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La construction d’une économie touristique sur la Côte Aquitaine des années 1820 aux années 1980

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Noailles Mikaël

2ème partie : Le temps de la Côte d’Argent : l’ère des promoteurs, du renouveau identitaire et de la démocratisation progressive (1895-1958)

Chapitre 3 : Le réveil de l’intérêt public pour le tourisme littoral ?

Le baptême et l’institutionnalisation de la Côte d’Argent

Texte intégral

  • 2 DAUGE C., Sonets del mar, Poème n° XXXVI, cité et traduit par FENIE J.-J., « Césaire Daugé et la Cô (...)

Los de Paris, de tant qui se la tròban bèra
Qu’an parlat dab beton de ’s i har la carrera
Entà la véser a har deus piadars avant.

Césaire Daugé2

  • 3 Géographiquement les Landes de Gascogne comprennent le plateau sablonneux qui s’étend sur les dépar (...)

1Au XIXème siècle, les Landes de Gascogne3 ont été désenclavées par la révolution ferroviaire, le réseau de la Compagnie du Midi est très étendu : il relie les grandes villes entre elles mais aussi les villes à la côte. Cependant, le maillage est lâche et les chemins de sable rendent les stations peu accessibles. Ainsi à la fin du XIXème siècle, la révolution cycliste et automobile marque aussi de son empreinte la Côte d’Argent. Se rejoignent deux préoccupations, la question sociale qui veut faire partager le tourisme à des couches sociales moins favorisées et la question économique et organisationnelle qui vise à mieux exploiter les potentialités de la région. Ainsi va naître le débat passionné concernant l’appellation de la côte des Landes de Gascogne. L’homme essentiel de cette période est Maurice Martin. Tout s’est passé en 1905 et le centenaire de cette dénomination a donné lieu à de nombreuses publications qui ont continué à propager la légende de cet homme. Quelle est la réalité historique derrière la légende dorée de Maurice Martin ?

2Dans l’entre-deux-guerres, la crise économique des années Trente puis pendant l’après- guerre, le manque d’industrialisation et la fin des activités primaires font tourner le débat sur la place à accorder au tourisme en sa faveur.

3Comment de marginal économiquement et socialement parlant, le tourisme entre au cœur de la modernité du système économique sous le double effet de la dénomination de la côte et de la création d’une identité propre à cette côte mais aussi de la crise des activités traditionnelles de la région ? Comment le tourisme profite-t-il de cette période pour s’institutionnaliser et se professionnaliser ?

Un enjeu identitaire d’aménagement régional : la bataille de la dénomination (1887-1914)

4La côte de Gascogne a été en grande partie aménagée grâce à l’aide de la Compagnie du Midi qui, sous les frères Pereire, y a mené une politique touristique cohérente de développement de la desserte, de promotion des stations et d’investissement. Cependant même si la côte y a gagné une certaine identité, il lui manque encore une véritable appellation qui l’identifie clairement sur le marché concurrentiel des côtes touristiques françaises. La côte gasconne devient alors l’enjeu de l’interaction entre différents réseaux pour lui donner une image de marque.

5Cet enjeu de la dénomination intervient dans le contexte particulier de la Belle Epoque, moment où la croissance retrouve de la vigueur après une période de dépression : les gens recommencent à consommer et les différentes côtés s’identifient comme des produits touristiques. Et comme dans la plupart des histoires de produits, il y a des origines légendaires et des résistances au développement de ces produits. Quand est-il sur la côte gasconne ?

Un contexte de campagne publicitaire pour les littoraux français

6A la Belle Epoque, le développement de l’affiche accompagne la mise en place de noms de marques auxquelles le consommateur attribue certaines qualités et une identité visuelle. Le rôle de la Compagnie du Midi n’est pas négligeable dans la diffusion d’une image stéréotypée du littoral. La notion de destination touristique relève alors d’une logique commerciale. Les affiches de l’époque s’inspirent de l’Art Nouveau avec ses arabesques et son écriture typique. Ces affiches vont également construire une certaine identité touristique : le maillot de bain, les lieux pittoresques, les activités mondaines à avoir... Elles vont donc conditionner plus ou moins les esprits de l’époque. Les affiches suivantes montrent bien l’état d’esprit de l’époque et son insouciance, et surtout le rôle des femmes, des mères dans le développement et l’apprentissage du tourisme.

Illustration 5 : Affiches Belle Epoque des stations de Soulac sur Mer et d’Arcachon

(Archives Municipales de Bordeaux)

7Leurs buts sont avant tout économiques : les compagnies veulent rentabiliser leurs lignes et leurs aménagements en accroissant leur trafic et donc leurs recettes, les syndicats d’initiative veulent vendre la station qu’ils représentent et attirer le touriste consommateur. Le budget publicitaire est souvent conséquent mais se pose le problème du choix des images conformes aux besoins dominants de la clientèle et au patrimoine touristique. Ces images créent une impression de modernité et de plaisir. Ces images idylliques, véritables outils de propagande, influencent aussi les opérations survenant après la diffusion de ces images. Voyons donc deux exemples de ces représentations stéréotypées cherchant à susciter le désir du lieu et de la villégiature.

  • 4 On retrouve souvent ces affiches sous forme de cartes postales conservées aux archives municipales (...)

8Ces affiches sont l’œuvre des Compagnies de Chemin de Fer et des Syndicats d’Initiative4. Elles adoptent un style « Art Nouveau » avec de nombreuses courbes qui sur celle concernant Arcachon suggère même une vague. Elles dressent l’inventaire des potentialités de la station : pour Arcachon, « casinos, plage et forêt, chasse, pêche, régates, courses, tir au pigeon, golf » et pour Soulac, signée Boudon, « Cordouan, la chasse à courre en forêt, la plage de sable fin et la forêt superbe ». La plage que l’on retrouve représentée sur les deux affiches avec une mère de famille et ses enfants, évoque une certaine sécurité et l’idée de stations familiales et conviviales quoique bourgeoises. L’affiche arcachonnaise montre la villégiature pluri-saisonnière à Arcachon avec les mentions « ville d’hiver » et « ville d’été » puisqu’Arcachon tente de concilier le climatisme et le balnéarisme et cette volonté de montrer une coexistence harmonieuse passe par le procédé du médaillon. L’autre volet est le lieu de villégiature, la station souvent en forêt, avec les villas représentées là aussi, ainsi que des monuments ou curiosités à voir comme le phare de Cordouan pour Soulac. Enfin la plupart du temps, l’argument principal réside dans le temps estimé pour se rendre à la station depuis Bordeaux qui permet de guider le touriste dans son choix. Le nom de la station est écrit en gros avec le nom de la compagnie de chemin de fer, mais aucune indication concernant le nom de la côte sur laquelle se trouvent ces stations.

  • 5 Stéphen Liégeard publie La Côte d’Azur en 1887.

9En 1887, la première côte française à se doter d’une appellation qui l’identifie est la Côte d’Azur5 qui devient une véritable marque française à laquelle est associée le soleil, le plaisir, le cosmopolitisme... et qui désigne un espace qui se cherchait une identité : le littoral méditerranéen de Hyères à Gênes, qui trouve son nom en raison de la couleur du ciel et de la mer. En 1894, la côte nord de la Bretagne du Cap Fréhel à Cancale est dénommée Côte d’Emeraude par Eugène Herpin en raison de la couleur de la mer.

  • 6 A.D.G. 6 J 111, cartes des côtes de France.

10Or à la même période, le littoral gascon n’a pas de nom et donc n’aurait pas d’identité propre : sur des cartes6 il est appelé « côte de Gascogne », « golfe de Gascogne », « Golfe de Biscaye » voire encore plus flou et vague : « région de Bordeaux, d’Arcachon, de Biarritz ou des Landes ». Différentes personnalités tentent de remédier d’une certaine façon à cette absence d’identité et compléter la trilogie du littoral français. Le retard de la Côte gasconne est donc évident du point de vue de cette logique à la fois identitaire et commerciale qui permet d’affirmer un territoire sur un marché concurrentiel, celui de la mer et de la plage. Il faut donc aux ambitieux Gascons apposer une marque par une appellation spécifique qui reflète l’identité du territoire. Et à partir de ce moment, dans une logique commerciale, l’affirmation de la suprématie de cette marque apparaît comme un objectif prioritaire pour ses propagandistes. De plus, à cette époque, l’Automobile Club de France cherche à valoriser les routes de corniche favorisant les points de vue pittoresques sur la côte.

La mobilisation des différents partenaires et la légende de Maurice Martin

11Dans la région, les guides distinguent deux types de chemins : les routes pavées comme celle entre Bordeaux et Bayonne, et les routes dites « cyclables » comme celle entre Bordeaux et Arcachon. Les adhérents des Automobiles Clubs sont partagés entre les chemins pavés, de sable ou macadamisés.

  • 7 A.D.G., 7 M 683, boulevard automobile d’Arcachon à Bayonne, projet d’une route automobile en bois d (...)

12Ainsi l’idée d’un boulevard-promenade entièrement goudronné le long du littoral landais de la Pointe de Grave à Biarritz7 est-elle à mettre au crédit de trois innovateurs et donc à la croisée de trois réseaux voire plus :

  • le réseau économique avec Maurice Vigneau qui voit dans ce boulevard l’entrée de la région dans la modernité et qui est inventeur. Il a conçu un revêtement de route en 1904 à Mimizan : le mastic Vigneau. 1905 est l’occasion pour lui d’une promotion industrielle et d’un nouveau débouché pour les produits de la forêt des Landes de Gascogne,

  • le réseau politique avec Alphonse Bacon, maire de Labouheyre, conseiller général du canton de Sabres, qui est associé à Vigneau dans la Société des Bains de Mer Chauds de Mimizan et inclut cette promotion politique dans le cadre de réseaux politique, économique et sportif notamment rugbystique influents,

    • 8 LATRY G., « L’invention de la Côte d’Argent : de la légende à l’histoire » in Cent ans de Côte d’Ar (...)

    le réseau médiatique avec Maurice Martin (1861-1941), journaliste à la Petite Gironde et publiciste qui fait tout pour faire connaître ce projet et le populariser. C’est surtout lui que l’Histoire a retenu comme père de la Côte d’Argent car « il est habité par la vision d’un littoral aménagé pour le tourisme »8.

  • 9 MARTIN M., La Côte d’Argent, d’Arcachon à Biarritz, Gounouilhou, Bordeaux, 1906.

Illustration 6 : Maurice Vigneau, Alphonse Bacon et Maurice Martin9

13Le rôle des hommes, artistes ou politiques, est donc essentiel dans l’aménagement touristique. Maurice Martin développe une stratégie de la reconnaissance pour faire connaître la côte qu’il affectionne mais aussi se faire connaître auprès du public et des professionnels. M. Vigneau est plus inspiré par une stratégie entrepreneuriale. Ainsi l’initiative visant à donner une identité à la côte gasconne est à la fois poétique et économique, parisienne et locale mais surtout elle est d’origine privée et absolument pas publique, l’Etat n’intervenant pas dans cette aventure.

14C’est autour de ces trois hommes que se crée le Comité d’initiative du Boulevard Arcachon-Biarritz avec le soutien de l’Automobile Club. En effet, ce n’est plus le chemin de fer qui est le moteur du modernisme mais l’automobile. Alors que la route qui mène de Bordeaux à Arcachon est pavée, la route entre Arcachon et Biarritz n’est tout juste qu’un chemin sablonneux. La macadamisation est alors en marche.

  • 10 PEYRESBLANQUES J., « Maurice Martin et la Côte d’Argent » in Cent ans de Côte d’Argent, Actes du co (...)

15Or depuis plus d’un siècle, on ne retient qu’un seul nom, celui de Maurice Martin. En effet, c’est lui qui a convoqué un grand nombre de journalistes et de responsables de l’Automobile Club de France pour donner de l’écho à cette invention. Les différents récits de l’époque et des historiens depuis 1905 font état de l’illumination de M. Martin10. Or il est plus probable que son coup médiatique était préparé à l’avance. En fait derrière le génie visionnaire et poétique d’un homme, se cache un projet industriel de grande ampleur, et M. Martin y contribue consciemment ou non. La vérité est donc toute différente et la dénomination a connu une forte résistance.

  • 11 C’est F. Canton, secrétaire général de la marie d’Arcachon et conseiller du maire M. Veyrier-Montag (...)
  • 12 Archives municipales d’Arcachon, registre des délibérations du Conseil Municipal.

16En effet, le 28 décembre 1904, ce sont « MM. Alphonse Bacon, maire de Labouheyre, et Maurice Vigneau, industriel à Mimizan, promoteurs du projet de création d’une route pour automobiles et cycles de Biarritz à Arcachon »11 qui se rendent à Arcachon pour entretenir M. Veyrier-Montagnères des démarches qu’ils ont faites auprès de l’Administration des Eaux et Forêts, des sociétés et des notabilités sportives. M. et Mme Veyrier-Montagnères reçoivent MM. Bacon et Vigneau, à déjeuner, à leur villa Risque-Tout. M. Veyrier-Montagnères les encourage vivement à poursuivre la réalisation de leur projet, qu’il considère comme le plus avantageux pour le développement et l’avenir d’Arcachon et leur promet tout son concours. Le 27 mai 1905, sur proposition de M. Veyrier-Montagnères, le Conseil municipal émet, à l’unanimité, le vœu que l’Etat prenne en sérieuse considération le projet de boulevard-automobile Arcachon-Biarritz, établi par MM. Alphonse Bacon et Maurice Vigneau12.

La préparation et l’inauguration du boulevard promenade

17Le vaste projet de M. Martin et de ses partenaires demande une forte préparation tant sur la plan politique que sur le plan économique et médiatique. Il faut reconnaître le terrain tout d’abord et ensuite lancer la caravane qui doit aboutir au baptême de cette côte gasconne. L’enjeu de cette dénomination est à la fois identitaire et politique pour créer un espace cohérent géographiquement et culturellement et économique pour lancer des innovations au niveau des revêtements routiers. Mais ce processus de dénomination ne se fait pas sans heurts ni résistances. C’est donc avec vingt ans de retard par rapport à la Côte d’Azur et dix ans par rapport à la Côte d’Emeraude que la Côte gasconne entre dans ce processus de dénomination. Elle va aussi permettre de donner une cohérence à un espace dont l’identité reste diffuse et disparate. Cette action médiatique cherche à faire pour la notoriété d’un espace méconnu et ainsi fidéliser une nouvelle clientèle : on peut donc parler d’innovation-produit par M. Martin par la création d’un nouveau produit touristique appelé « Côte d’Argent ».

  • 13 Le Républicain landais, 4 janvier 1905.
  • 14 CANTON F., op. cil.

18Le projet du boulevard atteint une longueur de cent trente kilomètres environ, de vingt mètres de large dont douze mètres de chaussée, cyclable en tout temps. Le coût est diversement estimé selon les sources : cinq à huit millions payés par les sociétés sportives et les droits de péage selon le Républicain Landais13 ; dix à douze millions selon F. Canton14. Le journal montre aussi que le terrain a été préparé aussi bien politiquement avec le soutien du maire d’Arcachon, Jean-Baptiste James Veyrier-Montagnères, que sportivement avec la reconnaissance à cheval du trajet à emprunter. Il s’agit également d’obtenir le soutien de l’Automobile Club bordelais afin de faire entrer la région dans la modernité automobile.

19Alors que les deux Frances, l’une laïque et l’autre fervente, s’opposent à nouveau avec la séparation des Eglises et de l’Etat, en mars 1905, M. Martin lance une caravane à cheval ou en charrette depuis Arcachon pour baptiser ce boulevard, mettre en valeur un patrimoine pittoresque et ainsi marquer la différence de ce littoral. Cette caravane comprend des journalistes parisiens comme Jean Lafitte de l’Echo de Paris, Méry du Gaulois, Wimille du Petit Parisien, Frantz Reichel du Figaro, ML Branger de l’illustration et J. Clair-Cuyot du Monde Illustré, ou bordelais comme Georges Amigues de la France du Sud Ouest ou Joseph Bos du Nouvelliste de Bordeaux, des membres de l’Automobile Club de France.

  • 15 MARTIN M., op. cil.

Illustration 7 : La caravane aux Galouneys entre Arcachon et Biscarrosse15

Illustration 8 : La caravane sur la côte à Biscarrosse

20La caravane s’élance sur les chemins de résiniers qui sont sablonneux. Le voyage est donc difficile et la progression entravée. C’est là qu’au soir du 20 mars, à Mimizan, à l’hôtel Lespès, M. Martin se serait exclamé avec emphase face à la mer :

« La mer
Elle chante, elle aussi, mais sa voix est grave
Devant les horizons l’esprit n’a plus d’entrave
Et je porte en mon cœur ce site à jamais cher
Car c’est là que jadis contemplant ce rivage,
Séduit par les reflets du flot toujours changeant,
Pour la première fois j’ai lu : Côte d’Argent. »

  • 16 MARTIN M., op. cit. et Le triptyque, poèmes de la Côte d’Argent, Paris, Le Beau Livre, 1922.

