séjour comporte de nombreuses exceptions : elle ne concerne que les personnes qui séjournent temporairement dans la station. Les enfants de moins de sept ans jusque là exonérés payent demi-tarif. Les médecins et leur famille proche, les représentants de commerce, les agents de l’Etat, du département, et des services publics dans l’exercice de leur profession, les mutilés, les blessés et les malades de guerre ainsi que les invalides à plus de 75 % sont exonérés. La perception est laissée aux soins des hôteliers, des propriétaires, des logeurs... Le décret du 27 mai 1959 fixe le tarif suivant : 50 centimes par personne et par jour dans les hôtels 4 étoiles et les villas hors classe, 40 pour les 3 étoiles et les villas de première catégorie, 30 dans les 2 étoiles et les villas de seconde catégorie, 20 pour les une étoile, et 8 pour les non classés et les campings.

232Puis la taxe de séjour subit une nouvelle évolution. Régie par l’article L 233.29 et suivants du Code des Communes, elle a pour objet de permettre aux stations classées, aux communes percevant la dotation supplémentaire, aux communes qui réalisent des actions de promotion en faveur du tourisme, de disposer des moyens nécessaires à leur développement par le prélèvement d’une taxe sur les nuitées facturées aux touristes. Elle est affectée aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique. Elle est fixée pour chaque nature et type d’hébergement par personne et par nuitée de séjour. Le tarif est arrêté par délibération du conseil municipal conformément à un barème établi par un décret du Conseil d’Etat : il ne doit pas être inférieur à un franc ni supérieur à sept francs. Mais la taxe ne peut être perçue pour plus de 28 jours par personnes et par an.

233L’Etat accorde une autre forme d’aide plus générale mais basée indirectement sur le revenu du tourisme. Au début de la taxe locale est l’octroi, cette recette de fiscalité indirecte perçue sur les entrées de marchandises dans les communes. Sa suppression définitive par la loi du 9 décembre 1948, impose de dégager une ressource de substitution. Ainsi la taxe locale sur le chiffre d’affaires, déjà instituée en 1941 au bénéfice des communes choisissant de renoncer à l’octroi, est étendue à toutes les collectivités devenant en 1955 taxe locale sur les ventes au détail, au rapport très productif. La construction européenne en interdisant de percevoir une taxe de cette nature autre que la T.V.A. remet en cause ce système. Tout d’abord est instituée une taxe sur les salaires puis un versement représentatif de la taxe sur les salaires. Cet impôt indirect transformé en subvention de fonctionnement est versé par l’Etat aux collectivités locales122.

234Le prélèvement sur le produit des jeux dans les casinos est facultatif en principe mais il est institué de fait dans toutes les communes possédant un casino compte tenu de son rendement élevé. Le prélèvement communal sur le produit des jeux connaît de fortes fluctuations. Son assiette correspond à une fraction du montant du produit brut des jeux et son taux peut atteindre 15 %. A ce prélèvement, s’ajoute un reversement égal à 10 % du prélèvement opéré de son côté par l’Etat sur le produit des jeux. Les casinos, contrairement à la période précédente123, connaissent une perte de fréquentation. Symbole d’un tourisme élitiste, ils n’ont pas su se renouveler pour attirer une nouvelle clientèle plus populaire. Cependant, leur activité semble connaître une certaine reprise.

Tableau 74 : Produit brut des casinos dans les stations de la Côte Aquitaine entre 1963 et 1971 (en francs courants)124

235Le tourisme produit aussi bien des externalités positives que négatives sur la société et l’économie locale. Dans le premier cas, le tourisme apparaît comme une source de revenu supplémentaire pour ceux qui en ont besoin, crée des emplois qui attirent et retiennent la population locale. Le littoral devient alors l’un des espaces les plus dynamiques de la région Aquitaine. Il permet alors aux municipalités de conduire, avec l’aide de la M.I.A.C.A., une œuvre importante au service de tous.

236Mais le marché touristique pousse l’intégration de l’économie littorale, assez archaïque, dans le marché français ce qui contribue à provoquer des dégâts humains importants. La mono-activité touristique est un danger puisque le marché est alors soumis à la saisonnalité et son corollaire le chômage hors-saison. L’économie devenue dépendante du tourisme ne peut que s’enfermer dans cette activité qui peut être à la fois une manne et un gouffre. Le tourisme apporte aussi avec lui le choc des cultures : deux univers différents sont confrontés lors de la saison estivale ce qui accentue les rancœurs à l’égard d’un tourisme qui dénature les paysages.

En réponse à la crise : vers le développement régional ?

237D’après X. Greffe, « le développement local est un processus de diversification et d’enrichissement des activités économiques et sociales sur un territoire à partir de la mobilisation et de la coordination de ses ressources et de ses énergies... Il met en cause l’existence d’un projet de développement intégrant ses composantes économiques, sociales et culturelles »125. Pour être profitable aux communes d’accueil, l’aménagement touristique doit conduire au développement local durable. La croissance doit profiter à l’ensemble de la collectivité locale sous la forme d’emplois et d’investissements destinés à optimiser le fonctionnement de la commune. La venue de milliers de touristes dope l’activité commerciale mais cette concentration pose quelques problèmes qu’il faut chercher à surmonter.

238Malgré la crise, le tourisme est un secteur qui reste relativement épargné et ses activités représentent un apport non négligeable pour la région. C’est un atout supplémentaire au développement régional. Le tourisme apparaît comme un palliatif aux activités traditionnelles défaillantes : en 1984, les activités touristiques ont rapporté plus de devises que l’agroalimentaire et contribué à 8 % du Produit National Brut (P.N.B.). Depuis 1980, 27 % des emplois créés en France l’ont été dans ce secteur. Il représente donc pour les régions périphériques, éloignées des centres de production, un dernier espoir.

239L’aménagement touristique est créateur par lui-même d’activités directes et doit pouvoir s’appuyer sur le développement de certains secteurs complémentaires, susceptibles de renforcer les effets économiques attendus du développement touristique et surtout d’offrir un certain nombre d’emplois destinés à atténuer l’aspect essentiellement saisonnier du tourisme. Il doit favoriser des activités susceptibles de conforter l’économie du littoral aquitain tout en restant compatibles avec sa vocation touristique.

240Cependant, le tourisme ne doit pas être une mono-activité : il doit se construire en symbiose avec les autres secteurs de l’économie pour être profitable à toute la région. Les interactions entre le tourisme et les activités traditionnelles, industrielles, ostréicoles, sylvicoles sont nécessaires pour le développement de chacune de ces activités : elles permettent le développement de nouveaux débouchés valorisant des secteurs correspondant aux nouvelles aspirations d’authenticité des touristes.

Le tourisme, atout dans la crise : la question de l’emploi

241Tout indicateur est relatif : le chiffre d’affaires par rapport à ses marges et son évolution. La création d’emplois en données brutes ne veut rien dire, il faut s’interroger sur sa durée, son statut, les revenus engendrés et les bénéficiaires. Enfin, il y a une marge d’erreur liée à l’économie souterraine ou familiale.

a- Le chiffre d’affaires touristique et ses conséquences

242Le chiffre d’affaires touristique est basé sur les dépenses des touristes : la démocratisation et la massification du tourisme a fait baisser le montant des dépenses touristiques mais c’est la variable quantité qui fait toute la différence malgré les inquiétudes de certains. Mais les retombées économiques qu’il engendre dans la région sont difficiles à calculer.

243Durant l’été 1976, les touristes en séjour sur la Côte Aquitaine ont dépensé 1,3 milliards de francs dont 300 millions par les étrangers126. La satisfaction des besoins des touristes permet le maintien d’un équipement commercial permanent plus important que la moyenne.

24475 % du chiffre d’affaires du tourisme soit 1 milliard de francs reste dans la région dont 600 millions de francs consacrés à la rémunération des personnes travaillant directement pour les touristes dans le commerce et les services.

245Une enquête du C.R.T. d’Aquitaine et de l’I.N.S.E.E. portant sur la fréquentation en 1980127 apporte des éclaircissements mais ces chiffres sont valables pour l’Aquitaine ou la Côte Aquitaine dans son ensemble donc ne portant pas strictement sur l’ancienne Côte d’Argent, ils ne tiennent pas en compte du tourisme non estival qui se développe ni des dépenses précédant les vacances comme le transport. Les touristes en séjour en Aquitaine lors de l’été 1980, ont consacré 1,5 milliards de francs sur place. Cette dépense exclut l’hôtellerie pour lequel une estimation conduit au chiffre de 1,2 milliards de francs. Les loyers, les transports et les équipements peuvent pour une partie non négligeable aller à des entreprises extérieures à la région. Ces chiffres sont réalisés pour les deux tiers par les touristes de l’intérieur : on peut donc estimer à 500 millions de francs la dépense directement touristique sur la Côte Aquitaine. On peut dresser le tableau suivant :

Tableau 75 : Budget des touristes en été 1980 (en francs courants)128

246Le budget alimentation est nettement prédominant. Mais ces postes de dépenses sont variables en fonction du département et de la nature de l’hébergement. Ainsi le budget alimentaire par nuitée est 30 % plus élevé sur la côte que dans l’intérieur. Les loisirs payants sont moins pratiqués sur les plages de la Côte d’Argent que dans l’intérieur. Ainsi la plage offre sans frais une structure de loisir complète.

247Les étrangers dépensent sensiblement plus que les Français, ces derniers dépensant plus que les Aquitains. La dépense par nuitée fluctue assez peu selon les catégories socioprofessionnelles, elle est même quasiment identique pour les trois grandes catégories de touristes, cadres supérieurs, cadres moyens et employés130. Le niveau relativement faible pour la catégorie des agriculteurs est dû à leur forte fréquentation des résidences principales.

248En 1988, les premières estimations du compte régional du tourisme donnent un chiffre d’affaires touristique, regroupant les activités réalisées par l’ensemble des entreprises productrices et distributrices satisfaisant la demande des touristes de 7,3 milliards de francs132 car les touristes ont dépensé en moyenne 120 francs par jour.