21ou « Parce que la vague éternelle vient déposer sa frange argentée au pied des dunes immaculées. Parce que l’Atlantique fait sans cesse jaillir comme une blanche et colossale étincelle de son contact avec le vieux monde. Parce qu’enfin il faut un mot image pour mieux fixer l’attention du touriste », selon le poème ou l’ouvrage choisi pour justifier sa création16.

22J.H. Rosny dans l’introduction de l’ouvrage de M. Martin de 1906 justifie lui aussi cette nouvelle dénomination : « Joli ce nom, et si juste pour qui a vu déferler l’Atlantique sur les plages, se liserer d’argent les grandes eaux lumineuses ».

  • 17 FENIE J.-J., L’invention de la Côte d’Argent, Confluences, Bordeaux, 2005, p. 16.

23Une nouvelle fois le nom de la côte vient de la couleur de la mer, ou plutôt des reflets de la mer dans le cas de la Côte d’Argent. Or la presse n’a jamais fait état de ce discours ni même M. Martin qui dans son livre évoque simplement y avoir pensé : « séduit par les reflets du flot toujours changeant / pour la première fois j’ai lu Côte d’Argent ». Cependant actuellement dans l’engouement suscité par le centenaire de la Côte d’Argent, divers auteurs dont J.-J. Fénié17 ou H. Foglia réinventent le discours et le contexte :

« On imagine la scène : un hôtelier empressé et flatté de recevoir du si beau monde, un petit personnel affairé ; dehors, quelques curieux considérant les attelages avec respect, et le vent d’équinoxe [...] Dans un speech bien tourné Monsieur Martin, barbe frémissante et regard malicieux, évoque pêle-mêle les beautés de cette contrée méconnue, les vertus de ce climat côtier que le géographe O. Reclus a lui aussi vantées, le développement de l’automobile, les amateurs de cyclisme ou même ceux qui se risquent au camping comme ce Frantz Reichel par ailleurs adepte du football-rugby et l’action inlassable et bienfaitrice du Touring Club de France. On imagine l’envolée finale « sur les rivages de notre belle Patrie, de même que nous pouvons admirer depuis longtemps la Côte d’Azur de Cannes à Menton, et depuis peu cette magnifique Côte d’Emeraude, de même ne pourrions-nous avoir pour notre littoral de la mer de Gascogne, de Cordouan jusqu’aux feux de Biarritz et de Fontarabie, un nom magnifiquement évocateur, un nom de prestige et d’éclat ? » Le Public : « oui, oui ! Parfaitement. » Maurice Martin « [...] Je vous propose la Côte d’Argent ».

24Or nous ne sommes pas ici pour imaginer mais pour comprendre et rester fidèle à la réalité. Cependant dans sa note 5 de la page 16, J.-J. Fénié évoque une piste bien plus intéressante mais il est malheureusement le seul à citer cet homme : « reprenant un article signé Ch. Bidou et paru en mars-avril 1951 dans Cyclette-Revue, l’érudit landais, René Cuzacq dans un papier de Sud Ouest (malheureusement non daté) fait observer toutefois que ce serait à Georges Amigues, l’un des participants à la caravane de mars 1905, que l’expression Côte d’Argent serait due... Georges Amigues trouva la mort dans un accident lors de la Coupe Automobile de Presse en 1907 ».

25Tout au long de l’expédition des personnalités locales servent de guides à la caravane.

26De fait, dès la fin de l’expédition la presse locale en fait peu état. Maurice Martin va alors construire la légende et l’opération marketing. C’est la presse nationale comme Le Figaro ou Le Petit Parisien qui prend le relais : le nom Côte d’Argent allait rester gravé dans les mémoires. C’est l’invention de cette côte gasconne même s’il est fort probable que M. Martin enjolive a posteriori ses discours. Il est certain aussi que tout était préparé par avance pour jouer un « coup médiatique » : l’homme est doté d’un sens de la communication aigu qui permet de faire sensation auprès des journalistes de la presse nationale et régionale présents sur la caravane pour couvrir l’événement.

27Cette caravane n’a pas marqué les esprits mais elle démontre déjà la volonté de créer une unité touristique complète. Et cela d’autant plus que c’est une période charnière d’institutionnalisation du tourisme et de désir du rivage. Derrière le plaisir se cachent les affaires.

  • 18 Le Républicain Landais, 10 novembre 1905 et MARTIN M., op. cit.

28Une deuxième caravane a lieu, celle-ci est souvent oubliée, du 26 au 31 octobre avec le soutien du Touring-Club de France18. Puis M. Martin sort son livre, La Côte d’Argent, d’Arcachon à Biarritz, en 1906 qui évoque les deux caravanes et fait l’éloge de la région à travers le triptyque régional qui constitue son identité. Il s’adjoint le concours de Rosny Jeune, membre fondateur de l’Académie Goncourt, qui lui écrit sa préface et qui s’installe à Hossegor. L’appellation « Côte d’Argent » devient alors le synonyme de liberté, de nature et de calme réparateur mais aussi de sport dit élégant.

  • 19 A.D.L. ; carte exposée extraite du Panorama du littoral de la Gascogne de Royan à Biarritz, par J. (...)

Carte 5 : Le projet de boulevard entre Arcachon et Biarritz19

Les résistances à la dénomination

  • 20 CANTON F, op. cit.

29Tout d’abord, les résistances sont, pourrait-on dire, politiques : le Touring Club de France s’est très vite désolidarisé de M. Martin car son projet ne correspond pas à la politique de valorisation du tourisme pour la petite bourgeoisie encouragée par le T.C.F. De plus, le 30 octobre 1905, M. Veyrier-Montagnères, apprenant que le ministre de l’Agriculture a refusé à MM. Bacon et Vigneau l’autorisation de continuer les études du tracé de la route automobile à travers les forêts domaniales de la côte de Mimizan à Biarritz, les études d’Arcachon à Mimizan ayant été faites sous la direction de M. Arnaudin, architecte à Arcachon, adresse à M. Cazauvieilh, député, une lettre le priant d’intervenir d’urgence auprès du Ministre pour que satisfaction soit donnée à MM. Bacon et Vigneau20. Mais cela n’a aucun effet.

  • 21 A.D.L., recueil microfilmé de coupures de presse d’Henry Léon propriétaire de la Gazette de Biarrit (...)

30Ensuite les résistances sont aussi identitaires. Le projet de Maurice Martin est rejeté immédiatement par les Charentais et par les Basques : il lui faut donc revoir ses ambitions face aux fortes identités locales. Entre 1905 et 1907, a lieu une grande bataille idéologique entre auteurs locaux et nationaux sur le nom de Côte d’Argent21. Certains y voient un nom imposé par le haut, sans véritable base locale. D’aucuns veulent la baptiser côte verte, dorée ou argentée...

  • 22 Pyrénées Océan, « Vive la Côte d’Argent », 22 juillet 1906.
  • 23 Pyrénées Océan, « Vive la Côte d’Emeraude », 22 juillet 1906.
  • 24 Pyrénées Océan, « La Côte d’Argent », 5 août 1906.

31Un recueil de coupures de presse composé par Henri Léon, propriétaire de la Gazette de Biarritz, entre 1906 et 1907 permet de trouver les causes et les enjeux de la polémique qui entoure la dénomination de la Côte d’Argent. Le débat est d’abord né dans la revue Pyrénées Océan, de Tarbes. Paul Mieille, journaliste à Pyrénées-Océan, écrit : « Vive la Côte d’Argent »22. Il loue la beauté des sites depuis les rochers jumeaux d’Hendaye jusqu’aux grandes plages blondes d’Arcachon. Il compare la Côte d’Argent, la méconnue, à la célébrissime Côte d’Azur. Le capitaine Emile Rayssé proteste et propose plutôt : « Côte d’Emeraude »23. Paul Mieille répond le 5 août : « Il faut frapper l’imagination toujours simpliste des foules par un vocable sonore, énergique. D’ailleurs, Côte d’Emeraude, c’est la côte de la verte Erin »24. « Vive la Côte d’Emeraude », insiste E. Rayssé.

32Puis Charles du Pouey, de la Gazette de Cauterets, publie un poème dans la Gazette de Biarritz, favorable à l’appellation Côte d’Argent contrairement à Henry Léon directeur du journal en réponse à Paul Mieille :

  • 25 La Gazette de Biarritz, « Verte ou d’argent ? A Paul Mieille », 30 septembre 1906.

Faut-il l’appeler Côte verte ?
Ou bien dire Côte d’Argent ?
Grave conflit qui déconcerte,
Problème ardu, décourageant.
Entre les deux mon cœur balance ;
Changeant comme caméléon,
Pour Mielle si je brise lance
Je crains l’ire d’Henry Léon.
Pour clore ce gros casse-tête
Veuillez le soumettre au Congrès.
Avant de suggérer, en post-scriptum : « Côte argentée, Côte dorée »
25.

  • 26 L’Auto-journal, « L’Azur, l’Emeraude et l’Argent », décembre 1906.
  • 27 La Gazette de Biarritz, 16 novembre 1906.

33Pierre Guiffard semble clore le débat puisqu’il y montre que cela forme une « trilogie commerciale parfaite »26. E. Seitz propose même : « et pourquoi pas Côte Martin ? »27. Ce dernier point montre bien l’influence de Maurice Martin dans le baptême de cette côte gasconne.

34Le comte Henry Russell, pyrénéiste reconnu, dans un article intitulé « Côte d’Emeraude » dans Pyrénées Océan d’avril 1907, relance le débat même si le nom est déjà pris par une partie de la côte bretonne.

35Ce débat est en fait un débat identitaire : peut-on nommer de la même manière les Girondins, les Landais et les Basques alors qu’ils sont différents et que le littoral n’est pas le même entre les plages plates et de sable fin et les côtés rocheuses et verdoyantes du Pays Basque ? Peut-on vraiment réunir les deux rivales ayant eu la bénédiction de l’empereur Napoléon III et de sa femme Eugénie, Arcachon et Biarritz ?

  • 28 Biarritz thermal, « Biarritz-Côte basque ou Côte d’Emeraude ? », 5 mai 1907.

36Ainsi dans Biarritz Thermal, Marie Dumangin conteste le nom et le procédé : « On veut que nous, pays basque, vert, ensoleillé, superbe, nous nous humiliions à prendre un nom choisi par Bordeaux et les Landes plates de la Gironde »28.

37Et donc très vite, il y a scission du projet : la côte des Landes de Gascogne peut prendre le nom de Côte d’Argent et la Côte basque garder son nom. Cependant dans son ouvrage, Comment visiter la Côte d’Argent, en 1930, M. Martin persiste et signe :

  • 29 MARTIN M., Comment visiter la Côte d’Argent ? En chemin de fer, en auto, à bicyclette, Bordeaux, 19 (...)

« La Côte d’Argent est la dénomination pittoresque du littoral atlantique qui s’étend de l’embouchure de la Gironde à celle de la Bidassoa, de Royan à Hendaye.
L’auteur de ses lignes innova ce vocable le 20 mars 1905, au cours d’un banquet qui eut lieu à l’hôtel Lespès, à Mimizan Plage (Landes). [...] Deux ans après, en 1907, la Congrès national des Sociétés de Géographie consacrait officiellement l’adoption de ce vocable selon les limites géographiques ci-dessus. Il comprit l’utilité de parfaire la trilogie Côte d’Azur – Côte d’Emeraude – Côte d’Argent, de créer notamment, pour le Midi français, une analogie réclamiste avec la fameuse Côte d’Azur [...] mais qui, cependant, possède, à l’autre extrémité de la France méridionale, une sœur digne d’elle, pour si différente d’aspect qu’elle soit.
[...] Elle se compose en trois parties : Côte d’Argent girondine, Côte d’Argent landaise, Côte d’Argent basque, de même qu’il existe au sud-est la Côte d’Azur varoise à côté de la Côte d’Azur niçoise.
La côte girondine, la côte landaise et la côte basque ne sont donc, que des parties de la Côte d’Argent proprement dite, qui demeure une et indivisible dans l’intérêt même du Sud-Ouest »
29.

38Enfin les résistances sont économiques. Le procédé de mastic Vigneau n’a pas convaincu face au macadam, et le boulevard ne voit jamais le jour.

L’adoption de l’appellation Côte d’Argent par les acteurs économiques

Illustration 9 : Une carte postale de 1909 avec la mention « Côte d’Argent »

(Archives Municipales d’Arcachon)

Illustration 10 : Un hôtel de Moliets et Maa prenant l’appellation « Côte d’Argent »

(Archives Départementales des Landes)

  • 30 Cf. les illustrations ci-dessus.

39Mais dès 1906, la puissante compagnie de chemin de fer régional, la Compagnie du Midi adopte l’appellation ce qui lui donne une certaine renommée, les éditeurs de cartes postales apposent le nom Côte d’Argent sur leurs marchandises et des hôtels se baptisent de ce nom30. Ces différentes cartes postales véhiculent une certaine image et donc une certaine identité du littoral qui se diffuse alors rapidement.

  • 31 CANTON F., op. cil.

40Le 22 décembre 1906, M. Veyrier-Montagnères assiste, à Paris, avec M. Forsans, maire de Biarritz, au banquet de la Chambre syndicale du Cycle et de l’Automobile, présidé par M. Doumergue, ministre du Commerce. M. Darracq, président de la Chambre syndicale, proclame « l’utilité de l’établissement d’une route tout le long du golfe de Gascogne, entre Arcachon et Biarritz, les deux grandes stations estivales et hivernales du Sud-Ouest, dont la sportive région de Bordeaux est le centre »31 .

  • 32 Congrès National des Sociétés Savantes de Géographie, juillet 1907.

41En juillet 1907, le Congrès National des Sociétés Savantes de Géographie adopte définitivement le terme de Côte d’Argent qui donne une identité globale au littoral contre les particularismes basques puisque sa décision est de « propager par tous les moyens l’adoption du vocable Côte d’Argent, qui englobe l’ensemble géographique et varié des cités royannaise, médocaine, landaise et basque »32.

42Ainsi la trilogie Azur / Emeraude / Argent était-elle scellée dans le marbre des temps. D’autant plus que les syndicats d’initiative qui naissent ensuite comme celui d’Arcachon créé en 1905, de Dax en 1909 font apparaître sur leurs dépliants le nom de Côte d’Argent pour attirer dans la région les touristes, les baigneurs et les hivernants dans l’intérêt du commerce et de l’industrie.

43En avril 1913, le maire d’Arcachon, M. Veyrier-Montagnères, fait adopter, par le Conseil général de la Gironde, un vœu tendant au classement dans le réseau des routes nationales, de la route dite des grands lacs de la Côte d’Argent.

44Cette démarche menée par M. Martin aboutit à la définition d’une identité commune du littoral à travers un nom, la Côte d’Argent. Ainsi le littoral tire-t-il avantage de se définir comme une côte, comme un ensemble identifié et identifiable, plutôt que comme une simple succession de stations indépendantes.

45Malgré la Grande Guerre, ses morts et ses blessés, le tourisme reprend son cours et le nom de Côte d’Argent n’est pas perdu. Il n’est pas une carte postale de la côte landaise qui, dans l’entre-deux-guerres, ne porte la mention « Côte d’Argent » qui a parfois été rajoutée à la hâte sur les derniers tirages.

46De nombreuses communes vont baptiser des rues Côte d’Argent, souvent celles qui ont été traversées par la caravane. Le nom est donc admis, il devient un symbole d’identité, d’appartenance à un ensemble commun. De fait, une page de l’histoire économique des Landes et de la Gironde se tourne, celle de la tranquillité. L’introduction du tourisme bouleverse le mode de vie landais décrit par Félix Arnaudin. Et la guerre n’interrompt absolument pas le mouvement.

47Le nom est donné mais jamais ce boulevard ne voit le jour sous la forme prévue. En effet, en 1929, la route n° 132 devient une nationale à vocation touristique et est appelée « route des lacs ». C’est un grand échec industriel mais c’est une très bonne campagne de publicité pour la région. En effet, la grève des résiniers landais en 1906- 1907 traduit la crise économique et les tensions sociales de l’époque. Il est alors important de chercher une nouvelle activité économique motrice.

De la forêt et des forges à la plage ? Une économie régionale en crise et à la recherche d’un second souffle (1914-1945)

48Dans l’entre-deux-guerres, l’économie landaise entre en mutation : son économie archaïque cherche à s’adapter à la modernisation de l’économie française notamment agricole. Cette mutation ne se fait pas sans heurts, modifie les paysages de la région et occupe une place plus importante que le tourisme qui ne trouve pas l’élan nécessaire pour se développer davantage.

49Il est important de voir dans quel contexte économique peut s’insérer le tourisme. En effet, le tourisme est une activité sociale dépendante de l’économie et notamment du pouvoir d’achat des différentes classes sociales. Ainsi la mutation économique que connaît la région dans l’entre-deux-guerres même si le tourisme reste minoritaire permet aussi le développement du tourisme en favorisant l’émergence de nouvelles catégories sociales mais aussi en permettant la recherche d’acticités complémentaires dans le cadre d’une crise économique.

La guerre, frein au développement balnéaire ?

50La déclaration de guerre de l’Allemagne à la France a lieu le 3 août 1914 en plein milieu de la saison. Les touristes présents doivent alors rentrer en raison de l’ordre de mobilisation. Les stations se vident et la saison est perdue pour les professionnels du tourisme.

51Rapidement après le début des hostilités, Paris est menacée et le gouvernement vient s’installer à Bordeaux, non loin de la Côte d’Argent. Puis les nombreuses villas du littoral de la Côte d’Argent vont accueillir une population importante fuyant les zones de combat du Nord et de l’Est de la France. Ces gens venus du Nord et de l’Est de la France découvrent alors un rivage et une région inconnus. Cet exode, pour douloureux qu’il soit, a le mérite d’être éducatif et un certain nombre de ces exilés reviennent sur ces côtes en raison des souvenirs qu’ils y ont gardés.

  • 33 Sud Ouest, « Lacanau loin de la bataille », mardi 8 août 2006.

52Durant l’été 1916, la bataille de Verdun fait rage avec son lot de morts, et pourtant en Gironde, l’été se déroule quasi normalement : les stations accueillent les heureux vacanciers. La Petite Gironde relève « c’est un enchantement qui tient un peu du prodige, en ce temps de guerre, que de trouver ici toujours du monde. [...] Et le dimanche c’est une fête pour les yeux : les garages sont pleins, les hôtels le sont plus encore »33. En fait, les familles et la clientèle élégante viennent y chercher la paix et l’oubli face à l’océan.

  • 34 CLEMENS J., Le bassin d’Arcachon, Coll. Mémoire en images, ed. Sutton, Tours, 1997, p. 113.

53Cependant les activités touristiques sont perturbées par des dysfonctionnements des infrastructures logistiques de l’économie touristique : la crise des transports ferroviaires et la réquisition des hôtels. Les hôtels et villas sont occupés ou réquisitionnées par les gens en exil, par l’administration militaire. Les écoles, sanatoriums et casinos sont transformés en hôpitaux militaires auxiliaires c’est le cas du casino d’Arcachon. De plus, de mars 1916 à octobre 1917, 20 000 tirailleurs sénégalais provenant de toute l’Afrique Occidentale Française sont installés sur le Bassin puis en 1917 arrivent 8 000 Russes et en 1918, 15 000 soldats étatsuniens34. De plus, la guerre provoque une désorganisation du transport ferroviaire avec la suspension de certaines lignes ou les restrictions de parcours.

  • 35 Archives Nationales 78 AQ 5 à 11.

Tableau 1 : Trafic voyageurs des stations d’Arcachon et Biarritz entre 1913 et 191835

Station

Trafic voyageurs en 1913

Trafic voyageurs en 1918

Arcachon

690 000

522 000

Biarritz

358 000

304 000

54On constate donc un recul assez modéré du trafic touristique : environ 25 % pour Arcachon. La crise du secteur touristique est donc limitée en raison de l’éloignement de la zone de conflit et de la proximité de l’Espagne.

55A cela s’ajoute le dysfonctionnement des Syndicats d’Initiative (S.I.). Par exemple, le S.I. d’Arcachon connaît des difficultés financières en raison de la diminution de ses effectifs et la suppression des indemnités du Conseil Général de la Gironde.

56La fin de la guerre avec la signature de l’armistice le 11 novembre 1918 est accueillie comme un soulagement.

Le déclin de l’arbre d’or et des forges

57Au cours de la courte période de l’entre-deux-guerres, on enregistre des records de production pour la gemme et pour le bois ; on assiste aussi à une flambée des cours. La population locale s’enrichit donc mais n’a pas de temps à consacrer aux loisirs. Les propriétaires fonciers gagnent pour l’instant plus à développer leur production qu’à se tourner vers le tourisme.

  • 36 Collectif, Le Groupe Gascogne, Une aventure industrielle née de la forêt (1925-2000), 2 volumes, Ed (...)

58Cependant, le commerce de produits ligneux et résineux n’est pas à l’abri de fluctuations importantes et de menaces diverses. La crise des années Trente et les difficultés des industries traditionnelles à s’adapter viennent frapper de plein fouet la forêt landaise. La diversification des usages du bois passe par de nouveaux marchés : l’explosion du prix de la pâte à papier fait éclore des papeteries : les Papeteries de Gascogne à Mimizan en 192736, les Papeteries Landaises à Roquefort en 1928 détenues par le Groupe Saint Gobain.

59La période du Front Populaire dans les Landes de Gascogne prend une coloration particulière entre espoir et peurs. En effet, face à la crise économique que connaît la région, le rassemblement des forces de gauche apporte une certaine euphorie populaire. Mais déjà les bruits de bottes se font ressentir lors du bombardement de Guernica et la crainte d’un nouveau conflit mondial imminent secoue les Landes de Gascogne.

60Déclenchée par le fameux krach boursier d’octobre 1929 à New York, le « jeudi noir », la crise économique mondiale se répand rapidement à l’ensemble du monde. Elle gagne la France avec un certain retard à partir de l’automne 1931.

  • 37 Les métayers comme les gemmeurs sont exclus de la propriété privée, n’ont pas le statut d’ouvriers (...)
  • 38 Sud Ouest hors série de mai 2006, Un été 1936, p. 2-9 ; DUPUY F., Le pin de la discorde, les rappor (...)

61Dans les Landes, les Forges de l’Adour, principal centre industriel du département situé à Tarnos et à Boucau, sont fortement touchées par la crise. L’agriculture n’est pas épargnée : le maïs et le vin ne trouvent plus preneurs sur le marché international, car leur prix est trop élevé. Les produits de l’élevage sont rapidement frappés par la crise : les consommateurs, dont les revenus chutent, réduisent leurs dépenses et n’achètent plus de viande ni de lait et s’offrent encore moins de loisirs. Dans les Landes de Gascogne, la production de lait a une grande importance pour les métayers, car ils reçoivent l’intégralité des bénéfices ce qui représente donc un revenu complémentaire important. Plus généralement, c’est l’ensemble de l’activité résinière qui est touchée, puisque le cours de la gemme connaît, depuis 1926, une baisse constante. La colère monte ainsi depuis plusieurs années chez les gemmeurs, irrités de voir chuter leurs revenus et de voir maintenues les conditions du partage de la récolte37 : ils sont ainsi de plus en plus nombreux à réclamer un nouveau statut, plus proche de celui des ouvriers, qui mettrait fin aux archaïsmes du système des métayages. Cette dégradation contribue à l’exode des jeunes ou de métayers découragés. La crise est donc à la fois structurelle et conjoncturelle38.

62La crise économique se traduit dans l’ensemble de la société par une crise sociale et politique profonde. Les revenus et la situation sociale des classes moyennes urbaines et rurales se détériorent, ainsi que celle de la très grande majorité des salariés. C’est un malaise plus profond qui apparaît avec le déclin du mode de vie rural. De plus toutes les catégories sociales sont touchées par la crise et notamment ces classes aisées et moyennes urbaines qui profitaient de leur temps libre pour prendre des vacances sur le littoral, et donc le littoral est touché par une baisse de fréquentation. Il ne faut pas négliger non plus que le tourisme est un phénomène urbain, qui s’exerce dans des stations qui copient les plus grands villes et donc qu’il contribue à cette crise du monde rural.

  • 39 Le 11 février 1934, un meeting réunit 2 000 gemmeurs à Soustons. La manifestation du 18 mars 1934 e (...)
  • 40 A.D.L., élections des 26 avril et 3 mai 1936.
  • 41 A.D.G., 3 M 287-290 : Elections des 26 avril et 3 mai 1936.

63La crise, les grèves des années 1934-3539 et le développement du syndicalisme sylvicole ont préparé le terrain à la victoire des forces de gauche en 1936. Le Front Populaire, rassemblant les radicaux, les socialistes et les communistes, sort vainqueur des élections législatives des 26 avril et 3 mai 1936 avec environ 380 élus. Lors de ces élections, les Landais envoient à la Chambre trois députés radicaux et un député socialiste, comme pour la précédente législature : le docteur Bezos (radical-socialiste) est réélu malgré la mise en ballotage par Charles Lamarque-Cando (socialiste), tout comme Antoine Dubon (« Républicain socialiste »), Robert Lassalle (radical socialiste) est lui aussi réélu, Pierre Fully remplace Pierre Deyris, qui ne se représente pas40. En Gironde, le parti de Léon Blum obtient 3 sièges : Fernand Audeguil, André Naphle et Gaston Cabannes sont élus députés, 4 sièges vont aux socialistes dissidents du Maire de Bordeaux, Adrien Marquet (l’un des élus, Luquot revient à la S.F.I.O. en février 1937), 2 aux radicaux et 4 à la droite41.

  • 42 Les patrons se souviennent des grandes et difficiles grèves de 1930 et négocient très rapidement.

64Immédiatement après la victoire du Front Populaire, une immense vague de grèves se répand sur tout le pays avec occupation d’entreprises. Le département des Landes reste toutefois à l’écart de ce mouvement, puisque les travailleurs des Forges de l’Adour, ne font grève qu’une journée, obtenant immédiatement la satisfaction de leurs revendications42. De plus, les grèves ont lieu après la signature des Accords de Matignon pour obtenir leur application.

  • 43 A.D.G. 6 M 1098, O.N.I.B. (1936-1940). Le rôle attribué à cet organisme est de fixer le prix et les (...)
  • 44 Comme à l’échelle nationale, ce comité regroupait l’ensemble des professions concernées par le marc (...)

65La politique du nouveau gouvernement repose sur l’idée keynésienne que la relance économique passe par un soutien à la consommation et donc par une consolidation des salaires et de la situation sociale des travailleurs salariés et des paysans. C’est dans ce cadre qu’est décidée la création d’un Office National Interprofessionnel du Blé (O.N.I.B.)43. La loi créant l’O.N.I.B. est promulguée le 15 août 1936. Le 18 août, la Chambre d’Agriculture des Landes se réunit en session extraordinaire, pour mettre en place le Comité départemental de l’O.N.I.B.44. Le prix du quintal de blé est alors augmenté. Ces mesures en faveur de l’agriculture ont des conséquences immédiates sur la situation économique des paysans, qui voient leurs revenus augmenter rapidement. L’augmentation du prix du blé a également des répercussions sur les autres produits agricoles, comme le vin et le maïs.

  • 45 « Syndicalisme et luttes en terre landaise (1905-1950) » in Aperçu d’histoire sociale en Aquitaine (...)

66Au printemps 1937, une série de manifestations importantes a lieu dans le sud de la France. Dans les Landes, les métayers-gemmeurs lancent une grande grève au début de la campagne 1937. Ils tentent notamment d’obtenir l’application à leur profession des accords de Matignon et une revalorisation de leur statut et de leur revenu. Les métayers-gemmeurs landais attendent ainsi en vain jusqu’en 1939 le vote de la loi, qu’ils appellent pourtant de leurs vœux depuis plusieurs dizaines d’années, modifiant le statut du métayage45.

  • 46 RAUCH A., op. cit., p. 97 et p. 100.

67L’autre mesure emblématique du Front Populaire est la création des quinze jours de congés payés par le ministre Léo Lagrange qui prévoit de payer les salariés pendant leurs vacances mais aussi des billets de train gratuits. Cependant, dans les Landes de Gascogne, cette mesure n’est vraiment effective qu’après-guerre. Comme le note A. Rauch, « la loi sur les congés payés n’occupe dans l’histoire des vacances qu’une place symbolique à bien des égards » surtout car « la majorité des salariés ne parvient pas à occuper et à penser le temps hors du travail »46 et car même si ces quinze jours sont payés, la majorité des travailleurs n’ont pas fait les économies nécessaires pour payer le déplacement, la location et tous les à-côtés.

68De fait, un énorme décalage existe entre les Landes intérieures, celle des résiniers, des métayers, des villageois, qui vivent encore comme avant la Première Guerre mondiale et les Landes littorales, celle des touristes, des urbains, souvent faites d’élégance et de modernité. Deux mondes qui se croisent sur les routes littorales, qui cohabitent tant bien que mal. Mais le tourisme reste un phénomène local limité temps que l’économie agro-sylvicole reste dominante, temps que « l’arbre d’or » domine le sable doré de la plage. Mais les premières fissures sont apparues et sont accentuées par la guerre qui éclate en 1939.

L’insuffisante mise en valeur de la ressource touristique

  • 47 Ministère de la Guerre, Comité consultatif d’action économique de la 18ème région. Enquête sur la r (...)

69Après le retentissant baptême de la Côte d’Argent par Maurice Martin, on aurait pu croire qu’aller naître chez les responsables politiques une réelle volonté d’aménager le potentiel touristique de la Côte d’Argent. Or en 1917, le ministère de la guerre constate l’insuffisance de l’offre touristique47 : seules les grandes stations, Soulac, Lacanau, Arcachon, Biscarrosse, Mimizan, Vieux Boucau et Hossegor-Capbreton, sont accessibles aussi bien par route que par rail. L’Etat a-t-il la volonté de définir une politique touristique à travers sa législation ? Donne-t-il aux stations les moyens de s’en sortir ?

70Les pouvoirs publics tels les municipalités ou l’Etat ont pris conscience dans une certaine mesure de l’importance du tourisme dans le développement régional. Mais leurs actions sont surtout de laisser-faire les initiatives privées des lotisseurs et des spéculateurs.

71Il faut tout d’abord rappeler quelques éléments de mise en place d’une législation touristique avant guerre. Sous la IIIème République, naît le ministère du Tourisme dans le giron du ministère des Travaux Public, fief des ingénieurs des Ponts et Chaussées, ce qui associe donc forcément le tourisme à la construction de stations et d’infrastructures.

  • 48 Article 1er de la Loi du 15 juin 1907, Journal Officiel, 16 juin 1907.

72La loi du 15 juin 1907 sur les jeux stipule que « par dérogation à l’article 410 du Code Pénal, il pourra être accordé aux cercles et casinos des stations balnéaires, thermales ou climatiques, l’autorisation temporaire, limitée à la saison des étrangers, d’ouvrir au public des locaux spéciaux, distincts et séparés où seront pratiqués certains jeux de hasard »48. Les casinos sont donc dans une situation plus régulière après la loi interdisant les jeux de hasard de 1885.

  • 49 Article 1er de la Loi du 13 avril 1910, Journal Officiel, 15 avril 1910.

73En 1910, Millerand, par la loi de finances du 8 avril 1910, crée l’Office National du Tourisme (O.N.T.) et le Conseil Supérieur du Tourisme, toujours rattachés au ministère des Travaux Publics, pour étudier les moyens de développer le tourisme, de centraliser et de diffuser les renseignements disponibles. Puis vient la loi du 13 avril 1910 qui prévoit le classement et la perception éventuelle d’une taxe de séjour dans les stations hydrominérales et les stations climatiques, définies comme « des communes qui offrent aux malades et aux visiteurs leurs avantages climatiques »49. Or seule Arcachon et Mimizan sont classées stations climatiques sur la Côte d’Argent, donc cette loi n’a que peu d’impact pour le tourisme dans la région.

74L’Etat intervient tardivement pour maîtriser le développement urbain. La loi Cornudet du 14 mars 1919 (modifiée et complétée le 19 Juillet 1924) joue un rôle décisif pour les plans d’extension et d’aménagement des villes d’eaux. La loi prévoit l’obtention d’un label pour les « stations balnéaires, thermales et touristiques ». Les communes érigées en stations de climat, de bains ou de promenade doivent se doter d’une « chambre d’industrie thermale, climatique ou touristique » désignée par l’administration, qui seconde la municipalité.

  • 50 Article 10 de la Loi du 24 septembre 1919, Journal Officiel, 26 septembre 1919.

75La loi du 24 septembre 1919 est plus importante car non seulement elle rend la perception de la taxe de séjour obligatoire ce qui donne un budget supplémentaire pour des opérations d’embellissement et d’aménagement des stations mais encore car elle crée une nouvelle catégorie de station, la station de tourisme, offrant « aux visiteurs un ensemble de curiosités naturelles ou artistiques »50. Un fonds commun aux stations hydrominérales, climatiques et de tourisme est créé : 25 % de la taxe additionnelle perçue par les stations hydrominérales et climatiques est reversé à ce fonds et les 75 % restant ou l’intégralité pour les stations de tourisme sont versés à l’O.N.T. En 1935, l’O.N.T. devient Commissariat Général au Tourisme, au Thermalisme et au Climatisme qui est chargé du contrôle, du classement, de l’information et de la promotion du tourisme. Cependant une nouvelle fois, la loi n’a que peu d’effet sur la Côte d’Argent car dans un premier temps, peu de stations sont classées.

76L’article 172 de la loi de finances du 30 juin 1923 et le décret du 30 novembre 1923 ont institué le Crédit National hôtelier pour faciliter et développer le tourisme en France. Composé d’actionnaires privés et d’un délégué du gouvernement, le Crédit Hôtelier aide financièrement les opérations de construction et de modernisation des hôtels.

  • 51 ELUERE A., « Notes sur le développement urbain et touristique des Landes » in Urbanisme, janvier 19 (...)