249Selon une étude de l’O.R.E.A.M.-I.E.R.S.O., deux séries principales de retombées sont déterminées, suivant que le chiffre d’affaires touristique est réalisé à partir de dépenses affectées à la rémunération d’agents ou à l’acquisition de produits. Le premier cas permet d’avoir accès au revenu distribué, puisqu’en fait les dépenses dans ce cas constituent la rémunération du service fourni. Dans le second cas, l’appréhension est plus délicate puisqu’il procède par cascades, par l’acquisition de produits par le touriste qui donne lieu à la commercialisation mais aussi à une production simultanée par le déclenchement d’une activité dans les branches économiques. Un partage s’établit alors entre les branches économiques de la région et celles de l’extérieur. La valeur ajoutée créée par l’activité productrice et les consommations intermédiaires, ainsi que les loyers constituent une partie des retombées économiques sur la région que l’enquête appelle revenu brut distribué dans la région133. On peut résumer ce processus par le schéma suivant :

Illustration 34 : Retombées économiques du chiffre d’affaires touristique134

250Le chiffre d’affaires touristique correspond à la demande solvable des touristes en biens et services. Cette demande est essentiellement locale puisque la consommation est effectuée sur place dans la majeure partie des cas. Le chiffre d’affaires touristique est le chiffre d’affaires réalisé au cours du déroulement d’une activité touristique complexe, c’est-à-dire donnant lieu à différents niveaux de production. Il existe donc un chiffre d’affaires strictement touristique composé des dépenses brutes des touristes effectuées sur place mais aussi un chiffre d’affaires induit par l’activité touristique tout entière car celle-ci pour s’exercer est consommatrice de biens et de services. Ce dernier est difficilement calculable.

251Le chiffre d’affaires touristique est évalué en multipliant les dépenses des touristes par la fréquentation. Il apparaît d’après cette étude que la moitié du chiffre d’affaires touristique provient des dépenses d’alimentation et de restauration, le quart des dépenses d’hébergement et le reste par des dépenses diverses de distractions, d’habillement par exemple. Lorsque les touristes effectuent leurs dépenses, ils rétribuent ainsi l’activité productrice qui répond à leur demande soit par l’acquisition de produits, soit par la rémunération directe des agents fournisseurs de services. La rémunération d’agents est génératrice de revenus, directement ou indirectement perçus. Le revenu brut des établissements commerciaux et de services représente la rémunération des entrepreneurs et des aides familiales, les frais d’amortissement et d’entretien. Les revenus perçus par le personnel salarié sont des salaires nets versés, avec une part de pourboire non déclarée. Enfin, les administrations perçoivent une partie de ce revenu par les impôts versés par les établissements à la commune, au département, à la région et à l’Etat, les charges sociales et les diverses taxes. L’acquisition de produits entraîne des retombées par les achats de produits alimentaires ou non alimentaires, et les retombées par les frais généraux d’exploitation générateurs d’une consommation de biens et de services.

252Pour les branches il faut donc souligner que ce n’est pas forcément la région Aquitaine qui a entièrement réalisé ces productions. Deux groupes apparaissent : celui des branches dont l’essentiel de la production est régionale comme l’agriculture, les produits pétroliers, le B.T.P., les transports et télécommunications, l’eau, le gaz et l’électricité, et celui des branches dont l’essentiel de leur production est extérieure comme le textile, la presse, les industries diverses... Si on ajoute les deux branches services et commerces dont la totalité de la production est réalisée sur place, c’est au total 60 % de la production qui est fourni par la région Aquitaine. Les industries les plus consommatrices de produits régionaux sont en grande partie touchées par l’activité touristique.

253Le chiffre d’affaires touristique est la somme des dépenses effectuées par les touristes, il faut lui soustraire la valeur des productions extérieures à la région et le montant des consommations intermédiaires de produits nécessaires à la réalisation de la production. Le revenu brut tiré de l’activité touristique ainsi obtenu découle du chiffre d’affaires touristique mais ne correspond pas à toutes les retombées pouvant provenir d’une activité touristique, car on ne peut avoir une connaissance exacte du chiffre d’affaires induit par l’activité touristique. Enfin, s’il s’agit du revenu distribué dans la région, cela ne signifie pas qu’il constitue un revenu pour la région. Par exemple les impôts, les charges sociales perçues le sont au bénéfice de la nation sans redistribution régionale proportionnelle. On peut également penser que le revenu de la taxe de séjour et celui du produit des jeux participent de ces retombées sur les communes135.

254L’activité touristique est une grande consommatrice de services. Cette tendance s’accroît avec le développement des formules de vacances éducatives de type stages de voile, d’équitation... Ainsi le prix du service augmente par rapport à celui du bien qui peut être produit en masse.

b- Le tourisme, pilier de l’emploi

255La question de l’emploi a sous-tendu la question de l’aménagement touristique de la Côte Aquitaine. Les problèmes à résoudre ont été la saisonnalité et l’allongement de la saison. Les retombées directes, indirectes et induites du tourisme sur l’emploi sont importantes mais difficiles à évaluer.

256Un chiffrage précis est une mission impossible. On peut cependant estimer que l’activité touristique est responsable directement de 10 000 emplois permanents et de 30 000 à 40 000 emplois saisonniers en Aquitaine136. V. Vlès estime ce chiffre en pleine saison à 41 300 emplois créés en 1988137. Entre 1975 et 1985, les effectifs ont augmenté de 15 % dans la catégorie des Hôtels-Cafés-Restaurants (H.C.R.) alors que sur le territoire français l’emploi connaît une baisse de 0,1 %. Il y a en fait « transfert de compensation des régions riches vers les moins dotées »138 .

257Indirectement, la construction des hébergements touristiques fournit une part importante de l’activité du bâtiment : 62 % des logements construits sur la côte girondine et 61 % de ceux de la côte landaise construits entre 1968 et 1975 sont des hébergements touristiques. Sur la Côte Aquitaine, 409 emplois pour 10 000 habitants sont dans le secteur du Bâtiment-Travaux Publics (B.T.P.). En fonction du dynamisme commercial des entreprises locales et régionales, 25 à 50 % des investissements du B.T.P. dans le secteur touristique restent dans la région. La satisfaction des besoins touristiques nécessite le maintien dans les stations d’un bon équipement commercial. Ainsi la moitié des commerces et services privés fonctionnant de façon permanente réalisent 50 % de leur chiffre d’affaire en juillet et août. On peut constater, d’après l’évolution des effectifs employés dans le B.T.P. en Aquitaine, l’expansion rapide de 1954 à 1968, avec un maximum historique en 1969, et une phase de résistance à la crise de 1968 à 1982 liée à l’achèvement des grands chantiers comme Mériadeck et la construction de résidences secondaires, puis un essoufflement.

Tableau 78 : Evolution des effectifs du BTP en Aquitaine (en milliers d’emplois)139

258Le nombre d’emplois permanents nécessaires à la pratique de l’activité touristique est difficile à approcher. Mais la M.I.A.C.A. estime à 6 000 le nombre d’emplois permanents créés depuis 1970 et pense avoir multiplié par trois ou quatre le nombre d’emplois saisonniers. En fait, le nombre d’emplois est lié au type de tourisme et à la durée de la saison.

259Avec un tourisme à courte saison et dominé par le camping, elle pense avoir créé vingt emplois permanents pour 1 000 lits touristiques140.

260L’emploi permanent est donc la somme des emplois dans l’hôtellerie et la restauration. On constate également une surreprésentation de l’emploi permanent dans les commerces, les services et le B.T.P. par rapport au reste de l’Aquitaine. Ainsi 10 % des emplois permanents sont créés dans les commerces et les services : on obtient 10 000 emplois permanents soit 22 emplois pour 1 000 lits. Il faudrait également ajouter les emplois induits par les entreprises fournissant les établissements au contact avec la clientèle touristique.

261L’emploi saisonnier est très important sur la Côte Aquitaine. En effet, pour un emploi permanent dans le commerce et les services, trois à quatre emplois saisonniers sont créés pendant la saison. A Lacanau, au Cap Ferret, à Capbreton-Hossegor et à Hendaye pour 453 établissements ouverts en saison dans l’hôtellerie, les commerces et les services, on dénombre 477 emplois permanents et 1 792 saisonniers141. Au total, il peut y avoir environ 30 000 à 40 000 saisonniers sur la Côte Aquitaine. Ces emplois sont occupés à 55 % par des femmes et des jeunes puisque 80 % ont moins de 30 ans.

c- Le problème de l’allongement de la saison : souhaité ? possible ?

262C’est l’une des préoccupations majeures de la M.I.A.C.A. dès le départ puisqu’en 1968, Ph. Saint Marc lance l’opération « Juin au soleil de l’Aquitaine » qui montre la volonté du président de la mission d’étaler la saison sur six mois.

263L’un des éléments principaux de la M.I.A.C.A. sous la présidence Biasini est la recherche de l’allongement de la saison sur quatre mois consécutifs. Le problème se pose avec plus d’acuité pour les établissements saisonniers que pour les établissements permanents. Le fait fondamental est l’échec de la M.I.A.C.A. qui compte sur les qualités climatiques de l’avant et de l’arrière saison pour l’étalement de la saison touristique. On constate même une dégradation car en 1977, 47 % des nuitées sont concentrées entre le 14 juillet et le 15 août contre 49 % en 1979. C’est en fait un échec global en France aggravé par la faiblesse des modes d’hébergements en dur et la structure artisanale des entreprises. Les tentatives d’allongement de la saison par d’autres formes de tourisme comme le climatisme et le tourisme d’affaires ne peuvent se concevoir qu’avec d’importants changements dans la structure des entreprises régionales.

264En fait, en raison de la part importante que prend le chiffre d’affaires saisonnier par rapport au chiffre d’affaires annuel, la solution recherchée à la saisonnalité tend vers un allongement de la saison plus qu’à un étalement. Un étalement est une période d’embauche plus longue mais pour un chiffre d’affaires égal : les revenus sont identiques mais les charges sont plus lourdes donc le bénéfice moindre. L’allongement se traduit par une hausse du rythme des affaires avant et après la saison ce qui permet de recourir à une embauche de personnel pendant cette période et éviter un surcroît de travail pour les chefs d’établissements.