77Le gouvernement Laval prend une série de décrets-lois entre juillet et décembre 1935. Parmi ceux-ci figure celui du 25 juillet qui crée les projets régionaux d’urbanisme. Il s’agit de planifier par le moyen de l’urbanisme et de lutter contre les gaspillages des dépenses publiques. Ce décret-loi prévoit l’extension des dispositions de la Loi Cornudet de 1924 à des groupements de communes formant une entité urbaine propre. Avant 1940, quatorze regroupements régionaux se sont formés. A. Eluère cherche donc à étendre son expérience hossegorienne à la côte landaise et devient l’inspirateur d’un groupement régional d’urbanisme des lacs landais et du bas Adour. Ce regroupement doit rassembler toutes les communes littorales en incluant Dax. Il est officialisé par le décret du 15 octobre 1936. Le programme est le même qu’à Hossegor : équipement routier, implantation d’équipements et de colonies de vacances pour assurer « réconfort et regain de santé aux déshérités des rues sans verdure ni soleil »51. Il retrouve son esprit visionnaire saint-simonien d’allier la modernisation des Landes tout en préservant son identité et ses traditions. Cette première tentative de politique globale de planification et d’urbanisme touristique est arrêtée net par le second conflit mondial.

78Par la suite la loi du 3 avril 1942 crée les stations balnéaires, de sports d’hiver et d’alpinisme. Les stations balnéaires sont les communes qui offrent des avantages tels que des ressources balnéaires ou maritimes résultant de leur situation géographique.

Tableau 2 : Les principales stations climatiques

Date de classement en station climatique

Mimizan
Arcachon
Soulac
Soorts-Hossegor
Andernos les Bains

10 juillet 1913
8 juillet 1914
21 janvier 1925
17 février 1930
22 mai 1954

79Sur ce tableau, on remarque que la première station classée de la Côte d’Argent en est « la perle », Mimizan, qui est consacrée huit ans après le baptême suivi par Arcachon, le joyau de la Compagnie du Midi. Ainsi dans les années Trente, sur la vingtaine de stations du littoral, seules cinq sont classées pour leurs vertus climatiques et trois pour leurs vertus balnéaires.

80L’Etat met en place certains cadres économiques et financiers pour exploiter la ressource touristique mais leur résultat est limité sur la Côte d’Argent. Il n’a donc pas vraiment mis en place de structure organisationnelle.

L’institutionnalisation des acteurs touristiques de la Côte d’Argent

81Face à ce désintérêt de l’Etat pour coordonner une véritable politique touristique régionale, différents acteurs se regroupent pour se concerter et agir avec plus de poids.

  • 52 D’après le site internet de l’Automobile Club des Landes http://www.automobileclub-landes.org

82Ainsi, dans l’entre-deux-guerres, une nouvelle phase de mise en valeur du capital touristique se prépare et les différents acteurs du développement touristique mettent en place des structures de coordination et de coopération entre eux. En effet, les associations comme le Touring Club de France créé en 1890, qui a participé au baptême de la Côte d’Argent, développe des sections locales en Aquitaine pour promouvoir le tourisme régional. L’Automobile Club de France a créé aussi des sections en Gironde et dans les Landes pour aider à la construction de route, au balisage... L’Automobile Club des Landes-Côte d’Argent est créé officiellement le 3 octobre 1926 à l’initiative du Baron de Marcy et de quelques notables. Son but est le développement de l’automobile. Le siège se situe 38 rue Victor Hugo à Mont de Marsan, avec le siège du Syndicat d’initiative ce qui montre une certaine interdépendance des deux structures et la volonté de rapprochement et de concertation. L’Automobile Club des Landes-Côte d’Argent organise des circuits de régularités, des épreuves de consommation, des épreuves de kilomètre lancé et des Concours d’Elégance, avec déjà un regard sur les modifications à apporter au réseau routier dans les zones les plus dangereuses52.

83Les acteurs économiques comme les hôteliers, les éditeurs de cartes postales ont bien mesuré le profit que peut leur apporter le développement touristique. Cependant, une grande partie des propriétaires fonciers du littoral sont plus attachés au travail du bois, gemme puis bois de trituration, qu’au développement de l’accueil des touristes.

  • 53 A.D.L. 1 M 268, lettre du ministre des travaux publics et des transports à M. le Préfet des Landes, (...)

84Dans une lettre du 8 août 1917, le ministre des travaux publics et des transports, G. Desplas écrit au préfet des Landes à propos des mesures à prendre en vue du développement de l’industrie touristique après la guerre53. Dans le cadre de la création de l’O.N.T., il rappelle « le concours précieux que doivent lui apporter les syndicats d’initiative, auxiliaires indispensables de la grande œuvre entreprise » et de finir par « il y a tout bien de penser que les Conseils Généraux, les municipalités et les chambres de commerce les plus intéressées au développement de l’industrie touristique tiendront à s’associer à cet effort en dotant de leur côté aussi largement que possible les syndicats d’initiative. (...) Vous voudrez bien insister auprès d’elle pour que les anciennes subventions accordées soient renouvelées et même augmentées si possible. Cet effort financier ne manquera pas d’ailleurs d’être utile à l’industrie et au commerce de votre département qui ne peuvent qu’en recueillir de fructueux résultats ». Il faut noter que le T.C.F. a été associé à cette initiative. On ne peut que remarquer la volonté de créer un effet d’entraînement sur l’économie régionale et donc le souci de développement local lié au tourisme qui commence donc à être pris en compte d’un point de vue économique.

  • 54 Dans le chapitre suivant, nous reviendrons sur leur rôle dans la croissance touristique.
  • 55 Il faut souligner le débat pour savoir quel organisme a été le premier syndicat d’initiative. Le sy (...)
  • 56 Cet homme est le créateur quelques temps après du SI de Bordeaux. Archives des S.I. de Bordeaux et (...)
  • 57 LARIQUE B., L’économie du tourisme en France des années 1890 à la veille de la Seconde Guerre mondi (...)
  • 58 Archives Municipales de Mimizan, Archives du S.I., fondation du S.I.
  • 59 Archives du S.I. de Biscarrosse, fondation du S.I.

85Durant ces Années Folles, l’institutionnalisation du tourisme se poursuit avec la création de groupements privés pour exploiter et mettre en valeur le tourisme dans leur zone d’influence. Les syndicats d’initiative54 de la région suivent l’exemple de celui de Grenoble créé en 188955. Le premier S.I. de la région est celui d’Arcachon fondé en 1905 par Alfred de Gaulne, grand propriétaire viticole bordelais56 : il est le seul organisme de ce type sur la Côte d’Argent à la veille de la Première Guerre mondiale parmi les 350 que compte la France57. Celui de Mont de Marsan en 1923, de Mimizan58, Léon et Capbreton en 1924, Hossegor en 1933 et Biscarrosse59 en 1934 voient le jour pour informer et attirer le touriste. Et les publications de ces syndicats ou de leur union départementale reprennent toutes en chœur cette appellation Côte d’Argent ce qui prouve son enracinement progressif. On peut constater grâce aux cartes suivantes, tirées des études de Bertrand Larique, que le Sud Ouest est l’une des zones qui concentre le plus de S.I. dans les années d’entre-deux-guerres.

  • 60 Archives du S.I. de Bordeaux.

86La Fédération des Syndicats d’initiative d’Aquitaine et de la Côte d’Argent voit le jour en 1908 sous l’impulsion des S.I. de Bordeaux et d’Arcachon et de leur président A. de Gaulne60. En effet, les S.I. demandent à adhérer à la Fédération du Sud Ouest mais les syndicats pyrénéens refusent. Ainsi nait cette nouvelle fédération qui étale sa zone d’influence sur la Charente inférieure, la Gironde, les Landes et la partie littorale des Basses Pyrénées. Puis en 1923, la Fédération des Syndicats d’initiatives Pyrénées-Guyenne-Gascogne éclate en Pyrénées-Côte Basque et Guyenne-Côte d’Argent ce qui montre une certaine régionalisation du tourisme.

  • 61 Archives Municipales de Mimizan. Compte-rendu de l’Assemblée générale du S.I. pour l’année 1921.

87En 1921, est créé un syndicat des Grands Lacs et de la Côte d’Argent pour entreprendre une propagande intense en France et à l’étranger, et se mettre en relation avec le T.C.F. Conçu pour réunir les efforts des communes du Born, le syndicat essaye de donner aux stations de Mimizan et Biscarrosse une image de marque populaire61.

Carte 6 : la territorialisation des S.I. entre 1921 et 1930

(D’après LARIQUE B., op. cit., p. 406-407)

  • 62 LARIQUE B., « Le capital touristique aquitain durant l’entre-deux-guerres » in Nouveaux regards sur (...)

88Comme l’a montré B. Larique62, l’action régionale, collective et concertée se développe par quatre grands volets :

    • 63 Cf. chapitre suivant sur la croissance des stations touristiques.

    la diversification de l’offre touristique qui passe par une meilleure adaptation à la demande touristique, suscite la création de nouvelles stations comme Hossegor mais aussi l’extension de stations dans des espaces littoraux plus ou moins vierges comme Pyla sur Mer, Biscarrosse, Mimizan...63

  • l’amélioration des infrastructures touristiques et notamment l’aménagement des stations

  • le perfectionnement de la desserte des stations comme l’a fait la Compagnie du Midi par un raccordement sur son réseau principal, par une réduction du temps de trajet et par une diminution du prix par une tarification adaptée

  • la promotion du tourisme par une politique publicitaire dynamique : affiche, panneau, réclame, prospectus touristique, réclame radiophonique ou cinématographique.

Illustration 11 : campagnes publicitaires des années vingt et trente

(Archives municipales et départementales)

  • 64 C’est le modèle de la femme « Chanel » lancé par Coco Chanel après-guerre.
  • 65 Nous reviendrons sur ces évolutions dans le chapitre 5.

89Sur ces nouvelles affiches des années vingt et trente, on remarque que le trait est plus stylisé, plus épuré. Mais de manière plus générale, elles montrent que le costume de bain a beaucoup évolué mais aussi le rapport à la mer et à la famille. En effet, cette fois nous n’avons plus une mère et ses enfants mais une femme seule, un peu « garçonne » tout en restant féminine64 ou un couple. Il s’agit donc d’attirer la femme émancipée après la Seconde Guerre mondiale mais aussi l’homme qui trouve que ces femmes sont la grâce incarnée. Il faut noter également l’image sportive qui se dégage de ces affiches : le golf pour Hossegor ou le nautisme pour Arcachon65. La présence de la mer ou du lac, de la plage et de la forêt est systématique. Les allusions au temps de transport n’y sont plus puisque c’est essentiellement l’automobile qui sert de moyen de locomotion. Seul demeure en gros, le nom de la station qui veut attirer les touristes. En effet, les affiches publicitaires de ces années d’entre-deux-guerres ne s’accompagnent plus de la litanie des installations et autres distractions qui est remplacée par une sorte de slogan qui reprend les éléments caractéristiques de la station : « Arcachon et son bassin », « Soulac sur Mer, sa plage, sa forêt » et « Hossegor, le golf, la forêt, le lac, la mer ».

  • 66 Archives Municipales d’Arcachon, registre des délibérations du Conseil Municipal, 1911 et 1912.

90En 1911, le maire d’Arcachon, M. Veyrier-Montagnères, est autorisé par le Conseil municipal à traiter, en vue de la publicité lumineuse à faire à Paris au profit d’Arcachon, pendant six mois, en 1912. Sur les écrans doivent être inscrits les mots suivants : « Arcachon. La Forêt. La Plage ». En outre, des articles élogieux sur Arcachon sont publiés dans les journaux étrangers, principalement en Angleterre66.

  • 67 A.D.L. 1 M 268, lettre du T.C.F. au Préfet des Landes, 14 mai 1929.

91En 1929, le TC. F. organise avec l’aide du crédit national hôtelier, de l’O.N.T., de la Compagnie du Midi et de la Fédération des S.I Guyenne-Gascogne-Côte d’Argent une tournée de propagande et d’étude pour développer le tourisme dans la région67. Cette tournée a lieu du 24 au 30 mai en passant par la Dordogne et le Lot et Garonne : elle passe sur la côte les mardi 28 et mercredi 29 mai.

92Malgré tous ces efforts, la politique touristique sur la Côte d’Argent n’a pas été grandement bouleversée et continue d’accuser un certain retard par rapport aux autres littoraux touristiques.

93Mais les moyens d’accès aux stations sont toujours insuffisants. En effet, pour se rendre dans les Landes, les automobiles ne peuvent emprunter qu’une seule route qui descend de Paris à Biarritz, la route d’Espagne. Une prise de conscience des élus locaux et régionaux sur le développement des infrastructures routières a lieu au début du siècle pour désenclaver le Sud Ouest.

94Dans l’entre-deux-guerres, il reste encore beaucoup de chemins de sable qu’on recouvre alors de branchages ou d’un tapis d’aiguilles de pin pour permettre d’évacuer l’eau plus rapidement. Mais à cause de la circulation et du vent, ces branchages se défont et les automobiles et autres charrettes se retrouvent ensablées.

95Dans l’entre-deux-guerres, l’idée du boulevard routier refait surface. Le 28 septembre 1929 notamment, l’Association Côte d’Argent-Côte Basque, qui compte quelques hommes politiques d’envergure, adopte à Dax les objectifs suivants :

  • 68 A.D.L. 8 M 142, statuts de l’association Côte d’Argent-Côte Basque.

96« mettre en relief les sites maritimes du Sud Ouest, d’aider à l’essor de la région et de faciliter les relations artistiques et internationales »68. Lors du conseil d’administration de 1930, il est noté l’envoi de dix sept lettres à divers parlementaires et personnalités de la presse pour préparer « un grand projet de boulevard national maritime » de la Côte d’Argent. Ainsi se poursuit l’œuvre de M. Martin par une autre voie. Cette route doit faire 128 kilomètres environ pour permettre une circulation plus rapide pour se rendre dans les stations balnéaires. Elle doit permettre aussi de désengorger la route nationale 10, cette colonne vertébrale des Landes. Mais une nouvelle fois les fonds manquent et cet ambitieux projet est abandonné. En 1930, pour la partie landaise, est publié au Journal Officiel la nationalisation de la route des lacs de la Côte d’Argent. L’administration des Ponts et Chaussées commence alors à remplacer le paillage par l’empierrement et le goudronnage. Il faut noter que

  • 69 A.D.L. 8 M 142, compte-rendu des assemblées générales de l’U.D.S.I.

97l’U.D.S.I. à laquelle participe M. Martin relance régulièrement les pouvoirs publics sur la construction de cette route des Lacs69.

La Côte d’Argent dans la tourmente de la guerre70

  • 70 Ce paragraphe a été en grande partie écrit grâce à BERGES L., WIEVORKA A., MADRELLE Ph., JAMET D. ( (...)

98Contrairement à la Première Guerre mondiale, le nouveau conflit mondial constitue une véritable rupture dans le développement touristique de la Côte d’Argent.

Carte 7 : Zone interdite, zone libre et zone occupée en Aquitaine

99Aux lendemains de la défaite française de l’été 1940, la France est désorganisée. Bordeaux devient en 1940, pour la troisième fois de son histoire, le siège du gouvernement, à nouveau lorsque la France est en danger, ce qui lui vaut le surnom de « capitale tragique ». Paul Reynaud, président du Conseil depuis mars 1940 abandonne son poste au profit du maréchal Philippe Pétain, partisan d’un armistice. Celui-ci est signé quelques jours plus tard, le 22 juin 1940, à Rethondes, en présence du Führer, Adolf Hitler. Au terme de cet armistice, 55 % du territoire national est occupé par les Allemands (zone occupée) ; le gouvernement français dirige la « zone libre » et siège désormais à Vichy.

100L’année 1940 est avant tout marquée par l’exode : dans toutes les régions situées au nord de la Loire, des milliers de personnes se ruent sur les routes pour gagner la « zone libre ». Une fois la défaite de l’armée française acquise, les Landes et la Gironde sont rapidement touchées, en particulier par les nombreuses conditions intégrées à la convention d’armistice. Conformément aux conventions de l’armistice, les deux départements sont coupés en deux ensembles par la ligne de démarcation.

  • 71 Adrien Marquet, s’engage dans la collaboration aux côtés de Marcel Déat avec lequel il avait fondé (...)

101L’ensemble du littoral atlantique représente en premier lieu un enjeu stratégique essentiel pour les forces d’occupation, et les départements des Landes et de la Gironde se trouvent donc coupé en deux, sa moitié ouest étant intégrée à la zone occupée. L’ensemble de la zone côtière est déclaré « Zone interdite », et plusieurs bases allemandes y sont installées. Sur le lac de Biscarrosse est installée la base des Hourtiquets pour les hydravions ravitaillant les sous-marins qui opèrent dans le golfe de Gascogne. Une base de la marine allemande est implantée à Mimizan. Des troupes nombreuses sont également postées le long de la ligne de démarcation ainsi qu’à Moliets et au sud de Tarnos, le long de l’embouchure de l’Adour, pour contrôler l’accès au port de Bayonne. Enfin, l’armée allemande surveille une série de camps de prisonniers sénégalais et nord-africains situés le long de la voie ferrée Hendaye-Dax-Bordeaux-Paris. Bordeaux est occupée par les Allemands avec des collaborateurs zélés comme le maire Adrien Marquet71 ou le secrétaire de préfecture Maurice Papon impliqué dans l’arrestation et la déportation de juifs bordelais. Le port de Bordeaux acquiert durant la guerre un rôle nouveau et majeur dans l’économie de guerre du Reich : une base sous-marine bétonnée est construite.