265Le tourisme hors saison est favorisé par quelques mesures simples pour attirer les touristes en mai, juin, septembre et octobre : des prix plus attractifs, un service de meilleure qualité en raison du peu de monde, des stages sportifs en tennis, équitation, ski nautique, surf, voile, vélo... Cela oblige donc la station à rester animée pendant une longue période pour se distinguer des autres stations et rester attractive. Le tourisme de proximité est aussi une solution d’allongement en favorisant les week-ends et les vacances scolaires.

266Seuls 5 % des responsables d’établissements de commerces et de services pensent ne pas pouvoir faire face à cet allongement pour plusieurs raisons : l’indisponibilité du chef d’établissement car la saison est un complément de revenus et ils ne peuvent être disponibles plus longtemps, l’indisponibilité du personnel puisque les étudiants ou autres saisonniers travaillent pendant cette période et enfin parce que le chiffre d’affaires escompté est insuffisant pour justifier une ouverture supplémentaire142.

267Ainsi 94 % des responsables estiment avoir la possibilité d’assurer une saison plus longue mais 40 % pensent que l’accroissement des charges consécutives à une embauche nouvelle est un problème difficile à résoudre. 3 % affirment que la seule solution est l’embauche de personnel permanent. 20 % des exploitants d’établissements permanents et saisonniers répondent à cette enquête que des problèmes de gestion du stock nécessaire pour assurer une distribution sur 4 mois peuvent se poser. Enfin 10 % estiment que, dans ce cas, ils ne peuvent assurer la même durée d’ouverture au public en raison de l’indisponibilité du personnel.

Un développement plus global

268Dans le discours, le tourisme apparaît comme une chance pour la région de connaître un nouveau souffle. Pour en faire un facteur réel de développement économique, on a cherché à créer des équipements collectifs devant fonctionner toute l’année.

a- Des équipements pour les permanents autant que les estivants

269Les stations doivent mettre en place une gestion particulière en prenant en compte les exigences de la population permanente et en garantissant les chances d’un développement touristique à long terme étant donné que le tourisme est une mono-activité ou du moins une activité dominante.

270Tout ce qui est bon pour le tourisme n’est pas forcément bon pour le développement local. On peut cependant souligner que la population locale peut autant être cliente d’équipements et d’animations conçus pour les touristes et vice versa. C’est l’une des clés de la désaisonnalisation surtout si l’on assimile les clientèles permanentes de proximité à la population locale.

271Le lac de Carcans-Hourtin n’est utilisé que depuis l’après-guerre. Une opération originale a été réalisée par le Conseil Général de Gironde sur un terrain de 220 hectares dans le cadre d’une base de plein air et de loisirs. Cette opération n’a pu être possible qu’avec l’aide technique et financière du secrétariat d’Etat à la Jeunesse, aux Sports et aux Loisirs. Cette base qui a permis le développement du nautisme fonctionne en continu pendant neuf mois. Elle regroupe de nombreux équipements sportifs : tennis, piscine, petits jeux, pistes forestières de cyclotourisme... Dans la base, sont implantés le plus grand centre nautique de l’U.C.P.A. de France avec 340 planches à voile et 160 dériveurs, et le Cercle de Voile de Bordeaux-Noroît qui compte 400 licenciés et 750 membres. Cette base de loisirs sportifs ne peut tabler exclusivement sur une fréquentation touristique pour se développer voire pour perdurer. Pour rentabiliser les investissements, il faut développer une politique de recherche de clientèles de week-end, hors saison sur l’agglomération bordelaise. Le but est d’attirer pour la journée une clientèle de proximité pour pratiquer un sport. La clientèle de groupes est également un moyen de remonter la fréquentation. La base de loisirs passe du statut d’outil touristique en saison à celui d’outil au service des populations locales hors saison.

272Dans le même ordre d’idée, l’expérience d’Hourtin Port qui axe son développement autour du thème de l’enfant143, est un succès. Ce projet ambitieux centré sur l’enfance et le nautisme est caractéristique des nouvelles tendances évoquées précédemment. Il constitue donc un produit touristique attractif et innovant. Il se présente comme la première opération d’aménagement touristique prenant en compte le développement de l’enfant. L’autonomie, la sociabilité, la créativité et les relations avec les parents et les adultes ont été recherchées à travers la construction d’espaces d’activité et d’équipement devant réconcilier pour le temps des loisirs les motivations des uns et des autres. Des lieux privilégiés comme l’île aux enfants conçue comme un grand espace de jeux, le village de la petite enfance de 0 à 6 ans, les maisons d’activités comme celle de l’informatique, du jeu, du bois, du bricolage et la maison des sciences et techniques ont été construits. Outre cette option originale, Hourtin Port fonde son activité sur un vaste programme nautique et sportif avec un port de plaisance de quatre cents places, une école de voile avec externat et internat. Cette gamme de services très variés doit permettre un fonctionnement toute l’année des structures aussi bien pour les élèves girondins que pour les estivants. Mis en œuvre en 1983, il est opérationnel depuis l’été 1986.

273Pour induire un développement plus global auprès des populations permanentes, la Mission a amélioré le niveau d’infrastructures, assainissement, voirie, adduction d’eau, ce qui représente 43 % du montant total des interventions. Les vacanciers ne sont pas les seuls bénéficiaires des contrats car les résidents permanents dont une part importante de retraités vit des réalisations menées dans le cadre du programme de valorisation.

274Les améliorations portées aux réseaux électriques et téléphoniques ont vraiment fait entrer la Côte Aquitaine dans la société post-industrielle. Toutes ces opérations ajoutent à l’attractivité de la région en offrant les prestations standards et le confort moderne. En effet, la construction d’une classe moyenne se base sur le mimétisme social qui nécessite une démocratisation du confort.

275De plus le maire-aménageur-entrepreneur a trois fonctions144 : l’innovation et la création, l’acquisition et l’exploitation de l’information, et l’organisation et la coordination de la production. Dans le premier cas, l’intervention de la station au sens de la collectivité peut être déterminante lors de la décision de la construction de ports de plaisance, de pistes cyclables ou de sentiers de randonnée. De nouveaux marchés s’ouvrent parce que de nouveaux consommateurs peuvent être attirés. Dans le deuxième cas, c’est une fonction fondamentale. Dans le dernier cas, c’est le rôle de l’O.T. qui est un aspect important du développement local. Dans le cadre des facteurs de production non offerts par le marché, le rôle de la collectivité est de contribuer au développement des équipements non marchands et au maintien et à l’amélioration des facteurs d’attractivité liés au milieu naturel. Le marché privé peut être réticent à offrir ces services parce qu’ils constituent un risque trop fort sur le plan économique : c’est le domaine d’intervention de la collectivité au nom de la carence de l’initiative privée. Le marché peut également être dans l’incapacité d’offrir ces facteurs car ils sont non-marchands et relèvent du service public ou assimilé.

276Dans la Z.A.C. de l’Ardilouse à Lacanau, les hébergements sont accompagnés d’un programme d’équipements sportifs, socioculturels, commerciaux et complétés par des administrations, des aménagements de voirie, d’adduction d’eau et d’assainissement intéressant l’ensemble de la commune et prioritairement ses habitants.

b- La coexistence entre les autres activités et le tourisme

277L’économie touristique ne prend pas la même ampleur partout mais le degré de dépendance de l’économie locale vis-à-vis du tourisme est variable. Ce dernier exerce un rôle économique fondamental car il est implanté dans un milieu très faiblement industrialisé et urbanisé. Sa position hégémonique est contestée en deux points du littoral : le pays de Born et le Bassin d’Arcachon. Il s’agit de développer le tourisme en symbiose avec les autres activités en privilégiant le dialogue avec les autochtones vivant des activités traditionnelles.

278Parallèlement au succès du tourisme, on assiste au déclin des activités traditionnelles comme l’ostréiculture. Il faut cependant souligner que le tourisme n’est pas le seul agent responsable de ce déclin car c’est un mouvement général des branches traditionnelles de l’économie.

279Le Médoc, très durement touché par l’épizootie et le développement de la Zone Industrielle (Z.I.) du Verdon, a vu ses activités ostréicoles totalement disparaître. L’ostréiculture sur le Bassin d’Arcachon en dépit des graves crises des années Soixante-dix, garde une grande place dans le rivage Sud du Bassin d’Arcachon qui concentre 60 % des ostréiculteurs du Bassin tout entier. Gujan Mestras, la ville aux sept ports, vient en tête suivie de La Teste de Buch et d’Arcachon qui fait office de figuration. Le Bassin est lui touché par la pollution des eaux due à l’urbanisation, à la peinture des coques des bateaux et à la proximité de zones agricoles intensives145 et a dû supprimer des emplois. Les ostréiculteurs doivent faire face à des normes contraignantes à cause de la pollution liée au port de plaisance, à des problèmes d’endettement à cause de l’épizootie et d’une prime de déménagement insuffisante et de l’enlèvement des cabanes sur le Domaine Public Maritime (D.P.M.). Ces cabanons et villages de pêcheurs sont très prisés par les promoteurs mais ce sont d’incontestables témoins du passé.

280Cependant le tourisme et l’ostréiculture font parfois bon ménage. Les activités touristiques développées par les ostréiculteurs sont une source de complément de salaires comme pour de nombreux agriculteurs. En effet, la location de pinasses pour découvrir le bassin d’Arcachon, les visites des parcs à huîtres, les dégustations à la cabane et la location des cabanes constituent autant de débouchés qui permettent à l’activité de se développer et de se diversifier.