102A la fin de l’année 1940, la vie landaise tente toutefois de se réorganiser, sous la pression de multiples contraintes. Le monde rural est particulièrement touché par l’absence de quelque 10 000 soldats, retenus prisonniers dans le nord et l’est de la France puis, transférés en Allemagne. La plupart des exploitations connaissent ainsi un important ralentissement de leur activité. Les femmes, qui participent déjà activement aux travaux dans les champs et dans les pins, doivent assumer l’ensemble des tâches mais ne peuvent que suppléer partiellement à cette absence. De façon générale, le potentiel économique et surtout agricole des Landes de Gascogne représente un enjeu important pour l’occupant. Les autorités allemandes sont en particulier très intéressées par la production de gemme, utile pour la confection du caoutchouc nécessaire à la fabrication de pneus. Les 2 000 gemmeurs de la zone occupée se voient ainsi imposer des quotas de production par les autorités allemandes. L’importance de la gemme conduit même, en 1941, à la libération de 1 000 soldats, gemmeurs de la forêt de Gascogne, qui reprennent leur activité sous le contrôle de l’occupant. Les prisonniers sénégalais et nord-africains cantonnés dans le département sont également contraints de travailler dans les exploitations forestières. Le bois est destiné à l’organisation TODT, chargée de la construction du mur de l’Atlantique. Une part importante des autres produits agricoles, et particulièrement le blé produit en Chalosse, est également envoyé, en Allemagne. Les autres secteurs de l’économie landaise, notamment son potentiel industriel, sont également mis à profit par l’économie allemande. Les papeteries de Roquefort et de Tartas, l’ensemble des scieries et les usines d’aviation Potez, pourtant installées en zone libre, à Aire-Sur-l’Adour, travaillent ainsi à l’effort de guerre allemand.

103Face à l’occupation et au pouvoir pétainiste, la Résistance landaise est longue à se mettre en place, et il faut attendre l’année 1943 pour voir émerger des mouvements ou des réseaux structurés à l’échelle de tout le département. La Résistance se manifeste très tôt en Gironde de façon dispersée puis, sous l’effet de la restructuration nationale, elle se consolide de 1942 à 1943. Les services de renseignements français, anglais, américains, mêmes polonais implantèrent très rapidement, dés le début de l’occupation, les antennes capables de les informer. Des représentants de mouvements nationaux, comme « Libération-Nord » ou « l’Organisation Civile et Militaire », opérèrent dans le département. Ils furent rejoints par les F.T.P. (Francs-Tireurs Partisans), bras armé du Front National, d’obédience communiste, à partir du 22 juin 1941, date à laquelle l’Allemagne nazie déclencha son attaque contre la Russie. De plus en plus importante et organisée, elle peut envisager de mettre en place de véritables actions militaires ou de sabotage.

104Toutefois, ce n’est qu’au cours de l’année 1944 qu’elle parvient à être particulièrement active. Ainsi, à partir de juin 1944, voies ferrées, lignes téléphoniques et télégraphiques, lignes électriques et ponts sont ainsi systématiquement détruits avec pour objectif de couper l’envoi de renforts vers la Normandie et le nord de la France. Le 25 août, les Landes sont officiellement libérées. Un Comité départemental de libération d’une trentaine de membres est aussitôt formé, sous la présidence de Charles Lamarque-Cando, et désigne Paul Chany comme nouveau préfet des Landes. Après avoir quitté Périgueux et Agen le 19 août 1944 et Pau le 20, les Allemands quittent Bordeaux le 28 août 1944.

105Mais la bataille la plus importante a lieu dans le Médoc : sur une superficie d’environ 170 km2, les Allemands avaient transformé la pointe du Médoc en une véritable forteresse, comprenant plusieurs bataillons d’infanterie, plus de 200 blockhaus, 110 canons, et 800 000 mines. Les troupes des F.F.I. du colonel de Milleret venant de tout le Sud Ouest tiennent tête aux Allemands. Le 14 avril, l’opération « Vénérable » est déclenchée : en quatre jours, le 34ème régiment d’infanterie libère le Verdon puis la pointe de la Grave et reçoit la reddition de l’état-major allemand le 20 avril à 20 heures 30. Ces derniers combats ont coûté à l’ennemi de nombreux tués et près de 8000 prisonniers. Mais, côté français les pertes sont lourdes ; la réduction de la « poche » de Royan a fait 364 tués, 1567 blessés et 13 disparus.

Un contexte économique et social difficile : une Aquitaine blessée et déprimée après-guerre (1945-1958)

106Dans l’immédiat après-guerre, les conditions de vie des Landais sont difficiles et précaires. Les problèmes de ravitaillement rendent le quotidien difficile jusqu’au début des années 1950 et la pénurie touche particulièrement les denrées de première nécessité, comme le pain et la viande. Les zones rurales, lieux de production alimentaire, sont moins touchées que les villes du département, mais les manques se font sentir dans tous les milieux et les besoins, surtout en viande, ne sont pas satisfaits.

  • 72 Archives Municipales de Mimizan, 3 R 102, procès verbaux des assemblées générales du S.I. : celui d (...)

107L’Aquitaine ne sort pas indemne de la Seconde Guerre mondiale : elle a connu l’Occupation, les bombardements et les destructions massives. De plus, le littoral est défiguré par les constructions du Mur de l’Atlantique : les blockhaus construits sur les dunes enlaidissent le paysage, les champs de mines interdisent l’accès aux plages, les équipements hôteliers longtemps fermés et non entretenus se dégradent et les villas sont réquisitionnées par l’armée72. L’économie aquitaine déjà fragile sort encore plus meurtrie de ce conflit : il faut donc panser les plaies et repartir sur des bases nouvelles.

L’Aquitaine, le développement et la Reconstruction

  • 73 Sans vouloir entrer dans un débat philosophique ou idéologique, on peut affirmer que le caractère e (...)

108La question du retard de développement de l’Aquitaine est épineuse et longtemps débattue : il convient juste d’éviter les excès de misérabilisme ou d’euphorie. Selon les critères de développement et de modernité73, la région Aquitaine apparaît comme une région en retard. Mais ces critères ne semblent défavorables que pour une société industrielle, dans la perspective du développement d’une société post-industrielle valorisant l’immatériel, la notion d’espace libre et non industriel prend plus d’importance et peut constituer un atout.

109Après la guerre, le mouvement de reconstruction des stations et des infrastructures prend une grande ampleur sur la côte.

  • 74 Site internet http://www.histoiresocialedeslandes.org sous la direction de Cl. PENNETIER et J. MISC (...)

110On peut facilement dire que l’Aquitaine reste une région essentiellement rurale qui a raté la première industrialisation par sa position excentrée et son éloignement des zones industrialisées de l’économie française et européenne. A la Libération, se pose le problème du redémarrage d’une économie régionale essentiellement rurale. L’économie des Landes de Gascogne reste en effet basée sur une agriculture qui connaît de grosses difficultés malgré le développement d’un nouveau marché depuis les années Vingt avec l’exploitation de la pâte à papier à Mimizan et Facture. C’est dans la partie forestière que la dégradation de la situation économique consécutive aux années d’Occupation est la plus préoccupante. Un ensemble de facteurs écologiques, économiques et sociaux rend l’avenir des gemmeurs et de l’ensemble des travailleurs du bois de plus en plus incertain. En effet, le manque d’entretien du massif forestier durant l’Occupation a favorisé l’apparition d’incendies dès 1942. De 1942 à 1949, c’est au total 250 000 hectares de forêts qui sont détruits dans le département lors de plus d’un millier d’incendies. De nombreuses métairies sont détruites et l’invasion de parasites, comme les criquets en 1947, n’arrange pas la situation. La vague de froid de l’hiver 1956 accentue les difficultés : fragilisés par l’écorçage, les pins gèlent entre le 3 et le 28 février, et la récolte de 1956 est inférieure d’un tiers à celle obtenue en 1955. Les chantiers de gemmage sont ravagés74.

  • 75 Avant les pins étaient plantés sans ordre précis, ensuite pour favoriser le passage des machines et (...)

111Dans les années Cinquante, les gemmeurs, les petits paysans et les forestiers ne parviennent plus à subsister dans les limites strictes de leur travail. Suite aux incendies des années Quarante et Cinquante, la reconstruction de la forêt s’est en effet adaptée à de nouveaux impératifs économiques, en l’occurrence ceux de l’industrie papetière, très demandeuse en bois de trituration. Pour rentabiliser au maximum leurs exploitations, les propriétaires décident une nouvelle organisation de la forêt : la densification de la forêt par la mécanisation de la plantation et de l’exploitation75 rend la forêt inadaptée à la récolte de la gemme. Ainsi un siècle après la disparition du système agropastoral, vient le tour de l’économie résinière balayée par une économie forestière industrielle adaptée aux impératifs économiques. Le paysage se transforme avec une forêt plus dense, la société traditionnelle disparaît.

  • 76 Finalement après de nombreux soubresauts, l’usine ferme définitivement en septembre 1965.

112Les autres secteurs d’activités traditionnels connaissent également une crise qui entraîne les autres dans leur sillage. La crise de la pêche se solde par la fermeture de la dernière conserverie de Capbreton en 1954. Marginalisés par leur situation géographique, les sites industriels n’entrent pas dans le cadre de l’économie semi-planifiée des années 1940 et 1950 : au cours de l’été 1944, les forges de l’Adour fonctionnent encore au ralenti, du fait des difficultés de l’approvisionnement en matière première et de l’absence de très nombreux ouvriers, prisonniers de guerre, déportés ou clandestins. En 1945, avec le retour des prisonniers, les forges sont prêtes à reprendre leur activité et de nombreux jeunes cherchent un emploi. Fonte, aciers, rails et appareils de voie pour les chemins de fer sortent à nouveau des Forges, contribuant ainsi à la reconstruction des infrastructures détruites pendant la guerre sur tout le territoire français. La situation de l’entreprise reste toutefois précaire, comme le prouvent en 1947 les dispositions du plan Monnet, qui prévoit la fermeture des Forges de l’Adour, considérées comme un site industriel marginal. Grâce à la présence dans la délégation nationale C.G.T. au Plan Monnet de M. Malvaux, ingénieur des hauts-fourneaux de Tarnos, la fermeture est toutefois annulée. Malgré ce premier coup de semonce, l’activité continue et se renforce même, puisque les effectifs de l’usine dépassent les 2 000 salariés. La mise en place des premières structures de collaboration économique européenne, dans le cadre de la C. E. C. A. et du plan Schuman, prévoit en effet la fermeture de plusieurs sites dans le Sud Ouest de la France, dont les mines et les ateliers de Decazeville et Carmaux, l’usine sidérurgique de Floirac-Bordeaux, les Forges de l’Adour et l’usine Saint-Gobain de Boucau. L’usine de Boucau ferme en 1952, le syndicat C. G. T. des Forges parvient à repousser la fermeture et à faire moderniser l’usine76. D’autres secteurs, comme l’industrie bouchonnière ou l’industrie de transformation de la gemme sont quant à eux en bout de course. Malgré une importante progression jusqu’en 1950, l’industrie bouchonnière est ainsi atteinte par la crise qui touche cette activité au plan mondial et entre dans une phase de déclin. En 1955, il n’y a pratiquement plus de production locale de liège, et même si on compte encore quatorze usines dans les Landes en 1958, celles-ci sont condamnées à court ou moyen terme; l’industrie sidérurgique subit aussi une grave crise. L’économie régionale est donc entrée dans un cercle vicieux, lié à l’interdépendance des activités agricoles et industrielles, que le tourisme tente de briser.

  • 77 M. PENOUIL dans son article « Dix années d’évolution des structures économiques : l’Aquitaine reste (...)
  • 78 G. DI MEO et J.-C. HOUTMANN dans leur article « Parentis en Born et son pétrole » in Revue Géograph (...)

113Les traits essentiels du sous-développement de la région Aquitaine sont dus aux difficultés pour intégrer la région au tissu économique français voire européen. La rigidité des structures peut être un facteur déterminant dans l’inadaptation de la région aux nouvelles exigences du marché77 mais il ne faut pas négliger les facteurs conjoncturels comme la crise d’adaptation d’après-guerre. L’Aquitaine possède pourtant de solides atouts comme un port, Bordeaux, encore puissant et la découverte récente d’hydrocarbures comme le gaz de Lacq ou le pétrole de Parentis en Born. Ce dernier découvert en 1954 fait renaître l’espoir d’une possible industrialisation de l’Aquitaine mais son impact sur la région reste limité78. Néanmoins il a une influence non négligeable sur le tourisme. Il confère à la région une notoriété nationale, « l’or noir » attirant de nombreux touristes. De nombreux curieux se rendent donc sur place mais découvrent aussi le reste de la région, et par un excellent bouche à oreille la font connaître à leurs amis. La compagnie d’exploitation Esso-Rep a contribué à l’aménagement de la région en créant des routes accédant aux plages.

  • 79 Les comités d’expansion sont les instruments d’une politique d’aménagement du territoire mise en pl (...)

114Cette période est marquée par une prise de conscience du retard économique pris par la région qui nécessite donc une politique de réanimation et d’expansion par un effort d’industrialisation possible par les récentes découvertes de matières premières, de modernisation de l’agriculture et de développement du tourisme. Ce sentiment d’avoir été mis à l’écart du développement est ancré chez les responsables locaux qui privilégient alors le désenclavement et le développement régional. La recherche de solutions passe donc par la création en 1951 par J. Lajugie du Centre Universitaire d’Economie Régionale (futur Institut d’Economie Régionale du Sud Ouest, I.E.R.S.O.). En 1954, sur l’initiative de J. Chaban Delmas, maire de Bordeaux depuis 1947 et ministre des Travaux Publics, est créé le Centre d’Expansion Bordeaux-Sud Ouest79 qui devient Comité d’Expansion le 14 octobre 1955. Il représente le leadership de Bordeaux et de J. Chaban Delmas sur toute la région. Mais aucun ne parvient à résoudre le marasme économique aggravé par une crise régionale de 1958 à 1960.

  • 80 Le décret d’application du 20 juillet 1965 désigne les faiblesses comme l’éloignement géographique (...)

115La politique mise en place est alors primordiale car la régionalisation des plans nationaux a inspiré pendant quinze ans la politique de développement régional qui fonde l’identité et structure l’espace régional. Cependant les deux premiers plans français dits de modernisation et d’équipement (1947-1952, 1953-1957) ont été conçus à une échelle strictement nationale. Un bilan est dressé pour connaître les faiblesses de l’Aquitaine et ses atouts80 afin de présenter des orientations : effort d’industrialisation, perfectionnement de l’appareil commercial et développement touristique.

116L’atout essentiel de l’Aquitaine est donc son capital espace lié à une faible urbanisation et industrialisation qui permet donc au tourisme de se développer. Les stations profitent alors de la Reconstruction pour mener des opérations sur leur bâti qui doivent permettre d’offrir un meilleur accueil aux touristes.

Réhabilitation et reconstruction des infrastructures

  • 81 Archives Municipales de Mimizan, 1021, projet de reconstruction et d’aménagement du bourg et de la (...)

117Selon les stations, les dégâts de la Seconde Guerre mondiale sont plus ou moins importants. Dès 1944, l’Inspecteur Général de l’Urbanisme, basé à Bordeaux, lance des études pour la reconstruction des stations sinistrées81. Pour des opérations légères, les municipalités engagent des travaux d’élargissement des rues, de destruction d’immeubles et d’embellissement du front de mer. Les opérations lourdes concernent quelques vieilles stations de la côte comme Soulac, Arcachon, Biarritz et Saint Jean de Luz. Arcachon est l’une des moins touchées et en profite pour rénover son front de mer qui transforme profondément la physionomie de la station. Soulac et Le Verdon connaissent de nombreux incendies et de nombreux quartiers sont détruits.

118Pour toutes les stations, le front de mer est le centre de la vie touristique, c’est pourquoi les municipalités y consacrent un budget important. Les points d’attraction restent les casinos qui tentent une adaptation timide au tourisme de masse en offrant des tarifs plus bas et des spectacles plus populaires. Dans le même temps, les quartiers les plus anciens sont l’objet de politiques de rénovation : le quartier commerçant cherche à perdre son caractère trop urbain en multipliant les squares, les parcs et les rues semi-piétonnes. L’activité des stations est de nourrir, héberger et divertir la masse des touristes. Les magasins tournés vers la plastique du corps, le sport fleurissent. Mais pour que les touristes affluent, il est nécessaire de reconstruire les infrastructures.