281En pays de Born, le tourisme n’est pas la seule activité ayant du poids économique. Trois activités ont un poids économique local considérable qui a retardé le développement touristique : les papeteries de Gascogne qui donne sa vocation industrielle à Mimizan, le C.E.L. dont l’implantation a bouleversé la vie locale de Biscarrosse, de Parentis en Born, de Sanguinet et de Mimizan, et l’exploitation pétrolière qui touche les mêmes villes. Cependant, en ce qui concerne le C.E.L., ce n’est pas une entreprise publique mais un service de l’Etat qui ne donne pas droit à la perception de la taxe professionnelle.

282A Mimizan, jusqu’à la fin des années Quatre-vingts, le tourisme est considéré comme une activité économique complémentaire de l’activité permanente de la papeterie. Cette période est celle du tourisme facile : la massification a suscité des vocations d’hôteliers et de gestionnaires d’équipement d’accueil mais le professionnalisme n’est pas une condition essentielle de réussite. La situation géographique et le soleil suffisent. Mais Mimizan n’a pas su ensuite s’adapter à la nouvelle donne du tourisme et perd du terrain face aux autres stations du littoral de la Côte Aquitaine. La stagnation économique de la papeterie conforte la nécessité de considérer le tourisme comme une activité économique à part entière. En effet, en 1980, le revenu touristique de Mimizan est estimé entre 130 et 150 millions de francs alors que les salaires de la papeterie ne représentent que 100 millions de francs146.

283Ces trois entreprises ont développé des activités touristiques particulières qui ont des fonctions de communication et de transparence : les papeteries organisent des visites de leur usine et leur mécénat finance les activités de l’O.T., l’entreprise Esso-Rep a créé le Musée du Pétrole et organise des sites d’extraction lacustres et terrestres, et le C.E.L. met en place des journées portes ouvertes avec des démonstrations spectaculaires des activités militaires.

c- Une idée maîtresse : l’aménagement du littoral par les Aquitains

284A partir du milieu des années Soixante-dix, on est passé d’une planification pour les populations à une planification avec les populations d’accueil. La Mission Aquitaine a souhaité donner la parole aux Aquitains par deux moyens :

• du point de vue des aménageurs, en tenant compte de la réalité aquitaine c’est-à-dire prendre en compte les aspects humains,

• du point de vue des habitants, en les faisant participer à leur propre devenir.

285L’enjeu est donc de faire accepter les équipements touristiques par les Aquitains car certains peuvent générer des conflits entre touristes et résidents permanents. L’exemple de l’utilisation de l’eau et du sol est révélateur : l’urbanisation touristique a pour conséquence d’augmenter le prix du sol. La consommation d’eau par les touristes peut concurrencer l’approvisionnement des agriculteurs. La fréquentation touristique peut altérer la qualité de vie de la population permanente. Pour faire accepter ces problèmes aux Aquitains et qu’ils prennent part dans l’aménagement touristique, il a fallu :

• une prise de responsabilité des collectivités locales dans la maîtrise d’ouvrage. Le dispositif opérationnel assure aux élus l’entière responsabilité des opérations d’aménagement et aux forces vives de l’économie régionale de participer à leur action. Ce principe de participation des élus et des corps professionnels est vite contredit en raison de la lourdeur de la responsabilité et la difficulté de la tâche. Les municipalités, maillon essentiel, ont vu la prise de décisions véritable leur échapper en faisant appel à des experts pour les éclairer. Les entreprises de B.T.P. de la région ont réalisé 65 % des travaux demandés par la M.I.A.C.A.,

• l’assistance à la gestion touristique c’est-à-dire le conseil, la promotion et l’information, au niveau des collectivités publiques et des entreprises,

• l’amélioration quantitative mais aussi qualitative des formations des personnels participant au développement touristique.

286Les travaux d’aménagement ont également créé de l’emploi. L’aménagement de Lacanau est conduit par une société d’aménagement dont font partie quarante huit entreprises du bâtiment de la région sous l’égide de la Fédération Nationale du Bâtiment. A Capbreton, une partie de l’aménagement a été attribuée par le promoteur O.C.E.F.I. à une société composée de cent cinquante artisans ou entrepreneurs landais, la Société des Entrepreneurs du B.T.P. des Landes (SELAND) créée en 1974. En 1973, une association à but non lucratif, l’Association pour la PRomotion des activités Artisanales et de Services dans les aménagements touristiques de l’Aquitaine (A.P.R.A. S. AQ.) regroupant les cinq chambres de Métiers d’Aquitaine a été créée pour organiser la participation des artisans à l’aménagement de l’Aquitaine. Ainsi 18 000 artisans du B.T.P. y participent. Dans les Landes, 77 % des entreprises ayant effectué des travaux sont originaires d’Aquitaine. De manière générale, ce sont des entreprises qui emploient 100 à 150 personnes et les opérations représentent entre 1 et 6 % de leur chiffre d’affaires147.

287La formation apparaît comme un outil de développement148. Des travailleurs qualifiés constituent incontestablement la ressource stratégique par excellence. La politique de formation du Conseil Régional d’Aquitaine est un des aspects de la lutte contre le chômage et de participation des Aquitains au tourisme. La lettre circulaire du président du Conseil Régional adressée aux organismes de formation pour préparer le programme de formation professionnelle en 1988 leur donne les instructions suivantes : améliorer la fonction d’accueil, d’information et d’animation, et développer les actions relatives à la production, à la gestion et à la distribution des produits touristiques.