119Mais les tempêtes des hivers 1950-51 et 1951-52 sont dévastatrices et remettent en cause les travaux de consolidation des dunes ou de lutte contre l’érosion. Elles obligent les communes à engager des travaux très coûteux pour remettre en état leurs plages ainsi défigurées. La tempête des 28-29 et 30 décembre 1951 est même qualifiée de raz-de-marée et balaye toute la côte d’Hendaye à Arcachon : à Hossegor, on constate que la dune a reculé de cinquante à soixante mètres !

120Les flux touristiques sont étroitement dépendant des facilités d’accès à la région touristique : la densité et la structure du réseau, les tarifs et les avantages ont une influence considérable.

  • 82 Pour A. D. CHANDLER dans La main visible des managers, Paris, Economica, 1989, 635 p., le chemin de (...)

121La guerre a profondément éprouvé le réseau ferré qui a souffert des combats et des actes de résistance : le pont de la Leyre à Lamothe est détruit ce qui interrompt la ligne Bordeaux-Hendaye. Mais la reconstitution et la remise en état du réseau se sont fait très rapidement : dès le troisième trimestre 1946, les ponts sont reconstruits. La S.N.C.F. a fait des efforts pour mettre à la disposition des voyageurs toute une gamme de trains rapides : en fait, c’est elle qui a préparé les transports de masse82 par l’importance des moyens mis en œuvre et par la mise en place de tarifs préférentiels pour développer le tourisme populaire.

  • 83 BOUGDIRA T., « Reconstruction des équipements collectifs de transport » in BONIN H., GUILLAUME S., (...)

122Mais au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le chemin de fer perd de l’importance au profit de l’automobile et de la route. En fait, le chemin de fer sert surtout pour faire parvenir rapidement et confortablement les touristes à l’entrée des grandes régions touristiques Bordeaux et le Bassin d’Arcachon alors que l’automobile permet de pénétrer plus au cœur de ces régions vers les stations. La guerre a laissé également des traces très importantes sur le réseau routier départemental : destructions de routes et d’ouvrages d’art par des bombardements, le manque d’entretien, l’usure anormale due aux convois militaires allemands et l’interdiction partielle puis générale des travaux publics83. Or la Libération amène son lot de restrictions qui constituent des goulots d’étranglement pour reconstituer le réseau routier et le développer : manque de matière première, restriction de carburant et de pneumatique... Malgré cela, les départements côtiers entreprennent rapidement la densification de leur réseau routier pour drainer au mieux les flux touristiques comme le montre le tableau 3. On constate le fort maillage local, par les routes départementales, du département de la Gironde et la faiblesse de celui des Landes, d’ailleurs déséquilibré entre la Haute Lande et la Chalosse, qui n’est que traversé comme le montre l’importance du réseau national avec notamment la R.N. 10.

  • 84 CHASSAGNAC F., op. cit., p. 31.

Tableau 3 : Densité du réseau routier dans les Landes et la Gironde (en km)84

Département

Année

Routes nationales

Routes départementales

Gironde

1948

763

4581

1953

779

4760

Landes

1948

919

1876

1954

907

1961

  • 85 Ce fonds est institué par la loi du 30 décembre 1951 et il est alimenté par les prélèvements sur le (...)

123Un fonds d’investissement routier85 sert à poursuivre un programme d’équipement routier avec l’aménagement en axe principal de l’axe Paris-Bordeaux et en secondaire de l’axe Bordeaux-Hendaye. Ces aménagements doivent permettre aux touristes de parvenir plus rapidement sur la Côte d’Argent mais créent aussi des fuites vers l’Espagne qui s’ouvre alors au tourisme sous l’impulsion de la politique d’ouverture des frontières du Général Franco.

124Il faut souligner aussi le rôle du port et de l’aéroport de Bordeaux dans la constitution de flux touristiques internationaux. A la fin du conflit mondial, les ouvrages d’accostage des avant-ports sont détruits et le chenal d’accès est obstrué par 18 navires coulés et des blockhaus en béton armé ce qui rend impossible l’exploitation des quais et du trafic. Mais en 1946, des travaux de dragage ont permis une reprise des liaisons maritimes. Quant à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac, ouvert seulement en 1940 au trafic de passagers, c’est un véritable champ de ruines. Les Services des bases aériennes en accord avec la Chambre de Commerce et d’industrie édifient une aérogare pendant que l’Etat aide à l’équipement technique de l’aéroport.

125La Côte d’Argent possède donc un réseau ferré, routier, maritime et aérien, même minimum, pour permettre l’accès à une région riche et variée mais inexploitée du fait de la faiblesse des flux qui y parviennent.

Une polarisation extrême des foyers réceptifs

126La touristifïcation ne s’est pas faite de manière égale sur tout le territoire de la Côte d’Argent : on trouve de grandes zones balnéaires, de grandes stations et des lieux quasi désertés par les touristes. Elle s’est donc effectuée autour de certains pôles balnéaires structurés grâce à la métropolisation de Bordeaux ou de Bayonne, grâce au développement des voies de communication. Le reste du territoire connaissant quant à lui d’importantes carences dans ces domaines.

127Les causes de l’inégal développement de la vie balnéaire sont de deux ordres : interne et externe. Dans le premier cas, c’est l’influence des grandes agglomérations sur les stations et les flux touristiques qu’elles génèrent. Dans le deuxième cas, c’est le manque de prise en compte de la région par les politiques de développement nationales qui se veulent égalitaristes sans s’occuper des retards et de l’avance des uns et des autres. Enfin, elles se mêlent sur le point des infrastructures de base qui dépendent aussi bien des administrations locales que nationales.

  • 86 Le « désert landais » comme l’appelle le géographe L. Papy.

128L’Aquitaine apparaît comme une périphérie délaissée par rapport au cœur économique et politique de la France que sont Paris et à sa périphérie intégrée, le Nord Est de l’Hexagone. En effet, les Landes de Gascogne souffrent d’une mauvaise situation et d’une réputation de désert humain86. Ainsi les Landes ont toujours été évitées par les voies de communication importantes même si le chemin de fer les a tirées de leur isolement. En fait les Landes de Gascogne sont plus traversées que visitées.

  • 87 Archives du S.I. de Biscarrosse Plage : les assemblées générales et conseils d’administration souli (...)

129Les routes les défavorisent encore : la nationale 10 traverse les Landes du Nord au Sud sans véritable influence sur la côte. Au contraire elle aurait tendance à favoriser la fuite des touristes vers l’Espagne. L’accès aux stations se fait par un réseau en dent de peigne souvent médiocre qui les relie au réseau général. Il faut noter aussi que la route dite des étangs qui pourrait servir d’axe de développement, est étroite et lente ce qui ne favorise pas la venue en masse des touristes. Le tronçon entre Biscarrosse Plage et Arcachon, pourtant réclamé avec force par le S.I. de Biscarrosse87, est inutilisable alors qu’il pourrait aider au développement de cette zone en évitant l’effet cul de sac.

130La concentration de population pose des problèmes d’urbanisme : le tout à l’égout et les stations d’épuration, la voirie et l’éclairage coûtent cher pour ne fonctionner que quelques mois. Des problèmes de sécurité se posent aussi car la concentration de population facilite les vols. L’essor de la demande en eau potable nécessite une plus grande lutte contre les pollutions urbaines, industrielles et agricoles.

  • 88 Sud Ouest, tribune libre de L. Blanc (directeur des Papeteries de Gascogne), 20 septembre 1971.

131La Côte d’Argent connaît une carence sérieuse en matière d’assainissement, d’adduction d’eau et de routes : deux ou trois communes seulement possèdent une station d’épuration y compris dans les zones surchargées en été menaçant de pollutions les lacs girondins et landais dans lesquels se déversent les effluents non traités. Certaines zones côtières sont confrontées à des risques de coupure d’eau potable en période de pointe. Dans les Landes, 11 communes littorales sur 18 n’ont pas d’adduction d’eau potable : Biscarrosse, Parentis en Born, Aureilhan, Saint Julien en Born, Vielle, Azur, Vieux Boucau, Seignosse, Bénesse, Labenne, Saint Martin de Seignanx. Comme nous l’avons vu, le réseau routier se révèle sous-dimensionné pour supporter le trafic estival. Les plages sont jonchées de débris et de détritus divers rejetés par la mer et délaissés par les touristes. Il faut souligner aussi le sous-équipement de la région en réseau électrique et téléphonique. En effet, il faut parfois plus de quatre heures en certains points du littoral pour avoir une communication téléphonique avec Paris88.

132Par tradition, beaucoup de Bordelais possèdent une maison de plaisance grâce au développement du chemin de fer Arcachon-Bordeaux et Royan-Bordeaux. L’emprise de l’agglomération bordelaise se fait plus forte après la Première Guerre mondiale et pendant l’entre-deux-guerres, les Bordelais affluent sur les rivages du Bassin d’Arcachon et de Lacanau. Les Landes de Gascogne sont donc soumises à l’influence du pôle régional principal : la capitale régionale, Bordeaux, qui étend son influence dans un rayon d’une heure en voiture de la pointe du Médoc à la zone des grands lacs landais ainsi la population bordelaise s’est petit à petit accaparée son littoral proche et lui a donné son caractère. Mais il ne faut pas oublier Bayonne qui, quant à elle, voit son rayonnement se limiter au sud des Landes sur Capbreton-Hossegor.

  • 89 BURNET L., op. cit., p. 253

133Ainsi « Arcachon elle-même ne peut échapper à l’attraction puissante de la grande ville qui l’a fait naître [...] La puissance de l’agglomération bordelaise, sa richesse, suffiraient largement à entretenir la villégiature dans cette zone côtière »89. C’est un cas de sujétion typique d’une ville sur une autre : on parle de métropolisation qui s’exerce par les deux routes directes entre le Bassin d’Arcachon et Bordeaux, l’une vers le nord arrive en direction du Cap Ferret, l’autre vers le sud arrive au Teich.

134Capbreton-Hossegor est favorisée, quant à elle, par la proximité de Bayonne à vingt kilomètres mais aussi huit kilomètres du chemin de fer et de la route nationale 10. En fait, la saturation de la Côte Basque au niveau de la conurbation Bayonne-Anglet-Biarritz, profite à Hossegor par transfert de flux.

135De cette forte attraction des deux pôles régionaux, Bordeaux et Bayonne, l’une sur la pointe du Médoc et le Bassin d’Arcachon, l’autre sur la côte sud des Landes, résulte une occupation de l’espace disparate avec deux grands foyers de tourisme.

136Comme on peut le constater sur la carte suivante, les foyers récepteurs de la Côte d’Argent sont concentrés autour des anciennes stations classées : Soulac, Arcachon, Mimizan et Hossegor. Cependant, les deux foyers majeurs de tourisme sont le Bassin d’Arcachon et la conurbation Capbreton-Hossegor. Cette polarisation est due à la réputation des stations qui ont su drainer vers elles les flux de touristes mais il ne faut pas négliger l’influence des grandes villes voisines et les carences des infrastructures qui font que la fréquentation reste régionale.

137En dehors du Bassin d’Arcachon qui est, déjà presque entièrement urbanisé, les 235 kilomètres de côtes quasi sauvages ne comptent que seize stations balnéaires, une quinzaine de plages dites sauvages et certains secteurs sont plus ou moins occupés : la côte médocaine entre Hourtin et Le Porge, la côte landaise entre Biscarrosse et Mimizan. Enfin la conurbation du sud des Landes annonce déjà la côte basque.

  • 90 BOYE M., DANEY Ch., Une histoire du Bassin, Arcachon, entre landes et océan, éd. Mollat, Bordeaux, (...)

138La proximité de Bordeaux est à l’origine de la naissance d’Arcachon et de sa fortune. C’est la ligne de chemin de fer Bordeaux-La Teste de Buch qui est au départ de tout : c’est la troisième ligne de France qui est ensuite prolongée jusqu’au quartier balnéaire d’Arcachon débouchant sur la séparation douloureuse entre les deux communes. Selon le mot de M. Boyé, « Arcachon : le nom dépasse la ville [...] Arcachon, Bassin, bassin d’Arcachon, ces noms sont aujourd’hui garantis insécables sans qu’il y ait pour autant appropriation de la ville par le Bassin ou du Bassin par la ville. Sans esprit de souveraineté mais non toujours sans arrière-pensées. [...] Arcachon, sans le Bassin, ne serait pas ce qu’il est mais le Bassin, sans Arcachon, serait toujours une anse perdue entre pins et Océan, quelque part au long du golfe de Gascogne »90.

  • 91 BURNETL., op. cit., p. 223.

Carte 8 : Les grands foyers d’hébergement de la Côte d’Argent dans les années 195091

139Le Bassin d’Arcachon est une zone touristique à forte capacité d’accueil dominé par trois stations : Arcachon, Andernos et la Teste de Buch (Bourg, Cazaux, Pilat, Cap Ferret).

  • 92 BURNET L., op. cit., p. 268.

140Arcachon agit en capitale du Bassin d’Arcachon et rayonne sur La Teste de Buch et Andernos qui profitent des afflux d’estivants et s’affirment comme des centres modestes de tourisme. Créé par D. Meller en 1922, le quartier de Pyla sur Mer prolonge Arcachon vers la dune de Pilat à travers le village du Moulleau. Exploitant les migrations touristiques, le Bassin d’Arcachon dans son ensemble devient un centre de tourisme : le Cap Ferret, Arès et Gujan Mestras se mutent en petits centres balnéaires. Mais la fonction prédominante reste la villégiature car les villas et résidences secondaires, souvent possédées par des Bordelais, sont supérieures en qualité et en quantité. L. Burnet évalue à 7 000 le nombre de villas et appartements sur le pourtour du Basin d’Arachon, et à 40 000 le nombre d’estivants qui y séjournent92.

141La zone de la pointe du Médoc est une région dominée par deux stations complémentaires : Soulac et Montalivet. Le littoral médocain est peu fréquenté en dehors de la station de Soulac. Celle-ci, sous la dépendance de Bordeaux, est en fait une grosse agglomération de villas et d’hôtels. Mais il est également favorisé par de nouvelles pratiques de camping et de naturisme à Vendays-Montalivet et à l’Amélie.

142La zone des étangs médocains est dominée par la station de Lacanau. Celle-ci, née dans l’entre-deux-guerres, regroupe 200 chambres d’hôtels. La station Carcans-Maubuisson-Bombannes est plus équilibrée que Lacanau : elle allie le nautisme à Bombannes, le naturisme au camping du Lac à Carcans et la villégiature à Maubuisson. Hourtin ne connaît qu’un développement limité.

  • 93 Archives du S.I. de Biscarrosse. Dans la correspondance du 4 novembre 1953 entre le président du S. (...)

143Le littoral nord des Landes est peu favorisé, éloigné de Bordeaux et presque inaccessible d’Arcachon en l’absence d’une voie longitudinale ce qui le prive d’une clientèle urbaine. Le tourisme ne s’est développé qu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Biscarrosse Plage commence à peine sa formation tandis que Mimizan Plage doit son succès à son courant et regroupe 800 villas, leur développement est timide et ne s’amplifie qu’à la fin des années cinquante. Le développement économique de ce secteur peut poser des problèmes : la base de tir de Cazaux, la papeterie et les puits de pétrole apportent leur lot de nuisances auxquelles les touristes balnéaires sont très sensibles93. Le centre des Landes offre peu de place au tourisme ou plutôt se voue à un tourisme sauvage à Contis et Vielle Saint Girons.

  • 94 BURNET L., op. cit., p. 269.

144Les stations jumelles d’Hossegor et Capbreton, situées à vingt kilomètres de Bayonne, connaissent un développement rapide du tourisme. Capbreton-Hossegor est une vaste agglomération balnéaire, mais où chacune garde son identité, qui se déploie dans un site unique au bord d’un lac d’eau de mer et d’une forêt qui crée un microclimat. C’est ce qui fait l’originalité de cette conurbation et sa mise en valeur se fait dans le respect de son site : c’est un lieu de séjour familial agréable. Les 3 500 villas et appartements dispersées dans la forêt reçoivent quelques 20 000 personnes selon L. Burnet94. La pénétration du tourisme commence à se faire vers le Nord : Moliets et Vieux Boucau sont fréquentés par des clientèles plus modestes. Ainsi se crée une véritable zone tournée vers le tourisme. Labenne est la plus méridionale des plages landaises.

  • 95 BOYER M, Histoire du tourisme de masse, P.U.F., Paris, 1999, p. 42.
  • 96 M. CHADEFAUD dans Aux origines du tourisme dans les pays de l’Adour. Du mythe à l’espace : un essai (...)