288En conclusion, le tourisme malgré la crise économique a résisté : il a ainsi montré que pour la région Aquitaine il est un atout indéniable. Il ne faut pas négliger les retombées économiques et humaines, directes et indirectes de cette activité de services qui s’inscrit parfaitement dans la tertiarisation de la société et de l’économie. La question de l’emploi dans une période de crise est primordiale mais aussi la maîtrise des opérations par des entrepreneurs locaux pour que les retombées bénéficient à la région, aux communes... Il a été essentiel de chercher aussi à vaincre le goulot d’étranglement de la saisonnalité pour augmenter le revenu distribué dans la région. La solution passe donc par la valorisation du tourisme de proximité notamment bordelais mais aussi en segmentant les clientèles touristiques pour attirer des touristes plus aisés, des jeunes, des retraités... En fait, la solution est une personnalisation du tourisme qui apporte plus de valeur ajoutée. Mais le tourisme et l’aménagement qu’il a suscité ont également permis le développement des services publics locaux touristiques ou non, qui à leur tour attirent des populations souhaitant s’installer dans la région et recherchant un confort standard. Enfin, il faut dire que les zones où le tourisme a le mieux réussi à s’implanter et à être une activité dynamique, sont des entités géographiques dans lesquels les autres secteurs d’activité ont une place importante comme le bassin d’Arcachon, le pays de Born ou le Marensin.

289Les nouvelles aspirations des touristes ont suivi l’évolution des mœurs dans sa recherche d’authenticité, de naturel... Or la Côte Aquitaine, longtemps à l’écart des grands flux touristiques et grâce à une action de protection importante, correspond assez bien à cette nouvelle forme de tourisme qui vient concurrencer la mer et le soleil même si toutes les aspirations peuvent se mêler. On pourrait même dire pour la Côte Aquitaine les 4 S dans le sens de Surf, Sailing, Sun et Sex : surf, nautisme, naturisme et soleil/plage forment l’image de marque de la Côte Aquitaine dès la fin des années Soixante-dix même si les stations sont un peu dépassées. Le rôle des O.T.-S.I. devient alors primordial pour faire valoir les différences de la Côte Aquitaine. La clientèle recherche en masse des hébergements et des pratiques sans lourdes infrastructures plutôt que des produits touristiques complexes difficiles à mettre en place en dehors des stations du bassin d’Arcachon. Cela explique le succès du camping et du tourisme social.

290La M.I.A.C.A. a basé son schéma d’aménagement essentiellement sur des perspectives de croissance économique à court terme et sur un modèle de tourisme : les 4 S. Mais avec la crise et l’évolution des mœurs, les bases de ce schéma ne sont en grande partie plus valables. Les touristes ont choisi de partir toujours autant mais avec un budget moindre et de façon plus avertie : il a donc été nécessaire de développer des outils pour répondre à cette demande d’information. Les communes et les stations ont dû se muer en gestionnaires du tourisme. Le véritable enjeu pour lutter contre la crise et la saisonnalité passe par la personnalisation et la diversification des activités touristiques que la M.I.A.C.A. a, à peine, ébauché. En fait, les nouvelles tendances se développent dans un cadre qui dépasse la Mission puisqu’elles sont basées sur une certaine liberté et une absence d’infrastructures importantes. Elle a donc dû simplement jouer un rôle de police dépassée par un mouvement qu’elle ne contrôle pas.

291Il en a été de même avec les hébergements touristiques : la Mission veut redéfinir la part de chacun dans la capacité d’hébergement total. Or l’évolution spontanée et les problèmes de saturation et de surhabitation ont poussé la M.I.A.C.A. à revoir ses objectifs. En fait, face à ce double mouvement E. Biasini a porté la Mission vers un schéma qui ressemble plus à celui de Ph. Saint Marc avec sa notion de greffe, de protection de la nature et de rétablissement de la place de l’Homme. Cette action de protection qui est une réussite sert à introduire le tourisme vert et les préoccupations écologiques dans le tourisme balnéaire. La M.I.A.C.A. a su également rééquilibrer les foyers touristiques pour permettre à chacun de trouver la pratique, le lieu qui lui correspondent le plus.

292Face à la pression venue d’en bas de recherche de l’individualisation, de la personnalisation, il a fallu adapter les outils d’aménagement et les politiques touristiques. Pour mettre en place des projets individualisés, il est nécessaire d’avoir un instrument proche de ces préoccupations : la M.I.A.C.A. et l’Etat trop centralisés ont fait la place à la commune, la région, le département et la Mi. A.C.A. qui ont donc pu mettre en place des politiques visant à adapter les stations à la nouvelle donne touristique. Ils ont aussi participé aux projets visant à allonger la saison pour augmenter les retombées économiques directes et indirectes sur la région. Mais pour obtenir un développement local, la meilleure idée est de confier les projets à des entrepreneurs locaux, de former les populations aux métiers touristiques et de créer des interconnexions entre les secteurs d’activité.