145L’attractivité est liée à des éléments concrets mais aussi à l’appréciation subjective, la représentation imagée. La perception de l’espace et sa représentation relèvent donc d’une composante culturelle et socio-psychologique. L’espace est perçu à travers le prisme déformant des goûts, des modes et du conformisme qui créent des distorsions susceptibles d’apparaître entre l’image et la réalité. La notion d’image est donc fondamentale. Les nouveaux touristes n’inventent pas de nouvelles formes de tourisme, l’époque du tourisme aristocratique a réalisé la transmission du voyage et de la villégiature. Ainsi « le touriste ne va pas vers les choses ou les lieux mais vers leur image »95. De plus, comme l’a démontré le géographe M. Chadefaud, les mythes sont les idéaux des groupes sociaux dominants qui créent des modes qui se traduisent par des images dans les classes dominées96. Cette image découle aussi des campagnes publicitaires des Syndicats d’Initiatives, de la réputation de la station souvent issue des guides et des impressions des touristes. Les mass media véhiculent des images qui ne sont pas toujours en phase avec la réalité ce qui peut créer des désillusions.

146La discontinuité et les carences du tourisme littoral en matière de polarisation notamment reflètent les traits d’un hinterland marqué par la très forte ruralité du « désert landais ». Seule Bordeaux a suscité le développement de petits centres de villégiature sur le Bassin d’Arcachon et la côte médocaine. L’Aquitaine a donc construit en grande partie un tourisme pour elle-même et à la mesure de son niveau de développement.

147La Seconde Guerre mondiale n’a pas épargné les stations littorales et les infrastructures. Elle a apporté son lot de destruction et la côte jalonnée de blockhaus porte encore les stigmates de l’occupation allemande et du Mur de l’Atlantique. La Reconstruction, ainsi que la démocratisation de la demande permet un nouvel élan au tourisme littoral sur la Côte d’Argent.

Vers l’aménagement de la Côte d’Argent ?

148Les structures d’accueil, d’hébergement et de transport suivent la demande croissante due à la démocratisation du tourisme. Cette évolution spontanée de la fréquentation, et des hébergements surtout, n’est en aucun cas entravée par les collectivités territoriales. Bien au contraire, face à l’indifférence de l’Etat, les communes et départements encouragent le tourisme comme source de revenus supplémentaires. Or cette croissance menace gravement le tourisme lui-même à cause des nuisances qu’elle suscite comme la pollution, les problèmes de circulation : c’est pourquoi dans les années Cinquante et le début des années Soixante, l’Etat commence à intervenir dans le domaine du tourisme au nom d’une doctrine qui se constitue alors.

149Certaines stations choisissent de laisser faire pour satisfaire une forte croissance alors que d’autres décident de limiter cette croissance qui peut dénaturer leur capital touristique. Les stations peuvent faire des choix en termes d’architecture, d’urbanisme, de tourisme et de planification des aménagements.

150La croissance des capacités d’hébergements s’effectue selon deux directions : la croissance verticale et la croissance horizontale. La première est le plus souvent liée aux initiatives privées des promoteurs et la seconde aux communes qui encouragent le développement des lotissements.

151Le front de mer est, depuis le développement du tourisme, la vitrine privilégiée des stations touristiques. On y trouve les éléments qui font la renommée de la station c’est-à-dire les belles villas issues du tourisme de luxe, le casino, les grands hôtels et les établissements de bain quand ils subsistent. Le front de mer est un lieu de circulation avec une vue souvent exceptionnelle : lieu de promenade sous des allées de tamaris ou de circulation automobile.

152Mais dans les années Cinquante, le prix élevé du mètre carré en front de mer oblige les promoteurs à construire en hauteur pour rentabiliser au maximum leur investissement. Ce phénomène contribue à concentrer des populations sans cesse plus nombreuses dans un espace à la limite de la saturation : les rivages sont occupés et les centres villes, souvent au tissu urbain ancien, sont saturés par la circulation automobile notamment. Cette tendance est forte à Arcachon où l’espace disponible est limité. Elle est moins forte dans des stations comme Biscarrosse même si le nombre d’immeubles augmente aussi.

153Cependant dans une ville comme Hossegor, les villas résistent dans l’esprit de sa conception de ville-parc, quelques secteurs limités connaissent la verticalité. Parallèlement à ce processus de croissance verticale, on constate une forte extension des espaces balnéaires.

  • 97 LAHONDERE V., op. cit., pp. 157-172

154A partir du tissu urbain ancien des stations et des vieux bourgs intérieurs, autour des plans d’eau et le long des pénétrantes, les campings et les lotissements se multiplient pour accueillir des touristes plus nombreux. La plupart du temps, tout se passe dans une atmosphère de laisser-faire car les opérations se font sans objectif précis d’aménagement. Cette croissance horizontale se fait selon trois processus étudiés par V. Lahondère97 :

155en tâche d’huile à partir du tissu ancien le long des pénétrantes par l’urbanisation des espaces interstitiels comme à Andernos et Capbreton,

156croissance parallèle ou perpendiculaire à la côte comme au Cap Ferret et à Biscarrosse,

157croissance autour d’un plan d’eau ou d’un hameau surtout par des groupements de cabanons formés plus ou moins clandestinement non seulement sur des terrains communaux comme à Biscarrosse autour des hameaux de Navarrosse, Ispe et Maguide où se développent sans autorisation des lotissements anarchiques ne respectant aucune norme sanitaire ou de sécurité ; ce phénomène est encouragé par le développement du nautisme, notamment sur l’étang de Lacanau qui est un pôle d’attraction de premier ordre pour la station, dans le quartier de Longarisse et à Hourtin autour des petits villages de Piqueyrot et Lachanau ; mais aussi sur des terrains du domaine public maritime notamment autour du Bassin d’Arcachon avec les villages de pêcheurs de l’Herbe, de Piraillan et du Canon. A Mimizan, la bordure du courant s’urbanise dans les années Cinquante. Hossegor crée des quartiers pour une clientèle riche : Super Golf et Super Hossegor.

158En fait ces communes ont bénéficié des circonstances favorables comme le besoin de logements, lié à une longue période des années Trente aux années cinquante de faible construction, une législation favorable, une large facilité de crédits, les progrès de la motorisation individuelle qui autorisent les déplacements quotidiens de travailleurs et les déplacements touristiques, le développement de la villégiature par la modification hebdomadaire du travail, les besoins d’évasion et l’inadaptation de l’hôtellerie et l’absence d’anciennes maisons rurales à aménager.

  • 98 MESPLIER-PINET J., « Tourisme et aménagement de l’espace » in Région et aménagement du territoire. (...)

159Les risques de pollution s’aggravent avec le développement vertical et horizontal des stations qui concentrent des populations croissantes. Or cette pollution menace la base même du tourisme en l’absence de réglementation : le capital nature. En effet, l’espace touristique est en évolution rapide et devient rare et fragile. « L’espace touristique s’autodétruit, c’est-à-dire qu’en tant que site naturel il exerce un pouvoir d’attraction sur les touristes puis les aménageurs, peu à peu, le transforment jusqu’à le déformer afin de répondre à une demande de plus en plus forte »98.

160L’urbanisation des bourgs en bordure des étangs, des courants et du Bassin d’Arcachon a entraîné une augmentation de la pollution des eaux par écoulement des égouts et des ruisseaux contaminés par la traversée des zones habitées et par les effluents mal épurés notamment des papeteries de Facture et de Mimizan. La prolifération au bord de l’eau des campings et lotissements sauvages dépourvus d’équipements sanitaires suffisants amplifie les risques en période estivale surtout en période de pointe. La navigation de plaisance sur le Bassin d’Arcachon et les étangs dégrade la qualité des eaux.

161L’urbanisation des cordons dunaires alors que le littoral n’est pas fixé et la multiplication des passages des touristes dans les dunes entraînent une fragilisation et une dégradation de ce milieu sensible. Malgré ce développement de l’urbanisation, l’hébergement constitue le goulot d’étranglement du développement touristique que des politiques d’aménagement nationales peuvent venir réduire.

162Ainsi cette peur de la pollution totale et irréversible, le dégoût de la surpopulation, de la défiguration et de l’intoxication du littoral commencent à se développer dans l’esprit des touristes. Toutes sortes de pollutions marines existent, clandestines ou manifestes, cachées ou spectaculaires : ordures domestiques, déchets industriels, eaux usées, marées noires, goudrons, huiles, essences, pesticides...

163Face au retard de développement du Midi et à la croissance désordonnée du tourisme, l’Etat réagit par une politique de planification inspirée par les théories économiques du moment : Etat Providence et keynésianisme. L’examen de cette nouvelle politique publique sort des limites chronologiques définies précédemment mais elle forme un tout pour finir l’étude du processus de changement des relations centre / périphérie.

164Le concept de planification « à la française » est né après guerre. En effet, l’expansion économique a exacerbé les disparités régionales et la classe politique s’entend pour redistribuer les fruits de la croissance de façon plus équitable sur l’ensemble du territoire. Le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, E. Claudius Petit, élève de Le Corbusier, partisan d’un courant humaniste et solidariste, suit J.-F. Gravier dans son analyse Paris et le désert français publiée en 1947 contre la planification quantitative et crée la Direction de l’Aménagement du Territoire en 1949 pour un rééquilibrage régional.

165Cette volonté interventionniste de l’Etat débouche sur la création d’un nouvel outil institutionnel. Issue de la réforme du 15 février 1963 par le gouvernement de G. Pompidou, la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (D.A.T.A.R.) doit aboutir à une unité de conception en matière de planification. Elle est chargée de concevoir, de coordonner et de mettre en œuvre une politique dans le domaine qui lui est assigné. Elle doit résoudre les problèmes économiques régionaux. Utilisation optimale et organisation rationnelle de l’espace sont les maîtres mots de cette administration technocratique.

  • 99 Le tourisme a été rattaché successivement à tous les ministères possibles sans jamais trouver un an (...)

166L’Etat a pris conscience de la manne financière colossale que peut induire le tourisme. C’est pourquoi la politique du tourisme s’est intégrée peu à peu dans le cadre d’une politique économique et sociale globale. Cette approche veut coordonner les intérêts des secteurs privés et publics. Dans un premier temps, l’aménagement touristique est considéré comme un simple outil de complément. Mais cette politique touristique est handicapée par l’absence de reconnaissance du tourisme comme une branche économique à part entière, par l’incapacité à trouver un rattachement administratif au tourisme99 et par la diversité des intervenants à l’échelon local ce qui empêche une politique cohérente et efficace.

  • 100 MESPLIER-PINET J., « La politique touristique en France : un bilan à l’heure de la décentralisation (...)

167Dans les années Cinquante, le tourisme sert de soutien à la modernisation et à l’équipement de la France d’après guerre100. Afin de reconquérir une identité nationale, le tourisme offre des atouts indéniables. Le redressement a été permis par les trois premiers plans (1948-1961) qui se voit à travers le baby boom et l’urbanisation, l’élévation générale du niveau de vie et la pratique étendue des congés payés, et l’utilisation du secteur touristique dans le sens de l’identité nationale : rendre à la France sa renommée d’avant guerre. Pour remplir cet objectif, il faut donc accroître la part de la France dans le tourisme international et augmenter le potentiel d’accueil touristique.

168Cette période de la politique touristique en France valorise essentiellement l’hôtellerie de haut niveau pour entraîner de fortes entrées de devises. Mais le passage à la Cinquième République commence à réorienter l’action touristique en France.

169En conclusion, la période de la Belle Epoque et de l’entre-deux-guerres est cruciale du point de vue de l’identité du littoral forgée grâce au tourisme. Cette côte qui n’avait pas de véritable identité transcrite dans un nom se voit doter de l’appellation « Côte d’Argent » au cours d’une opération marketing s’inscrivant dans le contexte national d’identification des côtes touristiques. Cette identité imposée par un groupe de personnes va trouver un écho favorable dans les milieux politiques et économiques de la région. Cependant, face aux identités basques et charentaises assez développées, le concepteur de cette identification doit revoir ses exigences. Il faut noter que finalement la Côte d’Argent regroupe un espace qui a bel et bien une identité propre : c’est la côte des Landes de Gascogne qui se caractérise par son triptyque paysager : plage de sable fin, forêt de pins maritimes et étangs d’eau douce. Et cette création identitaire est encore une fois laissée à l’initiative privée, l’Etat surveillant cela de très loin.

170Mais le tourisme reste un phénomène économique marginal dans une région à majorité rurale et sylvicole. Cependant l’enrichissement des propriétaires forestiers grâce à la hausse des prix de la résine a permis l’émergence d’une nouvelle clientèle pour le développement local de certaines stations. Chaque bourg s’est doté d’une plage et s’est vu relié par le chemin de fer.

171Puis le déclin économique de la région mobilise beaucoup d’énergies et dans cette lutte pour la survie d’une identité locale rurale le tourisme paraît assez futile surtout que la crise accentue les difficultés. La plupart des stations ayant une clientèle locale voire régionale sont touchées par la crise et malgré la loi sur les congés payés, la clientèle est rare. Les stations cosmopolites sont touchées car les rentiers ont beaucoup perdu dans la crise.

172A travers les revenus touristiques et les enquêtes de fréquentation, le secteur touristique a connu une reprise importante au début des années cinquante qui s’est traduit par une croissance des stations touristiques même modestes selon des stratégies plus ou moins conformes à leur image. Cette période est donc caractérisée par un développement spontané du tourisme qui fait courir le risque aux stations de perdre ce qui fait leur attrait. L’Etat, quant à lui, se soucie simplement d’accompagner le développement social du tourisme par des mesures incitatives. Il laisse aux collectivités territoriales le soin de s’occuper de la planification souvent soumise à la pression des intérêts particuliers des promoteurs et lotisseurs ce qui conduit à une certaine privatisation de lieux d’intérêt public.

173Il apparaît que la démocratisation du tourisme a eu un impact non négligeable sur le renforcement des disparités de développement entre les différents secteurs touristiques et sur la dégradation de la qualité des sites. En fait, cette diversité des situations entre plages sauvages et stations urbanisées est un atout pour attirer des touristes d’horizons différents. Cependant, le tourisme reste un phénomène encore limité sur l’essentiel de la côte en raison de la faiblesse des équipements des stations et les problèmes d’infrastructures de base. Ce retard de la côte des Landes de Gascogne s’explique par l’étroitesse de sa clientèle car elle reste à l’écart des grandes migrations touristiques. En effet, il reste une activité régionale dominée par les centres urbains que sont Bordeaux, Bayonne, Pau, Mont de Marsan et Dax.

174C’est dans un contexte économique difficile pour la région que l’Etat commence à mettre en place une politique touristique valorisant des secteurs connaissant des retards de développement. Les espoirs du développement touristique se portent sur les domaines économiques avec la création d’emploi et le décollage de la région, et sociaux par l’accession de tous à la propriété, aux loisirs et aux vacances.

175L’opération de Maurice Martin et des différents réseaux gascons qui s’agitent, a eu le mérite de réveiller l’intérêt pour la Côte d’Argent mais la vision d’ensemble de cet homme sombre avec la crise des activités traditionnelles et avec la spéculation immobilière qui aboutit à une croissance désordonnée des stations touristiques.

Notes

2 DAUGE C., Sonets del mar, Poème n° XXXVI, cité et traduit par FENIE J.-J., « Césaire Daugé et la Côte d’Argent » in Cent ans de Côte d’Argent, Actes du colloque de Léon du 7 mai 2005, Mémoire en Marensin, 2007, pp. 61-68 : « Les Parisiens la trouve si belle/qu’ils ont projeté un boulevard bétonné/pour la voir se jouer lorsqu’ils traversent les pignadas ».

3 Géographiquement les Landes de Gascogne comprennent le plateau sablonneux qui s’étend sur les départements de la Gironde et des Landes.

4 On retrouve souvent ces affiches sous forme de cartes postales conservées aux archives municipales ou départementales.

5 Stéphen Liégeard publie La Côte d’Azur en 1887.

6 A.D.G. 6 J 111, cartes des côtes de France.

7 A.D.G., 7 M 683, boulevard automobile d’Arcachon à Bayonne, projet d’une route automobile en bois de l’embouchure de la Gironde à Biarritz, 1904-1935.

8 LATRY G., « L’invention de la Côte d’Argent : de la légende à l’histoire » in Cent ans de Côte d’Argent, Actes du colloque de Léon du 7 mai 2005, Mémoire en Marensin, 2007. p. 29.

9 MARTIN M., La Côte d’Argent, d’Arcachon à Biarritz, Gounouilhou, Bordeaux, 1906.

10 PEYRESBLANQUES J., « Maurice Martin et la Côte d’Argent » in Cent ans de Côte d’Argent, Actes du colloque de Léon du 7 mai 2005, Mémoire en Marensin, 2007 évoque « l’idée de génie dont l’auteur est Maurice Martin » p. 51, « un éclair de poète » p. 53 mais aussi DUTEN J.-M., « la bataille de la Côte d’Argent » in Cahiers du Sud landais n° 1, SADIPAC, Capbreton, 2003 qui dit « l’illumination lui vint en arrivant à Mimizan ».

11 C’est F. Canton, secrétaire général de la marie d’Arcachon et conseiller du maire M. Veyrier-Montagnères qui rapporte ces informations dans son Arcachon, Pages d’Histoire locale 1896-1925, Bordeaux. Gounouilhou, 1930.

12 Archives municipales d’Arcachon, registre des délibérations du Conseil Municipal.

13 Le Républicain landais, 4 janvier 1905.

14 CANTON F., op. cil.

15 MARTIN M., op. cil.

16 MARTIN M., op. cit. et Le triptyque, poèmes de la Côte d’Argent, Paris, Le Beau Livre, 1922.

17 FENIE J.-J., L’invention de la Côte d’Argent, Confluences, Bordeaux, 2005, p. 16.

18 Le Républicain Landais, 10 novembre 1905 et MARTIN M., op. cit.

19 A.D.L. ; carte exposée extraite du Panorama du littoral de la Gascogne de Royan à Biarritz, par J. Arnaud.

20 CANTON F, op. cit.

21 A.D.L., recueil microfilmé de coupures de presse d’Henry Léon propriétaire de la Gazette de Biarritz.

22 Pyrénées Océan, « Vive la Côte d’Argent », 22 juillet 1906.

23 Pyrénées Océan, « Vive la Côte d’Emeraude », 22 juillet 1906.

24 Pyrénées Océan, « La Côte d’Argent », 5 août 1906.

25 La Gazette de Biarritz, « Verte ou d’argent ? A Paul Mieille », 30 septembre 1906.

26 L’Auto-journal, « L’Azur, l’Emeraude et l’Argent », décembre 1906.

27 La Gazette de Biarritz, 16 novembre 1906.

28 Biarritz thermal, « Biarritz-Côte basque ou Côte d’Emeraude ? », 5 mai 1907.

29 MARTIN M., Comment visiter la Côte d’Argent ? En chemin de fer, en auto, à bicyclette, Bordeaux, 1925, p. 1-2.

30 Cf. les illustrations ci-dessus.

31 CANTON F., op. cil.

32 Congrès National des Sociétés Savantes de Géographie, juillet 1907.

33 Sud Ouest, « Lacanau loin de la bataille », mardi 8 août 2006.

34 CLEMENS J., Le bassin d’Arcachon, Coll. Mémoire en images, ed. Sutton, Tours, 1997, p. 113.

35 Archives Nationales 78 AQ 5 à 11.

36 Collectif, Le Groupe Gascogne, Une aventure industrielle née de la forêt (1925-2000), 2 volumes, Editions Confluences, Bordeaux, 2000. Tome 1 : C. MONTEIL et J. CROUAU, Histoire des Papeteries de Gascogne (1925-1970), précédée de La forêt landaise et le développement de l’activité industrielle par P. ROUSSET, préface de Ph. Blanc, 1971, rééd. 2000, 332 p. Tome 2 : P. ROUSSET, Histoire du Groupe Gascogne (1970-2000), 2000, 552 p.

37 Les métayers comme les gemmeurs sont exclus de la propriété privée, n’ont pas le statut d’ouvriers et doivent une redevance à leur propriétaire sous la forme de la moitié de la gemme récoltée. Leur activité est régie par la loi du 18 juillet 1889 relative au métayage dite loi du bail à colonat paritaire.

38 Sud Ouest hors série de mai 2006, Un été 1936, p. 2-9 ; DUPUY F., Le pin de la discorde, les rapports de métayage dans la Grande Lande, Editions de la Maison des Sciences de l’Homme, Paris, 1996 ; REBERE J., Les mutations de la sylviculture dans la Grande Lande de la veille de Première Guerre mondiale Jusqu’en 1945, mémoire de maîtrise d’histoire contemporaine sous la dir. de Ch. Bouneau, Bordeaux 3, 2000.

39 Le 11 février 1934, un meeting réunit 2 000 gemmeurs à Soustons. La manifestation du 18 mars 1934 est un grand succès : 15 000 travailleurs des Landes, de la Gironde, du Lot-et-Garonne défilent dans les rues de Mont-de-Marsan. La grève est très dure et de nombreux affrontements ont lieu entre grévistes et non-grévistes, ces derniers retrouvant leurs pots brisés. Le 14 avril 1935, 12 000 gemmeurs des trois départements du Sud Ouest se réunissent aux arènes du Bouscat, près de Bordeaux ce qui aboutit au vote de la loi du 5 juillet 1935, qui offre une prime à l’exportation de produits résineux et assure donc une augmentation du prix de la gemme. Un organisme placé sous l’égide des hauts fonctionnaires des Eaux et Forêts, et dans lequel les gemmeurs sont représentés, est dès lors chargé de fixer les primes.

40 A.D.L., élections des 26 avril et 3 mai 1936.

41 A.D.G., 3 M 287-290 : Elections des 26 avril et 3 mai 1936.

42 Les patrons se souviennent des grandes et difficiles grèves de 1930 et négocient très rapidement.

43 A.D.G. 6 M 1098, O.N.I.B. (1936-1940). Le rôle attribué à cet organisme est de fixer le prix et les conditions d’échelonnement dans le temps des achats aux producteurs, et de gérer les importations et exportations des céréales panifiables.

44 Comme à l’échelle nationale, ce comité regroupait l’ensemble des professions concernées par le marché du blé, des producteurs aux consommateurs, en passant par les marchands et les meuniers.

45 « Syndicalisme et luttes en terre landaise (1905-1950) » in Aperçu d’histoire sociale en Aquitaine n° 75, revue de l’Institut C.G.T. d’histoire sociale d’Aquitaine, 4ème trimestre 2004.

46 RAUCH A., op. cit., p. 97 et p. 100.

47 Ministère de la Guerre, Comité consultatif d’action économique de la 18ème région. Enquête sur la reprise et le développement de l’industrie dans la région landaise, Bordeaux, Delmas, 1917, 325 p.

48 Article 1er de la Loi du 15 juin 1907, Journal Officiel, 16 juin 1907.

49 Article 1er de la Loi du 13 avril 1910, Journal Officiel, 15 avril 1910.

50 Article 10 de la Loi du 24 septembre 1919, Journal Officiel, 26 septembre 1919.

51 ELUERE A., « Notes sur le développement urbain et touristique des Landes » in Urbanisme, janvier 1937, p. 29.

52 D’après le site internet de l’Automobile Club des Landes http://www.automobileclub-landes.org

53 A.D.L. 1 M 268, lettre du ministre des travaux publics et des transports à M. le Préfet des Landes, 8 août 1917.

54 Dans le chapitre suivant, nous reviendrons sur leur rôle dans la croissance touristique.

55 Il faut souligner le débat pour savoir quel organisme a été le premier syndicat d’initiative. Le syndicat d’initiative de Grenoble créé en 1889 est le plus proche de ce qui existe aujourd’hui alors que l’Union Syndicale de Pau en 1859, le Comité de Promenade de Gérardmer en 1875 et l’Union des Intérêts thermaux de Cauterets en 1884 n’ont pas exactement le même rôle que les syndicats d’initiative. Ces derniers en sont des précurseurs.

56 Cet homme est le créateur quelques temps après du SI de Bordeaux. Archives des S.I. de Bordeaux et d’Arcachon

57 LARIQUE B., L’économie du tourisme en France des années 1890 à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Organisation et développement d’un secteur socio-économique. Thèse d’histoire sous la direction de Ch. Bouneau, Bordeaux 3, 2006, 765 p.

58 Archives Municipales de Mimizan, Archives du S.I., fondation du S.I.

59 Archives du S.I. de Biscarrosse, fondation du S.I.

60 Archives du S.I. de Bordeaux.

61 Archives Municipales de Mimizan. Compte-rendu de l’Assemblée générale du S.I. pour l’année 1921.

62 LARIQUE B., « Le capital touristique aquitain durant l’entre-deux-guerres » in Nouveaux regards sur l’histoire économique de l’Aquitaine, Bordeaux, M.S.H.A., pp. 196-197.

63 Cf. chapitre suivant sur la croissance des stations touristiques.

64 C’est le modèle de la femme « Chanel » lancé par Coco Chanel après-guerre.

65 Nous reviendrons sur ces évolutions dans le chapitre 5.

66 Archives Municipales d’Arcachon, registre des délibérations du Conseil Municipal, 1911 et 1912.

67 A.D.L. 1 M 268, lettre du T.C.F. au Préfet des Landes, 14 mai 1929.

68 A.D.L. 8 M 142, statuts de l’association Côte d’Argent-Côte Basque.

69 A.D.L. 8 M 142, compte-rendu des assemblées générales de l’U.D.S.I.

70 Ce paragraphe a été en grande partie écrit grâce à BERGES L., WIEVORKA A., MADRELLE Ph., JAMET D. (dir.), La Seconde Guerre mondiale en Gironde par tes textes, Archives Départementales de la Gironde, Le Festin, Collection Mémoire de la Gironde, 2006, Bordeaux, 333 p. et SALLABERRY F., Aquitaine allemande, Bordeaux, Gironde, Landes, Pays Basque, 1940-1945, J. et D. Ed., Biarritz, 1995, 173 p. ; LORM1ER D., La Résistance dans le Sud Ouest, Sud Ouest, Bordeaux, 1989, 253 p. ; GOUBELLE M., La Résistance dans les Landes, Comité d’Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, Paris, 1979, 177 p. ; SOULEAU Ph., La ligne de démarcation en Gironde, occupation, résistance et société, 1940-1944, Fanlac, Périgueux, 1998, 362 p.

71 Adrien Marquet, s’engage dans la collaboration aux côtés de Marcel Déat avec lequel il avait fondé avant-guerre le parti des néo-socialistes, proches des idées fascistes.

72 Archives Municipales de Mimizan, 3 R 102, procès verbaux des assemblées générales du S.I. : celui du 7 avril 1946 demande la réparation des villas et la fin de leur occupation par des marins pour relancer le tourisme, et des travaux de déminage et d’entretien de la ville ; du 22 avril 1946 annonce que la taxe de séjour est rétablie, que des prisonniers généraux allemands ont œuvré pour le désensablement de la ville, et qui demande un maître-baigneur pour la saison ; du 28 avril 1946 pose le problème des réquisitions de villas.

73 Sans vouloir entrer dans un débat philosophique ou idéologique, on peut affirmer que le caractère essentiel de la modernité est sa relativité, dans l’espace, le temps et les mentalités.

74 Site internet http://www.histoiresocialedeslandes.org sous la direction de Cl. PENNETIER et J. MISCHI, conseil général des Landes, 2003.

75 Avant les pins étaient plantés sans ordre précis, ensuite pour favoriser le passage des machines et rentabiliser la parcelle, les pins sont plantés de manière régulière et alignés. Cette nouvelle forêt pose un problème écologique majeur avec l’effet domino lors des tempêtes qui agitent périodiquement le littoral.

76 Finalement après de nombreux soubresauts, l’usine ferme définitivement en septembre 1965.

77 M. PENOUIL dans son article « Dix années d’évolution des structures économiques : l’Aquitaine reste une région en retard » in Revue Juridique et Economique du Sud Ouest n° 4, éd. Bière, Bordeaux, 1968, pp. 671-740 pose comme point de départ les problèmes structurels de l’Aquitaine pour expliquer ses difficultés : des entreprises souvent familiales n’ont pas les moyens de se moderniser et l’esprit d’entreprise fait souvent défaut aux entrepreneurs.

78 G. DI MEO et J.-C. HOUTMANN dans leur article « Parentis en Born et son pétrole » in Revue Géographique des Pyrénées et du Sud Ouest, t. 44, fasc. 2-3, Toulouse, 1986, pp. 573-587 démontrent les espoirs et les désillusions suscités par l’exploitation pétrolière, et ses limites.

79 Les comités d’expansion sont les instruments d’une politique d’aménagement du territoire mise en place par les gouvernements de P. Mendès France et E. Faure. Le décret du 11 décembre 1954 crée les comités d’expansion économique pour regrouper les forces vives d’une région pour son développement économique. Cependant ses compétences restent vagues.

80 Le décret d’application du 20 juillet 1965 désigne les faiblesses comme l’éloignement géographique doublé d’un enclavement terrestre dû à une mauvaise desserte routière, sous-emploi de la main d’œuvre, sous- industrialisation et activités de services peu développées, et des atouts comme la découverte de ressources, les potentialités du pôle industriel bordelais et la disposition d’espace pour l’implantation de zones industrielles et le développement du tourisme.

81 Archives Municipales de Mimizan, 1021, projet de reconstruction et d’aménagement du bourg et de la plage de Mimizan réalisé par le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme.

82 Pour A. D. CHANDLER dans La main visible des managers, Paris, Economica, 1989, 635 p., le chemin de fer est au cœur du développement d’une consommation de masse car il permet la coordination de flux de plus en plus importants de passagers et de marchandises.

83 BOUGDIRA T., « Reconstruction des équipements collectifs de transport » in BONIN H., GUILLAUME S., LACHAISE B. (dir.), Bordeaux et la Gironde pendant la Reconstruction (1945-54), Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine, Talence, 1997, p. 28.

84 CHASSAGNAC F., op. cit., p. 31.

85 Ce fonds est institué par la loi du 30 décembre 1951 et il est alimenté par les prélèvements sur le produit des taxes sur l’essence.

86 Le « désert landais » comme l’appelle le géographe L. Papy.

87 Archives du S.I. de Biscarrosse Plage : les assemblées générales et conseils d’administration soulignent l’intérêt touristique de la piste construite par les Allemands mais interdite à la circulation par les Domaines, l’abondante correspondance entamée en 1949 entre le président du S.I. et le Commissaire général au Tourisme, le préfet des Landes, le président du Conseil Général, le Conservateur des Eaux et Forêts, l’ingénieur des Ponts et Chaussées, le sénateur-maire d’Arcachon et président du Conseil Général de Gironde, le maire de La Teste de Buch, les présidents des S.I. concernés, le président de l’Union Départementale des Syndicats d’Initiatives pour aboutir au financement de la route en 1963 !

88 Sud Ouest, tribune libre de L. Blanc (directeur des Papeteries de Gascogne), 20 septembre 1971.

89 BURNET L., op. cit., p. 253

90 BOYE M., DANEY Ch., Une histoire du Bassin, Arcachon, entre landes et océan, éd. Mollat, Bordeaux, 1995, p. 7.

91 BURNETL., op. cit., p. 223.

92 BURNET L., op. cit., p. 268.

93 Archives du S.I. de Biscarrosse. Dans la correspondance du 4 novembre 1953 entre le président du S.I. de Biscarrosse Plage, R. Dufau, et le député maire d’Arcachon, L. de Gracia, le premier exprime sa peur sur les conséquences que peut avoir la base aérienne sur le développement touristique. Le conseil d’administration du S.I. de Biscarrosse du 27 juin 1954 montre son inquiétude quant à la prospection pétrolière. Enfin le président Dufau adresse une lettre aux sénateurs, aux députés et au préfet pour se plaindre des tirs pendant la saison estivale qui font du tort à l’économie touristique.

94 BURNET L., op. cit., p. 269.

95 BOYER M, Histoire du tourisme de masse, P.U.F., Paris, 1999, p. 42.

96 M. CHADEFAUD dans Aux origines du tourisme dans les pays de l’Adour. Du mythe à l’espace : un essai de géographie historique propose cette idée séduisante, mais teintée de marxisme et de structuralisme, de l’imitation et de structuration de l’espace par les mythes.

97 LAHONDERE V., op. cit., pp. 157-172

98 MESPLIER-PINET J., « Tourisme et aménagement de l’espace » in Région et aménagement du territoire. Mélanges offerts à J. Lajugie, éd. Bière, Bordeaux, 1985, p. 792.

99 Le tourisme a été rattaché successivement à tous les ministères possibles sans jamais trouver un ancrage valable puisque le tourisme est pluridisciplinaire.

100 MESPLIER-PINET J., « La politique touristique en France : un bilan à l’heure de la décentralisation » in Revue économique du Sud Ouest n° 2, éd. Bière, Bordeaux, 1987, pp. 135-136.

Table des illustrations

Légende Illustration 5 : Affiches Belle Epoque des stations de Soulac sur Mer et d’Arcachon
Crédits (Archives Municipales de Bordeaux)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 63k
Légende Illustration 6 : Maurice Vigneau, Alphonse Bacon et Maurice Martin9
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 11k
Légende Illustration 7 : La caravane aux Galouneys entre Arcachon et Biscarrosse15
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 26k
Légende Illustration 8 : La caravane sur la côte à Biscarrosse
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 23k
Légende Carte 5 : Le projet de boulevard entre Arcachon et Biarritz19
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 62k
Légende Illustration 9 : Une carte postale de 1909 avec la mention « Côte d’Argent »
Crédits (Archives Municipales d’Arcachon)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 28k
Légende Illustration 10 : Un hôtel de Moliets et Maa prenant l’appellation « Côte d’Argent »
Crédits (Archives Départementales des Landes)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 28k
Crédits Carte 6 : la territorialisation des S.I. entre 1921 et 1930
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-8.jpg
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Légende Illustration 11 : campagnes publicitaires des années vingt et trente
Crédits (Archives municipales et départementales)
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
Légende Carte 7 : Zone interdite, zone libre et zone occupée en Aquitaine
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 23k
Légende Carte 8 : Les grands foyers d’hébergement de la Côte d’Argent dans les années 195091
URL http://books.openedition.org/pumi/docannexe/image/25861/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 31k

© Presses universitaires du Midi, 2012

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